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De Montpellier
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Le 28 juin 1577 naît Pierre Paul Rubens à Siegen Westphalie
Comté de Nassau-Siegen, dit aussi Peter Paul Rubens en néerlandais, et Pietro Paolo Rubens à partir de 1608, mort; à 62 ans le 30 mai 1640 à Anvers, peintre baroque flamand. Ses maîtres sont Tobias Verhaecht, 1561-1631, Otto Van Veen 1594-1598, Ses élèves Antoine van Dyck, Jan van den Bergh, Matthias Jansz van den Bergh, Jan Boeckhorst, Abraham van Diepenbeeck, Juste d'Egmont, Lucas Franchoys, George Jamesone, Willem Panneels, Érasme II Quellin, Cornelis Schut, Theodoor van Thulden, Frans Wouters +/-, il appartient au mouvement de la peinture baroque flamand, ses mécènes sont Albert d'Autriche, Isabelle d'Espagne, Anne d'Autriche, Marie de Médicis. Il est influencé par Titien, Michelangelo Merisi, dit Le Caravage, Pieter Bruegel le Jeune, il a influencé Antoine Watteau, Eugène Delacroix, Antoine van Dyck... Ses Œuvres réputées les plus réputées sont La chute des damnés, La Chasse au tigre, Sous la tonnelle de chèvrefeuille Aidé par un atelier important, Rubens produit une œuvre considérable dans des genres divers. Il accepte de peindre un grand nombre de portraits mais, d'instinct plus porté aux grand travaux qu'aux petites curiosités comme il l'écrivait lui-même, il réalise surtout de grands projets religieux, des peintures mythologiques, et d'importantes séries de peintures historiques. Prisé des Grands pour l'érudition et le charme de sa conversation, il joue également un rôle diplomatique important à son époque et jouit d'une position sociale sans égale chez les artistes de son temps.
En bref
Prince de la peinture, phare baudelairien, peintre diplomate aux innombrables élèves, aux immenses chantiers, aux multiples voyages, tout de suite connu et à jamais admiré, Rubens semble, par la nature même de son génie débordant, défier l'analyse : le catalogue raisonné de son œuvre, commencé en 1968, est-il même possible ? La distinction entre travaux personnels et ouvrages d'atelier a-t-elle encore un sens ? La célébrité quasi légendaire d'un tel Protée ne laisse pas finalement de lui être nuisible : on connaît peu ses dessins et mal ses débuts, qui se sont enrichis au XXe siècle de quelques importants inédits. Rubens, à cet égard, reste l'un des rares grands maîtres anciens dont réapparaissent encore des œuvres inconnues : le fait mérite d'être relevé qui prouve avec éclat le caractère étonnamment vaste, divers et polymorphe de ce génie de la peinture. Resterait enfin à situer cet humaniste peintre : comme le dernier grand de la Renaissance ou comme le premier baroque moderne, libérateur malgré lui de tous les individualismes picturaux qui suivirent – ou peut-être bien les deux à la fois –, grand dans la perfection même de son traditionalisme culturel ou dans l'exaltation quasi préromantique des formes et des couleurs, admirable dans le feu de l'esquisse ou se réalisant plus authentiquement dans la grande « machine » pompeuse et théâtrale qui ennuie dès l'abord nos capricieux et injustes contemporains ? Rubens, en fait, ne lassera jamais les interrogations et les perplexités : génie rassurant, lyrique aimable, puissant décorateur, Rubens invite à une analyse très souple et très ouverte, où la vérité procède de l'accumulation même des points de vue et du jeu profond des contradictions apparentes. Rubens, le plus flamand de tous les peintres des Pays-Bas avec Bruegel l'Ancien, est pourtant né en Allemagne, à Siegen Westphalie, par suite des vicissitudes de l'histoire. Son père, Jan, jurisconsulte considéré, échevin d'Anvers à trente-deux ans en 1562, avait dû fuir en 1568 les Pays-Bas à cause des troubles politico-religieux et de ses propres sympathies pour la Réforme et s'était établi à Cologne. Accusé d'adultère avec Anne de Saxe, la femme de Guillaume le Taciturne dont il était devenu le conseiller juridique, il avait été emprisonné pendant deux ans à Dillenburg, puis exilé à Siegen de 1573 à 1578. Peu après la naissance d'un sixième enfant, Pierre Paul le futur peintre, le ménage revint s'établir à Cologne, où le père mourut en 1587. Au début de 1589, la mère de Rubens regagna Anvers. Les bonnes études humanistes qu'il commença à l'école latine de Rombaut Verdonck, et dont il sut d'ailleurs garder le souvenir, furent bientôt écourtées par le manque de ressources auquel devait faire face la veuve de Jan Rubens ; vers la fin de 1590, le jeune Pierre Paul devenait page chez la comtesse Philippe de Lalaing à Oudenarde. Puis, la vocation artistique de l'enfant s'affirmant, il entre en apprentissage chez Tobias Verhaecht, paysagiste proche de Josse de Momper et apparenté à la famille Rubens, pour passer ensuite chez deux peintres d'histoire assez connus à Anvers dans le milieu des romanistes alors très actifs : Adam van Noort et surtout Otto Venius. On ne connaît pas la durée exacte de cet apprentissage (quatre ans chez chacun selon Roger de Piles qui recourt ici à une précieuse Vie de Rubens écrite en 1676 par le neveu du peintre, Philippe Rubens ; toutefois, elle n'a pas pu dépasser sept à huit ans, car on trouve Rubens inscrit en 1598, à vingt et un ans, à la Guilde de Saint-Luc à Anvers. En 1600, il part pour l'Italie comme l'avaient fait son père et son maître Venius son frère Philippe s'y trouvait déjà . C'est un moment décisif dans sa formation artistique, puisqu'il reste huit ans dans la Péninsule et s'imprègne d'une immense culture picturale et archéologique qui fera de lui l'un des plus authentiques héritiers de la Renaissance. Très vite, sa position s'affirme et il trouve des commandes importantes auprès des Grands, notamment l'archiduc Albert, gouverneur des Pays-Bas, pour lequel il décore la chapelle Sainte-Hélène de l'église Santa Croce in Gerusalemme à Rome, en 1602, et surtout les Gonzague à Mantoue dont il devient le peintre attitré. Ainsi passe-t-il à Venise, à Florence, à Rome, en Espagne même, durant l'année 1603, où il se rend à la demande du duc de Gonzague, Vincent Ier, pour livrer des cadeaux à Philippe III, à Gênes où il peint, en 1605-1606, de nombreux portraits de l'aristocratie locale et rassemble les matériaux de son futur livre de plans d'architecture sur les palais de Gênes publié en 1622. À Rome, il rencontre Caravage et Elsheimer, et ce n'est, semble-t-il, qu'à cause de l'alarmant état de santé de sa mère qu'il quitte à jamais l'Italie en 1608 : en décembre, il est de nouveau à Anvers. Sa jeune renommée et ses relations le font bien vite nommer – dès 1609 – peintre de l'archiduc Albert et de son épouse l'infante Isabelle. Il jouit également d'appuis sûrs dans la municipalité d'Anvers en la personne de Nicolas Rockox dont le nom est lié à la réalisation de plusieurs importants tableaux d'autel de Rubens à Anvers. D'autres « humanistes » éclairés feront partie du cercle de ses amis, tels l'historien Caspar Gevaarts et le collectionneur Cornelius van der Geest. En 1609, il se marie avec Isabelle Brant, fille d'un secrétaire de la ville d'Anvers et s'établit en 1611 dans une somptueuse demeure peu à peu transformée en palais Renaissance où il installera ses riches collections d'antiques l'actuelle Rubenshuis. Le succès et la prospérité de Rubens se vérifient encore par l'importance de son atelier, qui attire de très nombreux talents, notamment ceux de Jordaens et du jeune Van Dyck dont la collaboration, à partir de 1617, fut aussi active qu'efficace. Il faut évoquer aussi le Rubens collectionneur, grand amateur de sculptures antiques et humaniste éclairé, qui conclut en 1618 avec l'ambassadeur anglais à La Haye, Dudley Carlton, un échange de ses propres œuvres contre une collection de bustes gréco-romains et commence en 1621 une très érudite correspondance avec le savant Peiresc, laquelle constitue une part essentielle de la monumentale Correspondance de Rubens éditée par Max Rooses en 1887-1909. Les commandes vastes et flatteuses se multiplient, émanant même de l'étranger : les plafonds de l'église des Jésuites d'Anvers en 1620 ; les cartons de tapisserie de l'Histoire de Decius Mus en 1617 ; les tableaux d'autel des jésuites de Neuburg en Allemagne, en 1619 ; à partir de 1622, les cartons de tapisserie de la suite de Constantin pour Louis XIII ; et surtout les immenses cycles des Vies d'Henri IV et de Marie de Médicis le premier resté inachevé, l'autre peint de 1622 à 1625 et intégralement conservé au Louvre, commandés par la reine Marie de Médicis, alors régnante, etc. Parallèlement, son œuvre connaît une diffusion internationale par la gravure qui oblige l'artiste à demander en 1619-1620 des privilèges d'exclusivité en France, en Hollande d'où un premier voyage dans les Pays-Bas du Nord en 1613 et dans le duché de Brabant. Avec Paul Pontius, Schelte a Bolswert et Christophe Jegher, Lucas Vorsterman sera l'un des interprètes attitrés de Rubens malgré un fâcheux état mental qui le poussera à attenter à la vie du peintre en 1622. Personnage très en vue auquel la commande de Marie de Médicis apporte une éclatante consécration Rubens se rendra trois fois à Paris entre 1622 et 1625, anobli par le roi d'Espagne en 1624 et devenant gentilhomme de la cour de l'infante Isabelle en 1627, le peintre se voit même confier à partir de 1623 plusieurs missions diplomatiques pour le compte de la régente des Pays-Bas du Sud dont il devient l'un des plus influents conseillers mission secrète à Dunkerque en 1625, voyage à la frontière allemande la même année pour rencontrer le duc de Neuburg ; il poursuit avec le duc de Buckingham et son homme de confiance, le peintre Balthazar Gerbier, de longues négociations mi-politiques, mi-artistiques en septembre 1627, conclusion de la vente de tableaux de Rubens et d'antiques de la propre collection de l'artiste à l'homme d'État anglais. Peut-être est-ce même cette position trop ouvertement espagnole auprès d'Isabelle qui, le rendant suspect aux yeux de Richelieu, lui fera peu à peu abandonner les travaux de la galerie Henri IV Rubens se rend pourtant encore à Paris en 1627, où il rencontre de nouveau Gerbier. C'est toujours dans le même contexte politico-artistique, avec la présence significative de Gerbier et de Sandrart, que se situe le voyage de Rubens en Hollande dans l'été 1627 : il y visite notamment Utrecht où il se rend auprès de Gérard van Honthorst, Abraham Bloemaert et Cornelis van Pelenburgh. Les activités diplomatiques de Rubens se poursuivent en 1628 avec une importante mission auprès de Philippe IV d'Espagne qui le reçoit avec honneur, lui commande de nombreux portraits et lui fait copier ses Titien. Même accueil royal et même réussite dans le voyage en Angleterre en 1629-1630 il s'agissait toujours de rapprocher les points de vue anglais et espagnol face aux intrigues françaises et d'obtenir une suspension des hostilités entre les deux États. L'année 1630 marque une certaine pause dans l'activité diplomatique de Rubens ; elle est celle du remariage de l'artiste en décembre avec la très jeune Hélène Fourment, sa première épouse, Isabelle Brant, étant décédée en 1626. Mais en 1631-1632, Rubens prendra une part active aux tentatives infructueuses de négociation entre les Pays-Bas du Nord et ceux du Sud, rencontrant deux fois le Stadhouder Frédéric-Henri, puis il est écarté à la veille de se rendre officiellement à La Haye, en décembre 1632, par suite de la jalousie des généraux et des représentants de l'Espagne, entre autres le duc d'Aerschot, qui paraissent avoir pris ombrage de la trop grande confiance que lui témoignait l'infante Isabelle en 1635 encore, il est question de l'envoyer en Hollande, et l'évêque de Gand, Triest, rencontre Rubens à Anvers à ce sujet, mais le projet n'aura pas de suites. En 1631 déjà , accueillant la fugitive Marie de Médicis, définitivement brouillée avec Louis XIII et Richelieu, Rubens avait vainement conseillé, dans des rapports diplomatiques adressés au roi d'Espagne, de soutenir par la force la cause de la reine expatriée, ce qui faisait, certes, plus honneur à son sens de la fidélité qu'à la qualité de son jugement politique. Après 1633, Rubens revient entièrement à des activités artistiques qu'il n'avait d'ailleurs nullement négligées au cours de ses années diplomatiques grâce à la parfaite organisation de son atelier et à l'extrême et caractéristique fécondité de son talent. En 1635, il acquiert la seigneurie et le château du Steen près d'Elewijt à mi-chemin entre Malines et Bruxelles, où il réside souvent et dont il tire le sujet de nombreux paysages. Mais, comme auparavant, il se laisse tenter par de grandes entreprises décoratives telles que la salle du Banquet à Whitehall peintures finies en 1634, envoyées en 1635, les Arcs de l'entrée du cardinal-infant Ferdinand le successeur d'Isabelle, morte en 1633 à Anvers en 1635, gigantesque œuvre collective supérieurement conçue et orchestrée par Rubens, tout comme celle de la Torre de la Parada en Espagne non moins vaste et fondée, elle aussi, sur l'active et harmonieuse collaboration d'élèves de Rubens travaillant à partir de ses esquisses ; il s'agissait du décor d'un pavillon de chasse du roi d'Espagne Philippe IV, sur le thème des Métamorphoses d'Ovide, décor qui fut peint à Anvers entre 1636 et 1639. Seul un précaire état de santé, notamment des crises de goutte de plus en plus vives à partir de 1635, empêcha Rubens de réaliser toutes les commandes princières qui affluèrent à lui dans ses dernières années (par exemple celles de Charles Ier d'Angleterre, de Ferdinand II de Toscane, de Frédéric-Henri d'Orange et qui attestent l'immense réputation dont l'artiste jouissait. En 1636, le cardinal-infant l'avait nommé peintre de cour. Son inventaire après décès Spécification des Peintures trouvées à la maison mortuaire du feu Messire Pierre Paul Rubens, notice unique conservée à la Bibliothèque nationale de Paris révèle l'étendue de ses curiosités de collectionneur parmi plusieurs originaux, vingt et une copies d'après Titien par exemple, ainsi qu'un très vaste matériel d'esquisses et de dessins préparatoires et de nombreux tableaux achevés qui prouve une fois de plus la souple aisance, la féconde rapidité et une sorte d'heureuse facilité de l'art de Rubens.
Sa vie
Pierre Paul Rubens naît à Siegen en Westphalie, dans le Saint-Empire romain germanique à 300 km d'Anvers. Il est le sixième enfant de Jan Rubens 1530-1587 avocat protestant prospère nommé échevin de la ville d'Anvers en 1562, et de Maria Pypelinckx 1537-1608, fille d'un marchand de tapisseries. Ses parents ont quitté Anvers Pays-Bas espagnols en 1568 pour échapper à la persécution des protestants dans les Pays-Bas espagnols par le duc d'Albe durant la révolte des gueux, Jan Rubens étant soupçonné de sympathie calviniste. Jan Rubens devient le conseiller légal de Guillaume d'Orange et s'installe ainsi à la cour de Siegen en 1570. Du fait de sa relation avec Anne de Saxe, seconde épouse de Guillaume d'Orange avec qui il a une fille, Christine von Diez que Guillaume ne reconnaîtra pas, née le 22 août 1571, Jan Rubens est emprisonné au château de Dillenburg jusqu'en 1573, sa libération étant due à l'intervention de sa femme. Rubens passe ses dix premières années à Siegen. Ayant abjuré le protestantisme pour le catholicisme, Jan Rubens a probablement fait baptiser son fils dans la foi catholique avant sa mort en 1587. Maria et ses trois enfants Pierre Paul, Blandine 1564-1606 et Philippe 1574-1611 s'installent alors à Cologne. En 1589, deux ans après la mort de son père, Rubens et sa mère rentrent à Anvers. Sa marraine est Christine d'Épinoy, comtesse de Lallaing et épouse du gouverneur de Tournai, où il entre comme page après ses études dans l'École Latine de Rumoldus Verdonck où il apprend le latin et le grec. C'est chez sa marraine que Rubens commence à copier les tableaux présents chez elle notamment des Véronèse, en abandonnant ses espoirs de robe d'avocat et d'armes. Beaucoup de ses tableaux représentent des sujets religieux et Rubens est d'ailleurs devenu plus tard l'une des principales voix du style pictural de la Contre-Réforme catholique. À Anvers, il reçoit une éducation humaniste, étudiant le latin et la littérature classique. À l'âge de 14 ans, il est placé en apprentissage de 1589 à 1598, d'abord chez le peintre Tobias Verhaecht, puis chez quelques peintres éminents de son époque, entre autres Adam van Noort et Otto van Veen. Une grande partie de sa formation initiale est consacrée à copier les œuvres d'artistes anciens, telles que des xylographies de Holbein le Jeune et des gravures de Marcantonio Raimondi d'après Raphaël. Lorsqu'il eut achevé sa formation, il entre en 1598 à la guilde de Saint-Luc comme maître indépendant.
Le séjour en Italie 1600-1608
Sur les conseils de ces peintres éminents, Rubens part pour l'Italie de 1600 à 1608 pour étudier les œuvres de la Renaissance. Il séjourne notamment à Gênes, Mantoue, Venise et Rome où il assimile les styles et copie les œuvres de Raphaël, du Caravage, et surtout du Titien dont il retient la fougue du coloris. Il s'installe ensuite dans la ville de Mantoue, sous la protection du cardinal Montalto au service du duc Vincent de Gonzague chez qui il devient peintre de cour. Grâce au soutien financier du duc, Rubens peut voyager à Rome en passant par Florence en 1601. Là , il étudie l'art classique grec et romain et il réalise des copies de grands maîtres italiens. Il est particulièrement influencé par la sculpture hellénistique Le Groupe du Laocoon, mais aussi par les œuvres d'art de Michel-Ange, Raphaël et Léonard de Vinci. Il est également influencé par les peintures plus modernes et naturalistes du Caravage dont il copie d'ailleurs plus tard le tableau La Mise au tombeau tout en recommandant à son protecteur, le duc de Gonzague, d'acheter une autre œuvre de cet artiste, La Mort de la Vierge, aujourd'hui conservée au Louvre. Il intervient pour inciter l'acquisition de La Madone du rosaire pour l'église dominicaine d'Anvers, et qui est aujourd'hui au Kunsthistorisches Museum de Vienne. Durant son premier séjour à Rome, Rubens réalise son premier chef-d'œuvre, Sainte Hélène à la Vraie Croix pour la basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem. En 1603, Rubens voyage en Espagne pour une mission diplomatique, apportant avec lui des cadeaux du duc de Gonzague à la Cour du roi Philippe III d'Espagne. Durant son séjour, il étudie l'impressionnante collection d'œuvres de Raphël et du Titien que Philippe II avait rassemblée. Il réalise également un portrait équestre du duc de Lerme qui illustre bien l'influence des œuvres du Titien. Ce voyage est le premier des nombreux voyages qu'il effectua durant sa carrière et pendant lesquels il mêle l'art et la diplomatie. Il retourne en Italie en 1604, où il reste pendant les quatre années suivantes, d'abord à Mantoue, puis à Gênes et à Rome où il s'illustre dans la peinture religieuse, des scènes mythologiques et de portraits. À Gênes, Rubens peint de nombreux portraits tels que le Portrait de Brigida Spinola Doria conservé à la National Gallery de Washington, et le Portrait de Maria Serra Pallavicino, dans un style qui influence plus tard des artistes tels que Van Dyck, Reynolds et Gainsborough. Il rédige également un livre illustré sur les palais de la ville qui est publié en 1622 sous le nom de Palazzi di Genova. De 1606 à 1608, il demeure principalement à Rome et, pendant cette période, Rubens obtient, avec l'aide du cardinal Jacopo Serra frère de la princesse Maria Pallavicini, sa plus importante commande à l'époque pour le maître-autel de la nouvelle église en vogue, la Chiesa Nuova également appelée Santa Maria in Vallicella. Le sujet en est le pape Grégoire le Grand ainsi que des saints locaux majeurs adorant l'icône de la Vierge et l'Enfant. La première version de ce tableau est une toile qui est actuellement au musée des beaux-arts de Grenoble, et qui est immédiatement remplacée par une seconde version sur trois panneaux en ardoise représentant l'image miraculeuse de la Santa Maria in Vallicella qui est montrée au public lors des fêtes religieuses grâce à un couvercle en cuivre amovible, également peint par l'artiste. L'expérience italienne de Rubens continue à influencer son travail et il continue à écrire de nombreuses lettres et correspondances en italien. À son retour à Anvers en décembre 1608 où sa mère agonise, le souvenir de l'Italie se perpétue également dans sa signature, qui ne changera jamais : Pietro Paolo Rubens. Ses voyages lui ont également permis de comprendre le français, l'allemand, l'italien, l'espagnol et le latin.
Le retour à Anvers 1609-1621
En 1608, apprenant que sa mère est malade, Rubens décide de quitter l'Italie pour la rejoindre à Anvers, mais elle meurt avant qu'il n'arrive. Son retour coïncide avec une période de prospérité dans la ville, grâce à la signature du Traité d'Anvers en avril 1609 qui met fin à la guerre entre l'Espagne et les Provinces-Unies et ouvre une période de trêve de douze ans. En septembre 1609, Rubens est nommé peintre officiel de la Cour d'Albert et Isabelle, souverains des Pays-Bas de 1609 à 1621. Il reçoit la permission spéciale d'installer son atelier à Anvers plutôt qu'à la Cour de Bruxelles, mais aussi de travailler pour d'autres clients que les seuls souverains. Cette période de prospérité et l'ouverture de son grand atelier ainsi que celui de Jacob Jordaens lancent ce que l'on appellera l'École d'Anvers. Il reste proche de l'archiduchesse Isabelle jusqu'à sa mort en 1633, et on fait appel à lui à la fois comme peintre, mais aussi comme ambassadeur et diplomate. Rubens cimente encore plus ses liens avec la ville lorsque, le 3 octobre 1609, il épouse Isabella Brant, fille de Jan Brant, citoyen d'Anvers influent et humaniste. De cette union naissent trois enfants : Serena 1611, Albert 1618 et Nicolas 1619. En 1610, Rubens déménage dans une nouvelle demeure, palais qu'il avait fait construire et où il vécut une grande partie de sa vie, la Rubenshuis, actuellement devenue musée. La villa, d'influence italienne, abrite son atelier où lui et ses apprentis réalisent la plupart des peintures de l'artiste, et qui abrite également sa collection d'art personnelle ainsi qu'une des bibliothèques les plus vastes d'Anvers. Durant cette période, il développe son atelier en accueillant de nombreux élèves et assistants. Son élève le plus connu est alors Antoine van Dyck, qui devient rapidement le principal portraitiste flamand et qui collabore fréquemment avec Rubens. Il travaille également avec plusieurs autres artistes actifs dans la ville, notamment le peintre animalier Frans Snyders qui contribue à réaliser l'aigle dans le tableau Prométhée supplicié, mais aussi son excellent ami, le peintre de fleurs Jan Brueghel l'Ancien. Rubens fait également bâtir une autre maison au nord d'Anvers dans le village de Doel, à côté de l'église. Cette demeure, appelée De Hooghuis, la grande maison, est construite entre 1613 et 1643, et constitue sans doute un investissement. C'est à cette période que Rubens compose des chefs-d'œuvre tels que L'Érection de la croix 1610 et La Descente de Croix 1611-1614 pour la cathédrale Notre-Dame d'Anvers, peintures qui contribuent à faire de Rubens un peintre flamand de premier ordre peu de temps après son retour. L'Érection de la croix, par exemple, illustre la synthèse faite par l'artiste entre La Crucifixion du Tintoret pour la Scuola Grande de San Rocco de Venise et les personnages dynamiques de Michel-Ange. Cette œuvre est en outre considérée comme un des premiers exemples de l'art religieux baroque. À ce moment de sa carrière, Rubens fait réaliser des estampes et des couvertures de livres, surtout par l'imprimerie plantinienne de Balthasar Moretus le Jeune, afin d'étendre sa renommée dans toute l'Europe. À l'exception de quelques eaux-fortes remarquables, il fait seulement les dessins en laissant la réalisation des estampes à des spécialistes, tel que le graveur flamand Lucas Vorsterman. Il fait appel à un certain nombre de graveurs formés par Hendrik Goltzius et il conçoit également la dernière méthode de gravure sur bois avant que cette technique ne se renouvelle au XIXe siècle. Rubens instaure aussi un droit d'auteur pour ses copies, notamment en Hollande où son travail est alors largement reproduit, mais aussi en Angleterre, en France et en Espagne
Le Cycle de Marie de Médicis et les missions diplomatiques 1621-1630
Après la mort du Roi Albert d'Autriche, Rubens continue à être le peintre officiel de la Cour de l'Infante Isabelle d'Autriche de 1621 à 1633. En 1623, Rubens perd sa fille Serena qui meurt alors qu'elle n'avait que 12 ans et trois ans plus tard, en 1626, son épouse, Isabella Brant meurt de la peste à l'âge de 34 ans. En 1621, la reine de France Marie de Médicis lui demande de réaliser deux grands cycles allégoriques célébrant sa vie et celle de son défunt mari, le roi Henri IV, pour décorer la Galerie Médicis du Palais du Luxembourg à Paris. Rubens achève le Cycle de Marie de Médicis en 1625 qui est actuellement exposé au Musée du Louvre, mais il ne peut pas terminer celui d'Henri IV18. Marie de Médicis est exilée de France en 1630 par son fils, Louis XIII, et elle décède en 1642 dans la même maison de Cologne où Rubens avait passé son enfance. Parallèlement, après la fin de la Trêve de douze ans en 1621, l'empereur et archiduc d'Autriche Ferdinand II de la Maison de Habsbourg confie à Rubens un certain nombre de missions diplomatiques. Par exemple, lorsque le prince Ladislas IV Vasa arrive à Bruxelles le 2 septembre 1624 à l'invitation personnelle de l'Infante Isabelle d'Autriche, l'ambassadeur français à Bruxelles écrivait : Rubens est là pour faire le portrait du prince de Pologne, sur ordre de l'Infante. Entre 1627 et 1630, la carrière diplomatique de Rubens est particulièrement active. Il voyage entre les Cours d'Espagne et d'Angleterre, essayant de ramener la paix entre les Pays-Bas espagnols et les Provinces-Unies. En 1624, Rubens est d'ailleurs anobli en tant que noble de la maison de la sérénissime infante par Philippe IV d'Espagne et plus tard, en 1630, fait chevalier par le roi Charles Ier d'Angleterre pour le récompenser de ses efforts diplomatiques à faire aboutir un traité de paix entre l'Espagne et l'Angleterre au sujet des Pays-Bas espagnols et des Provinces-Unies. Il fait également plusieurs déplacement au nord des Pays-Bas tant pour des raisons artistiques que diplomatiques. Rubens passe huit mois à Madrid en 1628-1629 et, en plus des négociations diplomatiques, il réalise plusieurs œuvres majeures pour Philippe IV ainsi que pour des commanditaires privés. Il entreprend également une étude renouvelée des peintures du Titien, copiant de nombreuses de ses toiles dont Adam et Ève 1628–29 Durant son séjour en Espagne, il se lie d'amitié avec le peintre de cour Vélasquez et tous deux projètent de voyager ensemble en Italie. Cependant, Rubens doit revenir à Anvers et Vélasquez fait le voyage sans lui. Son séjour à Anvers est assez court et il se rend assez vite à Londres où il demeure jusqu'en avril 1630. L'une des œuvres majeure qu'il réalise à cette période est l'Allégorie sur les bénédictions de la paix réalisée en 1629 et qui est actuellement exposée à la National Gallery de Londres. Ce tableau illustre l'immense intérêt que Rubens portait à la paix et il le donna au roi Charles Ier en guise de présent. Pendant que la réputation internationale de Rubens auprès des collectionneurs et de la noblesse étrangère continue à croître au cours de cette décennie, l'artiste et son atelier ont également continué à réaliser des peintures monumentales pour des clients locaux d'Anvers. L'Assomption de la Vierge achevée en 1626 pour la cathédrale d'Anvers en est un très bon exemple.
L'évolution stylistique
Les débuts anversois 1597-1600 On conserve très peu d'œuvres de la période antérieure à 1600. Jusqu'à ces derniers temps, on n'en connaissait même que deux exemples peu significatifs, des portraits d'homme dont l'un est daté de 1597 coll. Linsky, New York, dans une manière minutieuse et sans particulière originalité. L'acquisition par la Rubenshuis d'Anvers d'un Adam et Ève au coloris vert froid, aux gestes lourds, d'une composition étroitement dérivée d'une gravure de Marcantonio Raimondi, montre mieux la forte dépendance du jeune Rubens envers son maître Venius. Même style romaniste classicisant appliqué, aux effets sculpturaux dans Le Jugement de Pâris découvert en 1966 à Londres et acquis la même année par la National Gallery. Comme Rembrandt, Rubens commence chez un maître traditionaliste, voire médiocre, et ses œuvres de première jeunesse, d'une savoureuse maladresse, réservent en fait l'avenir. Toutefois, on notera déjà chez lui un goût d'origine maniériste pour les compositions en frise et les effets de reliefs, ainsi que la claire insistance du dessin, créateur du mouvement des formes ; ici, Rubens doit bien plus à l'italianisant Venius et au milieu anversois des habiles peintres d'histoire successeurs de Floris tels que les Francken, Frans I Pourbus, Backer, Martin de Vos et leur facture lisse et transparente qu'à l'élégant maniériste attardé qu'est Van Noort, proche de Van Balen et de ses tableaux à jolies et menues figurines insérées dans d'avenants paysages. En un sens, Rubens commence comme un « réactionnaire » et n'en recèle par là que plus d'originalité et de puissance latentes.
La révélation de l'Italie 1600-1608
Ultime prolongement de la première période maniérisante, les œuvres peintes en Italie à partir de 1600 manifestent d'abord la même maturation un peu lente et embarrassée ; les effets choisis le sont toujours avec insistance, ainsi dans le recours au langage caravagesque du clair-obscur. L'enthousiasme créateur du jeune génie, débordant de vie, de dons et d'ambitions, perce à travers la multiplicité des références invoquées et l'étonnant éclectisme d'une culture artistique aussi nouvelle qu'étendue et qui va de Michel-Ange à Cigoli, de Titien à Caravage, de Pordenone à Palma le Jeune, de Raphaël aux Carrache, sans oublier la révélation du monde antique Hercule et Omphale, Louvre. Une importante découverte fut celle de la Fuite d'Énée env. 1601-1602, de l'ancienne collection Nabach, dépôt du Louvre à Fontainebleau et longtemps connu comme un Van Dyck. Formats vite gigantesques l'Olympe retrouvé du château de Prague, et peint vers 1602, la trilogie de 1604-1605, exécutée pour les jésuites de Mantoue et partiellement conservée à Mantoue, à Anvers et à Nancy, rapide assimilation de la langue caravagesque et de la forte conception réalisto-académique des Carrache tableaux de l'hôpital de Grasse, inoubliables souvenirs des grandes trouvailles vénitiennes Le Duc de Lerme à cheval, dérivé des portraits équestres de Titien, que l'on peut voir au Prado, fécondes expériences luministes entre Bassano, Caravage, Tintoret, tous les caractères de la grande manière de Rubens apparaissent déjà dans des œuvres à la fois opulentes, lourdes de vie, solides de structure, où tous les emprunts éclectiques sont refondus et ployés au service d'une peinture sculpturale et dense d'un esprit fort nouveau, œuvres aussi accomplies que convaincantes telles que la Madone vénérée par des saints du Musée de Grenoble, le Saint Georges du Prado, le décor de l'église Santa Maria in Vallicella à Rome. La même révélation d'une force jeune et intacte et d'une plasticité immédiatement présente saisit devant les monumentales effigies de dames génoises ou mantouanes Marquise Brigida Spinola Doria, 1606, à Washington ; Marquise Bianca Spinola Imperiale et sa nièce, à Stuttgart ; Marquise Veronica Spinola Doria, à Karlsruhe, qui définissent dans un vénétianisme direct tout un art du portrait aristocratique qui captivera à jamais Van Dyck, puis les Anglais, et dont Frans II Pourbus et Juste Sustermans donnent un écho assagi.
La formation définitive du style rubénien 1609-1614
Le retour à Anvers ne marque pas une véritable césure dans le développement stylistique de Rubens : au début, l'emprise de Caravage et d'Elsheimer est même, passagèrement, plus forte qu'auparavant : nocturnes à éclairages artificiels comme l'Adoration des Mages du Prado, le Saint Christophe de Munich, l'Adoration des bergers d'Édimbourg esquisse, le Repas d'Emmaüs de la collection des ducs d'Albe à Madrid version originale ? une autre, d'atelier sans doute, à l'église Saint-Eustache de Paris, la Déploration du Christ à Berlin, les Fuite en Égypte de Cassel et de la fondation Gulbenkian ; encore vers 1616-1618, Rubens restera intéressé par ces exercices de clair-obscur, rivalisant avec Gérard van Honthorst dans la Judith de Brunswick et la Vieille au brasero de Dresde. Ainsi évolue-t-il entre plusieurs partis contradictoires, passant de la véhémence contrastée à l'apaisement classicisant, d'une forte insistance plastique et dramatique Junon et Argus, à Cologne ; Saint Sébastien, à Berlin ; Érection de la Croix, cathédrale d'Anvers ; Sénèque mourant, Munich ; Annonciation, Vienne à l'harmonie équilibrée des couleurs, des formes et de la lumière, à la parfaite intégration de tous les effets, à cette langue rubénienne toujours plus économe de matière et en même temps plus riche, plus coulante et plus claire Couronnement du héros vertueux, Munich ; Jupiter et Callisto – dans la meilleure lignée de Floris et de Venius – et le Triomphe du vainqueur à Cassel, Vénus frigida, Anvers. La fameuse Descente de Croix cathédrale d'Anvers ou encore celle un peu plus tardive de Lille manifestent bien cette tendance au calme et à la clarté de la forme qui évite peu à peu les trop brutales oppositions du clair-obscur, mais joue en revanche sur la parfaite lisibilité de la forme. Dans ces premières années post-romaines, on ne sent guère encore l'intervention de l'atelier, même pour de grandes compositions. Le peintre recourt volontiers au bois recouvert d'une préparation blanche comme support, car cela facilite les effets de glacis et de transparence des tons, comme le montrent déjà clairement le Saint Thomas d'Anvers et la Suzanne au bain de Stockholm, datée 1614 après 1615, Rubens date et signe très rarement ses tableaux.
Épanouissement du style idéaliste 1614-1621
La loi même du succès, l'afflux de commandes très diverses, depuis le tableau de nudités mythologiques jusqu'à la triomphale pala d'autel, du modello en grisaille pour les gravures aux cartons de tapisserie, vont contraindre Rubens à adopter un style tout à fait clair, accessible au public comme aux élèves, fonctionnel en quelque sorte : c'est qu'il lui faut réunir et concilier tout à la fois les exigences de la rhétorique baroque de l'époque, un sentimentalisme déjà moderne qui cherche à visualiser les expressions et les émotions psychologiques Rubens ici, sur un autre mode que Guerchin ou Poussin mais bien en accord avec eux, ouvre la voie à un Le Brun) et les indispensables souvenirs de l'Antiquité et de la Renaissance italienne qui qualifient alors toute entreprise culturelle. Style habile, puissant, décoratif, caractérisé par un dessin à la fois précis, large et éloquent, créant des contours purs et fermes par une composition bien architecturée, souplement balancée, aux effets monumentaux, décisifs, par un coloris vif et clair, jouant d'accords riches et simples : rouge et bleu vêtements, ocre blond et rose chairs et visages, blanc et gris-argent, qui reviennent comme des rythmes musicaux. L'élévation de l'inspiration scènes de l'histoire sacrée, célèbres épisodes de la mythologie antique, savantes allégories, en tout cas presque point de tableaux sans sujets, la permanente retenue des effets, un contraignant formalisme esthétique situent un tel langage pictural intensément narratif – triomphe incontestable de la peinture d'histoire – dans une ambiance qu'on peut à bon droit qualifier d'idéaliste, plutôt que de classique cela vaudrait pareillement pour un Rembrandt ; à la différence de tant d'autres artistes nordiques, les éléments réalistes, toujours intenses et savoureux, ne laissent pas chez Rubens d'être fermement soumis à l'intérêt général de la composition, mais celle-ci, à son tour, n'est jamais poussée au point de devenir un schéma desséchant : le maître mot du système rubénien reste celui de souplesse, et, selon la juste observation de Charles Sterling dans le catalogue de l'exposition Rubens et son temps à l'Orangerie de Paris en 1936, cette subtilité instinctive sauva Rubens de la froideur technique et des redites habiles à la différence d'un Boucher qui fut placé, un siècle plus tard, dans une situation analogue. Dès lors, la question de l'exécution personnelle devient secondaire : un tel style est évidemment fait pour le travail collectif. La conception de Rubens règne avec une telle évidence – et pas seulement au niveau de la première idée, du bozzetto –, à tous les stades du travail dûment contrôlé et retouché par le maître, que ce serait pécher par anachronisme que de ne reconnaître comme véritables Rubens que des œuvres intégralement peintes par le maître : il ne faudrait garder que les œuvres de petit format et les esquisses, alors que son génie même était dans le grand format. La définition, parfaitement maîtrisée à partir de 1615, d'un langage pictural harmonieux, facilitait singulièrement la répartition des tâches et des responsabilités entre le maître et les élèves qui n'avaient plus en somme qu'à remplir les cases d'une grille générale soigneusement préétablie. Du reste, la venue du jeune Van Dyck, si précoce et si doué, devait très efficacement aider Rubens au cours de cette période. Parmi tant de bons exemples de cette phase conquérante du style rubénien à partir de 1615, on citera Ixion et Junon du Louvre, magnifique exercice néo-maniériste avec une frise de puissants nus clairs et sculpturaux qui font de Rubens le dernier grand artiste de la Renaissance, le Neptune et Amphitrite de Berlin, le Martyre de saint Laurent et surtout l'Enlèvement des filles de Leucippe à Munich, l'une des plus populaires créations du maître, l'Assomption de la Vierge à Anvers, au titianisme clarifié et traité avec un caractéristique manque d'épaisseur ; ainsi Abraham et Melchisédech de Caen est-il superbement composé par masses symétriques convergentes et d'une rare plénitude de coloris et de lumière, et les nombreuses Chasse constituent autant de fortes variations plastiques sur la recherche d'un équilibre dynamique Augsbourg, Marseille, Dresde, Berlin, Munich. N'omettons pas non plus Le Christ à la paille d'Anvers ni la non moins célèbre Vierge aux Saints Innocents du Louvre appelée longtemps, mais à tort, Vierge aux anges. Les grandes entreprises narratives et décoratives de la période sont l'Histoire de Decius Mus cartons dans la collection Liechtenstein et la suite des plafonds de l'église des Jésuites à Anvers dont on ne possède que les esquisses, mais qui attestent en Rubens un véritable virtuose des effets plafonnants avec une significative prédilection pour les compositions en orbite et les formats allongés en frise, toujours dans le dessein de concilier mouvement des lignes et équilibre des masses. Si grande et sereine est à présent la sûreté de Rubens qu'il peut se lancer dans des réalisations aussi téméraires que les Jugement dernier de Munich, ambitieux doublets de Michel-Ange, où le saisissant chaos des corps doit rester soumis à un mouvement d'ensemble qui puisse exalter les détails. Vers la fin de cette période, c'est-à -dire à l'approche, puis au début des années 1620, la manière de Rubens se fait encore plus vivante et plus souple, tendant aussi à une plus grande et chaleureuse onctuosité dans le coloris : en témoignent bien des chefs-d'œuvre supérieurement construits et toujours d'une spectaculaire monumentalité tels que La Dernière Communion de saint François d'Assise au musée d'Anvers 1619 si librement brossée et La Cène de la Brera à Milan ; à la même veine de grandes et souples mises en scène appartiennent les Miracle de saint François Xavier et de saint Ignace de Loyola à Vienne et à Saint-Ambroise de Gênes, ou encore Le Coup de lance d'Anvers et l'Adoration des mages de Malines.
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Posté le : 27/06/2015 22:48
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