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De Montpellier
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La frontière de fer
Le nom de Vauban reste attaché à la construction d'une frontière de fer qui a durablement protégé le royaume contre les attaques ennemies. Afin de construire une frontière plus linéaire et cohérente, Vauban voulut avant tout rationaliser le système de défense déjà mis en place avant lui, en particulier dans le Nord, car il fallait répondre à la principale préoccupation stratégique du roi : protéger Paris souvenir de l'année 1636, celle de Corbie, qui avait vu les troupes espagnoles avancer jusqu'à Pontoise. Par un jeu savant d'abandon et de restitution de villes fortifiées, le traité de Nimègue, en 1678, permit de diminuer les enclaves coûteuses et d'assurer ainsi une plus grande régularité du tracé de la frontière. Vauban a multiplié les lettres, les rapports, les mémoires adressés à Louvois ou au roi ; dans ses lettres, rapports, mémoires, Vauban avait violemment dénoncé les méfaits de ce qu'il appelait l'« emmêlement de places ». En novembre 1678 par exemple, rédigeant un Mémoire des places frontières de Flandres qu'il faudroit fortifier pour la sûreté du pays et l'obéissance du Roi, il insistait sur la nécessité de « fermer les entrées de notre pays à l'ennemi, et de faciliter les entrées dans le sien. Aussi, pour le Nord du royaume, proposait-il d'installer deux lignes de places fortes se soutenant mutuellement, à l'imitation des ordres de bataille. La première ligne, la ligne avancée, serait composée de treize grandes places et de deux forts, renforcée par des canaux et des redoutes, suivant un modèle déjà éprouvé dans les Provinces-Unies. La seconde ligne, en retrait, comprendrait aussi treize places. Louvois lut le mémoire à Louis XIV qui souhaita aussitôt que la même politique défensive fût appliquée de la Meuse au Rhin. Cette année-là aussi, Vauban avait été nommé commissaire général des fortifications. Si le Nord et l'Est furent l'objet d'un soin défensif particulier, l'ensemble des frontières du royaume bénéficia de la diligence de l'ingénieur bâtisseur : partout, imitant la technique mise au point en Italie puis en Hollande et en Zélande par les Nassau, Vauban conçut le réseau défensif à partir du modelé du terrain et des lignes d'obstacles naturels les fleuves, les montagnes, la morphologie du littoral, adaptant au site chaque construction ancienne ou nouvelle. Il accorda une particulière attention au cours des rivières, à leurs débits, à leurs crues. Dans tous les cas, après une longue observation sur le terrain, il rédigeait un long rapport afin de résumer les obstacles et les potentialités de chaque site : En avril 1679, par exemple, il rédigea pour Louvois un mémoire sur les fortifications à établir en Cerdagne au contact de la frontière espagnole : Qualités des scituations qui ont été cy devant proposées pour bastir une place dans la plaine de Cerdagne. Examinant six emplacements possibles, il en élimina cinq, découvrant enfin la scituation idéale … justement à la teste de nos défilés comme si on l'y avoit mise exprès … ; les rochers, les meulières et fontaines du col de la Perche forment autant de remparts naturels : la situation choisie offre de nombreux avantages, et elle épargne au moins les deux tiers de remuement de terre, et plus d'un tiers de la maçonnerie et en un mot la moitié de la dépense de la place. Dans la plupart des cas, comme dans cet exemple de la Cerdagne il s'agissait du projet réalisé de la ville-citadelle de Mont-Louis, parce qu'il est nécessaire d'assujettir le plan au terrain, et non pas le terrain au plan, il transforma les contraintes imposées par la nature en avantage défensif, dressant des forteresses sur des arètes rocheuses, ou les bâtissant sur un plateau dégagé pour barrer un couloir en zone montagneuse. Une des réussites les plus éclatantes fut celle de Briançon musée des Invalides et des plans reliefs : les chemins étagés sur les flancs de la montagne furent transformés en autant d'enceintes fortifiées et imprenables. Soit en les créant, soit en les modifiant, Vauban travailla en tout à près de trois cents places fortes. Sa philosophie d'ingénieur-bâtisseur tient en une phrase : l'art de fortifier ne consiste pas dans des règles et dans des systèmes, mais uniquement dans le bon sens et l'expérience . L’État des places fortes du royaume, dressé par Vauban en novembre 1705, se présente comme le bilan de l’œuvre bâtie suivant ces principes : il compte 119 places ou villes fortifiées, 34 citadelles, 58 forts ou châteaux, 57 réduits et 29 redoutes, y compris Landau et quelques places qu’on se propose de rétablir et de fortifier. La liberté d'esprit de ce maréchal lui vaudra cependant les foudres du roi. Vauban meurt à Paris le 30 mars 1707 d'une inflammation des poumons. Il est enterré à l'église de Bazoches dans le Morvan et son cœur, sur l'intervention de Napoléon Ier, est conservé à l'hôtel des Invalides de Paris, en face de Turenne, depuis 1808.
Un acteur du Grand Siècle, un précurseur des Lumières
Vauban est apprécié à son époque et jugé depuis comme un homme lucide, franc et sans détour, refusant la représentation et le paraître, tels qu’ils se pratiquaient à la cour de Louis XIV. Il préfère au contraire parler le langage de la vérité : … je préfère la vérité, quoi que mal polie, à une lâche complaisance qui ne serait bonne qu’à vous tromper, si vous en étiez capable, et à me déshonorer. Je suis sur les lieux ; je vois les choses avec appréciation, et c’est mon métier que de les connaître ; je sais mon devoir, aux règles duquel je m’attache inviolablement, mais encore plus que j’ai l’honneur d’être votre créature, que je vous dois tout ce que je suis, et que je n’espère que par vous … Trouvez donc bon, s’il vous plaît, qu’avec le respect que je vous dois, je vous dise librement mes sentiments dans cette matière. Vous savez mieux que moi qu’il n’y a que les gens qui en usent de la sorte qui soient capables de servir un maître comme il faut. — Lettre à Louvois, le 23 novembre 1668 Ses supérieurs, le ministre de la Guerre comme le roi, l’encouragent d’ailleurs, dans un intérêt bien compris de part et d’autre. Vauban est un « sésame aux multiples portes » comme l’écrit Michèle Virol, un lieu de mémoire de la nation France à lui tout seul, un homme à multiples visages : stratège réputé preneur de villes, il a conduit plus de quarante sièges, poliorcète il a construit ou réparé plus de cent places fortes, urbaniste, statisticien, économiste, agronome, penseur politique, mais aussi fantassin, artilleur, maçon, ingénieur des poudres et salpêtres, des mines et des ponts et chaussées, hydrographe, topographe, cartographe, réformateur de l’armée substitution du fusil au mousquet, remplacement de la pique par la baïonnette à douille. En un mot, une sorte de Léonard de Vinci français du Grand Siècle… Il a même écrit en 1695, pendant son séjour à Brest il s’agissait de repousser une attaque anglaise un Mémoire concernant la caprerie, dans lequel il défend la guerre de course par rapport à la guerre d’escadre c’était là un grand débat depuis la bataille de la Hougue en 1692 qui avait vu nombre de navires français détruits. Tous ces métiers ont un point commun : le maréchal ingénieur du Roi Soleil s'est toujours fondé sur la pratique, et il a toujours cherché à résoudre et à améliorer des situations concrètes au service des hommes : d’abord, ses soldats dont il a voulu à tout prix protéger la vie dans la boue des tranchées ou dans la fureur sanglante des batailles. Mais Vauban n’a cessé aussi de s’intéresser aux plus humbles sujets du roi, accablés de taille, de gabelle, et encore plus de la famine qui a achevé de les épuiser 1695. C’est pour ces hommes et ces femmes, tenaillés par la misère et par la faim, qu’il a écrit ce mémoire intitulé Cochonnerie, ou le calcul estimatif pour connaître jusqu'où peut aller la production d'une truie pendant dix années de temps. Dans ce texte singulier, d'abord titré Chronologie des cochons, traité économique et arithmétique, non daté, destiné à adoucir les rudesses de la vie quotidienne des sujets du roi, trop souvent victimes de la disette, Vauban voulait prouver, calculs statistiques à l'appui sur dix-sept pages, qu'une truie, âgée de deux ans, peut avoir une première portée de six cochons. Au terme de dix générations, compte tenu des maladies, des accidents et de la part du loup, le total est de six millions de descendants dont 3 217 437 femelles ! Et sur douze générations de cochons, il y en aurait autant que l’Europe peut en nourrir, et si on continuait seulement à la pousser jusqu’à la seizième, il est certain qu’il y aurait de quoi en peupler toute la terre abondamment . La conclusion de ce calcul vertigineux et providentiel était claire : si pauvre qu'il fût, il n'était pas un travailleur de terre « qui ne puisse élever un cochon de son cru par an, afin de manger à sa faim. Dans ses Mémoires, Saint-Simon, toujours imbu de son rang, qualifiait l'homme de petit gentilhomme de Bourgogne, tout au plus, mais ajoutait aussitôt, plein d'admiration pour le personnage, « mais peut-être le plus honnête homme et le plus vertueux de son siècle, et, avec la plus grande réputation du plus savant homme dans l'art des sièges et de la fortification, le plus simple, le plus vrai et le plus modeste… jamais homme plus doux, plus compatissant, plus obligeant… et le plus avare ménager de la vie des hommes, avec une valeur qui prenait tout sur soi, et donnait tout aux autres. Par ailleurs, on ne peut être que frappé par la multitude de ses compétences, de ses centres d’intérêt, de ses pensées, de ses actions : Il fut un précurseur des Encyclopédistes par sa façon d'aborder les problèmes concrets, ainsi le budget d'une famille paysanne, par exemple, ou sa Description géographique de l'élection de Vézelay de janvier 1696 dans laquelle il propose de lever un vingtième, sans exemption, et qui se différencie en un impôt sur le bien-fonds et sur le bétail, sur les revenus des arts et métiers, sur les maisons des villes et des bourgs ; Il est aussi dans le grand mouvement de penseurs précurseurs des physiocrates il lit Boisguilbert ; à la même époque, écrivent Melon, Cantillon par son intérêt pour l'agronomie et l'économie il insiste notamment sur la circulation de la monnaie et l’idée du circuit économique dont il est un des précurseurs. Il prône les valeurs qui seront défendues au XVIIIe siècle par Quesnay, et il encourage les nobles à quitter la cour pour le service des armes, mais aussi la mise en valeur de leurs domaines dans un mémoire intitulé Idée d’une excellente noblesse et des moyens de la distinguer par les Générations. Il fut encore un précurseur de Montesquieu par sa conception d'un État chargé avant tout d'assumer la protection de tous et leur bien-être : il veut lutter contre la misère, la corruption, l’incompétence, le mépris du service public.
Hyacinthe Rigaud, Sébastien Le Prestre de Vauban.
Dans tous les cas, Vauban apparaît comme un réformateur hardi dont les idées se situaient à contre-courant de ce que la majorité de ses contemporains pensait. Son contact avec le Roi lui permettait de soumettre directement ses idées, comme le Projet de Dîme royale, qui fut bien reçu. Louis XIV lui rendait bien cette franchise, cette liberté de parole et de jugement, en lui accordant une confiance absolue en matière de défense du royaume, comme en témoigne cette lettre dans laquelle il lui confie la défense de Brest, visé par les Anglais en 1694 : Je m’en remets à vous, de placer les troupes où vous le jugerez à propos, soit pour empêcher la descente, soit que les ennemis fassent le siège de la place. L’emploi que je vous donne est un des plus considérables par rapport au bien de mon service et de mon royaume, c’est pourquoi je ne doute point que vous ne voyiez avec plaisir que je vous y destine et ne m’y donniez des marques de votre zèle et de votre capacité comme vous m’en faites en toutes rencontres. Avant tout connu de ses contemporains pour sa maîtrise de l'art de la guerre et de la conduite de siège ainsi que pour ses talents d'ingénieur, Vauban ne se limite donc pas à ces quelques domaines. C’est bien, à chaque fois, le même homme dont toute l’œuvre, de pierre et de papier, témoigne d’une même obsession : l’utilité publique, que ce soit par le façonnement du paysage et la défense du territoire avec la construction de la ceinture de fer enfermant la France dans ses bornes naturelles, point au-delà du Rhin, des Alpes, des Pyrénées, des deux mers 1706, la transformation de l’ordre social au moyen d’une réforme de l’impôt, quand bien même, en bravant tous les interdits, faudrait-il, pour se faire entendre, passer par la publication clandestine de la Dîme royale, en 1707… Je ne crains ni le roi, ni vous, ni tout le genre humain ensemble, écrivait-il à Louvois dans une lettre datée du 15 septembre 1671 à propos d’une accusation lancée contre deux de ses ingénieurs. Et il ajoutait : La fortune m’a fait naître le plus pauvre gentilhomme de France ; mais en récompense, elle m’a honoré d’un cœur sincère si exempt de toutes sortes de friponneries qu’il n’en peut même soutenir l’imagination sans horreur.
Activités militaires Apports à la poliorcétique poliorcétique. tracé à l'italienne.
Frontispice de Conduite des sièges de Vauban, 1672. Les progrès de l'artillerie révolutionnent la guerre de siège : depuis la Renaissance, l'augmentation d'épaisseur des murailles ne suffit plus pour résister aux effets de l'artillerie. Les tirs de mitraille rendant extrêmement périlleux les assauts frontaux, l'assaillant approche les fortifications par des réseaux de tranchées. Les ingénieurs italiens inventent les fortifications bastionnées et remparées : les murailles deviennent très basses, obliques et précédées d'un fossé. Vauban, que son contemporain Manesson Mallet juge incomparable en l'Art de fortifier et d'attaquer les places, apporte trois innovations majeures décisives aux techniques d'attaque des places fortes : Il codifie la technique d'approche en faisant creuser trois tranchées parallèles très fortifiées reliées entre elles par des tranchées de communications en ligne brisée pour éviter les tirs défensifs en enfilade technique des parallèles inventée au siège de Maastricht en 1673. creusée hors de portée de canon à boulet sphérique métallique portée utile de 600 m à l'époque mais cassant tout à 100 m et très fortifiée, la première tranchée sert de place d'armes et prévient une attaque à revers par une armée de secours ; à portée de tir, la deuxième tranchée permet d'aligner l'artillerie que l'on positionne vers un point de faiblesse des fortifications ; à proximité immédiate des fortifications, la troisième tranchée permet le creusement d'une mine ou l'assaut si l'artillerie a permis d'ouvrir une brèche dans la muraille. Le retranchement doit être suffisant pour interdire une sortie des défenseurs. L'éperon des forteresses bastionnées créant une zone où l'artillerie de l'assiégé ne peut tirer à bout portant, il est possible de disposer des levées de terre devant la tranchée immédiatement au contact des fortifications assiégées très basses pour éviter les tirs d'artillerie. Ces surélévations qu'il appelle cavaliers de tranchées conçus lors du siège de Luxembourg, en 1684, permettent aux assaillants de dominer les positions de tir des assiégés et de les refouler à la grenade vers le corps de place et de s'emparer du chemin couvert. En 1688 au siège de Philippsburg, il invente le tir à ricochet : en disposant les pièces de manière à prendre en enfilade la batterie adverse située sur le bastion attaqué et en employant de petites charges de poudre, un boulet peut avoir plusieurs impacts et en rebondissant balayer d'un seul coup toute une ligne de défense au sommet d'un rempart, canons et servants à la fois.
Codification des attaques des places fortes par Vauban.
Trois tranchées parallèles reliées entre elles par des tranchées de communications en zigzags pour éviter les tirs en enfilade. Chaque tranchée est une place d'armes qui permet de rapprocher l'infanterie sur toute la largeur du front d’attaque ; la première est hors de portée de tir des défenseurs et permet de résister à un assaut à revers ; la troisième est au pied du glacis. L’artillerie est placée sur des cavaliers, relié au réseau par des tranchées plus courtes. Des redoutes protègent les extrémités de chaque tranchée. Sa philosophie est de limiter les pertes en protégeant ses approches par la construction de tranchées, même si cela demande de nombreux travaux. Il est pour cela souvent raillé par les courtisans, mais il est soutenu par le roi. Il rédige, en 1704, un traité d'attaque des places pour le compte de Louis XIV qui souhaite faire l'éducation militaire de son petit-fils le duc de Bourgogne. Il invente le « portefeuille de casernement casernes modèles destiné à remplacer le logement du soldat chez l'habitant.
Le défenseur du " pré carré "
Une coupe des fortifications Vauban, suivant la ligne capitale passant par une demi-lune : Citadelle de Besançon en Franche-Comté. Tour Vauban à Camaret en Bretagne. Étoile de Vauban de la citadelle de Lille. Vauban va ainsi pousser le roi à révolutionner la doctrine militaire défensive de la France en concentrant les places fortes sur les frontières du Royaume c’est la ceinture de fer qui protège le pays : le pré carré du roi. Fort de son expérience de la poliorcétique, il révolutionne aussi bien la défense des places fortes que leur capture. Il conçoit ou améliore les fortifications de nombreux ports et villes français, entre 1667 et 1707, travaux gigantesques permis par la richesse du pays. Il dote la France d'un glacis de places fortes pouvant se soutenir entre elles : pour lui, aucune place n'est imprenable, mais si on lui donne les moyens de résister suffisamment longtemps des secours peuvent prendre l'ennemi à revers et le forcer à lever le siège. À l’intérieur du pays, où le danger d’invasion est moindre, les forteresses sont démantelées. Paris perd par exemple ses fortifications, d’une part, pour libérer des troupes devenues inutiles qui peuvent être transférées aux frontières et d’autre part, pour éviter que des révoltes puissent trouver asile dans l’une d’elles comme cela avait été le cas lors de la Fronde. Au total, Vauban crée ou élargit plus de 180 forteresses et donne son nom à un type d'architecture militaire : le système Vauban. Système qui est largement repris, même hors de France, voir les fortifications de la ville de Cadix. Il participe aussi à la réalisation d'autres ouvrages, tels que le canal de Bourbourg. Entre 1667 et 1707 Vauban améliore les fortifications d'environ 300 villes et dirige la création de trente-sept nouveaux ports dont celui de Dunkerque et forteresses fortifiées. Édifié sur un emplacement stratégique, à partir de 1693, Mont-Dauphin est un avant poste chargé de protéger le royaume des intrusions venues d’Italie : le village-citadelle constitue l’archétype de la place forte et fait entrer les Alpes dans la grande politique de défense de la nation France. Liste des villes fortifiées par Vauban Liste des citadelles de Vauban Liste des villes créées par Vauban Liste des forts de Vauban Il refuse de créer le fort Boyard, selon lui techniquement inconstructible, que Napoléon Ier tente de recréer lors de son règne à partir de ses plans sans plus de succès néanmoins. Finalement, sous Louis-Philippe agacé par des tensions entretenues avec les Britanniques, le Fort Boyard voit le jour, grâce à une technique de construction du socle avec des caissons de chaux.
Maquettes et Plans-reliefs
Plan-relief de 1703 de la citadelle du Château-d'Oléron, Paris, musée des Plans-reliefs. Les plans-reliefs réalisés à partir du règne de Louis XIV sont conservés au musée des Plans-reliefs, au sein de l'hôtel des Invalides à Paris où 28 d'entre eux sont présentés. Une partie de la collection 16, est, après un long débat, présentée au palais des beaux-arts de Lille. Vauban est intervenu sur la plupart des places représentées. Les maquettes donnent une excellente vue du travail réalisé.
Activités civiles : Vauban critique et réformateur
Vauban a également construit l'aqueduc de Maintenon tout en s'opposant au grandiose aqueduc à la romaine voulu par Louis XIV et Louvois, qu'il jugeait d'un prix beaucoup trop élevé : il militait pour un aqueduc rampant. Il s'est intéressé à la démographie et à la prévision économique. Il conçut des formulaires de recensement et publia un ouvrage intitulé La Cochonnerie ou calcul estimatif pour connaître jusqu'où peut aller la production d'une truie pendant dix années de temps.
Entre l'amour du roi et le bien public
Vauban a pris, à partir de la fin des années 1680, une distance de plus en plus critique par rapport au roi de guerre, en fustigeant une politique qui lui semble s’éloigner de ses convictions de grandeur et de défense de sa patrie, le tout au nom du bien public. Ce divorce est particulièrement apparent dans son Mémoire sur les huguenots, dans lequel il tire les conséquences, très négatives, de la révocation de l’Édit de Nantes en 1685, en soulignant que l’intérêt général est préférable à l’unité du royaume quand les deux ne sont pas compatibles. D’autant que travaillant sur le canal du Midi en 1685-1686, il a vu les effets des dragonnades sur la population. Dans ce mémoire, Vauban estime le nombre des protestants sortis du royaume à : 80 000 ou 100 000 personnes de toutes conditions, occasionnant la ruine du commerce et des manufactures, et renforçant d’autant les puissances ennemies de la France. L’itinéraire de Vauban, une pensée en mobilité constante à l’image de ses déplacements incessants dans le royaume réel, font de lui un penseur critique tout à fait représentatif de la grande mutation des valeurs qui marque la fin du règne de Louis XIV : le passage, en quelque sorte, du roi État, incarné par Louis XIV, à l’État roi, indépendant de la personne de celui qui l’incarne. Fontenelle, dans l’éloge funèbre qu’il rédige pour Vauban, l’a très bien exprimé : Quoique son emploi ne l’engageât qu’à travailler à la sûreté des frontières, son amour pour le bien public lui faisait porter des vues sur les moyens d’augmenter le bonheur du dedans du royaume. Dans tous ses voyages, il avait une curiosité, dont ceux qui sont en place ne sont communément que trop exempts. Il s’informait avec soin de la valeur des terres, de ce qu’elles rapportaient, de leur nombre, de ce qui faisait leur nourriture ordinaire, de ce que leur pouvait valoir en un jour le travail de leurs mains, détails méprisables et abjects en apparence, et qui appartiennent cependant au grand Art de gouverner …. Il n’épargnoit aucune dépense pour amasser la quantité infinie d’instructions et de mémoires dont il avoit besoin, et il occupoit sans cesse un grand nombre de secrétaires, de dessinateurs, de calculateurs et de copistes — Fontenelle, Éloge de Monsieur le Maréchal de Vauban Et, à la fin de sa vie, on sent Vauban profondément écartelé entre sa fidélité au roi et son amour de la patrie au nom du bien général qui ne lui semble plus devoir être confondu avec celui du roi. Cet écartèlement, il l’exprime dès le 26 avril 1697 dans une lettre au marquis de Cavoye : Je suis un peu têtu et opiniâtre quand je crois avoir raison. J’aime réellement et de fait la personne du roi, parce que le devoir m’y oblige, mais incomparablement plus parce que c’est mon bienfaiteur qui a toujours eu de la bonté pour moi, aussi en ai-je une reconnaissance parfaite à qui, ne plaise à Dieu, il ne manquera jamais rien. J’aime ma Patrie à la folie étant persuadé que tout citoyen doit l’aimer et faire tout pour elle, ces deux raisons qui reviennent à la même. Dans une certaine mesure la Dîme Royale, publiée en 1707, parce qu’elle dissocie le roi et l’État, peut être lue comme le résultat très concret de la tension et de la contradiction entre l’amour du roi et l’amour de la patrie…
Les années de misère : l'observateur lucide du royaume réel
Depuis longtemps, en effet, Vauban s'intéressait au sort des plus démunis, attentif avant tout à la peine des hommes. Ses déplacements incessants dans les provinces (Anne Blanchard estime la distance parcourue à plus de 180 000 km pour 57 années de service, soit 3 168 km par an ! sont contemporains des années les plus noires du règne de Louis XIV, en particulier la terrible crise des années 1693-1694. Et il a pu observer, comme il l’écrit en 1693, les vexations et pilleries infinies qui se font sur les peuples. Sa hantise c’est le mal que font quantité de mauvais impôts et notamment la taille qui est tombée dans une telle corruption que les anges du ciel ne pourraient pas venir à bout de la corriger ni empêcher que les pauvres n’y soient toujours opprimés, sans une assistance particulière de Dieu. Vauban voyage à cheval ou dans sa basterne, une chaise de poste qui serait de son invention et suffisamment grande pour pouvoir y travailler avec son secrétaire, portée sur quatre brancards par deux mules, l’une devant, l’autre derrière. Pas de roues, pas de contact avec le sol : les cahots sur les chemins de pierres sont ainsi évités, il peut emprunter les chemins de montagne, et Vauban est ainsi enfermé avec ses papiers et un secrétaire en face de lui. En moyenne, il passe 150 jours par an sur les routes, soit une moyenne de 2 à 3 000 km par an le maximum : 8 000 km de déplacement en une année !. Il est fortement marqué par cette crise de subsistances des années 1693-1694, qui affecta surtout la France du Nord, provoqua peut-être la mort de deux millions de personnes. Elle aiguisa la réflexion de l'homme de guerre confronté quotidiennement à la misère, à la mort, à l'excès de la fiscalité royale : la pauvreté, écrit-il, ayant souvent excité ma compassion, m'a donné lieu d'en rechercher la cause.
L'homme de plume
Pendant ces années terribles 1680-1695 marquées par trois années de disette alimentaire sans précédent au cours des hivers 1692-93-94, l’homme de guerre se fait homme de plume : Oisivetés ou ramas de plusieurs sujets à ma façon. C’est Fontenelle, qui révèle dans son éloge de Vauban, l’existence de ce recueil de mémoires reliés et collationnés en volumes au nombre de douze… C’est sans doute à partir de la mort de Colbert 1683, qu’il rédige ce ramas d’écrits, extraordinaire et prolifique document, souvent décousu, dans lesquelles il consigne, en forme de vingt-neuf mémoires manuscrits soit 3 850 pages manuscrites en tout ses observations, ses réflexions, ses projets de réformes, témoignant d’une curiosité insatiable et universelle. Une brève note de Vauban, incluse dans un agenda, daté du 4 mai 1701, éclaire le recueil alors en cours de constitution : Faire un deuxième volume en conséquence du premier et y insérer le mémoire des colonies avec la carte et celui de la navigation des rivières avec des figures de far et d’escluses calculées ; y ajouter une pensée sur la réduction des poids et mesures en une seule et unique qui fut d’usage partout le Royaume. La vie errante que je mène depuis quarante ans et plus, écrit-il dans la préface de la Dîme royale, m’ayant donné occasion de voir et visiter plusieurs fois et de plusieurs façons la plus grande partie des provinces de ce royaume, tantôt seul avec mes domestiques, et tantôt en compagnie de quelques ingénieurs, j’ai souvent occasion de donner carrière à mes réflexions, et de remarquer le bon et le mauvais état des pays, d’en examiner l’état et la situation et celui des peuples dont la pauvreté ayant souvent excité ma compassion, m’a donné lieu d’en rechercher les causes. Les Oisivetés, pour la première fois publiées éditions Champ Vallon, sont détenues par la famille Rosanbo. L’ensemble représente 68 microfilms de papiers et mémoires en tout 29 mémoires importants, plus de 2 000 pages, auxquels il faut ajouter 47 microfilms de correspondance.
Description géographique de l'élection de Vézelay.
Parmi les multiples mémoires, qui sont souvent autant d’exemples des statistiques descriptives, l'ouvrage est sans doute le plus abouti : Il décrit les revenus, la qualité, les mœurs des habitants, leur pauvreté et richesse, la fertilité du pays et ce que l’on pourrait y faire pour en corriger la stérilité et procurer l’augmentation des peuples et l’accroissement des bestiaux.
Le Projet de Capitation 1694
Et ce qui domine dans cette écriture prolifique, c’est la notion d’utilité publique, au service des plus démunis. Et le tout conduit bientôt Vauban à imaginer une réformation globale, capable de répondre au problème de la misère et de la pauvreté, auquel il est sans cesse confronté. Ainsi, dès 1694, Vauban présente un Projet de capitation, fruit de multiples réflexions et de débats, notamment avec Boisguilbert, lieutenant-général à Rouen qui publie en 1695 son Détail de la France que Vauban a lu et apprécié. Et parallèlement, Vauban profite de multiples entretiens avec un grand nombre de personnes et des officiers royaux de toutes espèces qui suivent le roi. Le Projet de capitation annonce son futur essai : il y propose un impôt levé, sans aucune exemption, sur tous les revenus visibles les produits fonciers, les rentes, les appointements…et condamne la taille, tombée dans une telle corruption que les anges du ciel ne pourraient venir à bout de la corriger. Dans ce Projet, il dénonce l’accablement des peuples, poussé au point où nous le voyons. En conséquence, il écrit la capitation doit être imposée sur toutes les natures de biens qui peuvent produire du revenu, et non sur les différents étages des qualités ni sur le nombre des personnes, parce que la qualité n’est pas ce qui fait l’abondance, non plus que l’égalité des richesses, et que le menu peuple est accablé de tailles, de gabelles, d’aides et de mille autres impôts, et encore plus de la famine qu’ils ont soufferte l’année dernière, qui a achevé de les épuiser. L'année suivante, le 18 janvier, le pouvoir royal met effectivement en place une capitation, un impôt auquel, en théorie, tous les sujets, des princes du sang aux travailleurs de terre, sont assujettis, de 1 à 2 000 livres, en fonction de leur fortune. Mais contrairement à l'idée de Vauban, cet impôt s'ajoute aux autres, et la plupart des privilégiés, par abonnement ou par rachat, ont tôt fait de s'en faire dispenser.
L'homme politique
Bien qu'il soit militaire, Vauban n'hésite pas à donner son avis dans les affaires de l'État, ainsi, en 1683, il propose un traité de paix avec l'Allemagne en en précisant les conditions soit la cession pure et simple de la part de l'empereur des pays nouvellement réunis aux trois évêchés, de toute l'Alsace et notamment de la ville de Strasbourg. En échange, Louis XIV donnerait les villes de Brisach et de Fribourg. Cette proposition est loin d'être innocente puisque d'après l'intéressé, ces deux places sont plus une charge qu'autre chose pour le royaume de France. Cette proposition lui vaudra une remontrance de Louvois par un courrier du 24 août 1683 : … je vous répondrai en peu de paroles que si vous étiez aussi mauvais ingénieur que politique, vous ne seriez pas si utile que vous êtes au service du roi. 1703-1706 : De l'amertume à la transgression En octobre 1706, Vauban se trouve à Dunkerque, une ville forte qu’il considère comme sa plus belle réussite et qu’il a transformée en une cité imprenable : un formidable ensemble de forts de défense, de bâtiments, de jetées, de fossés remplis d’eau, et d’un bassin pouvant contenir plus de quarante vaisseaux de haut bord toujours à flot, même à marée basse, grâce à une écluse. Du reste, à propos de son Dunkerque, le 16 décembre 1683, il écrit à Louvois, en faisant preuve, une fois n’est pas coutume, de peu de modestie : Dès l’heure qu’il est, ce port et son entrée me paraissent une des plus belles choses du monde et la plus commode, et si je demeurais six mois à Dunkerque, je ne crois pas que ma curiosité ni mon admiration seraient épuisées quand je les verrais tous les jours une fois. Pourquoi est-il à Dunkerque ? Parce que le roi lui confie le commandement de la frontière maritime des Flandres alors sérieusement menacée. Il a l’autorisation de construire un camp retranché à Dunkerque, puis un deuxième entre Dunkerque et Bergues. Mais les fonds nécessaires n’arrivent pas et il s’en plaint au maréchal de Villeroy, qui lui répond le 17 juillet : vous être le seul à pouvoir obtenir de la cour l’argent et les moyens nécessaires pour terminer les travaux des camps retranchés qui sont bien utiles. Vauban écrit à Chamillard, le ministre de la Guerre et des Finances, le 10 août : si M. Le Pelletier s’obstine davantage sur ce que je lui demande il n’envoie pas les fonds, je serai obligé d’en écrire au roi et de le prier de me retirer d’ici. » Ce qu’il fait à soixante-treize ans : c'est là , à Dunkerque, à son Dunkerque, que Vauban demande à être relevé de son commandement : J'ai hier demandé mon congé, écrit-il de Dunkerque, le 25 octobre 1706, car je ne fais rien ici, et le rhume commence à m’attaquer rudement. Quelques jours plus tard, il insiste auprès de Chamillard pour être relevé de son commandement : quand on sort d’un cinquième ou sixième accès de fièvre tierce qui s’est converti en double tierce, on n’est plus en état de soutenir la gageure. Je vous prie de trouver bon que je vous demande M. d’Artagnan pour me venir relever ici pour l’hiver. Il souffre depuis longtemps d’un rhume récurrent, en fait une forme de bronchite chronique, et vient effectivement de subir de violents accès de fièvre (et sa présence à Dunkerque, dans les marais des plaines du Nord, n’est pas faite pour le guérir !. Mais il y a des raisons plus profondes, sans doute, plus intimes, à cette demande insistante de retrait. En fait, Vauban est plein d’amertume depuis le siège de Brisach, en 1703, le dernier siège dont il a le commandement : il enseigne à cette occasion au duc de Bourgogne, le petit-fils du roi, les choses de la guerre et écrit, à son intention -sur ordre de Louis XIV-, un traité De l’attaque et de la défense des places afin de parfaire son éducation militaire qui constitue le huitième tome des Oisivetés. La grâce que j’ose vous demander, Monseigneur, est de vouloir bien vous donner la peine de lire ce Traité avec attention, et qu’il vous plaise de le garder pour vous, et de n’en faire part à personne, de peur de quelqu’un n’en prenne des copies qui, pouvant passer chez nos ennemis, y seraient peut-être mieux reçues qu’elles ne méritent. épître dédicatoire. Ce qui n’empêche pas la circulation de nombreux manuscrits : plus de 200, déplore en 1739 Charles de Mesgrigny, le petit-fils de Vauban… Mais après ce siège, plus rien ne lui est proposé. Et il s’en inquiète auprès de Chamillart : … tout le monde se remue ; il n’y a que moi à qui on ne dit mot. Est-ce que je ne suis plus propre à rien ? Quoique d’un âge fort avancé, je ne me condamne pas encore au repos, et quand il s’agira de rendre un service important au roi, je saurai bien mettre toutes sortes d’égards à part, tant par rapport à moi qu’à la dignité dont il lui a plu m’honorer, persuadé que je suis que tout ce qui tend à servir le roi et l’État est honorable, même jusqu’aux plus petits, à plus forte raison quand on y peut joindre des services essentiels tels que ceux que je puis rendre dans le siège dont il s’agit… Ce qui m'oblige à vous parler de la sorte est qu'il me paraît qu'on se dispose à faire le siège sans moi. Je vous avoue que cela me fait de la peine, mettez y donc ordre. Chamillart lui répond qu’il a lu sa lettre à Louis XIV, qui a résolu de faire le siège de Landau. Mais il ajoute dans sa lettre du 6 octobre 1703 : Elle m’ordonne de vous dire en même temps qu’elle a résolu d’en laisser la conduite entière à M. le maréchal de Tallart… Opportunément, Vauban est convoqué à Paris, chargé de l'instruction du duc de Bourgogne. Ce qui ne l'empêche pas de rédiger ses préconisations pour le siège en préparation. L’amertume pour Vauban est alors à son comble. Et il exprime ses craintes dans une autre lettre écrite à Chamillard en 1705. Cette lettre accompagne un mémoire consacré au siège de Turin, car Vauban continue à suivre de très près les opérations militaires, et il n’est pas satisfait de leur déroulement. Aussi multiplie-t-il avis et conseils. Après de nombreux détails techniques, Vauban ajoute ces lignes, des lignes particulièrement émouvantes, dans lesquelles le vieux maréchal continue à offrir ses services : Après avoir parlé des affaires du roi par rapport à la lettre de M. Pallavicini et à ce qui est de la portée de mes connaissances, j’ose présumer qu’il me sera permis de parler de moi pour la première fois de ma vie. Je suis présentement dans la soixante-treizième année de mon âge, chargé de cinquante-deux ans de service, et surchargé de cinquante sièges considérables et de près de quarante années de voyages et visites continuelles à l’occasion des places et de la frontière, ce qui m’a attiré beaucoup de peines et de fatigues de l’esprit et du corps, car il n’y a eu ni été ni hiver pour moi. Or, il est impossible que la vie d’un homme qui a soutenu tout cela ne soit fort usée, et c’est ce que je ne sens que trop, notamment depuis que le mauvais rhume qui me tourmente depuis quarante ans s'est accru et devient de jour en jour plus fâcheux par sa continuité ; d’ailleurs, la vue me baisse et l’oreille me devient dure, bien que j’ai la tête aussi bonne que jamais. Je me sens tomber et fort affaibli par rapport à ce que je me suis vu autrefois. C’est ce qui fait que je n’ose plus me proposer pour des affaires difficiles et de durée qui demandent la présence presque continuelle de ceux qui les conduisent. Je n’ai jamais commandé d’armée en chef, ni comme général, ni comme lieutenant général, pas même comme maréchal de camp, et hors quelque commandement particulier, comme ceux d’Ypres, Dunkerque et de la basse Bretagne, dont je me suis, Dieu merci, bien tiré, les autres ne valent pas la peine d’être nommés. Tous mes services ont donc roulé sur les sièges et la fortification ; de quoi, grâce au Seigneur, je suis sorti avec beaucoup d’honneurs. Cela étant, comme je le dis au pied de la lettre, il faudrait que je fusse insensé si, aussi voisin de l’état décrépit que je le suis, j’allais encore voler le papillon et rechercher à commander des armées dans des entreprises difficiles et très épineuses, moi qui n’en ai point d’expérience et qui me sens défaillir au point que je ne pourrais pas soutenir le cheval quatre heures de suite ni faire une lieue à pied sans me reposer. Il faut donc se contenter de ce que l’on fait et du moins ne pas entreprendre choses dans l’exécution desquelles les forces et le savoir-faire venant à me manquer pourraient me jeter dans des fautes qui me déshonoreraient ; ce qu’à Dieu ne plaise, plutôt la mort cent fois. Quant à ce qui peut regarder mon ministère touchant la conduite des attaques, je pourrais encore satisfaire bien que mal aux fatigues d’un siège ou deux par campagne, si j’étais servi des choses nécessaires et que l’on eût des troupes comme du passé. Mais quand je pense qu’elles ne sont remplies que de jeunes gens sans expérience et de soldats de recrues presque tous forcés et qui n’ont nulle discipline, je tremble, et je n’ose désirer de me trouver à un siège considérable. D’ailleurs la dignité dont il a plu au Roi de m’honorer m’embarrasse à ne savoir qu’en faire en de telles rencontres. En de telles rencontres, je crains le qu'en-dira-t-on de mes confrères, de sorte que je ne sais point trop quel parti prendre, ni comment me déterminer. Je dois encore ajouter que je me suis défait de tout mon équipage de guerre il y a quatre ou cinq mois, après l’avoir gardé depuis le commencement de cette guerre jusque-là . Après cela, si c’est une nécessité absolue que je marche, je le ferai au préjudice de tout ce qu’on en pourra dire et de tout ce qui en pourra arriver, le roi me tenant lieu de toutes choses après Dieu. J’exécuterai toujours avec joie ce qui lui plaira de m’ordonner, quand je saurais même y devoir perdre la vie, et il peut compter que la très sensible reconnaissance que j’ai de toutes ses bontés ne s’épuisera jamais ; la seule grâce que j’ai à lui demander est de ménager un peu mon honneur. Je suis bien fâché, Monsieur, de vous fatiguer d’une si longue lettre, mais je n’ai pas pu la faire plus courte. Je vous l’aurais été porter moi-même si le rhume que m’accable ne me contraignait à garder la chambre. Bientôt, dans les derniers jours de l’année 1706, il rentre à Paris dans son hôtel de la rue Saint-Vincent dans la paroisse Saint-Roch loué aux neveux de Bossuet, où il s’est installé à partir de 1702 dans l’actuelle rue de Rivoli : Une plaque y commémore la présence de Vauban il y a trois siècles.Il y retrouve, semble-t-il, Charlotte de Mesgrigny, sa fille. Il souffre, il tousse, plus que jamais sa bronchite chronique n’a fait qu’empirer, son vieux corps est miné, mais son esprit a gardé toute sa vivacité. C’est alors qu’il décide, peut-être incité par l’abbé Vincent Ragot de Beaumont, qui fait fonction de secrétaire, d’imprimer son livre, cette Dîme royale, celui, de tous ses écrits, qu’il estime le plus.
Posté le : 30/04/2016 19:07
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