Le jour se levait tout à fait comme un joli miracle, les premières lueurs blanches se colorèrent très vite, allumant des flammes de rouge et d'or. Le jardin apparut dans sa beauté du matin, et les premiers souffles de vent léger et parfumé fit se balancer les longues traînes de Broméliacées que l'on nomme ici cheveux de grand-mère et qui descendaient des branches du pamplemoussier. Cette longue mousse épiphyte porte divers nom dans le monde, on la désigne aussi sous le nom de mousse espagnole, de barbe de vieillard ou fille de l'air. Gracieuse et fine elle épouse tous supports contenant de l'humidité et tend dans les jardins et dans les forêts de surprenants rideaux végétal. Nous étions installés autour de la table, la conversation tournait autour de l'arrivée de Gaston. L'heure était venue de partir pour notre dernière journée de classe. Les deux mamys éprouvaient le besoin de dormir. Pour leurs organismes qui subissaient le décalage horaire, la soirée commençait et elles montraient de sérieux signes de fatigue. Pendant le petit déjeuner Marthe, dont s'était l'habitude, fit à plusieurs reprises des minis sommes, sa tête tombait inéluctablement dans son assiette et la conclusion s'imposa. "Je vais dormir" "Oui, allez vous reposer, les enfants et moi nous partons, nous rentrerons en fin de journée." Je fis la route jusqu'au Taone avec une belle énergie, je ne ressentais aucune fatigue et la lumière du matin me rendait très heureuse. Cependant il n'en fut pas de même à mon retour, je subissais une lourdeur, une irrésistible envie de dormir, ce que l'on appelle communément le coup de barre. J'allai chercher Rodolphe à son école, je récupérai sont petit "peue" petit tapis couvert d'un pareo bleu couvert de fleurs d'hibiscus. c'était là son tapis de sieste pour son année scolaire, il y avait aussi tous ses dessins, découpages et petit artisanat fait au cours de l'année. "Mamaaaan tu écoooutes ?" Rodolphe sur le siège arrière me secouait en tirant sur le haut de mon tee-shirt. "Euh oui, pardon, j'ai pas bien entendu" En fait, je n'écoutais pas du tout, j'avais sommeil, et pourtant j'allais devoir me réveiller car nous allions à la fête de l'école des trois petits et je m'étais engagée à animer un stand. La journée se traînait en longueur, la cour de l'école était remplie de parents, d'enfants, d'amis, j'avais installé Rodolphe dans un coin du stand sur son peue, et il s'était endormi. J'animais mes activités et jeux avec une conviction plutôt modérée et avec force bâillements. Les trois petits, eux, étaient plus exubérants que jamais et ne montraient aucun signe de lassitude, ils avaient dans le même espace leurs copains, leurs maîtresses et leur maman. Ils en oubliaient les effets de leur nuit courte. Notre retour à la maison fut, pour moi, un soulagement, les deux aînés étaient dans leurs chambres et rangeaient pour l'été tout ce qu'ils avaient rapporté du Lycée. JF regardait la télé, affaissé dans le canapé, les deux yeux fermés. Au moment du repas Marthe et Marie-Claire dormaient toujours et la journée se termina dans le silence et le calme. La nuit ne fut pas des plus calmes, je fus plusieurs fois réveillée par des bruits inhabituels, Marthe et Marie-Claire vaquaient dans la cuisine, j'entendis la douche fonctionner à deux heures du matin, des bruits glissants de chuchotements sur la grande terrasse, la porte coulissante de la cuisine qui s'ouvrait, se refermait ...La vie familiale était quelque peu perturbée. Je n'avais, ce matin là , aucune contrainte horaire mais malgré tout je me réveillai à la même heure que d'habitude. Mais lorsque je me levai les mamys, elles, étaient reparties dormir dans leurs chambres. Les enfants ensommeillés vinrent me rejoindre sur la terrasse autour de la table servie pour le petit déjeuner. "Pourquoi Marthe et Marie-Claire dorment le jour ?" J'expliquai à nos petits les effets du décalage horaire. " Tu veux dire qu'en ce moment il va faire nuit à Belfort ????" La stupéfaction des petits était grande et pour bien les renseigner, pour être aussi claire que possible dans mes explications je développai sur la table la ronde des astres. Ici, au milieu de la table le gros pamplemousse, c'est le soleil, et là tout autour, les petites goyaves se sont les planètes et voici la rotation du système solaire qui tourne sur la table. "Alors tout le monde ne dort pas en même temps ?? ... mais, maman, derrière la planète on voit un peu clair ??... Dis maman les gens qui sont en dessous pourquoi ils tombent pas ... ??" Rodolphe, s'intéressait aussi au mystère des humains de l'autre côté de la terre qui vivent la tête en bas. Et voilà qu'il pleuvait des questions, et des questions. je répondis patiemment aux premières puis parce que le départ approchait j'abandonnais mes élèves pour mettre de l'ordre et préparer nos sacs pour le départ. "Maman il faut parler doucement pour ne pas réveiller Marie-Claire et Marthe ?" "Non, il faut qu'elles s'habituent aux horaires d'ici, alors ne criez pas, ne vous bagarrez pas, mais vivez normalement, ne parlez pas plus fort mais inutile de parler doucement" Après le repas de midi, je finissais nos sacs quand je vis Marthe arriver les cheveux en bataille, le visage endormi. "Quelle heure il est ? "Plus de deux heures, dans deux heures nous descendons prendre le bateau, mais il y a un réveil dans votre chambre" "J'ai pas vu, j'ai mal à la tête, nos sacs sont prêts on les a faits cette nuit" Ça je le savais, je les avais entendues mais j'étais rassurée de savoir qu'elles étaient prêtes pour le départ, il fallait juste qu'elles prennent une douche et qu'elles mangent un peu puisque il n'était pas question de manger sur le bateau, nous ne pourrons que grignoter les quelques nourritures tirées du sac que je préparai. JF rentra de Mahina et commença à sonner le rassemblement, et donna le signal du départ. Rodolphe ... mais où est Rodolphe ? Tout le monde était déjà assis en voiture et Rodolphe était absent. Je sortis de la voiture et me dirigeai sans l'ombre d'une hésitation vers le dessous de l'escalier. Mon petit bonhomme était là , il tenait Marcel serré contre lui, et lui disait des secrets dans l'oreille. Le chien la tête bien droite me regardait fixement sans bouger et j'avais l'impression idiote, qu'il écoutait profondément les murmures de Rodolphe. "Tu viens cow-boy, on part ?" Je parlai doucement pour rester à l'unisson, pour ne pas interrompre les tendres confidences, et les adieux de ses deux amis. Rodolphe se releva enfin. "Tu as compris Marcel ?" "Oui, je crois qu'il a compris, allez tu viens, papa attend... mais qu'est-ce que c'est que ce bout de papier" Je me baissai pour ramasser un papier plié qui traînait sur le sol devant les pattes de Marcel. "Noooon maman, ne touche pas, c'est un dessin pour Gaston qui va venir" Je soupirai en dépliant le papier, Rodolphe avait dessiné un gros soleil et un petit nuage et un objet indéfini. "Qu'est-ce que c'est, Dodolphe ? "C'est un gâteau avec des bananes et des fleurs, c'est pour Gaston" Bon, je repliai le papier, le remis soigneusement en place, devant Marcel.| " Mais qu'est-ce qui se passe ?" JF criait depuis la voiture. "J'ai fait un dess...." En mettant un doigt devant mes lèvres, "chut", je coupai la parole à Rodolphe avant que JF ne s'énerve. "On arrive tout va bien " Une petite demi-heure plus tard nous garions, soigneusement pour deux semaines, nos deux voitures sur le parking du port. Puis nous avancions, portant nos sacs, vers le Taporo, ce vieux bateau-cargo qui nous emmenait vers les îles, au bout de l'archipel.
Loriane Lydia Maleville
NOTE : Mousse espagnole. Cette plante n’est ni une mousse, ni une liane. C’est une plante épiphyte de la famille des Broméliacées, de l’ananas, originaire des états-unis et du Mexique, de couleur argenté, sans racine qui s’accroche et pousse sur les branches des arbres mais demande un forte hygrométrie, elle n’est pas un parasite. Imputrescible, la mousse espagnole a longtemps servit à la construction des murs des maisons, mêlée à de la glaise. Elle servait en literie pour le bourrage des matelas et des coussins. Assez douce, on s’en servait également comme torche fesses. Les Français l’appelèrent la barbe espagnole. Et l’histoire raconte qu’un espagnol épris d’une Indienne, la poursuivit. La jeune fille affolée grimpa dans un arbre pour tenter d’échapper à son assaillant. Mais celui-ci monta aussi dans l’arbre. Moins agile que la pauvre fille, il tomba, laissant sa barbe accrochée à une branche. Pour l’anecdote, les Espagnoles qui découvrir la Louisiane avant les Français avec des explorateurs comme De Soto, l’avaient précédemment appelée : perruque à la française.
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