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De Montpellier
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Le 5 juillet 1948, à 60 ans meurt Georges Bernanos
né Louis-Émile-Clément-Georges Bernanos, à Neuilly sur Seine, écrivain français, auteur de romans, essais, pamphlets, né le 20 février 1888 dans le 9e arrondissement de Paris. Sers Œuvres principales sont Sous le soleil de Satan en 1926, Journal d'un curé de campagne en 1936, Les Grands Cimetières sous la lune en 1938, Monsieur Ouine en 1943, Dialogues des carmélites, publication posthume. Georges Bernanos passe sa jeunesse en Artois et cette région du Nord constituera le décor de la plupart de ses romans. Il participe à la Première Guerre mondiale et est plusieurs fois blessé, puis il mène une vie matérielle difficile et instable en s'essayant à la littérature. Il obtient le succès avec ses romans Sous le soleil de Satan en 1926 et Journal d'un curé de campagne en 1936. Dans ses œuvres, Georges Bernanos explore le combat spirituel du Bien et du Mal, en particulier à travers le personnage du prêtre catholique tendu vers le salut de l'âme de ses paroissiens perdus comme Mouchette.
En bref
Figure emblématique de l'écrivain catholique au XXe siècle – avec Claudel et Mauriac –, Bernanos ne saurait relever d'une école littéraire ou d'une tendance politique univoque. Si ses premiers romans Sous le soleil de Satan, L'Imposture, La Joie s'insèrent, par leur écriture, dans la tradition balzacienne, ils n'en dépassent pas moins les structures romanesques du XIXe siècle en y introduisant l'univers du surnaturel, tandis que Monsieur Ouine semble préfigurer les recherches du nouveau roman. Face à l'histoire contemporaine, les différentes prises de position de son œuvre politique, au premier abord contradictoires, imposent l'image d'un homme anticonformiste, libre de toute allégeance à une hiérarchie catholique ou à un mouvement politique l'Action française. Admirateur de Drumont, qu'il appelle son vieux maître, Bernanos récuse l'antisémitisme d'Hitler. Fervent catholique, il fustige l'Église espagnole pour son comportement pendant la guerre d'Espagne. Adepte de Maurras, il se rallie d'emblée à l'appel du 18 juin 1940 lancé par le général de Gaulle et incarne, en Amérique latine, lors de la Seconde Guerre mondiale, l'esprit de la Résistance au moment où, dans son ensemble, l'Action française soutient le maréchal Pétain. Monarchiste, Bernanos rejette la Terreur de 1793, mais se réclame du mouvement révolutionnaire de 1789. Foncièrement anticommuniste, il réprouve les excès du capitalisme. Seule, une vision du monde humaniste spécifique peut rendre compte de ces contradictions. Georges Bernanos naît à Paris, le 20 février 1888, au cœur de la République opportuniste 1879-1899, qui avait progressivement établi un régime républicain et promulgué une législation anticléricale opposée aux valeurs de l'Ancien régime, monarchiste et catholique, auxquelles adhéraient ses parents. Son ascendance – espagnole et lorraine par son père tapissier-décorateur à Paris, berrichonne par sa mère paysanne– devait exercer sur lui une profonde influence. Qui veut découvrir le secret de sa vocation d‘écrivain doit se pencher sur son enfance, où prennent naissance les sources d'une création littéraire, qui s'est accomplie sur une période relativement brève 1926-1948 : J'ignore pour qui j'écris, mais je sais pourquoi j'écris. J'écris pour me justifier. – Aux yeux de qui ? – Je vous l'ai déjà dit, je brave le ridicule de vous le redire. Aux yeux de l'enfant que je fus. Les Enfants humiliés. L'enfance de Bernanos est, en effet, le temps et le lieu d'une expérience privilégiée : la prise de conscience de la nécessité de vivre une foi chrétienne authentique. Dispensée par ses parents, puis dans des établissements religieux – à Paris et en province – au cours de ses études secondaires, l'éducation catholique transmet à Bernanos une foi qui ne se réduit en aucune manière au respect traditionnel d'un code moral imposé, mais se révèle, au contraire, être l'adhésion de l'être entier à une personne : au Dieu sensible au cœur de Pascal. Toute sa vie, dans ses romans inspirés par Balzac, découvert et lu avec passion à l'âge de treize ans comme dans ses essais politiques – où il veut porter témoignage par fidélité à Drumont, dont son père était un fervent lecteur –, Bernanos cherchera à transmettre, par le langage, une expérience de foi. Catholique et monarchiste par tradition familiale, il n'est pas homme à séparer la pensée de l'action. Menant de front, à Paris, licence en droit et licence ès lettres, entre 1906 et 1913, il milite activement dans les rangs des camelots du roi de l'Action française, au point d'être arrêté par la police au cours d'une manifestation, et condamné à cinq jours de prison à la Santé, en mars 1909. Réformé pour raison de santé en 1911, il parvient, en août 1914, à se faire admettre au sein du 6e régiment de Dragons, engagé au front. Il est blessé en 1918 et reçoit la Croix de guerre. Né de la Grande Guerre et des souffrances assumées dans les tranchées, Sous le soleil de Satan répond à une volonté de rendre au langage – dénaturé par de multiples formes de mensonges au cours des années de guerre et d'après-guerre – sa vérité, en lui donnant mission d'évoquer la réalité la plus haute et la plus pure à laquelle puisse accéder l'homme : la sainteté. Le succès inattendu de ce premier roman, publié en mars 1926, incite Bernanos à abandonner sa profession d'inspecteur d'assurances pour se consacrer à la création littéraire. Jusqu'à sa mort, il lui faudra assurer l'existence de sa femme rencontrée à Rouen, alors qu'il dirigeait, en 1913-1914, un petit hebdomadaire monarchiste, L'Avant-Garde de Normandie et de ses six enfants. Ses soucis d'argent seront permanents. Si l'écriture est, pour lui, exigence de salut, elle est aussi nécessité de vie. C'est ce qui explique une vie itinérante, répondant au souci de rechercher les conditions économiques d'existence les moins onéreuses. Une vie qui conduit successivement Bernanos de Clermont-de-l'Oise à la Côte d'Azur 1930-1934, puis aux Baléares 1934-1937, où il observe les excès de la croisade franquiste. Rentré en France en mars 1937, il embarque à destination de l'Amérique du Sud, en juillet 1938, deux mois avant les accords de Munich. Il séjourne presque sept ans au Brésil, septembre 1938-juillet 1945, où il défend l'esprit de la Résistance par ses articles, ses conférences et ses messages radiophoniques. La dernière période de sa vie est marquée par une intense activité journalistique et un séjour en Tunisie, au cours duquel il compose les Dialogues des carmélites, avant de revenir à Paris, où il meurt le 5 juillet 1948. Deux registres d'inspiration scindent son œuvre : les romans et les essais et écrits de combat. Ils sont réunis par un dénominateur commun : une fidélité à l'Évangile et au Christ qui garantit la dignité de l'homme.
Sa vie
Son père, Émile Bernanos, est un tapissier décorateur d'origine lorraine. Sa mère, Hermance Moreau, est issue d'une famille de paysans berrichons (Pellevoisin, Indre). Il garde de son éducation une foi catholique et des convictions monarchistes. Il passe sa jeunesse à Fressin en Artois. Il fréquente le Collège Sainte-Marie, à Aire-sur-la-Lys. Cette région du Nord marquera profondément son enfance et son adolescence, et constituera le décor de la plupart de ses romans.
Premiers engagements et premières œuvres
Catholique fervent, monarchiste passionné, il milite très jeune dans les rangs de l'Action française en participant aux activités des Camelots du roi pendant ses études de lettres, puis à la tête du journal L'Avant-garde de Normandie jusqu'à la Grande guerre. Réformé, il décide tout de même de participer à la guerre en se portant volontaire, d'abord dans l'aviation, en particulier à Issy-les-Moulineaux et sur la future Base aérienne 122 Chartres-Champhol, puis dans le 6e régiment de dragons et sera plusieurs fois blessé. Après la guerre, il cesse de militer, rompant avec l'Action française, avant de s'en rapprocher lors de la condamnation romaine de 1926 et de participer à certaines de ses activités culturelles. Ayant épousé en 1917 Jeanne Talbert d'Arc 1893-1960, lointaine descendante d'un frère de Jeanne d'Arc, il mène alors une vie matérielle difficile et instable il travaille dans une compagnie d'assurances dans laquelle il entraîne sa famille de six enfants et son épouse à la santé fragile. Ce n'est qu'après le succès Sous le soleil de Satan que Bernanos peut se consacrer entièrement à la littérature. En moins de vingt ans, il écrit l'essentiel de son œuvre romanesque où s'expriment ses hantises : les péchés de l'humanité, la puissance du mal et le secours de la grâce.
Sous le soleil de Satan
Publié en 1926 aux éditions Plon, ce premier roman est à la fois un succès public et critique. André Gide place Bernanos dans la lignée de Barbey d'Aurevilly, mais en diablement mieux ! ajoute Malraux. Sous le soleil de Satan est, selon Bernanos, un livre né de la guerre. Il commence à l'écrire durant un séjour à Bar-le-Duc en 1920, époque où pour lui le visage du monde devenait hideux. Il confie être malade et douter de vivre longtemps mais ne pas vouloir mourir sans témoigner. Inspiré du curé d'Ars, le personnage principal du livre, l'abbé Donissan, est un prêtre tourmenté qui doute de lui-même, jusqu'à se croire indigne d'exercer son ministère. Son supérieur et père spirituel, l'abbé Menou-Segrais voit pourtant en lui un saint en devenir. Et en effet cet athlète de Dieu tel que le définit Paul Claudel5 possède la faculté de transmettre la grâce divine autour de lui. Plus tard, il recevra même le don de lire dans les âmes, au cours d'une rencontre nocturne extraordinaire avec Satan lui-même, celui dont la haine s'est réservé les saints. Son destin surnaturel va le confronter aussi à Mouchette, une jeune fille qu'il ne parviendra pas à sauver malgré un engagement total de lui-même. L'adaptation cinématographique du roman vaudra à Maurice Pialat la Palme d'or au Festival de Cannes 1987. Sous le soleil de Satan est suivi de L'Imposture en 1927 et de sa suite La Joie, qui reçoit le prix Fémina en 1929.
La Grande Peur des bien-pensants
Publié en 1931, ce livre polémique, considéré comme le premier pamphlet de Georges Bernanos, avait au départ comme titre Démission de la France. Bernanos commence par une condamnation sévère de la répression de la Commune pour poursuivre sur un violent réquisitoire contre son époque, la Troisième République et ses politiques, la bourgeoisie bien-pensante et surtout les puissances d'argent. Bernanos y rend hommage aussi à Édouard Drumont, avec lequel il partage sa détestation de la bourgeoisie mais aussi l'association des juifs à la finance, aux banques, au pouvoir de l’argent sur celui du peuple, un sujet qui fait polémique dans la France de cette époque et qui suscite des propos antisémites de l'écrivain. Bernanos, qui a fait la guerre de 1914-1918, y fustige aussi un patriotisme perverti qui humilie l'ennemi allemand dans la défaite au lieu de le respecter, en trahissant ainsi l'honneur de ceux qui ont combattu et en hypothéquant l'avenir. En 1932, sa collaboration au Figaro, racheté par le parfumeur François Coty, entraîne une violente polémique avec l'Action française et sa rupture publique définitive avec Charles Maurras. Le 31 juillet 1933, en se rendant d'Avallon en Suisse, où l'un de ses enfants est pensionnaire, il est renversé, à Montbéliard, par la voiture d'un instituteur en retraite qui lui barre le passage : le garde-boue lui rentre dans la jambe, là même où il a été blessé en 14-188.
Journal d'un curé de campagne
Bernanos s'installe aux Baléares en 1934, en partie pour des raisons financières. Il y écrit Le Journal d'un curé de campagne. Publié en 1936, il sera couronné par le Grand prix du roman de l'Académie française, puis adapté au cinéma sous le même titre par Robert Bresson 1950. Ce livre est l'expression d'une très profonde spiritualité. Il témoigne d'un style limpide et épuré. La figure du curé d'Ambricourt rejoint celle de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, portée sur les autels par Pie XI en 1925. Il est possible qu'elle soit aussi inspirée par un jeune prêtre l'Abbé Camier, mort de tuberculose à vingt-huit ans, que Bernanos a côtoyé dans son enfance. De Thérèse, son personnage suit la petite voie de l'enfance spirituelle. Le Tout est grâce final du roman n'est d'ailleurs pas de Bernanos lui-même, mais de sa prestigieuse aînée. Ce roman lumineux, baigné par l'extraordinaire dans l'ordinaire, est l'un des plus célèbres de son auteur. Probablement parce qu'il s'y révèle lui-même, de manière profonde et bouleversante, à travers la présence du curé d'Ambricourt. Il est vrai que Bernanos a la particularité d'être toujours extrêmement proche de ses personnages, tel un accompagnateur témoignant d'une présence extrêmement attentive, et parfois fraternelle.
Les Grands Cimetières sous la lune
C'est également lors de son exil que Bernanos rédige Les Grands Cimetières sous la lune, un violent pamphlet anti-franquiste qui aura en France un grand retentissement lors de sa publication en 1938. Bernanos séjourne à Majorque lorsque la guerre civile éclate. D'abord sympathisant du mouvement franquiste pendant les trois mois qui suivent le soulèvement, Bernanos est choqué par la barbarie des combats et révolté par la complicité du clergé espagnol avec Franco. En janvier 1937, il évoque l'arrestation par les franquistes de pauvres types simplement suspects de peu d'enthousiasme pour le mouvement ... Les autres camions amenaient le bétail. Les malheureux descendaient ayant à leur droite le mur expiatoire criblé de sang, et à leur gauche les cadavres flamboyants. L'ignoble évêque de Majorque laisse faire tout ça. Alors qu'il réside encore à Palma de Majorque, sa tête est mise à prix par Franco. Bernanos offre un témoignage de combat qui prend rapidement une actualité extraordinaire pour se révéler une prophétie des grandes catastrophes du siècle. Ce livre qui, comme L'Espoir d'André Malraux, est un témoignage important de la guerre d'Espagne, lui vaudra l'hostilité d'une grande partie de la droite nationaliste, en particulier de son ancienne famille politique, l'Action française, avec laquelle il avait rompu définitivement en 1932.
Exil au Brésil
Il quitte l'Espagne en mars 1937 et retourne en France. Le 20 juillet 1938, deux mois avant les accords de Munich, la honte que lui inspire la faiblesse des politiques français face à l'Allemagne de Hitler conduit Bernanos à s'exiler en Amérique du Sud. Réalisant un rêve d'enfance, il envisage initialement de se rendre au Paraguay. Il fait escale à Rio de Janeiro au Brésil en août 1938. Enthousiasmé par ce pays, il décide d'y demeurer et s'installe en août 1940 à Barbacena, dans une petite maison au flanc d'une colline dénommée Cruz das almas, la Croix-des-âmes. Il y reçoit entre autres l'écrivain autrichien Stefan Zweig peu avant le suicide de ce dernier. Après la défaite de 1940, il se rallie à l'appel lancé le 18 juin 1940 depuis Londres par de Gaulle et décide de soutenir l'action de la France libre dans de nombreux articles de presse où il met cette fois son talent de polémiste contre le régime de Vichy et au service de la Résistance. Il entretient alors une longue correspondance avec Albert Ledoux, le représentant personnel du général de Gaulle pour toute l'Amérique du Sud. Il qualifie Pétain de vieux traître et sa révolution nationale de révolution des ratés. En 1941, son fils Yves rejoint les Forces françaises libres à Londres. Son autre fils, Michel, jugé trop jeune par le Comité de la France libre de Rio, partira l'année suivante. Il participera plus tard au débarquement de Normandie, tout comme son neveu Guy Hattu, second-maître au Commando Kieffer, qui prendra part à la prise de l'île de Walcheren en Hollande à la Toussaint 1944. Avant de rentrer en France en 1945, Bernanos déclare aux Brésiliens : Le plus grand, le plus profond, le plus douloureux désir de mon cœur en ce qui me regarde c’est de vous revoir tous, de revoir votre pays, de reposer dans cette terre où j’ai tant souffert et tant espéré pour la France, d’y attendre la résurrection, comme j’y ai attendu la victoire.
La Libération
Il continue de poursuivre une vie errante Bernanos a déménagé une trentaine de fois dans sa vie après la Libération. Le général de Gaulle, qui l'a invité à revenir en France Votre place est parmi nous, lui fait-il savoir dans un câble daté du 16 février 1945, veut lui donner une place au gouvernement. En dépit d'une profonde admiration pour lui, le romancier décline cette offre. De Gaulle confiera plus tard, à propos de Bernanos : Celui-là, je ne suis jamais parvenu à l'attacher à mon char. Pour la troisième fois, on lui propose alors la Légion d'honneur, qu'il refuse également. Lorsque l'Académie française lui ouvre ses portes, il répond : Quand je n'aurai plus qu'une paire de fesses pour penser, j'irai l'asseoir à l'Académie. Lors de son retour en France, Bernanos est, en fait, écœuré par l'épuration et l'opportunisme qui prévaut à ses yeux dans son pays. N'ayant pas l'échine souple, il reste en marge. Il voyage en Europe pour y faire une série de conférences, dans lesquelles il alerte ses auditeurs, et ses lecteurs, sur les dangers du monde de l'après-Yalta, de l'inconséquence de l'homme face aux progrès techniques effrénés qu'il ne pourra maîtriser, et des perversions du capitalisme industriel voir La Liberté pourquoi faire ? et La France contre les robots, 1947.
Dialogues des Carmélites
Bernanos part pour la Tunisie en 1947. Il y rédige, sur l'idée du père Bruckberger, un scénario cinématographique adapté du récit La Dernière à l'échafaud de Gertrud von Le Fort, lui-même inspiré de l'histoire véridique des carmélites de Compiègne guillotinées à Paris sur la place du Trône, le 17 juillet 1794, auquel la romancière avait ajouté le personnage fictif de Blanche de la Force translittération de von Le Fort. Bernanos y traite de la question de la Grâce, de la peur, du martyre. Bien plus qu'un scénario, Dialogues des carmélites est considéré comme le testament spirituel de Bernanos. Publié de façon posthume en 1949, il est d'abord adapté au théâtre par Jacques Hébertot et créé le 23 mai 1952 au théâtre Hébertot, avant de devenir le livret de l'opéra homonyme du compositeur Francis Poulenc, représenté en 1957 à la Scala de Milan. Le scénario original a par la suite servi de base au film Le Dialogue des carmélites réalisé en 1960 par Philippe Agostini et le père Bruckberger, puis à un téléfilm de Pierre Cardinal en 1984 qui fut, entre autres, primé à la Cinémathèque française. Georges Bernanos meurt d'un cancer du foie, en 1948, à l'Hôpital américain de Neuilly, en laissant le manuscrit d'un dernier livre, paru de façon posthume : La France contre les robots. Il est enterré au cimetière de Pellevoisin Indre. Il est le père de l'écrivain Michel Bernanos. Son fils cadet, Jean-Loup Bernanos mort en 2003 et qui consacra sa vie à l'œuvre de son père, est aussi l'auteur d'une biographie Georges Bernanos, à la merci des passants.
Postérité
Dans l'immédiat après-guerre, Georges Bernanos est devenu une figure tutélaire pour une nouvelle génération d'écrivains. Ceux que Bernard Franck a baptisé les Hussards 15 ont ainsi placé dans leur Panthéon, parmi Stendhal, Joseph Conrad ou Marcel Aymé, celui à qui Roger Nimier dédia son livre Le Grand d'Espagne, La Table ronde, 1950, dont le titre est une allusion et un hommage à la position iconoclaste que Bernanos adopta face à la Guerre d'Espagne, à rebours de celle de son ancienne famille intellectuelle et politique.
Analyse de l'œuvre Mouchette
Bernanos a donné le nom de Mouchette à deux personnages de son œuvre romanesque. La première Mouchette, qui figure dans Sous le soleil de Satan 1926 a pour nom Germaine Malhorty. C'est une adolescente de seize ans, vive et orgueilleuse, victime de l'égoïsme des hommes qui la désirent sans parvenir à l'aimer, ce qui attise son mépris d'elle-même et sa révolte envers l'ordre établi. La seconde Mouchette n'a pour appellation que ce surnom. Elle a treize ans et apparaît dans Nouvelle histoire de Mouchette 1937. En ce personnage s'incarnent tous les misérables qui subissent l'acharnement du sort sans jamais parvenir à comprendre le malheur de leur condition. Mouchette n'existe ici que par sa seule et unique sensibilité, aussi aiguë que douloureuse pour elle-même. Le miracle, pour ainsi dire, de cette Mouchette-là, c'est la vérité qui en émane. Une vérité d'autant plus étonnante qu'elle est l'œuvre d'un homme qui avait 50 ans lorsqu'il conçut ce personnage, découvrant les mouvements les plus profonds et les plus inexprimables d'une féminité qui s'éveille et s'affirme. Bernanos signe ici un portrait intemporel et poétique de gamine désespérée. Seul le regard de l'écrivain, dans sa justesse et son humanité, semble laisser entrouvrir une perspective de salut possible pour la jeune fille. En réalité, Mouchette malgré son absence de toute référence religieuse directe rejoint la figure des martyrs de Bernanos, ceux qui, écrira-t-il plus tard dans Dialogues des carmélites, ne peuvent tomber qu'en Dieu. En dépit des apparences celles du réel, on peut considérer que Mouchette suit aussi le même parcours.
Nouvelle histoire de Mouchette a été adaptée au cinéma par Robert Bresson en 1967, Mouchette
Monde romanesque
Bernanos situe souvent l'action de ses romans dans les villages de l'Artois de son enfance, en en faisant ressortir les traits sombres. La figure du prêtre catholique s'avère très présente dans son œuvre. Elle en est parfois le personnage central, comme dans Journal d'un curé de campagne. Autour de lui, gravitent les notables locaux châtelains nobles ou bourgeois, les petits commerçants et les paysans. Bernanos fouille la psychologie de ses personnages et fait ressortir leur âme en tant que siège du combat entre le Bien et le Mal. Il n'hésite pas à faire parfois appel au divin et au surnaturel. Jamais de réelle diabolisation chez lui, mais au contraire, comme chez Mauriac, un souci de comprendre ce qui se passe dans l'âme humaine derrière les apparences.
Combat des idées
Georges Bernanos est un auteur paradoxal et anti-conformiste. Pour lui, la France est fondamentalement dépositaire des valeurs humanistes issues du christianisme dont elle est responsable à la face du monde. Royaliste, il applaudit pourtant l'esprit de révolte de 1789 : un grand élan ... inspiré par une foi religieuse dans l'homme et constitue selon les mots de Jacques Julliard, un rempart de la démocratie, même à son corps défendant. Un moment proche de Maurras, il déclare ne s'être jamais senti pour autant maurrassien, et dit du nationalisme qu'il déshonore l'idée de patrie. Catholique, Bernanos attaque violemment Franco et l'attitude conciliante de l’Église d'Espagne à son égard dans Les Grands Cimetières sous la lune. S'il tient des propos antisémites en 1931 dans La Grande Peur des bien-pensants, son évolution vers les juifs est sensible à partir de 1938 et il condamne violemment l'antisémitisme nazi et celui de la France pétainiste. Convaincu que le monde moderne est une conspiration contre toute espèce de vie intérieure il dénonce la dépossession progressive des États au profit des forces anonymes de l’Industrie et de la Banque, cet avènement triomphal de l’argent, qui renverse l’ordre des valeurs humaines et met en péril tout l’essentiel de notre civilisation. Il affirme ne pas se reconnaître dans les notions de droite et de gauche et déclare « démocrate ni républicain, homme de gauche non plus qu’homme de droite, que voulez-vous que je sois ? Je suis chrétien.
Style pamphlétaire
Georges Bernanos s'adresse souvent directement, dans une écriture nerveuse, parfois véhémente, à des lecteurs futurs les fameux imbéciles qu'il cherche à sortir de leur léthargie par cette injure fraternelle, interpellés parfois comme des contradicteurs, tel le clergé complice de Franco dans Les Grands Cimetières sous la lune. Passionné souvent, excessif voire injuste à ses heures, son style est engagé, incisif et percutant, souvent dicté par la révolte et l'indignation. Il ne manquera pas de sujets durant les dix dernières années de sa vie et avouera lui-même que les romans peuvent mourir à la guerre car il lui faut témoigner coûte que coûte. Révolté par les accords de Munich, il fustige ensuite le gouvernement de Vichy qu'il définit comme le promoteur de la France potagère. Il alerte la France, et le monde à travers elle, sur les dangers de l'aliénation par la technique et l'argent. Taxé par certains de pessimisme dans l'après-guerre, dont Raymond Aron dans 18 leçons sur la société industrielle, d'autres voient aujourd'hui en lui un visionnaire, l'associant sur ce plan à l'écrivain George Orwell. Jacques Julliard écrit ainsi : Lorsque Bernanos prédit que la multiplication des machines développera de manière inimaginable l'esprit de cupidité, il tape dans le mille. Bernanos se détache progressivement des clivages droite-gauche pour affirmer sa liberté de conscience. Il revendique la Commune et vitupère la bourgeoisie, mais dénonce le communisme comme un totalitarisme. Il se dit monarchiste mais se voit rejeté par la droite après Les Grands Cimetières sous la lune et par l'Action française après sa rupture avec Maurras. Il règle ses comptes avec certains mots en vogue chez les politiques comme conservatisme, Qui dit conservateur dit surtout conservateur de soi-même ou réalisme, Le réalisme, c'est précisément le bon sens des salauds.
Le romancier du visible et de l'invisible
Sans conteste, Sous le soleil de Satan, roman de la vie spirituelle, suggérant l'invisible par le visible, selon le mot de Léon Daudet L'Action française, 7 avril 1926), comme les autres romans de l'auteur, s'inscrit dans une tradition – la fidélité aux dogmes catholiques – et dans un mouvement littéraire – le renouveau catholique de la fin du XIXe siècle, ouvert par Huysmans et Verlaine, prolongé par Léon Bloy et Barbey d'Aurevilly. Le réalisme du surnaturel, qui fait l'originalité profonde des romans bernanosiens, rappelle, dans une certaine mesure, le matérialisme résolument spiritualiste inspiré à Huysmans par La Crucifixion de Grünewald : c'est-à-dire une volonté d'appliquer à l'univers de l'âme et du spirituel le sens de l'observation, limité par Zola et les naturalistes au domaine des mœurs et de la vie en société. Mais Bernanos renouvelle l'esprit de cette tradition, comme l'esthétique de ce mouvement. Son catholicisme repose avant tout sur le Christ, et sa vision du monde se révèle, par essence, christique. Que faut-il entendre par ce terme ? Une vision du monde selon laquelle la réalité première est le Christ, source même de la connaissance de Dieu et de nous-même, comme de l'épanouissement de l'homme. Une vision du monde selon laquelle le destin des personnages romanesques – surtout des prêtres – se calque sur celui de la tragédie du Christ. C'est pourquoi se discernent, dans le récit bernanosien, tant de références et d'allusions à Jésus de Nazareth, La Joie, et les symboles christiques la nuit, l'aube, la lumière, la croix, le sang, l'eau, les larmes y tiennent un rôle important. C'est pourquoi les prêtres de Bernanos – Donissan, Sous le soleil de Satan, Chevance L'Imposture, le curé d'Ambricourt, Journal d'un curé de campagne –, mais aussi Chantal de Clergerie, La Joie, insèrent leur itinéraire intérieur dans le sillon tracé par le Christ. C'est pourquoi enfin l'œuvre romanesque de Bernanos évoque une immense métaphore de la Passion et de la Résurrection du Christ : la nuit de Gethsémani, la souffrance, l'angoisse, la mort, mais aussi l'aube radieuse de Pâques (le salut des pécheurs grâce aux souffrances du saint. En véritable créateur de formes, Bernanos inscrit sa vision du monde dans une esthétique. La qualité, l'originalité de cette inscription dans la matière romanesque fondent son génie de romancier. Certes, en ce qui concerne l'emploi des temps, les procédés narratifs, le goût des dialogues et des portraits, le choix d'un cadre rural et provincial, en règle générale, l'Artois et le Pas-de-Calais ; la Normandie, pour La Joie, les Alpes, pour Un crime, la place importante accordée aux faits dramatiques – meurtres et suicides –, ses romans s'appuient sur les formes héritées du XIXe siècle, mais ils ne s'y soumettent pas. Ils les dépassent en y introduisant un surnaturel évoqué de l'intérieur, par l'écriture même. Partant de Balzac, Bernanos s'élève au niveau de Dostoïevski. Ouvert sur une exploration de la psychologie des profondeurs » – comme chez l'auteur de L'Idiot – ce surnaturel s'unit à une esthétique qui en suggère la réalité, au moyen de procédés d'écriture spécifiques : structure du récit, paysages, notations descriptives des visages, des mains, des regards, images, symboles et métaphores... Les personnages de Bernanos évoluent selon une ligne brisée, faite de réactions imprévues, contradictoires, en apparence incompréhensibles. Le temps romanesque est ici non celui de l'enchaînement, des rapports de causalité interne ordinaire, mais celui de la rupture entre les instants, grâce à laquelle l'être s'affirme comme une personne libre. Les faits traduisent les réactions de l'âme sans les expliquer entièrement, laissant subsister l'ambiguïté. Ils n'ont, en réalité, que bien peu d'importance car ils sont les reflets de conflits intérieurs aigus opposant le péché et la grâce. De 1926 Sous le soleil de Satan à 1940 Monsieur Ouine, le récit romanesque bernanosien a nettement évolué. Au travers du destin christique des personnages, on observe le passage d'une thématique de l'Ancien Testament Sous le soleil de Satan au Nouveau Testament L'Imposture, 1927 ; La Joie, 1929 ; Journal d'un curé de campagne, 1936, thématique elle-même ouverte sur une écriture du non-dit, Nouvelle Histoire de Mouchette, 1937 ; Monsieur Ouine, 1940. Clairement suggéré dans les premiers romans, le mystère de la communion des saints fait ensuite place à une interrogation sur le salut possible d'un être en perdition. Il faut envisager le salut des créatures d'Un crime 1935, d'Un mauvais rêve 1935 ou de la seconde Mouchette comme un acte de foi.
En ce qui concerne l'écriture romanesque, si le Journal d'un curé de campagne, son chef-d'œuvre, accentue la rupture avec les techniques d'expressions romanesques balzaciennes à partir du procédé littéraire du journal intime, en suggérant dans le plus grand dépouillement l'omniprésence du surnaturel, Monsieur Ouine, parabole du mystère du Mal, relie le surnaturel à l'incohérence, à l'énigmatique, parce qu'il cherche à dire l'opacité du Mal, le non-être de Satan. La structure en creux du roman répond précisément au vide de la conscience éprouvé par le héros éponyme. L'évocation de sa présence à travers le prisme des autres personnages, de même que le recours à l'intrigue policière, la fragmentation du récit, la présence d'énigmes non résolues, la thématique du regard, enfin le souci de laisser au lecteur le soin de découvrir le sens de l'œuvre rompent, là encore, avec le roman traditionnel. Avec Monsieur Ouine et Nouvelle Histoire de Mouchette, les mots ne « disent » plus explicitement la réalité du salut des personnages, elle se décrypte en filigrane dans le récit.
Un dialogue avec l'Histoire
Romancier du surnaturel incarné, Bernanos affirme dans ses essais politiques une même fidélité à la vision du monde christique et aux valeurs de l'Évangile qui sous-tendent ses romans. Par son ton, où s'unissent fièvre, passion et véhémence, par ses apostrophes cinglantes, ses jugements très tranchés, sa verve satirique, son œuvre politique a souvent été rattachée au courant polémique de la littérature française, illustré par Pascal, Louis Veuillot ou Léon Bloy. Au-delà d'un premier niveau de lecture, la polémique, chez Bernanos, signifie, en réalité, non pas dispute ou diatribe, mais débat. Débat fondamental qui confronte l'homme avec sa conscience, l'écrivain avec l'Histoire. Au cours des années 1930-1940, qu'il s'agisse de la guerre d'Espagne, de la montée des fascismes, des accords de Munich ou de la Seconde Guerre mondiale et de ses prolongements, Bernanos a toujours commenté l'événement à travers le prisme d'une conscience qui se veut chrétienne. Ses prises de position politiques font de lui, aux côtés de Malraux, Gide, Sartre et Camus, une exceptionnelle figure d'écrivain engagé. De l'unité profonde qui existe entre ses romans et ses essais, Les Grands Cimetières sous la lune 1938 fournit un exemple éclatant. Face à la tragédie espagnole de 1936, le livre recherche, là aussi, la signification surnaturelle des événements. Déchiffrer le monde, celui de la fiction comme celui de l'Histoire, revient à y découvrir la présence de Satan, la réalité implacable du Mal. Aux yeux de Bernanos, cette présence éclate dans ce qu'il tient pour un crime essentiel : le ralliement de l'Église au coup de force nationaliste de Franco, le scandale d'une Terreur cléricale, d'une mystique terroriste qui inverse le sens de la Passion du Christ. La guerre d'Espagne a joué un rôle primordial dans la pensée et l'œuvre politique de l'écrivain. Elle l'a incité à renoncer aux romans exception faite de la fin de Monsieur Ouine) pour mettre en scène l'Histoire, en y insérant les thèmes de sa création romanesque la sainteté, l'enfance, l'honneur, le refus du mensonge, l'aspiration à la liberté. Elle scelle la rupture avec Maurras – dont l'idéologie avait inspiré La Grande Peur des bien-pensants 1931, composé en hommage à Drumont –, qui approuve la croisade des franquistes puis les accords de Munich et qui, en ne s'opposant pas à la montée des fascismes, trahit à la fois la monarchie et le Christ. Bernanos place la montée du nazisme sous le signe de l'inversion des Béatitudes de l'Évangile. Le témoignage porté par Les Grands Cimetières sous la lune recoupe celui de l'ensemble de son œuvre politique : opposer à l'idée totalitaire – fascisme, nazisme, communisme – les valeurs de l'Évangile ; à l'esprit de vieillesse – prudence, égoïsme, calcul – l'esprit d'enfance ; à la trahison des clercs l'honneur des pauvres ; à la soif de l'argent et du pouvoir la quête de la sainteté, où l'homme s'épanouit dans la liberté. À partir de cet essai, Bernanos rejoint le Péguy de Notre Jeunesse et de Note conjointe. Une même conception de l'écriture dans ses rapports avec l'Histoire rapproche les deux hommes : transcrire par le langage l'univers du surnaturel ; confronter la vocation de l'homme et de la France avec l'événement temporel en interprétant celui-ci par rapport à l'éternité ; refuser la dégradation de la mystique en politique. Dans l'itinéraire politique de Bernanos, si l fidélité à Maurras censé défendre la monarchie et les valeurs chrétiennes recoupe les années 1906-1931, l'adhésion à Péguy s'insère dans le refus du fascisme et du nazisme Scandale de la vérité, Nous autres Français, 1939 et s'ouvre sur l'appui apporté par l'écriture à la Résistance Lettre aux Anglais, 1942 ; La France contre les robots, 1947 ; Le Chemin de la Croix-des-âmes, 1948. Après la Seconde Guerre mondiale, face à l'invasion des « machines » et des « robots », qui aliènent la vie intérieure, la France est appelée par Bernanos à promouvoir la renaissance d'une société à la mesure de l'homme, inspirée par un christianisme authentique.Michel Estève.
La question de l'antisémitisme
Même si l'antisémitisme ne constitue pas véritablement un thème directeur de la pensée et de l'œuvre de Georges Bernanos aucun de ses romans n'y fait référence, il y a bien question et la polémique reste encore vive. La personnalité complexe de Bernanos transparaît dans ce débat avec lui-même et si on relève chez cet écrivain des propos antisémites jusqu'au milieu des années 1930, son évolution se révèle à travers ses écrits contre l'antisémitisme entre 1938 et 1946. Selon l'historien Michel Winock l'antisémitisme de Bernanos s'analyse comme la combinaison de l'antijudaïsme chrétien et du social-antisémitisme qui associe les Juifs à la finance, aux banques, au pouvoir de l’argent sur celui du peuple. Il apparaît déjà dans certains articles de l'Avant-garde de Normandie mais c'est dans La Grande Peur des bien-pensants, publié en 1931 dans une France déchirée sur la question de l'antisémitisme, qu'il trouve véritablement son expression. Dans cet ouvrage, Bernanos affiche son admiration pour Édouard Drumont : Le vieil écrivain de La France juive fut moins obsédé par les juifs que par la puissance de l'Argent, dont le juif était à ses yeux le symbole ou pour ainsi dire l'incarnation. Il y tient aussi certains propos clairement antisémites : Devenus maîtres de l'or ils les Juifs s'assurent bientôt qu'en pleine démocratie égalitaire, ils peuvent être du même coup maîtres de l'opinion, c'est-à-dire des mœurs. Quant à qualifier Bernanos de raciste, certaines phrases dans La Grande Peur des bien-pensants le laissent à penser. Ainsi, les Juifs traînent nonchalamment sur les colonnes de chiffres et les cotes un regard de biche en amour ou ces bonshommes étranges qui parlent avec leurs mains comme des singes. Pour critiquables que soient de tels propos, on n'en retrouve plus de semblables dans la suite de ses écrits. Max Milner, Michel Estève et Michel Winock lui-même considèrent dans leurs ouvrages qu'il s'agit d'emportement polémique mais qu'il n'y a fondamentalement pas de racisme chez Bernanos. À partir de 1938, on peut lire chez Bernanos les prémices d'une profonde évolution : Aucun de ceux qui m’ont fait l’honneur de me lire ne peut me croire associé à la hideuse propagande antisémite qui se déchaîne aujourd’hui dans la presse dite nationale, sur l’ordre de l’étranger. En 1939, il écrit dans Nous autres Français : J’aimerais mieux être fouetté par le rabbin d’Alger que faire souffrir une femme ou un enfant juif. Qu'il s'agisse de son engagement en février 1943 en faveur de Georges Mandel ou de sa rencontre au Brésil avec Stefan Zweig l'écrivain plaide en faveur des Juifs. Mais plus significative encore, peut-être, est la netteté avec laquelle Bernanos mesure lui-même le chemin parcouru depuis son origine à l'égard des Juifs en reconnaissant que la chrétienté médiévale n'a pas compris l'honneur juif : Elle fermait obstinément les yeux sur les causes réelles de la survivance du peuple juif à travers l'Histoire, sur la fidélité à lui-même, à sa loi, à ses ancêtres, fidélité qui avait pourtant de quoi émouvoir son âme. Pourtant, lorsque Bernanos affirme en 1944 Antisémite : ce mot me fait de plus en plus horreur. Hitler l'a déshonoré à jamais. Tous les mots, d'ailleurs, qui commencent par “anti” sont malfaisants et stupides, on s'interroge sur le sens de la formule, demeurée célèbre. Alors que Jacques Julliard ironise en se demandant s'il y a jamais eu un antisémitisme honorable, Adrien Barrot, commentant la citation d'Alain Finkielkraut, répond : C’est vraiment comprendre la formule de Bernanos à l’envers. Celle-ci marque indubitablement une véritable crise et une véritable prise de conscience chez Bernanos et ne mérite pas un tel procès d’intention. Elie Wiesel, dans un livre d’entretiens avec Michaël de Saint-Cheron, salue en Bernanos un écrivain qui eut le courage de s'opposer au fascisme, de dénoncer l'antisémitisme et de dire justement ce qu'il a dit et écrit de la beauté d'être juif, de l'honneur d'être juif, et du devoir de rester juif. Il explique : J'admire beaucoup Bernanos, l'écrivain. ... C'est l'antisémitisme qui m'a gêné au départ chez lui, ainsi que son amitié pour Édouard Drumont bien entendu. Mais un écrivain de droite qui a le courage de prendre les positions qu'il a prises pendant la guerre d'Espagne fait preuve d'une attitude prémonitoire. Il était clair que Bernanos allait venir vers nous. Sa découverte de ce que représentent les Juifs témoigne de son ouverture, de sa générosité Malgré tout le débat demeure entre des historiens comme Alexandre Adler, des polémistes comme Bernard-Henri Lévy ou des essayistes comme Jean-Paul Enthoven qui considèrent que Bernanos n'a jamais vraiment renoncé totalement à son antisémitisme, notamment en ne reniant pas Drumont, et ceux qui insistent au contraire, comme Elie Wiesel, l'académicien Alain Finkielkraut, le journaliste Philippe Lançon34 ou M. Simon Epstein, sur l'évolution de Bernanos.
Œuvre Romans
Sous le soleil de Satan, Paris, Plon, 1926 rééd., Le Castor Astral, 2008. L'Imposture, Paris, Plon, 1927 rééd., Le Castor Astral, 2010. La Joie, La Revue universelle, 1928 ; Paris, Plon, 1929. Un crime, Paris, Plon, 1935. Journal d'un curé de campagne, La Revue hebdomadaire, 1935-1936 ; Paris, Plon, 1936. Nouvelle histoire de Mouchette, Paris, Plon, 1937 rééd. Le Castor Astral, 2010. Monsieur Ouine, Rio de Janeiro, 1943 ; Paris, Plon, 1946 rééd. Le Castor Astral, 2008. Un mauvais rêve, édition posthume, Paris, Plon, 1950.
Nouvelles et premiers écrits
Dialogues d'ombres, Paris, Seuil, 1955, complété en 1991.
Théâtre
Dialogues des carmélites, Paris, Seuil, 1949.
Essais et écrits de combat
La Grande Peur des bien-pensants, Paris, Grasset, 1931. Les Grands Cimetières sous la lune, Paris, Plon, 1938 ; rééd. Le Castor Astral, 2008 ; rééd. Points, 2014. Scandale de la vérité, Gallimard, Paris, 1939. Nous autres, Français, Gallimard, 1939. Lettre aux Anglais, Atlântica editora, Rio de Janeiro 1942. La France contre les robots, Rio de Janeiro, 1944, puis Robert Laffont, 1947 ; rééd. Le Castor Astral, 2009. Le Chemin de la croix-des-âmes, Rio de Janeiro de 1943 à 1945, 4 volumes, puis Gallimard, 1948 ; rééd. augmentée : Le Rocher, Paris, 1987. Français, si vous saviez... Recueil d'articles écrits entre 1945 et 1948, Paris, Gallimard, 1961. Les Enfants humiliés, Gallimard, 1949. La Liberté, pour quoi faire ? cinq conférences prononcées en 1946 et 1947, Gallimard, 1953. Le Crépuscule des vieux, Gallimard, NRF, 1956 recueil de textes qui s'échelonnent de 1909 à 1939 : explication de son œuvre de romancier commentaires de lecture, notes sur la poésie, sur l'histoire contemporaine.... Brésil, terre d'amitié, choix de lettres et de textes consacrés au Brésil présentés par Sébastien Lapaque, coll. « La petite vermillon », La Table Ronde, Paris, 2009.
Intégrales publiées
Romans suivis de Dialogues des carmélites, coll. La Pléiade, Gallimard, 1961. Essais et écrits de combat, tome 1, coll. La Pléiade, Gallimard, 1971. Essais et écrits de combat, tome 2, coll. La Pléiade, Gallimard, 1995.
Correspondance
Le Combat pour la liberté. Correspondance inédite, tome 1 1904-1934, Paris, Plon, 1971. Le Combat pour la liberté. Correspondance inédite, tome 2 1934-1948, Paris, Plon, 1971. Lettres retrouvées. Correspondance inédite, tome III 1904-1948, Paris, Plon, 1983.
Bibliographie
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Monographies
Hans Urs von Balthasar. Le Chrétien Bernanos, traduit de l’allemand par Maurice de Gandillac, Paris, Seuil, 1956. Albert Béguin, Bernanos par lui-même, Paris, Seuil, 1958. Jean-Loup Bernanos, Georges Bernanos, À la merci des passants, Paris, Plon, 1986. Jean-Loup Bernanos, Georges Bernanos, Paris, Plon, 1988. Iconographie Jean Bothorel, Bernanos : Le Mal-pensant, Paris, Grasset, 1998. Louis Chaigne, Bernanos, éd. universitaires, 1954; rééd. 1970. Michel Estève, Georges Bernanos : Un triple itinéraire, Paris, Hachette, 1981. Jean de Fabrègues, Bernanos tel qu'il était, Paris, Mame, 1962. Monique Gosselin-Noat, Max Milner, Bernanos et le Monde moderne, Presses universitaires de Lille, 1989 actes du colloque organisé pour le centenaire de la naissance de Bernanos Monique Gosselin-Noat, Bernanos, militant de l'éternel, Paris, Michalon, 2007. Joseph Jurt, Les Attitudes politiques de Georges Bernanos jusqu'en 1931, Fribourg, éditions Universitaires, 1968, 359 p. Sébastien Lapaque, Georges Bernanos encore une fois, L'Âge d'Homme/Les Provinciales, 1998, puis Actes Sud, collection Babel, 2002 Sébastien Lapaque, Sous le soleil de l'exil, Georges Bernanos au Brésil 1938-1945, Paris, Grasset, 2003 Frédéric Lefèvre, Georges Bernanos, Paris, la Tour d'ivoire, 1926. Dominique Millet-Gérard, Bernanos, un sacerdoce de l'écriture, Via Romana, 2009. Max Milner, Bernanos, Paris, Desclée de Brouwer, 1967 ; réédition : Paris, Librairie Séguier, 1989. Timour Muhidine, Sous le soleil de Bernanos, Empreinte, 2010. Tahsin Yücel, Bernanos et Balzac, éditions Lettres modernes, Minard, 1974
Études
Juan Asensio, La Littérature à contre-nuit, Paris, Sulliver, 2007. Contient Monsieur Ouine de Georges Bernanos et Les Ténèbres de Dieu. Michel Estève, Le Christ, les Symboles christiques et l'Incarnation dans les romans de G. Bernanos. Marie Gil, Les Deux Écritures. Étude sur Bernanos, Paris, éditions du Cerf, 2008. Philippe Le Touzé, Le Mystère du réel dans les romans de Georges Bernanos, Nizet, 1979. Jean-Louis Loubet del Bayle, L’Illusion politique au xxe siècle. Des écrivains témoins au xxe siècle, Paris, Economica, 1999. Yvon Rivard, L'imaginaire et le quotidien, essai sur les romans de Bernanos. Bibliothèque des lettres modernes 21, 1978. Henri Guillemin, Regards sur Bernanos, Paris, Gallimard, 1976. Odile Felgine, L'écriture en exil, Dianoïa, PUF, 2014.
Œuvres collectives
Cahier Bernanos, dirigé par Dominique de Roux, Paris, L'Herne, 1963. Cahiers de l'Herne : Bernanos, dirigé par Dominique de Roux, avec des textes de Thomas Molnar, Michel Estève et al., Paris, Pierre Belfond, 1967. Études bernanosiennes, revue éditée par Minard. « Une parole prophétique dans le champ littéraire, dans Europe, no 789-790, janvier–février 1995, p. 75-88. Georges Bernanos témoin, recueil publié sous la dir. de Dominique Millet-Gérard, Via Romana, 2009.
Roman
Lydie Salvayre, Pas pleurer, éditions du Seuil, 2014. Prix Goncourt 2014.
Posté le : 03/07/2015 16:53
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