Penser le plaisir sexuel peut paraître au premier abord contre-intuitif, voire absurde, tant cette notion semble ancrée culturellement comme étant uniquement une expérience à vivre, intuitive. Cependant, se pencher sur ce concept en l’introduisant dans une perspective GSM permet de l’insérer socialement, culturellement et historiquement. Il est dès lors possible de l’appréhender comme un fait social construit. Il existe donc des scripts culturels du plaisir sexuel, les scripts consistant en l’ensemble des prescriptions sur la « bonne ou la mauvaise manière de se comporter, ce qu’il faut faire et ce qu’il convient d’éviter » (Gagnon, 1999, p.77). Les individus adaptent leurs comportements en fonction, entre autres, de ces « scénarios culturels ». A titre d’exemple, la pornographie peut servir de base à des scripts sexuels (Gagnon, 1999, p.75). Le plaisir sexuel ne faisant pas exception, Masters et Johnson estiment que même les phases du cycle de l’orgasme reposent sur un script sexuel (Gagnon, 1999, p.78). Il devient donc à ce stade pertinent de s’intéresser aux divers scripts du plaisir et à leurs articulations avec les forces en présence dans la société à divers moments historiques, dans l’objectif de mieux comprendre la manière dont se construisent lesdits scripts. Pour ce faire, nous verrons d’abord comment des scripts du plaisir sexuel (ou du désir, les deux notions pouvant faire l’objet d’analyses relativement équivalentes) peuvent être construits, être le produit de rapports de force entre différents groupes sociaux et servir à ce titre les intérêts des groupes les plus influents. Nous verrons ensuite comment un groupe peut se réapproprier des préceptes sociétaux, les transformer et les utiliser à des fins de plaisir sexuel. Car force est de constater que « dans les sociétés complexes, il n'existe pas de scénarios culturels de la sexualité monolithiques ou hégémoniques, même au sein des institutions : tout au contraire, les groupes et les individus s'affrontent en permanence afin de faire prévaloir leurs propres scénarios. Certains ont plus de pouvoir que d'autres, mais, d'une manière générale, dans les sociétés occidentales développées, aucun individu, groupe ou corps institutionnel ne contrôle totalement les scénarios sexuels. » (Gagnon, 1999, p.75-76).
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