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Annonce : Noélie au bois dormant.
Publié par Vadnirosta le 10-03-2023 20:33:33 ( 130 lectures ) Articles du même auteur



Noélie au bois dormant.

(conte)








Printemps 1222. Alors que les arbres ouvraient de grands bras fleuris un peu partout, Georges du Mât, peintre attitré du roi, tenait les rênes du comté des Alpes. Il vivait avec son épouse et sa fille Noélie au château de la Tronche près de Grenoble.
Les jours s'allongeaient comme une étreinte appelée au lit. Dans sa chaumière près du château, Pauvre Martin aimait écouter le chant heureux de quelques trouvères égarés. Mieux que quiconque, ces amoureux de la rime racontaient le vent doux d'avril qui colportait les rires de Noélie par delà les vieilles montagnes.
Devant la majesté d'un tel paysage couronné, le village environnant offrait un peu d'humilité. D'ailleurs, depuis des mois, une rumeur y faisait son nid, passant par ici, repassant par là, telle une femme éphémère au cœur vagabond.
Sous les frêles toitures, on parlait d'une bergère sauvage qui, paraît-il, aimait à rencontrer le bouquetin solitaire les soirs de lune...
Mais brusquement, les vents devinrent contraires aux pas blancs des nuages et à la marche sereine du bonheur. Le ciel se chargea de gros nuages lourds puis commença à se lézarder. Alors les plaies de la nuit se rouvrirent, béantes, comme une mauvaise fée oubliée.
Une myriade d'éclairs maléfiques jaillit des fissures purulentes dans un fracas vengeur. Noélie tomba de son rêve et hurla à la mort. Elle était ruisselante de sueur et son cœur battait la chamade. Très vite, elle se mit à vomir une enfance trop douloureuse. Réduit à l'impuissance la plus totale, le comte fit appel le lendemain aux meilleurs médecins du royaume.
Les jours passaient et les hommes de science défilaient encore et encore, tête baissée à la sortie du château. Nul ne parvenait à déceler la nature de ce mal inconnu.
Dans la petite tête de Noélie, il faisait immensément pluie, il faisait immensément orage, il faisait immensément tristesse. Aussi la petite fille se réfugiait souvent dans l'excès de nourriture pour remédier vainement à ses blessures d'enfant. Pour la consoler, son père, naïf, l'invitait à manger les mets les plus réputés du comté des Alpes. Elle goûtait ainsi avec outrance au reblochon de Savoie.
Mais la mauvaise fée errait encore en chaque recoin de son petit être et jusque dans ses pires cauchemars. Alors, en cachette, elle vomissait sans gloire la vermine, le faste et le dégoût de sa chair.
Puis, vint ce tragique jour de mars 1223. Depuis quelques nuits déjà, Noélie ne dormait plus. La mauvaise fée veillait à sa torture de crépuscule à aurore, ne lui laissant aucun répit. Une nuit, la pétille dans ses yeux s'injecta de sang et de fureur. Ses mains devinrent gluantes lorsque les yeux révulsés, elle voulut embrasser Noélie de sa bouche cariée en crachant son haleine de cadavre. Face à tant d'horreurs pour son petit corps d'oiseau, la jeune fille n'eût d'autre choix que de se laisser mener au tunnel blanc si apaisant dont parlaient depuis longtemps les sages.
Noélie saisit d'une main la fiole que lui tendait la fée et but le poison. Elle mourut aussitôt.
Au petit matin, une servante venant lui apporter le petit déjeuner aperçut son corps inerte. Elle poussa un cri strident d'animal blessé puis, reprenant son sang froid, elle fit venir le comte.
Au château, depuis cette horrible journée de mars, la vie se traînait comme ciel de traîne. En proie à une mélancolie extrême, les aiguilles des horloges peinaient à tourner. Le comte, lui, ne peignait plus, ne mangeait plus, ne vivait plus. Il se sentait affreusement coupable d'avoir laissé sa fille mourir dans l'abandon et crut lui-même perdre la tête à plusieurs reprises. En effet, par moments, ses angoisses étaient si fortes et si oppressantes, qu'il crut passer de vie à trépas, comme étouffé par un boa. Un jour, n'en pouvant plus, il courut à la cuisine, empoigna le couteau du boucher et menaça de tuer tous les habitants du château. Du haut de sa géhenne, la mauvaise fée jubilait devant ce chaos. Emportée par son élan assassin et pervers, elle décida de jeter à nouveau un mauvais sort sur le comté des Alpes. Guidée par une jalousie extrême, elle prit la résolution d'endormir pour l'éternité la noble bâtisse et par là même tout le village environnant.
Depuis toujours, elle souhaitait une totale déchéance pour ce comte qu'elle haïssait. Aussi, peu à peu, le chiendent envahit anarchiquement ce paysage désolé et, à partir de ce jour, le comté des Alpes tomba dans l'oubli le plus total...
Bien des années passèrent. Désormais, le château était devenu inaccessible car une végétation luxuriante avait pris possession des lieux. Des sapins et des pins géants côtoyaient les ronces et le chiendent. Le lierre qui courait le long des vieux murs avait enterré l'âge d'or de la seigneurie, lui laissant les vestiges surannés d'une civilisation oubliée.
Tout près d'ici, le comté rhodanien était alors à l'apogée de sa gloire et rayonnait sur le flanc droit du royaume de France. Le seigneur de ce grand domaine avait un fils, prince d'une petite bourgade au sud de Lyon. Ce dernier avait entendu parler du comté des Alpes, de sa renommée passée et surtout d'une jeune princesse qui avait succombé d'un mal mystérieux et qui attendait d'être réveillée. Le jeune prince n'avait pas d'épouse et souffrait de solitude. Aussi décida-t-il un jour de se rendre sur les lieux. Arrivé près de Grenoble, il héla un bûcheron pour savoir à qui appartenait ces tours que l'on apercevait au-dessus des arbres. La bûcheron lui conta alors la terrible légende, expliquant la malédiction d'une vieille fée et la léthargie curieuse de toute une seigneurie.
Le prince, de plus en plus déterminé, prit congé de son interlocuteur puis décida de trancher les ronces avec le fer et l'épée. Il découvrit alors le château de la Tronche qui sommeillait debout dans les broussailles. Il courut jusqu'à la tour où dormait la princesse. En entrant, il vit les toiles d'araignées, la poussière, ridules d'un faste perdu. Noélie était allongée sur un lit majestueux. Une aura fraîche et paisible émanait de son petit corps innocent.
Le prince, ému devant tant de beauté, lui baisa délicatement les lèvres. Noélie ouvrit les yeux et, enchantée, dit au prince: « je vous attendais mon amour. Jusqu'à présent, la vie n'avait semé en moi que souffrances et chagrin. A présent vous êtes là et je serai heureuse. »
Ainsi, après tant et tant d'années maudites, le mal fut conjuré à jamais.
Bientôt, tous les habitants du château se réveillèrent et reprirent leurs occupations coutumières. Partout dans la seigneurie la vie refleurit comme un pommier renaissant. Le comte sortit à nouveau son chevalet et se mit à peindre les plus beaux paysages alpins inondés de soleil. L'azur d'été chassa ses angoisses de naguère et les rires lui revinrent au visage comme une cascade enjouée. Le bouquetin solitaire sortit de son antre et courut chercher la jeune bergère sur le front serein d'une montagne enneigée. Quant aux broussailles qui étouffaient jadis le château, elles disparurent à jamais laissant place à des rosiers magnifiques aux parfums odoriférants. Offrant de vastes bleuités profondes, le ciel dentellier, lui, s'allégea comme une femme à dénuder. Un vent tiède et apaisant se leva soudain, s'enveloppa tendrement autour du château, l'étreignit, et balaya cent ans de vermine, de vieillesse et d'abandon. Le comte n'en crut d'abord pas ses yeux. Lui-même et son château venaient d'être sauvés de la tyrannie par un jeune prince dont il ne connaissait pas même le nom. D'où venait-il? Était-il l'envoyé du Seigneur? Il ne sut quoi lui dire. Pourtant, il savait que ce prince était l'Étoile que voulait fouler Noélie dans ses rêves les plus secrets.
Aussi lui fit-il cadeau de toutes ces richesses et lui promit la main de sa fille.
Une semaine plus tard, les deux amoureux se marièrent. Le château entier fut convié à la cérémonie qui s'acheva par un bal. On but du vin de Moselle, on dansa au son de la vielle.
Les troubadours furent invités à semer au vent leurs chants d'amour. Les funambules exécutèrent les plus belles acrobaties. Chacun apporta sa pierre à ce merveilleux édifice que l'on appelle l'Amour...
Après tant d'agitation, de douces folies, de rires jusqu'aux nuages, le château recouvrit son calme et son printemps habituel. Les arbres en fleur, les torrents clairs et l'azur empourpré insufflaient jeunesse et renouveau aux montagnes endormies. Afin d'accueillir noblement un tel bonheur, le comte fit orner le château de jolies oriflammes aux couleurs d'un soleil éclatant.
Quant à Noélie, elle vécut heureuse avec son prince. Tous deux allaient souvent s'allonger sur les coteaux pour écouter le gazouillement des hirondelles et le rire des torrents.
La vieille fée quitta le royaume pour toujours, emportant avec elle tous les hivers, toutes les meurtrissures et tous les boulets. Elle avait bel et bien perdu la bataille, du moins sur le comté des Alpes.
Une nuit, Noélie et son prince allèrent près du torrent, véritable havre de paix pour cerfs et biches. Ils croisèrent le bouquetin solitaire: il marchait avec la bergère, les yeux unis vers le même rêve, vers le même horizon...
















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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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