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De Montpellier
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Le chef des Indulgents
Camille Desmoulins 1760-1794, l’homme du 14 juillet, l’ami de Danton et de Robespierre. À la fin de 1793, il veut, avec Danton et ceux qui le soutiennent, les Indulgents, arrêter la Terreur et négocier la paix. Il écrit dans son journal Vieux Cordelier, no 4 : Ouvrez les prisons à 200 000 citoyens que vous appelez suspects, car, dans la Déclaration des Droits, il n’y a point de maisons de suspicion… Vous voulez exterminer tous vos ennemis par la guillotine ! Mais y eut-il jamais plus grande folie ! … Croyez-moi, la liberté serait consolidée et l’Europe vaincue si vous aviez un Comité de Clémence ! Portrait posthume par Jean-Sébastien Rouillard. Le nouveau Comité de Salut public à peine installé, les événements désastreux se multiplient pendant l’été 1793 : soulèvements dans les provinces après l’élimination des Girondins Lyon, Bordeaux, Marseille, victoire des vendéens à Vihiers, 17 juillet, aux frontières capitulation de Valenciennes, 28 juillet et Mayence, Toulon livrée aux Anglais 29 août. La République n’est plus, dit Barère le 23 août dans son discours sur la levée en masse, qu’une grande ville assiégée. À Paris, où la crise économique s’accentue, les luttes pour le pouvoir entre les factions révolutionnaires s’exacerbent. Les revers militaires résultent surtout de la confusion et des désaccords sur le plan de la direction politique et du commandement militaire. Hébert 1757-1794, rédacteur du Père Duchesne, le journal des sans-culottes, se veut le successeur de Marat. Les Hébertistes veulent renforcer l'économie dirigée et radicaliser la terreur. Ils dirigent le mouvement sans-culotte et contrôlent le club des Cordeliers, le ministère de la Guerre dont le secrétaire général est Vincent et l’armée révolutionnaire parisienne, dont le chef est Ronsin. Autre appui : la Commune dont le maire Pache, le procureur Chaumette et le commandant de la garde nationale Hanriot leur sont favorables. Danton, de retour aux Jacobins dès le 12 juillet où il se fait applaudir, participe à ces luttes en essayant de déborder le Comité avec tous ceux que mécontente Robespierre et va faire pendant l’été de la surenchère révolutionnaire. Avec Delacroix, le 11 août 1793, il va demander la dissolution de la Convention et l'application immédiate de la nouvelle Constitution de l'an I, ce que leur reprochera Robespierre en mars 1794; votée le 24 juin 1793, son exécution fut repoussée par le reste de la Montagne pour la fin de la guerre. Le 25, il est élu président de la Convention. Mais les Hébertistes, qui sont aussi candidats à la succession du pouvoir avec l’appui des sans-culottes, l’accusent de modérantisme : Cet homme peut en imposer par de grands mots, cet homme sans cesse nous vante son patriotisme, mais nous ne serons jamais dupes… dit Vincent aux Cordeliers, le vieux club de Danton. Le 2 septembre, à la nouvelle que Toulon s’est livrée aux Anglais, les sans-culottes, soutenus par la Commune, préparent une nouvelle journée. Les Jacobins s’y rallient pour canaliser le mouvement. Le 5, la Convention, cernée par les manifestants, me la Terreur à l’ordre du jour. La pression sans-culotte accélère les mesures révolutionnaires et fait entrer Billaud-Varennes et Collot d’Herbois au Comité, mais elle ne parvient pas à le remettre en cause. Désormais ce qu’on est convenu d’appeler le Grand Comité, dominé par Robespierre, va reprendre la situation en main et exercer une dictature de fait jusqu’en juillet 1794. Le 5 et le 6 septembre, Danton prononce des discours révolutionnaires très applaudis à la Convention qui décrète qu’il soit adjoint au Comité. Après deux jours de réflexion, il refuse. Je ne serai d’aucun Comité, s’écrie-t-il le 13 septembre, mais l’éperon de tous. Et puis, subitement, du 13 septembre au 22 novembre 1793, il va disparaître. Le 13 octobre, le président communique à la Convention la lettre suivante : Délivré d’une maladie grave, j’ai besoin, pour abréger le temps de ma convalescence, d’aller respirer l’air natal ; je prie en conséquence la Convention de m’autoriser à me rendre à Arcis-sur-Aube. Il est inutile que je proteste que je reviendrai avec empressement à mon poste aussitôt que mes forces me permettront de prendre part à ses travaux. Garat raconte : Il ne pouvait plus parler que de la campagne… Il avait besoin de fuir les hommes pour respirer. Telle attitude indique que la neurasthénie l’assaillait et déjà le terrassait, dit son biographe Louis Madelin. J'ai trop servi. La vie m'est à charge. dira-t-il à son procès. En son absence, ses amis continuent leurs attaques à la Convention contre le Comité. Le 25 Thuriot met en cause sa politique économique et sociale. L’assemblée applaudit et élit au Comité Briez, qui était en mission à Valenciennes lors de la capitulation. Robespierre doit menacer de quitter le Comité pour faire repousser la décision : celui qui était à Valenciennes lorsque l’ennemi y est entré n’est pas fait pour être membre du Comité de Salut public. Ce membre ne répondra jamais à la question : pourquoi n’êtes-vous pas mort ? Il faut, exige-t-il, proclamer que vous conservez toute votre confiance au Comité. La Convention, se dressant alors en fait le serment. Fin octobre, vingt-deux Girondins comparaissent devant le Tribunal révolutionnaire. Je ne pourrai les sauver dit Danton à Garat, les larmes dans les yeux. Le 1er novembre, ils sont guillotinés en chantant encore la Marseillaise au pied de l’échafaud. Suivent Mme Roland, Bailly, Barnave, Houchard, Biron, 177 condamnations à mort dans les trois derniers mois de 1793. Danton rentre le 20 novembre pour venir au secours de ses amis, députés montagnards compromis dans l'affaire de la falsification du décret de suppression de la Compagnie des Indes, voir l’article : Chabot et Bazire, ont été arrêtés le 19 novembre par le Comité de Salut public. Fabre d'Églantine, lié politiquement à Danton, reste libre bien que le Comité soit au courant de sa signature de complaisance. Car Robespierre a besoin de Danton et des modérés pour combattre la déchristianisation dans laquelle il voit une manœuvre politique de débordement par les Hébertistes.
L’offensive des Indulgents décembre 1793 - janvier 1794
Pendant plus d’un mois, de décembre au milieu de janvier, il se forme comme un axe Robespierre-Danton sur la base d’une vigoureuse offensive contre la déchristianisation et les ultra-révolutionnaires. Les amis de Danton attaquent les leaders hébertistes avec l’approbation tacite de Robespierre. Camille Desmoulins lance un nouveau journal, Le Vieux Cordelier, dont les premiers numéros qui s’attaquent aux Hébertistes et à tout le courant déchristianisateur, obtiennent un énorme succès. En même temps, on apprend les premières victoires révolutionnaires. Les menaces militaires s’atténuent sans disparaître : la première guerre de Vendée est gagnée, Lyon révoltée capitule en octobre, l’insurrection de Toulon est battue en décembre, l’armée repousse les coalisés sur les frontières. Danton incarne alors un courant plus modéré de la Montagne qui pense qu’avec le redressement de la situation militaire il convient de mettre fin à la Terreur et de faire la paix : Je demande qu’on épargne le sang des hommes, s’écrie-t-il le 2 décembre à la Convention. Il semble qu’il ait espéré détacher Robespierre des membres du Comité liés aux Hébertistes, Billaud-Varennes et Collot et partager avec lui les responsabilités gouvernementales. Le 12 décembre, Danton prononce un discours sur l'instruction publique à la Convention, dans lequel il déclare : Il est temps de rétablir ce grand principe qu'on semble méconnaître : que les enfants appartiennent à la République avant d'appartenir à leurs parents. Personne plus que moi ne respecte la nature. Mais l'intérêt social exige que là seulement doivent se réunir les affections. Le 12 décembre, Bourdon demande à la Convention le renouvellement du Comité de Salut public dont les pouvoirs expirent le lendemain et Merlin de Thionville propose de le renouveler tous les mois par tiers. La majorité ne les suit pas. Le 15, le no 3 du Vieux Cordelier a un grand retentissement dans l’opinion. Il ne se borne plus à attaquer les Hébertistes mais s'en prend au système de la Terreur et au Gouvernement révolutionnaire lui-même. Le 17, Fabre, Bourdon et Philippeaux font décréter d’arrestation par la Convention deux chefs hébertistes Ronsin et Vincent, sans même en référer aux Comités. Le 20, des femmes viennent supplier la Convention de délivrer les patriotes injustement incarcérés et Robespierre lui-même fait nommer un comité de clémence chargé de réviser les arrestations. Le 24, le no 4 du Vieux Cordelier réclame pratiquement la libération des suspects. Mais le revirement a eu lieu le 21 décembre. Collot d’Herbois, de retour de Lyon et se voyant directement menacé, défend ses amis Ronsin et Vincent aux Jacobins et obtient que le club proteste contre leur arrestation. Billaud-Varennes fait révoquer par la Convention le comité de clémence. Robespierre met fin le 25 décembre aux espoirs d’alliance de Danton en impliquant les deux factions adverses dans un même complot : Le Gouvernement révolutionnaire doit voguer entre deux écueils, la faiblesse et la témérité, le modérantisme et l’excès ; le modérantisme qui est à la modération ce que l’impuissance est à la chasteté ; et l’excès qui ressemble à l’énergie comme l’hydropisie à la santé. Le 7 janvier, le 5e numéro du Vieux Cordelier est attaqué aux Jacobins. Robespierre affecte d’abord de traiter Camille en bon enfant gâté qui a d’heureuses dispositions et qui est égaré par de mauvaises compagnies ; mais celui-ci, l’entendant demander que son journal soit brûlé, riposte par une citation de Rousseau : Brûler n’est pas répondre. Robespierre éclate alors : L’homme qui tient aussi fortement à des écrits perfides est peut-être plus qu’égaré . Pour isoler Danton de Robespierre, Billaud et Collot font manœuvrer le Comité de sûreté générale qui découvre le faux décret de liquidation de la Compagnie des Indes signé par Fabre d’Eglantine, dont le gouvernement connaît l’existence depuis un mois. Fabre est arrêté le 12 janvier. Le lendemain, Danton prend sa défense mais il est isolé. Malheur à celui qui a siégé aux côtés de Fabre, s’écrie Billaud-Varenne, et qui est encore sa dupe. C’est l’échec de l’offensive des Indulgents.
La contre-offensive des Hébertistes février 1794
Provisoirement, les divers courants de la Montagne tombent d'accord à la Convention pour voter le 4 février l’abolition de l'esclavage dans les colonies sur proposition de Levasseur après un rapport d’un des trois députés de Saint-Domingue arrivés à Paris. Danton intervient presque seul avec son ami, Delacroix, dans un célèbre discours où il proclame : Lançons la liberté dans les colonies, liant le fait de libérer les esclaves à la volonté de ruiner l’Angleterre c’est aujourd’hui que l’Anglais est mort. Mais il se félicite également de l'entrée, la veille 3 février 1794, des deux nouveaux députés de couleur à la Convention, et place l'abolition sous le signe philosophique du "compas des principes" et du "flambeau de la raison". L’abolition sera fêtée au Temple de la Raison, Notre-Dame par la Commune en présence de Chaumette, d’Hébert et des nouveaux députés de Saint-Domingue le 18 février. Trois ans plus tôt, le 10 juin 1791, dans l'affaire des hommes de couleur libres, Danton avait enclenché au club des Jacobins une politique d'expulsion des députés des colonies, défenseurs de l'aristocratie de la peau. Mais la crise des subsistances, aggravée par la loi du maximum général, taxation des denrées et des salaires et la libération de Ronsin et de Vincent 2 février vont marquer une reprise de l’agitation des sans-culottes : attroupements devant les boutiques, pillages, violences. Le club des Cordeliers, dirigé par Vincent, mène l’attaque. Le 12 février, Hébert dénonce la clique qui a inventé le mot ultra-révolutionnaire ; le 22, il réclame des solutions à la crise des subsistances. Le Comité répond par les décrets de ventôse : nouveau maximum général Barère, confiscation des biens des suspects au profit des patriotes indigents Saint-Just. Mais, le 2 mars, Ronsin parle d’insurrection. Le 4, Hébert affirme que Robespierre est d’accord avec les Indulgents ; les Cordeliers voilent, en signe de deuil, la Déclaration des droits de l’homme affichée derrière le président dans la salle des débats. Carrier réclame une sainte insurrection ; Hébert s’y rallie. Mais, mal préparée, non suivie par la Commune, elle échoue.
La liquidation des factions mars - avril 1794
Isolés, les dirigeants cordeliers sont arrêtés dans la nuit du 13 au 14 mars. Le procès se tient du 21 au 24 mars. La technique de l’amalgame permet de mêler à Hébert, Ronsin, Vincent et Momoro des réfugiés étrangers Cloots, Proli, Pereira, afin de les présenter comme des complices du complot de l’étranger. Tous sont exécutés le 24 mars sans que les sans-culottes bougent. Le lendemain de l’arrestation des Hébertistes, Danton et ses amis qui ont gardé le silence pendant ces évènements, reprennent l’offensive. Le numéro 7 du Vieux Cordelier, qui ne paraîtra pas, réclame le renouvellement du Comité et une paix aussi rapide que possible, en même temps qu'il attaque pour la première fois Robespierre accusé par Camille Desmoulins de tenir le langage belliciste de Brissot justement combattu autrefois. Mais Robespierre est décidé à frapper les chefs des Indulgents. Toutes les factions doivent périr du même coup dit-il à la Convention le 15 mars. Il semble néanmoins qu'il ait hésité à mettre Danton sur la liste en considération du passé commun et des services rendus à la République. Il a accepté de le rencontrer. On ne sait pas ce qui s’est dit entre les deux hommes mais on sait que Robespierre est sorti de l’entretien avec une froideur que tous les témoins ont notée. D’après les confidences de Barère, Robespierre aurait voulu sauver Camille, son ancien camarade de collège, celui qui l’avait choisi comme témoin de son mariage. Mais les pressions de Collot d’Herbois, Billaud-Varennes, Barère et surtout Saint-Just ont emporté la décision. On a l’impression que ces quelques lignes raturées et surchargées ont été écrites au cours d’une discussion dans un certain désarroi. Barère aurait tenu la plume. Billaud-Varenne signe fermement le premier. Carnot aurait dit en mettant sa signature : Songez-y bien, une tête comme celle de Danton en entraîne beaucoup d’autres. Robespierre signe tout en bas un des derniers. Du Comité de Salut public, seul Lindet refuse de signer. Danton n'écoute pas ceux qui lui conseillent de fuir : On n'emporte pas sa patrie sous la semelle de ses souliers. Le 30 mars, le Comité ordonne son arrestation et celle de Delacroix, Desmoulins et Philippeaux. C’est Saint-Just qui est chargé du rapport devant la Convention. Soutenu par Robespierre, il veut que les accusés soient présents à la lecture du rapport et qu’on les arrête en fin de séance. La majorité du Comité s’y oppose par crainte d’un débat dangereux. Si nous ne le faisons pas guillotiner, nous le serons. De rage, Saint-Just aurait jeté son chapeau au feu. Le lendemain, à la Convention consternée, Legendre demande que les accusés puissent venir se défendre. Une partie de l’assemblée est prête à le suivre. C’est Robespierre qui intervient : Legendre a parlé de Danton, parce qu’il croit sans doute qu’à ce nom est attaché un privilège. Non, nous ne voulons point de privilèges ! Nous ne voulons pas d’idoles ! Nous verrons dans ce jour si la Convention saura briser une prétendue idole pourrie depuis longtemps, ou si dans sa chute elle écrasera la Convention et le peuple français !. Et fixant Legendre : Quiconque tremble est coupable. Après son intervention et celle de Barère, Saint-Just présente son rapport rédigé à partir des notes de Robespierre, ces notes ont été publiées en 1841; Comme pour les Hébertistes, on associe aux accusés politiques, les prévaricateurs, Fabre, Chabot, Basire, Delauney et des affairistes comme l’abbé d’Espagnac, les banquiers autrichiens Frey et le financier espagnol Guzman, étrangers de surcroit pour rattacher les accusés à la conspiration de l’étranger.
Le procès, ouvert le 2 avril, est un procès politique, jugé d’avance. Au bout de deux séances, l’accusateur Fouquier-Tinville et le président Herman doivent réclamer l’aide du Comité : Un orage horrible gronde… Les accusés en appellent au peuple entier… Malgré la fermeté du tribunal, il est instant que vous vouliez bien nous indiquer notre règle de conduite, et le seul moyen serait un décret, à ce que nous prévoyons. Un projet de complot en vue d’arracher les accusés de leur prison, Lucile Desmoulins aurait proposé de l’argent « pour assassiner les patriotes et le Tribunal permet à Saint-Just de faire voter par la Convention un décret mettant les accusés hors des débats. La défense de Danton est étranglée comme avait été étouffée celle des Girondins. Le procès-verbal du Tribunal révolutionnaire a été très "arrangé" et son grand discours purement supprimé. Certaines de ses réponses ont été conservées : Moi vendu ! Moi ! Un homme de ma trempe est impayable !, interrogé sur ses nom, prénoms, domicile : Bientôt dans le néant, et mon nom au Panthéon.
Danton est guillotiné le 5 avril à trente-quatre ans. Passant en charrette devant la maison de Robespierre guillotiné le 28 juillet, il s'écrie : Robespierre, tu me suis ! Ta maison sera rasée ! On y sèmera du sel ! .
Il existe un récit de son exécution par Arnault :
L’exécution commençait quand, après avoir traversé les Tuileries, j’arrivai à la grille qui ouvre sur la place Louis XV. De là , je vis les condamnés, non pas monter mais paraître tour à tour sur le fatal théâtre, pour disparaître aussitôt par l’effet du mouvement que leur imprimait la planche ou le lit sur lequel allait commencer pour eux l’éternel repos … Danton parut le dernier sur ce théâtre, inondé du sang de tous ses amis. Le jour tombait. Je vis se dresser ce tribun, à demi éclairé par le soleil mourant. Rien de plus audacieux comme la contenance de l’athlète de la Révolution ; rien de plus formidable comme l’attitude de ce profil qui défiait la hache, comme l’expression de cette tête qui, prête à tomber, paraissait encore dicter des lois. Effroyable pantomime ! Le temps ne saurait l’effacer de ma mémoire. J’y trouve toute l’expression du sentiment qui inspirait à Danton ses dernières paroles, paroles terribles que je ne pus entendre, mais qu’on répétait en frémissant d’horreur et d’admiration : N’oublie pas surtout, n’oublie pas de montrer ma tête au peuple : elle est bonne à voir. Son acte de décès est dressé le 7 floréal an II 26 avril 1794 par l'état civil de Paris.
Le 13 avril, une dernière fournée envoie à la guillotine Lucile Desmoulins, la femme de Camille, Chaumette et la veuve d’Hébert. Ayant obligé la Convention à livrer Danton, le Comité se croyait sûr de sa majorité. Il se trompait, écrit Georges Lefebvre, elle ne lui pardonnait pas ces sacrifices. Tant de places vides répandaient une terreur secrète qui, aisément, tournerait en rébellion, car c’était sa position de médiateur entre l’assemblée et les sans-culottes qui avaient fait la force du Comité; en rompant avec ces derniers, il libérait l’assemblée et, pour achever de se perdre, il ne lui restait plus qu’à se diviser.
Historiographie
Au XIXe siècle, la tradition républicaine a vite réhabilité Danton. Michelet, qui va se consacrer pendant dix ans aux sept volumes de son histoire de la Révolution française, parus entre 1847 et 1853, fait de Danton l’incarnation de la Révolution, le vrai génie pratique, la force et la substance qui la caractérise fondamentalement. Son génie ? L’action, comme dit un ancien. Quoi encore ? L’action. Et l’action comme troisième élément. Edgar Quinet, dans sa Révolution de 1865 voit dans le triple appel de Danton à l’audace la devise de tout un peuple. Pour Auguste Comte et les positivistes, la philosophie encyclopédiste a produit au moins deux héros : l’un théorique – c’est Condorcet, l’autre pratique – c’est Danton.
Le véritable promoteur du culte de Danton est le docteur Robinet, un disciple de Comte, qui consacre 25 ans de sa vie à militer pour Danton. Son premier livre Danton. Mémoire sur sa vie privée date de 1865 ; son dernier, Danton, homme d’État, de 1889. Les républicains fondateurs de la IIIe République qui veulent une incarnation républicaine de la Révolution, ce qui exclut Mirabeau non compromise dans la Terreur, ce qui exclut Robespierre, font de Danton le héros par excellence de la Révolution française. Danton a alors des voies publiques ou des établissements scolaires portant son nom, des statues et un cuirassé. Son nom est évoqué dans de nombreuses cérémonies officielles. Le début du XXe siècle va être marqué par une célèbre polémique entre deux grands historiens universitaires de gauche, Aulard et Mathiez, le premier est radical, le second socialiste au sujet de Danton et Robespierre. Alphonse Aulard, le premier à occuper la chaire d’histoire de la Révolution française à la Sorbonne, créée en 1886, est un admirateur de Danton qui incarne pour lui la synthèse de la Révolution française et en qui il voit un précurseur de Gambetta, Danton était avant tout un homme d'État… C'est aussi et surtout un esprit français. Il y a de la gaieté, de la verve, un bon sens endiablé et une bonhomie fine dans le discours. La réaction a lieu en 1908 avec Albert Mathiez, ancien collaborateur d’Aulard qui a été son directeur de thèse. C’est lui qui va établir de façon quasi irréfutable, en épluchant minutieusement ses comptes et en faisant un inventaire systématique de ses amis douteux, la corruption de Danton. Il fonde sa propre revue destinée à exalter l’œuvre de Robespierre et va reprendre, en l’étayant de documents, le réquisitoire de Robespierre et de Saint-Just contre Danton. Pour lui et pendant longtemps pour les historiens de la Société des études robespierristes qui se réclament de lui, Danton est un vendu et un débauché qui a mené une politique de double-jeu, Mathiez résumant sa pensée en écrivant Danton était un démagogue affamé de jouissances, qui s'était vendu à tous ceux qui avaient bien voulu l'acheter, à la Cour comme aux Lameth, aux fournisseurs comme aux contre-révolutionnaires, un mauvais Français qui doutait de la victoire et préparait dans l'ombre une paix honteuse avec l'ennemi, un révolutionnaire hypocrite qui était devenu le suprême espoir du parti royaliste . En 1932, Louis Barthou, homme politique de la IIIe République, conteste dans son Danton les arguments de Mathiez et refait l'apologie du grand révolutionnaire au service de la patrie. Georges Lefebvre, qui occupe à son tour en 1937 la chaire d’histoire de la Révolution à la Sorbonne et sera jusqu’à sa mort en 1959 le spécialiste incontesté du domaine, adopte en 1934 une position moins partisane et plus équilibrée : admettant la vénalité, il n’en tire pas toutes les conséquences qu’en déduit Mathiez sur la politique de Danton. La position de Lefebvre a été adoptée par les historiens contemporains François Furet et Mona Ozouf qui s’intéressèrent surtout aux contradictions et à la complexité du personnage. François Furet reconnait que les documents mis au jour par Mathiez permettent d'établir, ou au moins de rendre très vraisemblable, la corruption de Danton. Mais il lui reproche de tirer de ces preuves plus qu'elles ne peuvent offrir et de mélanger politique révolutionnaire et vertu privée : Danton n'est ni chaste, ni vertueux, ni convaincu comme l'est Robespierre, le héros de Mathiez. Pour François Furet, Danton est un homme politique opportuniste, intermittent, peu délicat sur les moyens, en même temps qu'un orateur un peu génial dans l'improvisation, et un vrai tempérament politique dans les grandes occasions : la Patrie en danger, la levée en masse, le Salut public, son procès enfin. Gérard Walter écrit dans son introduction au procès de Danton Actes du Tribunal révolutionnaire, Mercure de France, 1986 :
Que demandons-nous à Danton? Est-ce de savoir combien d’argent il a gagné au cours de sa carrière politique, et comment ? Ou quels sont les services qu’il a rendus à la Révolution ? Si l’on entend le juger sous ce dernier rapport, ce n’est pas le bilan de sa fortune qu’il y a lieu de dresser, mais celui de ses actes. Si celui-ci, en fin de compte, est en mesure d’établir que l’activité de Danton a contribué effectivement au triomphe de la Révolution, peu importe s’il a reçu de la Cour ou ailleurs, 30 000 livres, ou 300 000, ou même 3 millions. Par contre, s’il avait été démontré qu’il n’eût jamais touché un sol de personne, mais qu’il ne fut pas le sauveur de la France révolutionnaire à l’époque où les Allemands et les émigrés marchaient sur Paris, on aurait bien le devoir de le proclamer grand honnête homme, mais aussi celui de le rayer définitivement du nombre des grands révolutionnaires.
À propos de notes rédigées par Robespierre à la veille du procès de Danton
Ces notes, une vingtaine de pages étaient destinées à Saint-Just pour son rapport d'accusation à la Convention : Le mot de vertu faisait rire Danton ; il n'y avait pas de vertu plus solide, disait-il plaisamment, que celle qu'il déployait toutes les nuits avec sa femme. Quand je montrais à Danton le système de calomnie des brissotins développé dans les papiers publics, il me répondait : "Que m'importe ! L'opinion publique est une putain, la postérité une sottise !. C'est en vain que l'on se plaignait à Danton de la faction girondine : il soutenait qu'il n'y avait point là de faction et que tout était le résultat de la vanité et des animosités personnelles. Une autre maxime de Danton était qu'il fallait se servir des fripons. Aussi était-il entouré des intrigants les plus impurs. Il professait pour le vice une tolérance qui devait lui donner autant de partisans qu'il y a d'hommes corrompus dans le monde. C'était sans doute le secret de sa politique. Il ne faut pas oublier les thés de Robert, ou d'Orléans faisait lui-même le punch, ou Fabre, Danton et Wimpffen assistaient. C'était là qu'on cherchait à attirer le plus grand nombre de députés de la Montagne pour les séduire ou pour les compromettre. Il ne voulait pas la mort du tyran; il voulait qu'on se contentât de le bannir, comme Dumouriez. Il a vu avec horreur la révolution du 31 mai ; il a cherché à la faire avorter ou à la tourner contre la liberté, en demandant la tête du général Hanriot, sous prétexte qu'il avait gêné la liberté des membres de la Convention. Danton voulait une amnistie pour tous les coupables; il s'en est expliqué ouvertement; il voulait donc la contre-révolution. Il voulait la dissolution de la Convention, ensuite la destruction du gouvernement : il voulait donc la contre-révolution. Il y avait un trait de Danton qui prouve une âme ingrate et noire : il avait hautement préconisé les dernières productions de Desmoulins : il avait osé, aux Jacobins, réclamer en leur faveur la liberté de la presse, lorsque je proposai pour elles les honneurs de la brûlure. Dans la dernière visite dont je parle, il me parla de Desmoulins avec mépris : il attribua ses écarts à un vice privé et honteux, mais absolument étranger à la Révolution.
Danton et le procès de Louis XVI
Le 6 novembre 1792, Danton, le tout premier, demande la publication intégrale du rapport Valazé, premier acte énonciatif des crimes de Louis Capet qui venait être lu, en même temps qu'il rejette l'inviolabilité de Louis XVI et appelle à la condamnation en cas de reconnaissance de sa culpabilité. Le 15 novembre, il exprime le souhait d'un rapport sur le décret du 13, présenté par Pétion sur le thème "Louis est-il jugeable ?" en précisant la nécessité de se prononcer sur l'inviolabilité, le mode de jugement et la peine. Dans cette logique le 30 novembre, avant de partir en mission il appelle à l'accélération des procédures de jugement afin d'obtenir au plus vite la condamnation à mort de Louis Capet. Il aurait même dit en privé : "il ne faut pas juger le roi mais simplement le tuer". De ce fait, en février 1793 il avait la confiance pleine et entière des régicides ou pro-régicides qu'on n'a jamais dans cette affaire soupçonnés de corruption : de René Choudieu à l'abbé Grégoire et Hérault de Séchelles. Si on s'en tient aux faits, par ses propres votes il a ignoré les menaces de révélations de cette corruption politique par Bertrand dans une lettre du 11 décembre 1792 qu'il a découverte à son retour de mission, c'est-à -dire au moment de choisir. Les tentatives vénales de sauvetage du roi ont existé mais en réalité selon René Choudieu, elles concernaient majoritairement ceux qui n'avaient pas voté la mort du roi ou dans quelques cas contraires qui avaient assorti la peine capitale de l'appel au peuple et du sursis. Ce qui n'était évidemment pas le cas de Danton ; ni d'ailleurs des "Dantonistes" montrés du doigt dans cette affaire Lacroix, Chabot, Bazire, Fabre d'Eglantine, Robert, Thuriot. Le 16 janvier alors que des girondins tels que Lanjuinais et Lehardy désireux de sauver le roi réclamaient le vote de la mort une majorité des 2/3 Danton fit front avec plusieurs Montagnards et réclama avec succès le vote de la mort à la majorité simple.
"... Je demande si vous n'avez pas voté à la majorité absolue seulement la république, la guerre ; et je demande si le sang qui coule au milieu des combats ne coule pas définitivement ? Les complices de Louis n'ont-ils pas subi immédiatement la peine sans aucun recours au peuple et en vertu de l'arrêt d'un tribunal extraordinaire ? Celui qui a été l'âme de ces complots mérite-t-il une exception ?"... Toujours le 16 janvier, à propos d'une discussion futile sur une pièce de théâtre, il s'exclame : "Je vous l’avouerai citoyens, je croyais qu’il s’agissait d‘une tragédie que vous devez donner en spectacle à toute l’Europe. Je croyais qu’aujourd’hui vous deviez faire tomber la tête du tyran et c’est d’une misérable comédie dont vous vous occupez." Il se trouve que l'Espagne qui aurait tenté de l'acheter envoya une lettre au Président de la Convention. Danton protesta fermement les risques d'une négociation visiblement destinée à faire traîner le procès voire à l'annuler. "Cependant qu'on entende si on le veut cet ambassadeur, mais que le président lui fasse une réponse digne du peuple dont il sera l'organe et qu'il lui dise que les vainqueurs de Jemmapes ne démentiront pas la gloire qu'ils ont acquise, et qu'ils retrouveront, pour exterminer tous les rois de l'Europe conjurés contre nous, les forces qui déjà les ont fait vaincre... Rejetez, rejetez, citoyens, toute proposition honteuse..." Par ailleurs contrairement à ce qu'affirme Bertrand de Molleville, Danton motiva son vote. Toujours, le 16 janvier, il s'écrie - "Je ne suis point de cette foule d'hommes d'État qui ignorent qu'on ne compose pas avec les tyrans, qui ignorent qu'on ne frappe les rois qu'à la tête, qui ignorent qu'on ne doit rien attendre de ceux de l'Europe que par la force de nos armes ! Je vote la mort du tyran" ! Le lendemain 17 en fin d'après-midi, le vote terminé avec une très courte majorité favorable à la mort inconditionnelle, on préfère décider du sursis. Tallien, montagnard comme lui, demande qu'il soit ouvert sur le champ. Danton s'y oppose : "Il ne faut pas décréter, en sommeillant, les plus chers intérêts de la patrie. Je déclare que ce ne sera ni par la lassitude, ni par la terreur qu'on parviendra à entraîner la Convention nationale à statuer, dans la précipitation d'une délibération irréfléchie, sur une question à laquelle la vie d'un homme et le salut public sont également attachés... Je demande donc la question préalable sur la proposition de Tallien ; et que, si cette proposition était mise aux voix, elle ne pût l'être que par l'appel nominal." Il est difficile de ne pas prendre en compte les remarques de Louis Barthou quand il écrivait : "Quand il parlait à la tribune, Danton avait toute la Convention pour témoin et pour juge des responsabilités qu'il assumait : il accomplissait un acte. Qui fut le témoin de ses entrevues avec Lameth ?"
Dans la fiction
1983 : dans le film Danton, son rôle est joué par Gérard Depardieu. 1989 : dans le film La Révolution française, son rôle est joué par Klaus Maria Brandauer. 2013 : dans le téléfilm Une femme dans la Révolution, son rôle est joué par Grégory Gadebois.
Liens
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Posté le : 25/10/2014 17:04
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