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Prosper Mérimée
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Le 28 septembre 1803 à Paris naît Prosper Mérimée,

écrivain, Nouvelles, romans, contes, historien et archéologue français, ses Œuvres principales sont La Vénus d'Ille, en 1837, Colomba en 1840, Carmen en 1845, Mateo Falcone en 1829 il meurt, à 66 ans, le 23 septembre 1870 à Cannes

Issu d'un milieu bourgeois et artiste, Prosper Mérimée fait des études de droit avant de s'intéresser à la littérature et de publier dès 1825 des textes, en particulier des nouvelles, qui le font connaître et lui vaudront d'être élu à l'Académie française en 1844.
En 1831, il entre dans les bureaux ministériels et devient en 1834 inspecteur général des Monuments historiques. Il effectue alors de nombreux voyages d'inspection à travers la France et confie à l'architecte Eugène Viollet-le-Duc la restauration d'édifices en péril comme la basilique de Vézelay en 1840, la Cathédrale Notre-Dame de Paris en 1843 ou la Cité de Carcassonne, à partir de 1853. Proche de l'impératrice Eugénie, il est fait sénateur en 1853 et anime les salons de la cour, par exemple avec sa fameuse dictée en 1857. Il publie alors moins de textes littéraires, pour se consacrer à des travaux d'historien et d'archéologue et initiant, à partir de 1842, un classement des monuments historiques auquel la Base Mérimée créée en 1978 rend hommage.
L’œuvre littéraire de Prosper Mérimée relève d'une esthétique du peu et son écriture se caractérise par la rapidité et l'absence de développements qui créent une narration efficace et un réalisme fonctionnel adaptés au genre de la nouvelle, mais ce style a parfois disqualifié les œuvres de Mérimée auxquelles on a reproché leur manque de relief, ainsi Victor Hugo qui écrit : Le paysage était plat comme Mérimée. Si le Théâtre de Clara Gazul n'a pas marqué l'époque, il n'en va pas de même pour ses nouvelles qui jouent sur l'exotisme la Corse dans Mateo Falcone et Colomba ou l'Andalousie dans Carmen, que popularisera l'opéra de Georges Bizet en 1875, sur le fantastique, Vision de Charles XI, La Vénus d'Ille, Lokis ou sur la reconstitution historique L'Enlèvement de la redoute, Tamango. L'Histoire est d'ailleurs au centre de son seul roman : Chronique du règne de Charles IX 1829.

En Bref

Contemporain des grands romantiques français, Mérimée n'a eu de cesse de se distinguer d'eux. Sans doute l'influence de Stendhal, de vingt ans son aîné et son meilleur ami, a-t-elle joué en faveur d'un scepticisme, d'une désinvolture, qui n'étaient pas dans le ton de l'époque et les rattachaient tous deux au XVIIIe siècle rationaliste. Mérimée portait une bague avec cette devise : Souviens-toi de te méfier.
Ennemi de toute sensiblerie, Mérimée reste cependant romantique par le choix des sujets de son théâtre, de ses nouvelles et de son unique roman, Chronique du règne de Charles IX. Écrivain précoce, il ne sera pas qu'un homme de lettres. Il consacre la plus grande partie de sa vie à la sauvegarde et à la restauration des chefs-d'œuvre de l'art gothique et même roman. Cette activité, à laquelle s'ajoutera, sous Napoléon III, une vie d'homme de cour, ne l'empêche pas de donner, à quarante-quatre ans, son chef-d'œuvre, Carmen, suivi d'autres nouvelles, dont l'admirable Lokis, récit qui prouverait assez que Mérimée appartient au romantisme et à ses ombres.
Né de parents cultivés et artistes, voltairien de goût et de formation, il fait son droit, fréquente les salons, où il se lie avec Stendhal, et, très vite, se lance dans la littérature. Il se signale d'abord par un ouvrage apocryphe dont il se donne pour le simple traducteur : le Théâtre de Clara Gazul 1825, dix brillantes saynètes au ton violent et passionné, dont le style vigoureux est rehaussé de couleurs fortes et qui seraient mélodramatiques si leur auteur ne leur avait apposé un sceau d'ironie qui les situe à la limite du pastiche. Ces pièces, que Mérimée ne destine pas à la scène, sont un échec commercial. La critique, en revanche, s'enthousiasme pour cette création originale dans la production littéraire contemporaine. Elle se laissera encore mystifier quand, deux ans plus tard, Mérimée, récidiviste, publiera la Guzla, recueil de ballades prétendument illyriennes, accompagnées d'un apparat critique fort savant. Mérimée s'oriente alors vers un genre très en vogue, l'histoire, avec une Chronique du règne de Charles IX pour laquelle il s'inspire de Walter Scott tout en s'en démarquant par un refus de description inutile et un souci de véracité dans sa reconstitution du passé. Ainsi que l'indique le titre, il s'agit moins de donner le précis des événements historiques de l'année 1572 que de retrouver les mœurs et les caractères de l'époque ; dès lors toutes les critiques adressées à l'auteur à propos de ses inexactitudes tombent d'elles-mêmes. En effet, à travers les aventures du huguenot Bernard de Mergy et de son frère, George, converti mais fondamentalement indifférent à toute croyance, Mérimée a cherché à retrouver les constantes affectives de l'humanité – amour, haine, intolérance, etc. – bien plus qu'à démonter le mécanisme ayant conduit aux massacres de la Saint-Barthélemy. Toile de fond – couleur locale comme disaient les romantiques –, l'Histoire cède donc le pas au romanesque, de même que les personnages historiques s'effacent derrière les héros de la fiction ; matériaux, les événements et les faits permettent de créer l'illusion de vérité : tout est ainsi manipulé par un narrateur omniprésent qui intervient pour dialoguer avec son lecteur et le laisser finalement libre de terminer le roman à son gré, dernière phrase. Pirouette ultime qui confirme que Mérimée est avant tout un faiseur de contes préface.

Sa vie

Prosper Mérimée est né le 28 septembre 1803 à Paris dans une famille bourgeoise. Son acte de naissance dans l'état civil de Paris indique qu'il est né le 5 vendémiaire an XII, vers 22 heures au 7 carré Sainte-Geneviève, division du Panthéon, dans le 12e arrondissement ancien. Sa maison natale sera démolie quelques années plus tard lors du percement de la rue Clovis et des travaux autour du Panthéon.
Son père, Jean François Léonor Mérimée 1757-1836, est originaire de Normandie : né le 16 septembre 1757 à Broglie et baptisé le 18 septembre 1757 dans l'église de cette ville nommée alors Chambrois, il devient ensuite professeur de dessin à l'École polytechnique, et sera plus tard secrétaire perpétuel de l'École des Beaux-Arts. Sa mère, Anne Moreau 1775-1852, elle aussi en partie d'origine normande, est portraitiste, et enseigne aussi le dessin. Du côté de sa mère, Prosper Mérimée est l'arrière-petit-fils de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont 1711-1780.
Les parents de Prosper, qui se sont mariés à Paris 12e le 22 juin 1802, ont un solide bagage intellectuel et artistique datant du xviiie siècle, mais ne s'engagent guère dans les courants culturels naissants. De l'éducation parentale, Mérimée retiendra l'horreur de l'emphase.

Études

Mérimée fait des études de droit, apprend le piano et étudie la philosophie et aussi de nombreuses langues : l'arabe, le russe, le grec et l'anglais. Il est l’un des premiers traducteurs de la langue russe en français. Il a obtenu son certificat musical de fin d'études à Rome où il remportee le premier prix international européen de piano puis le troisième prix de chant/chorale/direction de chœur à Paris.
Ses études au lycée Napoléon le mettent en contact avec les fils de l'élite parisienne ; entre eux, Adrien de Jussieu, Charles Lenormant et Jean-Jacques Ampère avec qui il traduit Ossian. En 1819, il s'inscrit à la faculté de droit, marchant ainsi dans les pas de son grand-père François Mérimée, éminent avocat du Parlement de Rouen et intendant du maréchal de Broglie. Il obtient sa licence en 1823. La même année, il est exempté du service militaire, pour faiblesse de constitution. Néanmoins, il sera incorporé en 1830 à la Garde nationale.

Monuments historiques

Après avoir fait ses études de politique, il se livre à la littérature. Il entre pourtant dans l’administration puis devient, après 1830, secrétaire du cabinet du comte d’Argout, passa rapidement par les bureaux des ministères du Commerce et de la Marine et succéda enfin à Ludovic Vitet en 1834 aux fonctions d'inspecteur général des Monuments historiques, où son père occupait la fonction de secrétaire, et qui lui permettait de poursuivre en toute liberté les travaux littéraires auxquels il devait sa précoce réputation.
C’est à ce moment qu’il demanda à l'un de ses amis d'enfance, l'architecte Eugène Viollet-le-Duc, d’effectuer une de ses premières restaurations d’édifice en France. Ce poste lui donna en outre l’occasion de faire dans le Midi, l’Ouest, le Centre de la France et en Corse des voyages d'inspection, dont il publia les relations 1836-1841. Son action permet le classement, le 26 février 1850, de la crypte Saint-Laurent de Grenoble comme monument historique. À cette époque, il correspond avec nombre d'« antiquaires ou érudits locaux, comme M. de Chergé, président de la Société des antiquaires de l'Ouest à Poitiers, ville dont il sauva nombre de vestiges, en particulier le baptistère Saint-Jean menacé en 1850 de démolition. La même année, il découvre, dans la cathédrale du Puy-en Velay, la peinture murale des "arts libéraux" sous un épais badigeon, œuvre majeure de l'art français de la fin du Moyen Âge, dans ce qui est un acte fondateur de l’archéologie du bâti. Dans le département voisin des Deux-Sèvres, il confie à l'architecte niortais Pierre-Théophile Segretain 1798-1864 la restauration de plusieurs églises ; lors de ses tournées d'inspecteur des monuments historiques dans la région, il s'arrêtait parfois dans la maison de celui-ci, au-dessus de la place de La Brèche détruite, où, bon dessinateur, il se délassait à crayonner les chats de la famille. Il donne d'ailleurs des dessins afin d'illustrer Les Chats 1869 ouvrage de son ami l'historien d'art et collectionneur Champfleury.

Académicien

En 1844, il est élu membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres et, la même année, à l’Académie française en remplacement de Charles Nodier.
Ayant pris fait et cause pour son ami le comte Libri, Mérimée est condamné à quinze jours de prison et à mille francs d’amende. Il est écroué le 4 juillet 1852 à la Conciergerie.

Impératrice Eugénie

Mérimée, ami de la comtesse de Montijo, rencontrée en Espagne en 1830, lui envoie le 25 mai 1850 un croquis d'après un portrait de femme par Vélasquez de 55 sur 40 cm, acheté pour huit francs, qui paraît avoir été coupé d'une toile plus grande, et reconnu pour un original par tous les connaisseurs à qui je l'ai montré. Quand Eugénie devint l’impératrice Eugénie des Français en 1853, l’Empire le fit sénateur l’année même, avant de l’élever successivement aux dignités de commandeur et de grand officier de la Légion d'honneur. Pour distraire la cour de l'Impératrice et de Napoléon III, il écrit et dicte en 1857 sa célèbre dictée.

Auteur

Les honneurs lui vinrent au milieu de l’existence littéraire d’un homme ayant fait, pendant quarante ans de l’archéologie, de l’histoire et surtout des romans. Mérimée aime le mysticisme, l’histoire et l’inhabituel. Il a été influencé par la fiction historique popularisée par Walter Scott et par la cruauté et les drames psychologiques d’Alexandre Pouchkine. Les histoires qu’il raconte sont souvent pleines de mystères et ont lieu à l’étranger, l’Espagne et la Russie étant des sources d’inspiration fréquentes. Une de ses nouvelles a inspiré l’opéra Carmen.

Cultivant à la fois le monde et l’étude, Prosper Mérimée, qui travaillait, à ses heures et suivant ses goûts, de courts écrits, bien accueillis dans les revues avant de paraître en volumes, avait conquis la célébrité, dès ses débuts, avec deux ouvrages apocryphes, attribués à des auteurs imaginaires : le Théâtre de Clara Gazul, comédienne espagnole 1825 de Joseph Lestrange, et la Guzla, recueil de prétendus chants illyriens d’Hyacinthe Maglanovitch 1827.
La première de ces publications, l’une des plus complètes mystifications littéraires, précipita la révolution romantique en France, en stimulant les esprits par l’exemple de productions romantiques étrangères. Toutefois, les pièces de Clara Gazul ne paraissaient pas faites pour la scène et, lorsque plus tard Mérimée fut en position d’y faire accepter l’une d’elles, le Carrosse du Saint-Sacrement, elle n’eut pas de succès 1850.

Mérimée publia aussi sous le voile de l’anonyme : la Jacquerie, scènes féodales, suivie de la Famille Carvajal 1828, et la Chronique du règne de Charles IX 1829 ; puis il signa de son nom les nouvelles, petits romans, épisodes historiques, notices archéologiques ou études littéraires, d'abord dans la Revue de Paris puis dans la Revue des Deux Mondes, et qui formèrent ensuite un certain nombre de volumes, sous leurs titres particuliers ou sous un titre collectif.
On citera : Tamango, la Prise de la Redoute, la Vénus d'Ille, les Âmes du purgatoire, la Vision de Charles XI, la Perle de Tolède, la Partie de trictrac, le Vase étrusque, la Double méprise, Arsène Guillot, Mateo Falcone, Colomba 1830-1840 ; puis à un plus long intervalle : Carmen, 1847, in-8° ; Épisode de l’histoire de Russie, les Faux Démétrius 1852, in-18 ; les Deux héritages, suivis de l’Inspecteur général et des Débuts d’un aventurier 1853, in-8°.
Tous ces récits, pleins de mouvement, d’intérêt et d’originale invention, plaisaient surtout aux lecteurs délicats par la forme sobre et élégante dont l’auteur s’était fait une manière définitive.
Il faut citer encore, outre les Voyages ou Rapports d’inspection archéologique, réimprimés en volumes : Essai sur la guerre sociale 1841, in-8, avec pl. ; Histoire de don Pédre Ier, roi de Castille 1843, in-8° ; un volume de Mélanges historiques et littéraires 1855, in-18, contenant douze études diverses, puis des Notices, Préfaces et Introductions, entre autres ; Notice sur la vie et les ouvrages de Michel Cervantes 1828 et Introduction aux contes et poèmes de Marino Vreto 1855, etc. ; enfin, sans compter un certain nombre d’articles de revue non réimprimés, le recueil posthume de Lettres à une Inconnue 1873, 2 vol. in-8, qui excita une grande curiosité et qui fut suivie de Lettres à une Nouvelle inconnue 1875.

Un libéral conservateur

Comme les autres romantiques, Mérimée, né à Paris, a grandi, s'est formé sous la Restauration avec la nostalgie de la Révolution et de Napoléon. Son père, bonapartiste, était un peintre néo-classique devenu secrétaire de l'École des beaux-arts. Milieu tout à la fois artiste et fonctionnaire que Prosper Mérimée, au fond, ne trahira pas.

S'il fait sérieusement ses études de droit, il pense, comme les jeunes gens les plus doués de la génération de 1820, que la seule carrière qui lui soit ouverte est celle des lettres. Il a rencontré Stendhal, rentré d'Italie, en 1822. Il le retrouve, en même temps que Delacroix, dans les salons libéraux-bonapartistes où l'on s'exclamait sur la bêtise des Bourbons, et surtout dans le grenier de E. Delécluze, peintre raté et critique d'art 1781-1863, où, en 1825, à vingt-deux ans, Mérimée lit trois pièces de théâtre : Les Espagnols en Danemark, Le Ciel et l'enfer et Une femme est un diable, écrites sous l'influence des comedias du Siècle d'or espagnol.
C'est peut-être de Stendhal qu'il tient le goût des pseudonymes et des mystifications puisque, lorsqu'il publie ces pièces et celles qui suivent, il les attribue à une femme de lettres espagnole imaginaire, Clara Gazul – ce qui, par ailleurs, lui évite des ennuis avec la censure. Ce Théâtre de Clara Gazul est vraiment excellent. Toutes ces pièces, insolentes, rapides, intelligentes, sont trop peu jouées – à l'exception du Carrosse du Saint-Sacrement, écrit en 1828 et joué pour la première fois en 1850. L'une d'elles, La Jacquerie – sur les révoltes de paysans au Moyen Âge –, témoigne même d'une ambition dramaturgique plus grande que celle de ses contemporains.
Mérimée a vingt-sept ans quand il publie son premier et unique roman, cette Chronique du règne de Charles IX, roman de cape et d'épée, mais dont les intentions idéologiques ne sont pas absentes. En situant sa « chronique » au temps des guerres de religion, Mérimée donne une leçon de tolérance, de liberté, en même temps que de libertinage : les discussions théologiques ont lieu dans les alcôves.
Au même moment, ses premières nouvelles, réunies plus tard sous le titre de Mosaïque 1833, témoignent d'une diversité d'inspiration et d'une précision dans l'expression qui font de Mérimée le véritable classique du romantisme. Mateo Falcone, histoire corse, Tamango, aventure d'un esclave noir, La Vision de Charles XI, première approche du surnaturel à travers l'aventure d'un roi de Suède, et les autres nouvelles du recueil précèdent de peu ce petit chef-d'œuvre, La Double Méprise 1833, où Mérimée fait preuve de tant de virtuosité qu'il semble vouloir mettre dans sa poche à la fois Stendhal, Balzac et le Musset des Comédies et proverbes.
Sa nomination au poste nouvellement créé d'inspecteur général des monuments historiques, en 1834, due à Guizot et à Thiers mais surtout à l'intérêt du romantisme pour l'histoire et le gothique, va orienter Mérimée vers une nouvelle et fructueuse carrière. Pendant trente ans, il va inlassablement parcourir la France, décrivant dans de longs rapports l'état désastreux des plus belles cathédrales et abbayes. Mérimée entraînera dans son sillage un jeune architecte érudit, Viollet-le-Duc. On sait ce qu'il advint, pour le meilleur et pour le pire, de cette rencontre.
Mérimée voyage aussi hors de France. De tous les pays qu'il visitera – Italie, Grèce, Proche-Orient, Angleterre –, c'est l'Espagne qui le marquera le plus. C'est là qu'après 1830 il a rencontré, à la sortie de la cigarería de Séville, la jeune Carmen ou sa sœur gitane. C'est à Madrid qu'il a rencontré une famille d'afrancesados – des libéraux, ex-partisans de Napoléon –, les Montijo, dont l'une des filles, alors âgée de huit ans, deviendra, vingt-trois ans plus tard, l'impératrice des Français et fera de Mérimée son principal confident et l'un des personnages officieux du second Empire.

Une passion froide

En 1841, deux ans après un voyage en Corse, Mérimée publie Colomba, que l'on pourrait rapprocher d'une des Chroniques italiennes de Stendhal, si, là encore, il ne donnait la preuve d'une maîtrise qui se fera invisible dans Carmen, son récit à juste titre le plus célèbre, écrit, au dire de l'auteur, en huit jours et publié en 1847. Récit dans le récit, Carmen, dès qu'on cesse d'interposer l'image du bel opéra de Bizet, frappe par la modernité de la composition, par la froideur du ton qui contraste, en de surprenants effets, avec la violence du propos. C'est, avec Manon Lescaut et Les Hauts de Hurlevent, une des histoires d'amour les plus cruelles de l'histoire de la littérature.
Comme Mérimée est l'homme de tous les paradoxes, on n'aura garde d'oublier que cet hyper-Français, qui accumule en lui les qualités et les défauts de la race, a été l'introducteur en France de la littérature russe en ses commencements : Pouchkine et Tourgueniev. Et, de même que cet athée a été le grand sauveteur des églises de France, ce rationaliste, disciple d'Helvétius, a été fasciné par les légendes surnaturelles. Deux de ses nouvelles au moins, La Vénus d'Ille 1837 et surtout Lokis 1869, doivent figurer dans toutes les anthologies, imaginaires ou non, de la littérature fantastique. Ces deux beaux récits prouveraient assez que c'est de la logique et du réalisme le plus précis que peut naître l'épouvante.
Est-il besoin de dire que ce célibataire endurci, cynique et volontiers obscène dans ses propos comme dans sa Correspondance – un autre de ses chefs-d'œuvre – a été un grand amoureux ? Dans sa jeunesse, il se battait avec les maris outragés. Mais il savait, à l'occasion, les défendre. En 1852, il a été condamné à quinze jours de prison pour avoir diffamé la justice qui venait de s'en prendre à l'un de ces maris, un libéral. Le ministère auquel Mérimée appartenait alors lui avait accordé quinze jours de congé pour qu'il pût purger sa peine sans avoir d'ennuis avec l'administration.
La défaite de 1870 mit fin à ses jours encore plus que l'asthme dont il souffrait depuis longtemps. Il mourut à Cannes en ayant le temps de dire que les Français étaient des imbéciles, mais qu'il ne pouvait s'empêcher de les aimer.

L'oeuvre

L'intérêt constamment affirmé par Mérimée pour les Antiquités lui vaut d'être nommé en 1834 inspecteur général des Monuments historiques afin de préserver nombre de monuments menacés de ruine ou de démolition, tâche dont il s'acquittera avec un zèle et une compétence admirables, mais qui l'éloignera de la scène littéraire tout en lui fournissant matière à divers ouvrages d'érudition. Ses voyages en Corse et à l'étranger, notamment en Espagne, nourrissent ses deux récits les plus célèbres : Colomba 1840 et Carmen 1845. Le premier récit, afin qu'il ne se dilue pas dans une couleur locale gratuite ou dans l'anecdotique, est centré non sur la réalisation de la vendetta mais sur les clivages qu'elle révèle entre les personnages. Les caractères comptent dès lors moins que les idées qu'ils symbolisent : Colomba est moins « l'Électre rustique, P. Josserand que l'attachement aux traditions et au passé, la représentante d'une société archaïque ; de même Miss Nevil est moins le porte-parole du romanesque que le prosélyte de la civilisation moderne pour qui il serait glorieux de convertir un Corse. Ainsi, fidèle à son habitude, Mérimée élargit le problème du particulier au général en faisant de son récit, à travers quelques figures emblématiques, le portrait d'un pays ou d'un peuple autant que l'histoire de héros privilégiés ; et, même si le narrateur ne s'affuble ici ni du savoir de l'ethnologue ni des connaissances de l'historien, il n'en conte pas moins, au travers du drame d'Orso, sauvage trop civilisé, le déchirement d'une île tentée par la culture continentale mais incapable de renoncer à sa propre nature.
Quant à Carmen, elle présente une structure complexe où se mêlent les voix narratives, le récit que fait don José de ses amours tumultueuses avec Carmen venant s'enclaver entre la double rencontre du narrateur avec le brigand José Maria et la bohémienne Carmen d'une part, et la digression finale sur l'histoire, les mœurs, le caractère et la langue des bohémiens de l'autre. Il naît ainsi un effet stéréoscopique dans la présentation des personnages : à la vision externe du narrateur, qui voit en Carmen une beauté étrange et sauvage, répond le regard de don José, qui, saisissant cette diable de fille de l'intérieur, y décèle un démon, tandis que le dernier chapitre permet de comprendre ce qui chez l'héroïne ressortit à ses origines. Mais, au-delà du heurt de deux caractères et de l'intrigue amoureuse, nouvelle variation sur le thème mélodramatique de la déchéance par l'amour, Carmen est avant tout une tragédie née de la tension entre deux univers mentaux . Autant que l'envoûtement du brigadier par la bohémienne, la nouvelle conte la fascination de don José pour la liberté, fascination pour l'impossible – car on ne devient pas bohémien – et qui contraint le héros à une errance au bout de laquelle il trouvera le lieu le plus clos de l'ordre social : la prison. Histoire d'une illusion et de son échec, Carmen peut apparaître d'une certaine façon comme la condamnation d'un romantisme qui se plaît à exalter la rupture d'avec l'ordre et la marginalité.
Dans les deux cas, la force du récit tient beaucoup à la concentration permise par le genre de la nouvelle, dont Mérimée apparaît comme un des plus grands maîtres. On peut néanmoins se demander s'il a réellement pris au sérieux ce genre auquel il est venu de fait un peu par hasard : n'affirme-t-il pas que Carmen serait demeurée inédite si l'auteur n'eût été obligé de s'acheter des pantalons ?... Ce mépris peut sembler d'autant plus singulier qu'une telle forme d'expression, par ses limites mêmes, est incontestablement le terrain qui permettait le mieux à cet admirable technicien du récit de mettre en valeur son talent ; il s'explique en revanche aisément dès lors que l'on tient compte du dédain longtemps affiché par la critique à l'égard de ce qu'elle considérait comme un genre mineur. Comme tous les grands nouvellistes, Mérimée ne laisse rien au hasard. Son récit est placé sous le signe de la rigueur et de la concision. Pour qu'il converge mieux vers sa pointe, il l'épure de toute digression, quitte à faire explicitement affirmer au narrateur ce parti pris de couper court en s'en tenant aux seuls temps forts de l'anecdote. Les nouvelles de Mérimée, remarquables par l'intensité que leur procure la cristallisation autour d'une crise unique, ont pu, à tort, faire figure d'exception dans la production littéraire contemporaine au point de pousser certains critiques à considérer leur auteur comme un classique égaré en plein âge romantique. Elles ne font que s'inscrire dans une certaine tradition française qu'elles renouvellent, en privilégiant un détachement continu et ironique, tant à l'égard des personnages que des situations dramatiques dans lesquelles ils se trouvent plongés contre leur gré, et qui empruntent aux conteurs de la Renaissance comme au romantisme déchaînements passionnels, cruautés sentimentales et crimes de sang. Détachement aussi à l'égard des règles du récit par dérèglement des cadres narratifs, goût systématique de la suspension, de l'ellipse, au risque voulu de l'obscurité, manipulations langagières qui revendiquent le caractère foncièrement énigmatique non seulement des discours mais aussi des langues.
On comprendra dès lors qu'à côté de Carmen et de Colomba, récits promis à une gloire mondiale par leur puissance d'évocation, leur capacité à suggérer avec une extrême simplicité les ressorts des passions les plus universelles, c'est dans le genre fantastique que Mérimée devait le mieux s'illustrer et ce, tout au long de sa carrière avec Vision de Charles XI 1829, les Âmes du purgatoire 1834, la Vénus d'Ille 1837, Il Viccolo di Madama Lucrezia 1846, Lokis 1869 ou Djoûmane 1873, nouvelles dont certaines sont considérées comme des archétypes du genre. La Vénus d'Ille, reconnue par l'écrivain lui-même comme son chef-d'œuvre, a été depuis saluée par la critique comme un des sommets du récit fantastique. Il est vrai que tout y est dit sans jamais être affirmé : d'un bout à l'autre du texte, les signes se répondent, les mystères linguistiques s'enchaînent – l'inscription du socle, le serment de la bague – et conduisent tous à la Vénus sans que pour autant puissent être posées des interrogations informulées parce qu'indicibles : comment, en effet, parler de la statue autrement qu'en termes esthétiques à moins d'en faire un être objectivement surnaturel ? Comme dans Lokis et son homme-ours, le propre du fantastique de Mérimée est de construire une fiction qui s'enracine profondément dans le quotidien, tout en infiltrant des bribes de merveilleux dont l'existence n'est pas problématique en soi mais dont l'enchaînement se heurte à la cohérence et à la logique initiales. De fait, la froideur du regard et la minutie avec lesquelles l'inspecteur général des Monuments historiques relate les événements les plus invraisemblables sont d'autant plus propices à produire le doute fantastique que le narrateur est un scientifique objectif et digne de foi, que seul le hasard a rendu témoin de faits insolites pour lesquels une explication rationnelle, sans être totalement exclue, n'est guère satisfaisante. C'est par la création de cette indécision qui lui permet de s'éloigner en même temps tant d'un merveilleux frelaté que de la frénésie stérile d'un certain romantisme que Mérimée ouvre la voie à une longue lignée de conteurs fantastiques et s'assure ainsi une place enviable dans le panthéon littéraire

Mort à Cannes

Souffrant d'asthme, Prosper Mérimée meurt le 23 septembre 1870 vers 23 heures8 lors d'une de ses nombreuses cures à Cannes. Il est inhumé au cimetière du Grand Jas de Cannes.
Le romancier et critique d'art Louis Edmond Duranty, disciple de Champfleury et qui fut portraituré par Degas, serait son fils naturel. Sa mort avait été déclarée dans toute la capitale en 1869 alors qu’il n’était pas encore mort. La rumeur fut finalement démentie par le Figaro.
Lors de la Commune, ses livres et papiers furent détruits dans l'incendie de sa maison du 52 rue de Lille.

La base Mérimée

À partir de 1834, Prosper Mérimée commence à faire recenser sur l’ensemble du territoire français les ensembles architecturaux remarquables, annonçant avec un siècle d'avance l'Inventaire Général des Monuments et Richesses Artistiques de la France lancé par André Malraux.
C'est pourquoi, le Ministère de la Culture et de la Communication a créé en 1978 la base Mérimée, qui recense l’ensemble des monuments historiques et, au-delà, le patrimoine architectural remarquable.

La critique

Le critique Charles Du Bos juge inimitable son naturel dans la transcription des propos tout-à-fait quelconques qui s’échappent au cours d’une conversation, une sorte de banalité de bon aloi.
Citation de Victor Hugo : Pas un coteau, des prés maigres, peu de gazon ; / Et j’ai pour tout plaisir de voir à l’horizon / Un groupe de toits bas d’où sort une fumée, / Le paysage étant plat comme Mérimée. » Toute la lyre, recueil de poèmes de Victor Hugo.

Postérité

Carmen, le célèbre opéra de Georges Bizet est inspiré du roman de Mérimée.
Jean Renoir s'est librement inspiré de la pièce Le Carrosse du Saint-Sacrement pour son film Le Carrosse d'or.
Gérard Savoisien, dans sa pièce intitulée Prosper et George, imagine ce qu'a été la relation amoureuse entre Prosper Mérimée et George Sand.
Colomba a été adaptée pour la télévision française en 2005 par Laurent Jaoui.

Liste des œuvres de Prosper Mérimée

Roman
Chronique du règne de Charles IX 1829
Nouvelles
La Guzla 1827
La Jacquerie 1828
La Famille Carvajal 1828
Mateo Falcone 1829
Vision de Charles XI 1829
L'Enlèvement de la redoute 1829
Tamango 1829
Le Fusil enchanté 1829
Le Ban de Croatie 1829
Le Heydouque mourant 1829
La Perle de Tolède 1829
Federigo 1829
Histoire de Rondino 1830
Le Vase étrusque 1830
La Partie de trictrac 1830
Le Musée de Madrid 1830
Lettres d’Espagne 1832
Contient Les Combats de taureaux, Une exécution, Les Voleurs, Les Sorcières espagnoles
Mosaïque 1833, recueils de nouvelles
La Double Méprise 1833
Les Âmes du purgatoire 1834
La Vénus d'Ille 1837
Colomba 1840
Arsène Guillot 1844
L'Abbé Aubain 1844
Carmen 1845
Il Viccolo di Madama Lucrezia 1846
Les Deux Héritages 1850
Épisode de l'histoire de Russie. Les Faux Démétrius 1853
Marino Vreto, contes de la Grèce moderne 1865
La Chambre bleue 1866
Lokis 1869
Djoûmane 1870
Pièces dramatiques
Les Espagnols au Danemark 1825
Une Femme est un diable 1825
Le Théâtre de Clara Gazul 1825
La Jacquerie, scènes féodales, suivie de La Famille de Carvajal 1828
Le Carrosse du Saint-Sacrement, saynète 1829
L'Occasion, comédie 1829
Les Mécontents, proverbe 1833
Récits de voyages
Notes de voyages 1835 - 1840
Notes d'un voyage dans le midi de la France 1835
Notes d'un voyage dans l'Ouest de la France 1836
Notes d'un voyage en Auvergne 1838
Notes d'un voyage en Corse 1845
Essais et études historiques
Essai sur la guerre sociale 1841
Études sur l’histoire romaine 1845
Histoire de Don Pèdre Ier, roi de Castille 1847
Henry Beyle Stendhal 1850
La Littérature en Russie, Nicolas Gogol 1851
Épisode de l'Histoire de Russie, Les Faux Démétrius 1852
Des monuments de France 1853
Les Mormons 1853
La Révolte de Stanka Razine 1861
Les Cosaques de l'Ukraine et leurs derniers attamans 1865
Ivan Tourguénef sic 1868
Correspondance
Lettres à Panizzi recueil, 1856
Une correspondance inédite octobre 1854-février 1863, avertissement de Fernand Brunetière 3e édition, Calmannn-Lévy 1897 - publiée pour la première fois dans La Revue des Deux Mondes
Traductions
La Dame de pique de Pouchkine 1849
Le Coup de pistolet de Pouchkine 1856
Apparitions de Tourgueniev 1866
Le Juif de Tourgueniev 1869
Pétouchkof de Tourgueniev 1869
Le Chien de Tourgueniev 1869
Étrange histoire de Tourgueniev 1870
Posthume
Lettres à une Inconnue recueil de 1873, 2 vol. in-8

La dictée


"La dictée de Mérimée"



La dictée faisait partie des passe-temps de la cour de l'empereur Napoléon III. Mythe ou réalité, la dictée attribuée à Mérimée a mis à l'épreuve les souverains ainsi que leurs invités. Napoléon III commit 75 fautes, l'impératrice Eugénie, 62, Alexandre Dumas fils, 24. Seul un étranger, le prince de Metternich, ambassadeur d'Autriche, n'en fit que 3.
Voici le texte de "la fameuse dictée" publiée par Léo Claretie en 1900.


Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l'amphitryon, fut un vrai guêpier.

Quelles que soient et quelqu'exiguës qu'aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu'étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d'en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis et de leur infliger une raclée alors qu'ils ne songeaient qu'à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.

Quoi qu'il en soit, c'est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s'est laissé entraîner à prendre un râteau et qu'elle s'est crue obligée de frapper l'exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisés, une dysenterie se déclara, suivie d'une phtisie.

- Par saint Martin, quelle hémorragie, s'écria ce bélître ! À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l'église tout entière.


La dictée du bicentenaire de Mérimée

En septembre 2003, en hommage à Mérimée, Bernard Pivot a créé la dictée de Compiègne du bicentenaire de Mérimée, texte qui est publié dans l'ouvrage de Françoise Maison, La Dictée de Mérimée, Château de Compiègne, Séguier, 2003, 64p.


NAPOLÉON III : MA DICTÉE D'OUTRE-TOMBE

Moi, Napoléon III, empereur des Français, je le déclare solennellement aux ayants droit de ma postérité et aux non-voyants de ma légende : mes soixante-quinze fautes à la dictée de Mérimée, c'est du pipeau ! De la désinformation circonstancielle ! De l'esbroufe républicaine ! Une coquecigrue de hugoliens logorrhéiques !
Quels que soient et quelque bizarroïdes qu'aient pu paraître la dictée, ses tournures ambiguës, Saint-Adresse, la douairière, les arrhes versées et le cuisseau de veau, j'étais maître du sujet comme de mes trente-sept millions d'autres. Pourvus d'antisèches par notre très cher Prosper, Eugénie et moi nous nous sommes plu à glisser çà et là quelques fautes. Trop sans doute. Plus que le cynique prince de Metternich, à qui ce fieffé coquin de Mérimée avait probablement passé copie du manuscrit.
En échange de quoi ?
D'un cuissot de chevreuil du Tyrol ?

Liens
hhttp://www.ina.fr/video/CPA82050208/c ... a-venus-d-ille-video.html I jour I livre La vénus d'Ille
http://www.ina.fr/video/CPF86622239/colomba-video.html Colomba 1
http://www.ina.fr/video/CPA82050208/c ... erniere-partie-video.html Colomba 2
http://www.ina.fr/video/CAB92023115/d ... -pivot-a-l-onu-video.html La dictée de Pivot à L'ONU


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Posté le : 27/09/2014 18:42
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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