Dans l’après-midi suite à la sieste d’une durée de deux heures dans le caisson cryogénique, plusieurs options s’ouvrent alors pour les vieillards. Les plus sportifs chaussent leurs baskets pour aller jouer à la pétanque tandis que les femmes ressentant le besoin d’émotions sentimentales fortes choisissent majoritairement de regarder le 16587ème épisode d’Amour & Beauté ; les plus intellectuels méprisant les passe-temps futiles des sportifs et des femmes, prennent plaisir à suivre les passionnantes enquêtes de l’inspecteur Derrick satisfaits d’entraîner leurs neurones à la recherche de l’odieux criminel s’ils ont raté le début – à cause de la traîtreuse sieste digestive-, se récriant à sa vue, ruant presque dans les brancards, espérant ainsi aider par moult gesticulations et imprécations le flegmatique inspecteur dans sa traque. Enfin après un dernier repas hypocalorique, chacun réintègre consciencieusement son caisson aux alentours de 19h. Je ne suis pas attaché à la maintenance des caissons j’exerce néanmoins une profession toute aussi prestigieuse qu’indispensable puisque j’appartiens à la section qui produit la matière première, la source de la richesse de la Clinique, je suis extracteur de bave d’escargot. Les propriétés cosmétiques de la bave sont reconnues depuis l’Antiquité romaine mais le Docteur les a synthétisées pour composer un produit bien plus efficace, capable de régénérer le tissu cutané. Je me rends donc quotidiennement dans le cadre exclusif de mon activité professionnelle, dans la Tour, même si j’espère intimement parvenir à y résider dans l’avenir. Je suis un homme avec de hautes ambitions. Il se peut fort bien qu’un jour par un hasard heureux je croise le Docteur Fournier dans l’ascenseur –après tout, si c’est un être humain, il doit bien naturellement prendre l’ascenseur comme tous les êtres humains de la Tour-, et que ce jour là je lui tape dans l’œil. De sa voix assurée et autocratique, il demandera à me parler. Je m’approcherai courbant l’échine docilement en prenant soin de ne pas rencontrer son regard impérieux et scrutateur. Le Protocole l’exige. Il sollicitera mon avis, désireux d’améliorer les processus de production. Chacun sait qu’il est perfectionniste. Le Docteur Fournier est de surcroît un homme intelligent, que dis-je brillant, un individu au QI exponentiel, ouvert au dialogue, bienveillant, si bien que les avis de ses subordonnés l’intéressent, un homme n’hésitant pas si le conseil de l’auteur est pertinent à le promouvoir hiérarchiquement, combien de fois ne l’a-t-on pas vu ainsi bombarder chef de première section, un petit sous-chef minable de seconde section. Je lui dirai la vérité.
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