Quant à Lote, il commençait à s’inquiéter fortement pour Lirnir son supérieur hiérarchique. Son chef n’était pas encore pleinement remis de ses mésaventures, pourtant il s’astreignait un rythme de travail plutôt corsé. Il aurait mieux valu pour lui qu’il reste dans un lit, pourtant il se forçait à rédiger des rapports, consulter des documents, et s’entraîner à manier des armes. Pour Lote il s’agissait d’une folie qui entraînera immanquablement tôt ou tard une crise de fatigue, une grave rechute qui rallongera de plusieurs semaines voire mois la convalescence de Lirnir. Néanmoins son chef restait sourd aux arguments raisonnables, certes rester une semaine au lit pour un homme d’action n’était pas très plaisant. Mais d’un autre côté il était nécessaire d’accepter un temps de récupération long dans le cas d’une blessure grave. Si Lirnir n’avait pas bénéficié de soins rapides et expérimentés suite à l’attaque avec un élastique d’Armand, il serait sans doute mort. Pourtant il refusait de se ménager plus longtemps, il surmenait son corps mais il n’en avait cure. Il désirait avec ardeur une revanche sur Armand le souple, il avait été gravement humilié par un guignol. Alors il était déterminé à exercer des représailles sanglantes contre lui, afin de montrer qu’il s’avérait toujours dans la course. Qu’il figurait encore dans les gens à craindre pour les pirates. Certes il sous-estima Armand mais cela n’excusait pas sa déroute. Il devait rattraper le plus vite possible le souple pour lui faire payer son humiliation. Il se sentait dans l’obligation de triompher rapidement pour rétablir son honneur, et celui de son organisation la marine internationale. Pour l’instant Lirnir compulsait des documents dans la salle des stratégies de son bateau. Il s’agissait d’un endroit rempli de livres de tactiques et d’autres ouvrages en papier servant à établir des plans contre les pirates ou d’autres types d’ennemis de la loi. Lirnir posa sur une table en bois quantité de rapports afin d’optimiser sa traque d’Armand. Il était debout depuis des heures à élaborer des manœuvres militaires.
Lote : Vice-amiral vous allez bien ? Lirnir : Colonel j’ai connu de meilleur état de forme, mais je ne suis pas non plus mourant. Lote : Vous risquez de le devenir si vous continuez à vous surmener. Lirnir : Avez-vous établi le trajet d’Armand et ses hommes ? Lote : Oui ils vont vers le Grand Océan. Lirnir : Avez-vous une idée de la raison de leur voyage ? Lote : Pas la moindre, leur objectif n’est pas encore connu de la marine. Lirnir : Je vais me reposer une heure ou deux dans ma cabine. Faites moi signe dès que vous obtiendrez de nouvelles informations.
Lote comprenait l’envie d’en découdre de Lirnir le sévère. Il était aussi d’accord sur le fait qu’une réputation positive constituait un élément important de l’amour-propre. Il reconnaissait qu’être traîné dans la boue, humilier par des articles de journal puisse amener à des réactions passionnées pour recouvrer son honneur. Cependant Lote trouvait que Lirnir en faisait beaucoup trop, qu’il allait finir par faire un malaise ou écoper de symptômes plus sérieux s’il continuait à se surmener. Il aurait dû être encore dans un lit à récupérer, pourtant il se tenait debout au moins dix heures par jour à élaborer des stratégies et à collecter des informations sur Armand. Cependant Lote désapprouvait fermement cette manière de faire, mais il devait la tolérer sous peine d’être privé de son rôle d’assistant du sévère, de ne plus avoir la possibilité de veiller sur lui. Or il jugeait comme essentiel de rester à ses côtés, il était une des rares personnes que Lirnir écoutait encore de temps à autre. Lote devait faire très attention quand il émettait un avis, pour ne pas vexer le sévère, mais il disposait encore d’un minimum d’influence sur son interlocuteur. Alors il se forçait à supporter certains des excès de Lirnir pour mieux contenir une partie des comportements préjudiciables. Il avait l’impression que s’il n’était pas là , le sévère dormirait encore moins, et passerait plus de temps à malmener son corps. Lote voulait préserver la santé de Lirnir, et d’après lui le meilleur moyen de modérer les exagérations physiques de son chef consistait à l’assister. Armand quant à lui avait envie de tuer des bêtes, de consommer de la viande d’une proie qu’il aura traqué pendant des heures.
Armand : Quelle est l’île la plus proche déjà ? Sig : Celle de Domino, elle doit son nom à la présence d’une immense usine de dominos. Autrement elle n’a pas grand-chose de remarquable. Armand : J’ai envie de chasser un peu, quel est le gibier intéressant que contient notre prochaine escale ? Sig : Il y a bien des renards, mais il s’agit d’un animal sacré. Si des gens nous voient avec, nous devrons affronter des ennuis peut-être même une émeute. Armand : Nous sommes des pirates, les lois et les interdits concernent d’autres personnes que nous. Sig : Je reste sur le bateau, si des ennuis nous tombent dessus nous partirons plus vite si je reste à bord. Armand : À mon avis tu te fais du mauvais sang pour rien, je tâcherais d’être discret. Sig : Tu emportes une arme à feu pour la chasse très précise mais aussi particulièrement bruyante, tu te feras facilement remarquer de promeneurs. Armand : Dans ce cas je vais tirer à l’arc. Sig : Sans chien ce sera difficile de débusquer un renard. Armand : Pas besoin j’ai mieux qu’un toutou, j’ai Ryu il a un flair surpuissant, et il court bien plus vite que la plupart des animaux. Sig : Je vous dis bonne chance.
Sig décida de préparer le débarquement, et de rester sur le bateau un certain temps pendant que ses amis s’éloignaient pour participer à une chasse. Sig remarqua un détail qui l’incita à prévenir Armand, pendant que ses compagnons s’enfonçaient dans une grande forêt composée surtout de pins.
Armand : Je sens que la traque des renards va être excitante. Sig : C’est fort possible, les renards de Domino ont la réputation d’être plus malins que leurs autres congénères. Cependant ce serait bien que tu penses à emmener un sac pour cacher ton gibier. Armand : Tu penses que c’est vraiment nécessaire ? Sig : Les dominiens ne plaisantent pas avec le sacré, ils pendent les gens qui volent les offrandes aux dieux. Armand : Entendu je vais suivre ton conseil.
Même si les avis de Sig étaient souvent sages, Armand le souple ne semblait pas très décidé à les suivre, néanmoins il existait d’autres dangers que les habitants de l’île de Domino dont il faudrait se méfier. Lirnir se rapprochait, certes il n’était pas dans une forme optimale, mais il se drapa d’une détermination qui lui donnait des forces. Il était écœuré par les articles de presse moqueurs sur lui-même qu’il lut, à cause des informations peu flatteuses véhiculées par des journaux qui commentaient sa défaite face à Armand. Résultat Lirnir comptait bien humilier dans les grandes largeurs le souple. Il allait prouver de manière incontestable sa supériorité sur un pirate de seconde zone. Il mettrait en place une nasse dont il sera impossible de s’échapper, il démontrera une supériorité si incontestable qu’il effacera bientôt la honte de sa précédente déroute. Alors bien que Lirnir ait un corps plutôt fatigué, il puisait dans sa résolution mentale pour se préparer au combat. Il se forçait à déployer des trésors de ressources spirituelles pour pallier les défaillances de son organisme. De son côté Lote était assez angoissé, il était content que Lirnir son supérieur hiérarchique n’ait pas perdu de son mordant, conserve du répondant. Mais il craignait que son chef subisse un fiasco au moment fatidique, car il poussait à bout son corps. Lote se demandait s’il ne devrait pas faire avaler discrètement un somnifère à Lirnir, puis à superviser à sa place la capture d’Armand et de ses compagnons. Il savait que son chef lui en voudra beaucoup, et risquait de lui pourrir la vie pendant un certain temps. Cependant Lote préférait que son supérieur hiérarchique soit furieux et non humilié une nouvelle fois, au lieu de mort.
Lirnir : Alors colonel vous avez enfin une idée de l’endroit exact où se trouve Armand ? Lote : Oui vice-amiral, il s’est arrêté sur l’île de Domino. Lirnir : Parfait forcez l’allure, dites aux hommes de se mettre sur le pied de guerre et de s’entraîner scrupuleusement. Lote : Vous comptez participer à l’arrestation d’Armand ? Lirnir : Bien sûr je veux rendre la monnaie de sa pièce à ce sale pirate qui m’a blessé. Lote : Justement vous êtes plutôt affaibli. À votre place je resterai dans votre cabine, et déléguerai à d’autres la capture d’Armand. Lirnir : Je vous remercie de votre solidarité mais je refuse de rester au chaud à attendre tranquillement, pendant que mes hommes se battent. Lote : Comme vous voulez vice-amiral.
Ryu emporta du matériel pour traquer des bêtes. En plus d’une arbalète et d’une dizaine de carreaux, il amena avec lui, un sac à dos rempli de provisions, une carte de l’île où il se trouvait, une boussole, et d’autres objets assez utiles. Il reconnaissait la valeur des renards des environs, qui réagissaient bien plus avec leur cerveau que leur estomac. Le coup de l’appât empoisonné ne marchait pas du tout, pourtant Ryu varia le type de nourriture toxique pour appâter les bêtes. Il usa de raisin, de viande de poulet et de miel. Mais aucun de ses subterfuges ne provoqua le trépas de renards. Ryu devait admettre que les animaux roux des parages savaient admirablement se débrouiller, qu’ils méritaient vraiment le titre d’intelligents. Par contre Armand le souple faillit décéder en ingérant un appât, il avait assez faim, et il négligea de préparer la nourriture toxique. Donc il n’avait pas en mémoire l’apparence des aliments mortels en possession de Ryu. Heureusement il fut distrait par l’arrivée d’un renard qui sembla rire devant la stupidité du souple. Armand fut profondément outré par la provocation de l’animal roux, alors il décida de lui tirer dessus. Problème il se heurta à un souci assez gênant. En effet Armand innovait vraiment en tant que chasseur, il utilisait un arc mais il négligea de se fournir en projectiles. Armand soupçonna un moment des renards de lui avoir volé des flèches, ou alors ses animaux rendirent invisibles ses projectiles pour le tromper, l’induire en erreur. Cela devait être cela, toutefois le souple était très malin, résultat il ne se laissera pas berner.
Ryu : Tu comptes chasser le renard au corps-à -corps Armand ? Armand : Pas du tout j’ai l’intention d’utiliser mes flèches, c’est pourtant évident. Ryu : Pas spécialement tu as un carquois mais pas de flèches. Armand : Ah zut c’est vraiment idiot mes flèches ne sont pas invisibles. J’ai beau essayer de les toucher, je ne sens rien. On n’a qu’à aller au village près d’ici pour en acheter. Ryu : Euh oui, mais je n’ai pas envie de passer un interrogatoire. D’après Sig les étrangers sont par moment assaillis de questions par les habitants de cette île, surtout quand ils veulent chasser. Armand : Laisses moi réfléchir à une solution qui soit intéressante, je sais tu seras ma flèche. Ryu : Pardon ? Armand : Tu as dit toi-même que tu étais une super flèche, une référence en matière de chasse. Alors je vais te porter et t’utiliser pour tuer des renards. Ryu : Cela ne me semble pas une bonne idée, je suis trop lourd pour servir de projectile. Armand : Mais si laisses toi faire, laisses moi te tendre. Ryu : Très bien mais je persiste à penser que c’est une mauvaise idée.
Ainsi Armand chercha à tendre toujours davantage sa corde d’arc, pour avoir la place d’user de Ryu comme projectile. Mais il surestima la résistance de son arme qui cassa sous la sollicitation. Et une autre mauvaise nouvelle survint, sous la forme d’un cri retentissant.
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