C'est le pompon Il était un jour, Ou peut-être une nuit", Le saurons nous jamais ? Notre rêve s'enfuit. Un gentil poète si maladroit, Père d'un facétieux pompon, Qui fit trois petits tours puis s'échappa.
Ah ça ! c'est le pompon ! Tonna la savante voix. Du haut de sa chaire en pâte à bois. Là haut, perché, un grand mamamouchi, Promu par lui seul docteur es poésie Se leva et de l'ordre exigea. Depuis peu ce censeur, Titulaire en chaire magistrale, Tenait sans frémir les règles, les lois, De la syntaxe, la typo, l'orthographe, Satisfait de la subite valeur de son paraphe Pourvoyeur d'erreurs et de questions, Chasseur de virgule et point de suspension Pourchassant chez les autres, L'ignorance et la déraison. Pendant ce temps en liberté, Le pompon, lui, voletait avec grâce, De ci, de là, Insouciant et léger, De son univers faisait la trace, Séduisant et aimé, Goguenard, il alla voir la mer, Mais la mer s'était retirée Et tout était à l'envers ! Il conquit des âmes élégantes, Enthousiasmées par sa fantaisie, Sous les mots fous qui chantent Le pompon était sourire et douceur, Il soufflait des songes de vie; il était le poète et le bonheur.
Mais la voix dans sa souveraineté, Du fond de sa raideur se gaussa : Mais où est passé le pompon ? Mais enfin, où est-il donc ? Et où donc est la mer ? Corrections, corrections ! Ordonna le hutin en colère. Il fallu poser les questions, Justifier, éclaircir cette affaire. Mais de l'ordre que diable! Si la poésie en prend ainsi à son aise, C'est l'intolérable gabegie. La liberté est un crime inexpiable. Du sens, mais du sens je vous dis. S'écria le grand mamamouchi. A ce jour,c'est moi, qui aie le pompon, Un avis contraire me fera offense. Je suis au commande et je mets mon veto. Le pompon ou moi, il faut que l'on tranche; Bien ! qu'il virevolte et s'amuse, Mais qu'il sache bien que seul je suis la muse, Je sais, il vous distrait je n'en puis mais, Or, il n'empêche qu'il est maladroit et sot. Et que l'on sache bien que, moi, Je vote, décide pour toutes les voix. J'ai offert à ce pompon mon savoir, mes mots, Qu'il s'y soumette, et l'on verra, Ou, je le dis, jamais aux honneurs il ne sera,
Dans la foule qui faisait clap, clap Une maudite femelle garda son cap. Echappée de l'école des femmes, Elle entendait les souffles qui parlent à son âme Ignorant le teacher mortarboard Hat Qui ceignait le chef du calife de Bagdad, Sourde à l'air de la bêtise, Aimante des mots qui poétisent. Ma Pauvre ! lui dit menaçant sa grandeur De derrière ses mensonges et sa fureur. Que n'as tu de regard pour ce marin ! Pour ce pompon sans shako ! ce vaut rien. Gare! Je serais, pour toi, vipérin La poésie sera réglementée ou au cachot. Ah, tu t'opposes, tu as décroché le pompon. Je n'aurai de cesse de t'agonir. Mes désirs ne souffrent contradiction, C'est dit, je vais tous vous punir. Toi et celle qui à moi veut s'opposer Et ça c'est le pompon, Car toutes, vous serez toutes "virées"!
Et un jour ou une nuit, Ailleurs, sans heurt, Le pompon sur la mer rousse voguait De concert avec les rêves et la paix.
Lydia Maleville
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