Où sont passé tous ces messieurs Sortis d’enfance ou presque vieux? De leurs maisons, leurs champs, leurs rues, Tous ces messieurs ont disparus.
Ont-ils traversé la planète, Guidés par un jet de comète, Pour humbles s’aller prosterner Devant l’aura d’un nouveau-né?
Ont-ils eu le pas invité Par le chant d’une flûte envouté Qui les a conduits sans merci Dans les eaux sombres de l’oubli?
Sont-ils entrés dans une comptine Pour dire en cœur à une gamine Comment transformer tout de go Une souris verte en escargot?
Ont-ils pris les bateaux de pêche Qui voguent des océans revêches Pour y remonter des grands rets Gorgés de poissons argentés?
Ont-ils préféré les galions Qui leurs promettaient l’illusion De rives inconnues jusqu’alors, Constellées de belles filles et d’ors?
Cheminent-ils un même chemin En se tenant tous par la main Pour faire à la terre, tout autour, Un merveilleux ruban d’amour ?
Ce qu’il advient en vérité De ces messieurs ce jour d’été Où la nature chante radieuse, Annonce une fable moins joyeuse… Dans une pochette de leurs vareuses, Pliée contre une photo précieuse, Une feuille de route pour assister À un spectacle d’artificiers.
D’accord ou pas, le même jour On les a mis dans un train pour Aller tirailler sur des frères Qui parlaient une langue étrangère.
On a mis dans leurs paquetages Des munitions et de la rage Pour perpétrer, tous frais payés, Des crimes lavés par l’aumônier.
Dans un enfer à ciel ouvert Ils ont subi les pires calvaires, On leur a fait casser leurs lippes, Casser leurs cœurs, casser leurs pipes.
Voilà pourquoi ce jour d’été, Tous ces messieurs ont désertés, Aux ordres cyniques d’un clairon, Et leurs familles et leurs maisons.
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