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Jean Sans terre 2
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Dispute avec le pape

Après la mort de l'archevêque de Cantorbéry, Hubert Walter, le 13 juillet 1205, Jean fut impliqué dans une dispute avec le pape Innocent III qui mena à son excommunication. Les rois normands et Plantagenêt exerçaient une forte influence dans les questions religieuses de leurs territoires. À partir des années 1040, les papes soulignèrent néanmoins le besoin de réforme pour que l'Église soit, selon l'historien Richard Hushcroft, gouvernée depuis le centre d'une manière plus cohérente et hiérarchisée et qu'elle établisse sa propre sphère d'autorité distincte du pouvoir temporel. Ces principes avaient largement été acceptés dans l'Église anglaise à la fin du XIIe siècle malgré les inquiétudes concernant la centralisation du pouvoir à Rome. Ces changements remettaient toutefois en cause le droit traditionnel des souverains laïcs à nommer les ecclésiastiques de leur choix. Innocent III était, selon l'historien Ralph Turner, un chef religieux ambitieux et agressif insistant sur ses droits et responsabilités au sein de l'Église.
Jean voulait que John de Gray, l'évêque de Norwich et l'un de ses principaux partisans, succède à Walter mais le chapitre de chanoines de la cathédrale de Cantorbéry estima qu'il était de son droit exclusif de désigner le nouvel archevêque et il soutint Reginald, son sous-prieur162. Pour compliquer la situation, les évêques de la province de Cantorbéry revendiquaient également le droit de désigner le successeur de Walter. Reginald fut secrètement élu par le chapitre et se rendit à Rome pour être confirmé dans sa nouvelle fonction ; les évêques contestèrent cette nomination et portèrent leur plainte devant Innocent III. Dans le même temps, Jean força le chapitre de Cantorbéry à soutenir de Gray et un messager fut envoyé à Rome pour informer le pape de ce changement. Ce dernier désavoua à la fois Reginald et John de Gray et nomma son propre candidat, Étienne Langton, un théologien de l'université de Paris. Jean refusa ce nouvel archevêque mais Langton fut néanmoins ordonné en juin 1207 par le pape.
Le roi anglais fut ulcéré par ce qu'il considérait être une violation de son droit traditionnel à influencer l'élection des ecclésiastiques dans son royaume. Considérant que Langton était trop influencé par la cour capétienne à Paris, il s'opposa à son entrée en Angleterre et confisqua les terres et les possessions de l'archevêché et de la Papauté. Innocent III essaya sans succès de convaincre Jean de changer d'avis et en mars 1208, il promulgua un interdit en Angleterre en mars 1208 interdisant le clergé de toute cérémonie religieuse à l'exception du baptême et de l'absolution des mourants.
Le château de Rochester était l'une des nombreuses propriétés de l'archevêché de Cantorbéry et une importante fortification de la fin du règne de Jean
John considéra que l'interdit était l'équivalent d'une déclaration de guerre du pape et il répondit en jouant sur la division du clergé anglais sur la question. Il confisqua les terres des ecclésiastiques respectant l'interdit et arrêta les concubines des religieux en ne les libérant qu'après le paiement d'une amende. En 1209, la situation semblait bloquée et Innocent III menaça Jean d'excommunication s'il n'acceptait pas la nomination de Langton168 ; le roi refusa et il fut excommunié en novembre 1209. Même si cela représentait un coup sévère au prestige royal, cela ne sembla pas vraiment inquiéter Jean. Deux de ses alliés, Otton IV et Raymond VI de Toulouse, avaient déjà subi la même punition et les faibles répercussions de ces décisions avaient dévalué la signification de l'excommunication. La seule conséquence tangible fut un durcissement des mesures envers l'Église et un accroissement des taxes sur ses revenus ; selon une estimation de 1213, Jean avait obtenu environ 100 000 marcs environ 66 666 livres de l'époque du clergé. Un autre document suggère que les confiscations des possessions ecclésiastiques et les pénalités contre l'Église représentaient environ 14% des revenus de la Couronne.
Alors que la crise se prolongeait, le pape accorda des dispenses. Les communautés monastiques furent autorisées à célébrer la messe en privé à partir de 1209 et à la fin de l'année 1212, le viatique fut réintroduit pour les mourants. Les restrictions sur les enterrements et l'accès des laïcs aux églises semblent avoir été rapidement contournés du moins officieusement. Même si l'interdit impactait largement la vie de la population, cela ne provoqua pas de révolte contre Jean. Ce dernier s'inquiétait cependant de plus en plus de l'attitude de la France. Certains chroniqueurs ont avancé qu'en janvier 1213, Philippe II avait été chargé par le pape de renverser Jean même s'il est apparu par la suite qu'Innocent III avait simplement préparé des lettres secrètes pour revendiquer le crédit d'une éventuelle invasion victorieuse de l'Angleterre par le roi de France.
Devant les pressions politiques, Jean accepta finalement de négocier une réconciliation avec le pape via le légat apostolique Pandulf Musca et le texte final fut signé en mai 1213 à Douvres. Par ce traité, Jean plaçait son royaume sous la suzeraineté papale et acceptait de payer un tribut annuel de 1 000 marcs environ 666 livres de l'époque pour l'Angleterre et de 200 marcs pour l'Irlande en plus de dédommager l'Église pour ses pertes durant la crise. Cette résolution reçut un accueil mitigé car si certains chroniqueurs ont avancé que Jean avait été humilié, il n'y eut pas de véritable réaction populaire. Innocent III tira certainement profit de cette résolution du problème anglais mais Jean y gagna probablement encore plus car le pape devint un soutien indéfectible de Jean jusqu'à la fin de son règne. Le souverain pontife se retourna immédiatement contre Philippe II et lui ordonna de renoncer à une invasion de l'Angleterre et de demander la paix. Jean paya une partie des indemnités dues à l'Église mais il cessa les paiements à la fin de l'année 1214 ; même si le roi anglais n'avait remboursé qu'un tiers de sa dette, Innocent III ne fit pas pression pour qu'il paye, probablement pour ne pas nuire à ses relations avec l'Angleterre.

Première guerre des barons

Mécontentement des barons


Les tensions entre Jean et les barons s'accroissaient depuis plusieurs années en raison des politiques impopulaires du souverain. Beaucoup de barons mécontents venaient du Nord de l'Angleterre, ce qui poussa les chroniqueurs et les historiens à les désigner comme les Nordistes. Ces derniers se sentaient peu concernés par le conflit en France et beaucoup avaient d'importantes dettes envers la Couronne; leur soulèvement ultérieur a ainsi été qualifié de révolte des débiteurs du roi. Les tensions étaient également élevées en Galles du Nord où l'opposition entre Jean et Llywelyn au sujet du traité de 1211 dégénérait en conflit ouvert. Même au sein de la cour royale, de nombreux courtisans, en particulier ceux que le souverain avait nommés à des fonctions administratives dans le royaume, estimaient que leurs responsabilités locales surpassaient leurs loyautés personnelles envers Jean et ils rejoignirent ses opposants. Pour certains historiens, la nomination de Pierre des Roches au poste de justiciar fut le catalyseur de la crise car il était considéré comme un étranger rugueux par beaucoup de barons. L'élément déclencheur qui précipita la révolte de la noblesse fut finalement la désastreuse campagne française de 1214; pour l'historien James Holt, la route vers la guerre civile après la défaite de Bouvines était directe, courte et inévitable.

Échec de la campagne en France

Quand Jean entama son invasion de la Normandie en 1214, il avait toutes les raisons d'être optimiste. Il avait formé une solide alliance avec l'empereur Otton IV, Renaud de Boulogne et Ferrand des Flandres ; il disposait du soutien du pape et avait rassemblé suffisamment de fonds pour financer le déploiement d'une armée expérimentée. De nombreux barons refusèrent cependant de rejoindre ses troupes quand il prit la mer pour le Poitou en février 1214 et ils durent être remplacés par des mercenaires. Le plan de Jean était de couper les forces françaises en deux en menant une offensive vers Paris depuis le Poitou tandis qu'Otton IV, Renaud et Ferrand, soutenus par Guillaume de Longue-Épée attaqueraient vers le sud depuis les Flandres.
Les Anglais remportèrent initialement plusieurs succès notamment quand Jean envahit le comté d'Anjou tenu par le prince Louis à la fin du mois de juin. Le siège du château stratégique de la Roche-au-Moine, contraignit le prince français à livrer bataille contre l'armée anglaise plus nombreuse. Les nobles locaux refusèrent cependant de combattre et Jean fut obligé de se replier à La Rochelle. Le 28 juillet, Philippe II remporta une victoire décisive à Bouvines contre Otton IV. Ayant perdu tout espoir de reprendre la Normandie, Jean dut demander la paix ; l'Anjou fut rendu à la France et le roi anglais dut payer une indemnité à Philippe II. La trêve devait durer six ans et Jean rentra en Angleterre en octobre 1214.

Magna Carta

Dans les mois qui suivirent le retour de Jean, les barons rebelles dans le Nord et l'Est de l'Angleterre organisèrent l'opposition à son pouvoir. Jean organisa un conseil à Londres en janvier 1215 pour débattre d'éventuelles réformes et il encouragea des discussions à Oxford entre ses représentants et ceux des rebelles durant le printemps. Il semble qu'il essayait ainsi de gagner du temps pour qu'Innocent III puisse lui envoyer des lettres de soutien. Cela était particulièrement important pour le roi anglais qui pourrait ainsi faire pression sur les barons et contrôler Langton. Jean annonça également son intention de rejoindre les croisades, ce qui lui offrit une protection supplémentaire de l'Église. Dans le même temps, il commença à recruter des troupes mercenaires dans le Poitou même si certains soldats furent par la suite renvoyés pour ne pas donner l'impression que le roi voulait une aggravation de la crise.
Les lettres de soutien du pape arrivèrent en avril mais les rebelles s'étaient alors organisés. Ils se rassemblèrent à Northampton en mai et déclarèrent qu'ils n'étaient plus liés à Jean par les liens féodaux. L'auto-proclamée Armée de Dieu commandée par Robert Fitzwalter s'empara de Londres ainsi que de Lincoln et d'Exeter. Les tentatives de Jean pour apparaître modéré et conciliant avaient été relativement efficaces mais après la prise de la capitale, beaucoup de ses partisans firent défection. Il demanda alors à Langton d'organiser des négociations avec les barons rebelles.
Les chefs rebelles et le roi se rencontrèrent à Runnymede près du château de Windsor le 15 juin 1215. Le résultat fut la Magna Carta ou Grande Charte qui était bien plus qu'une simple réponse aux plaintes des barons et représentait une profonde réforme politique même si elle se concentrait sur les droits des hommes libres et non sur ceux des serfs. Le texte garantissait les droits de l'Église, des protections contre les emprisonnements arbitraires, l'accès à une justice rapide, une limitation de l'écuage et des autres impôts féodaux en plus d'interdire la mise en place de nouvelles taxes sans l'accord des barons. Un conseil composé de 25 nobles neutres devait être créé pour s'assurer du respect de la Charte par Jean tandis que l'armée rebelle serait démobilisée et que Londres serait rendu au roi.
Ni les barons rebelles ni Jean ne tentèrent réellement de respecter l'accord. Les premiers pensaient que le roi n'accepterait pas le conseil et qu'il allait contester la légalité de la Charte ; ils désignèrent ainsi leurs représentants les plus radicaux pour siéger au conseil et refusèrent de démobiliser leurs forces ou de rendre Londres. Malgré ses dénégations, Jean demanda l'appui d'Innocent III en avançant que la Charte affectait les droits du pape qui était devenu le suzerain du roi anglais par l'accord de 1213. Le souverain pontife s'exécuta et déclara que la Charte était non seulement honteuse et dévalorisante mais également illégale et injuste et il excommunia les barons rebelles. L'échec de l'accord entraîna rapidement l'éclatement de la première guerre des barons.

Première Guerre des barons

Les rebelles prirent immédiatement l'initiative et s'emparèrent du château de Rochester appartenant à Langton mais que ce dernier avait laissé sans véritable garnison1. Jean était prêt à la guerre car il avait accumulé suffisamment d'argent pour payer ses mercenaires et s'était assuré du soutien des puissants seigneurs des Marches qui disposaient de leurs propres armées tels que Guillaume le Maréchal et Ranulph de Blondeville. De leur côté, les rebelles manquaient d'expérience ou d'équipements dans la guerre de siège pour s'emparer des forteresses royales qui séparaient leurs forces dans le Nord et le Sud de l'Angleterre. Le plan du roi était d'isoler les barons rebelles dans Londres, protéger ses propres lignes de communication avec la Flandre d'où venaient beaucoup de ses mercenaires, empêcher une invasion française dans le Sud-Est et mener une guerre d'usure. Dans le même temps, Llywelyn profita du chaos pour mener un soulèvement en Galles du Nord contre le traité de 1211.
Les débuts de sa campagne furent victorieux et en novembre, il reprit le château de Rochester défendu par William d'Aubigny. Un chroniqueur rapporta qu'il n'avait jamais vu un siège si durement mené tandis que l'historien Reginald Brown le décrit comme l'une des plus grandes opérations de siège de l'époque en Angleterre. Ayant sécurisé le Sud-Est, Jean divisa ses forces et envoya Guillaume de Longue-Épée reprendre l'Est-Anglie tandis que lui-même mena ses forces vers le nord via Nottingham pour s'emparer des possessions des barons. Les deux offensives furent victorieuses et la plupart des derniers rebelles furent isolés dans Londres. En janvier 1216, Jean marcha contre Alexandre II d'Écosse qui s'était allié aux insurgés. Les troupes anglaises progressèrent rapidement et atteignirent Édimbourg au bout d'une campagne de dix jours.
Se sentant acculés, les rebelles demandèrent l'appui du prince Louis de France qui accepta d'autant plus facilement que par son mariage à Blanche de Castille, petite-fille d'Henri II, il avait une revendication au trône d'Angleterre. Son intervention contre Jean lui valut l'excommunication et cela empêcha Philippe II de le soutenir officiellement même s'il lui a sans doute apporté une aide officieuse. Craignant une invasion française qui pourrait fournir aux rebelles les armes de sièges qui leur manquaient, Jean fit rapidement route vers le Sud pour s'y opposer après avoir vaincu Alexandre II.
Jean rassembla une force navale pour intercepter la flotte française mais ses navires furent dispersés par une tempête et Louis débarqua sans opposition dans le Kent en mai 1216. Le roi anglais hésita et décida de ne pas attaquer immédiatement peut-être car il doutait de la loyauté de ses hommes. Louis et les barons rebelles progressèrent vers l'ouest et repoussèrent Jean qui passa l'été à réorganiser ses forces et ses défenses. Plusieurs de ses commandants dont Guillaume de Longue-Épée firent défection durant cette période et au début de l'automne, les rebelles contrôlaient le Sud-Est de l'Angleterre ainsi qu'une partie du Nord.

Mort

En septembre 1216, Jean lança une nouvelle offensive depuis les Cotswolds et, feignant de secourir le château de Windsor assiégé, attaqua vers Cambridge pour isoler les forces rebelles du Lincolnshire et d'Est-Anglie. Il poursuivit vers l'est pour lever le siège de Lincoln et arriva sur la côte à Lynn probablement pour obtenir des renforts du continent. Alors qu'il se trouvait dans cette ville, il contracta la dysenterie. Dans le même temps, Alexandre II attaqua à nouveau le Nord de l'Angleterre et s'empara de Carlisle en août avant de progresser vers le sud. Alors que la situation du roi anglais était de plus en plus difficile, les rebelles commencèrent à se diviser en raison de tensions entre Louis et les barons ; plusieurs d'entre-eux dont le fils de Guillaume le Maréchal et Guillaume de Longue-Épée, firent défection et rejoignirent Jean.
Le roi avança vers l'ouest mais une grande partie de son ravitaillement aurait été perdu en route. Le chroniqueur Roger de Wendover suggère notamment que les biens royaux dont les Joyaux de la Couronne, furent perdus dans les sables mouvants lors de la traversée d'un des estuaires du Wash. Les détails de l'incident varient considérablement selon les récits et son emplacement exact n'a jamais été déterminé ; il est possible que seuls quelques chevaux de bât aient été perdus. Les historiens modernes estiment qu'en octobre 1216, Jean se trouvait dans une impasse.
La maladie du roi s'aggrava et il fut incapable d'aller plus loin que le château de Newark. Il mourut dans la nuit du 18 au 19 octobre. De nombreux témoignages, probablement inventés, commencèrent rapidement à circuler et suggérèrent que Jean avait été tué par de la bière ou des prunes empoisonnées voire par un excès de pêches. Sa dépouille fut emmenée par une compagnie de mercenaires vers le sud et elle fut inhumée dans la cathédrale de Worcester face à l'autel de Wulfstan. Son corps fut exhumé en 1232 pour être placé dans un nouveau sarcophage où il repose toujours.

Héritage

Après la mort de Jean, Guillaume le Maréchal fut désigné comme protecteur du nouveau roi, Henri III âgé de seulement neuf ans. La guerre civile perdura jusqu'aux victoires royalistes de Lincoln et de Sandwich en 1217. Louis renonça à sa revendication au trône anglais et signa le traité de Lambeth. Pour ramener le calme, Guillaume réintroduisit une version modifiée de la Magna Carta en 1217 et celle-ci devint la base des futurs gouvernements. Henri III tenta de reconquérir la Normandie et l'Anjou jusqu'en 1259 mais les pertes continentales de Jean et la croissance du pouvoir capétien au XIIIe siècle se révélèrent être un tournant de l'histoire européenne. La première épouse de Jean, Isabelle de Gloucester se remaria avec Geoffrey Fitz Geoffrey de Mandeville en 1216 et avec Hubert de Burgh l'année suivante peu avant sa mort. Sa seconde épouse quitta l'Angleterre pour Angoulême peu après la mort du roi ; elle y épousa Hugues X de Lusignan et eut une faible influence sur les enfants issus de sa première union.

Historiographie

Les évaluations historiques du règne de Jean ont considérablement varié selon les époques. Les chroniqueurs ayant écrit sur sa jeunesse et son accession au trône comme Richard de Devizes, William de Newburgh, Roger de Hoveden et Raoul de Dicet étaient généralement critiques envers son comportement sous Richard Ier mais leur perception de son début de règne était plus favorable. Les récits fiables sur la suite de son règne sont plus rares mais les principales sources de cette période rédigées par Gervais de Canterbury et Raoul de Coggeshall étaient assez hostiles. Cette perception négative de Jean fut renforcée par les écrits postérieurs à sa mort de Roger de Wendover et de Matthieu Paris.
Au XVIe siècle, les évolutions politiques et religieuses entraînèrent une vision plus favorable du règne de Jean. Les historiens Tudor voyaient positivement son opposition à la Papauté et sa défense des droits et des prérogatives royales. Les récits réformistes de John Foxe, William Tyndale et Robert Barnes le présentaient comme un héros protestant et le premier l'inclut dans son Livre des Martyrs. Dans son Historie of Great Britaine de 1632, John Speed loua la grande renommée du roi Jean et accusa les chroniqueurs médiévaux de partialité dans leurs évaluations de son règne.
Durant l'ère victorienne du XIXe siècle, les historiens se concentrèrent sur la personnalité de Jean et leurs études s'appuyaient essentiellement sur les récits de ses contemporains. Kate Norgate avança par exemple que sa chute n'était pas liée à ses échecs militaires mais à son immoralité presque surhumaine tandis que James Ramsay accusa son environnement familial et sa cruauté. Son bilan était plus favorable chez les historiens de tradition whig qui voyaient des documents comme le Domesday Book et la Magna Carta comme les étapes du développement politique et économique de l'Angleterre durant le Moyen Âge menant au libéralisme. Pour eux, la signature de la Magna Carta marquait un événement majeur de l'histoire constitutionnelle anglaise malgré les défauts du monarque. Winston Churchill écrivit notamment qu'avec le recul du temps, il apparaît que la nation britannique et le monde anglophone doivent bien plus aux vices de Jean qu'au labeur des souverains vertueux.
L'étude des sources primaires sur son règne comme les pipe rolls, les chartes et les documents de la cour donna lieu à de nouvelles interprétations dans les années 1940. Dans un essai de 1945, Vivian Galbraith proposa ainsi une nouvelle approche pour comprendre cette période. Cette utilisation plus importante des documents de l'époque s'est associée à un plus grand scepticisme sur les récits de Roger de Wendover et de Matthieu Paris. Dans de nombreux cas, les écrits de ces deux chroniqueurs, rédigés après la mort de Jean, furent rejetés par les historiens modernes. La signification de la Magna Carta a également été revue ; si sa valeur symbolique et constitutionnelle pour les générations ultérieures ne fait aucun doute, elle n'était, dans le contexte du règne de Jean, qu'une proposition de paix ayant échoué.
Le consensus actuel, illustré par les deux biographies de Ralph Turner et Lewis Warren, est que Jean fut un monarque sans grand succès dont les erreurs furent exagérées par les chroniqueurs des XIIe et XIIIe siècles. Pour Jim Bradbury, il fut un administrateur appliqué ainsi qu'un général compétent avec des traits de personnalité déplaisants voire dangereux comme la mesquinerie, la méchanceté et la cruauté ; il souligne également que les historiens les plus récents ont eu tendance à être trop cléments envers les nombreuses erreurs du roi. John Gillingham, auteur d'une biographie influente de Richard Ier, est du même avis mais est plus mitigé que Turner ou Warren sur ses compétences militaires qu'il estime médiocres. À l'inverse, l'historien Frank McLynn avance que cette réputation relativement positive parmi les historiens modernes est bizarre étant donné que Jean « échoue à quasiment tous les tests que l'on peut légitimement poser à un souverain.

Culture populaire

Les premières représentations de Jean dans des œuvres de fiction datent de la période Tudor et reflètent les opinions réformatrices de l'époque. L'auteur anonyme du Troublesome Reign of King John présente le roi comme un martyr proto-protestant ; de même, dans la moralité de Jean Bale, Kynge Johan, Jean tente de sauver l'Angleterre des « agents maléfiques de l'Église romaine. Par contraste, La Vie et la Mort du roi Jean de William Shakespeare, qui reprend des éléments anti-catholiques du Troublesome Reign of King John, offre une vision duale et plus nuancée d'un souverain complexe à la fois victime proto-protestante des machinations de Rome et dirigeant faible et égoïste. La pièce d'Anthony Munday, The Downfall and The Death of Robert Earl of Huntington, illustre les défauts du souverain mais présente une vision positive de son opposition à la Papauté dans la ligne de l'historiographie de l'époque. Au milieu du XVIIe siècle, les pièces comme King John and Matilda de Robert Davenport, bien que largement basées sur les œuvres élisabéthaines, présentent à l'inverse les barons comme les champions de la cause protestante et se concentrent sur les aspects tyranniques du comportement de Jean.
Les représentations fictives du XIXe siècle de Jean étaient fortement influencées par la romance historique de Walter Scott, Ivanhoé, dans laquelle le roi est présenté sous un aspect presque entièrement défavorable ; le roman s'appuyait fortement sur les études historiques victoriennes et sur la pièce de Shakespeare. Cette œuvre inspira The Merry Adventures of Robin Hood de l'écrivain pour enfant Howard Pyle qui établit Jean comme le principal méchant dans les récits traditionnels de Robin des Bois. Il conserva ce rôle avec l'avènement du cinéma et le film Robin des Bois de 1922 le montre commettant de nombreuses atrocités et se livrant à la torture. Les Aventures de Robin des Bois de 1938 créa une nouvelle version du souverain présenté comme un pantouflard peureux, arrogant et efféminé dont les actes permettent de souligner les vertus de Richard Ier et contrastent avec le courage du shérif de Nottingham qui n'hésite pas à affronter personnellement Robin des Bois. Un exemple extrême de ce personnage est visible dans le dessin animé de 1973 où Jean est présenté comme un lion pleurnichard et cupide. D'autres œuvres de fiction, distinctes de l'univers de Robin des Bois, comme la pièce Le Lion en Hiver de James Goldman le présentent souvent comme un personnage faible et efféminé contrastant, dans ce cas, avec le plus viril Henri II.

Jean a été joué à l'écran par :

Herbert Beerbohm Tree dans le film muet King John 1899
Sam De Grasse dans le film muet Robin des Bois 1922
Ramsay Hill dans le film Les Croisades 1935
Claude Rains dans le film Les Aventures de Robin des Bois 1938
George Macready dans le film La Revanche des Gueux 1950
Hubert Gregg dans le film Robin des Bois et ses joyeux compagnons 1952
Guy Rolfe dans le film Ivanhoe 1952
Donald Pleasence dans la série télévisée britannique Robin des Bois 1955-1960
Andrew Keir dans la série télévisée britannique Ivanhoé 1958
Nigel Terry dans le film Le Lion en hiver 1968
Peter Ustinov voix dans le dessin animé Robin des Bois 1973
Ian Holm dans le film La Rose et la Flèche 1976
Phil Davis dans la série télévisée britannique Robin of Sherwood 1984-1986
Michael Rudder voix dans la série de dessins animés américaine Robin des Bois Junior 1992
Edward Fox dans le film Robin des Bois 1991
Richard Lewis dans le film Sacré Robin des Bois 1994
Andrew Bicknell dans la série télévisée franco-américaine Les Nouvelles Aventures de Robin des Bois 1997-1998
Ralph Brown dans la série télévisée britannique Ivanhoé 1997
Jonathan Hyde dans la téléfilm américain Le Royaume des voleurs 2001
Soma Marko enfant) et Rafe Spall adulte dans le téléfilm américain Le Lion en hiver 2003
Toby Stephens dans la série télévisée britannique Robin des Bois 2006-2009
Oscar Isaac dans le film Robin des Bois 2010
Paul Giamatti dans le film Le Sang des Templiers 2011

Descendance

Jean eut cinq enfants légitimes, tous avec Isabelle d'Angoulême. Il eut également plusieurs enfants illégitimes avec diverses maîtresses dont au moins neuf garçons et trois filles. Parmi ceux-ci, les plus connus sont Richard Fitz Roy et Jeanne qui épousa le prince gallois Llewelyn en 1205.

Nom Naissance Mort
Henri III 1er octobre 1207 16 novembre 1272 Épouse Éléonore de Provence en 1236 ; cinq enfants dont le roi Édouard Ier
Richard 5 janvier 1209 2 avril 1272 Épouse Isabel Marshal en 1231 ; quatre enfants
(b) Épouse Sancie de Provence en 1257 ; deux enfants
(c) Épouse Béatrice de Falkenbourg en 1269 ; aucun enfant
Jeanne146 22 juillet 1210 4 mars 1238 Épouse Alexandre II d'Écosse en 1221 ; aucun enfant
Isabelle261 1214 1er décembre 1241 Épouse Frédéric II du Saint-Empire en 1235 ; quatre enfants
Aliénor262 1215 13 avril 1275 Épouse Guillaume le Maréchal en 1224 ; aucun enfant
(b) Épouse Simon V de Montfort en en 1238 ;

Voir aussi

Robert de Tourneham, sénéchal d'Anjou sous les ordres de Jean sans Terre.
Girard d’Athée, sénéchal de Touraine, conseiller de Jean sans Terre.




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Posté le : 16/10/2015 22:13

Edité par Loriane sur 17-10-2015 16:59:34
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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