Polyèdre cristallin des souvenirs de Coise.
On pousse à Coise comme une branche sur l’arbre ablagé Avec le temps les Ramures rejoindront les nues « Laissez la libre pousse des branches ! », dit un curé Bês ! Tous les Robin se noieront dans le Salut…
Grand-maman et grand-papa étaient paysans Ils restaient plantés là devant l’abaragnée Le soir passaient à la ferme deux trois abouchants Ça discutait d’un parent mort dans les tranchées…
Les mouches bombinent autour des puanteurs d’automne A l’heure pénible de la fumure acuchonée On salit les pompes aurorales et les cloches sonnent Afin que la prière balaie tous les péchés…
De vieux métiers peuplaient les quatre coins des bourgs Même si les putains y étaient franc rejetées Puisque la loi des bigotes régissait l’amour Il fallait des jolis mâles mieux se protéger…
Les bistrots ont la fragrance des Gitanes maïs Les vieux y affluent à borgnette d’un pas ridé On papote gentiment, le cœur gorgé d’anis Les derniers partis ont la voix toute éraillée…
On n’est pas vraiment aristocrate par ici Tant la Terre a pris possession de ces gens-là J’ai vu des mains d’ogres, creusées et endolories Qui saignaient le jour d’un mariage en plein repas…
Je me souviens d’un grand-père assis près du poêle Il restait des heures sur la naine blanche des peines L’Aventure, ça se cueillait sans hisser les voiles, C’était la clé des chants de bodes faute de sirènes…
Adon, c’était la courte paille pour les études Maman a eu la chance de tirer la plus grande La sœur des pupitres, dénicheuse d’aptitude, L’envoya étudier les Zola et les Sand…
Je me revois enfant rêveur en ce pays Qui offrait à ma vue repue monts et merveilles On explorait le corps des cousines sur des lits De fortune… Ô petits jeux coquins de nos veilles !
J’aimais Malval et Grataloup pour leurs odeurs Ça sentait bon le Rustique, les vieux oripeaux De tristes bitors pendus faisaient le bonheur Des narines éveillées dans l’ombre, tout là -haut…
Les grands-mères des marais ne sont pas arrapées ; Les serpents fuient les porte-monnaie qu’on déterre. Bien qu’elles aient parfois le cœur gros et élimé, Z’ont le cœur large et les prés quiets de Déméter…
Y’avait Nanar qui revenait borfe de la chasse Avec sa cartouchière, son fusil, ses « oussi !» C’était la fol Gloire de mon Oncle à Larajasse, Les garigues sont des champs à barabans cafis…
L’évangéliste Jean est le patron des foins Les dailles échaplées miroitent au soleil d’été Celui qui fainéante trop doit quitter le coin S’il se garde les gotchillons et va borvoler…
De vieilles veuves édentées se traînent au cimetière Elles viennent fleurir les tombes des anciens combattants Le sol du Labyrinthe maudit les sabotières Tant le labourage s’accentue au fil des ans…
Les bals à la campagne ont bien mauvaise haleine ; Des tonneaux coule le doux breuvage qui rend moins con La lie des villes y abonde, c’est pourquoi, vilaine, La vieille à la santé du Borgne boit des canons…
Les sourires de l’Entraide ornent le pays ; Sa robe d’azur fait la couverture aux moissons… Les Tâches s’enchaînent et miroitent à l’Astre établi Puis se lavent le soir à la niôle du patron…
Coise a eu sa révolution à la française Des monts et champs montaient des chants de doléances Les bourgs avaient leurs gueux bien avant les Gervaise Millet était là pour s’en faire sa belle Byzance…
Les rires champêtres s’irriguent aux acolailles A défaut de confort, on aime le Réconfort A l’Effort mêlé. Ô Fête à cochon ! Aïe ! Aïe ! On y saigne l’animal qui hurle à la mort…
Je me souviens des Cènes à la mort des années On se partageait le pain et le bon pinard L’église s’enveloppait d’une aura étoilée Des baisers chauds circulaient, gonflaient l’Âtre hilare…
Ici on est riche de vertus, de bonne foi Chrétienne et catholique… Mais l’Art est à la ville… L’Annie a mis son grain… Ô tables de la Loi ! Ô Tréteaux du Grand Val ! Les Incompris tombent pile !
Au Mille- Club on laissait de côté sa tenue De semaine, sa retenue au soir du Réveil Que chaque Nouvel An ravivait à la charrue ; Le Village se serrait dans une ruche à abeilles…
Je contemplais le néon aux mouches léthargiques Sans doute trop repues de bousats et de fion On s’esquintait les feuilles sur le pré des Colchiques A coup de quintes, de modes majeurs, d’accordéons…
A l’heure où les poëtes se rendent sur Saturne Des brabants s’affairent à rider le Front des champs La piautre est détestée, on préfère l’Etoile diurne Ô Barbizon, belle meille de tous les harassements…
Le monde des vieux pelotonnés se rapetisse Mamie est un peru ridé dans une panière Parmi la Graine, le Mûr, le Verdit encore lisse Ça va « du lit au lit » sur une île en plein vert…
Au téléphone, mère-grand est souvent barbeleuse Les nouvelles se propagent vite aux champs d’épandage La mère machin nous fait une tumeur cancéreuse Le Guy est mort au volant après l’arrosage…
Au faîte des Monts trône l’archange déchu des Grands Soirs ; Voici le fameux idiot bobias du Village S’est marié avec Celle qui a toujours le noir ; Cocktail explosif… Folklore… Oh ! Bel Etayage !
La paysanne n’avait pas le temps de galer ; L’aube la voyait faire la buïe dans les lessiveuses Du zinc s’échappait la buée des Propretés On rinçait à la serve parmi les mïes chougneuses…
Chez tantine Odile on s’en lètchait les babines Car elle avait la main blanche de la fromagère Savait faire le sirat de ses papilles divines Ô salou ! Que j’aimais devant toi faire pranière !
Les villageois s’habillent en dimanche pour la messe Où l’on remet les pendules à l’heure des nuées ; Les « Mon Dieu, je Vous l’offre ! » poussent au froid des tristesses Qui prennent les âmes des humbles comme au temps des corvées…
Après les rendez-vous pris avec le Seigneur On va se seoir aux tables en bois. Ô Rituel ! L’esprit des guerriers morts plane dans le secteur Marianne contre : « Pas de débordement par l’aile ! »
De jeunes gens en vert montent en bagnole à Saint- Sym Et se joignent à deux trois soûlards dans un café Ça bajasse du Révolu, un verre à la main Au comptoir, quelques mots : cancer… Cirrhose… Larqué…
La destinée des bêtes est cruelle par ici Le cirque est ailleurs, z’ont pas vu l’Homme- Eléphant ; Les bœufs se meurent, se tuent à tirer le drobli Les devenants de blagues ont peut-être des sentiments…
Ainsi ai-je parachevé mon travail d’orfèvre ; J’ai ceint le diadème du Beau, du Verbe des Monts Mon chant est un Prisme de Quartz qui baise les lèvres De la Terre- Mère des anciennes civilisations…
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