De retour à notre place sans avoir écrasé personne, je fis se recoucher Rodolphe après un gros câlin. Je somnolais, satisfaite, que jamais le mal de mer ne m'ait torturée. Je sentis la houle s'apaiser petit à petit et j'entendis les moteurs baisser leur régime. Il n'était pas besoin de regarder une montre, que je ne portais d'ailleurs jamais, pour savoir que nous abordions Raïatea où le taporo faisait une courte escale. Il était donc environ trois heures du matin. Les mouvements du bateau réveillèrent quelques personnes dont Mathias et Nathalie qui étaient allongés côte à côte. Ils grognèrent un peu, se retournèrent et se rendormirent rapidement. "Maman ? ... maman, Taporo ça veut dire quelque chose en Tahitien ?" La voix de Nathalie était basse pour ne pas déranger les dormeurs, nous chuchotions et j'espèrais que les enfants dormissent encore calmement. "Oui ça veut dire citron, et ne me demande surtout pas pourquoi le bateau est rouge et pas jaune ou vert, ça je ne sais pas." "On est à Tahaa ou à Raiatea ?" "On est à Raiatea, à Uturoa, biquette tu te souviens ?" "Ah oui, c'est les deux îles qui étaient ensemble et que le géant qui était amoureux à séparées avec sa main parce qu'il était malheureux" Raiatea et Tahaa, se trouvaient toutes deux à environ deux cents kilomètres terrestres de Tahiti, les deux îles en parfaites jumelles offraient leur beauté et leurs richesses dans le même lagon. C'était une particularité qui leur donnait un attrait supplémentaire, et la vue, depuis un avion, de ces deux îles enserrées dans leur anneau d'eaux émeraude était un spectacle sublime, un décor de paradis à couper le souffle. Lors de voyages précédents nous avions pris le temps de quelques heures d'escale sur Raïatea. J'avais ardemment voulu partir en quête d'une fleur endémique de l’île, le gardénia blanc, le précieux et rare tiare apetahi qui pousse en buisson sur le mont Temehani Rahi. Après une marche harassante surtout pour les enfants, nous étions arrivés sur le sommet du mont, au faîte de l' île et je reçus, là , un choc esthétique inoubliable que je garde précieusement dans mon âme comme un trésor précieux. Dans le bleu du ciel, juste rafraîchi de doux alizés, nous avions là , sous les yeux, à nos pieds, le vert brillant de Raïatea, ses criques, ses plages blanches, ses mystères, ensuite en levant quelque peu le regard nous découvrions à ses côtés, à peine plus loin, la belle Tahaa plus petite et malgré tout aussi brillante, et puis à perte de vue les eaux du Pacifique qui roulaient jusqu'à l'horizon, où se découpait la silhouette si typique, si reconnaissable de Bora-Bora, la mythique déesse de l'archipel de la société. A ma grande satisfaction, notre halte à Raïtea ne dura qu'un quart d'heure environ, je fus rassurée de constater que les enfants ne s'étaient pas réveillés, tous dormaient encore. Le bateau bientôt repris sa route, le temps alla de songes en éveils, puis bientôt l'allure du navire annonça l'arrivée proche sur Huahine. Je m'étais levée, je rangeai les sacs, pliai mon peue après quoi je commençai une distribution de bisous qui devaient réveiller doucement mes bébés. Des têtes ahuries, décoiffées, me regardaient en silence. Clotilde n'était plus qu'un grande perruque blonde, je poussais quelques longues mèches pour découvrir ma fille qui baillait derrière. Mathias n'était lui qu'une énorme tignasse de grosses boucles rousses en désordre, et les trois petits passaient leurs doigts comme des fourches sur leur tête pour remettre un peu d'ordre dans leur apparence. Le passage aux toilettes était exclu, la queue devant la porte était trop rebutante, il y avait beaucoup trop de monde qui attendaient. Tous les passagers étaient maintenant debout. Nous retrouvâmes Marthe et Marie-Claire avec JF, ils étaient appuyés au bastingage. Au loin l'île se dessinait, Huahiné ou l’île de la femme, s'étalait sous les premières lumières du jour. Cette île était une des plus grandes de l'archipel, elle avait une forme longue, qui au loin dessinait un tracé évoquant le corps une femme allongée. Elle avait toujours était gouvernée par des vahine et la topologie pourfendue en son milieu, de ses terres est peut-être à l'origine de son nom qui se traduit en mahori par "sexe de femme" C'était une île qui se distinguait de ses soeurs par son authenticité, elle avait la chance d'avoir été jusqu'à ce jour, oubliée des touristes et elle offrait encore des paysages rustiques, c'était une île-jardin, couverte de champs, de cultures, de troupeaux, de rivières. On y trouvait des cultures de maniocs, de tarots, de caféiers, de riz, des cultures de melons se développaient sur les motus, dans le sable même, et régnait surtout ici cette culture si fameuse qu' est celle de la reine des orchidées : la vanille qui parfumait l'atmosphère de ses fleurs et de ses gousses. On voyait partout les plants de vanille, ces lianes qui prenaient appui et s'enroulaient sur de hauts troncs fins de faux-caféiers qui leur servaient de tuteurs . Les orchidées, jolies fleurs de la vanille, étaient à cette époque des vacances, entre Juillet et septembre, en pleine floraison. Nos enfants et maintenant les grands-mères pourraient assister à cette opération magique de la fécondation de la fleur. Puisque cette plante capricieuse exige l'assistance des humains, en effet cette liane pour nous offrir ses gousses odorantes à l'arôme si subtil, réclame l'intervention des doigts habiles des tahitiens; Le mariage de la vanille était un bel instant, c'était un plaisir de s'y exercer pour ensuite voir apparaître et récolter ces longues gousses qu'il faudra faire sécher patiemment pour leur donner leur belle couleur brune; Sitôt que le bateau entra dans le lagon de Huahiné, nous ressentîmes une sensation de calme, de stabilité reposante, la petite bourgade de Fare s'approchait, le débarcadère était rempli de mondecar le bateau était attendu pour ses passagers mais aussi pour ses marchandises. Les marchands étaient là , les uns attendaient les amis, les familles retrouvaient les leurs. "maman, maman regarde, ils sont là !" Florent avait reconnu nos amis qui allaient nous héberger et qui venaient nous accueillir. La passerelle installée, nous dûmes attendre quelque temps avant de pouvoir l'emprunter. Nos hôtes, Vaiatea et son mari Aroarii, nous serrèrent dans leurs bras avec chaleur. Tous leurs enfants étaient là et j'avais depuis bien longtemps renoncé à savoir lesquels étaient de leur chair et lesquels étaient adoptés. Ceux-ci, en outre, avaient tellement grandi que je les reconnus à peine, leurs deux fils avaient franchi l'adolescence et les jeunes garçons que j'avais en mémoire avaient laissés la place à deux jeunes hommes d'une grande beauté. J'étais vraiment heureuse de les retrouver, les effusions et retrouvailles étaient pleine de joie. "Ia orana Aroarii" "Ia orana Poehere" Aroarii, me regardait en souriant, il venait de me donner le nom tahitien qu'il avait choisi pour moi . Ici je me prénommais Poehere, qui signifie en tahitien "perle d'amour" "Ia orana Vaiatea" "Tu attends un autre bébé Vaiatea ?" "Oui, tu vois, et si c'est une fille, je la donnerrrais à ma soeurrr, parrrcequ'elle en a pas " Je ressentais toujours un certain recul, une stupéfaction, cela me semblait toujours aussi étrange, mais l'aisance des tahitiens dans ce système relationnel avec les enfants était tellement bien vécu qu'il n'y avait rien à en dire. Les "tane", les hommes avaient d'autorité pris nos sacs et nos paquets, ils avaient avec délicatesse installées Marthe et Marie-Claire sur la banquette à l'avant du pick-up, pendant que nous nous installions tous sur la plateforme arrière. La voiture roulait sur la seule route de l'île, au milieu de la végétation débordante d'énergie de ces îles. Ici les simples piquets de bois fichés en terre pour démarquer un lot, une limite, faisaient de la résistance, ils s'entêtaient à produire des feuilles et des fleurs en dépit de la peinture étalait sur le haut et destinée à empêcher la croissance du bâton de bois qui nous rappelait ainsi qu'il était et resterait une plante vivante. Nous passions devant des cultures de tarots, les cocotiers, devant des petits fares faits essentiellement de bois, tous avec une terrasse qui en faisait le tour et qui s'abritait derrière une haie d'hibiscus. Cinq minutes suffirent pour arriver devant la maison de bois au fond de son jardin de fleur. Je retrouvai sur le côté de la maison les cinq cocotiers avec leurs colliers de pointes de fer dont le but étaient d'arrêter les rats mangeurs de cocos. Je savais que l'un des fils grimperait dans un moment sur le tronc lisse pour nous décrocher des noix qu'il décapitera à la lame pour nous rafraîchir d'une eau revigorante. Marthe et Marie-Claire avait une chambre à leur disposition, et JF et moi avec les trois petits, nous avions notre propre chambre. Mathias et Clotilde, allaient devoir dormir dans la grande véranda avec les enfants de la maison. Nos bagages déposés dans la chambre, je demandai à nos hôtes de bien vouloir m'excuser un instant, je souhaitais prendre le temps d'aller saluer, nos amis qui habitaient le fare qui se trouvait juste à côté. Il faut dire qu'il y a quelques années c'était là que nous devions résider. Je me souvenais de cette première visite chez ces personnes que nous avions connues à Tahiti au travail de JF. Leur invitation nous avait remplis de plaisir, ce séjour dans cette île semblait prometteur. Seulement dès la première semaine, quand vint le vendredi soir, au coucher du soleil, on me fit savoir de tout à trac qu'à partir de ce moment précis je ne devrais plus cuisiner, ni allumer l'électricité, ni écouter de la musique, ni faire nos lits, ni faire couler l'eau, ni .... mais que nous devrons uniquement chanter des psaumes à la gloire de Dieu, j'ai explosé de colère et je suis allée avec ma nourriture demander hébergement chez les voisins c'est à dire chez nos amis actuels. J'ai déjà très, très peu d'inclinaison pour les religions et une propension à m'en tenir aussi éloignée que possible, mais lorsque l'on tente de me les imposer et qu'elles bouleversent ma vie, mes relations, et de surcroît que ceci est fait contre ma volonté, il faut s'attendre alors, à ce que je me rebelle vivement. Je ne leur en tenais pas rigueur, je continuais de les saluer, mais je les considérais comme infréquentables, devenus associables. J'allais donc leur offrir mon salut mais ne m'attardai pas dans ce qui devenait de plus en plus un temple pour les Adventistes du septième jour ou de l'église des saints des derniers jours, je ne sais ! ce monde m'est tout à fait étranger, tout à fait inconnu. Mais c'est avec un sentiment de soulagement et de joie, que je revins prés de Aroarii et de Vaiatea, dans leur maison, j'éprouvai cette curieuse impression en passant d'un fare à l'autre, de passer de l'ombre à la lumière. Le petit déjeuner que nos amis nous servirent fut une fête, nous avions tous si faim que cela donnait un prix qui majorait largement notre plaisir. Les bruits des bavardages heureux s'arrêtèrent net sur l'intervention inattendue de Rodolphe, agacé de parler sans être entendu, il venait de crier . "Maman ... maman... MAMAN, MA.. MAN qui c'est qui va donner à manger à Gaston quand il va revenir à la maison ?" Tous les yeux étaient posés sur moi. "Qui c'est Gaston ? vous avez pris un autre enfant ?"
Loriane Lydia Maleville
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La Polynésie, comme beaucoup de pays asiatiques, est le pays des légendes en voici deux :
La tiare d'Apetahi, fleur odorante, qui pousse uniquement à Raiatea sur le mont Temahani, n'a que 5 pétales et ... que d'un côté, vous saurez pourquoi dans cette belle histoire d'amour la légende de la tiare Apetahi Un couple vivait bien heureux sur une île. Le bonheur rayonnait leur fare située en bordure de mer. Tout les jours Apetahi et son Tane se levait bercés par le vent frais guidés par les océans jusqu'à eux. Le tane de Apetahi était pêcheur et il arriva un moment où le poisson ne mordait plus. Se faisant, il ramenait de moins en moins à manger au fare. Voyant sa femme qui commençait à maigrir et à dépérir, il décida d'aller pêcher un peu plus loin... mais toujours rien. Les jours suivant, il s'éloignait de plus en plus.
Un jours arriva où Apetahi, se levant, ne trouvant pas son tane près d'elle. Se disait-il qu'il pouvait être aller pêcher. Elle sortit du fare tout en l'appellant, elle le chercha d'abord dans les environs ... mais sans succès. Elle décida de se rendre au point habituel où pouvait se rendre son tane pour pêcher... elle ne le trouvait toujours pas.
Non loin se trouvait une colline où ,se disait-elle , qu'elle pourrait mieux le voire. Elle se mit alors à l'escalader. Elle avait parcouru 100 m, 200m, bientôt 2km quand elle entendit une voix. Sentant qu'il s'agissait de celle de son tane, elle se retourna. Le soleil commençait à se coucher. Quand Apetahi se retourna pour essayer en vain de distinguer ou de reconnaître le bateau de son tane, elle fut éblouie par le soleil. Essayons tant bien que mal de plisser yeux, elle leva alors sa main droite. C'est alors qu'elle tomba de la colline. Dans sa chute, elle se coupa la main.
Son tane, lui, revenait de pêche, se rapprocha du bateau fière d'avoir fait une bonne pêche et appelait tout haut sa femme. Qu'il avait hâte se disait-il de préparer le festin. Mais hélas il ne la trouvait pas. A son tour il se mit à la chercher, tout autours du fare, un peu plus loin, et encore un peu plus loin. Il observa alors la colline. Un frisson le parcourut alors.
Il courut vers cette colline, qui en se rapprochant, lui donnant encore plus de sueurs froides froides. Tout en courrant, il appelait Apetahi à tue tête. Il se passa plusieurs heures durant lesquelles le jeune homme la chercha ... mais sans succès. Epuisé, il s'assit près d'un rocher d'une allure tranchante. Se penchant et reprenant son souffle, il vit une fleurs blanche avec cinq pétales. Magnifique, belle et d'une senteur. En la cueillant, il se disait que sa beauté ressemblait à celle de Apetahi, qu'elles avaient toutes les deux la même odeur.
Il ramena cette fleur au fare, la planta et prit soin d'elle en souvenir d'Apetahi. Il la baptisa : Tiare Apetahi.
L'ile de Raiatea, deuxième île de Polynésie dans l'archipel de la société, a elle aussi sa légende, je vous dévoile ici l'origine de son nom : voici la légende de Raiatea: Il y a très longtemps, vivait un guerrier originaire de Tahiti qui avait pour nom Atea. Respecté pour son courage et sa vaillance. Atea entendit parler de la reine d'Opoa, Rai, dans l'île de Havai'i Nui. Ses proches lui vantaient sans cesse la grâce et l'élégance de la souveraine. Un jour, n't tenant plus, il décida de partir pour l'île sacrée. Dès qu'il vit Rai, il en tomba profondément amoureux. La reine, n'étant pas insensible aux charmes d'Atea, lui rendit cet amour ; ils s'aimèrent et devinrent amants. Un enfant allait bienôt naître de cette union. Mais Atea dut repartir pour Tahiti. Il demanda à sa bien-aimée d'accéder à un dernier souhait "Si c'est un garçon, Atea devra être son nom. S'il s'agit d'une fille, tu l'appelleras Rainuiatea". Ce fut une fille, qui devint reine à son tour. Lorsqu'elle eut atteint l'âge de raison, elle renomma Havai'i Nui en Raiatea, Rai en souvenir de sa mère et Atea à la mémoire de son père qu'elle n'avait jamais vu.
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