... Et je suis le poisson seul au fond de son trou Ne respirant pas trop, juste le nécessaire. Tâtonnant son soi-même un boulon dans l'écrou Que l'acharnement de la mémoire resserre.
Les kystes du passé deviennent douloureux. La rancœur et la haine et la froide colère Dans le sein nourricier grossissent avec eux En bannissant l'oubli de mon vocabulaire.
Sur la mousse des bois je tremble devant eux Comme la feuille nue ivre de mille bières. Comme un frisson de peur, du gris de Pulventeux Aux sombres souterrains des anciennes glacières,
Ma vie est un lacis de poussière. Mille ans Fossilisent mon cœur. Le silence m'emmure. Indolent, je suis au bord du lac de Sylans, Dans la barque trouée : Une pesante armure.
Et ces larmes de sang et cette femme-tronc, Ce sexe rachitique épaulant son calibre Et ces seins si menus et ce ventre bien rond Pourrissent dans ma chair d'être deux fois trop libre.
Je vois son souvenir épandre le fumier, L'engrais nauséabond des dernières semaines. Me couchant je suis sur ce sordide sommier Le ventre encorné par des amours inhumaines.
Dans l'arme blanche se reflète son portrait. Et je me plante en elle ensanglantant la lame. Traînassant comme un soc par des chevaux de trait Je laboure les champs squelettiques de l'âme.
Et le dernier frimas consume ipso facto Dans l'âtre de mon cœur sa dernière poutrelle Quand des larmes de sang écrivent au recto De la feuille d'hiver une énigme pour elle.
Et m'enveloppant le corps de noirs salsifis Elle nettoie en moi ses plus sales socquettes. Me figeant bout à bout entre deux crucifix J'embrasse goulûment des goules à deux têtes.
Ses amoureux sont grands, moi, nabot puéril. Je me repais de mort. Ils se gavent de vie. Dénudant son corps dans l'herbe fraîche d'avril, Ils ne sauront jamais combien je les envie !
Je suis l'obscurité des grottes de Lascaux. Projeté sur la roche : Un crachat. D'où sort-elle ? Cette âme agonisante où de blancs asticots Dépucellent enfin : Ma seconde mortelle !
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