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De Montpellier
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Le 5 mars 1871 ou 1870 ou 1871 naît Rosa Luxemburg
à amość Empire russe, actuelle Pologne, son nom est parfois retranscrit en français Rosa Luxembourg militante socialiste et théoricienne marxiste. Née sujette polonaise de l'Empire russe, elle prend la nationalité allemande afin de poursuivre en Allemagne son militantisme socialiste. Figure de l'aile gauche de l'Internationale ouvrière, révolutionnaire et partisane de l'internationalisme, elle s'oppose à la Première Guerre mondiale, ce qui lui vaut d'être exclue du SPD. Elle cofonde la Ligue spartakiste, puis le Parti communiste d'Allemagne. Deux semaines après la fondation du Parti communiste, elle meurt assassinée à Berlin le 15 janvier 1919 pendant la révolution allemande, lors de la répression de la révolte spartakiste. Cette militante socialiste et communiste, théoricienne marxiste, révolutionnaire, journaliste, à pour parents Eliasz Luksemburg Line Löwenstein son conjoint est Gustav Lübeck Ses idées ont inspiré des tendances de la gauche communiste et donné naissance, a posteriori, au courant intellectuel connu sous le nom de luxemburgisme. L'héritage de Rosa Luxemburg a cependant été revendiqué, de manière contradictoire, par des mouvances politiques très diverses.
En bref
Née près de Lublin, en Pologne sous domination russe, Rosa Luxemburg est issue d'une famille de commerçants juifs de tradition libérale. Après des études au lycée de Varsovie, elle entre dès 1887 en relation avec des militants socialistes polonais. Obligée de passer à l'étranger à cause de son activité politique, elle s'installe à Zurich, où elle étudie l'économie politique et devient marxiste. Avec son compagnon Leo Jogiches, elle participe en 1893 à la fondation du Parti social-démocrate du royaume de Pologne, qu'elle représente au congrès de Londres de la IIe Internationale (1896). Deux années plus tard, elle contracte un mariage blanc avec un médecin allemand afin de pouvoir militer dans le Reich, et s'inscrit au Parti social-démocrate (S.P.D.). Elle s'impose comme une des figures de proue de l'aile gauche du parti, et dirige la contre-attaque contre les thèses révisionnistes d'Eduard Bernstein ; elle soumet, dans sa brochure Réforme ou Révolution (1889), le réformisme de Bernstein à une critique acérée, s'attaquant en particulier au parlementarisme qu'il préconisait. Brillante journaliste, elle assure la rédaction en chef du quotidien Sächsische Arbeiterzeitung et collabore à plusieurs publications sociales-démocrates, dont Die neue Zeit, la revue théorique dirigée par Kautsky. Oratrice très demandée, elle parcourt l'Allemagne au gré des meetings et des campagnes du parti. Mais cette activité au sein du S.P.D. ne l'a jamais détournée des affaires polonaises. En décembre 1905, elle gagne clandestinement Varsovie en révolution. Elle propose aux militants une compréhension globale du mouvement et fixe dans ses brochures les buts immédiats à atteindre : contrecarrer l'orientation putschiste des courants nationalistes et étendre la révolte contre le tsarisme à la paysannerie et à l'armée. Emprisonnée en mars 1906, elle est libérée en juillet et peut quitter Varsovie. Elle rédige alors Grèves de masses, parti et syndicats, dans lequel elle tire pour la classe ouvrière allemande les enseignements de la révolution russe et polonaise. Sa conception de la grève politique et le mot d'ordre central qu'elle préconise pour l'Allemagne — « la république » — entraîne en 1910 sa rupture avec Kautsky et la majorité de gauche du S.P.D. C'est aussi vers cette époque qu'elle se lance dans une campagne de dénonciation du militarisme allemand et qu'elle se lie avec Karl Liebknecht. En août 1914, après le vote des crédits de guerre par les députés sociaux-démocrates, elle connaît un moment de désespoir. Mais bientôt une réunion des opposants internationalistes se tient à son domicile. Arrêtée en février 1915, puis de nouveau en juillet 1916 (par « mesure de protection »), elle ne sera libérée que par la révolution. Aussi est-ce depuis sa prison qu'elle fait parvenir la brochure La Crise de la social-démocratie (mars 1916), signée Junius, et ses contributions aux Lettres de Spartakus, voix de l'opposition révolutionnaire de la social-démocratie. À sa sortie de la forteresse de Breslau (9 nov. 1918), son premier geste est de tenir un meeting sur la place de la ville. Pendant les deux mois qui lui restent à vivre, cette femme va se dépenser sans compter, « comme une chandelle qui brûle aux deux bouts », à la tête de la ligue Spartakus, puis du Parti communiste allemand, fondé en janvier 1919. Lucide sur la difficulté de mener à terme la révolution socialiste, elle compte sur le développement du mouvement de grèves pour arracher les masses à l'influence des dirigeants sociaux-démocrates. Mais la droite décide de passer à la contre-offensive. En riposte à une mesure provocatrice du gouvernement, les ouvriers de Berlin déclenchent, le 6 janvier, l'insurrection. Opposée à celle-ci, Rosa Luxemburg comprend qu'il faut « agir vite ». Mais ni elle-même ni aucun chef du parti ne fut en mesure de diriger le combat, qui tourna à l'avantage de la contre-révolution. Le 14, elle écrit son dernier article, « L'ordre règne à Berlin ». Arrêtée avec Liebknecht par des officiers des corps francs, celle que Franz Mehring qualifiait de « plus géniale tête que le marxisme ait produite depuis Karl Marx » eut le crâne défoncé à coups de crosse, et son corps fut jeté dans un canal du parc de Tiergarten. Martyre de la cause révolutionnaire, Rosa Luxemburg s'impose aussi comme une des plus importantes théoriciennes de la pensée marxiste. Sa contribution la plus originale réside dans l'approfondissement de la notion de reproduction élargie du capital. Combattant la vision réformiste d'un système capitaliste qui parviendrait à résoudre ses contradictions, elle cherche dans L'Accumulation du capital (1913) à démontrer que le capitalisme ne peut échapper à la ruine ; elle précise comment le capital a besoin de marchés non capitalistes pour réaliser la plus-value ; elle conclut ainsi que, le jour où le capital aura désintégré toutes les formes antérieures et où la mondialisation du marché sera un fait accompli, la crise sera inéluctable. Cette conception, fortement teintée de catastrophisme, n'est pas sans implications quant à ses positions politiques, particulièrement en ce qui concerne l'organisation du prolétariat : l'aggravation des contradictions du système lui fait considérer que seul, et spontanément, le prolétariat peut devenir révolutionnaire, donc qu'il faut privilégier la grève de masse. Aussi le regroupement de l'avant-garde ouvrière consciente se réalise-t-il essentiellement au cours de la lutte, le parti apparaissant comme un produit de la crise révolutionnaire ; en cela, elle s'oppose à Lénine et aux bolcheviks, qui lui reprochent de surestimer les capacités politiques du mouvement de masse. Après sa mort, les disciples de Rosa Luxemburg cristalliseront ses idées dans une théorie de la « spontanéité révolutionnaire ». Enfin, en tant que dirigeante du Parti social-démocrate polonais, Rosa Luxemburg intervint activement dans le débat sur la question nationale Question nationale et autonomie, 1908 ; La Révolution russe, 1918 : limitant le fait national à un phénomène culturel, elle stigmatise dans le nationalisme un moyen pour la bourgeoisie d'occulter la lutte de classes et se prononce contre le droit des nations à disposer d'elles-mêmes ; cette position sera combattue par toutes les autres tendances du mouvement socialiste, et particulièrement par les bolcheviks, qui lui font grief d'ignorer la dimension politique du problème national. Jean-Claude Klein
Sa vie
Różalia Luksemburg est née le 5 mars 18702, ou plus probablement en 1871 dans la ville polonaise de Zamość, dans le gouvernement de Lublin. Elle est le cinquième enfant d'une famille juive aisée vivant dans la partie orientale de l'actuelle Pologne, alors territoire de l'Empire russe. Ses parents sont le marchand de bois Eliasz Luksenburg et sa femme Line née Löwenstein. En 1873, Eliasz Luksenburg ayant fait de mauvaises affaires et espérant améliorer sa situation en ville, la famille emménage à Varsovie, ce que Różalia Luksemburg, âgée de trois ans, vit péniblement5. Alors qu'elle est âgée de cinq ans, on lui diagnostique par erreur une tuberculose osseuse6 ; il est probable qu'elle souffrait d'une forme de luxation. Sa famille lui fait plâtrer la jambe et elle garde le lit toute une année. Lorsqu'elle est déplâtrée, l'enfant a une jambe plus courte que l'autre : elle souffre ensuite, sa vie durant, d'une forte claudication. La jeune fille fréquente à Varsovie, à partir de 1880, le deuxième lycée de jeunes filles : elle y est admise malgré l'existence d'un quota maximal de Juifs acceptés chaque année, en fonction d'un système de notation plus exigeant que pour les non-Juifs. Elle prend alors pour la première fois conscience de son statut de juive et de la discrimination qui y est rattachée. En 1881, un pogrom éclate à Varsovie : la famille s'en sort indemne, mais Różalia demeure profondément marquée par cette confrontation avec les conséquences de l'antisémitisme. Elle grandit par ailleurs dans un milieu familial petit-bourgeois et peu exaltant : en grandissant, Różalia ne se sent proche d'aucun de ses parents, son père, homme d'affaires peu avisé, n'étant en rien un modèle pour elle. Elle se sent en outre étrangère à la communauté juive polonaise, qu'elle n'apprécie guère. Le 14 juin 1887, elle quitte le lycée, obtenant la mention A très bien dans quatorze matières, l'appréciation d'ensemble étant très bien. Son bulletin scolaire indique le nom Rosalie Luxenburg, retranscription russe de son patronyme polonais.
Débuts politiques en Pologne et en Suisse.
L'intérêt de la jeune fille pour la politique est difficile à dater : la lecture des œuvres d'Adam Mickiewicz semble lui avoir donné le goût de l'idéalisme et lui avoir insufflé le désir de changer le monde11. Dès sa sortie du lycée, elle intègre un groupe socialiste clandestin qui soutient le programme de l'organisation révolutionnaire Prolétariat et ambitionne de fonder un parti ouvrier. En 1889, le climat politique menaçant en Pologne l'incite à partir étudier en Suisse, où se retrouvent alors de nombreux étudiants polonais engagés et, plus largement, des révolutionnaires européens exilés. Le 18 février 1889, arrivée en Suisse, elle se fait enregistrer à la municipalité d'Oberstrass, dans les environs de Zurich, en orthographiant son nom Luxemburg, retranscription plus cosmopolite qu'elle conserve par la suite. Elle loue une chambre chez un vieux militant socialiste allemand recommandé par des amis, Karl Lübeck, chez qui elle découvre la presse du SPD. Elle se lie à divers militants socialistes et rencontre, parmi les exilés politiques, le théoricien marxiste russe Gueorgui Plekhanov, qui l'intimide alors beaucoup. La jeune femme n'est pas encore sûre de l'étendue de sa vocation militante.
Leo Jogiches en 1890.
À l'automne 1890, Rosa Luxemburg fait la connaissance de Leo Jogiches, militant d'origine lituanienne qui bénéficie déjà d'une forte réputation dans le milieu socialiste. Rosa Luxemburg et Leo Jogiches entament une liaison, et la jeune femme abandonne, sous l'influence de son amant, l'étude des sciences naturelles au profit de l'économie, de la philosophie et du droit. La rencontre de Leo Jogiches bouleverse la vie de Rosa Luxemburg, qui s'adonne désormais toute entière à la politique, sans délaisser pour autant ses études. En 1892, elle entraîne Jogiches, qui se trouve alors isolé parmi les révolutionnaires russes, dans l'aventure de la création d'un parti politique polonais. Rosa Luxemburg s'écarte de Karl Marx sur la question de la souveraineté polonaise, à laquelle elle n'est pas favorable : pour elle, l'appartenance à une nation divise les ouvriers au lieu de les unir, et les ouvriers polonais et russes doivent au contraire unir leurs forces ; dans cette optique, le prolétariat polonais n'aurait rien à gagner dans son appartenance à un État bourgeois indépendant. La révolution en Pologne lui parait devoir s'inscrire dans un but plus large, celui du renversement de l'absolutisme en Russie : la renaissance de la Pologne en tant que nation aurait donc pour conséquence de retarder la fin du tsarisme en Russie, en allant à l'encontre de l'unité du prolétariat de toutes les nations de l'Empire russe. Pour Rosa Luxemburg, ce n'est qu'une fois ce but prioritaire réalisé, et une République démocratique substituée au tsarisme, que pourrait se réaliser une libération nationale polonaise, qui apporterait ensuite aux Polonais le droit de s'administrer eux-mêmes. En 1893, Rosa Luxemburg fonde, de concert avec Leo Jogiches et Julian Marchlewski, la Social-Démocratie du Royaume de Pologne;SDKP, rebaptisée en 1900 Social-Démocratie du Royaume de Pologne et de Lituanie — Socjaldemokracja Królestwa Polskiego i Litwy, soit SDKPiL — lors de l'alliance avec des socialistes lituaniens qui se pose en parti rival du Parti socialiste polonais PPS, créé en 1892 et qui, au contraire, milite pour l'indépendance de la Pologne. La SDKP compte à ses débuts deux cents membres. Les subsides de la mère de Leo Jogiches aident à financer un journal, La Cause ouvrière, dont Rosa Luxemburg est rédactrice en chef, signant par ailleurs une grande partie des articles sous divers pseudonymes. En août 1893, Rosa Luxemburg fait sa première intervention en public au congrès de l'Internationale ouvrière, au cours duquel elle plaide pour la reconnaissance de la SDKP. Sa première tentative échoue, mais la SDKP est reconnue en 1896 par l'Internationale. Le conflit entre PPS et SDKP s'envenime bientôt : Rosa Luxemburg attaque nettement le nationalisme du parti socialiste rival dans le journal parisien des exilés Sprawa Robotnicza La cause ouvrière et soutient en sens inverse que la Pologne ne peut retrouver son indépendance que par une révolution dans l'Empire allemand, en Autriche-Hongrie et en Russie. Priorité doit à ses yeux être accordée à la lutte contre la monarchie et le capitalisme dans toute l'Europe ; ce n'est qu'après la victoire des révolutionnaires que le droit des peuples à disposer librement d'eux-mêmes pourra se réaliser. Cette conviction constitue par la suite une partie de sa querelle avec Lénine qui regarde les mouvements de libération de la Pologne et des autres nationalités comme le premier pas vers le socialisme et souhaite les encourager. Rosa Luxemburg et Leo Jogiches vivent une vie militante très active, mais leur relation connaît des hauts et des bas : Jogiches, qui se consacre entièrement à ses activités révolutionnaires, est peu disponible pour une vie amoureuse stable tandis que Rosa Luxemburg aspire à une véritable relation de couple ; elle tend également à affirmer son indépendance face au caractère autoritaire de son compagnon. En 1896, la SDKP est démantelée en Pologne par une vague d'arrestations et La Cause ouvrière doit cesser de paraître. En 1897, Rosa Luxemburg est reçue à Zurich docteur magna cum laude, avec comme sujet de thèse le développement industriel de la Pologne. En septembre de cette même année, sa mère meurt ; Rosa Luxemburg vit difficilement le fait de n'avoir pas été à ses côtés. À la fin des années 1890, le couple décide que Rosa Luxemburg ira s'installer en Allemagne, où Jogiches estime pouvoir trouver un auditoire politique plus conforme à ses aspirations en nouant, par l'entremise de sa compagne qui lui servira d'émissaire, des relations avec le Parti social-démocrate d'Allemagne.
Activités au sein de la social-démocratie allemande
En tant que sujette russe, Rosa Luxemburg court le risque d'être expulsée d'Allemagne pour raisons politiques : aussi contracte-t-elle un mariage blanc avec Gustav Lübeck, le fils de Karl Lübeck, afin d'acquérir la nationalité allemande. Le mariage, dans lequel les deux époux ne voyaient qu'une formalité, ne pourra finalement être dissous qu'au bout de cinq ans de procédures légales pénibles. Elle entre en Allemagne sous le nom de Rosalia Lübeck. Installée à Berlin, elle se familiarise rapidement avec le Parti social-démocrate SPD où elle multiplie les rencontres. Bientôt remarquée pour son énergie et son intelligence politique, elle est envoyée dès juin 1889 en Haute-Silésie – partie de la Pologne annexée par le Royaume de Prusse au XVIIIe siècle – pour prêcher le socialisme auprès des ouvriers polonais à l'occasion des élections. Rosa Luxemburg fait ainsi ses débuts d'agitatrice politique, rôle qu'elle apprécie immédiatement. Les ouvriers, qui n'ont alors jamais rencontré de Frau Doktor, l'accueillent avec curiosité et sympathie. Coupée de son milieu familial, séparée de Jogiches par la distance, Rosa Luxemburg se lance avec passion dans ses activités politiques, malgré les difficultés de l'adaptation à la vie berlinoise et le net climat d'antisémitisme, qu'elle redécouvre en Allemagne après ses années zurichoises. Ses relations avec son compagnon, qui continue de demeurer en Suisse, deviennent difficiles : outre leur séparation géographique, Jogiches évolue vers la marginalité politique, et une certaine aigreur personnelle. Pendant l'été 1898, Rosa Luxemburg se trouve impliquée dans la querelle réformiste qui éclate alors au sein de la social-démocratie allemande : le théoricien Eduard Bernstein remet en effet en cause l'orientation marxiste en préconisant l'abandon par la social-démocratie de sa ligne révolutionnaire et la transformation du SPD en un grand parti élargi aux classes moyennes. En septembre, Rosa Luxemburg publie en sept livraisons un long article, Réforme sociale ou révolution, qui réfute les thèses de Bernstein ; cet article érudit lui permet de gagner en notoriété et de devenir directeur honoraire du journal Sächsiche Arbeiterzeitung, honneur qui n'avait jamais été dévolu à une femme. Quatre mois après son arrivée en Allemagne, Rosa Luxemburg connaît une notoriété croissante dans le milieu socialiste. Avec notamment Alexandre Parvus et Karl Kautsky, elle mène au congrès de Hanovre de 1899 l'offensive contre Bernstein, dont les thèses sont condamnées. Rosa Luxemburg semble avoir souhaité l'exclusion de Bernstein, mais ce dernier demeure au sein du SPD. Désormais cadre reconnue pour sa compétence au sein du Parti social-démocrate d'Allemagne, Rosa Luxemburg travaille comme journaliste pour la presse socialiste, comme traductrice elle parle yiddish, polonais, russe, allemand et français, et comme enseignante à l’école du SPD. Elle y donne des cours d’économie, d’histoire de l’économie, d’histoire du socialisme. Elle devient une amie de Karl Kautsky et de sa famille, et une confidente de Clara Zetkin. Entre-temps, ses relations à distance avec Leo Jogiches, dont l'activité politique est dans une impasse, continuent de se dégrader : en 1900, à la suite d'un ultimatum de Rosa Luxemburg, Leo Jogiches vient s'installer à Berlin, mais le couple continue de vivre séparé, Jogiches tenant à ce que leurs relations restent secrètes. Outre ses activités au SPD, Rosa Luxemburg réactive la SDKPiL. Elle réalise des tournées de conférences à travers toute l'Europe. En 1903, elle devient membre du Bureau socialiste international, l'organe de coordination de l'Internationale ouvrière. En juillet 1904, à son retour du congrès de l'Internationale, elle est arrêtée et condamnée à trois mois de prison pour avoir critiqué l'empereur Guillaume II dans un discours public : elle effectue sa peine dans la prison de Berlin-Zwickau, dans un certain confort, et profite de son incarcération pour lire de nombreux ouvrages. À cette même époque, Rosa Luxemburg s'oppose vivement aux thèses de Lénine : elle conteste l'idée léniniste d'une insurrection armée, considérant que c'est en élevant la conscience des ouvriers et non en les armant que l'on doit préparer une révolte populaire. Elle s'oppose notamment aux conceptions de Lénine en matière de centralisation de l'autorité et de hiérarchie. À la suite du Dimanche rouge, le 22 janvier 1905 à Saint-Pétersbourg, la révolution éclate en Russie. Leo Jogiches quitte en février Berlin pour Cracovie, où il fonde une nouvelle publication de la SDKPiL. Il se rend ensuite à Varsovie pour y négocier une alliance avec le Bund, ce que Rosa Luxemburg, hostile à l'idéologie nationaliste des militants juifs, désapprouve vivement. Rosa Luxemburg rejoint temporairement Jogiches à Cracovie durant l'été, rejoint l'Allemagne, puis regagne à nouveau Varsovie en décembre, sous une fausse identité, pour y participer au mouvement insurrectionnel qui se déroule également dans la Pologne orientale. Arrêtée avec Leo Jogiches, elle frôle l'exécution. Un temps assignée à résidence, puis libérée sous caution en tant que citoyenne allemande, elle regagne Berlin en septembre 1906 ; sa liaison avec Leo Jogiches prend fin à cette époque. Jogiches, demeuré en Pologne, est condamné en janvier 1907 à huit ans de bagne en Sibérie mais il s'évade avant d'être déporté et rejoint les milieux de l'émigration politique polonaise à Berlin. En décembre 1906, le tribunal de Weimar condamne Rosa Luxemburg à deux mois de prison pour avoir, lors du congrès du SPD en 1905, incité le prolétariat allemand à suivre l'exemple révolutionnaire russe. Elle effectue sa peine en juin et juillet 1907. Au congrès du SPD à Mannheim, Rosa Luxemburg contribue à constituer une gauche qui, en face d'une droite et d'un centre du parti désormais rapprochés, adopte une attitude révolutionnaire. Elle publie un pamphlet intitulé Grève de masse, Parti et syndicat, dans lequel elle combine ses expériences russes et allemandes et montre l'exemple d'une grève permanente, liée au sort de la révolution : pour Rosa Luxemburg, le processus révolutionnaire est un mouvement continu, où le parti peut jouer un rôle, mais sans prétendre à la direction de la classe ouvrière. Le parti doit se limiter à un rôle d'éclaircissement du prolétariat et, le jour de l'action venu, la distinction entre dirigeants et dirigés n'aura plus lieu d'être. Rosa Luxemburg dénonce également l'emprise, en Allemagne, de la bureaucratie syndicale, proche de l'aile droite du SPD et rongée par le révisionnisme c'est-à -dire le réformisme. L'ouvrage de Rosa Luxemburg provoque un scandale au sein du SPD et dès 1907, ses relations avec le dirigeant du parti August Bebel sont irrémédiablement compromises. Avec Martov et Lénine, avec qui elle noue une alliance temporaire et de circonstance, elle amende et fait adopter par l'Internationale ouvrière une résolution sur la guerre, stipulant qu'en cas de conflit, le devoir de la classe ouvrière est de se soulever et par là , d'empêcher la guerre et de hâter la fin du capitalisme. À la même époque, définitivement séparée de Jogiches, Rosa Luxemburg vit une liaison avec Costia Zetkin, un des fils de Clara Zetkin, de quinze ans son cadet : leur relation dure jusqu'en 1912. Jusqu'au déclenchement de la Première Guerre mondiale, la renommée de Rosa Luxemburg ne cesse de croître dans les milieux politiques. Elle prend part à diverses polémiques au sein du SPD et de l'Internationale ouvrière : sa tendance à citer en exemple la révolution russe de 1905 indispose de nombreux dirigeants sociaux-démocrates allemands, qui craignent dans leur pays une situation comparable. Rosa Luxemburg est par ailleurs très critique envers le comportement des sociaux-démocrates russes, désunis de manière permanente par la scission entre bolcheviks et mencheviks. Soutenue par Karl Kautsky, elle contribue à faire adopter par le Bureau socialiste international une résolution condamnant l'attitude de Lénine. En 1910, une vive polémique l'oppose à Kautsky, jusque-là son ami personnel, au sujet du rôle du parti envers les ouvriers : Rosa Luxemburg continue de soutenir que les travailleurs doivent être poussés à prendre en main leur propre destin, la direction du parti leur cédant le pouvoir ; elle dénonce également les compromissions du SPD qui, en se refusant à revendiquer l'instauration de la république en Allemagne, devient un jouet des partis bourgeois. Kaustky sort nerveusement épuisé de la polémique qui l'oppose à Rosa Luxemburg ; les relations de cette dernière avec les dirigeants sociaux-démocrates allemands sont très dégradées. Au sein de la SDKPiL, elle participe à l'exclusion de Karl Radek, membre du comité de Varsovie qui s'opposait au comité central du parti polonais établi à Berlin. Sur la question des nationalités, Rosa Luxemburg adopte un point de vue d'internationalisme intégral et s'oppose radicalement à toute forme de nationalisme, considérant que « dans une société de classes, la nation, en tant qu'entité socio-politique, n'existe pas. Pour elle, la question nationale est une question seconde, soit une question tactique et non une question de principe. Le seul droit à l'autodétermination que la social-démocratie doit soutenir est, pour elle, celui de la classe ouvrière : dans son optique, la révolution socialiste internationale mettra fin à la domination nationale, comme à l'exploitation, à l'inégalité des sexes et à l'oppression raciale.
Opposition à la guerre et fondation de la Ligue spartakiste
Dans les années qui précèdent le déclenchement de la Première Guerre mondiale, Rosa Luxemburg multiplie les activités et les participations à des débats publics, tandis que la fracture politique au sein du SPD, de plus en plus recentré, s'accentue. Elle a renoué des liens d'amitié avec Leo Jogiches, qui l'aide à relire les épreuves de L'Accumulation du capital, son œuvre théorique majeure. Dans cet ouvrage, publié en janvier 1913 et formé à partir des cours d'économie politique qu'elle dispense auprès de militants socialistes, Rosa Luxemburg détaille son analyse du capitalisme : pour elle, l'accumulation ne peut s'effectuer que grâce à l'expansion du capitalisme vers des marchés étrangers ou dans des régions moins développées des mêmes pays. Les marchés non capitalistes sont nécessaires au fonctionnement du capitalisme et, en dernière analyse, à sa survie, mais ils sont pourtant détruits en tant qu'entités indépendantes. En se privant de la demande qui lui permet de réaliser la plus-value, le système capitaliste s'effondre inévitablement du fait de cette contradiction. La publication de L'Accumulation du capital provoque une polémique tant à droite qu'à la gauche du SPD : sa théorie de l'écroulement inévitable du capitalisme fait l'objet de vives critiques. Franz Mehring, Wilhelm Pieck et Julian Marchlewski saluent au contraire en Rosa Luxemburg l'interprète la plus érudite de Marx depuis Engels. Rosa Luxemburg milite par ailleurs avec passion contre les risques de guerre en Europe. En septembre 1913, elle prononce à Francfort-sur-le-Main un discours enflammé dans lequel elle appelle les ouvriers allemands à ne pas prendre les armes contre des ouvriers d'autres nationalités. Cela lui vaut de passer, le 20 février 1914, en jugement pour incitation publique à la désobéissance. Rosa Luxemburg se défend avec passion et éloquence, ce qui lui vaut une célébrité nationale, au-delà des milieux socialistes. À la même époque, elle entretient durant plusieurs mois une liaison avec l'un de ses avocats, le socialiste Paul Levi, qui reste ensuite un ami proche ; Levi consacre plus tard sa vie à la poursuite du travail politique de Rosa Luxemburg et à la diffusion de ses thèses. Rosa Luxemburg est condamnée à un an de prison. Alors qu'elle attend l'issue de son procès en appel, elle prononce en mars 1914 un nouveau discours dans lequel elle accuse les militaires allemands de maltraiter les soldats : elle est cette fois poursuivie pour insulte à l'armée. Des milliers de témoignages arrivant pour soutenir ses propos, le procès est enterré42. Durant les mois que durent les diverses procédures, Rosa Luxemburg continue de diffuser ses thèses et de militer ardemment contre la guerre. Alors que le conflit éclate en Europe, l'Internationale ouvrière échoue totalement à définir une politique commune, et les sociaux-démocrates allemands, comme la plupart de leurs homologues européens, votent les crédits de guerre. Rosa Luxemburg, qui doit théoriquement commencer à accomplir en décembre sa peine de prison, forme avec plusieurs militants, dont Karl Liebknecht, Leo Jogiches, Franz Mehring, Julian Marchlewski, Paul Levi et Clara Zetkin, le noyau de ce qui devient le Gruppe Internationale, puis par la suite le Spartakusbund la Ligue Spartacus, ou Ligue spartakiste : leur appel contre le vote des crédits de guerre, lancé à plus de trois cents dirigeants socialistes, reste quasiment sans réponse. En décembre, Rosa Luxemburg est hospitalisée pour épuisement nerveux et physique : elle commence sa peine de prison en février 1915. En prison, Rosa Luxemburg maintient des liens épistolaires avec le monde extérieur. C'est là également qu'elle rédige la brochure La Crise de la social-démocratie, publiée clandestinement en 1916 sous le pseudonyme de Junius. L'opposition radicale socialiste s'exprime au travers d'une lettre politique signée Spartakus : avec le soutien logistique de Leo Jogiches qui prend la direction des opérations clandestines, la publication, intitulée Les Lettres de Spartakus, circule bientôt à plus de 30 000 exemplaires. Rosa Luxemburg est libérée en février 1916 et reprend aussitôt ses activités publiques. Le 1er mai, lors d'une manifestation spartakiste elle défile aux côtés de Karl Liebknecht qui, en uniforme de soldat, lance un slogan contre la guerre et le gouvernement : À bas la guerre ! À bas le gouvernement ! Immédiatement arrêté, il est privé de son immunité parlementaire, traduit devant un tribunal militaire, et condamné à quatre ans de prison, tandis que Rosa Luxemburg est aussitôt placée sous surveillance policière. Le 9 juillet 1916, elle est arrêtée et placée en détention administrative. Rosa Luxemburg maintient à nouveau des contacts écrits avec le monde extérieur. Elle entretient par ailleurs une relation épistolaire aux accents romantiques avec un ami de Costia Zetkin, Hans Diefenbach. Ce dernier, envoyé au front comme médecin militaire, est tué en octobre 1917, sa mort causant à Rosa Luxemburg un choc terrible. En janvier 1917, les socialistes opposés à la guerre sont exclus du SPD ; en avril, ils constituent le Parti social-démocrate indépendant d'Allemagne USPD, dont la Ligue spartakiste constitue le courant d'extrême gauche.
Soutien et critiques envers la révolution russe
Rosa Luxemburg, depuis sa prison, suit attentivement les évènements politiques et écrit une série de textes sur la Révolution russe à partir de mars 1917, selon elle le fait le plus considérable de la guerre mondiale, mais après la révolution d'Octobre, elle se montre critique envers divers aspects de la politique suivie par les bolcheviks. Elle dénonce l'opportunisme des dirigeants de la social-démocratie allemande Eduard Bernstein, Karl Kautsky et des mencheviks russes, ainsi que leur politique de soutien à l'impérialisme. Dans ce contexte, elle salue le parti bolchevik en tant que force motrice à qui revient le mérite historique d'avoir proclamé dès le début et suivi avec une logique de fer la tactique qui seule pouvait sauver la démocratie et pousser la révolution en avant. Tout le pouvoir aux masses ouvrières et paysannes, tout le pouvoir aux soviets. La critique de la politique poursuivie par ce dernier apparaît d'autant plus nécessaire pour Rosa Luxemburg. Elle dénonce entre autres le soutien des bolcheviks aux autodéterminations nationales, qui lui paraît affaiblir le prolétariat en renforçant le nationalisme, ainsi que la politique de redistribution des terres par les bolcheviks, qui pour elle menace d'aboutir à la constitution d'une couche de petits propriétaires fonciers ennemis potentiels de la révolution, hostiles au socialisme d'une part. Dans l'optique de Rosa Luxemburg, le dépècement de la Russie par le droit à l'indépendance des nations de l'ex-Empire russe et le slogan du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes constituent pour les bourgeoisies nationales un instrument de leur politique contre-révolutionnaire. Elle critique enfin l'étouffement de la démocratie politique par les bolcheviks : si Rosa Luxemburg, comme Clara Zetkin ou Franz Mehring, approuve la dissolution de l'Assemblée constituante, elle regrette qu'elle n'ait pas été suivie de nouvelles élections, écrivant : La liberté seulement pour les partisans du gouvernement, pour les membres d'un parti, aussi nombreux soient-ils, ce n'est pas la liberté. La liberté, c'est toujours la liberté de celui qui pense autrement. Si pour Rosa Luxemburg, la dictature socialiste ... ne doit reculer devant aucun moyen de contrainte pour imposer certaines mesures dans l'intérêt de la collectivité, elle estime que le pouvoir léniniste est une dictature, il est vrai, non celle du prolétariat, mais celle d'une poignée de politiciens, c'est-à -dire une dictature au sens bourgeois. Elle préconise au contraire la démocratie la plus large et la plus illimitée, et rappelle que c’est un fait absolument incontestable que, sans une liberté illimitée de la presse, sans une liberté absolue de réunion et d'association, la domination des larges masses populaires est inconcevable. Les causes de cette dérive sont, pour Rosa Luxemburg, à chercher tant dans la conception léniniste du parti que dans les conditions très défavorables de la guerre mondiale et de l'isolement de la Russie sur le plan international, qui rend d'autant plus nécessaire le déclenchement de la révolution en Europe. Avec Leo Jogiches qui l'aide à se tenir au courant des évènements, Rosa Luxemburg estime que les révolutionnaires allemands doivent à tout prix éviter de devenir des satellites des bolcheviks. Elle juge cependant que le « bolchévisme est devenu le symbole du socialisme révolutionnaire pratique, de tous les efforts de la classe ouvrière pour conquérir le pouvoir et considère que la révolution russe sera condamnée si le prolétariat des autres pays ne lui vient pas en aide en conquérant le pouvoir.
Posté le : 06/03/2016 18:08
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