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De Montpellier
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Le 12 juillet 1904 naît Pablo Neruda
nom de plume de Ricardo Eliecer Neftalí Reyes Basoalto, il naît à Parral province de Linares au Chili, mort à 69 ans, le 23 Septembre 1973 à Santiago du Chili poète, écrivain, diplomate, homme politique et penseur chilien. Il est considéré comme l'un des quatre grands de la poésie chilienne avec Gabriela Mistral, Pablo de Rokha et Vicente Huidobro. Il emprunte son pseudonyme au poète tchèque Jan Neruda 1834-1891 et publie son premier poème, la Chanson de la fête 1921. Son premier recueil, Crépusculaire, influencé par le symbolisme et le modernisme, paraît en 1923. Avec Vingt Poèmes d'amour et une chanson désespérée 1924 s'ouvre la deuxième étape de son itinéraire poétique : ce livre, dont les thèmes sont l'amour, la solitude et l'angoisse, connaît, dès sa parution, un immense retentissement. En même temps, Neruda s'occupe de revues, subit l'influence du surréalisme Tentative de l'homme infini, 1925 ou de l'ultraïsme Bagues, avec Tomás Lago, 1926. Il reçoit le prix national de Littérature en 1945, le prix Nobel de littérature en 1971
En bref
C'est au contact de la nature que Pablo Neruda fait son apprentissage de la vie. Mon enfance, ce sont des souliers mouillés, des troncs cassés / Tombés dans la jungle, décorés par les lianes. À Temuco, petite ville du Chili austral située au pied des volcans couverts de neige, et dans la grande forêt voisine gorgée d'eau, le jeune Neftalí Ricardo découvre le monde du vent et du feuillage, se grise de cette pluie qui tombe inlassablement, jour après jour, pénètre les secrets de la nature avant de signer avec elle un pacte poétique : l'œuvre du poète sera riche d'images empruntées à cet univers primitif, images de pluie, d'humidité, de sel (les fortes lames du Pacifique frappent la côte toute proche, symboles sous sa plume de désintégration, de pourriture, de corrosion. Étudiant triste égaré dans le crépuscule. Auprès de Gabriela Mistral, de César Vallejo, de Nicolas Guillén, le Chilien Pablo Neruda représente une des voix les plus prestigieuses de la poésie contemporaine d'Amérique latine. Dans Le Chant général, son chef-d'œuvre, il a su, dépassant le cadre étroit de son pays, devenir le chantre de tout un continent. Poète romantique, poète surréaliste, poète épique ou simple poète des choses quotidiennes, Neruda a été tout cela successivement. Une œuvre abondante, puissante et tourmentée illustre, au gré des événements personnels ou politiques, une inspiration et une sensibilité de visionnaire. Neruda n'a jamais démenti ce portrait incisif que Federico García Lorca donnait de son ami, en décembre 1934, lors d'un récital à l'université de Madrid : Je vous dis de vous disposer à entendre un poète authentique, de ceux dont les sens sont apprivoisés à un monde qui n'est pas le nôtre et que peu de gens perçoivent ; un poète plus proche de la mort que de la philosophie, plus proche du sang que de l'encre ; un poète plein de voix mystérieuses que lui-même, heureusement, ne sait pas déchiffrer ; un homme véritable qui sait bien que le jonc et l'hirondelle sont plus éternels que la joue dure de la statue. En 1968, Pablo Neruda est l'un des poètes les plus célèbres du monde. Ses livres sont partout traduits et ses œuvres complètes, en deux volumes, rééditées pour la troisième fois à Buenos Aires. La consécration ne tarit point sa veine poétique : sept recueils, publiés de son vivant, et huit posthumes auxquels s'ajoute une autobiographie seront conçus entre 1968 et 1973. Tous les thèmes antérieurs réapparaissent dans les nouveaux poèmes, selon des perspectives différentes toutefois ; le regard et le ton ont changé, la méditation se fait plus grave, l'écriture s'est dépouillée : atteint par une grave maladie, Neruda sait que son avenir ne représente plus désormais que le temps d'une rémission. D'autre part, le Chili s'oriente vers une expérience politique déterminante, celle de l'Unité populaire, à laquelle le poète va se dévouer passionnément jusqu'à sa mort. La poésie reste donc inséparable de l'engagement et redevient, comme au temps de la guerre civile espagnole, une arme redoutable au service d'un combat sans merci. Le poète chilien Pablo Neruda 1904-1973. Il est nommé ambassadeur du Chili à Paris en 1970, et reçoit le prix Nobel de littérature en 1971. Qui ai-je été ? Et quoi ? Qu'avons-nous donc été ? D'origine modeste, Pablo Neruda, de son vrai nom Ricardo Neftali Reyes Basoalto, est né le 12 juillet 1904 à Parral, au Chili. Son enfance, très proche de la nature, a pour cadre Temuco, petite ville de l'Araucanie. Dès l'adolescence, et pendant ses études dans la capitale Santiago, il écrit avec avidité. Depuis 1923, date de Crépusculaire Crepusculario, les œuvres se succèdent au long d'une vie marquée par les voyages, l'errance, l'exil : ainsi toute ma vie, je suis allé, venu, changeant de vêtements et de planète. À partir de 1927, il occupe plusieurs postes consulaires : Rangoon, Colombo, Batavia, Buenos Aires ; il se trouvait à Madrid en 1935, à la veille de la guerre civile. Après un séjour au Chili, Neruda est nommé, en 1940, consul général au Mexique. La peinture des grands muralistes, Orozco, Rivera, Siqueiros, n'est pas sans influence sur Le Chant général Canto general qu'il compose alors. En 1945, le poète est élu sénateur des provinces minières du nord du Chili ; la même année, il adhère au Parti communiste mais les persécutions du président de la République, Gabriel González Videla, l'obligent à fuir son pays. Les voyages à nouveau se multiplient aux quatre coins du monde. En 1950, Neruda a obtenu le prix Staline de la paix. Sous le gouvernement socialiste du président Allende, il a été nommé en 1970 ambassadeur du Chili à Paris, et, en 1971, il a reçu la consécration du prix Nobel de littérature. Les œuvres, cependant, au fil des ans, n'ont pas cessé de voir le jour, tout imprégnées des péripéties d'une vie tumultueuse et généreuse : Je déclare ici que personne n'est passé près de moi qui ne m'ait partagé.J'ai brassé jusqu'au coude et rebrassé dans une adversité qui n'était pas faite pour moi dans le malheur des autres.
Sa vie
Sa mère, Rosa Basoalto, institutrice, meurt deux mois après sa naissance. Son père, José del Carmen Reyes Morales, se remariera en 1906. Son premier apprentissage est la nature Mon enfance, ce sont des souliers mouillés, des troncs cassés / Tombés dans la jungle, décorés par les lianes. C'est la découverte du monde du vent et du feuillage. De 1910 à 1920, il fréquente le lycée pour garçons de Temuco au Chili. À treize ans déjà, il publie ses premiers poèmes et textes en prose. À partir de 1921, il étudie la langue et la littérature française à Santiago et la pédagogie. Nombreux sont ceux qui pensent, à tort, qu'il a choisi son pseudonyme en hommage au poète tchèque Jan Neruda 1834-1891. En effet, comment un jeune chilien de 17 ans aurait pu connaitre ce poète qui n'a été traduit en espagnol que bien plus tard. Cependant, Ricardo Eliecer Neftalí Reyes Basoalto avait lu les Sherlock Holmes de Conan Doyle, notamment A Study in Scarlett où apparaît le nom de Neruda chapitre 4, " Je veux aller au concert de Hallé, cet après-midi, pour entendre Norman Neruda.. Voulant devenir professeur de français, il se fait très rapidement une renommée avec ses publications et des récitals de poésie. À dix-neuf ans, il publie son premier livre Crepusculario, Crépusculaire. Suit, un an plus tard, Veinte poemas de amor y una canción desesperada, Vingt Poèmes d'amour et une chanson désespérée. En 1927, Neruda entre au service diplomatique. Il devient consul à Rangoon, Colombo, Batavia, Calcutta, Buenos Aires. En décembre 1930, il épouse une hollandaise, Maryka Hagenaar qu'il renomme Maruca, avec qui il aura une fille : Malva Marina Reyes, née le 18 août 1934. En 1932, il rentre au Chili, en 1933, il publie Residencia en la tierra, Résidence sur la Terre. À partir de 1935, il est consul en Espagne où il entretient des relations amicales avec Federico García Lorca qu'il avait connu à Buenos Aires et qui aura une influence déterminante sur sa vie et son œuvre, mais aussi avec Rafael Alberti et Jorge Guillén. Après le putsch de Franco du 18 juillet et l'assassinat de García Lorca, Neruda se fait l'avocat de la République espagnole. Il rédige J'explique certaines choses sur la guerre d'Espagne en 1937. Il est révoqué comme consul et commence España en el corazón, L'Espagne au cœur, qu'il publie en 1937 et dans lequel il franchit un pas décisif dans sa démarche. Son chant, de sombre et solitaire, devient solidaire et agissant Jean-Paul Vidal. La même année, il fonde le Comité hispano-américain pour le soutien à l'Espagne et l'Alliance des intellectuels chiliens pour la défense de la culture. Il fait la connaissance de sa seconde épouse Delia del Carril. En août 1939, il affrète un bateau, le Winnipeg, pour transporter des réfugiés espagnols de la France vers le Chili, sélectionnant soigneusement parmi eux ses amis communistes au détriment des trotskistes et des anarchistes. Il se verra reprocher d'avoir délivré un visa chilien à David Alfaro Siqueiros, organisateur de la première tentative d'assassinat de Trotsky du 24 mai 1940. Il fait des voyages au Mexique, à Cuba et au Pérou. Il visite la forteresse inca de Machu Picchu. En 1945, il est élu au Sénat et devient membre du parti communiste chilien. En 1946, Neruda dirige la campagne électorale de González Videla qui, après son élection comme président, se révèlera être un dictateur farouchement anticommuniste. Le poète réagit par un discours au Sénat portant le célèbre titre d'Émile Zola : J'accuse ! Il échappe de justesse à son arrestation et se réfugie à l'étranger. Son exil en Europe le conduit en URSS, en Pologne, en Hongrie, en Italie. Il visitera également l'Inde et le Mexique. C'est là que paraîtra en 1950 son Canto General, Chant Général, écrit dans la clandestinité. L'œuvre est interdite au Chili. En 1949, Neruda est devenu membre du Conseil Mondial de la Paix à Paris. En 1953, il obtient le Prix Staline pour la paix et en 1955, en même temps que Pablo Picasso, le Prix international de la paix. Il rencontre la femme de sa vie, Matilde Urrutia qui l'inspire pour des poèmes d'amour d'une fulgurante beauté Cien sonetos de amor, Cent Sonnets d'Amour. De retour au Chili en 1952, il publie en 1954 les Odes élémentaires. En 1957, il devient président de l'Union des écrivains chiliens, l'année suivante il publie : Extravagario, Vaguedivague. Cette même année, tout comme en 1964, il soutient pleinement la campagne électorale de Salvador Allende comme candidat à la présidence de la République. Il a été à cette période l'une des cibles du Congrès pour la liberté de la culture, association culturelle anticommuniste fondée en 1950. En 1964, Neruda publie Memorial de Isla Negra, le retour sur son passé et son rêve d'une humanité plus fraternelle. En 1965, il est nommé Doctor honoris causa de l'Université d'Oxford.
Sa seule pièce de théâtre : Fulgor y muerte de Joaquín Murrieta, Splendeur et Mort de Joaquín Murrieta, est créée en 1967. Neruda publie, coup sur coup, La Barkarole, La Barcarole, Las manos del dia, Les mains du jour et Arte de pájaros, L'Art des oiseaux. En 1969, le parti communiste le désigne comme candidat à l’élection présidentielle, mais Neruda renonce en faveur d'Allende comme candidat unique de l'Unidad Popular. Après l'élection d'Allende, Neruda accepte le poste d'ambassadeur en France où il rencontrera Mikis Theodorakis et où il publiera La espada encendida, L'épée en flammes, et Las piedras del cielo (Les pierres du ciel), livres, dans lesquels sa méditation sur la solidarité nécessaire et le silence du monde, atteint son expression la plus intense. C'est lors de ce poste d'ambassadeur en France que son cancer de la prostate est diagnostiqué à l'hôpital Cochin où il est admis. Le 21 octobre 1971, Pablo Neruda obtient, après Gabriela Mistral en 1945 et Miguel Ángel Asturias en 1967, comme troisième écrivain d'Amérique Latine, le Prix Nobel de littérature. En 1972, il retourne au Chili et est triomphalement accueilli au stade de Santiago. Neruda rédige Incitación al Nixoncidio y elogio de la revolución, Incitation au nixoncide et éloge de la révolution. Le Coup d'État du 11 septembre 1973 au Chili renverse le président élu, Salvador Allende. La maison de Neruda à Santiago est saccagée et ses livres jetés au bûcher. Le poète et homme politique meurt le 23 septembre 1973 de cachexie cancéreuse selon son certificat de décès. L'inhumation du corps de Pablo Neruda, transporté depuis sa maison saccagée jusqu'au cimetière central de Santiago, devient, malgré la surveillance policière, la première manifestation publique de protestation contre la terreur militaire du nouveau pouvoir militaire. À la fin de la dictature militaire, son corps est inhumé selon ses vœux aux côtés de sa compagne près de sa maison à la Casa de Isla Negra. Le poète est officiellement décédé d'un cancer de la prostate à la clinique Santa Maria de Santiago. Cependant, à la suite de témoignages convergents dont celui de Manuel Araya, jeune militant désigné par le Parti communiste chilien comme chauffeur, garde du corps et secrétaire de Neruda soutenant que Neruda a été assassiné par injection létale à la veille de son exil pour le Mexique afin de l'empêcher de témoigner des crimes du régime du général Pinochet, le parti communiste chilien a demandé le 2 juin 2011 l'ouverture d'une enquête pour déterminer les conditions exactes de sa mort. L'exhumation des restes de Pablo Neruda a été entreprise le 8 avril 2013 sous l'autorité du juge Mario Carroza, le magistrat étant aiguillonné par le développement des enquêtes sur des morts suspectes, notamment celle de l'ancien président chilien Eduardo Frei Montalva : Eugenio Berríos, biochimiste chilien travaillant pour la DINA pendant le régime de Pinochet, est ainsi fortement suspecté de complicité d'assassinat en tant que concepteur de poisons sophistiqués. Mais le 8 novembre 2013, le groupe d'experts internationaux a écarté l'hypothèse de l'empoisonnement. Le dossier judiciaire reste cependant encore ouvert. En 1974, l'autobiographie de Neruda Confieso que he vivido, J'avoue que j'ai vécu, est parue à titre posthume. Extrait :
Je veux vivre dans un pays où il n'y ait pas d'excommuniés. Je veux vivre dans un monde où les êtres soient seulement humains, sans autres titres que celui-ci, sans être obsédés par une règle, par un mot, par une étiquette. Je veux qu'on puisse entrer dans toutes les églises, dans toutes les imprimeries. Je veux qu'on n'attende plus jamais personne à la porte d'un hôtel de ville pour l'arrêter, pour l'expulser. Je veux que tous entrent et sortent en souriant de la mairie. Je ne veux plus que quiconque fuie en gondole, que quiconque soit poursuivi par des motos. Je veux que l'immense majorité, la seule majorité : tout le monde, puisse parler, lire, écouter, s'épanouir. »
Des rêves pareils à des cavaliers noirs
Sous un titre d'ombre et de mélancolie, Crépusculaire est bien une œuvre de jeunesse ; l'auteur n'a pas vingt ans ; une langueur diffuse donne à ce recueil disparate une tonalité en harmonie avec le modernisme hérité de Rubén Darío. Dès l'année suivante, avec ses Vingt Poèmes d'amour et une chanson désespérée, Veinte Poemas de amor y una canción desesperada, Neruda affirme son génie dans l'expression de l'érotisme charnel, dans l'exaltation de la femme et de la jouissance, auxquelles se mêlent en contrepoint les échos de la mort. À cette époque, l'esprit du poète est fasciné par les appels des profondeurs. Tentative de l'homme infini Tentativa del hombre infinito, 1926 et surtout Le Frondeur enthousiaste (El Hondero entusiasta, 1933 rendent compte de ce vertige de l'imagination tentée, à la suite des grands voyants, comme William Blake, Rimbaud, Lautréamont ou André Breton, de percer le mystère, d'élucider le monde, de révéler le cœur des choses. Dans L'Habitant et son espérance El Habitante y su esperanza et Anneaux Anillos, 1926, Neruda abandonne le vers pour la prose. Mais un lyrisme brûlant emporte ces récits de passions, de crimes, de vengeances où l'auteur semble poursuivre indéfiniment le sillage de souvenirs qui s'éloignent toujours. La même quête des contours d'une mémoire sans rivages se prolonge, à travers l'évocation de voyages, de paysages, d'états d'âme ou de nouvelles amours, dans les deux premiers recueils de Résidence sur la terre Residencia en la tierra, 1933 et 1935. La nature, et sa luxuriance exotique découverte en Asie, semble de plus en plus participer au destin intime du poète, dont ces deux livres traduisent le cheminement indécis, les détours obscurs ou lumineux. Mais ce cours sinueux, brusquement, va prendre une orientation imprévue. Troisième Résidence Tercera Residencia, 1947 révèle cette transformation. Après les remous des Furies et des peines Furias y penas, 1937, Neruda y inclut le chant de la guerre civile espagnole : Espagne au cœur España en el corazón, 1938) ainsi que le Chant à Stalingrad Canto a Estalingrado, 1942. Une prise de conscience nouvelle s'est faite chez lui : la poésie aussi peut être une arme dans le combat des hommes pour la justice.
L'épopée de l'Amérique
Entrepris par le poète au mois de mai 1938, le lendemain de la mort de son père, Le Chant général fut achevé plus de dix ans plus tard. Il se termine par ces mots : Ainsi finit ce livre, je laisse ici mon Chant général écrit dans la persécution, en chantant sous les ailes clandestines de ma patrie.Aujourd'hui 5 février, en cette année1949, au Chili, à Godomarde Chena, quelques mois avant la quarante-cinquième année de mon âge. Abandonnant l'idée primitive d'écrire un poème à la gloire du Chili, Neruda, lors d'une ascension au Macchu-Picchu en 1943, décida de composer un chant général américain. Le livre fut publié en 1950 au Mexique. Il comprend quinze parties, ensemble composite et divers qui brosse, en un panorama grandiose, une sorte d'immense fresque lyrique et épique du continent américain, depuis les temps précolombiens, la conquête et l'indépendance jusqu'à l'histoire la plus récente ; il s'y mêle l'histoire des hommes, des indigènes, des clans, des factions, de leurs combats, de leurs révoltes, de leurs espoirs. La dernière partie, intitulée Je suis Yo soy, est une autobiographie poétique, une manière de testament et de profession de foi. Embrassant à la fois l'histoire d'un homme et celle de toute l'Amérique hispanique, Le Chant général s'élargit aussi aux dimensions de l'histoire universelle, des États-Unis d'Amérique aux nations opprimées comme l'Espagne ou la Grèce. Dans ce tableau démesuré, dans cette exaltation grandiose de la libération des hommes, le chantre a su faire passer toute la violence et l'humour, toute la tendresse et la force d'imprécation d'un lyrisme qui sait allier spontanément les formes les plus raffinées aux tonalités les plus âpres, la simplicité la plus sobre à l'invective la plus mordante, et les cris les plus discordants à la mélodie la plus envoûtante.
Toute clarté est obscure
Foisonnante et capricieuse, l'inspiration de Neruda semble, après Le Chant général, rejaillir de sources nouvelles. Le cycle des Odes montre, à la suite des grands élans de révolte ou d'exaltation, comme un repli d'intériorisation : Odes élémentaires, Odas elementales, 1954, Nouvelles Odes élémentaires Nuevas Odas elementales, 1956, Troisième Livre des Odes Tercer Libro de la Odas, 1957, Navigations et retours, Navigaciones y regresos, 1957. Sur des rythmes allègres, on y voit célébrées les choses quotidiennes : l'artichaut, les oiseaux, le livre, la tomate... ; des abstractions morales : la joie, l'énergie, l'espérance... ; des admirations littéraires : Jorge Manrique, Rimbaud, Whitman... Dans ces livres, Neruda a su, sur le mode mineur, renouer le dialogue ininterrompu qu'il entretient avec le monde et qui se poursuit, d'autre façon, dans d'autres livres : Les Raisins et le Vent Las Uvas y el Viento, 1954, Les Pierres du Chili Las Piedras de Chile, 1961. Publié en 1958, Vaguedivague Estravagario, sur un ton ambigu de tristesse ironique, est une sorte de méditation du poète sur son propre destin. Dans cette œuvre aux accents quasi métaphysiques brillent, comme toujours chez Neruda, des images splendides, insolites et fascinantes. La même force d'évocation des profonds de l'être se révèle dans La Centaine d'amour Cien sonetos de amor, 1959, où l'écrivain poursuit l'autobiographie amoureuse dont Les Vers du capitaine Los Versos del capitán, 1952 avait, quelques années plus tôt, montré d'autres détours.
Je suis celui qui remémore
Depuis son adolescence, Neruda n'a jamais cessé, à travers son œuvre multiple, de tenir le journal d'une vie dont on dirait qu'il craint de perdre la moindre page. Sur des rythmes aussi divers que les moments d'une journée ou d'une destinée, Mémorial de l'île Noire, Memorial de isla Negra, publié en 1964, pour le soixantième anniversaire de l'auteur, est le livre des souvenirs. L'enfance, les amours, les voyages, la politique, la nature, la joie et la souffrance, et l'amour de nouveau offrent les thèmes de ces évocations d'un lyrisme passionné à l'image de l'inspiration qui a toujours brûlé chez Pablo Neruda. Son œuvre se renouvelle encore ; d'autres titres s'ajoutent, en sa vieillesse, à la liste des ouvrages cités. En 1967 est créée sa première œuvre dramatique : Splendeur et mort de Joaquín Murieta Fulgor y muerte de Joaquín Murieta. Mais, depuis longtemps déjà, Neruda a donné à la littérature de l'Amérique de langue espagnole la marque de son génie composé à la fois de force et de simplicité, d'intuitions fulgurantes et de généreuse humanité. Bernard SESÉ
Pourquoi m'a-t-on donné des mains ?
C'est en novembre 1968 que paraît le recueil intitulé Les Mains du jour Las Manos del día, 1968. Le poète regarde ses mains et les déclare inutiles puisque lui-même n'a rien bâti de concret. Qui est-il ? Non point l'un de ces travailleurs manuels auxquels il a tant rendu hommage, notamment dans les Odes élémentaires, mais un simple spectateur de l'œuvre matérielle des hommes. Certes, le chant poétique magnifie la fabrication des choses, mais la feuille de papier et les mots qui y sont déposés par le poète garderont toujours un caractère amer et dérisoire. Neruda retrouve la solitude, tentation jusqu'alors conjurée par la poésie. L'heure de la mort approchant, il convient de dire clairement quel fut le sens de toute une vie. Une conclusion se dégage malgré les incertitudes : l'œuvre nérudienne est un cadeau fait aux hommes, un acte de partage qui renverra les êtres à leur propre vie et les aidera à prendre conscience d'eux-mêmes. La forêt chilienne demeure aussi inépuisablement belle et le poète l'exalte une fois de plus avant l'invocation terminale à toutes les mains des hommes et à chacune des mains du jour. C'est encore la nature de son pays qui inspire à Neruda le livre suivant : Encore Aún, juillet 1969. Alors qu'il fête son soixante-cinquième anniversaire, le poète proclame la nécessité d'éclairer ses devoirs terrestres. Aussi chante-t-il sa terre, l'Araucanie, rose mouillée dont les racines se trouvent dans son propre corps, et dont les chemins le conduisent vers le pôle Sud, entre des arbres brûlés. Chaque terme géographique renvoie à un jalon de l'itinéraire matériel et poétique qui amena l'enfant de Temuco à la découverte du verbe, c'est-à-dire à sa véritable naissance. La mort du poète a déjà commencé, mais seule importe l'éternité de la vague : Je meurs dans chaque vague chaque jour. Je meurs dans chaque jour en chaque vague. Pourtant le jour ne meurt jamais. Il ne meurt pas. Et la vague ? non plus. Merci.
L'angoisse et l'espoir
C'est aussi en juillet 1969 que paraît Fin de monde Fin de mundo. Ce livre évoque le possible et absurde anéantissement de notre univers par l'éclatement de l'arme atomique. Neruda dénonce avec véhémence les horreurs d'une guerre toujours présente en ce monde, notamment au Vietnam. Il révèle l'expérience de la mort humaine à travers les objets, les signes qui subsistent après les catastrophes ; ainsi parle-t-il de l'enfant brûlée sous les décombres de sa maison ou étouffée dans la rizière, en évoquant simplement une poupée aux yeux vides, seule rescapée du bombardement. La mer, si importante dans l'œuvre nérudienne, représente ici encore l'éternité, mais elle aussi est menacée par les atteintes de l'homme. Refusant toute forme de culte et d'autosatisfaction, l'écrivain réaffirme humblement son espérance et sa volonté de comprendre les hommes, ses frères, y compris les bourreaux car il n'est point de lutte sans une part de complicité avec le mal. L'activité politique du poète ne connaît point de relâche durant les années 1969 et 1970. Le 30 septembre 1969, Neruda est désigné par son parti comme candidat à la présidence de la République. Il parcourt le Chili en tous sens et clame son adhésion à l'Unité populaire qui vient de se créer. En janvier 1970, il retire sa candidature afin de permettre à un candidat unique de l'Unité populaire de se présenter aux élections. Salvador Allende est élu en septembre, avec 36,3 p. 100 des voix, et le Congrès confirme cette élection le 24 octobre 1970. L'activité poétique de Neruda ne subit aucun ralentissement au cours de cette période : ainsi deux livres de poèmes sont-ils publiés en 1970.
1970 : L'Épée de flammes et Les Pierres du ciel
L'Épée de flammes La Espada encendida, 1970 s'ouvre sur une citation de la Genèse III, 24 évoquant l'homme chassé de l'Éden, les chérubins et l'épée de feu qui s'agite de tous côtés, pour garder le chemin de l'arbre de la vie. Au seuil de ce livre, il est clair que le cataclysme universel a eu lieu. Un seul survivant, Rhodo le guerrier, contemple les statues disséminées, puis traverse la forêt mythique pour redevenir le premier homme, porteur d'une infinie solitude. Surgit alors Rosie, la jeune Blanche nue, survivante de la légendaire Ville des Césars dont parle J. Vicuña Cifuentes dans Mythes et superstitions du Chili Mitos y supersticiones de Chile, 1919, livre cité par Neruda à la fin du recueil. Rhodo reprend peu à peu conscience des merveilles de son corps et de l'évidence du désir. Tels deux innocents perdus, Rosie et Rhodo se rejoignent charnellement et leur étreinte est à la mesure de l'immense paradis sauvage où ils se sentent à la fois neige, pierre et feu, où ils vivent un amour qui ne va pas sans haine, un plaisir qui est aussi une agonie anticipée. Mais l'épée de feu – ici représentée par un volcan américain – menace cet Adam et cette Ève du nouvel éden patagonien. Contrairement à la légende, le feu dévastateur n'ensevelira pas dans l'océan l'arche fragile où se sont réfugiés les animaux, autour du couple symbolique qui, libéré de Dieu, accède à son tour à la divinité. Et la liberté de la mer les soulevaitdans son ventre spacieux :ils ondulaient sans route fixe et sans douleur sur la nef solitaire,de nouveau seuls, et pourtant maîtres désormaisde leurs artères, maîtres de leurs paroles, dieux communs et libres sur la mer. Ainsi s'achève cette sonate noire où Neruda écrit une genèse du continent américain, suivant une dialectique qui restitue à l'homme ses pleins pouvoirs. Les Pierres du ciel Las Piedras del cielo, 1970 ne sont pas sans rappeler Les Pierres du Chili (Las Piedras de Chile, 1961. Chaque gemme du nouveau recueil, topaze, obsidienne, agate, cornaline, est célébrée dans un court poème où de somptueuses métaphores révèlent la beauté et le secret de la matière, pour conduire à la méditation sur la fragilité humaine : chair et pierre : entités à jamais ennemies.
Le séjour en France
Nommé ambassadeur à Paris, Neruda arrive en France en mars 1971. Réceptions, voyages, vie mondaine épuisent le poète déjà très affaibli. Le 21 octobre 1971, le prix Nobel de littérature lui est décerné. Dans le discours qu'il prononce à Stockholm, le poète évoque avec tendresse les frères inconnus qui l'aidèrent à franchir les Andes alors que sa tête était mise à prix dans son propre pays 1949. Réaffirmant « qu'il n'y a pas de solitude inexpugnable et que le poète n'est pas un petit dieu, Neruda se rallie à la prophétie de Rimbaud : À l'aurore, armés d'une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes, en laquelle il voit la proclamation d'un avenir certain. En 1972, il prononce devant le Pen Club International un discours dénonçant le blocus américain contre le Chili. Géographie infructueuse Geografía infructuosa, 1972 paraît en mai à Buenos Aires : pressentant sa proche agonie, le poète s'interroge sur sa vie et sur son œuvre poétique. Renonçant à son poste, il quitte la France le 20 novembre 1972 et rentre au Chili avec Mathilde Urrutia. Son peuple l'accueille triomphalement à Santiago. 1973, le dernier combat : Ma chanson est offensive et dure comme la pierre araucane Neruda participe à la campagne pour les élections de mars en écrivant Incitation au nixonicide et éloge de la révolution chilienne Incitación al nixonicidio y alabanza de la revolución chilena, 1973 ; tout en chantant l'Océan et Quevedo, il fustige dans de courts pamphlets les politicards et les larrons. Le 11 septembre, un putsch militaire renverse le gouvernement de l'Unité populaire. Allende est assassiné à la Moneda. Le 23 septembre Pablo Neruda meurt à Santiago. Ses obsèques se déroulent en présence de l'armée : des chants jaillissent de la foule, témoignant, par-delà la mort, du pouvoir subversif de la poésie.
Coups d'État au Chili et en Argentine, 1973 et 1976
Dès le milieu des années 1960, l'Amérique latine voit se multiplier les dictatures militaires. Au Chili, le 11 septembre 1973, le coup d'État du général Pinochet met un terme sanglant à l'expérience de gouvernement d'Unité populaire de Salvador Allende. Le président Allende mourra dans le palais de… Les livres posthumes. Huit livres de poèmes publiés à Buenos Aires reprennent les questions essentielles de toute une vie, mais en les approfondissant. La Rose détachée La Rosa separada, 1973 évoque une visite à l'île de Pâques, le va-et-vient entre le Moi et le Nous et la nécessité pour le poète du retour aux origines. La Mer et les cloches El Mar y las campanas, 1974 réunit toutes les voix du poète dans le temps et la géographie ; Jardin d'hiver Jardín de invierno, 1974 définit la permanence de l'être en la matière ; 2000 1974 répète l'avertissement de Fin de monde. Le Livre des questions Libro de las preguntas, 1974 et le Cœur jaune El corazón amarillo, 1974 restent fidèles à la veine amorcée dans Vaguedivague Estravagario, 1958 ; Élégie Elegía, 1974 évoque les compagnons disparus, enfin Défauts choisis Defectos escogidos, 1974 noue étroitement la géographie américaine aux expériences intimes du poète. Les Mémoires, parues en 1974, J'avoue que j'ai vécu Confieso que he vivido, ne consistent pas en une somme de souvenirs mais en une méditation sur la poésie : Ma vie est une vie faite de toutes les vies : les vies du poète. Marie-Claire Zimmerman
Œuvres de Pablo Neruda
J'explique certaines choses, 1937 Gallimard Les Hommes du Nitrate 1950 Gallimard Vaguedivague 1958 1971 Gallimard Les vers du capitaine, 1952, Imprenta L'Arte Tipografica (es) Una Casa en la arena, textes de Neruda, photographies de Sergio Larrain Valparaíso, textes de Neruda, photographies de Sergio Larrain, éditions Hazan, 1991, Influence de la France et de l'Espagne sur la littérature 1997 Caractères Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée 1998 Gallimard Né pour naître 1996/1996 Gallimard La Centaine d'amour 1995 Gallimard Premio nobel de littérature 1971 Confieso que he vivido . Memorias. Barcelona, Seix Barral, 1974. J'avoue que j'ai vécu, Gallimard, 1975, 1997. Chant Général 1984 Gallimard La Rose détachée et autres poèmes, Gallimard, 1982 Les Premiers Livres 1982 Gallimard Splendeur et mort de Joaquim Murieta 1978 Gallimard Mémorial de l'île noire 1977 Gallimard Odes élémentaires 1974 Gallimard L'Épée de flammes 1973 Gallimard Incitation au nixonicide et Éloge de la révolution chilienne, 1973 adaptation de Marc Delouze Éditeurs français réunis. Résidence sur la terre 1972 Gallimard Les Pierres du ciel - Les pierres du Chili, photographies d'Antonio Quintana, 1972 Gallimard L'Espagne au cœur 1938 Denoël "Sévérité", traduction par Victor Martinez d'un poème inédit en français de Neruda, in moriturus no 5, Les Cabannes, 2005. Espagne dans le cœur , poème, 1937 Oda a la manzana, poème, 1957 Le livre des questions, édition Gallimard jeunesse . Iconographie liste non exhaustive
1939 vers - Au bar de La Coupole à Paris avec sa seconde épouse et Paul Grimault, photographié par Émile Savitry
Pablo Neruda dans la culture populaire
Pablo Neruda est cité à de nombreuses reprises dans la série télévisée How I Met Your Mother (2005-2014). Philippe Noiret interprétera le rôle de Pablo Neruda dans le film Il postino (Le facteur) de Michael Radford, sorti en 1994 et inspiré du livre d'Antonio Skármeta Ardiente paciencia Une Ardente Patience paru en 1985.
Cinéma
Philippe Noiret a joué Neruda dans Il Postino de Michael Radford 1994 ; Fiche sur IMDB
Musique
Jean Ferrat a chanté la Complainte de Pablo Neruda sur un poème écrit par Louis Aragon; Míkis Theodorákis a mis en musique le Canto General composé par Theodorakis, CD live Auguste 13, 1975, Kairaskakis Stadium, Pireus, and on August 16, 1975, at the Panatninaikos-stadium, Athens, by Polysound studio Paco Ibáñez a mis en musique et chanté quelques-uns de ses plus beaux poèmes en 1977. Canta u Populu Corsu, groupe Corse, a repris la chanson de Jean Ferrat en y adaptant les paroles en langue corse et cela a donné Cantu à Pablo Neruda Víctor Jara a chanté Canta a Pablo Neruda
Posté le : 11/07/2015 18:37
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