« Alors je ne serais plus jamais seule ? ». Elle se tenait droite, fière et le regard rempli d’espoir que je ne pouvais me résoudre à rencontrer : ma vision se brouillait. Comment pouvais-je lui répondre ? Il était impossible que je me résolve à lui faire une autre promesse qui se briserait dès qu’elle me tournerait le dos ; on lui avait déjà tellement menti. Néanmoins, les mots ne s’articulaient pas dans ma bouche : « Si tu seras toujours seule, fais-toi une raison. Ton supplice ne prendra jamais fin. Tu es maudite ; nous sommes maudites. Vouées à aimer ceux qui nous blessent et détruire ceux qui nous aiment ». C’est ce que je pensais et je ne pouvais pas lui dire. Je savais bien que ça la ferait pleurer : ses larmes étaient mon sang. Un ruisseau paisible qui s’échappait des plaies béantes de mon âme qui n’avaient jamais entièrement cicatrisées – n’ont jamais entièrement cicatrisées. « Pourquoi tu ne dis rien ? ». Son ton se voulait insistant : l’impatience propre à son âge. L’impatience qui la rendait incapable de comprendre mon silence ; incapable de se résigner à l’incertitude. Et j’explose. Je lui hurle ma réponse. Elle accuse le coup. Les larmes sur ses joues ont coulé ; et j’ai souffert. Encore une fois. C’était libérateur. Je me haïssais de la faire pleurer mais c’était de sa faute : à elle et son putain d’espoir. Elle avec son amnésie du sourire et sa clairvoyance des larmes. « Pardonne-moi, s’il-te-plaît. PARDONNE-MOI. Pardonne-toi. »
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