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Nouvelles : Un cheval qui en avait dans le ventre
Publié par till le 14-11-2022 16:23:00 ( 433 lectures ) Articles du même auteur



Il est là si haut, l'homme lève les yeux vers la tête altière. Son œil s'attarde sur la sous-gorge de l'animal après avoir caressé le menton.
La ligne est parfaite, se dit-il. Je ferai de toi le cheval le plus célèbre de tous les temps. Nous accéderons à l'immortalité, la postérité nous attend. Et il passe de la poix pour faire briller le sabot qui est devant lui. Bien sûr tu n'as pas d'ailes mais tu seras mon Pégase, je ne suis pas non plus Hercule.
Vois ton sabot comme il brille !
Au suivant !

La bête le toise, l'homme semble un nain, c'est vrai qu'il n'a pas la stature d'Hercule. Sa musculature est cependant déliée, fine et nerveuse. Le flanc ne souffrira pas de son poids le grand jour revenu. Et le quidam est ramassé, sa main est vigoureuse, propre à tenir robustement la badine. L'œil rivé sur le puissant poitrail s'attarde sur le noueux garrot puis remonte sur l'encolure folle dont il admire l'étoupe, le maître hoche la tête en approuvant. Deux apprentis pourraient s'y coucher aisément.
De l'énergie à l'état pur, il est prêt à jaillir. Quelle force de vie ! Il faudra tresser cette crinière pour le grand événement.
Les ci-devant acrobates au profil chevalin, de circonstance, s'attellent à cette tâche, stressés car ils craignent un mouvement de bascule et aussi parce que le propriétaire les observe ils tressent fébrilement.

Les nuages se sont évaporés et le soleil qui luit dans le ciel se reflète dans l'œil bleu parsemé de picots en cercles concentriques qui agrémentent utilement le pourtour de l'iris comme un moucharabieh.
Il faudra ajuster les œillères, éviter l'éblouissement, mettre en valeur ce beau chef, adapter le frontal, bien régler la têtière, engoncer le mors, ne pas blesser le naseau qui doit rester ouvert sur le jour, donner un peu de jeu à la muserolle.
Le bougre se tourne vers ses compagnons.
A vos brosses mes amis, nous sommes tous ici des palefreniers. Un homme seul ne suffit pas à la tâche pour apprêter mon compagnon. Je veux qu'il soit l'égal d'un dieu, je veux qu'il soit l'égal du vent. Tout à l'heure nous lui ferons tremper ses paturons dans l'eau de la mer jusques au-dessus du jarret au bout de cette plage. Le sel sera excellent pour exalter les fibres musculaires si bien dessinées. Il faut que le grand jour rien ne cède.
Tout en parlant le quidam flatte la croupe de l'imposante créature et pour cela doit se dresser sur la pointe des pieds. Il se tient sur le côté par la force de l'habitude.
Caressons ! Brossons! Lustrons ! Prenons garde de ne pas laisser se voiler cette splendeur, ce parangon de beauté ! La journée n'est pas éternelle, elle s'avance rapidement et la monture doit être prête pour le grand spectacle. Il faut que le coursier séduise, qu'il éblouisse, qu'il fasse de l'ombre au soleil lui-même, que l'on soit jaloux de moi au point de vouloir me le dérober.
A nos tâches les amis ! Laissez-moi son port de tête ! Je cure ses naseaux et je blanchis ses dents, je fais ressortir le contour de ses généreuses veines et je pétris les muscles de sa gorge qui saillent. Voyez comme je fais ! Je veux mettre en scène le sang qui palpite. Je suis son maître. Je suis son cœur qui tambourine. Personne au grand jamais n'aura vu un tel quadrupède. Il sera moi et je serai lui, nous nous confondrons complices, nous serons un seul être.
Travaillez son harnachement. Et puis aussi que tout son corps cuivré brille du plus bel éclat, qu'il rutile et flamboie à l'égal de l'astre-roi ! L'effet que produira mon alezan doit être stupéfiant. Hormis le chanfrein de nacre blanche il doit être du menton au culeron tout illuminé, brûlé comme s'il était l'incarnation mouvante d'un brasier alchimique. A sa vue une ovation doit s'élever. Les foules doivent l'acclamer.
Voyez ! Un orbe dans l'azur décline les couleurs de la lumière. Nous faisons de notre créature un condensé de beauté ! N'oubliez pas ! Demain est le jour où il lui faudra triompher. Cet arc dans le ciel n'est-il pas prémonitoire d'un triomphe pour notre coursier solaire ? Nous courons au succès, l'échec nous est interdit !
Travaillons donc de plus belle. Mettez en place le collier, serrez-moi ces sangles ainsi que la sous-ventrière pour consolider ses flancs immenses comme s'ils étaient conçus pour supporter des démons, passementées de sang et d'or pour souligner sa divine ardeur et son illustre noblesse, que les oreilles soient dressées vers l'éther et la queue à sa naissance ourlée vers le haut en réglant bien la croupière. Nouons une double longe à l'anneau du mors, vérifions et revérifions le licol, il faut pouvoir le conduire fermement ; un cahot dû à la roche cachée, un ensablement soudain pourraient conduire à une bousculade involontaire autant que dangereuse.
Il nous faut subjuguer les simples mortels !
Ainsi travaillent-ils en s'appliquant, sans discontinuer, en se mordant la langue comme des écoliers studieux. Ils ne voient pas le temps passer ; le quadrupède reste impassible, indifférent à cette précipitation. Et pourtant il est le premier concerné car c'est de lui que tout dépend. On dirait un enfant gâté sûr de son bon droit et de son importance, hautain et la contenance hiératique autant que boudeuse.

Mais voici que la nuit tombe, que la lune s'avance toute ronde, rubescente ainsi qu'une orange sanguine, tandis que leur crack est prêt.
Ne le laissons pas seul sur cette plage alors que la marée se retire. Nous passerons la nuit avec lui, c'est moi qui serai son cœur vivant pour que demain soit un jour de gloire. Choisissons un endroit surélevé où nous le montrerons quand ils constateront que la place est clairsemée avec des pieux épars et les auvents déchirés au front des toiles flottantes alors que la marée aura remonté, il faut que tout le monde le voie, que la clameur s'élève, qu'il soit si beau dans le soleil naissant que la presse entière me l'envie, qu'on veuille me le prendre. Voyez comme il est haut ! Voyez comme il se dresse ! Les étoiles déjà le jalousent. Instituons un tour de garde pour que notre géant équin ne soit pas seul.
Attendons le petit matin pour nous fondre dans son sein.


A dix stades de là les murailles de Troie se profilent sous Séléné...

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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