Administrateur
Inscrit: 14/12/2011 15:49
De Montpellier
Niveau : 63; EXP : 94 HP : 629 / 1573 MP : 3168 / 59498
|
Le 19 janvier 1935 à Mantes-la-Ville, naît Lionel Ray, né Robert Lorho,
poète et essayiste français
Qui suis-je ? Quel est cet étrange inconnu qui m’habite ? Telle est une des interrogations que se pose Lionel Ray tout au long d’une œuvre commencée voici un demi-siècle.
Robert Lorho est né en 1935 d'un père d'origine bretonne, décoré de la croix de guerre étoile d'argent en 1918, et d'une mère wallonne. Il passera son enfance dans la ville de Mantes-la-Jolie. Après avoir publié quelques recueils sous son vrai nom, Robert Lorho, agrégé de langue et littérature françaises, professeur de khâgne au lycée Chaptal, prend en 1970 à l'âge de trente ans, le pseudonyme de Lionel Ray. Son métier de poète, il le vit en se renouvelant infatigablement, en changeant d'identité, en une éternelle renaissance. Son avant dernier recueil L'Invention des bibliothèques a été publié sous le nom de Laurent Barthélemy, un jeune poète que Lionel Ray aurait découvert. Son dernier livre de poèmes Entre Nuit et Soleil en 2010 approfondit davantage cette question d'identité, qui est le thème fondamental de son œuvre. "Je est un autre". Lionel Ray vit à Saint-Germain-en-Laye. Il aborde un versant neuf de lui avec les Métamorphoses du biographe en 1971, qui mène à une déconstruction féconde et inventive du langage, poursuivie avec L'interdit est mon opéra en 1973, marqué par l'introduction du récit et des audaces typographiques. Partout ici même en 1978 renoue avec la lisibilité. Cette date est aussi celle de la naissance du néolyrisme. Approches du lieu en 1983 et le Nom perdu en 1981, dont le titre renvoie à la pseudonymie, prolongent cette tentative tandis que, dès l'orée de leur titre, Comme un château défait en 1993 et Syllabes de sable en 1996 témoignent d'une tonalité plus sombre. Le parcours de Ray est emblématique d'une double postulation de la parole poétique contemporaine : le lyrisme et le formalisme.
Aragon présente ses nouveaux poèmes dans Les Lettres françaises en 1970, 1971, 1972, il salua comme un événement poétique considérable la venue de Lionel Ray dans la poésie française De 1971, avec Les Métamorphoses du biographe, à 1996, avec Syllabes de sable, Lionel Ray a donné une dizaine de recueils de poèmes qui témoignent d'un art très élaboré du vers et de la composition. Si mutation et métamorphoses sont les termes élus par Lionel Ray, ils peuvent aussi servir à approcher un travail qui, à l'écart des théories, a cherché à éviter les retours nostalgiques à l'académisme comme la fuite en avant dans le formalisme. Le lyrisme qui caractérise son œuvre est tout sauf facile : les élans spontanés de la subjectivité sont ici constamment brimés par un travail sur la matière même du langage. Le sujet qui parle ou qui chante n'oublie jamais qu'il parle de quelque chose, du concret du monde, et que ce qu'il dit s'adresse toujours à quelqu'un, ce destinataire inconnu, anonyme qu'est le lecteur. Les mots simples, les syntaxes accordées au rythme de la prosodie laissent transparaître le sens, le font jaillir dans des coulées heureuses, non exemptes d'inquiétudes. Comme un château défait, 1993, prix Supervielle en 1994, et Syllabes de sable 1996, disent avec pudeur l'irréparable, l'ineffable perte : Ce désarroi des pas d'avant / sur des chemins jamais aboutis : / maison des vents, maison d'absence... C'est de l'intérieur même du chant que se disent les ruptures. Ce n'est certainement pas un hasard si, en 1976, Lionel Ray a consacré un essai à Rimbaud : la poésie, à défaut de rythmer l'action ou de la devancer, accompagne les hommes, intensifie leur séjour, refuse tricheries et stratagèmes. Lionel Ray se sent proche d'auteurs comme Supervielle, C. Milosz, Aragon, mais aussi Michaux, auquel il a consacré un Tombeau, dans Une sorte de ciel. Il a publié également deux anthologies de poésie bengalie, 2006 et 2007, en collaboration avec Sumana Sinha. Il publie l'essentiel de son œuvre aux éditions Gallimard. Lauréat de prix tels que le Prix Goncourt de la poésie en 1995, le Prix de la Société des gens de lettres, le Grand Prix de Poésie de la Ville de Lyon/Prix Roger-Kowalski, Prix de poésie Pierrette Micheloud 2010 et beaucoup d'autres, Lionel Ray est président de l'Académie Mallarmé, il est également membre des comités de la revue Europe, du journal mensuel Aujourd'hui poème et de plusieurs jurys de prix de poésie, Mallarmé, Max Jacob, Alain Bosquet. Il anime des ateliers d'écriture à l'université de Paris 4-Sorbonne et dans d'autres villes. Invité en Europe, en Afrique, aux États-Unis et en Inde, Lionel Ray se dit "cet oiseau qui ne s'attarde pas.
Å’uvres
Lionel Ray au festival Voix Vives à Sète le 27 juillet 2010 Si l'ombre cède, collection jeune poésie nrf, Gallimard, 1959, 40p. Les Métamorphoses du biographe ; suivi de la parole possible, Gallimard, 1971, 131 p. Lettre ouverte à Aragon sur le bon usage de la réalité, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1971, 111 p. L’Interdit est mon opéra, Gallimard, 1973, 116 p. Arthur Rimbaud, Seghers (Poètes d’aujourd’hui), 1976, 183 p. Nouvelle édition 2001. Partout ici même, Gallimard, 1978, 191 p. Aveuglant aveuglé, Saint-Laurent-du-Pont : Le Verbe et l’empreinte, 1981, np. Le Corps obscur, Gallimard, 1981, 112 p. Nuages, nuit : poèmes, Gallimard, 1983, 123 p. Empreintes, Saint-Laurent-du-Pont : Le Verbe et l’empreinte, 1984. L’Inaltérable, Saint-Laurent-du-Pont : Le Verbe et l’empreinte, 1984. Voyelles et consonne, Saint-Laurent-du-Pont : Le Verbe et l’empreinte, 1984. Approches du lieu ; suivi de Lionel Ray et l'état chantant par Maurice Regnaut, Moulins : Ipomée, 1986, 115 p. Le nom perdu : poèmes, Gallimard, 1987, 127 p. Une sorte de ciel : poèmes, Gallimard, 1990, 114 p. (Prix Antonin-Artaud) Comme un château défait : poèmes, Gallimard, 1993, 151 p. (Prix Supervielle 1994; Prix Goncourt de poésie 1995) Syllabes de sable : poèmes, Gallimard, 1996, 170 p. Pages d'ombre : poèmes. Gallimard, 2000. (Grand prix de poésie de la société des gens de lettres, 2001; Prix Kowalski de la ville de Lyon; Prix Guillevic de la ville de Saint-Malo) Aragon : Seghers, "Poètes d'aujourd'hui", 2002). Matière de nuit : poèmes. Gallimard, 2004. 12 poetas bengalis : recueil de poésie bengalie en version française et espagnole, en collaboration avec Sumana Sinha, Ed. Lancelot, 2006. Murcia. Tout est chemins : Anthologie de la poésie bengalie en version française en collaboration avec Sumana Sinha, éd. Le Temps des cerises, Paris. 2007. L'Invention des bibliothèques (les poèmes de Laurent Barthélemy): Gallimard, 2007. Le Procès de la vieille dame. Eloge de la poésie. Recueil d'essais. Éditions de la Différence. 2008. Entre nuit et soleil : Gallimard, 2010. Prix de poésie Pierrette-Micheloud 2010 Lionel Ray a collaboré régulièrement avec des peintres : Le dessin est une mémoire : autour de l’œuvre graphique de Le Yaouanc, Association culturelle de la Faculté des lettres et des langues de l’Université de Poitiers : Éditions de la Licorne, 1996, np . Plusieurs ouvrages sur et avec le peintre cubain Joaquin Ferrer : Joaquin Ferrer ou l'Imaginaire absolu (monographie, éd. Palantines, Quimper, 2001, 130 illustrations). Sumana : recueil de neuf poèmes d'amour dédiés à son épouse, accompagné de la peinture de Bardet C.J. et de la traduction bengalie de ces poèmes par Sumana Sinha. Comme nuage et vent, recueil de 6 poèmes accompagnés de 4 gravures en eau-forte de la calligraphe Els Baekelandt (Éditions Sanchez-Alamo, graphisme analogique de la zone opaque, Paris, 2006
poésies Je ne suis pas qui je suis, ce masque dans la nuit anonyme cette voix qui monte comme un fleuve ni ces pas ne sont miens.
Nous sommes seuls dans ce pays de sel de pierre de vent dans ce grand incendie de paroles dans ce miroir tournant.
Qui es-tu qui que tu sois ce mort en travers de ma route cette chose de sang et d'ombre qui bouge et ne bouge pas.
Tu vis à l'écart de toi-même, quel est ce visage absent cet étranger que tu traînes et qui rame à contre-courant ? In Comme un château défait **** Peut-être il reviendra avec un visage inchangé, ne le dérange pas !
Le temps s'applique, jamais effarouché.
C'est pour ça que la musique dit toujours que tu l'aimes même si le monde est déserté. In Comme un château défait © Poésies/Gallimard 2004 p 22 **** Le peu de poids que l'on pèse dans le soir ! le peu de cendres ! comme entre les mots
Le soudain silence ! et l'énorme nuit ! le seul lieu,
ce mouvement, l'ombre qui le glace, et ce visage de vitrail ! Ibid p 23 **** Lire la mémoire aux volets fermés, ses crimes, ses clés, ses caves, le château des pluies,
Lire la prose des ombres, le babil des abeilles, cette chose noire et douce,
Lire au soir le blason des nuages lorsque l'eau se ride et que tu allonges la main, tirant le fond noir du ciel. Ibid p36 **** C'était perdu dans la nuit -, au plus profond de la forêt. Le temps se posait dans ton nom
Comme l'oiseau sur la plus haute cime. Le temps mystérieux comme
une forêt, comme une clairière dans la forêt, comme une harde de cerfs dans la forêt. Ibid p56 **** Tu aurais voulu des aventures en pays imprévisibles et frapper fort sur le tambour terrestre.
Tu aurais guerroyé mille et cent ans sous des soleils inflexibles pour des tribus de corbeaux, des peuples de lynx ou d'étoiles.
Tu t'es retiré dans un rêve n'ayant tué ni la cruelle chimère, ni la nuit grave, ni le Temps aux pieds de plomb Ibid p62 **** L'oubli comme une clef qui se ferme, comme un nom sans personne, comme un trou qui s'effondre
En lui-même. Et c'est aussi du temps qui se dissipe dans la croissance de la nuit.
Cette suave pluie où rien ne pense, et qui trace dans les cours une écriture indéchiffrable. Ibid p 83 **** Il y a la nation des nuages la langue cruelle de la lune d'été, les oiseaux courageux, et rien.
Il y a l’œil solaire, quelqu'un, personne, une poignée de paroles, et rien.
Il y a une femme endormie, l'heure qui est palpable comme son épaule, la houle pacifique, et rien. Ibid p 86 **** Je donnerai toutes les nuits du monde pour cette femme inventée comme une grande clarté rouge.
Comme un pays abandonné avec sa chevelure de poudre.
Je donnerai toutes les pluies toutes les preuves tous les silences pour celle qui dort près de moi, même absente. Ibid p 97 **** Que peuvent-ils les mots sur tant d'abîme ? La mort qui n'est que mort, toute la mort, cette griffe noire sur les corps pliés.
Les soucis les brûlures les années et bientôt la pierre impitoyable
Que peuvent-ils ? la terre elle-même se tait. Tout repose dans la fausse mémoire du temps qui les ignore, du temps vain et sans voix Ibid p 110 **** Comme on glisse hors de soi aux confins de la veille et du songe, on regarde une autre demeure, un corps chantant.
Qui est cet homme proche de toi si peu semblable et pourtant ressemblant,
Dans le tumulte des soifs et des mondes, broyant le grain des paroles, cherchant la source brève, la présence sans nom ? Ibid p 115 Un instant tu as oublié le nom des choses : la nuit est vide, l'heure n'est plus cette écriture du sable et des oiseaux.
Un instant tu es entré dans la non-vision du soleil, dans l'immobile minuit, dans la cave de l'impossible naissance
Du monde. Il n'y avait nulle apparence, nul être, pas même la trace d'un brin d'herbe ou l'hypothèse
D'un nuage, ni début ni fin, seulement cette mesure de l’in- connaissable et la parfaite absence. In Syllabes de sable © Poésies/Gallimard 2004 p 159 **** Devant toi, venu d'un quartier d'enfance, que vois-tu ne sachant plus où ni quand : ciel craintif, orage contenu ?
Quel jour déclinait, brouillard d'heures en dérive, avec un bruit de roues, jusqu'au fond du soir ?
Tu marchais le long des roseaux sombres du fleuve, minuscules myosotis ici ou là , camélias stériles
Et sans parfums, tu respirais un souffle lent venu de la forêt voisine : ta vie quelque part existait. Ibid p165 **** Tu n'es personne. Ce qui tourne autour de toi, paroles, maisons, visages, tourne autour d'un centre qui n'existe pas.
Ton lieu est vers le dehors dans la nuit de toute langue, tu vis en lisière, corps exilé, corps étranger.
Et comme un orchestre caché, tu ne sais quels instruments en toi résonnent, cordes ou cuivres, harpes ou tymbales,
Serait-ce le pas des nuits qui s'imprime sur le sable et se dissout dans la mémoire éteinte. Ibid p 170 **** Une sorte de chant pareil au jour qui traverse un feuillage et descend, furtif, jusqu'à l'herbe pauvre.
Un chant qui parle d'octobre et d'eau cachée, de lointains sans amertume, fronts mêlés, collines heureuses.
Et ce besoin d'espace entre les mots, comme une disposition de traces et de froissements.
Ici entre les fleurs, avec le grain des ombres, la vie circule et boit, fugitive, à d'anciennes sources. Ibid p178 **** Je t'attendais à la porte des heures : le silence est si vaste. Que sont devenues ces traces d'eau fuyante entre les pierres ?
Écoute au miroir des heures vides sonner les chiffres de la nuit, ils ne sont la voix de personne sinon du sable qui s'épuise.
Les heures traversent l'obscur, passantes proches, venues de quel ciel, de quel monde
Vain ? maintenant que tu n'es plus qu'une parole étrangère et qui s'en va ? Ibid p 186 **** Ces pauvres choses qui nous étaient si proches, cartes et plumiers, règles, compas, la nuit dispersée, la confiance ancienne.
Aux quatre coins du monde, les clameurs, les phares, écoliers et chevaux, l'incroyable beauté des rires et des voix.
Tout cela qui s'éloigne comme un ballet d'éphémères, une feuille au fil de l'eau flottant.
On ne voit plus devant soi qu'abîme, une ombre, une autre, des murs froids, des effondrements. Ibid 192 **** Il n'y a pas d'hiver dans les choses, ni grilles ni paroles stagnantes.
II n'y a pas d'énigme dans le lait, il n'y a pas de brume dans la pierre, ni rire dans les nœuds d'angoisse.
Mais il y a des terres enfouies et qui renaissent, des récits qui circulent entre
La chair et le souffle, des cités lyriques entre soleil et pluie et dans tes yeux le temps fertile. Ibid p 240 **** Toi qui n'existes pas et qui habites quel pays quelle parole, toi qui n'es d'aucun lieu sinon celui que dit le poème.
Tu écoutes ce léger bruit d'eau qui circule dans l'air qui nous attend, dans la transparence du feuillage qui touche au bleu du soir.
Tes yeux sont dans la buée de couleurs visités par un rêve qui n'a pas de mur, tu as la bouche invariable
De l’enfance à Noël inguérissable à la limite immobile du grand sommeil. Ibid p 241 **** Syllabes de sable, c'est l'été, rien ne bouge sinon, séparé du monde, ce mort en toi qui se lève.
Tu le connais, toi l'outragé, toi l'humilié qui vois tout cela.
Viens, je te conduirai dans l'incendie du temps loin de la quotidienne imposture.
Jusqu'à ce trait d'écume blanche comme le sommeil, là -bas : les nuages, l'oubli. Ibid p 263 **** Changer de maison avec d'autres bagages, changer de ciel pour un château sans âge, changer de souffle, de pieds, de ventre, devenir un battement d'aile d'oiseau,
La saveur de l'air, la gaieté du chemin, l'eau profonde d'un puits, lieu sincère qui rit au nuage ;
Changer de rue comme on change de crâne, circuler dans le hennissement des chevaux, dans la sève du sycomore et la senteur heureuse des pierres : devenir
Du sommeil flottant dans un rosier fleuri ou dans l'étreinte du regard extrême : tel est l'art insensé de poésie. Ibid p 307
Liens
http://youtu.be/42Q5qFD3q-Q A une morte
Posté le : 17/01/2014 22:50
Edité par Loriane sur 18-01-2014 22:52:18
|