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De Montpellier
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RADIOACTIVITÉ
La radioactivité désigne un vaste ensemble de phénomènes physiques, dont le dénominateur commun consiste en une modification du noyau atomique des éléments.
Il existe dans la nature une centaine de type d'atomes. Ils ont été regroupés par Mendeleïev en 1869 sur un tableau montrant les analogies chimiques. Un atome (dimension environ 10—10 m) est lui-même constitué d'un noyau minuscule (environ 10—15 m) contenant toute la masse, et de Z électrons évoluant autour de lui sur des couches concentriques diffuses. Ce nombre Z, appelé numéro atomique, caractérise l'élément « X » et ses propriétés chimiques (par exemple, Z = 8 si X est O, l'oxygène). Le noyau est lui-même un assemblage compact de Z protons et de N neutrons, formant un système de A = N + Z nucléons. Le nombre A s'appelle nombre de masse et le noyau correspondant s'écrit AZXN ou, en abrégé, AX et s'appelle un nucléide. Deux éléments de même nombre atomique Z, mais de A (ou N) différents sont des isotopes ; ils ont les mêmes propriétés chimiques, mais peuvent avoir des propriétés physiques fort différentes. Ainsi l'élément carbone C (Z = 6) est représenté sur la Terre essentiellement par 12C, mais aussi par 13C et 14C. La nature est très généreuse dans la distribution des rôles. Un même nucléide existe avec des masses, ou énergies, différentes ; cela correspond à des configurations différentes de répartition des nucléons. Dans son arrangement d'énergie la plus basse, le noyau est dans son état fondamental. Dans les autres configurations, il se trouve dans un état excité.
La nature recherche les configurations où l'énergie est minimale. Si un noyau se trouve par hasard dans un état qui ne correspond pas à ce minimum, il va tout faire pour trouver un chemin qui mène à celui-ci et qui soit compatible avec un certain nombre de règles de conservation (énergie, charge électrique...). Sa quête du bon chemin pourra prendre un temps très variable. Ainsi, un état excité revient spontanément à un état d'énergie plus basse, voire à l'état fondamental correspondant au niveau d'énergie le plus bas, en émettant de la lumière. Cette lumière possède une très courte longueur d'onde, nommée rayonnement gamma (γ). Ce passage est très bref, de l'ordre de 10—9 à 10—14 s ; on l'appelle désexcitation d'un état excité. Mais il arrive que l'état fondamental lui-même ait besoin de se transmuter pour se vêtir d'une énergie plus basse ; il est forcé de changer d'espèce. Cette alchimie se produit spontanément dans la nature et la transmutation du noyau vers une configuration plus stable constitue le phénomène de radioactivité ; le noyau originel est dit radioactif. Par opposition, un noyau perdurant éternellement est dit stable.
1. La découverte de la radioactivité En 1895, Wilhelm C. Röntgen remarque que le verre du tube cathodique qu'il utilise pour ses expériences émet un rayonnement invisible capable d'impressionner une plaque photographique. Il nomme rayons X ce rayonnement étrange. Il présente sa nouvelle découverte à l'Académie des sciences de Paris en janvier 1896. Henri Poincaré est très intéressé par ce phénomène et demande à Henri Becquerel d'étudier le rapport entre phosphorescence et rayons X. Becquerel est issu d'une lignée de brillants physiciens, spécialistes de phosphorescence et de luminescence. Il se met sans tarder au travail et déniche dans son laboratoire des cristaux de sulfate double d'uranyle et de potassium. Il dépose ce sel sur une plaque photographique entourée d'un papier noir et expose le tout au soleil. Après développement, la plaque est effectivement impressionnée. Ainsi donc, ce sel émet bien des « rayons X », après excitation par la lumière solaire. Mais l'histoire ne s'arrête pas là , et comme souvent, c'est un heureux hasard qui est à l'origine d'une fantastique découverte. Vers la fin février 1896, il prépare son matériel habituel mais, le soleil étant absent, il décide de remettre à plus tard son expérience et enferme ses plaques dans un tiroir. Quelle n'est pas sa surprise de constater, quelques jours plus tard, que celles-ci ont été fortement impressionnées dans le noir. Ce sel n'est donc pas phosphorescent, mais il émet un rayonnement de façon intrinsèque ! La radioactivité vient d'être découverte.
L'émission des rayons « uraniques » aiguise la curiosité d'un couple de physiciens particulièrement motivés : Pierre et Marie Curie. Ceux-ci vont consacrer désormais leur vie à l'étude de cette radioactivité, comme l'appela alors Marie Curie. Avec du matériel précaire et dans des conditions de travail souvent très pénibles, mais animés d'une volonté sans limite, ils vont comprendre que l'origine de ce rayonnement est due à certains éléments, l'uranium en particulier. Après avoir manipulé de leurs mains des tonnes de minerai, ils parviennent à isoler deux nouveaux éléments radioactifs, le polonium (Po) et le radium (Ra). Ce dernier élément est particulièrement rare (2,8 t d'U contiennent 1 g de Ra) et actif. Pour ces découvertes capitales, Becquerel et les Curie reçoivent le prix Nobel de physique en 1903.
À la suite des travaux des Curie, la radioactivité intéresse de nombreux physiciens. Mais tous leurs travaux portent sur des substances présentes sur la Terre. C'est à un autre couple célèbre, Frédéric Joliot et Irène Curie, que revient le mérite de montrer en 1934 que des éléments créés par l'homme peuvent aussi être radioactifs. En bombardant des feuilles d'aluminium par des particules alpha, ils produisent l'isotope 30P (phosphore 30), qui se révèle être un radioélément se désintégrant en 30Si (silicium 30). La découverte de la radioactivité artificielle ouvre le champ à toute une gamme d'applications en physico-chimie et en biologie. Le prix Nobel de chimie en 1935 est décerné à ces deux chercheurs.
Photographie Imagerie médicale : les découvreurs de la radioactivité artificielle Frédéric et Irène Joliot-Curie, dans leur laboratoire, étudient des composés radioactifs. Ces derniers serviront bientôt à la visualisation, à l'échelle microscopique, des constituants profonds du corps humain. Crédits: Collection Guy Pallardy Consulter
2. La loi de décroissance radioactive Un noyau radioactif X va, tôt ou tard, se transformer de la façon suivante : X → A + B + ... + G (1).
Les particules A, B, ..., G peuvent être elles-mêmes d'autres noyaux, ou des particules plus élémentaires. L'ensemble des particules A, B, ..., G s'appelle une voie de désintégration. X peut avoir une seule ou plusieurs voies différentes. De plus, certains noyaux de la voie finale peuvent être eux-mêmes radioactifs. Enfin, la désintégration (1) libère beaucoup de chaleur fournie par l'énergie cinétique des particules émises.
La réaction (1), ou désintégration de X, est complètement aléatoire. Nul ne peut prédire à quel moment elle va survenir. Les seules certitudes sont d'ordre statistique. Si à un instant donné t, un échantillon contient N(t) noyaux de type X, il va subir, en moyenne avec une erreur de l'ordre : √dN(t), pendant un temps dt un nombre dN(t) de désintégrations (1) – et par conséquent il va disparaître un nombre dN(t) de noyaux X – proportionnel à N(t), ce que l'on exprime par l'équation : dN/dt = —λN(t) (2), où λ est une constante caractéristique de (1), qu'on nomme constante radioactive de la voie (1). S'il existe p voies de désintégration pour X, alors dNi noyaux disparaissent par la voie (i) avec une constante λi. En sommant les p possibilités de désintégrations, on a une loi d'évolution qui est encore donnée par (2), avec λ = λ1 + λ2 + ... + λp. La variation du nombre de noyaux présents à un instant t subit une décroissance exponentielle : N(t) = N(0)exp(—λt) (3).
Cette loi est fondamentale, car valable pour tous les types de désintégrations. Elle fut proposée en 1900 par Ernest Rutherford.
Plutôt que λ, les physiciens préfèrent utiliser la constante T = 0,693/λ, appelée période radioactive de l'élément X ou demi-vie, car elle représente le temps nécessaire à une réduction de moitié d'une population. La période d'un isomère (état excité particulier à longue période) peut être de l'ordre de la microseconde (μs) ou moins, celle de 14C (carbone 14) est 5 730 ans, celle de 87Rb (rubidium 87) est 48 × 109 ans et celle de 76Ge (germanium 76) est 1,53 × 1021 ans.
La quantité A(t) = λN(t) représente, d'après (2), le nombre de désintégrations du noyau X (toutes voies confondues) par unité de temps. On l'appelle activité de l'échantillon à l'instant t. On dit que celui-ci est plus ou moins actif selon que l'activité est plus ou moins grande. On mesure l'activité d'un corps en becquerels (1 Bq = 1 désintégration/seconde) ; une unité encore employée est le curie (1 Ci = 3,7 × 1010 Bq) correspondant à l'activité d'1g de radium pur.
3. Les différents types de radioactivité
Jusqu'à la fin du XIXe siècle, toutes les lois expliquant la nature reposaient finalement sur deux types de forces (les physiciens parlent plutôt d'interactions) fondamentales : la gravitation et l'électromagnétisme. Pourtant, à l'aube du XXe siècle, les physiciens se rendent compte que, si l'on scrute l'infiniment petit, ces deux forces seules sont incapables d'expliquer le comportement des particules évoluant dans ce monde microscopique. Il faut faire appel à deux autres types de forces : l'interaction forte et l'interaction faible, qui étaient jusqu'alors passées inaperçues du fait de leur très faible portée. L'étude de la radioactivité prit une part prépondérante dans cette prise de conscience.
En 1999, on a mis en évidence tous les éléments depuis Z = 1 jusqu'à Z = 112 (une expérience récente prétend avoir mis en évidence les éléments Z = 114, Z = 116 et Z = 118). Un élément donné possède en général au moins un isotope stable, et plusieurs isotopes radioactifs. Par exemple, on connaît 15 isotopes de l'oxygène (de A = 12 à A = 26), mais seuls 16O,17O et 18O sont stables. Tous les éléments de Z = 1 à Z = 83 (sauf Z = 43 et Z = 61) possèdent au moins un isotope stable, et donc sont présents sur la Terre. Ceux de Z = 84 à Z = 92 sont radioactifs, mais encore présents sur la Terre. Les éléments avec Z > 92 n'existent pas naturellement, mais ils ont été fabriqués et étudiés par l'homme. Pour résumer la situation, 280 nucléides sur les 3 000 connus sont stables. La radioactivité est donc un phénomène courant. Les physiciens ont analysé les modes de désintégration les plus fréquents.
On reporte souvent dans un plan (N, Z) l'ensemble des nucléides. On appelle celui-ci la carte nucléaire. On représente chaque nucléide par un petit carré affecté d'une couleur conventionnelle correspondant au mode de désintégration dominant. Cette carte est illustrée dans la figure. Les noyaux stables sont situés dans une zone appelée « vallée de stabilité ». Sur les bords de celle-ci, on trouve les noyaux radioactifs, qui finissent par rejoindre la vallée en empruntant des chemins variés. La forme de cette vallée résulte d'un combat subtil entre l'interaction forte, qui tend à rendre Z = N, et la force électrique, qui tend à séparer les protons.
Carte nucléaire correspondant à l'ensemble des nucléides connus à l'heure actuelle. Chaque nucléide est symbolisé par un carré repéré dans ce plan par son nombre de protons Z (sur la verticale) et son nombre de neutrons N (sur l'horizontale). Les noyaux stables sont représentés en noir et forment la… Crédits: 2009 Encyclopædia Universalis France S.A. Consulter On distingue traditionnellement trois types de radioactivité : la radioactivité naturelle (émission de particules α), découverte par Henri Becquerel, la radioactivité artificielle (radioactivité β et rayonnementγ), découverte par Irène et Frédéric Joliot-Curie, et la radioactivité exotique, découverte plus récemment (1984) par Herbert J. Rose et G. A. Jones. La radioactivité naturelle provient de trois sources :
– des radionucléides produits en même temps que la Terre il y a 4 milliards d'années (U, Th, Np…) et de leurs nombreux descendants aux durées de vie très diverses (le radium et le radon sont les plus connus) ; cette radioactivité est dite d’origine « tellurique » ;
Familles radioactives « naturelles » Familles radioactives « naturelles » : 238U, 232Th, 235U et famille de 237Np. Sur les trois premières familles, on a fait figurer, à côté du nom actuel de l'élément, le nom ancien qui fut attribué au moment des découvertes sur les radioéléments naturels. Crédits: 2005 Encyclopædia Universalis France S.A. Consulter – des rayons cosmiques ;
– des radionucléides produits en permanence par action de ces rayons cosmiques sur des atomes dans la stratosphère ou la haute atmosphère (14C, 3H, …).
• Les modes classiques Radioactivité α La particule alpha (α) est un noyau d'hélium α = 42He ; c'est une particule très stable. Un noyau possédant un Z grand subit des tiraillements dus à la répulsion électrique des protons. L'expulsion d'un α par un tel noyau devient intéressante, car le noyau résiduel possède une plus faible énergie électrique. Nous avons affaire à une transmutation du genre :
Une grande partie des noyaux lourds se désintègrent de cette façon, avec la propriété que l'énergie Eα de la particule α est unique pour chaque réaction particulière. Ainsi, la désintégration du 238U donne des α de 4,198 MeV.
Radioactivité β Il existe trois sortes de radioactivité β.
À la base de la radioactivité β— est la transmutation d'un neutron (n) en proton (p), selon la réaction :
L'antineutrino ̄ν (antiparticule du neutrino ν) est une particule élémentaire neutre. Lorsque cette réaction se produit à l'intérieur d'un noyau, nous avons une désintégration du genre :
Cette réaction n'est énergétiquement favorable que pour les noyaux possédant un surplus de neutrons par rapport aux protons. La radioactivité β+ est fondée sur la réaction de base :
qui ne se produit jamais spontanément mais qui peut fort bien survenir dans un noyau pour peu que les conditions énergétiques s'y prêtent. Il en découle une désintégration du genre :
Cette réaction survient plutôt pour les noyaux « riches en protons » qui veulent se séparer de leur surplus. Dans ces deux types de radioactivité β, les électrons e— ou les positons e+ ont un spectre en énergie continu. Une autre possibilité de base très analogue à la précédente est : Lorsqu'elle se produit dans un noyau, le proton « avale » un électron du cortège atomique (en général un électron situé près du noyau) et se réincarne en neutron, pour donner une réaction comme suit :
Cela s'appelle une capture électronique ; elle est moins gourmande en énergie que la radioactivité β+ et peut se produire dans des circonstances où celle-ci est interdite. L'atome Y est produit dans une configuration excitée ; il retourne à son état fondamental par émission de rayons X, ce qui constitue la signature de cette réaction, le ν étant très difficilement détectable. Radioactivité γ Un noyau dans un état excité, noté X*, retourne à un état de plus basse énergie (un autre état excité ou l'état fondamental), en émettant un rayonnement γ électromagnétique de courte longueur d'onde ou, en vertu de la dualité onde-corpuscule, des photons γ de grande énergie, selon le modèle :
Le noyau conserve son « identité », et on parle de désexcitation plutôt que de radioactivité. Néanmoins, par tradition, on appelle volontiers radioactivité γ ces types de désintégrations résultant d'un état excité lui-même produit par une radioactivité de type α ou β. Si l'état excité possède une période appréciable, on parle d'un isomère. Dans certains cas, on le compte presque comme un nucléide à part entière.
Fission Pour des raisons assez analogues à celles qui interviennent dans la radioactivité α, un noyau très lourd peut se déformer à un point tel qu'une cassure devient inévitable. Le noyau initial se scinde en deux gros fragments (parfois trois) d'importance à peu près égale, plus quelques particules légères, en général des neutrons. Le schéma de désintégration est le suivant : X → A + B + n + n +... (9).
On appelle ce processus la fission nucléaire. Certains noyaux la subissent spontanément ; le plus souvent, elle entre en compétition avec une émission de α.
• Les modes exotiques A priori, n'importe quelle réaction du type (1) est susceptible de se produire si le bilan d'énergie est favorable. En pratique, parmi toutes les voies de désintégrations ouvertes, on ne détectera que celles qui correspondent aux périodes les plus courtes. Pour la grande majorité des noyaux connus, ce cas de figure correspond aux modes classiques. Pour y échapper, on peut soit attendre très longtemps un phénomène rare, soit chercher dans des noyaux exotiques.
Radioactivité par proton ou neutron Si on s'intéresse à un noyau qui contient un surplus de protons très important, il peut émettre spontanément un proton et donner :
Ce noyau est très éphémère, car il n'est pas lié par rapport à son constituant le plus simple, le proton. Les noyaux pour lesquels cette réaction est possible sont dits être sur la drip line proton dans la carte nucléaire.
On peut avoir un phénomène analogue, avec émission d'un neutron, pour les noyaux anormalement riches en neutrons :
Ici non plus, le noyau n'est pas lié par rapport à un autre constituant, le neutron. Il existe de même la drip line neutron. L'exploration de ces drip lines constitue à l'heure actuelle un domaine de recherche très attractif pour le physicien, car elles constituent les frontières ultimes de la carte. La radioactivité double β Il arrive, dans certains cas extrêmement rares, qu'un noyau ne puisse effectuer une désintégration β classique, mais puisse « sauter une case » et gagner un voisin éloigné, par une double désintégration β, en évitant l'étape du voisin immédiat. On a affaire à une transition du genre :
C'est dans ce type de radioactivité que l'on trouve les noyaux de plus longue période (de 1019 à 1021 ans). Leur mesure demande des prouesses technologiques fantastiques.
Certains modèles théoriques prédisent la réaction précédente, mais sans émission des numacr, avec une période de l'ordre de 1024 ans.
4. La radioactivité comme source d'énergie Une réaction de fission, comme celle qui est écrite en (9), est une source d'énergie considérable, de l'ordre de 200 MeV pour des nucléides avec A = 240. Cela signifie que la fission d'1 gramme d'uranium (U) produit autant d'énergie que la combustion de 2,5 tonnes de charbon. La fission spontanée concerne peu de noyaux ; en revanche, on peut provoquer la fission en irradiant par des neutrons un élément dit « fissile ». C'est le cas en particulier de 235U, présent à 0,7 p. 100 dans l'uranium naturel. La fission transite par un état excité de 236U. La réaction (9) produisant en moyenne 2,5 neutrons, on peut utiliser les neutrons produits pour induire une autre réaction de fission, et récupérer au passage une énergie considérable. C'est le principe de la réaction en chaîne.
• La fission contrôlée Dans un réacteur nucléaire en fonctionnement, on garde exactement 1 neutron par fission pour auto-entretenir la réaction, le surplus de neutrons étant absorbé par des matériaux idoines. Plusieurs technologies sont employées. La plupart des réacteurs du parc nucléaire français sont à eau pressurisée (R.E.P., en anglais P.W.R.) ; ils utilisent de l'uranium naturel enrichi à 3 p. 100 en 235U. Les neutrons de fission sont ralentis par un modérateur, afin de provoquer un rendement optimal pour chaque fission. Les réactions de fission produisent aussi toute une gamme de produits, malheureusement radioactifs pour la plupart.
• Les bombes Le principe de la « bombe atomique » est celui d'une fission non contrôlée, le plus souvent à base de 235U ou de 239Pu. Au départ, une fission produit 2 neutrons, qui produisent 2 fissions donnant 4 neutrons, qui produisent 4 fissions donnant 8 neutrons, etc. Le temps de production d'une fission est quasi instantané. La réaction en chaîne entraîne en un temps très bref une quantité gigantesque de fissions responsables d'une énergie libérée phénoménale. Les effets dévastateurs de la bombe sont tout d'abord la chaleur et l'onde de choc au voisinage immédiat de l'explosion. Les effets dus à la radioactivité surviennent à plus long terme pour les individus fortement exposés.
Un avatar moderne de cette bombe est la « bombe à neutrons » qui minimise les effets de chaleur, mais qui maximise l'émission de neutrons. Elle présente la particularité de tuer les hommes, mais d'épargner le matériel.
• Les déchets nucléaires La partie intéressante de la réaction de fission (9) est la production de (n) nécessaire à la réaction en chaîne. Elle produit aussi des « fragments » de fission de masse intermédiaire (90 < A < 140), et des nucléides de grande masse (A = 240 environ) produits par des captures successives de (n) sur les noyaux de grande masse. La plupart des sous-produits ne participent pas à la réaction en chaîne et, étant souvent fort actifs, ils sont très indésirables : ce sont les déchets nucléaires. On distingue trois types de déchets selon leur activité, et selon leur période (les déchets de très courte période disparaissent d'eux-mêmes) : ceux de classe A, B ou C par ordre de toxicité. Ils peuvent être gazeux, liquides ou solides. On en élimine certains, directement ou après traitement, dans l'environnement. Mais la période d'un élément est une constante de la nature et l'homme n'a aucun pouvoir pour la changer et accélérer le processus de désintégration. Les déchets de longue période, comme le 239Pu, sont très encombrants. On peut effectuer un retraitement sur les barres irradiées, pour séparer les produits de fission de l'uranium et réutiliser celui-ci. Mais les déchets ultimes à période longue posent un problème très grave à notre société. Pour le moment, on se contente de les stocker dans des conditions les plus sûres possibles. Diverses solutions ont été proposées, le stockage profond réversible étant en faveur à l'heure actuelle, mais il est clair que nous laissons aux générations futures un problème que nous ne savons pas résoudre (cf. NUCLÉAIRE - Déchets).
5. La radioactivité autour de nous Qu'elle soit naturelle ou artificielle, qu'elle provienne du Soleil, du cosmos ou des activités humaines, la radioactivité est présente autour de nous, en tous lieux, en tout temps.
Photographie Scintillateur liquide du détecteur KamLand Le scintillateur liquide du détecteur KamLand est un gigantesque ballon de 13 mètres de diamètre, rempli quand il est opérationnel de 1 000 tonnes d'huile minérale et contenant 1 879 tubes photomultiplicateurs aptes à mesurer l'énergie des photons qui le traversent. Crédits: Stanford University Consulter Les réactions thermonucléaires produites au cœur du Soleil fusionnent, par des phénomènes de catalyse variés, 4 protons en un noyau d'hélium. Cela n'est possible que grâce à la radioactivité β qui permet de muer un (p) en un (n).
Les particules très énergétiques provenant de notre Galaxie ou même d'autres galaxies interagissent avec les atomes présents dans la haute atmosphère et donnent naissance à de nombreux éléments radioactifs, comme 14C, qui ensuite, par des phénomènes de convections souvent complexes, se retrouvent dans notre environnement et même dans notre corps, ce qui implique que chaque être vivant est lui-même le siège d'une certaine radioactivité.
Une grande partie de la radioactivité naturelle provient des radioéléments de trois grandes « familles ». Une famille est constituée d'un élément père et d'une série de descendants obtenus d'un parent par une désintégration de type α ou β. La filiation radioactive s'arrête sur un nucléide stable. La première famille démarre avec 238U et se termine au 206Pb, la deuxième a pour père 235U et s'achève au 207Pb, et la dernière commence avec 232Th et finit sur le 208Pb. Les périodes des pères sont beaucoup plus grandes que celles des fils et, avec le temps, il s'établit un « équilibre » tel que tous les descendants possèdent la même activité. C'est un peu comme si un grand réservoir d'eau (le père) se déversait dans une série de réservoirs de taille variable (les fils) avec un débit constant (l'activité) de façon que chaque réservoir se vide au même rythme qu'il se remplit ; le réservoir final (noyau stable) grossit au fil du temps. Cette radioactivité naturelle est responsable de la chaleur interne du globe et donc du volcanisme. C'est elle qui alimente nos ballons gonflés à l'hélium. Elle est aussi présente dans les roches ; ainsi le 226Ra contenu dans le granite rend les maisons construites avec ce matériau radioactives et alimente notre air avec un gaz inerte 222Rn particulièrement nocif.
La radioactivité naturelle est essentiellement due à des radionucléides de très longue période, de l'ordre de l'âge de la Terre (4,6 milliards d'années), sinon ils auraient déjà disparu, ainsi qu'à leurs descendants radioactifs, qui peuvent exister avec des périodes plus courtes puisqu'ils sont constamment renouvelés.
Il faut citer essentiellement les trois familles de l'uranium 238 (4,5 × 109 ans), de l'uranium 235 (7,1 × 108 ans) et du thorium 232 (1,4 × 1 010 ans), ainsi que l'isotope 40 du potassium (1,3 × 109 ans, 0,012 p. 100 du potassium naturel), émetteur β—, sans descendant radioactif. Incidemment, la faiblesse relative de la période de l'uranium 235 explique sa faible concentration (0,7 p. 100) dans l'uranium naturel qui, pour la majorité des réacteurs actuellement en service, nécessite un enrichissement en isotopes 235. Cette concentration était de 3 p. 100 il y a près de deux milliards d'années, analogue à celle de l'uranium enrichi utilisé dans nos centrales électronucléaires, et elle a permis à cette époque le fonctionnement de réacteurs naturels découverts à l'état fossile au Gabon dans la mine d'uranium d'Oklo en 1972 (cf. encadré Le réacteur nucléaire naturel de Bagombé au Gabon).
La concentration massique moyenne de ces radionucléides dans la croûte terrestre est faible et se chiffre en parties par million. Néanmoins, ce sont des sources permanentes d'énergie, et l'énergie qu'ils dégagent est un des facteurs du bilan géothermique du globe terrestre. Les activités humaines produisent aussi de nombreux éléments radioactifs, de tous types et de toutes périodes. Il y a bien sûr les déchets des centrales nucléaires, les résidus des explosions des bombes, mais aussi tous les radio-isotopes produits dans les laboratoires de recherche et dans les hôpitaux.
6. La radioactivité, horloge du monde La nature, dans sa grande générosité, a mis à notre disposition des éléments actifs de périodes très variées, depuis la seconde et moins jusqu'au milliard d'années et plus. On peut mettre cela à profit pour dater des échantillons. La méthode de datation est, dans son principe, simple. Supposons un élément composé, au moment de sa création, à 100 p. 100 d'un isotope radioactif X. Si on connaît les périodes des éléments de la filiation conduisant au nucléide stable Y, il suffit de mesurer le rapport des quantités X/Y pour accéder à la durée séparant la création de la mesure, autrement dit l'âge. Il faut bien sûr choisir un élément X dont la période soit de l'ordre de grandeur de l'âge supposé. En pratique, l'affaire est plus délicate, par exemple si l'objet testé contenait déjà un mélange de X et de Y au moment de sa création. Il faut alors connaître avec une précision correcte ce pourcentage. Il se peut aussi qu'en cours de route des accidents de parcours modifient ce beau déroulement planifié. D'une certaine façon, il faut connaître et la genèse et l'histoire. Les évaluations se font en général par recoupement de plusieurs méthodes.
L'utilisation de la radioactivité a ainsi permis aux géologues de dater l'âge de la Terre, en mesurant les plus vieilles roches terrestres et météoritiques. En plus des méthodes fondées sur les trois familles naturelles U/Pb et Th/Pb, on utilise fréquemment des « horloges » fondées sur les rapports 40K/40Ar et 87Rb/87Sr.
La datation de la mort d'un être vivant repose sur la désintégration de 14C (qui conduit à 14N par activité β—). Cet élément est formé dans la haute atmosphère par les rayons cosmiques. Il se lie avec O pour donner CO2 qui est absorbé par les plantes puis par les animaux. Le rapport y = 14C/12C reste constant pendant la vie, dû aux échanges de l'organisme avec l'extérieur. À la mort de celui-ci, les échanges cessent et 14C suit inexorablement sa désintégration naturelle. La mesure de y donne une idée de l'âge. En fait, la création de 14C varie au cours du temps, et des corrections s'imposent par rapport à une application simpliste des lois de radioactivité. La période de 14C étant de 5 730 ans, on ne peut pas remonter avec cette méthode à plus de 50 000 ans dans le temps.
7. Radioactivité et santé La radioactivité artificielle a donné l'élan à la production de nombreux isotopes radioactifs de périodes fort variables. Ce don de la nature, un peu forcé par l'homme, est une manne pour les biologistes et les médecins.
Les propriétés chimiques d'un isotope stable ou d'un homologue radioactif sont les mêmes et on peut ainsi préparer des molécules qui contiennent des atomes radioactifs, que l'on suit « à la trace » par la détection de leurs produits de désintégration. C'est le principe de la méthode des traceurs ou des indicateurs utilisée pour suivre le métabolisme des molécules à l'intérieur d'un organisme. De très faibles quantités (10—15 g) d'éléments actifs sont suffisantes ; on choisit des isotopes de faible période. De plus, on cible l'isotope en fonction du tissu étudié : Fe pour l'hémoglobine, I pour la thyroïde, Xe ou Kr pour les poumons... Dans ce cas, le radio-isotope est introduit à l'intérieur du corps et va se fixer de façon préférentielle sur l'organe ciblé. Ce même schéma d'étude est à la base des radiodiagnostics. Par des moyens de détection très sophistiqués (scanner, tomographe à positons...), on parvient à « voir dans l'espace » des organes et à localiser ainsi des zones suspectes pouvant, par exemple, correspondre à des tumeurs.
Souvent, les rayonnements provenant de la radioactivité (α, β, γ, n, ...) peuvent atteindre les tissus vivants de l'extérieur (exposition accidentelle ou volontaire) ; on parle de rayonnements ionisants car ils créent dans les cellules traversées des ions + ou des ions – (radicaux libres très nocifs) en même temps qu'ils déposent de l'énergie. Les dégâts occasionnés sont fonction de nombreux facteurs : dose absorbée, localisation, durée d'exposition, type de cellules, type de rayonnement. En particulier, les cellules indifférenciées (cellules du sang) ou en division rapide (cellules germinales ou tumorales) sont très sensibles aux rayons. On utilise cette caractéristique en radiothérapie, pour détruire les cellules cancéreuses. Pour une dose absorbée donnée, les effets biologiques sont d'autant plus importants que le facteur de qualité (Q) affecté au rayonnement est important (on a Q = 1 pour des γ, mais Q = 20 pour des α). En plus des radicaux libres, le choc des particules ionisantes sur la molécule d'ADN d'une cellule peut provoquer des dégâts irréversibles. Si un seul brin d'ADN est coupé, les réparations sont effectives ; si les deux brins sont coupés les mécanismes biologiques de réparation sont défaillants et le résultat peut être la mort de la cellule ou une mutation génétique si une cellule germinale est atteinte.
Posté le : 25/08/2013 14:43
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