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De Montpellier
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Le 11 octobre 1887 naît Pierre Charles Jean Jouve
à Arras, écrivain, poète, romancier, essayiste, traducteur et critique français et mort à Paris le 8 janvier 1976, à 88 ans. D'abord influencé par le symbolisme et l'esthétique du groupe de l'Abbaye Présence, 1912, il connaît une longue crise morale Voyage sentimental, 1922 qui aboutit, en 1924, à un reniement de l'œuvre passée et à une nouvelle conception poétique qui, à la lumière de la psychanalyse, approfondit dans ses romans. Paulina 1880, 1925 ; Aventure de Catherine Crachat, 1947 et ses recueils lyriques, Paradis perdu, 1929 ; les Noces, 1931 ; Sueur de sang, 1933 ; Diadème, 1949 ; Moires, 1962 ; Ténèbre, 1965 la double nature de l'homme prisonnier de ses instincts, mais attiré par la spiritualité. ses Œuvres principales sont Paulina 1880, Le Monde désert, Les Noces. Il est engagé dans le mouvement pacifiste de la Première Guerre mondiale, Compagnon du mouvement psychanalytique français, engagé dans la résistance intellectuelle contre le nazisme pendant la seconde guerre mondiale
En bref
La parole du poète français Pierre Jean Jouve s'élève, toujours impérieuse, et emprunte les crêtes acérées du langage. Elle cherche avec minutie à éterniser le galbe de l'amour dans le nom du poème. Elle s'efforce de cerner le vide dévorant de l'incernable Beauté dont les intermédiaires sont la femme, le sexe et la mort. L'Éros et la Mort dansent un ballet fatal, seul gage d'éternité. La lente et stricte création jouvienne vise à atteindre et à étreindre la mort au cœur même de la vie, en une inlassable « scène capitale » où la sueur du désir a saveur d'éternité sanglante. La poésie n'est qu'au prix de la mort. L'entrée en poésie : C'est à Arras que Jouve voit le jour en 1887 et qu'il passe une enfance bourgeoise, assombrie déjà par la maladie. Seule, la musique – qui occupera toujours une place importante dans sa vie – offre à l'adolescent une source d'évasion. Il n'a que mépris pour la littérature jusqu'au jour où il découvre Mallarmé. L'appel est tout-puissant, et Jouve ne tarde pas à entrer en poésie. Ses premiers vers sont influencés par les derniers symbolistes. Bientôt, Jouve fait connaissance avec le groupe de l'Abbaye et devient un chantre passionné de l'unanimisme. Mais, au-delà de vagues appels à une participation humaine, il rêve déjà d'une poésie-acte de connaissance. Lorsque survient la Première Guerre mondiale, obéissant à son généreux idéal, Jouve s'engage comme infirmier volontaire dans un hôpital militaire. Il y contracte de graves maladies infectieuses qu'il va soigner en Suisse où il se lie de forte amitié avec Romain Rolland. Il écrit alors ce qu'il appellera plus tard des œuvres de bonne conscience. Mais Jouve sent soudain qu'il se fourvoie, qu'il fait œuvre inauthentique. Il sait que son génie ne réside pas dans un élan de généreux altruisme, mais bien plus dans un profond retirement en soi. À la catastrophe extérieure représentée par la guerre correspond donc, pour lui, le début d'une libération intérieure. Au sortir de l'épreuve, le poète se réfugie dans la solitude, se recueille et médite les grands mystiques ; François d'Assise, Thérèse d'Avila, Ruysbroeck l'Admirable. En 1921, il se rend à Florence, puis à Salzbourg, ses lieux de prédilection. Son mariage avec une psychanalyste, Blanche Reverchon, hâte encore l'évolution spirituelle du poète. En 1928, il décide de rejeter en bloc toute l'œuvre publiée avant 1924, parce qu'elle n'obéit aucunement aux deux objectifs qu'il vient de se fixer : « obtenir une langue de poésie qui se justifiât entièrement comme chant ... et trouver dans l'acte poétique une perspective religieuse – seule réponse au néant du temps. Femmes : Les Noces 1931 inaugurent l'œuvre nouvelle. Jouve écrit le mot du premier mot du livre qui scelle l'alliance entre la poésie et les valeurs spirituelles. Le poète s'est libéré du monde pour s'abandonner, en de mystérieuses noces mystiques, aux volontés du Père. Poème de la soumission et de la naissance, Les Noces mûrissent lentement, de 1925 à 1931. Dans le même temps, Jouve travaille à un Paradis perdu 1927, où apparaît le thème de la Faute, et surtout à son œuvre romanesque. Pendant dix ans, la création romanesque et l'inspiration poétique vont s'entrecroiser. En 1925, paraît Paulina 1880, roman du déchirement de la foi par la volupté, qui marque déjà le rapport dialectique étroit entre l'Amour et la Faute. La jeune Paulina essaie d'échapper à son amant Michele et se réfugie dans un couvent de visitandines où elle devient vite indésirable. Elle se redonnera donc à Michele, mais – scène capitale – le tuera. Si Florence sert de cadre à Paulina 1880, Genève est le centre du Monde désert où le conflit à deux devient un drame à trois personnages. Pour n'avoir éprouvé qu'un amour filial à l'égard de la sensuelle Baladine, Jacques de Todi est supplanté par Luc Pascal. En possédant Baladine, Luc provoque la mort de Jacques. Mais, au lendemain de leur mariage, Luc est abandonné par Baladine. Pas de grande vie sans grande mutilation. Luc se réfugiera donc dans la poésie, née pour lui d'un manque. Le Monde désert est le récit d'une ascension vers la poésie qui, seule, parvient à réaliser l'unité désirée, par-delà la vie et la mort. Des poèmes de Luc Pascal seront plus tard insérés dans Les Noces. En ce sens, l'expérience romanesque est une invite à la création poétique. Hécate 1928 et Vagadu 1931 content l'histoire de Catherine Crachat qui, elle aussi, aime et donne la mort. Dans Vagadu, Jouve s'est inspiré d'une véritable expérience de psychanalyse pour approfondir son personnage fictif. Si les destins féminins fascinent l'écrivain, c'est que la vie lui a offert d'étranges rencontres et des amours bizarres. Lisbé apparaît à Jouve en 1909 ; il la retrouve, vingt-quatre ans plus tard, mariée à un officier. Ce fait l'intrigue. Très jeune, Jouve a connu à Arras une femme d'officier dont il a embrassé la prodigieuse et fauve chevelure. L'image des deux femmes se superpose alors et contribue à la naissance du personnage mythique d'Hélène. À la fin de Dans les années profondes – un des plus beaux récits de Jouve – Hélène meurt au cours de l'acte érotique. Deux années plus tard, le poète apprend que Lisbé est morte. Cette mort, il l'avait secrètement pressentie ; désormais, l'œuvre romanesque est achevée. Esprit mutilé des ténèbres, Jouve va arpenter le mètre poétique. Hélène et l'Ange Hélène est présente dans Sueur de sang 1935 où Jouve cherche Dieu dans la profondeur du péché. Le recueil contient un avant-propos important, intitulé Inconscient, spiritualité et catastrophe. Jouve ne fait pas acte d'allégeance à la psychanalyse, mais il en accepte les données fondamentales pour les fondre à une vie religieuse et mystique. Pour le poète, le désir freudien est essentiellement péché et, par là même, porteur des germes de la mort. Le poème introduit de nombreux symboles l'œil, la bouche, la chevelure, le cerf, supports et ferment de l'interrogation créatrice. Matière céleste 1937 chante « Hélène, après qu'elle est morte et introduit le thème dialectique du Nada, hérité des mystiques espagnols :Celui qui forme tout est celui qui détruit. Dans Kyrie 1938, le poète fait retentir l'écho des grandes musiques entendues à Salzbourg, invoque Hélène mise au tombeau tout comme Mozart jeté dans la fosse commune, et perçoit l'arrivée de quatre cavaliers qui annoncent la guerre. Pendant les cinq années de la Seconde Guerre mondiale, Jouve va vivre mystiquement l'esprit de la résistance nationale. La Vierge de Paris 1946 sera la somme des poèmes de guerre écrits à Grasse, à Dieulefit, puis dans l'exil genevois. Jouve compense le poids de la catastrophe par une fougue visionnaire, génératrice d'espérance. Son rêve serait que fussent conciliés l'idéal du Moyen Âge chrétien et l'esprit de la Révolution française. Le temps de la guerre est pour lui l'occasion de faire une Défense et illustration 1946 des maîtres qu'il aime : Baudelaire, Rimbaud, Nerval. Mais son travail le plus remarquable est une analyse pénétrante du Don Juan de Mozart 1942. Avec Hymne 1947, le thème de la guerre s'estompe pour faire place à celui, très enrichi, du Nada, et surtout à la fascination d'un archétype baudelairien : la prostituée. Dans En miroir 1954, véritable confession du poète, Jouve raconte l'histoire de Yanick, connue, aimée et perdue. Cette humble fille livrée aux mâles errant apparaît dans Diadème 1949 ; elle est le cygne de Ode 1950, où l'esprit de Segalen et l'attrait formel de Saint-John Perse sont sensibles. Yanick est encore présente dans Langue 1952, recueil dédié à l'esprit d'Alban Berg dont Jouve admire le Wozzeck et Lulu, cette incarnation de la chaleur – joyeuse ou désastreuse – de l'Éros. Le mythe de Yanick s'enrichira au contact de la Lulu bergienne, sans pourtant se confondre avec le mythe d'Hélène. Dans Mélodrame 1958, le poète écoute le Temps qui inscrit très près de son cœur les traits d'une plume de fer. La mort est là , qui veille et qui unira peut-être définitivement le poète et le corps de toutes les femmes aimées-défuntes. La mort du poète conditionne, pour ainsi dire, la vie du poème. Mais, avant d'emprunter le sentier de Ténèbre, Jouve jette un dernier regard sur les Moires 1962 de son enfance. Les messieurs-dames ont beau s'esclaffer car il s'agit de désespoir, Jouve n'en continue pas moins à renaître par une foi qui lui fait dire que toute poésie est à Dieu et que sans cette ambition d'ange ... le vers ne serait que le jeu des osselets de la mort. L'itinéraire poétique de Jouve est semé de nombreuses rencontres lieux, femmes, lectures, musiques que l'écrivain a pouvoir d'élever à la dimension mythique. La poésie est le fruit d'une expérience intérieure toujours dépassée dans un mouvement d'ascèse purificatrice ; elle est une dramaturgie religieuse où les multiples symboles fondent et se fondent à l'énergie du chant. L'œuvre de Jouve est une recherche souterraine de soi qui veut transmuer la matière d'en bas en matière d'en haut ». Par là , Jouve est un héritier de Baudelaire. Mais, tandis que l'auteur des Fleurs du mal se place toujours sur le plan de la conscience, Jouve se situe, lui, sur un plan mystique qui le rapproche de Nerval, Novalis et Hölderlin dont il a traduit les Poèmes de la folie. Le mysticisme de Jouve est vécu tragiquement, avec une froide et passionnée rigueur qu'on retrouve d'ailleurs dans la disposition typographique très soignée de son poème et dans le souci fréquent d'une concision formelle mallarméenne. Poésie de la transparence, l'œuvre de Pierre Jean Jouve est une métamorphose mythique qui clame l'élan mystique toujours recommencé. Daniel Leuwers
Sa vie
Pierre Charles Jean Jouve a eu plusieurs vies. Avant 1914, il est un des écrivains de l'unanimisme, ce mouvement créé par Jules Romains, puis un membre actif du mouvement pacifiste animé par Romain Rolland pendant la Première Guerre mondiale. À partir de 1921, une profonde rupture a lieu grâce à sa seconde épouse, la psychanalyste Blanche Reverchon, traductrice de Sigmund Freud 1923 et amie de Jacques Lacan. Elle fait de lui l'un des premiers écrivains à affronter la psychanalyse et à montrer l'importance de l'inconscient dans la création artistique — et cela dès le milieu des années 1920. On peut citer parmi les œuvres de cette époque ses recueils de poèmes : Les Noces 1925-1931, Sueur de Sang 1933-1935, Matière céleste 1937, et ses romans : Le Monde désert 1927, Hécate 1928, Vagadu 1931, La Scène capitale 1935, et le plus connu Paulina 1880, paru en 1925 adapté au cinéma en 1972 par Jean-Louis Bertuccelli. Il a été aussi, dès 1938 et pendant son exil en Suisse, un important acteur de la résistance intellectuelle contre le nazisme, avec ses poèmes apocalyptiques de Gloire et de La Vierge de Paris. Jouve a été le compagnon de route de nombreux artistes, d'écrivains Romain Rolland, Stefan Zweig, Joë Bousquet, Jean Paulhan, Henry Bauchau, de peintres André Masson, Balthus, Joseph Sima, …, de philosophes Jean Wahl, Jacques Lacan, …et de musiciens (Michel Fano, : il a d'ailleurs beaucoup écrit sur l'art et la musique. Cet écrivain souvent perçu comme un marginal hautain, refusant les embrigadements des mouvements a su toucher beaucoup d'écrivains et d'artistes dont certains peuvent être considérés comme ses disciples, par exemple les poètes Pierre Emmanuel, Salah Stétié ou Yves Bonnefoy.
Pierre Jean Jouve, un panorama Reniements
Pierre Jean Jouve a renié toute son œuvre publiée avant 1925, année où il fait commencer sa vita nuova. On a donc peu commenté sa vie antérieure pour ne commenter que son œuvre postérieure à cette date, où il publie les poèmes de Mystérieuses Noces et le roman Paulina 1880 quatre voix au prix Goncourt. C'est ce qu'il a fait lui-même dans En Miroir, son "Journal sans date" de 1954 où il ne décèle de sa vie que certaines grandes lignes soigneusement choisies. C'est aussi ce qui a été fait dans des ouvrages de référence, souvent écrits par des amis du poète, comme René Micha2 ou Robert Kopp. Cependant la biographie de Daniel Leuwers4 et les notes et commentaires de Jean Starobinski pour son édition de Œuvre5, ont révélé des pans méconnus de sa vie et l'importance de sa première œuvre pour sa formation et son évolution. La récente biographie de Béatrice Bonhomme6 a apporté un nouvel éclairage sur la crise de Jouve entre 1921 et 1927. Cette crise a profondément marqué sa vie et orienté son écriture. Pierre Jean Jouve est l'homme des ruptures, d'avec son père puis d'avec son fils ; d'avec sa première épouse Andrée, grande militante de mouvements féministes et pacifistes ; d'avec ses amis pacifistes Romain Rolland, Georges Duhamel, Charles Vildrac, Frans Masereel qui au moment de la rupture créaient la revue Europe 1923, toujours vivante ; d'avec ses amis artistes même Joseph Sima en 1954 ; d’avec ses éditeurs, Jean Paulhan et Gaston Gallimard en 1945. Et donc d'avec sa première œuvre. On peut aussi considérer que la réédition de ses romans et de ses poèmes, avec peu de modifications mais beaucoup de coupures, que Jouve a effectuée de 1959 à 1968, est une nouvelle réécriture de sa vie et de son œuvre.
Plusieurs vies
Pierre Jean Jouve a donc eu plusieurs vies. Jouve pourrait être considéré comme un des écrivains de l'unanimisme, ce mouvement créé par Jules Romains, ou de l'Abbaye de Créteil Groupe de l'Abbaye. Ou comme un membre actif du mouvement pacifiste animé par Romain Rolland pendant la Première Guerre mondiale. Grâce à sa seconde épouse, la psychanalyste Blanche Reverchon, traductrice de Freud 1923 et amie de Jacques Lacan, il fut l'un des premiers écrivains à affronter la psychanalyse et à montrer l'importance de l'inconscient dans la création artistique, et cela dès le milieu des années 1920, avec ses poèmes de Noces 1925-1931, de Sueur de Sang 1933-1935 et de Matière céleste 1937, ou avec des romans, Hécate 1928, Vagadu 1931 et La Scène capitale 1935. Il montra aussi l'enrichissement que la lecture des grands mystiques, Thérèse d'Avila, Catherine de Sienne, Jean de la Croix, François d'Assise, peut apporter à l'écriture poétique. À ces mystiques il associa étroitement des poètes précurseurs, Hölderlin, Gérard de Nerval, Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé. Ce fut aussi, dès 1938 et pendant son exil en Suisse, un important acteur de la résistance intellectuelle contre le nazisme, avec ses poèmes apocalyptiques de Gloire et de La Vierge de Paris. Parmi ses essais sur l'art et sur la musique, on notera pendant la guerre un important Don Juan de Mozart 1942, avec l'aide du musicien Fernand Drogoul et ensuite un essai sur Wozzeck d'Alban Berg écrit avec le compositeur Michel Fano, 1953. Après guerre, son art rencontra ceux de Saint-John Perse et de Victor Segalen, et il émigra vers la sérénité de sa Chine intérieure.
Artistes et écrivains
Jouve fut aussi le compagnon de route d'artistes, d'écrivains, de philosophes. Les artistes : le peintre cubiste Albert Gleizes qui illustra Artificiel ; le graveur expressionniste belge Frans Masereel, avec qui il fit de nombreux livres avant 1925 ; le grand artiste surréaliste André Masson qui illustra la 1re édition de Sueur de Sang, 1933 ; le peintre tchèque Joseph Sima qui fit avec lui quelques-uns des plus importants livres illustrés d'avant guerre Beau Regard, 1927 et la 2e édition de Paradis perdu, 1938 ; l'éditeur typographe Guy Lévis Mano "GLM" qui réalisa quelques-uns de ses plus beaux livres ; et enfin le grand peintre Balthus, qu'il avait connu adolescent et sur qui il écrivit des textes importants. Il a accompagné, par des collaborations, des correspondances et des traductions, des écrivains amis comme Pierre Klossowski traduction de Hölderlin, 1930, Romain Rolland, Stefan Zweig, Albert Béguin, Jean Paulhan, Joë Bousquet10, Bernard Groethuysen, Gabriel Bounoure, Jean Wahl qui l'initia à Kierkegaard, Eugenio Montale et Giuseppe Ungaretti qu'il traduisit, Catherine Pozzi. Cet écrivain souvent perçu comme un marginal hautain, refusant les embrigadements des "mouvements" a su toucher beaucoup d'écrivains et d'artistes, dont certains peuvent être considérés comme ses disciples mais Jouve n'avait absolument pas la tournure d'esprit d'un maître d'école, Pierre Emmanuel qui lui rendit hommage dans Qui est cet homme, 1947, Yves Bonnefoy, Salah Stétié, Henry Bauchau, Jules Roy, David Gascoyne, Fernand Ouellette, Heather Dohollau, Gérard Engelbach. Pierre Jean Jouve a créé de puissants mythes féminins qui ont une place originale parmi les figures de l’amour dans la littérature : Paulina, Baladine du Monde désert, Catherine Crachat l'héroïne d' Hécate et de Vagadu, et tout particulièrement Lisbé et Hélène La Rencontre dans le carrefour, La Scène capitale, Matière céleste, enfin Yanick, la chaste prostituée Diadème, En Miroir.
Les vies et les Å“uvres de Pierre Jean Jouve
De 1905 à 1921 : La première vie de Pierre Jean Jouve : symbolisme, unanimisme, pacifisme Dans son autobiographie, En miroir, Jouve donne une image triste de son enfance, entre un père tyranneau domestique, et une mère musicienne effacée. Une grave appendicite vers ses seize ans entraîne une longue dépression. Il obtient le baccalauréat en 1905 et commence simultanément à Lille des études scientifiques et juridiques. En 1906, un ami belge, Pierre Castiaux, l'initie à la littérature symboliste : il découvre Rimbaud, Mallarmé et Remy de Gourmont dont Le Livre des masques lui fait découvrir les poètes qui comptent depuis Baudelaire. Avec des amis, Paul Castiaux, Théo Varlet et Edouard Charpentier, il crée à la fin de 1906 une revue, Les Bandeaux d'or. Il y publie ses premiers poèmes où règnent l'influence de Gourmont, Maeterlinck et Verhaeren. On y décèle des thèmes qui se déploieront plus tard, ainsi la recherche de l'expression de sa vie intérieure. Jouve est à la recherche d'une nouvelle poétique qui lui permettra de dire ce qu'il voit en imagination, et grâce à Paul Castiaux, il entre en relation avec les écrivains et artistes de l'abbaye de Créteil : Georges Duhamel, Charles Vildrac, Alexandre Mercereau, Albert Gleizes, René Arcos. Une grave maladie nerveuse le conduit à se faire soigner en Suisse en 1908. En 1909, il publie son premier recueil, Artificiel, illustré par Albert Gleizes. Il fait la connaissance du peintre cubiste, Henri Le Fauconnier qui fait son portrait. En 1954, dans En miroir, il racontera l'histoire de Lisbé qu'il a rencontrée une première fois en 1909 et qui lui a inspiré le personnage de Claire Dernault de son premier roman. Il fait aussi l'expérience des "toxiques" et c'est un séjour de trois mois en Italie qui le guérit de ses addictions. En 1910 il publie un deuxième recueil poétique, de forme très néo-classique, Les Muses romaines et florentines où il décrit les paysages vus dans son récent voyage. Il épouse Andrée Charpentier 1884-1972, la sœur d'Édouard, qui est professeure et qui sera une active militante progressiste et féministe. Le couple vit à Poitiers. En 1911, il publie La Rencontre dans le carrefour où il s'inspire de son histoire avec Lisbé pour écrire un roman développant les théories unanimistes de Jules Romains qui était un proche de l'Abbaye de Créteil. Cette influence perdure dans Les ordres qui changent, Les Aéroplanes 1911, Présences 1912. Jouve a une riche imagination poétique, mais il n'a pas encore trouvé la voie littéraire et spirituelle qui lui convient. Il espère la trouver en pratiquant un art social et il se rapproche de Jean-Richard Bloch qu'il a connu à Poitiers, et dans cet esprit il publie une pièce de théâtre, Les deux forces 1913. La guerre éclate et Jouve adopte une position pacifiste inspirée par Tolstoï. Il était déjà réformé, aussi pour s'engager lui aussi, il devient infirmier bénévole à l'hôpital de Poitiers où règnent des maladies contagieuses. Jouve tombe gravement malade. Jouve part se faire soigner en Suisse fin 1915 et s'insère dans le milieu pacifiste qui s'est constitué autour de Romain Rolland qui devient l'ami et le guide spirituel du poète. Gallimard publie son premier grand recueil de proses poétiques pacifistes, Vous êtes des hommes 1915. Ses écrits, Poème contre le grand crime–1916 et À la Révolution russe 1917, ses conférences, ses nombreux articles pour la presse pacifiste, sa tentative de redevenir infirmier bénévole, montrent une activité militante incessante. Il rejette alors la poésie symboliste, trop «égoïste, qui l'a formé. Il écrit ses propres Vie des martyrs et publie en 1918 Hôtel-Dieu, Récits d'Hôpital - 1915 qui s'appuie sur son expérience d'infirmier soignant des militaires mourants. Le livre est illustré de bois gravés par Frans Masereel : le grand artiste expressionniste belge est un compagnon de route très actif des pacifistes français. Les productions suivantes de Jouve montrent un triple mouvement : il écrit un Romain Rolland vivant qui paraîtra en 1920, et des poèmes engagés publiés avec l'aide de Frans Masereel, Heures – Livre de la nuit (aux Éditions du Sablier, 1919, Heures – Livre de la grâce dédié à un grand ami des pacifistes, l'écrivain autrichien Stefan Zweig, 1920, et enfin Toscanes 1921. D'une part, il veut y magnifier l'œuvre et la pensée pacifistes de Romain Rolland, mais d'autre part on y voit aussi son fort désir de sortir d'une influence qui ne convient qu'imparfaitement à son tempérament, et enfin des poèmes comme ceux de la section Enfance du Livre de la nuit nous montrent une inspiration venue de son expérience existentielle propre. Celle-ci est bien loin de ses œuvres militantes qui sont, humainement et politiquement, très estimables, mais littérairement, leur ton emphatique ou compassionnel ne dépasse pas celui des œuvres de ses compagnons, écrivains militants et généreux. Jouve est prêt pour une nouvelle vie : c'est celle que va lui apporter la rencontre de la psychanalyste Blanche Reverchon.
De 1921 Ã 1927 la crise de :
Ruptures, la rencontre avec Blanche Reverchon, la psychanalyse, les mystiques et Baudelaire
En 1921, d'abord à Florence, puis à Salzbourg chez Stefan Zweig, Pierre Jean Jouve rencontre Blanche Reverchon, alors psychiatre à Genève où elle fréquente les milieux féministes et pacifistes. Leur entente passionnée conduira Jouve à divorcer d'avec Andrée Charpentier-Jouve elle décédera en 1972, à découvrir la psychanalyse freudienne Blanche a rencontré Freud, à lire les grands mystiques et à relire les grands poètes symbolistes. Il surveille en 1923 la traduction que Blanche fait des Trois essais sur la théorie de la sexualité. Ses poèmes publiés en 1921-1922, d'abord Toscanes, puis surtout Voyage sentimental, se souviennent de son inspiration passée veine compassionnelle et sont souvent explicitement autobiographiques. En 1923-1924, il dirige une collection de poésie chez Stock où il publie des traductions (de Rudyard Kipling, de Rabindranath Tagore et son dernier recueil manqué, Prière. À partir de 1925, c'est une période d'intense création premiers grands poèmes de Noces, parution de Paulina 1880 et du Monde désert mais aussi de profonde crise morale et psychologique d'où il semble ne sortir qu'en 1927 ou 1928. Quand il publie Noces en 1928, il précise dans une postface célèbre qu'il renie toute son œuvre antérieure à 1925. Il a divorcé en 1925, il a rompu avec ses amis pacifistes Romain Rolland, Frans Masereel, Georges Duhamel, Charles Vildrac, il interdit toute réédition de son premier ouvrage. Une vita nuova commence
De 1925 Ã 1937 :
une création littéraire très importante
La production littéraire de Jouve entre 1925 et 1937 est très importante. Cette période de fécondité débute en 1925 avec une plaquette de poèmes, Mystérieuses Noces et un roman qui trouve rapidement un grand public, Paulina 1880. Jusqu'en 1937, année de la parution de Matière céleste, Jouve publie en parallèle des romans et des poèmes. Comme l'a souligné un récent Cahier Pierre Jean Jouve la référence psychanalytique est au cœur de la modernité de l'écrivain : dans ses grands textes, Jouve a su faire parler son inconscient dans les images et la musique de sa poésie et de sa prose, et parallèlement il a su mettre en résonance l'inconscient de son lecteur pour que celui-ci sente et comprenne ce qui pourrait passer pour indicible et difficile à transmettre.
Les Romans, de Paulina 1880 à La Scène capitale
Paulina 1880 et Le Monde désert On peut présenter les romans de Jouve en trois diptyques. Le premier comprend Paulina 1880 1925 et Le Monde désert 1927. On peut résumer schématiquement Paulina 1880 comme une chronique italienne » qui mêle amour charnel et amour mystique, jouissance et pulsion de mort : la belle et passionnée Paulina connaît successivement la détestation de sa famille, la fascination pour les images religieuses sanglantes, un amour charnel passionné et adultère pour le comte Michele, puis une grande expérience mystique dans un couvent où elle finit par faire scandale. Revenue à la vie laïque, elle retrouve le comte Michele veuf, donc libre. Sa passion amoureuse refuse un mariage. Elle tue Michele pendant son sommeil et tente de se suicider. Son suicide échoue. Paulina connaît la prison. Puis elle découvre la sérénité en menant pauvrement la vie d’une paysanne. Ce résumé ne donne pas le ton du livre : vif et passionné, ironique et torturé, mêlant avec bonheur amour humain et amour divin. Paulina 1880 a été adapté au cinéma en 1972 par Jean-Louis Bertuccelli et en opéra de chambre en 1983 par Claude Prey sous le titre Paulina ou la chambre bleue. Le souvenir de Paulina réapparaît dans Le Monde désert de 1927 qui traite des difficiles relations entre la vie amoureuse et la création artistique chez trois personnages : Jacques de Todi, homosexuel qui a peut-être une vocation de peintre son modèle, fils d’un pasteur genevois, s’est réellement suicidé, Luc Pascal, le poète maudit, et la mystérieuse Baladine qui aide les hommes qu’elle aime à se révéler, mais qui ne les protège pas de la mort physique ou symbolique. Le roman se lit à deux niveaux : la vie visible de ses personnages se distingue de leur vie intérieure à laquelle le romancier nous rend très sensible. Le Monde désert a été adapté en téléfilm par Pierre Beuchot et Jean-Pierre Kremer en 1985.
Aventure de Catherine Crachat : Hécate et Vagadu
Le second diptyque, Aventure de Catherine Crachat constitue une transition : Il débute par Hécate (1928) qui conte l’histoire d’une star de cinéma, Catherine Crachat, qui cherche son destin entre différents hommes et différentes femmes. On retient surtout la figure de Pierre Indemini, mathématicien, peintre et poète, et celle de la baronne Fanny Felicitas Hohenstein, la femme fatale. Comme Hécate, la déesse lunaire à laquelle elle est comparée, Catherine conduit à la mort ceux et celles qu’elle aime. Le roman peut aussi être lu comme une percutante chronique de la vie dans les milieux intellectuels, mondains, artistiques et féministes des années 1920 en Europe. Le second volet de ce qui est devenu Aventure de Catherine Crachat ce titre collectif est postérieur à la guerre est Vagadu 1931 : moins qu’un roman, c’est une extraordinaire succession de scènes oniriques rêvées par Catherine lors du transfert qu’elle vit avec son psychiatre, le "Docteur Leuven" où on peut reconnaître Rudolph Loewenstein, le célèbre psychiatre de Blanche Reverchon et Jacques Lacan et ami de Marie Bonaparte : ce roman exploite explicitement la "matière psychanalytique" comme aucun roman ne l’avait fait auparavant. En 1990 Hécate et Vagadu ont été adaptés au cinéma par Pierre Beuchot sous le titre Aventure de Catherine C, avec Fanny Ardant, Hanna Schygulla et Robin Renucci.
Histoires sanglantes et La Scène capitale
En fait Vagadu inaugure un nouveau type d’écriture romanesque qu'on va retrouver dans le dernier diptyque : Jouve y exploite son savoir psychanalytique venu de son épouse Blanche Reverchon en le fécondant avec sa propre inventivité venue de sa vie intérieure, spirituelle et onirique. On retrouve d'abord cette inspiration mettant en scène des personnages aux prises avec leurs névroses et leurs pulsions dans les nouvelles des Histoires sanglantes de 1932. Le recueil débute par une variation sur le thème de Wozzeck que Jouve avait connu à travers la suite tirée de l’opéra d’Alban Berg. On peut également lire de la même façon les deux longs récits qui composent La Scène capitale de 1935 : La victime, récit dédié à Balthus qui en fit un tableau, et Dans les années profondes. Ce court roman mêle une riche matière oniriques avec un récit initiatique sur la quête de la création artistique à travers un épisode amoureux qui associe étroitement la découverte de la vie sensuelle avec celle de la mort. De La Scène capitale, Jean Starobinski a pu écrire : Dans la prose d'imagination, en ce siècle, il est peu d’œuvre qui égale ces deux récits. Après la guerre, Jouve regroupera Histoires sanglantes et La Scène capitale en un seul volume, d'abord sous le titre Histoires sanglantes puis sous le titre La Scène capitale. Le récit Dans les années profondes marque la fin officielle de l'œuvre romanesque en prose de Pierre Jean Jouve.
Romans reniés
Le premier roman de Pierre Jean Jouve est en réalité La Rencontre dans le carrefour de 1911, mais Jouve l'a renié comme toute son œuvre d'avant 1925. Ce roman fait cependant retour dans En miroir 1954 avec le personnage de Lisbé. Ce roman était admiré par Paul Éluard. Lisbé est une des sources du personnage d'Hélène du récit Dans le Années profondes. On peut aussi considérer Hôtel-Dieu, récits d'Hôpital en 1915 1918, avec 25 bois gravés par Frans Masereel comme un cycle de nouvelles inspirées à Jouve par son expérience d'infirmier volontaire en 1915 à l'hôpital de Poitiers où il a vu mourir des soldats revenus du front, malades ou blessés. Compassion et précision des descriptions. Le conte Beau Regard de 1927, nouvelle variation sur des poèmes de 1922 Voyage sentimental et illustré par son ami, l'artiste tchèque Joseph Sima, a ensuite été renié : Jouve y mettait en scène trop explicitement son histoire d'amour avec Blanche Reverchon pendant son séjour à Salzbourg chez Stefan Zweig pendant l'été de 1921.
Les Poèmes, de Mystérieuses noces à Matière céleste
Les poèmes publiés par Jouve dans la période 1925-1937 ont pu être considérés comme un des plus hauts sommets de la poésie française du xxe siècle — comme en témoigne cette lettre de René Char :« la poésie vous devra des sommets égaux à ceux de Hölderlin et de Rimbaud ou cette déclaration d'Yves Bonnefoy : « Pierre Jean Jouve est un des grands poètes de notre langue. La publication de ces poèmes est complexe, car ils sont souvent publiés en revues et de façon partielle, c'est-à -dire en plaquettes ou en minces volumes, puis regroupés en volumes collectifs. Certains de ces recueils contiennent des textes théoriques historiquement très importants la postface des Noces, l'Avant-propos de Sueur de Sang, la préface de la seconde édition du Paradis perdu, tous réédités en 1950 dans Commentaires. On peut distinguer deux périodes.
Les Noces et Le Paradis perdu
De 1925 à 1931, Jouve relit notamment Baudelaire; il découvre aussi les mystiques (Thérèse d'Avila, Jean de la Croix, François d'Assise, Catherine de Sienne, et il traduit les poèmes de la folie de Hölderlin. L'influence de ces lectures traverse Les Noces et Le Paradis perdu qu'il faudrait lire en parallèle aux romans Paulina 1880 et Le Monde désert : Les Noces, 1925-1931. La publication de la plaquette Mystérieuses Noces en 1925 chez Stock a été suivie par Nouvelles Noces en 1926 chez Gallimard. Le premier recueil Noces en 1928 au Sans Pareil, reprend les deux plaquettes précédentes et annonce dans une importante Postface, sa rupture avec son œuvre antérieure à 1925: " ... surtout pour le principe de la poésie, le poète est obligé de renier son premier ouvrage. Paris, février 1928." En 1930 paraît Symphonie à Dieu avec une gravure de Joseph Sima. En 1931 Jouve regroupe toutes ces publications dans un volume collectif chez Gallimard, Les Noces. Les poèmes de cet ensemble développent plusieurs grands thèmes. Celui de la conversion qui doit être à la fois poétique et spirituelle. Le thème de la rupture qui, simultanément, libère des prisons morales et matérielles, mais qui entraîne des souffrances dues à l'abandon d'une première vie. Le thème du sentiment de la faute à cause de la présence de la culpabilité au sein du plaisir. Jouve y développe petit à petit une écriture musicale qui englobe les apports des grands écrivains mystiques et des grands poètes symbolistes, ses précurseurs revendiqués. Le Paradis perdu, 1929-1938. En parallèle aux Noces, Jouve écrit et publie Le Paradis perdu en 1929 chez Grasset. Le poète souhaitait que ce livre soit illustré par des gravures de Joseph Sima, ce qui sera fait en 1938 seulement, chez GLM. Cette deuxième édition est augmentée d'une préface-manifeste, La Faute.
[size=SIZE]Sueur de Sang et Matière céleste [/size] De 1933 à 1937, la poésie de Jouve prend une tournure particulière du fait de son compagnonnage avec la psychanalyste Blanche Reverchon. Il approfondit ainsi sa connaissance de la pensée freudienne. Cette forme poétique est emplie de heurts et de rupture. Sueur de Sang, regroupant des poèmes des années 1933-1935, avec l'avant-propos Inconscient, Spiritualité et Catastrophe a connu trois éditions successives, fortement augmentées à chaque fois 1933 et 1934 aux Cahiers libres, et 1935 chez Gallimard. Matière céleste, 1936-1937. En 1936, Jouve publie deux plaquettes partielles chez GLM, Hélène et Urne avec un dessin de Balthus qui seront reprises et complétées par trois autres sections Nada, Matière céleste et Récitatif dans Matière céleste en 1937 chez Gallimard. De 1963 à 1967, Jouve rééditera toutes ses œuvres poétiques Mercure de France. Il les modifiera (coupures parfois importantes dans Les Noces, Sueur de sang et Matière céleste. Ce sont ces versions qu'on trouve aujourd'hui en livres de poche Poésie/Gallimard. Dans son édition de Œuvre en 1987 Mercure de France, Jean Starobinski donne en notes les textes retranchés.
De 1938 Ã 1946 :
L’annonce de la Catastrophe, la poésie résistante apocalyptique contre le nazisme, Baudelaire, la musique
Dès le début des années 1930, Pierre Jean Jouve a senti la montée des périls en Europe, sans doute parce qu'il connaissait bien l'Italie et Salzbourg : il était l'ami d'Arturo Toscanini et de Bruno Walter, et il a vu l'arrivée des fascistes dans la cité de Dante et celle des nazis dans la cité de Mozart. Si la nouvelle édition du Paradis perdu avec des gravures de Joseph Sima est l'aboutissement d'un travail de 10 ans, sa nouvelle préface La Faute reprend la thématique de l'Avant-Propos de Sueur de Sang : la pulsion de mort, que Jouve a découverte chez les individus grâce à sa lecture de Freud importance du rôle de son épouse Blanche Reverchon dans cette aventure, est élargie à la destinée tragiques des peuples. Cette thématique qui mêle aventure existentielle et spirituelle avec une vision apocalyptique de l'histoire de l'Europe se retrouve dans le quatrième recueil de poèmes, Kyrie Gallimard, 1938. Les poèmes introspectifs de la section "Kyrie" y voisinent avec les poèmes visionnaires des "Quatre cavaliers". Ses prises de position politique se retrouvent aussi bien dans ses chroniques musicales — voir dans l'article Le dernier concert de la Paix NRF, décembre 1939 l'affrontement entre Arturo Toscanini et Wilhelm Furtwaengler accusé de faire carrière en dirigeant Beethoven devant un public spécial — que dans des poèmes ouvertement anti-hitlériens : L'Ode au Peuple chez GLM, mars 1939 sera intégrée dans le triptyque À la France 1939, publiée par Jean Paulhan en ouverture de la NRF du 1er février 1940. En 1940, durant l'exode, Jouve fuit Paris. Il entend l'appel du 18 Juin du général De Gaulle, vit quelques mois dans le Sud de la France Dieulefit, puis c'est l'exil en Suisse où il restera toute la guerre. Il y participera activement aux publications suisses Cahiers du Rhône, "Le Cri de la France" de la LUF qui défendent la culture française résistant à l'oppression du régime de Vichy et à l'occupation allemande : son Défense et Illustration de 1943 "défend et illustre" des artistes révolutionnaires français, de Delacroix à Courbet. Un recueil de poèmes comme Gloire est engagé sur un chemin spirituel et sur un terrain politique. Gloire 1940 et 1942 : les grands poèmes de Gloire sont à l'origine de la considération de Jouve par ses contemporains comme "témoin" et "prophète" annonçant la guerre. En 1947, Jean Paulhan et Dominique Aury ont écrit : "Ses poèmes Kyrie, Résurrection des Morts et À la France ont laissé pressentir la catastrophe". Ses sections, Tancrède, Résurrection des Morts, La Chute du Ciel et Catacombes, ont été écrites juste avant ou juste au début de la Seconde Guerre mondiale. La Vierge de Paris de 1946 est une cathédrale dont les chapelles les sections reprennent les précédents recueils publiés un peu avant la guerre, comme certaines parties de Gloire, puis pendant la guerre : Porche à la Nuit des Saints 1941, Vers majeurs 1942 et La Vierge de Paris, plaquette de 1944 dont le volume de 1946 reprend le titre. Le recueil associe des poèmes sur la réflexion mystique de Jouve thème du "Nada", sur ses relations avec les figures féminines et sur la pulsion de mort. Celle-ci est à l'œuvre dans le désastre collectif qu'est la guerre engagée par le nazisme : Ces poèmes conçus et écrits pendant le temps d'apocalypse, pour libérer l'âme, sont aussi des signes de la résistance française à un accablant ennemi prière d'insérer du volume de 1946. La guerre a aussi été pour Jouve le temps de l'écriture de grands recueils de textes critiques : sur la littérature, voir son Tombeau de Baudelaire, mais aussi sur la peinture et la musique, comme dans Le Don Juan de Mozart 1942. Le grand recueil Défense et Illustration montre l'étendue de ses champs de réflexion éthiques et esthétiques poésie, peinture, musique.
De 1946 à 1965 : art, musique et poésie intérieure
Diadème Minuit, 1949 Commentaires La Baconnière, 1950 Ce recueil regroupe les principaux textes théoriques publiés par Jouve, en accompagnement de ses romans ou ses poèmes, ou en revues, et devenus souvent introuvables. Certains sont historiquement très importants, comme l'Avant-propos de Sueur de Sang 1933-1934 qui marque une théorisation de l'arrivée de la psychanalyse dans la plus haute poésie. D'autres textes, à propos de la musique en particulier, nous rappellent que Jouve a été un écrivain participant précocement à la Résistance intellectuelle contre le nazisme. Ode Minuit, 1950 Langue ed. de l'Arche, avec trois lithographies de Balthus, André Masson, Joseph Sima 1952; rééd. Mercure de France, Wozzeck ou le nouvel Opéra, avec Michel Fano Plon, 1953 En Miroir Mercure de France, 1954 En Miroir est sous-titrée Journal sans date : Jouve y présente sa trajectoire artistique et spirituelle en la liant à un petit nombre de faits biographiques soigneusement choisis. Jouve a choisi de rompre avec sa première œuvre d'avant 1925, et il a souvent rompu avec ses proches : ce "journal sans date", écrit dans une langue somptueuse et percutante, illustre donc ses choix très aigus. René Micha, Pierre Jean Jouve : parution en 1956 du premier ouvrage de référence sur l'écrivain dans la collection Poètes d'aujourd'hui des éditions Pierre Seghers. Lyrique Mercure de France, 1956 Mélodrame Mercure de France, 1957 Tombeau de Baudelaire Le Seuil, 1958 Ce volume intitulé comme un petit livre de 1942, est en fait une nouvelle édition de Défense et Illustration. Il contient le Tombeau de Baudelaire, son essai sur le maître que s'est choisi Jouve, dans une version entièrement réécrite et trois textes sur des artistes aimés de Jouve : Delacroix, Meryon, Courbet. Invention Mercure de France, 1959 Proses Mercure de France, 1960 À 73 ans, Jouve relève le défi de succéder à Baudelaire en publiant un recueil de poèmes en prose dont certains sont proches des contes à la façon de Poe. Il y revisite l'ensemble de ses thématiques exergue : La voix, le sexe et la mort. Dans son style somptueusement imagé et subtilement dissonant, il nous offre de nouveaux portraits de ses mythes féminins Retour chez Hélène, Coffre de fer, La Capitaine, La douce visiteuse. Moires Mercure de France, 1962 Ténèbre Mercure de France, 1965
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Posté le : 09/10/2015 21:13
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