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Le Caravage 1 |
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De Montpellier
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Le 29 Septembre 1571 naît Le Caravage.
Peintre Italien du mouvement baroque, son maître sera Michelangelo Merisi ou Merighi dit "il Caravaggio" est originaire de Caravaggio en Lombardie, est un peintre Ilatalien du mouvement artistique baroque, son maître sera Simone Peterzano (1540-1596), il a pour Mécène Francesco Maria del Monte, il est influencé par Peterzano, Savoldo, Antonio Campi, Vincenzo Campi… et il influencera Pierre Paul Rubens.
On pense aujourd'hui que Caravage est né vers 1571, le 29 Septembre, jour de la Saint Michel, ceci en raison de la coutume qui consistait à donner pour prénom le nom du Saint du jour. Michelangelo Merisi tiendrait son surnom du village lombard de Caravaggio, d'où ses parents sont originaires et dans lequel il passe une partie de son enfance. Il gagne ensuite Milan et, en 1584, entre en apprentissage auprès du peintre Simone Peterzano (vers 1540-1596), chez qui se perpétue la tradition du maniérisme. C'est au cours de cette période que se joue le destin d'un artiste appelé à devenir révolutionnaire. Âgé d'une vingtaine d'années, il part tenter sa chance dans la Rome des papes et des mécènes. Il y connaît des débuts difficiles, partageant la vie du peuple auquel il empruntera ses modèles – notamment ceux de jeunes garçons qui invitent parfois à une lecture érotique de son œuvre. Accueilli dans l'atelier de Giuseppe Cesari, dit le Cavalier d'Arpin, peintre décorateur également maniériste, il exécute des fleurs et des fruits. Il le quitte cependant et s'installe chez le cardinal Francesco dal Monte, protecteur des artistes. Les débuts du peintre sont mystérieux. Quelle a été sa formation entre 1584 environ et 1590-1591 ? Quelles œuvres d'art a-t-il vues ? Quelles villes a-t-il traversées avant d'arriver à Rome ? Bien que Caravage ait souvent déclaré qu'il ne devait rien à personne, la nature, affirmait-il, l'avait suffisamment pourvu de maîtres, il est intéressant de comprendre, à la suite de R. Longhi, quelles influences il a subies. On voit apparaître au XVIe siècle les deux préoccupations majeures de Caravage, le jaillissement de la lumière dans la nuit et le réalisme populaire. Des éclairages nocturnes caractérisés sont attestés déjà chez Corrège, voir "La Nuit", 1530, "Gemäldegalerie", Dresde et Raphaël : "Délivrance de saint Pierre" en 1514, Vatican. Ils deviennent fréquents et géométriquement stylisés chez le curieux Génois Luca Cambiaso (1527-1585) : "Madone à la chandelle" entre 1570-1575, au Palazzo Bianco, Gênes. Le Siennois Domenico Beccafumi 1486-1551 aime aussi faire jaillir de petites figures des profondeurs nocturnes. À Venise, depuis Giorgione (1477-1510) : L'Orage (1506-1508, Accademia, Venise), l'étude de la lumière retient la plupart des peintres. Elle atteint à de grands effets de contrastes, avec des ombres immenses chez Tintoret (1512-1594). Les artistes de la Lombardie et de la vallée du Pô sont souvent attirés par les jeux lumineux. L'un des plus remarquables à cet égard est Savoldo, de Brescia (1480-1548), qui se plaît aux oppositions d'ombres denses et de grandes masses de lumière (L'Ange et Tobie, galerie Borghèse, Rome).
Quant au réalisme populaire, il est moins fréquent, mais plus nettement exclusif chez certains peintres, notamment aux Pays-Bas où Pieter Aertsen (1508-1573) se spécialisa dans les scènes de marché de grands formats. Un artiste réunit déjà ces tendances, effets nocturnes et réalisme rustique, dans ses compositions religieuses : Jacopo Bassano (1518-1592). Quant à Lorenzo Lotto (1480-1556), par l'unité dramatique de ses œuvres, le chromatisme froid, la lumière qu'il met dans la couleur, il préfigure les tableaux clairs de Caravage. Le génie de celui-ci fut de faire la synthèse de toutes ces tendances, et surtout de leur donner une rigueur dans l'observation réaliste, dans la précision du dessin et de la composition, qui leur confère une puissance, un éclat, une perfection vraiment classiques. En effet, si tout le XVIIe siècle garde l'empreinte des Bolonais : Carrache, Reni, Dominiquin, force nous est de reconnaître que les plus grands peintres de cette époque – à l'exception de Nicolas Poussin – bénéficient sous une forme ou sous une autre de l'exemple de Caravage : Velázquez et Zurbarán en Espagne, Rubens, Rembrandt et Vermeer dans le nord de l'Europe. La vie de Caravage est rythmée par de nombreux épisodes douloureux. Karel van Mander (1548-1606), l'auteur de la Vie des peintres (1604), décrit l'existence dissolue de l'artiste et reconnaît que, malgré son talent, il est bien difficile de se faire un ami de cet homme. Il ne se passe pas d'année sans que Caravage soit mêlé à quelque affaire équivoque ou sans qu'il ait une histoire grave avec la police. En 1605, il purge une peine de prison ; à sa libération, il blesse un homme et pour échapper aux poursuites il se réfugie à Gênes. Mais cette vie de violence ne l'empêche pas de peindre de nombreux chefs-d'œuvre pour des églises ou pour des princes. L'activité de Caravage peut être divisée en quatre périodes : la première se déroule à Milan où, vers 1584, l'élève de Simone Peterzano subit l'influence des peintres giorgionesques de la terra ferma, Savoldo, Moretto, Lotto, Romanino, Foppa, et aussi des peintres de Crémone, Giulio et Antonio Campi. La deuxième période concerne les premières années romaines, de 1591-1592 environ à 1599 : tableaux de jeunesse, clairs, comportant rarement plus de trois demi-figures ; lma troisième de 1599 à 1606, date de son départ de Rome, Caravage peint de nombreux tableaux pour les églises de la Ville éternelle ou pour des collectionneurs privés ; La quatrième, les quatre dernières années de sa vie (1606-1610) se passent entre Naples, l'île de Malte et la Sicile. L'œuvre de Caravage, réalisé en une vingtaine d'années à peine, a subi une évolution remarquable. Initiateur d'une forme de réalisme populiste qui mit un terme à l'esprit de la Renaissance, le Caravage fut combattu par ceux que scandalisaient ses audaces. Considéré comme l'un des pères de la peinture moderne, il laissa en héritage le caravagisme, qui exerce toujours la même fascination. Son œuvre puissante et novatrice révolutionne la peinture du XVIIe siècle par son caractère naturaliste, son réalisme parfois brutal, son érotisme troublant et l'emploi appuyé de la technique du clair-obscur allant jusqu'au ténébrisme. Il connaît un véritable succès de son vivant, et influence nombre de grands peintres après lui, comme en témoigne l'apparition du courant du caravagisme. Après le succès foudroyant du début des années 1600, Caravage entre dans une période difficile. En 1606, après de nombreux démêlés avec la justice des États pontificaux, il blesse mortellement son adversaire au cours d'un duel. Ses peintures jusqu'en 1610, l'année de sa mort, sont en partie destinées à racheter cette faute. Par ailleurs certains éléments biographiques portant sur ses mœurs sont aujourd'hui revus, car des recherches historiques récentes remettent en cause le portrait peu flatteur qui a longtemps été répété d'après des sources anciennes du xviie siècle sur lesquelles on ne peut plus se fonder désormais. Après une longue période d'oubli critique, il faut attendre le début du xxe siècle pour que le génie de Caravage soit pleinement reconnu, indépendamment de sa réputation sulfureuse. Son succès populaire donne lieu à une multitude de romans et de films, à côté des expositions et des innombrables publications scientifiques qui, depuis un siècle, en renouvellent complètement l'image. Il est actuellement représenté dans les plus grands musées, malgré le nombre limité des peintures qui ont survécu. Toutefois certains tableaux que l'on découvre depuis un siècle posent encore des questions d'attribution. Il décéde le 18 Juillet 1610, à l'âge de 38 ans, à Porto Ercole, Grossetto
Biographie
Jeunesse et formation
Michelangelo naît à MilanN, probablement le 29 septembre 1571. Ses parents qui se sont mariés en janvier de la même année sont Fermo, Fermo Merixio et Lucia Aratori Lutia de Oratoribus, originaires de Caravaggio, une petite ville de la région de Bergame. Francesco Ier Sforza de Caravage, marquis de Caravaggio — alors sous domination espagnole — est le témoin du mariage de ses parents. Il est baptisé le lendemain de sa naissance à la basilique Saint Stéphane le Majeur dans le quartier milanais où réside le maître de la fabbrica del duomo où travaille probablement le père de Michelangelo. Son parrain, d'après l'acte de baptême est le patricien milanais Francesco Sessa. Son père exerce des fonctions qui sont différemment définies selon les sources : contremaître, maçon ou architecte ; mais il a le titre de magister, c'est-à -dire qu'il est l'architecte décorateur de Francesco Sforza. Son grand-père maternel est un arpenteur reconnu et estimé. Ses deux familles paternelle et maternelle sont entièrement originaires de Caravaggio, appartiennent à la classe moyenne et sont honorablement reconnues : la femme de Francesco Sforza, Costanza Colonna utilise les services de plusieurs femmes de la famille Merisi pour servir de nourrices à ses enfants ; c'est une protectrice sur laquelle Caravage pourra compter à plusieurs reprises. Il a deux frères et une sœur. Le plus jeune de ses frères, Jean-Baptiste, deviendra prêtre et sera parfaitement informé de la Réforme catholique initiée à Milan par l'archevêque Charles Borromée et à Rome par le fondateur des Oratoriens, Philippe Neri. Caravage restera pendant toute sa période romaine en accord étroit avec cette société des Oratoriens.
Apprentissage à Milan
La peste frappe Milan entre 1575 et 1577, et la famille Merisi quitte alors Milan pour Caravaggio, afin de fuir l'épidémie qui tue cependant le père et l'oncle du peintre. En 1584, la veuve et ses quatre enfants sont de retour dans la capitale lombarde où Michelangelo, âgé de treize ans, intègre l'atelier de Simone Peterzano, peintre de bonne notoriété, maniériste tardif de l'école vénitienne : le contrat d'apprentissage est signé par sa mère le 6 avril 1584, pour un peu plus de quarante écus d'or. L'apprentissage du jeune peintre dure au moins quatre ans auprès de son maître, au contact des écoles lombarde, vénitienne et bolonaise. Il y étudie les théories picturales de son temps, le dessin, les techniques de la peinture à l'huile et de la fresque, mais s'intéresse surtout au portrait ainsi qu'à la nature morte. Les années d'apprentissage de Caravage, en particulier les années entre la signature de son contrat avec Peterzano en 1584 et l'année de son déménagement à Rome vers 1591-1592 restent peu connues ; en conséquence, retrouver des influences sur sa peinture est difficile. D'après certaines sources, le jeune peintre abandonne Milan après quelques années pour rejoindre Venise et découvrir les grands maîtres de la couleur : Giorgione, le Titien et le Tintoret. Cette hypothèse vénitienne n'est toutefois pas solidement étayée ; il est en revanche acquis que son maître Peterzano, qui se revendiquait élève de Titien avait bien séjourné à Venise et s'inscrivait pleinement dans cette école.
Une hypothèse alternative est avancée par l'historien de l'art italien Roberto Longhi: d'après lui, le développement du style de Caravage aurait été la conséquence de réflexions sur certains maîtres lombards, et plus précisément de la zone de Brescia: Foppa, Bergognone, Savoldo, Moretto et Il Romanino, que Longhi qualifie de pré-caravagistes. L'influence de ces maîtres, à laquelle on peut ajouter celle d'Ambrogio Figino, aurait donné les bases de l'art de Caravage. Savoldo ou encore les frères Campi utilisent ainsi des techniques de contraste entre ombres et lumière, peut-être inspirées de la fresque vaticane en clair-obscur de Raphaël représentant saint Pierre en prison ; cet effet de contraste deviendra un élément central de l’œuvre de Caravage. D'après Longhi, le principal maître de cette école serait Vincenzo Foppa, à l'origine de la révolution de la lumière et du naturalisme — opposé à une certaine majesté de la Renaissance — qui sont les éléments centraux des peintures de Caravage.
La période Romaine
La mise en place d'un répertoire personnel.
Il quitte l'atelier de Simone Peterzano et retourne à Caravaggio vers 1589, année de la mort de sa mère. Il y reste jusqu'au partage de l'héritage familial, puis il part vers 1590-1591 ou 1592 pour Rome, cherchant à y faire carrière comme beaucoup d'artistes alors. Rome est à cette époque une ville pontificale dynamique, animée par le Concile de Trente et la réforme catholique. Les chantiers y fleurissent et il y souffle un esprit baroque. Le pape Clément VIII est élu le 30 janvier 1592, succédant à Sixte Quint qui a beaucoup transformé la ville. Les premières années dans la grande cité sont chaotiques et mal connues : cette période a, ultérieurement et sur des faits mal interprétés, forgé sa réputation d'homme violent et querelleur, souvent obligé de fuir les conséquences judiciaires de ses rixes et duels. Il vit d'abord dans le dénuement, hébergé par un ami de la famille[réf. nécessaire], puis chez Mgr Pandolfo Pucci, pour qui il copie des images de dévotion, dont on n'a plus trace aujourd'hui. D'après Mancini, c'est de cette époque que datent ses trois premiers tableaux destinés à la vente, dont seulement deux nous sont parvenus : "Jeune garçon mordu par un lézard" et "Garçon pelant un fruit", seules des copies subsistent de ce dernier. Il copie aussi des tableaux religieux, envoyés à Recanati par Mgr Pucci et perdus ensuite. Caravage entame des relations plus ou moins solides avec divers peintres locaux, d'abord à l'atelier du peintre sicilien Lorenzo Carli dit" Lorenzo Siciliano", né à Naso, près de Messine, auteur d’œuvres destinées aux parties les plus modestes du marché. Il s'installe près de la piazza del Popolo[réf. nécessaire] et rencontre le peintre Prospero Orsi, l'architecte Onorio Longhi et le peintre sicilien Mario Minniti qui deviendront des amis et qui l'accompagneront dans sa réussite. Il fait également la connaissance de Fillide Melandroni, qui deviendra une célèbre courtisane à Rome et lui servira de modèle à maintes reprises. Il entre ensuite dans un atelier de meilleur niveau, celui d'Antiveduto Grammatica, près de l'église San Giacomo in Augusta où il continue à peindre des copies pour les amateurs peu fortunés jusqu'à trois par jour. Puis il travaille, dès juin 1593 et durant quelques mois, chez Giuseppe Cesari, dit le Cavalier d'Arpin, peintre attitré du pape et artiste en vue qui confie à son apprenti la tâche de peindre des fleurs et des fruits dans son atelier. Durant cette période, il est probablement aussi employé comme décorateur d’œuvres plus complexes, mais il n'existe aucun témoignage fiable. Une hypothèse, non vérifiable dans la documentation connue, est que Caravage pourrait avoir réalisé les décorations des festons de la chapelle Olgiati, dans la basilique Santa Prassede à Rome, dont le cavalier d’Arpin peignit les fresques. Giuseppe Cesari est à peine plus âgé que Caravage bien que chargé de commandes et, ayant été anobli, il deviendra ensuite le Cavalier d'Arpin. Caravage aurait pu apprendre à son contact comment vendre son art et comment, pour d'éventuels collectionneurs et amateurs d'antiquités, mettre en place son répertoire personnel en exploitant ses connaissances de l'art lombard et vénitien. C'est la période du Jeune Bacchus malade, du Garçon avec un panier de fruits et du Bacchus : des figures à l'antique qui cherchent à capter le regard du spectateur et où la nature-morte, depuis peu mise à l'honneur, témoigne du savoir-faire du peintre avec une extrême précision dans les détails. Semés de références à la littérature classique, ces premiers tableaux sont bientôt à la mode, comme en témoignent de nombreuses copies anciennes de grande qualité. Plusieurs historiens évoquent un voyage à Venise pour expliquer certaines influences typiquement vénitiennes, notamment pour Le Repos pendant la fuite en Égypte, mais ceci n'a jamais été établi avec certitude. Il semble peu apprécier à cette époque la référence à l'art de Raphaël ou à l'Antiquité romaine, ce qui, pour les artistes du XVIIe siècle, renvoie essentiellement à la sculpture romaine mais il ne les ignore jamais. Sa Madeleine repentante témoigne ainsi de la survivance d'une figure allégorique antique mais avec une vue en légère plongée qui renforce l'impression d'abaissement de la pécheresse. Ce serait la première figure entière du peintre. À la suite d'une maladie ou d'une blessure, il est hospitalisé à l’hôpital de la Consolation. Sa collaboration avec Cesari prend fin brutalement, pour des raisons mal identifiées. Pendant cette période le peintre Federigo Zuccaro, protégé du cardinal Frédéric Borromée, transforme la confrérie des peintres en une académie en 1593. Ceci a pour but d'élever le niveau social des peintres en invoquant la valeur intellectuelle de leur travail. Caravage apparaît sur une liste des premiers participants . Les succès romains.
L'amitié avec le cardinal Del Monte. Pour survivre, Caravage contacte des marchands afin de vendre ses tableaux. Il fait ainsi la connaissance de Constantino Spata dans sa boutique près de l'église Saint-Louis-des-Français. Celui-ci le met en relation avec son ami Prospero Orsi. Prospero Orsi, également connu sous le nom de Prospero delle Grottesche qui participe avec Caravage aux premières rencontres de l'académie de Saint-Luc à Rome devient donc son ami. Il l'aide à trouver un logement indépendant et lui fait rencontrer ses connaissances bien placées. Son beau-frère commande trois peintures : Madeleine repentante, Le Repos pendant la fuite en Égypte et La Diseuse de bonne aventure, 1594, première version, musée du Louvre. Ce dernier tableau soulève l'enthousiasme du cardinal Francesco Maria Del Monte, homme de très grande culture, passionné d'art et de musique qui, enchanté par cette peinture en commande bientôt une seconde version, celle de 159, à voir aux musées du Capitole. Le cardinal avait auparavant commencé par une première acquisition : le tableau des Tricheurs. Le jeune lombard entre alors au service du cardinal pour presque trois ans dans le palais Madame à partir de 1597. Le cardinal y a été installé par son grand ami Ferdinand Ier de Médicis en tant que diplomate au service du Grand-duché de Toscane auprès du pape. D'après Bellori, en 1672, Del Monte offre à l'artiste un très bon statut, allant jusqu'à lui donner une place honorable parmi les gentilshommes dans la maison. Grâce aux commissions et aux conseils de l'influent prélat, Caravage change donc son style, abandonnant les toiles de petit format et les portraits individuels pour commencer une période de réalisations d’œuvres complexes avec des groupes de plusieurs personnages profondément impliqués dans une action, souvent à mi-corps mais aussi, parfois, en pied. Le cardinal achète plusieurs peintures qui correspondent à ses propres goûts : Les Musiciens et Le Joueur de luth avec des scènes où s'accentue la proximité avec le spectateur, jusqu'à La Diseuse de bonne aventure et Les Tricheurs où le spectateur devient quasiment un complice de l'action représentée. En quelques années, sa réputation grandit de manière phénoménale. Caravage devient un modèle pour une génération entière de peintres qui vont s'inspirer de son style et de ses thèmes. Le cardinal Del Monte, membre du collège des cardinaux qui surveille le chantier de Saint Pierre, suit aussi d'autres commandes semblables dans les églises romaines. Grâce à lui, Caravage se voit confier des commandes importantes à partir de 1599, notamment pour le clergé : La Vocation et Le Martyre de saint Matthieu pour la chapelle Contarelli de l'église Saint-Louis-des-Français, La Conversion de saint Paul sur le chemin de Damas et Le Crucifiement de saint Pierre pour la chapelle Cerasi à Santa Maria del Popolo. Des sources anciennes font état de peintures refusées ; néanmoins, cette question a été récemment revue et corrigée, prouvant que les tableaux de Caravage rencontrent au contraire un réel succès. Cela concerne la première version de La Conversion de saint Paul, Saint Matthieu et l'Ange (1602) ou plus tard la Mort de la Vierge (1606). Ces tableaux trouvent de nombreux acquéreurs, et parmi les plus notables le marquis Vincenzo Giustiniani et le duc de Mantoue, riches amateurs d'art. Les œuvres pour la chapelle Contarelli font sensation lors de leur dévoilement. Le style novateur de Caravaggio attire l'attention par sa manière de traiter les thèmes religieux et par extension ceux de la peinture d'histoire en s'aidant de modèles vivants. Il transpose ses modèles lombards dans des compositions qui se mesurent aux grands noms du moment : Raphaël et Giuseppe Cesari, futur Cavalier d'Arpin. Dans cette rupture, toute relative, avec les idéaux classiques de la Renaissance, et avec des références érudites prodiguées sans restriction par le cardinal Del Monte et son cercle, il humanise ainsi le divin et le rapproche du commun des croyants. Il remporte un succès immédiat, dès la première version du Saint Matthieu et l'Ange et étend considérablement son influence auprès des autres peintres, surtout grâce à la scène de La Vocation de saint Matthieu. Ce tableau génère ensuite une profusion d'imitations plus ou moins heureuses, toujours avec plusieurs personnages en train de boire et manger tandis que d'autres jouent de la musique, le tout dans une atmosphère ténébreuse entrecoupée de zones de lumière vives. Les années qu'il passe à Rome sous la protection du cardinal ne sont toutefois pas exemptes de difficultés. Il est toujours aussi bagarreur et violent et connaît plusieurs séjours en prison, comme un grand nombre de ses contemporains, les affaires d'honneur se réglant souvent au début du XVIIe siècle par un duel. D'ailleurs il s'est fait plusieurs ennemis qui contestent sa manière de concevoir le métier d'artiste peintre, notamment le peintre Giovanni Baglione, virulent détracteur qui s'en prend souvent à lui, et qui contribue largement à ternir la réputation personnelle de l'artiste dans son ouvrage Le vite de' "pittori, scultori et architetti dal pontificato di Gregorio XIII del 1572 in fino a tempi di Papa Urbano VIII nel 1642". Entre-temps, il peint une grande partie de ses tableaux les plus réputés et connaît un succès et une célébrité croissants à travers toute l'Italie : les commandes affluent, même si certaines toiles sont parfois refusées en raison de rumeurs médisantes, une prostituée aurait ainsi posé pour incarner Marie dans La Mort de la Vierge ou lorsque Scipion Borghese veut s'approprier un tableau :" La Madone des palefreniers". Les œuvres sont nombreuses, il réalise plusieurs toiles par an et semble peindre directement sur la toile, d'un trait ferme et en modulant moins les passages. Néanmoins, il est maintenant probable qu'il ait réalisé des études, bien qu'aucun dessin n'ait été conservé. En 1599, sa fameuse Tête de Méduse, peinte pour le cardinal del Monte est son premier travail sur le thème de la décapitation qui va se retrouver plusieurs fois dans son œuvre. Parmi les autres œuvres, on peut citer Sainte Catherine d'Alexandrie, Marthe et Marie-Madeleine, la Conversion de Marie-Madeleine et Judith décapitant Holopherne. Son tableau La Mise au tombeau, peint vers 1603-1604 comme tableau d'autel pour l'église Santa Maria in Vallicella, entièrement reprise sous l'impulsion de Philippe Néri, constitue une de ses œuvres les plus abouties. Elle est ultérieurement copiée par plusieurs peintres, dont Rubens lui-même.
Vincenzo Giustiniani et les autres commanditaires privés
Le très puissant banquier Vincenzo Giustiniani, voisin du cardinal del Monte, fait l'acquisition du Joueur de luth ; ce tableau rencontre un tel succès que le cardinal en demande une copie. Par la suite, Giustiniani passe une série d’autres commandes pour embellir sa galerie de peintures et sculptures, ainsi que pour faire valoir sa culture savante. C'est ainsi qu'est commandé le tableau représentant L'Amour victorieux, chargé de symboles discrètement imbriqués avec le minimum d'accessoires significatifs. Un autre nu célèbre est destiné au collectionneur Ciriaco Mattei. Celui-ci, qui possède une fontaine ornée de jeunes garçons dans une position assise bien particulière, passe commande à Caravage d'un tableau inspiré de cette base, et qui devient le Jeune saint Jean-Baptiste au bélier. Ici le peintre se confronte aux ignudi du plafond de la chapelle Sixtine et à Annibal Carrache qui vient de peindre à Rome ce même sujet.
Le crime, et comment purger sa peine en peintre, 1606-1610
Les dernières années romaines
Pendant ses années romaines ce peintre, qui se sait artiste d'exception, voit son caractère évoluer, dans un milieu où le port de l'épée est signe d'ancienne noblesse et alors qu'il fait partie de cette noble maisonnée du cardinal Del Monte, le succès lui monte à la tête. Cette épée que l'on voit dès 1600 dans La Vocation de saint Matthieu et dans Le Martyre de saint Matthieu, qui semble faire partie du décor naturel de cette époque, va faire de lui un de ces nombreux criminels, pour crime d'honneur, qui demandaient grâce au souverain pontife et souvent l'obtenaient. Cela commence, en 1600, par des mots. Le 19 novembre 1600, il s'en prend à un étudiant, Girolamo Spampa, pour avoir critiqué ses œuvres. Dans l'autre sens Giovanni Baglione, ennemi déclaré et rival de Caravage, le poursuit pour diffamation. En 1600 il est également plusieurs fois emprisonné pour avoir porté l'épée et il commet deux agressions — deux affaires classées sans suite. Par contre, son ami et alter ego, Onorio Longhi, a subi des mois d'interrogatoires pour toute une série de délits et le premier biographe du peintre, Carel van Manda, semble avoir confondu les deux hommes, ce qui a eu ensuite pour conséquence de donner de Caravage l'image d'un homme qui provoque des troubles à l'ordre public partout où il se trouve. En 1605, le pape Clément VIII meurt et son successeur Léon XI ne lui survit que de quelques semaines. Cette double vacance rallume les rivalités entre prélats francophiles et hispanophiles, dont les partisans s'affrontent de plus en plus ouvertement. Le conclave frôle le schisme, grâce à une solution politique, avant d'élire le francophile Camillo Borghèse comme nouveau pape sous le nom de Paul V. Son neveu Scipion Borghèse est un bon client du Caravage et le nouveau pape commande son portrait au peintre, maintenant bien connu des plus hauts dignitaires de l'église. La Caravage, qui vit tout près du Palais Borghèse dans un logement misérable de la ruelle dei Santi Cecilia e Biagio, aujourd'hui vicolo del Divino Amore, passe souvent ses soirées à traîner dans les tavernes avec ses compagnons tous des effrontés, des spadassins et des peintres. Le plus grave se produit le 28 mai 1606, au cours des fêtes de rue, la veille de l'anniversaire de l'élection du pape Paul V. Ces fêtes sont l'occasion de nombreuses bagarres dans la ville. Dans l'une d'entre elles quatre hommes armés s'affrontent, Le Caravage a pour partenaire Onorio Longhi, il tue en duel Ranuccio Tomassoni, un chef de la milice arrogant et hispanophile qui, en vérité, semait la terreur dans son quartier. Le Caravage avaient avec lui des rancunes politiques.
La fuite hors de Rome.
Ce meurtre d'un fils d'une puissante et violente famille, liée aux Farnèse de Parme, vaut au Caravage une condamnation à mort, et il est obligé de fuir Rome. Commence ensuite un long périple de quatre années à travers l'Italie, Naples, Sicile, Syracuse, Messine jusqu'à Malte. Cependant, Romain d'âme et de cœur, il s'efforcera d'y revenir tout le long de sa vie – mais sans succès de son vivant malgré un pardon pontifical que son travail de même que ses amis et protecteurs réussiront à obtenir. Il se rend d'abord à Naples, une terre espagnole, où la famille Colonna l'héberge, dans la région du mont Albain. Il continue de peindre des tableaux qui lui rapportent de belles sommes d'argent, dont le retable Les Sept Œuvres de miséricorde, pour l'église de la congrégation du Pio Monte della Misericordia à Naples, et La Flagellation du Christ, qui aura un grand succès. En juillet 1607, il quitte Naples, où il avait séjourné quelques mois, et s'installe à Malte, souhaitant être adoubé au sein de l'ordre des Chevaliers de Malte. Il était courant d'être nommé chevalier après d'importantes commandes pour le pape. Et cet engagement militaire contre la menace turque pouvait remplacer une sanction pénale. Il est donc présenté au grand maître, Alof de Wignacourt, dont il peint le portrait. Il produit également plusieurs tableaux, dont la Décollation de saint Jean-Baptiste, monumental tableau d'autel exceptionnellement horizontal, réalisé in situ dans la co-cathédrale Saint-Jean de La Valette et une nouvelle Flagellation, commandés par le clergé local. En juillet 1608, il est fait Chevalier de grâce de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Mais sa consécration ne dure pas, dans la nuit du 19 août 1608, il est le protagoniste d'une nouvelle affaire de violence. Au cours d'une rixe, Le Caravage se mêle à un groupe qui tente de pénétrer de force dans la maison de l'organiste de la cathédrale. Jeté en prison, il s'en échappe par une corde et quitte Malte. Il est en conséquence radié de l'ordre, mais aurait probablement bénéficié d'une forme de clémence s'il avait attendu, cependant en une année il avait accumulé de nombreuses et profondes rancœurs avec quelques familles maltaises qui étaient convaincues de son homosexualité ce qui à Malte était une faute punie de mort. Caravage débarque alors à Syracuse, en Sicile. La présence de son ami Mario Minniti n'étant pas attestée, on suppose l'influence d'une autre connaissance du peintre, le mathématicien et humaniste Vincenzo Mirabella, dans la commande de L'Enterrement de sainte Lucie. Caravage répond en effet à plusieurs commandes pour les grandes familles et pour le clergé, notamment deux retables, La Résurrection de Lazare et cet Enterrement de sainte Lucie où se retrouve chaque fois, avec la plus explicite détermination, l'effet spectaculaire d'un vaste espace de peinture laissé vide comme dans La décollation de saint Jean-Baptiste. Ensuite un document signale sa présence le 10 juin 1609 à Messine et il peint alors L'Adoration des bergers et une Nativité avec saint Laurent et saint François. Ces tableaux ne sont nullement peints à la hâte, comme on l'a cru autrefois, mais avec une nouvelle facture plus fluide qu'auparavant, et là aussi avec de nouvelles solutions dans l'utilisation spectaculaire de l'espace pictural. Avec l'appui de ses protecteurs et en peignant ces tableaux toujours inspirés par ses commanditaires profondément religieux et empreints d'une sincère humanité, il s'emploie à obtenir la grâce du pape et pouvoir rentrer à Rome. En octobre 1609, il retourne à Naples, où il est grièvement blessé dès son arrivée dans une nouvelle bagarre, par plusieurs hommes qui l'attaquent et le laissent pour mort : la nouvelle de sa mort remonte jusqu'à Rome, mais il survit et peint encore, sur des commandes, plusieurs tableaux comme Salomé avec la tête de saint Jean-Baptiste, Le Reniement de saint Pierre, un nouveau Saint Jean-Baptiste, un David et Goliath particulièrement sombre — il se représente dans le visage de Goliath — et Le Martyre de sainte Ursule qui est sans doute sa toute dernière toile. Une rumeur affirme néanmoins qu'il aurait achevé alors une série de trois œuvres[réf. nécessaire]. La première est la Méduse, la créature mythologique, peinte en 1598 sur un support de bois, un tondo et achevée en 1609 ; la seconde est un portrait sur toile de Marie-Madeleine (1598-1609) ; et la troisième une toile dont le nom même nous est inconnu, serait son " Grand-Œuvre".
Une fin énigmatique
À partir de là les évènements restent en grande partie énigmatiques. En juillet 1610, il apprend que le pape, grâce à l'entremise de Scipion Borghese, est enfin disposé à lui accorder sa grâce s'il demande son pardon. Voulant brusquer le destin et muni d'un sauf-conduit du cardinal Gonzague, il s'embarque alors pour se rapprocher de Rome, sur une felouque qui fait la liaison avec Porto Ercole, frazione de Monte Argentario, une enclave espagnole, emportant avec lui trois tableaux destinés au cardinal Borgheses dont la Méduse, un tableau qu'il tenait à restaurer. Lors de l'escale à Palo — une petite baie naturelle hébergeant alors une garnison au sud de Civitavecchia —, descendu à terre, il est arrêté par erreur ou malveillance et jeté en prison pendant deux jours. Relâché, il ne trouva plus son bateau, qui ne l'a pas attendu, avec ses tableaux à bord.
Désespéré, il rejoint à pied Porto Ercole à cent kilomètres. La légende dit que, dépité, perdu et fiévreux, il marcha sur la plage en plein soleil où il finit par mourir quelques jours plus tard, le 18 juillet 1610, à l'âge de 38 ans.
En fait, son certificat de décès, retrouvé en 2001 dans le registre des décès de la paroisse de Saint-Érasme de Porto Ercole, signale qu'il est mort à l'hôpital de Sainte-Marie-Auxiliatrice, des suites d'une maladie, a priori le paludisme. Il n'aura pas su que le pape Paul V, cédant à ses amis et protecteurs, avait finalement apposé son sceau sur l'acte de grâce. La légende dit qu'il finit aussi misérable qu'il avait vécu et que personne ne songea à demander sa dépouille, ni ne lui fit élever un catafalque, comme cela se pratiquait pour certains artistes. En 2010, les restes de Caravage ont, peut-être, été retrouvés dans l'ossuaire d'une église de Porto Ercole et identifiés grâce à des analyses au carbone 14 avec une probabilité de 85 %. Atteint d'une intoxication chronique au plomb, le peintre serait mort d'un état de faiblesse général et d'un coup de chaleur.
L'Å’uvre
La place des sujets qui évoquent la vanité des choses ou qui mettent en garde contre le mensonge des apparences, le grand nombre de peintures religieuses et leur intensité spirituelle, les références aux modèles antiques tout autant qu'à l'expérience du réel, sont bien visibles lorsqu'on a sous les yeux la liste des peintures de Caravage actuellement conservées, ce qui permet de mieux appréhender cet œuvre et son évolution dans le temps de la vie du peintre.
La rançon de la gloire
L'œuvre de Caravage soulève les passions dès son apparition. Elle est très rapidement recherchée par les meilleurs connaisseurs et collectionneurs. La première version du Saint Matthieu et l'Ange est installée provisoirement en mai 1599 sur l'autel de Saint-Louis-des-Français, avant que Vincenzo Giustiniani ne l'intègre à sa collection. Le tableau qui correspond parfaitement aux indications mentionnées dans le contrat fait aussi référence dans la figure androgyne de l'Ange à des œuvres lombardes qu'il connaissait et à un tableau du Giuseppe Cesari, Cavalier d'Arpin de 1597, que le milieu romain avait pu admirer deux ans auparavant. Le tableau remporte un succès immédiat. Il tient provisoirement la place d'une sculpture qui n'avait pas encore été réalisée. Lorsque celle-ci prend enfin sa place sur l'autel de Saint-Louis-des-Français, elle ne plaît à personne. Elle est retirée et une partie de la somme retenue sur les honoraires du sculpteur sert à payer Caravage pour le tableau définitif. Dans le nouveau contrat, le peintre est qualifié de Magnificus Dominus, d'illustre maître En revanche Giovanni Baglione, un des premiers biographes de Caravage mais aussi son ennemi déclaré, fait mine de confondre la sculpture et la peinture. Il prétend que la peinture de la première version du Saint Matthieu et l'Ange a déplu à tout le monde. Or comme cette biographie a servi de référence pendant des siècles, elle fut d'une redoutable efficacité. Des recherches approfondies menées au cours des dernières décennies ont mis au jour des documents qui ont fait éclater la vérité. Les recherches poursuivies récemment par les plus grands spécialistes remettent en perspective les allégations tendant à disqualifier Caravage et sa peinture, selon une tradition qui remonte à ses contemporains et à son ennemi le plus direct au xviie siècle, Baglione. Ces textes anciens doivent être confrontés aux documents d'époque retrouvés dans les archives. Arnauld Brejon de Lavergnée55 relève dans la méthode de Sybille Ebert-Schifferer l’analyse serrée des sources : Van Mander, Giulio Mancini, Baglione et Bellori. Et il poursuit en remarquant qu’une telle analyse met en question le cliché le plus répandu concernant Caravage. Celui-ci provient d'un texte de Van Mander, publié en 1604, qui fait du peintre un homme toujours prêt à se battre et à provoquer des troubles. Or l'étude des rapports de police de l'époque laisse supposer que Van Mander a été mal informé et qu'il a pris pour Caravage ce qui était reproché à son ami et alter ego, Onorio Longhi, qui, à la fin de l'année 1600, a bien subi trois mois d'interrogatoires pour toute une série de délits. Nous savons aujourd'hui que les deux plaintes dont Caravage a fait l'objet ont été classées sans suite. Le fait de porter l'épée lui a été reproché mais s'explique aujourd'hui en replaçant l'artiste dans son contexte social. Les auteurs hollandais Van Mander et Van Dijck, qui relèvent le fait, s'en étonnent car ils sont étrangers. Mais l'œuvre a été aussi discréditée que le peintre, et curieusement en raison même de son succès. La peinture la plus célèbre de Caravage au Louvre, La mort de la Vierge, en a fait les frais : le bruit continue de circuler que le tableau aurait déplu aux moines en raison des pieds nus et du corps trop humain de la Vierge. Mais nous savons aujourd'hui que la réalité est tout autre. Le tableau a bien été retiré, mais il a d'abord été accroché et apprécié pour de multiples raisons. Le tableau a même été reçu par le commanditaire, payé par lui et est resté en place sur l'autel un certain temps. Il n'a donc pas déplu aux Carmes déchaussés comme cela a été dit et répété. Ceux-ci ne voyaient rien à redire aux pieds nus et à la pauvreté des premiers chrétiens que l'on voit sur la toile. Ces moines cherchaient à imiter la vie de ces chrétiens qui leur servaient de modèles, comme ils cherchaient à imiter la vie de Jésus. Ils avaient fait vœu d'aller pieds nus dans de simples sandales, suivant en cela l'esprit de la Réforme catholique. La Vierge apparait simplement vêtue dans le tableau, avec le corps d'une femme ordinaire, plus très jeune - ce qui est correct - ni plus très svelte, ce qui était acceptable. Et le tableau qui est admirablement peint se conforme, même dans le détail, aux indications de Charles Borromée pour le geste de Marie-Madeleine qui se cache le visage, avec un naturel profondément émouvant pour tout spectateur du tableau. Or le bruit a couru à l’époque de l’accrochage que c'était une prostituée qui avait posé pour la Vierge. Celui ou ceux qui ont fait courir ce bruit avaient tout intérêt à ce qu'on retire le tableau de l'église. Deux collectionneurs entreprenants se présentèrent alors pour acheter l'œuvre dès qu'elle fut décrochéeN. Cette manœuvre habile ne signifie donc pas que le tableau était scandaleux ou révolutionnaire ; elle souligne bien au contraire la nouveauté du travail de l'artiste. Il était presque inévitable que Caravage, comme tout autre peintre à Rome, prît une courtisane comme modèle dans toutes les toiles présentant des figures féminines de manière naturaliste, car il était interdit aux Romaines honorables de poser. La grande majorité des peintres du XVIe siècle qui pratiquaient l'imitation de la nature, avec une idéalisation plus ou moins prononcée, utilisaient des sculptures antiques comme modèles. Caravage se devait de typer le modèle naturel, comme l'avaient fait ses prédécesseurs, Antonio Campi, par exemple afin que celui-ci ne pût être identifié.
Une méthode à succès
À ses débuts, Caravage peint des scènes de genre avec des personnages ayant l’apparence du naturel, à mi-corps sur fond lumineux. Cette solution sera reprise par une multitude de peintres, dont les caravagesques, en raison du succès des tableaux, des variantes réalisées ensuite pour les collectionneurs et en raison de leur prix, aussi. Avec le temps, et surtout dès que les scènes religieuses deviennent très majoritaires, après les grandes toiles de Saint-Louis-des-Français les arrière-plans de ses tableaux s'assombrissent jusqu'à devenir une grande surface d'ombre qui contraste violemment avec les personnages touchés par la lumière. Dans la plupart des cas le rayon de lumière pénètre dans l'espace représenté sur un plan qui coïncide avec le plan du tableau, selon un axe oblique venant d'en haut depuis la gauche. Les personnages sont souvent mis en scène de manière inusitée pour l'époque : certains personnages regardent le spectateur, tandis que d'autres lui tournent le dos. Ces pratiques accentuent l'impact dramatique du tableau et l'émotion qu'il suscite. En effet le projet d'intégrer le spectateur à la scène représentée ou de l'y faire participer permet de l'émouvoir de la manière la plus intense. C'est cette cohérence de tous les moyens et des objectifs poursuivis dont le spectateur n'a pas nécessairement conscience qui font l'efficacité et la séduction des tableaux de Caravage. Chacune de ces solutions n’était pas une découverte, car Caravage se référait à ses sources lombardes. Mais l’assemblage de toutes ces solutions n’avait jamais été vu. Là encore les quelques proches de Caravage et les très nombreux suiveurs s’emparèrent de ce qu’ils parvenaient à percevoir et que l’on réduisit sous l’appellation de Manfrediana methodus, c'est-à -dire la méthode de Manfredi, un peintre dont la vie est peu documentée et qui a pu être le serviteur de Caravage pendant une partie de la période romaine. Il faut attendre le début du xxe siècle pour que soient reconnues l'importance de l’œuvre de Caravage et l’étendue de son influence sur les arts visuels des siècles qui suivirent. De nombreux peintres comme La Tour, Vélasquez, Rubens ou Rembrandt, furent inspirés, de manière directe ou indirecte, par les peintures de Caravage. Richelet se réclame aussi de lui pour certaines de ses œuvres provocantes à la sexualité exacerbée. Aujourd'hui encore, la pratique du clair-obscur contrasté utilisée par Caravage est largement reprise dans l'art contemporain, notamment en photographie par des artistes comme Sally Mann, Robert Mapplethorpe, Joel-Peter Witkin et bien d’autres.
La Contre-Réforme et les milieux ecclésiastiques
Les biographes de Caravage évoquent toujours les rapports étroits entre le peintre et le mouvement de la Réforme catholique, réduite à une réaction par l'expression Contre-Réforme. Le début de l'apprentissage du peintre coïncide ainsi avec la disparition d'une figure majeure de cette Réforme : Charles Borromée, qui, parallèlement au gouvernement espagnol, exerçait au nom de l'Église l'autorité juridique et morale sur la ville de Milan. Le jeune artiste y découvrait le rôle essentiel des commanditaires, à l'initiative de presque toute peinture à cette époque, et le contrôle exercé par l'autorité religieuse sur le traitement des images à destination du public. Cet archevêque de Milan avait été l'un des rédacteurs du Concile de Trente et il s'efforça de le mettre en pratique en ravivant l'action du clergé auprès des catholiques, en incitant les plus aisés à s'engager dans des confréries au secours des plus pauvres et des prostituées. Frédéric Borromée, cousin de Charles et archevêque de Milan depuis 1595, poursuivit cette œuvre et les liens étroits avec saint Philippe Neri, mort en 1595 et canonisé en 1622. Fondateur de la Congrégation des Oratoriens, il souhaitait renouer avec la dévotion des premiers chrétiens, leur vie simple et il accordait un grand rôle à la musique. L'entourage de Caravage, ses frères et Costanza Colonna qui protégeait sa famille, pratiquaient leur foi dans l'esprit des Oratoriens et des Exercices spirituels d'Ignace de Loyola afin d'intégrer les mystères de la foi à leur vie quotidienne. Les scènes religieuses de Caravage sont imprégnées de cette simplicité, mettant en scène des pauvres, avec leurs pieds sales, les apôtres allant pieds nus et la fusion des costumes antiques les plus modestes et des vêtements contemporains les plus simples participe de l'intégration de la foi à la vie quotidienne. En l'année sainte 1600, les pèlerins vers la maison de la Vierge à Lorette arrivaient en loques et une grande partie de la noblesse s'était relayée pour les accueillir et leur laver les pieds ; leur pauvreté, conséquence de leur piété, étant considérée comme sacrée. L'autre moment essentiel pour Caravage, à Rome de 1597 à janvier 1602, il a entre 26 et 31 ans, le place en tant que membre de la maison du cardinal Francesco Maria del Monte. Caravage est alors sous la protection du cardinal, tout en ayant droit de travailler pour d'autres commanditaires, avec l'assentiment de son protecteur et patron. Cet homme pieux, membre de l'ancienne noblesse, était aussi modeste, portant des vêtements parfois usés, mais c'était l'une des personnalités les plus cultivées de Rome. Il était passionné de musique, formait des artistes et effectuait lui-même des expériences scientifiques, en particulier en optique, avec son frère, Guidobaldo, qui publia en 1600 un ouvrage fondamental sur ce sujet. Dans ce milieu Caravage trouvera les modèles de ses instruments de musique et les sujets de certains tableaux, avec les détails érudits qui en faisaient tout le charme pour les clients, il apprendra à jouer de la guitare baroque populaire et trouvera une stimulation intellectuelle pour porter son attention aux effets et au sens de la lumière et des ombres portées. Le cardinal était coprotecteur de l'académie de Saint-Luc de Rome et membre de la Fabbrica di San Pietro, clé de toute commande pour Saint Pierre de Rome et de toutes les affaires liées à des commandes en souffrance. Del Monte, collectionneur des premières œuvres de Caravage, recommanda alors le jeune artiste, lui assurant une commande de ce type, l'ensemble de la chapelle Contarelli à Saint-Louis-des-Français. Les us et coutumes de l'ancienne noblesse, comme l'autorisation de porter l'épée qui s'étendait à leur maisonnée, et, pour beaucoup, l'attachement aux codes de l'honneur permettant de faire usage de leur épée, leur dédain du faste mais aussi le goût pour les collections et la culture, jusqu'à l'usage de l'érudition en peinture, un réseau d'amitié dans ces cercles ecclésiastiques et leurs proches, le voisin de Del Monte était le banquier génois Vincenzo Giustiniani, commanditaire et collectionneur de Caravage : Caravage a hérité de tout cela lors de son passage dans la maison du cardinal.
La lumière et l’obscurité
L'une des caractéristiques de la peinture de Caravage, un peu avant 1600, est son usage très novateur du clair-obscur, chiaroscuro où les gradations attendues des parties éclairées jusqu'à l'ombre sont violemment contrastées. Une grande partie du tableau étant plongée dans l'ombre, la question de la représentation en profondeur de l'architecture et du décor est évacuée au profit de l'irruption des figures dans un puissant effet de relief, volontairement quasi sculptural, qui semble surgir hors du plan du tableau, dans l'espace du spectateur. Cet usage de la lumière et de l'ombre devenu un effet de style ultérieurement dans la peinture occidentale caractérise le ténébrisme. Dans la plupart des tableaux de Caravage, les personnages principaux de ses scènes ou de ses portraits sont placés dans une pièce sombre, un extérieur nocturne ou simplement dans un noir d’encre sans décor. Une lumière puissante et crue provenant d’un point surélevé au-dessus du tableau, ou venant de la gauche, et parfois sous forme de plusieurs sources naturelles et artificielles, à partir de 1606-1607 découpe les personnages à la manière d’un ou plusieurs projecteurs sur une scène de théâtre. Le cœur de la scène est particulièrement éclairé, et les contrastes saisissants ainsi produits confèrent une atmosphère dramatique et souvent mystique au tableau. Car la lumière dans le contexte culturel de la Contre-Réforme est à l'image de la Lumière divine, ce qui donne une valeur symbolique tant à la lumière, naturelle ou artificielle, qu'aux ténèbres. Dans Le Martyre de saint Matthieu de 1599/1600, la lumière naturelle traverse le tableau pour se déverser à flot en son centre, sur le corps blanc de l’assassin et sur les tenues claires du saint martyr et du jeune garçon terrifié, contrastant avec les vêtements sombres des témoins disposés dans l’obscurité de ce qui semble être le chœur d’une église. Le saint écarte les bras comme pour accueillir la lumière et le martyre ; ainsi l’exécuteur, ne portant qu’un voile blanc autour de la taille, semble un ange descendu du ciel dans la lumière divine pour accomplir le dessein de Dieu — plutôt qu’un assassin guidé par la main du démon. Comme dans La Vocation de saint Matthieu, les protagonistes ne sont pas identifiables au premier coup d'œil, mais l'obscurité crée un espace indéterminé dans lequel le puissant effet de présence des corps violemment éclairés, peints à l'échelle naturelle avec pour certains des costumes contemporains, invite le spectateur à revivre émotionnellement le martyre du saint. Ajoutés aux contrastes de lumière et d'ombre, la sensualité du corps de l’assassin et les mouvements dramatiques des témoins horrifiés donnent vie au tableau : on a le sentiment que le temps n’est suspendu qu’un instant, que la scène se passe devant nos yeux et que le temps d’un clignement d’œil tout se remettra en mouvement.
Ces contrastes de lumière et d'ombre omniprésents dans l’œuvre de Caravage seront souvent critiqués pour leur caractère extrême considéré comme abusif. Stendhal les décrit en ces termes : Le Caravage, poussé par son caractère querelleur et sombre, s'adonna à représenter les objets avec très peu de lumière en chargeant terriblement les ombres, il semble que les figures habitent dans une prison éclairée par peu de lumière qui vient d'en haut. — Stendhal, Écoles italiennes de peinture, Le Divan 1923. Malgré les critiques, les jeux de lumières puissamment contrastés, le ténébrisme, seront repris et adaptés par de nombreux peintres, comme Georges de La Tour, Rembrandt et beaucoup d’autres. De nos jours, le ténébrisme est souvent utilisé dans le cinéma et la photographie, notamment en noir et blanc : citons des cinéastes comme Orson Welles ou des photographes comme Sally Mann ou Robert Mapplethorpe. En osant jouer sur la lumière pour accentuer le sens d'un tableau au détriment d'un certain réalisme de situation et de certaines conventions lourdement implantées — tout en insistant sur le réalisme de l'exécution — l'œuvre de Caravage a donné une grande impulsion à la peinture.
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Posté le : 28/09/2013 22:11
Edité par Loriane sur 30-09-2013 19:34:25
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Re: Le Caravage |
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Administrateur
Inscrit: 30/05/2013 12:47
Niveau : 34; EXP : 7 HP : 0 / 826 MP : 540 / 27970
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Chère Lorianne, en voyage en Rome il y a de cela déjà , quelques années, nous avons, mon épouse et moi même, comme tout bon touriste lambda, visité la villa Borghèse, ignorant tout ou partie de ce que nous allions y rencontrer, nos connaissances sur les choses de l’art en général et de la peinture en particulier, n’étant pas des plus étendues, malgré mon entêtement à tenter de reproduire sur toiles, et de façon maladroite, moult paysages de ma campagne Tourangelle !!! . Pourtant, au cours cette visite, après avoir admiré la finesse des statues de Bernin, et peut être déjà conditionné par la beauté et le réalisme de celles-ci, la découverte des œuvres du Caravage, fut, sans nul doute, une de mes plus belles émotions jamais ressenties. Il y avait là , une telle lumière dans la noirceur de ses tableaux, une profondeur d’une incroyable intensité, une telle douleur profonde exprimée au travers de ces toiles, que sans même connaitre la vie chaotique de ce génie (carence vite gommée à la suite de cette visite inoubliable), nous sommes resté totalement scotché devant ces merveilles, au point d’en oublier le reste de cette exposition. Le temps à consacrer pour chaque visiteur étant limité en cas d’affluence, nous n’avons pas pu finir cette visite : nous avions passé trop de temps devant les toiles de ce génie tourmenté !!! Mais pourtant, pas de regret, ayant d’une part découvert le reste des richesses culturelles de ce remarquable endroit, dés le lendemain, mais ayant, d’autre part, acquis la conviction que notre regard ne serait plus jamais le même sur la perception et l’émotion que peuvent véhiculer de tels artistes. Dés lors à l’évocation des œuvres telles : « Le garçon à la corbeille de fruits, La madone des plafonniers, ou David portant la tête de Goliath, je ressens, bien des années après, ce merveilleux sentiment d’absolu, perçu lors de la découverte des œuvres du Caravage, doublé d’une indicible sensation de plaisir : j’ai vu, j’ai touché avec mes yeux et je suis entré dans la profondeur des tableaux d’un artiste que j’ai failli ne jamais découvrir !!! Aussi, Loriane, à la lecture du nom de Caravage dans la liste des artistes à découvrir cette semaine sur le site L’Orée des rêves, j’ai de nouveau ressenti, comme à chaque fois, ce petit frisson parcourant mon échine, signe avant coureur d’un bonheur tout proche, et d’une sensation d’absolu que me procure les œuvres de ce génie. Il y a là quelque chose d’inexplicable, d’irrationnelle, mais pourtant bien réelle dans cette peinture, ou tous les sentiments : de la violence à la douceur en passant par la compassion et la colère sont exprimés avec une telle force de conviction. Merci Loriane d’avoir mis à l’affiche, cet artiste, pour les incultes de mon espèce, à qui tu vas permettre de découvrir, l’intensité de ses œuvres .
Posté le : 30/09/2013 11:29
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