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Esclavagisme en Mauritanie 2
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Récit d'esclave:

La Mauritanie a son Spartacus. Le militant Biram Dah Abeid veut faire libérer tous les esclaves de son pays, au prix de sa propre liberté. Jean-Baptiste Naudet l'a rencontré à Nouakchott avant son arrestation.
Biram Dah Abeid, fondateur de l'organisation Initiative pour la Résurgence du Mouvement abolitionniste.
"La première fois que j'ai été violée par le maître, je ne portais pas encore le voile, j'avais 12 ans peut-être." M'Barka mint Essatim, 26 ans, issue d'une famille "privée de liberté depuis des générations", elle-même arrachée à sa mère à l'âge de 5 ans, est l'une des nombreuses esclaves mauritaniennes à avoir été libérée par Biram Dah Abeid.
Dans une cabane de bois et de tôles de quelques mètres carrés, sans eau, ni sanitaires, d'un quartier pauvre et excentré de Nouakchott, elle raconte au milieu des mouches qui volent :
Vers 2010, des médias ont commencé à parler de l'esclavage, de son caractère illégal, puis de Biram qui avait été emprisonné pour son combat pour notre libération. Mes maîtres me le montraient la télé. Ils voulaient que j'aie peur de lui. Ils me disaient : 'C'est un perturbateur qui veut semer la zizanie dans notre communauté !'"
Mais, inspirée par ce héros de la liberté, M'Barka décide de s'enfuir, sans ses enfants d'abord : "Mes maîtres ont refusé de me les donner. Pour eux, les enfants d'esclaves appartiennent au maître. J'ai alors été trouver Biram. Avec lui et ses militants de l'IRA, Initiative pour la Résurgence du Mouvement abolitionniste, NDLR, nous sommes allés voir le préfet qui, à son tour, a convoqué la police. On m'a rendu mes enfants, des enfants du viol. Pour les maîtres, nous violer, c'est leur droit."

Sa mission : libérer tous les esclaves de son pays

Après la victoire de M'Barka, c'est la débandade dans la maison du maître : toutes les autres esclaves s'enfuient à leur tour. L'IRA et Biram Dah Abeid estiment avoir ainsi libéré des centaines de personnes directement, et des milliers indirectement.
Massif, volubile, volontaire, les yeux brillants, Biram Dah Abeid, 49 ans, qui a été jeté en prison quelques jours après nous avoir parlé, pour avoir, entre autres, "encouragé la révolte", est un homme habité par une mission : libérer tous les esclaves de son pays. Ses seuls maîtres à lui sont les philosophes français des Lumières, les inspirateurs de la Révolution de 1789, Rousseau, Diderot, Montesquieu.
En 1981, la Mauritanie devenait le dernier État au monde à abolir l'esclavage. Il a fallu attendre 2007 pour que, sous la pression internationale, cette République islamique, financièrement soutenue par l'Occident et notamment par la France pour sa lutte contre le terrorisme islamique, criminalise cette pratique largement répandue.
Mais à ce jour, malgré quelques récents - et toujours très brefs - séjours en prison, aucun maître n'a encore été condamné définitivement. Il y aurait de 150.000 à 300.000 esclaves dans ce pays désertique, vaste mais peuplé seulement de quelque 3,5 millions d'habitants. Soit le plus fort taux d'esclaves au monde.

Leader abolitionniste et radical

Menacé de mort, emprisonné, vilipendé par le pouvoir en place, Biram Dah Abeid ne se soumet pas. Lui et son association l'IRA - toujours pas reconnue par les autorités - multiplient les actions spectaculaires. Mieux, ce leader abolitionniste et radical prédit une révolution prochaine, lorsque la caste des Haratins, celle des esclaves ou anciens esclaves environ 40% à 50% de la population, alliée aux citoyens de seconde zone que sont les Négro-Mauritaniens 30% renverseront les maîtres : les Maures, la minorité arabo-berbère 20% qui domine aujourd'hui le pouvoir, l'économie, la politique.
Même s'il jure de ne jamais avoir recours à la violence, "toujours destructrice de l'humanisme", Biram Dah Abeid estime que "la déflagration est imminente". "Si ma stratégie échoue, prévient-il, il y aura une violence difficile à maîtriser."
Je crains le mortel entêtement de la classe dirigeante enivrée par ses privilèges issus de l'esclavage, poursuit-il. Officiellement l'esclavage est prohibé, mais ceux qui vont en prison sont ceux qui le combattent, pas les esclavagistes."
Alors que le pays a officiellement aboli cette pratique depuis 1981, il y aurait encore 150.000 à 300.000 esclaves parmi la population mauritanienne. Crédit : Schalk van Zuydam, AP Photo/SIPA

Un sentiment d'urgence

C'est poussé par un sentiment d'urgence et une lourde histoire familiale que Biram s'est lancé dans l'action radicale. Car ce combattant de la liberté à la peau d'ébène est un Haratin, issu d'une famille d'une lignée d'esclaves et d'anciens esclaves. "Mon père a été affranchi dans le ventre de sa mère par son maître", raconte-t-il.
Mais il n'en aura pas pour autant fini avec la traite : il se marie à une esclave. "Il a dû l'abandonner avec les enfants, car le maître ne voulait pas les laisser partir". Comme tous les esclavagistes, celui-ci considérait non seulement l'esclave mais aussi ses enfants comme sa propriété.
Né d'un second mariage, Biram a vite pris conscience de l'oppression que subissaient les Haratins :
Dans mon village, quand j'étais enfant, nous étions sous le joug de la loi des Arabo-Berbères et de leur police."
A l'école, où la discrimination est forte, Biram se fait plus d'une fois corriger. C'est pourtant son éducation qui va lui permettre de se révolter. Il est le douzième d'une famille de treize enfants, et le premier à avoir été scolarisé.
Dès le primaire, élève brillant, pauvre et turbulent, Biram étudie le Coran avec un marabout peul antiesclavagiste. Au collège, il fondera un premier mouvement de libération. Biram ira loin : des études supérieures de droit et d'histoire en Mauritanie et au Sénégal, et un sujet de thèse sur... l'esclavage.

Détruire les fondements sacrés de l'esclavagisme

En 2008, frustré par les méthodes des organisations abolitionnistes qui accumulent les rapports et les communiqués en vain, il fonde l'IRA. Sit-in, grèves de la faim, séjours en prison : l'organisation multiplie les actions coup de poing. Elle ne s'attaque pas seulement au gouvernement mais aussi aux marabouts, les religieux. Elle veut détruire les fondements sacrés de l'esclavagisme.
Comme toujours, Biram Dah Abeid joint le geste à la parole. En avril 2012, devant une foule réunie pour une prière "très spéciale", le leader abolitionniste va réaliser son coup d'éclat. Après avoir prêché de sa voix passionnée les principes égalitaires et humanistes de l'islam, Biram annonce "un jour historique", la "purification des esclaves et de leurs maîtres, de la religion et de la foi".
Il fustige l'"instrumentalisation de l'islam" par une minorité qui veut dominer. Puis il se fait apporter des ouvrages d'interprétation du Coran. Et brûle en public ces livres sacrés. Un crime d'apostasie, punissable de mort dans cette République islamique. Aujourd'hui il décrit cet autodafé comme "un acte fondateur".

Naissance d'un héros

Soumise au régime, la presse se déchaîne alors : Biram Dah Abeid, écrit-elle, est un "hérétique". Des journaux se prononcent pour sa condamnation à mort. Il est arrêté, jeté en prison. Le président Aziz apparaît à la télévision et demande aussi sa tête. Biram serait un agent israélien ou à la solde des Américains, ou les deux à la fois. Le vecteur d'un complot occidental contre l'islam.
Mais devant la prison, malgré la propagande et les calomnies, l'IRA réunit des milliers de personnes qui demandent la libération de leur héros. Soumis économiquement et parfois psychologiquement à leurs maîtres, illettrés, souvent éclatés géographiquement, les Haratins se réveillent, ils sortent dans la rue.
Après quatre mois de prison, Biram Dah Abeid est libéré, gracié par un président sous pression. Il a gagné. En 2013, il sera l'un des lauréats du prix des Nations unies pour les droits de l'homme. En 2014, il arrive en deuxième position à l'élection présidentielle.
La prison est une tribune contre l'esclavage. Nous y sommes allés comme en voyage de noces", s'amuse-t-il à dire aujourd'hui.
Une main anonyme a rebaptisé le lieu où il a brûlé les livres religieux "avenue de Biram".
L'autodafé des textes sacrés, l'emprisonnement de Biram Dah Abeid agissent comme un électrochoc dans la communauté haratine, notamment chez les esclaves. C'est aussi grâce à l'IRA qu'un premier maître sera emprisonné.
Depuis, un vingtaine d'esclavagistes ont connu, brièvement, la prison. Ils seront systématiquement libérés. Face aux manifestations de l'IRA, la police a le choix : mettre les esclavagistes ou bien leurs détracteurs en prison. Les autorités, qui continuent à nier l'existence même de l'esclavage, font les deux au gré des pressions qu'elles subissent.

Un combat qui "ne mènera qu'à la violence"

Pourtant, malgré ses indéniables succès, les méthodes de Biram Dah Abeid et de l'IRA sont critiquées, et pas seulement par les autorités. Boubacar Ould Messaoud, 70 ans, est le président de l'ONG SOS-Esclaves, reconnue par l’État. Il revendique lui aussi la libération de nombreuses personnes par des moyens plus classiques. Il s'oppose aux méthodes révolutionnaires de l'IRA.
Si nous provoquons une confrontation, les victimes seront ceux que nous voulons libérer,s'alarme le vieil homme. Les esclavagistes sont armés par les militaires. Si les jeunes Haratins les attaquent, ils seront liquidés physiquement."
Une universitaire, spécialiste de l'esclavage voit elle aussi en Biram Dah Abeid "un démagogue brillant, autocentré, qui s'appuie sur la frustration des Haratins". Selon cette chercheuse, son combat "ne mènera qu'à la violence".
Mais le leader de l'IRA, lui, renvoie la responsabilité d'un éventuel affrontement sanglant sur la minorité arabo-berbère au pouvoir. Et il dénonce "cet apartheid d'un autre âge, qui ne tient que grâce au soutien de l'Occident, des États-Unis, de la France."
Jean-Baptiste Naudet - envoyé spécial de "l'Obs" à Nouakchott

L'esclavagisme

Alors que la monde, a commémoré l’abolition de l’esclavage, rappelant que le préjudice ne pourra jamais être réparé, quelques jours auparavant 1100 esclaves salariés modernes trouvaient la mort suite à l’effondrement d’un immeuble au Bengladesh dans lequel ils travaillaient sans relâche, à coup de cravache, payés misérablement, afin que les riches puissent vendre pour quelques euros, des habits à la dernière mode. Le 10 mai 2013 Radio-France-Culture commémorait à sa façon la journée internationale de l’abolition de l’esclavage pourtant encore bien présent sur tous les continents.
«L’esclavage existe bel et bien en Mauritanie», c’est par ces mots, exprimés durant la Convention de mai 2012, que Messaoud Ould Boulkheir, président du Parlement, répondait aux Mauritaniens qui réfutaient l’existence d’un tel crime contre l’humanité sur les terres mauritaniennes. Des travaux réalisés par les associations mauritaniennes de défense des Droits de l’Homme, ont affirmé la réalité de l’esclavage.
Dernier État à interdire l’esclavage, en 1981 la République de Mauritanie a soi-disant aboli les pratiques esclavagistes. Depuis 2007, la loi considère l’esclavage comme un crime passible de 10 ans de prison. Auparavant, le décret colonial français de 1905 le réprimait également, mais aucune sanction n’ayant jamais été appliquée, l’esclavage sévit et les pouvoirs politique, judiciaire et religieux ainsi que certains milieux intellectuels nient l’existence de l’esclavage que 700 000 à un million d’esclaves mauritaniens subissent encore aujourd’hui.
«À la quasi-indifférence de la communauté internationale et des médias, 20% des Mauritaniens seraient encore réduits à l’esclavage. Le pays compterait le plus grand nombre d’esclaves de la planète, même si la loi criminalise cet acte. Décryptage d’une injustice et du combat de l’IRA, Initiative de Résurgence du mouvement abolitionniste dirigé par son président Biram Ould Dah Boulkheir.
Chacun d’entre nous sait très bien ce qu’il faut penser de cette soi-disant Communauté internationale d’une poignée de pays néo-colonisateurs qui prétend imposer sa loi. Eh bien en Mauritanie et au Sahel, la loi de cette Communauté internationale des riches, c’est l’esclavage en catimini. Quant aux peuples du monde ils ne savent rien de ce qui se trame dans ce pays du Sahel en crise perpétuelle par les manigances des puissances métropolitaines.
Ainsi, la pseudo «Communauté internationale» s’accommode très bien de ce que l’Émirat du Qatar – leur riche allié crapuleux – pratique ouvertement les nouvelles formes d’esclavage moderne et elle ne dit mot donnant ainsi son consentement .
L’esclavage est officiellement aboli dans le monde.
Pourtant d’autres formes d’exploitation asservissent des milliers de personnes, souvent des enfants.
Il y a deux cents ans, le 4 février 1794, l’esclavage est aboli dans les colonies françaises. Il est rétabli par le premier Empire et disparaîtra définitivement en principe par un décret de la IIe République, le 27 avril 1848.
En 1825, l’Angleterre se rallie au mouvement. Les autres pays suivent progressivement, mais il faut attendre 1981 pour que la Mauritanie se prononce officiellement pour l’abolition de l’esclavage.

Aujourd’hui donc, l’esclavage est juridiquement aboli dans le monde.

Pourtant plusieurs dizaines de millions de personnes sont en situation d’esclavage, soit sous forme traditionnelle comme dans certains pays d’Afrique Mauritanie, Soudan ou d’Asie Inde, soit sous de nouvelles formes d’asservissement.
En Mauritanie, la Constitution interdit officiellement l’esclavage. Mais dans la pratique, plusieurs dizaines de milliers de Noirs originaires du Sud du pays, sont maintenus en servitude par des Maures du Nord.
Au Soudan, la guerre que livrent les propriétaires arabes du nord contre les noirs animistes et chrétiens du sud contribue à maintenir et même à développer la tradition esclavagiste les captifs sont revendus entre 30 et 40 dollars par tête.
En Inde, malgré les efforts du gouvernement, plusieurs centaines de milliers de membres de castes inférieures sont tenus en esclavage et parfois vendus, les enfants appartenant toujours au propriétaire de la mère.
Beaucoup plus répandues, d’autres formes d’esclavage comme la servitude pour dettes n’épargnent aucune région du Globe. Par exemple, un employeur propose à un ouvrier un prêt qu’il pourra rembourser avec ses gains futurs. Mais comme les salaires sont très bas, l’employé se trouve dans l’impossibilité de rembourser ; la dette s’accroissant, le travailleur se trouve lié à un patron jusqu’à la fin de ses jours.
Cette pratique de l’esclavage pour dettes est surtout répandue en Asie du Sud-Est et en Amérique latine.
Le Bureau International du Travail estime qu’au Pakistan, le travail forcé toucherait quelque 20 millions de personnes dont 7,5 millions d’enfants travaillant notamment dans les briqueteries, chez les tailleurs de pierre, les tisserands, les fabriquant de cigarettes ainsi que dans l’agriculture. En Inde, 5 millions d’adultes et 10 millions d’enfants seraient asservis dans l’agriculture, les métiers du bâtiment, la pêche, la production de tapis et de poteries.
Au Pérou, on a constaté que le servage pour dettes, le recrutement illégal ou forcé de main d’oeuvre, le travail dans des conditions inhumaines et l’exploitation des enfants sont encore des pratiques courantes. Concernant les enfants, la forme la plus haïssable de leur exploitation réside dans la prostitution. Elle est la plus connue mais elle ne saurait faire oublier les millions de petits esclaves qui sont kidnappés pour être enfermés dans des ateliers clandestins, servir de domestiques, ou être vendus à une autre famille. Ils sont souvent maltraités, soumis à des sévices sexuels, mal nourris et astreints à des horaires exténuants, voire à des travaux dangereux.
Cependant, des gouvernements comme ceux du Bangladesh, de l’Inde, du Népal, du Pakistan, du Sri-Lanka et de Thaïlande ont pris l’engagement d’abolir effectivement et immédiatement le servage des enfants et d’en faire un objectif prioritaire de leur politique nationale de l’enfance.
Ils ont reconnu la nécessité d’une volonté politique englobant des réformes législatives, des mécanismes de contrôle efficaces et un système d’éducation obligatoire et gratuit.
Cela peut choquer mais c’est pourtant vrai : l’esclavage n’est pas une coutume révolue. C’est même un phénomène répandu, notamment dans les pays musulmans, où il revêt diverses formes et est fréquemment officialisé. Bien sûr, il ne porte pas le vilain nom d’ esclavage, mais se cache derrière les appellations plus respectables de « tutelle ou de bonnes. Du Maroc à l’Arabie saoudite, petit tour d’horizon des pratiques esclavagistes. Les femmes et les enfants en sont les premières victimes.
C’est à Malek Chebel, anthropologue et spécialiste algérien de l’islam, que revient le mérite d’avoir remis à l’ordre du jour, en France, un phénomène gênant, celui de l’ "esclavage en terre l’islam", titre d’un riche ouvrage de 500 pages publié chez Fayard en 2007 et sous-titré : "Un tabou bien gardé". Chebel n’hésite pas à désigner dans l’islam même les racines de certaines formes d’esclavagisme. S’il s’étend longuement sur les racines historiques du phénomène, il en décrit aussi certaines manifestations actuelles.

Mariage et prostitution

Deux façons d’asservir les femmes : Afghanistan, Maroc...

"Combien de femmes, aujourd’hui même, sans porter à proprement parler l’étiquette d’ ’esclaves’, tant en Asie musulmane qu’en Afrique médiane et au Maghreb, sont-elles maintenues dans une condition qui les oblige à monnayer les plaisirs sexuels qu’elles fournissent au profit d’un proxénète ? Plus pervers encore est le système de mise en esclavage matrimonial de jeunes filles pubères - pratiquement des enfants - au nom de coutumes tribales d’un autre âge. C’est le cas, encore aujourd’hui, en Afghanistan, où des jeunes filles à peine nubiles sont mariées à des chefs tribaux, riches et souvent séniles, en termes de ce qui apparaît comme une forme de ’droit de cuissage’", note Chebel.
Dans un dialogue avec le généticien français Albert Jacquard Jamais soumis, jamais soumise, Stock 2007, Fadela Amara évoque en termes très clair l’esclavage des jeunes filles dont elle a été témoin au Maroc : "Je suis allée dans les villages marocains, en fin fond du bled (...) Autour de 10 ans, les filles sont enlevées de l’école pour être mises à disposition de familles bourgeoises et devenir des bonnes, avec tout ce que ça implique : certaines vont être violées par le chef de famille, mises enceintes et fichues dehors par l’épouse légitime ..."
Les Marocaines qui tentent de se libérer en fuyant pour des pays arabes riches risquent d’être déçues. Le quotidien marocain TelQuel est allé jusqu’à afficher sur son site, en 2007, une pétition intitulée "Pour le respect des droits de la femme marocaine ’immigrée’ aux pays du Golfe" afin de lutter contre le phénomène des Marocaines faites esclaves aux Emirats arabes unis, où elles croyaient trouver argent et liberté : "Parties travailler dans les pays du Golfe comme coiffeuses ou hôtesses, des milliers de Marocaines se retrouvent séquestrées, battues et forcées à se prostituer. Cherchant à s’évader, certaines sont emprisonnées ou même assassinées ! Et le Maroc se tait, au nom de ’considérations diplomatiques’."
Une situation qui n’est toutefois pas le seul fait du Maroc. Au Liban aussi, les "travailleuses étrangères" sont fréquemment faites esclaves par leurs employeurs.

Liban : le phénomène des "bonnes"

Le 11 octobre 2007, Le Monde publiait un article de Dominique Torres sur la situation des "bonnes à vendre" au Liban. Des jeunes femmes naïves et démunies venues de pays pauvres, notamment du Sri Lanka, d’Ethiopie et des Philippines, pour se faire un petit salaire, ne se doutent pas qu’elles vont se voir confisquer leur passeport et se trouver à la merci d’employeurs qui feront d’elles non des bonnes, mais des esclaves. "Leur passeport transitera directement des mains du policier des frontières à celle de l’employeur", note l’article.
Le marché des bonnes est intéressant pour les agences qui "à la signature du contrat, se versent entre dix et quinze fois le premier salaire de la domestique." Quant aux "bonnes", elles sont très peu payées - quand elles ont la chance de tomber sur un employeur qui respecte le contrat. Mais face aux abus en tous genres, dont la privation du salaire n’est pas le moindre, ces jeunes femmes n’ont d’autres moyens de se défendre que de fuir pour l’ambassade de leurs pays, où sont cachées nombre d’entre elles.
Ces jeunes femmes sont peut-être les seules à avoir profité de la deuxième guerre du Liban : "Durant l’été 2006, l’attaque israélienne au Liban et le désarroi des Libanais fuyant les bombes ont été largement couverts. Les médias ont évoqué, sans s’attarder sur le sujet, le nombre de 30 000 domestiques abandonnées dans des appartements fermés à clé, souvent avec le chien. A leur retour, les employeurs étaient furieux. La domestique était partie !" notait l’auteur, non sans humour.

Tuteur légal ou maître d’esclave ?

Le 15 novembre 2007, le quotidien libanais L’Orient Le Jour réagissait à l’article de Dominique Torrès par un article intitulé : "Bientôt une législation pour la protection à égalité des domestiques étrangères et des employeurs". Le quotidien libanais admet qu’ "un réel problème existe (...) L’employeur, tuteur légal de la domestique, unique responsable aux yeux de la loi libanaise, est seul maître à bord." Ainsi "certains employeurs, soucieux de rentabiliser [la caution versée à l’agence pour l’obtention de la bonne], sont parfois poussés à des comportements esclavagistes", note pudiquement l’article, comme d’ "enfermer leur domestique (...) par peur de la voir prendre la fuite." Il est en effet plus intéressant de travailler au noir, avec un meilleur salaire et la liberté à la clé.
L’article note : "En instaurant le principe de la tutelle, principe qui est d’ailleurs répandu dans les pays arabes, l’Etat entend exercer un contrôle strict sur les communautés de migrants." Ce principe de la tutelle s’avère dans les faits synonyme d’asservissement.

Trafic d’enfants au Bengladesh

Après les femmes, les enfants ne sont pas en reste : le site d’Amnesty International Belgique affichait, en décembre 2004, une enquête intitulée "Itinéraire d’un esclavage asiatique", qui abordait presque exclusivement le sujet de l’esclavage en pays musulmans. Le rapport évoquait notamment le trafic d’enfants du Bengladesh, citant : "La misère et la crédulité d’une large part de la population bangladaise facilitent les trafics de femmes et d’enfants vers l’étranger. L’Inde, le Pakistan et les riches pays arabes sont leurs principaux destinataires (...) Les filles aboutissent souvent dans des réseaux de prostitution forcée ou de travail domestique, parfois dans le secteur industriel notamment les usines de vêtements." Quant aux garçons, ils se retrouvent fréquemment jockeys dans les courses de chameaux de la Péninsule : "Leurs cris de peur sont censés effrayer les animaux et les faire courir plus vite". Pour garder ces garçons petits et lestes, on les prive de nourriture. Et, au Bengladesh aussi, "la passivité des autorités" est dénoncée : "Des lois existent au Bangladesh pour punir les trafiquants d’être humains. Rarement appliquées, elles n’ont aucun effet dissuasif."

Arabie saoudite et Emirats arabes unis : une opulence qui repose aussi sur le travail des esclaves

Malek Chebel n’est pas tendre vis-à-vis de l’Arabie saoudite, où l’esclavage est peut-être le plus généralisé, les hommes aussi en étant victimes : "Ouvriers soumis, eunuques, domestiques, concubines : tous les degrés de la servitude sont pratiqués et entretenus dans l’une des régions les plus opulentes de la planète ... L’esclave est certes une ombre inconsistante aux yeux de son maître, mais sa présence est pratiquement indispensable au fonctionnement de la cité en Arabie." Chebel précise : "La ville princière de Taîf, à une centaine de kilomètres de la ville sainte, peut se prévaloir de compter encore aujourd’hui un grand nombre d’esclaves. Ils sont employés à l’arrosage des roseraies, des vignes et des vergers qui font la réputation de l’endroit, ou bien au nettoyage et à l’entretien des palais. Il en va de même à Djedda, ville portuaire, à Riyad, capitale politique du pays, et même dans les prudes Médine et la Mecque où un corps d’eunuques fut encore signalé, photographies à l’appui, il y a moins d’une dizaine d’années."
Les Emirats arabes unis ne sont pas en reste : "De leur côté, en raison de leur ’boom’ économique, les Emirats arabes unis ont connu et connaissent un besoin vital de main-d’œuvre qu’ils vont puiser en Asie, et n’hésitent pas, au besoin, à mettre en servitude dans les demeures privées." On le voit : les Marocaines ne sont donc pas les seules victimes de ces petits Etats qui ont pourtant les moyens d’employer décemment du personnel.
Laissons le mot de la fin à Wajiha Al-Huweidar, militante des droits de la femme en Arabie saoudite, dont les propos prononcés sur la télévision saoudienne Al-Hurra le 13 janvier 2008 ont été relayés par le MEMRI Middle East Research Institute. Dénonçant la situation des femmes en Arabie saoudite, qu’elle qualifie de "pire qu’à Guantanamo", elle estime que "la société saoudienne se base sur l’asservissement : l’asservissement des femmes aux hommes et de la société à l’Etat." Tout un système qu’il faudrait revoir pour mettre fin à des pratiques dégradantes pour tous : maîtres comme esclaves.

Enquète sur l'esclavagisme

La fondation australienne Walk Free vient de publier un rapport sur l'esclavage dans le monde. Triste bilan pour le continent qui compte 38 pays parmi les 50 dont l'indice d'esclavage est le plus élevé, Mauritanie en tête.
La fondation australienne Walk Free vient de rendre public le premier indice mondial de l’esclavage. Sur les 162 pays étudiés, on compte un total de 29,8 millions d’esclaves. La Mauritanie prend la tête du classement avec un nombre d’esclaves estimé à 150 000 personnes, pour 3,8 millions d’habitants, soit 4 % de la population. Une pratique profondément enracinée selon le rapport : les mêmes familles exploitent plusieurs générations d’esclaves.
Les dix pays les plus libéraux d’Afrique
Côte d’Ivoire : corruption et favoritisme demeurent
Top 10 des pays africains les mieux connectés à Internet
L’esclavage moderne peut prendre plusieurs formes : le trafic de personnes, le travail forcé, l’exploitation des enfants, le mariage forcé, ainsi que toutes les pratiques privatives de liberté. L’indice a été estimé à partir de trois facteurs principaux : la prévalence estimée de l’esclavage moderne dans la population, le mariage des enfants, et le trafic de personnes.

Régions

L’Afrique subsaharienne est la région la plus esclavagiste, avec 38 pays classés dans le top 50. Selon le rapport, il s’agit de la région où les situations sont le plus diversifiées en termes de risque d’asservissement. Maurice est le pays le plus de stable en termes de protection des droits de l’homme et du travail, mais l’Afrique du Sud et le Gabon sont les plus engagés en termes de politiques pour abolir l’esclavage moderne. Les taux de prévalence élevés enregistrés pour des pays comme la RD Congo ou la Mauritanie reflètent des pratiques vieilles de plusieurs siècles qui se fondent sur des conflits coloniaux et une injustice exacerbée par les conflits armés contemporains, indique le rapport.
La région Mena Moyen-Orient et Afrique du Nord affiche des taux de prevalence relativement faibles, mais il s’agit de la région où la discrimination contre les femmes est la plus élevée. On note également un grand nombre de mariages forcés ainsi qu’une forte traite des femmes à des fins de prostitution ou de travail domestique. Au Moyen-Orient, les plus touchés sont les travailleurs immigrés.
En valeur absolue, les meilleurs élèves sont l’Europe, avec 1,82 % du total des personnes asservies, et la région Mena, avec 2,54 %. L’Afrique subsaharienne représente 16,36 % de la population totale asservie. L’Asie affiche la pire performance avec 72,14 % du total et quatorze millions d’esclaves pour l’Inde seulement.

Top 10 des pays africains qui ont l’indice d’esclavage le plus élevé

1. Mauritanie, 1er mondial
2. Bénin, 7e
3. Côte d’Ivoire, 8e
4. Gambie, 9e
5. Gabon, 10e
6. Sénégal, 11e
7. Éthiopie, 12e
8. Sierra Leone, 13e
9. Togo, 14e
10. Cap-Vert, 15e


Une culture esclavagiste séculaire en Mauritanie et au Sahel

La population mauritanienne est composée de Maures blancs, d’origine arabo-berbère dite «beydane», et de noirs, appelés Haratines, et de Négro-Mauritaniens issus des ethnies Peul, Soninké et Wolof. Le mot «haratine» provient de l’hassanya, dialecte de la région utilisant des bribes de langue arabe. Cette correspondance linguistique indique que ces derniers sont des descendants d’esclaves – pseudos affranchis – et appartenant réellement à des propriétaires Maures [http://www.haratine.com/].
La société maure ne fait pas de différence entre l’esclave et l’affranchi-Haratine. Un proverbe mauritanien exprime parfaitement cette idée: «La différence entre un esclave et un affranchi est comme la distance entre la queue de la vache et la terre. Lorsque la queue est longue, elle touche terre». La différence est inexistante.
Quand elle sera conquise, l’émancipation des esclaves Haratines bouleversera l’économie et les rapports sociaux de cette société arriérée – semi-féodale – décadente, n’ayant pas encore accédée à l’industrialisation. Cet immense progrès social aura pour conséquence de détruire les reliquats du mode de production esclavagiste, d’abolir peu à peu les pouvoirs des castes, des clans et des tribus et de renforcer le pouvoir des bourgeois nationaux.
L’influence des beydanes – propriétaires d’esclaves – s’estompera. L’édification d’un sentiment d’appartenance national mauritanien prendra un nouvel essor, de même que les forces productives et les rapports de production bourgeois. L’éradication complète de cet artéfact fossile d’un temps archaïque est une nécessité historique non seulement pour les esclaves eux-mêmes, mais également pour la bourgeoisie mauritanienne compradore, qui ne pourra jamais jouir pleinement de la spoliation du peuple mauritanien tant que perdureront les forces de la réaction esclavagiste-beydane.
Luttes de classe pour l’éradication de ces pratiques fossiles
Cette lutte de résistance anti-esclavagiste est récurrente. Ainsi en 2009, Paris accueillait au Grand Palais une hypocrite conférence sur les thèmes pompeux : «L’esclavage en terre d’Islam : pourquoi les maîtres mauritaniens n’affranchissent-ils pas leurs esclaves ?. YAHYA Ould Brahim, ancien esclave, racontait son effroyable parcours : Je suis esclave depuis ma naissance. J’ai été séparé de mes parents, de mon frère et de ma sœur. Je travaillais dur pour mon maître, sans rétribution et toute la journée. Quand celui-ci me battait, il me disait de ne pas crier, car ça pouvait gêner les voisins [http://haratine.blogspot.fr/2013/05/m ... hypocrisie-autour-de.html.
Expliquant les relations entre les esclaves et les maîtres, YAHYA témoigne d’une voix empreinte de colère «L’esclavage traditionnel persiste dans mon pays sous trois formes :
Domestique, par laquelle l’esclave est attaché au maître durant toute sa vie, sans contact avec sa famille d’origine.
Sexuelle, donnant au maître un droit de cuissage sur toutes les femmes travaillant et lui appartenant (le maître propriétaire du bétail humain a le premier droit d’engrosser la femme bétail esclave. Si la femme – bétail esclave – met bât d’un bébé ce petit «animal parlant» est la propriété du maître esclavagiste qui peut en disposer comme son bien propre – le vendre ou le donner. NDLR.
Agricole, les esclaves sont chargés des travaux les plus durs, des tâches considérées comme les plus avilissantes par le groupe dominant arabo-berbère » Visionnez ce témoignage de deux esclaves http://www.youtube.com/ watch?v=ifuHn_Hj5lU
L’IRA et les autres associations combattant l’esclavage, comme L’Association des Haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E), S.O.S Esclaves, et SOS-Abolition accusent les esclavagistes de se fonder sur l’interprétation de livres de juristes datant du Moyen-âge pour légitimer l’esclavage (…) Biram, leader de l‘IRA, a fait la seule chose digne d’un homme libre, il a procédé à l’autodafé de plusieurs de ces livres fossiles qu’il appelle des «codes esclavagistes». L’exégèse d’un des textes carbonisés, l’abrégé de Khalil, traite l’esclave d’animal parlant.
«La destruction des livres par le feu a créé l’émoi en Mauritanie. Certains détracteurs de l’IRA ont accusé l’association d’apostasie et de blasphème. Argument fallacieux, si l’on tient compte du fait que les ouvrages n’ont aucun caractère sacré déclare Biram. Conscients de la polémique qu’aurait pu engendrer un tel acte, les pyromanes des textes féodaux ont pris soin de retirer toutes les pages contenant des versets du Coran. Cela n’a pas empêché Biram d’être emprisonné en compagnie d’Abidine Maatala, Issa Ould Alioune et Yacoub Diarra pour atteinte aux valeurs culturelles de la Mauritanie.» [http://haratine.blogspot.fr/2013/05/m ... hypocrisie-autour-de.html].
L’État néocolonial mauritanien complice
«Il est intolérable que de nombreux citoyens mauritaniens continuent à gémir sous le joug de l’esclavage alors que les prisons sont vides de tous les responsables de tels crimes. Une telle situation ne saurait trouver d’explication en dehors de la complicité manifeste de l’État (…). C’est l’État qui freine l’application pleine et entière de la loi 2007/08 criminalisant l’esclavage et les pratiques esclavagistes.» (5).
Hommes et femmes, ouvriers, prolétaires, travailleurs, esclaves salariés occidentaux, doivent solidarité à leurs frères esclaves agraires en cet enfer du Sahel mauritanien, malien, nigérien, somalien et leur émancipation doit être une préoccupation autant que leur propre résistance quotidienne à l’exploitation. Émancipation et liberté pour les frères Haratines de Mauritanie.

En Mauritanie, il y a encore des esclaves.

Une marche a eu lieu à Nouakchott hier, mercredi 29 avril, à l’appel du Manifeste pour les droits politiques économiques et sociaux des Haratines, les descendants d’esclaves qui représentent environ 40 % de la population mauritanienne. Beaucoup souffrent encore d’être marginalisés dans la société. Certains sont même toujours retenus en servitude, il est difficile de savoir combien, mais la pratique perdure malgré l’abolition de l’esclavage en 1981 et sa criminalisation en 2007. Les organisateurs réclament donc des mesures concrètes et la libération du militant Biram ould Gah ould Abeid, le président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie IRA, arrêté en novembre 2014 et qui attend toujours son procès en appel. Pour en parler, Florence Morice reçoit l’un des initiateur de ce manifeste, Boubacar Messaoud, également porte-parole de l’association SOS esclaves.
Comment se fait-il que de trente ans après l’abolition officielle de l’esclavage en Mauritanie, vous soyez encore obligé de descendre dans la rue pour réclamer plus de droits ?
Boubacar Messaoud : Parce que tout ce qui a été pris comme mesures institutionnelles pour interdire l’esclavage n’a jamais été appliqué. Nous sommes maintenant à notre troisième président qui continue à dire que l’esclavage n’existe pas. Le monde entier doit être témoin de cette absurdité. Comment continue-t-on à faire des lois pour un phénomène qui n’existe pas ?
Est-ce qu’on a une idée de l’ampleur du phénomène aujourd’hui puisque le gouvernement lui parle de séquelles de l’esclavage?
L’Etat mauritanien n’a jamais accepté de faire une étude pour pouvoir dégager un impact de cette population servile qui existe. Il y a le secret de l’esclavage. Nous vivons presque tous du secret de l’esclavage. Il y a des esclaves encore, nous ne pouvons pas dire combien ils sont et c’est aussi l’argument du pouvoir. A chaque fois, il dit aux visiteurs : « Demandez-leur combien il y a d’esclaves, ils ne pourront pas vous le dire. Bien sûr que l’on ne peut pas le dire, il ne nous appartient pas de les dénombrer. Il nous appartient de défendre et d’accompagner ceux qui viennent se plaindre. Et ils viennent quotidiennement. Ils viennent devant la justice. Et souvent on requalifie leur problème de travail non rémunéré, de qualification tout à fait bizarre dans une société où la personne est née esclave, est complètement anéantie depuis sa naissance par une éducation qui la soumet totalement à la volonté de son maître parce qu’on lui a fait comprendre que son paradis dépend de cela. Les religieux ont utilisé la religion pour le rendre acceptable comme un devoir.
Récemment dans une fatwa, les oulémas de Mauritanie ont décidé que l’esclavage n’avait plus de fondement religieux. Comment réagissez-vous ? Est-ce que ce n’est pas un contresens dans un pays qui a aboli l’esclavage en 1981 ?
Effectivement, c’est vraiment ironique et vraiment ça nous fait rire quand on dit n’a plus de fondement. Il n’a jamais eu de fondement. Heureusement que maintenant certains oulémas, très timidement, commencent à reconnaître que l’esclavage dans la religion musulmane n’est accepté que dans le jihad, que dans une guerre sainte.
Avec l’aide des Nations unies, le gouvernement a établi en 2014 une feuille de route et s’est donné comme objectif d’éradiquer le phénomène d’ici 2016. Y a-t-il une réelle volonté politique tout de même ou bien est-ce que ce plan est seulement destiné à faire plaisir à la communauté internationale ?
Ce plan concerne essentiellement la communauté internationale. Il en est sorti aujourd’hui un projet, un avant projet de loi qui dit que l’esclavage va être condamné de dix à vingt ans. Il y a également le fait qu’on crée un tribunal spécial à Nouakchott. Alors le juge compétent est à Nouakchott. Comme on peut penser que l’esclavagisme qui vient de Néma ou de Zouerate doit être acheminé à Nouakchott pour être jugé. Pourquoi on ne le juge pas sur les lieux de ce crime ? Ça nous choque profondément. Ce sont des pièges que nous dénonçons dès maintenant. Si on veut faire une loi qui soit applicable, elle doit être une loi qu’on doit appliquer dans toutes les régions qui concernent pratiquement tous les juges.
Combien de personnes actuellement purgent une peine de prison pour esclavagisme. L’esclavage est criminalisé depuis 2007 en Mauritanie ?
Personne ne purge une peine. La seule personne, c’est une personne qui a été condamnée à deux ans. C’est inférieur à la peine minimale prévue pour l’esclavage. Elle a fait quatre mois et quelques, on l’a libéré en liberté provisoire et elle est toujours en liberté provisoire. Depuis trois ans, elle n’a jamais été appelée.
Donc la législation n’est pas appliquée ?
Cette loi n’est pas encore appliquée. Elle a été destinée à se conformer aux desiderata de l’opinion internationale et puis c’est tout.

Qu’est-ce qu'il faudrait faire pour s’attaquer aux racines du problème ?

Réformer s’il le faut la justice parce que nous avons une justice de classe. Tous les magistrats essentiellement sont des descendants d’esclavagistes. Ils répugnent à condamner les esclavagistes dès lors que d'ailleurs, peut-être eux-mêmes, ont des esclaves chez eux. Et c’est connu par celui qui juge.
Vous voulez dire que les réformes sont freinées finalement par la structure de la société ?
Absolument. Une société de classes qui ne veut pas le progrès. Il y a des gens qui sont très riches aujourd’hui. Il y a de beaux bâtiments, il y a de belles routes mais en définitif quelque part, les mentalités sont des mentalités rétrogrades du Moyen-âge.
Le militant Biram ould Dah ould Abeïd, président de l'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA), pourtant il était candidat à la présidentielle en juin dernier. Est-ce que vous avez le sentiment de faire peur aux autorités, que votre combat fait peur au pouvoir ?
Il y a deux poids, deux mesures. L’anti-esclavagiste est condamné et est en prison, il est même éloigné de chez lui. Il n’a pas été emprisonné dans son lieu de jugement. Et celui qui est esclavagiste, reconnu par un tribunal, a été mis en prison pour trois mois et mis en liberté provisoire. Nous avons le sentiment que le pouvoir veut nous montrer qu'on est un danger dans cette Mauritanie. Quand on a arrêté monsieur Biram, après nous avons fait une manifestation tout à fait pacifique, on nous a tiré dessus avec des grenades lacrymogènes. On nous a présentés comme des émeutiers. Nous faisons nos marches et tout cela pour dire qu’on est contre personne. Ce que nous faisons n’est orienté ni vis-à-vis des Arabes, ni vis-à-vis des autres Africains. Mais nous parlons de ce que nous vivons comme séquelles et comme pratiques d’esclavages qui ne peuvent finir qu’avec une justice et l'équité.

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Posté le : 03/07/2015 15:15

Edité par Loriane sur 05-07-2015 13:56:43
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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