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De Montpellier
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Le 13 avril 1940 à Nice, naît Jean-Marie Gustave Le Clézio,
plus connu sous la signature J. M. G. Le Clézio écrivain de romans, essais, nouvelles, traduction, de langues française et mauricienneil reçoit pour distinctions le prix Renaudot en 1963, le prix Paul-Morand en 1980, le prix Nobel en 2008, ses Œuvres principales sont Le Procès-verbal en 1963, Le Déluge en 1966 Désert en 1980, Mondo et autres histoires en 1978, Les Géants en 1973, Ritournelle de la faim en 2008 Il connaît très vite le succès avec son premier roman publié, Le Procès-verbal en 1963. Jusqu’au milieu des années 1970, son œuvre littéraire porte la marque des recherches formelles du Nouveau Roman. Par la suite, influencé par ses origines familiales, par ses incessants voyages et par son goût marqué pour les cultures amérindiennes, Le Clézio publie des romans qui font une large part à l’onirisme et au mythe, Désert et Le Chercheur d’or, ainsi que des livres à dominante plus personnelle, autobiographique ou familiale, L’Africain. Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages de fiction, romans, contes, nouvelles et d’essais. Le prix Nobel de littérature lui est décerné en 2008, en tant qu’écrivain de nouveaux départs5, de l’aventure poétique et de l’extase sensuelle, explorateur d’une humanité au-delà et en dessous de la civilisation régnante.
Sa vie
Le jeune Jean-Marie Gustave est le fils de Raoul Le Clézio chirurgien, et de Simone Le Clézio. Ses parents sont cousins germains, tous les deux ont le même grand-père, sir Eugène Le Clézio et sont issus d’une famille bretonne émigrée à l’île Maurice au XVIIIe siècle, où ils acquièrent la nationalité britannique à la suite de l’annexion de l’île par l’Empire. Il grandit à Nice, élevé par sa mère et par sa grand-mère qui lui donnent le goût de la lecture et de l’écriture il est, dès l’âge de 7 ans, l’auteur d’un livre sur la mer, tandis que son père, médecin britannique, se trouve en poste au Cameroun anglophone, puis au Nigeria. En 1948, il rend visite à son père en Afrique, expérience déterminante qui nourrit son imaginaire et sur laquelle s’appuiera bientôt sa vocation d’écrivain. Le jeune homme partage ses études entre l’Angleterre Bath, où il est aussi professeur de Lettres en 1959 ; Bristol, où il s’inscrit à l’université et Nice, où il se spécialise en littérature. En 1964, en vue de son diplôme d’études supérieures, il soutiendra un mémoire sur Henri Michaux la Solitude dans l’œuvre d’Henri Michaux. Le Clézio se considère lui-même comme de culture mauricienne et de langue française. Il écrit ses premiers récits à l’âge de sept ans, dans la cabine du bateau qui le conduit avec sa mère au Nigeria où il va retrouver son père, qui y est resté pendant la Seconde Guerre mondiale. L’écriture et le voyage resteront dès lors indissociables sous sa plume. Le jeune homme effectue ses études au lycée Masséna, puis au collège littéraire universitaire à Nice, à Aix-en-Provence, puis à Londres et à Bristol. En 1964, il rédige un mémoire pour l’obtention du diplôme d’études supérieures sur le thème : La solitude dans l’œuvre d’Henri Michaux.
Premières publications
Dès 23 ans, il devient célèbre lorsque paraît Le Procès-verbal, récit esthétiquement proche de L'Étranger d’Albert Camus et des recherches narratives du Nouveau Roman, baigné par le climat de la guerre d’Algérie finissante, et couronné par le prix Renaudot en 1963. En 1967, il fait son service national en Thaïlande en tant que coopérant, et est rapidement expulsé pour avoir dénoncé la prostitution infantile. Il est envoyé au Mexique afin d’y finir son service. Il participe à l’organisation de la bibliothèque de l'Institut français d’Amérique latine IFAL, et commence à étudier le maya et le nahuatl à l’université de Mexico, études qui le conduiront au Yucatán. Pendant quatre ans, de 1970 à 1974, il partage la vie des Indiens Emberás et Waunanas, au Panama. La découverte de leur mode de vie, si différent de celui qu'il connaissait jusqu'alors, constitue pour lui une expérience qu'il qualifiera plus tard de bouleversante. Après un premier mariage en 1961 avec Rosalie Piquemal avec qui il a une fille, Patricia, il se marie en 1975 avec Jémia Jean, originaire du Sahara occidental et mère de sa deuxième fille Alice. Ensemble, ils écrivent Sirandanes recueil de devinettes proverbiales courantes à Maurice et Gens des nuages. En 1977, Le Clézio publie une traduction des Prophéties du Chilam Balam, ouvrage mythologique maya, travail qu'il effectue au Yucatán. Spécialiste du Michoacán centre du Mexique, il soutient en 1983 une thèse d’histoire sur ce sujet à l’Institut d'études mexicaines de Perpignan. Il enseigne entre autres aux universités de Bangkok, de Mexico, de Boston, d’Austin et d’Albuquerque, mais en 1978, il ne peut accéder au poste de chercheur au CNRS.
Changement d’écriture
À la fin des années 1970, Le Clézio opère un changement dans son style d’écriture et publie des livres plus apaisés, à l’écriture plus sereine, où les thèmes de l’enfance, de la minorité, du voyage, passent au premier plan. Cette manière nouvelle séduit le grand public. En 1980, Le Clézio est le premier à recevoir le Grand prix de littérature Paul-Morand, décerné par l’Académie française, pour son ouvrage Désert. En 1990, Le Clézio fonde en compagnie de Jean Grosjean la collection L’Aube des peuples, chez Gallimard, dédiée à l’édition de textes mythiques et épiques, traditionnels ou anciens. Son intérêt pour les cultures éloignées se déplace dans les années 2000 vers la Corée, dont il étudie l’histoire, la mythologie et les rites chamaniques, tout en occupant une chaire de professeur invité à l’Université des femmes Ewha. En mars 2007, il est l’un des quarante-quatre signataires du manifeste intitulé Pour une littérature-monde en français, qui invite à la reconnaissance d’une littérature de langue française qui ne relèguerait plus les auteurs dits francophones dans les marges ; et à retrouver le romanesque du roman en réhabilitant la fiction grâce notamment à l'apport d'une jeune génération d'écrivains sortis de l’ère du soupçon.Dans un entretien paru en 2001, Le Clézio déplorait déjà que l’institution littéraire française, héritière de la pensée dite universelle des Encyclopédistes,ait toujours eu la fâcheuse tendance de marginaliser toute pensée de l’ailleurs en la qualifiant d'"exotique". Lui-même se définit d'ailleurs comme un écrivain français, donc francophone, et envisage la littérature romanesque comme étant un bon moyen de comprendre le monde actuel.
Le prix Nobel de littérature
En octobre 2008, alors que paraît Ritournelle de la faim, inspiré par la figure de sa mère, il se voit décerner le prix Nobel de littérature. Sa première réaction est d’affirmer que la récompense ne changera rien à sa manière d’écrire. En 2010, l'ordre de l'Aigle aztèque mexicain lui est accordé en tant que spécialiste des civilisations antiques mexicaines. Le président Felipe Calderon décrit à cette occasion l'écrivain français comme un prix Nobel français très mexicanisé, et si j'ose dire, très michoacanisé.
Depuis très longtemps, Le Clézio parcourt de nombreux pays dans le monde, sur les cinq continents, mais vit principalement à Albuquerque, et en France, à Nice et à Paris. Il a publié une quarantaine de volumes : contes, romans, essais, nouvelles, deux traductions de mythologie indienne, ainsi que d'innombrables préfaces et articles et quelques contributions à des ouvrages collectifs. En 2011, J.-M. G. Le Clézio est le grand invité du musée du Louvre. Il pose un nouveau regard sur les collections du musée à travers à travers le thème Les musées sont des mondes associé à une programmation pluridisciplinaire : exposition, conférences, concerts, cinéma, théâtre… Il met à l’honneur des artistes et auteurs comme Georges Lavaudant, Dany Laferrière, Camille Henrot, Dupuy-Berberian, Souleymane Cissé, Danyèl Waro, Jean-François Zygel…
Polémique avec Richard Millet
En septembre 2012, Le Clézio éprouve le besoin d'intervenir dans les polémiques soulevées par un essai de Richard Millet intitulé Langue fantôme, suivi de Éloge littéraire d'Anders Breivik. Il qualifie le texte d'élucubration lugubre et de répugnant. Richard Millet considère, de son côté, J.M.G. Le Clézio comme un exemple de la postlittérature qu'il dénonce et avance que son style est aussi bête que naïve sa vision manichéenne du monde et ses romans dépourvus de ressort narratif.Il précise dans un entretien : Je ne suis pas anti-Le Clézio. Je trouve que sa syntaxe est bête, c'est-à-dire qu'elle est un peu gnan-gnan, qu'elle est le parfait reflet de sa pensée qui va dans le sens de la propagande, pensée multiculturaliste facile, manichéenne. Les Blancs, les Occidentaux sont tous épouvantables, mais les Indiens, etc., sont magnifiques… Le Clézio est le parfait représentant de cet effondrement du style…
L'oeuvre
Son œuvre, qui se réclame à la fois des présocratiques, de Lautréamont, de Michaux et de Ponge, impose d'abord la recherche d'un renouvellement romanesque Depuis son prix Renaudot, qu'il obtint à vingt-trois ans, il poursuit une carrière littéraire dont l'étonnante régularité s'inscrit en marge des courants et des modes. Quant aux influences, elles sont difficiles à cerner. Passé Le Procès-verbal, l'œuvre oublie les voies du Nouveau Roman. Et si elle reste plus fidèle à une certaine tradition fantastique et visionnaire, c'est sans rien devoir vraiment au rire mordant de Lautréamont ni au surréalisme de William Blake. À la vérité, l'invention de Le Clézio paraissait d'abord sans précédent. Mais, après les grands romans glacés des premières années, on a mieux vu se dessiner des versants, des thèmes privilégiés, et du même coup se révéler des héritages. Aujourd'hui, face au paysage que compose l'univers le clézien, on reconnaît au moins trois grands axes d'orientation : une exceptionnelle sensibilité aux choses ; une relation privilégiée au monde amérindien ; enfin, et sur le plan de l'écriture cette fois, un progressif retour à des formes narratives conventionnelles. Trois traits qu'on doit d'ailleurs éviter aussitôt de distinguer trop nettement, tant ils paraissent profondément liés en une unique et constante appréhension du fait romanesque. Tous les romans de Le Clézio mettent en scène une certaine forme d'absence. Terra amata, par exemple, s'ouvre sur une puissante évocation de la terre, du soleil, de la vie animale et végétale, d'où l'homme est exclu. Dans L'Extase matérielle, c'est le gonflement de la vie quand je n'étais pas né qui fournit à la rêverie le premier objet de son émerveillement. Quant aux Voyages de l'autre côté, ils s'achèvent dans ces terres où il n'y avait pas d'herbes, pas d'arbres, pas d'hommes, rien . À l'horizon du texte se dresse cette vision élémentaire d'où tout part et où tout retourne inéluctablement, ce désert auquel un grand roman, sous ce titre, consacre un hymne véritable. Là, rien n'a de signification. Tout s'abolit, jusqu'à la distinction des genres et des formes ; mais, là aussi, le roman prend sa source en même temps que l'essai : l'un et l'autre s'y confondent : Il y a cette étendue déserte, et belle, cette étendue libre. C'est là que naît le langage, simplement, comme un phénomène du ciel. Il se déroule et enveloppe la terre, et nous sentons passer son onde froide Vers les icebergs. Mais, remontant jusqu'à cette origine absolue du paysage et du phantasme, l'écriture découvre que les mots eux-mêmes n'y ont aucune place. C'était hors des sentiments, loin des mots douteux du langage, loin des signes affolés de l'écriture. Actes sans origine ni destination, acteurs sans conscience et sans destin sont les termes d'un drame de vents, d'herbes, de terres et de lumière où les seules modifications résultent de l'usure géologique et des variations climatiques. Ce drame élémentaire admet pourtant d'autres acteurs. Ainsi Adam Pollo, dans Le Procès-verbal. Homme des commencements, comme son prénom l'indique, Adam Pollo sait être objet parmi les objets, prêt à se fondre dans l'éclatement et l'absorption universelle des matières. Comme le Jeune Homme Hogan, dans Le Livre des fuites, ou Chancelade, dans Terra amata, il représente une sorte de conscience flottante. Tous, en effet, enregistrent chaque ébranlement du monde le plus proche avec une précision d'halluciné. C'est par leur connivence privilégiée avec les manifestations de la matière que ces héros connaissent de façon si intense le sentiment d'une vie qui nous échappe et, parallèlement, l'insignifiance de celle qui nous est chère. Sans cesse ballottés sur un flot de formes, de couleurs, de sons et de consistances, ils se heurtent à une double postulation : l'une vers l' infiniment moyen de la quotidienneté selon Le Clézio ; l'autre vers le fourmillement profond du monde. Car le monde est vivant. Dans les arbustes, dans les grottes, dans le fouillis inextricable des plantes, il chante, avec la lumière ou avec l'ombre, il vit d'une vie explosive. Dès lors, écrire, pour Le Clézio, c'est étirer dans le temps et dans l'espace, c'est agrandir, c'est animer cette attention patiente à la surface de ce qui nous entoure et nous enveloppe. Pas question de comprendre ! Il importe seulement de saisir par les mots ce qui passe devant soi. Ce n'est pas un hasard, sans doute, si les objets tendent ici à l'absence d'épaisseur : le lisse, les couleurs crues, les lumières vives, les matières chromées ou vernies reviennent avec une fréquence parfois proche de l'obsession, sur cette étrange planète urbaine pour laquelle Le Clézio conçoit contradictoirement attirance et répulsion. Mais, en contrepoint ou en écho, le monde oppose au paysage abrupt des villes les territoires vides du drame cosmologique. Avec plus ou moins de bonheur, les héros du roman, comme Pouce et Poussy dans La Grande Vie ou Titi et Martine dans La Ronde – qui donne son titre à un recueil de faits divers –, tentent l'évasion hors de l'univers hostile des rues et des immeubles. Mais en vain ; car au drame grandiose des forces élémentaires répond la fatalité possessive des villes. Dans Onitsha, Maou désire ardemment quitter la petite cité d'Afrique qui la rejette : elle s'y découvre paradoxalement engluée. C'est sans doute que les villes de Le Clézio présentent toutes, à l'instar de celle que dessinait La Guerre, une figure altérée, renversée, mais encore déchiffrable de la violence élémentaire.
Les derniers hommes heureux
Qu'on se porte au cœur du monde amérindien, dans Trois Villes saintes, on y reconnaîtra le même enveloppement de l'habitation humaine par les éléments : Le froid remonte sur la terre, venu des grottes, il se répand sur la place du village, il recouvre la forêt. Il prend les choses une à une, il pénètre dans chaque maison, avec le vent et la lumière lunaire. Là pourtant, quelque chose d'autre est en jeu. La dureté de la terre ou de la nuit ne compose plus exactement le paysage féroce que traversait Chancelade dans Terra amata. La sécheresse a substitué au décor des dieux de la consommation et du déplacement d'autres dieux, plus essentiels, plus élémentaires : C'est ici l'un des endroits les plus importants du monde. Car l'épreuve de la sécheresse ouvre une relation au cosmos que l'œuvre ne cesse d'invoquer, souvent d'ailleurs sur un mode nostalgique. Il s'agit de cette sagesse – et le mot comporte explicitement une charge de sacralité – qui fut révélée à Le Clézio par les Indiens d'Amérique. C'est en effet sa fréquentation, au Panamá, des populations indiennes qui inspirera Haï, et l'intérêt qu'il porte à la civilisation maya, son adaptation des Prophéties de Chilam Balam. Deux livres tout entiers fascinés par le lien particulier d'une civilisation à la parole et à l'écriture. Lien heureux, magique même, sur lequel Le Clézio fonde l'espoir, apparu dès Voyages de l'autre côté, d'une harmonie possible entre l'homme, le monde et les mots. À mesure que s'avance l'œuvre, le texte le clézien devient lui-même l'un des agents de cette harmonie. Dès la Préface de Haï, l'auteur écrivait : Au moment où s'achève ce livre, je m'aperçois qu'il a suivi, comme cela, par hasard, à mon insu, le déroulement du cérémonial de guérison magique... Un jour, on saura peut-être qu'il n'y avait pas d'art, mais seulement de la „médecine“.
La quête et le secret
Car le détour par l'écriture sacrée des civilisations archaïques a révélé à l'écriture même des puissances cachées : celles de l' initiation. Dès lors, le roman de Le Clézio retrouvera les ressources narratives traditionnelles de ce qu'il faut bien appeler une quête initiatique . Tantôt il s'agit de découvrir la lagune ou la langue ? où se cachent les baleines, et c'est dans Pawana. Tantôt, de reprendre la recherche d'un trésor déjà localisé par le père, et c'est toute la geste du Chercheur d'or. Quête chaque fois décevante : l'objet se dérobe sans fin ; ou s'il se donne, comme le spectacle réel des baleines, c'est pour s'enfouir aussitôt dans une histoire sanglante. Bref, au fil des pages, le chercheur découvre que le trésor gît dans l'univers même, dans sa beauté, dans sa puissance de destruction celle de l'ouragan final du Chercheur d'or, par exemple et dans sa permanence. Pour mener à bien une telle entreprise, l'imaginaire romanesque dispose d'une figure privilégiée : celle de l'initiée-initiatrice. De fait, c'est presque toujours à la femme, et plus précisément à la jeune fille, que revient le don du passage, l'art des Voyages de l'autre côté. Déjà Naja Naja, l'héroïne énigmatique de ce roman, détenait son secret : un pouvoir d'absence issu de la contemplation des choses. Mais l'attrait pour le mystère et la magie de l'adolescente se fait plus précis dans Désert, Printemps et autres saisons, Étoile errante, dans les nouvelles de La Ronde et autres faits divers, enfin dans Le Chercheur d'or. Là, c'est vraiment Ouma, la jeune manaï descendante des anciens esclaves noirs, qui enseigne au héros le mépris de l'or et la connaissance de la beauté. Ainsi toujours, à la frénésie possessive et guerrière de l'Occidental, Lalla, Ouma, Zobéïde, Zinna et tant d'autres opposent, au sein du plus grand dénuement, leur noblesse et leur liberté souveraines. En elles se déploie la mémoire de lointains fabuleux, l'Orient ou l'Afrique, vers laquelle il revient dans L'Africain, un beau texte autobiographique, qui font de leurs paroles, et plus encore de leurs silences, de leurs simples gestes, bref de leur être entier, un témoignage abrupt sur notre monde. Il était naturel que, dans cette quête d'un secret originel, le roman lui-même rencontrât des formes ancestrales. Certains diront que l'œuvre de Le Clézio s'éloigne, avec le temps, de ses audaces et de ses inventions initiales. Et, de fait, ses formes les plus brèves les nouvelles ne conservent plus guère que l'originalité d'une thématique certes nettement reconnaissable, mais incapable de répondre à ce qui apparaît bien comme l'ambition la plus profonde de l'entreprise le clézienne : la réparation du monde. C'est au contraire aux amples constructions narratives que paraissent vouées de nature et cette ambition et l'écriture qui la nourrit. Une écriture dont l'idéal est d'abord d'évidence. Le style, souvent presque parlé, affecte la transparence. À travers lui, on sent le monde comme une grosse chose proche, dont la présence impose une émotion où l'on reconnaîtrait volontiers les traits d'une conscience primitive ou enfantine. Une telle attitude face au langage définit moins la position du romancier que celle, archaïque, du conteur. Cette position d'où il importe de renouer d'anciennes histoires à une autre, toute neuve, qui s'invente sous nos yeux parce qu'elle est tout simplement celle d'une vie orientée par les histoires. Pour Geoffroy, l'un des trois personnages centraux d'Onitsha, le présent n'a de sens que par les liens qu'il tisse avec la très vieille histoire de la reine Méroé et de sa fille Arsinoé. Le Chercheur d'or se réfère, lui, à la légende de Jason et des Argonautes. Ainsi s'en va le conte, infini en ce qu'il ne fait que relier, et merveilleux en ce qu'il épouse toujours d'un peu plus près la beauté du monde. Mais conte obscur aussi, parce que jamais il ne livre clairement son sens – ce serait sa mort. Je voudrais faire un livre qui soit aussi clair que la vie, qui soit un double de la vie mais je n'y suis jamais arrivé, dit Le Clézio. Seule la vie vécue est simple. Dès que l'écriture s'en empare, elle y introduit la traînée opaque de la méduse, la poudre aux yeux : elle aveugle.Écrire m'aveugle. Or je suis partisan de l'aveuglement, dit encore Le Clézio. C'est que, pour lui, évidence et complexité ne sont pas exactement contradictoires. L'aveuglement n'est que le nœud de ces deux modes de perception, le nœud à partir duquel s'effile cette phrase lumineuse et compacte à la fois, où un lecteur attentif, les deux yeux grands ouverts comme tant de héros le cléziens, succombe à l'envoûtement d'une parole dont il espère qu'elle n'aura pas de fin. Significativement, le prix Nobel de littérature 2008 a distingué en lui un écrivain des nouveaux départs ainsi qu’un explorateur d’une humanité au-delà et en dessous de la civilisation régnante.
Prix et distinctions
1963 : prix Renaudot pour Le Procès-verbal 1972 : prix Valery-Larbaud ex æquo avec Frida Weissman 1980 : grand prix de littérature Paul-Morand de l'Académie française, pour l'ensemble de son œuvre, à l'occasion de la sortie de Désert 1992 : prix international Union latine des littératures romanes 1996 : prix des téléspectateurs de France Télévisions, pour La Quarantaine 1997 : grand prix Jean-Giono, pour l'ensemble de son œuvre 1997 : prix Puterbaugh 1998 : prix Prince-Pierre-de-Monaco, pour l'ensemble de son œuvre, à l'occasion de la sortie de Poisson d'or 2008 : prix Stig Dagerman, pour l'ensemble de son œuvre, à l'occasion de la sortie suédoise de Raga. Approche du continent invisible 2008 : prix Nobel de littérature, pour l'ensemble de son œuvre
Distinction
1er janvier 2009 : officier de la Légion d'honneur
14 septembre 2010 : le ministre des affaires étrangères mexicain lui décerne l'Aigle aztèque.
Œuvre littéraire, Recherches formalistes des premières années
À la parution des premiers volumes publiés par Le Clézio dans les années 1960 Le Procès-verbal, La Fièvre, Le Déluge, le jeune écrivain est rapproché des recherches formalistes du Nouveau Roman, en particulier de Georges Perec, Michel Butor et Nathalie Sarraute. Les thèmes abordés – la douleur, l’angoisse, la douleur dans le milieu urbain – font surtout de lui l’héritier des questionnements et dénonciations existentialistes, et plus encore d'Albert Camus. Le Procès-verbal rappelle ainsi irrésistiblement L'Étranger, quoiqu'il puisse également évoquer le Nexus de Henry Miller.
Influence des voyages et l’exploration culturelle
Le Clézio élabore dès la fin des années 1960 des œuvres plus personnelles, moins marquées par le formalisme, sans perdre sa capacité de révolte. Ses publications sont dominées par l’exploration de l’ailleurs et par les préoccupations écologiques, Terra Amata, Le Livre des fuites, La Guerre, et de plus en plus influencées par les voyages de l’auteur et son séjour chez les indiens du Mexique Les Géants. Les essais de Le Clézio mettent en évidence son cheminement méditatif nourri par la culture des indiens Embera, dirigé vers le panthéisme L'Extase matérielle, la culture indienne, l'onirisme et l'expérience des drogues, Mydriase, Haï, et toujours la recherche d'une échappatoire à la société occidentale et urbaine contemporaine. La réflexion culturelle de Le Clézio s’étend par ailleurs à d'autres influences. Lui-même cite parmi ses lectures les poètes John Keats et W. H. Auden. Il admet surtout l'influence de J. D. Salinger, qu'il relit le plus souvent, de William Faulkner et d'Ernest Hemingway. Du premier, Le Clézio retient la confrontation entre l'individu et la société. Du second le lyrisme de plus en plus évident et l'influence du monologue intérieur, du flux de conscience ; du troisième la démarche de l'écrivain voyageur. Il se montre également influencé par le mysticisme de Lautréamont, sur lequel il écrit une thèse et publie de nombreux articles et préfaces ; par certaines idées d'Henri Michaux hostilité envers la société, usage de la drogue comme expansion de la conscience, auquel il consacre un mémoire d'études ; ou encore par la démarche de rupture spirituelle d'Antonin Artaud qu'il salue comme précurseur de ce rêve d'une terre nouvelle où tout est possible ; ... d'un retour aux origines mêmes de la science et du savoir ; ... ce rêve, mélange de violence et de mysticisme. Enfin, Le Clézio se révèle un insatiable lecteur, passionné par la découverte de nouveaux horizons, comme il le montre en rédigeant des préfaces pour des auteurs d'origines variées : Margaret Mitchell, Lao She, Thomas Mofolo, V.S. Naipaul et d'autres encore. Cette évolution débouche sur des œuvres de fiction exploitant ces thèmes du voyage, de l'onirisme et de la méditation, qui trouvent un écho favorable auprès du public à partir de Mondo et autres histoires, en 1978 et surtout de Désert, en 1980. Le Clézio est dès lors volontiers décrit comme inclassable, et poursuit l'exploration des thèmes de l'ailleurs dans Le Chercheur d'or, Onitsha ou encore Poisson d'or.
La capacité de révolte
En 1980, Désert devient le premier livre à succès de Le Clézio. La contestation est un caractère permanent de l’œuvre de Le Clézio. Après la dénonciation de la société urbaine et de sa brutalité dans les premières œuvres publiées, c’est une remise en cause plus générale du monde occidental qu’il élabore dans ses romans ultérieurs. Nourri par son expérience personnelle, Le Clézio dénonce ainsi la guerre cynique du monde mercantile La Guerre, le scandale de l'exploitation des enfants Hasard et des cultures minoritaires à partir de la fin des années 1980, il soutient l’ONG Survival International, dont il devient membre du Comité d’honneur. Les préoccupations touchant à l’environnement et à la pollution apparaissent également comme récurrentes chez Le Clézio, ce qui amène l’Académie suédoise à le qualifier comme un écrivain écologiste engagé : on la retrouve dès les années 1960-1970 avec Terra Amata, Le Livre des fuites, La Guerre, Les Géants. Cette révolte demeure sensible dans les romans plus populaires des années 1980 : haine de l’impérialisme colonial Désert et du système qui en découle Onitsha, rejet de la guerre destructrice première Guerre mondiale dans Le Chercheur d’or, guerre du Biafra dans Onitsha, des nouvelles formes d'exploitation prostitution, trafics humains, dans Désert. L’ensemble de ces engagements aboutissent dans les années 2000 à des œuvres plus nettement amères et critiques envers l’évolution occidentale moderne, en particulier le roman Ourania 2005, histoire du rejet catégorique du monde moderne par un groupe de chercheurs dans une vallée mexicaine perdue, ou Raga. Approche du continent invisible 2006, défense ardente des peuples insulaires d’Océanie, menacés par la mondialisation.
Le thème familial et autobiographique
Au milieu des années 1980, Le Clézio commence à aborder au sein de ses œuvres des thèmes plus personnels, en particulier à travers l’évocation de la famille. Ses intrigues et personnages s’inspirent de ses proches. Alexis, le narrateur du Chercheur d’or 1985, est ainsi inspiré à l'auteur par son grand-père Léon, auquel le roman est dédié, et qui habite également le récit Voyage à Rodrigues. Cette tendance se renforce avec Onitsha, en 1991, hommage à l’Afrique de l’enfance de Le Clézio. Puis, son grand-père est de nouveau au centre d’un ouvrage avec La Quarantaine en 1995. Le penchant autobiographique est ensuite clairement assumé dans Révolutions, en 2003. Puis c’est au tour de la figure du père d'être célébrée dans L'Africain en 2004, avant que Le Clézio ne s'inspire de sa mère pour le personnage d'Ethel Brun, dans Ritournelle de la faim.
Réception critique et publique
Le Clézio connaît un succès indéniable dès ses premières parutions prix Renaudot 1963. Il rencontre plus tard un véritable succès public, à partir de Mondo et autres histoires et surtout de Désert, livre à succès en 198044. Cette reconnaissance du public se vérifie en 1994, lorsque les lecteurs du magazine Lire le désignent « plus grand écrivain francophone vivant , le préférant à ses aînés Nathalie Sarraute, Claude Simon, Françoise Sagan, Michel Tournier ou encore Julien Gracq. Le Clézio est l'un des auteurs de langue française les plus traduits dans le monde allemand, anglais, catalan, chinois, coréen, danois, espagnol, grec, italien, japonais, néerlandais, portugais, russe, suédois, turc.
Depuis le prix Nobel de littérature en 2008, une revue internationale publiée par les éditions Complicités à Paris, Les Cahiers Le Clézio46, publie chaque année un numéro thématique qui rassemble des articles critiques signés par des spécialistes de l’œuvre. Les premiers numéros de cette revue portent sur les thèmes suivants :
À propos de Nice 2008 Contes, nouvelles et romances 2009 Migrations et métissages 2011, numéro double La tentation poétique 2012
Œuvres, Romans, nouvelles et récits
Le Procès-verbal, roman, Gallimard, Le Chemin , Paris, 1963, 250 p. prix Renaudot Édition illustrée par Edmond Baudoin, Futuropolis, Gallimard, 1989 Le Jour où Beaumont fit connaissance avec sa douleur, nouvelle, Mercure de France, L'écharpe d’Iris, Paris, 1964 La Fièvre, nouvelles, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1965, 237 p. Le Déluge, roman, Gallimard, Le Chemin , Paris, 1966, 288 p. Terra Amata, roman, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1967, 248 p. Le Livre des fuites, roman, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1969, 290 p. La Guerre, roman, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1970, 295 p. Les Géants, roman, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1973, 320 p. Voyages de l'autre côté, nouvelles, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1975, 308 p. Mondo et autres histoires, contes, Gallimard, Paris, 1978, 278 p. Désert, roman, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1980, 410 p. grand prix de littérature Paul-Morand de l'Académie française La Ronde et autres faits divers, nouvelles, Gallimard, Le Chemin , Paris, 1982, 235 p Le Chercheur d'or, roman, Gallimard, Paris, 1985, 332 p Voyage à Rodrigues, roman, Gallimard, Le Chemin , Paris, 1986 Printemps et autres saisons, roman, Gallimard, Le Chemin , Paris, 1989, 203 p. Onitsha, roman, Gallimard, Paris, 1991, 250 p. ISBN 2-07-072230-9 Étoile errante, roman, Gallimard, Paris, 1992, 339 p. Pawana, roman, Paris, Gallimard, 1992, 54 p. La Quarantaine, roman, Gallimard, Paris, 1995, 464 p Poisson d'or, roman, Gallimard, 1996, 255 p. Hasard, suivi de Angoli Mala, romans, Gallimard, Paris, 1999, 290 p. Cœur brûle et autres romances, nouvelles, Gallimard, Paris, 2000, 187 p. L'enfant de sous le pont, roman, Lire c'est partir, Paris, 2000 Fantômes dans la rue, éditions Elle, Aubin Imprimeur, Poitiers, 2000 Révolutions, roman, Gallimard, Paris, 2003, 554 p L'Africain, portrait de son père, Mercure de France, Traits et portraits , Paris, 2004, 103 p. Ourania, roman, Gallimard, « Collection Blanche », Paris, 2006, 297 p. Ritournelle de la faim, roman, Gallimard, Collection Blanche , Paris, 2008 Histoire du pied et autres fantaisies, nouvelles, Gallimard, Paris, 2011 Tempête, deux novellas, Gallimard, Paris, 2014
Essais et idées
L'Extase matérielle, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1967, 229 p. Haï, Skira, « Les Sentiers de la création », Genève, 1971, 170 p. Mydriase, illustrations de Vladimir Veličković, Fata Morgana, Saint-Clément-la-Rivière, 1973 ; éd. définitive, 1993, 62 p. Vers les icebergs, Fata Morgana, Explorations , Montpellier, 1978, 52 p. contient le texte d’Iniji, par Henri Michaux L'Inconnu sur la terre, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1978, 325 p. Trois villes saintes, Gallimard, Paris, 1980, 81 p. Édition de bibliophilie : Chancah première ville de Trois villes saintes, lithographies de Tony Soulié, Les Bibliophiles de France, 2012 Civilisations amérindiennes, Arléa, Paris, 1981 Le Rêve mexicain ou la pensée interrompue, Gallimard, NRF Essais , Paris, 1988, 248 p. Diego et Frida47, Stock, Échanges , Paris, 1993, 237 p. + 12 p. de pl. Ailleurs, entretiens avec Jean-Louis Ezine, Arléa, 1995, 124 p. La Fête chantée, Gallimard, Le Promeneur, 1997, 256 p. Gens des nuages avec Jémia Le Clézio, photographies de Bruno Barbey, récit de voyage, Stock, Beaux Livres , 1997 Raga. Approche du continent invisible, Le Seuil, Peuples de l'eau , Paris, 2006, 135 p. Ballaciner, Gallimard, 2007
Éditions de textes
Les Prophéties du Chilam Balam, version et présentation de Le Clézio, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1976, 201 p. Relation de Michoacan, version et présentation de J.-M. G. Le Clézio, Gallimard, Tradition, Paris, 1984, 315 p. p. de pl. Sirandanes avec Jémia Le Clézio, Seghers, 1990, 93 p.
Livres pour la jeunesse
Voyage au pays des arbres, illustré par Henri Galeron, Gallimard, Enfantimages, Paris, 1978, 27 p. Lullaby, illustré par Georges Lemoine, Gallimard, 1980 Celui qui n'avait jamais vu la mer, suivi de La Montagne ou le dieu vivant, Paris, Gallimard, 1982 Villa Aurore, suivi de Orlamonde, Paris, Gallimard, 1985 Balaabilou, Paris, Gallimard, 1985 La Grande Vie, suivi de Peuple du ciel, Paris, Gallimard, 1990
Discours et conférences
Dans la forêt des paradoxes, conférence Nobel vidéo, discours de réception du prix Nobel de littérature, 2008.
Articles
Jean-Marie Gustave Le Clézio, Les îlois de Chagos contre le Royaume-Uni, suite et fin ?, Libération, no 9 953, 15 mai 2013
Liens http://youtu.be/2F7c3EmzEcE Par lui même http://youtu.be/8U01a9jv1VQ Le procès-verbal http://youtu.be/lQYwCCt9eFY Au salon du Livre http://youtu.be/kYdFI-N1GeE Avec Bernard Pivot http://youtu.be/hzir9_fkrS8 Il faut bien mettre des motshttp://youtu.be/gIayM1gK_sg Prix nobel de littérature
Posté le : 12/04/2014 20:21
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