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De Montpellier
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Le 31 janvier 1944 meurt Hippolyte Jean Giraudoux
à 61 ans, à Paris, écrivain, Dramaturge, romancier, essayiste, diplomate, Auteur de langue français et un diplomate français, né le 29 octobre 1882 à Bellac dans la Haute-Vienne. Brillant étudiant et soldat décoré pendant la Première Guerre mondiale, il occupe des fonctions diplomatiques et administratives tout en écrivant des romans Suzanne et le Pacifique en 1921, Siegfried et le Limousin en 1922 avant de se diriger vers le théâtre après sa rencontre avec le comédien Louis Jouvet qui mettra en scène et interprétera ses œuvres principales. Ses Œuvres principales sont La guerre de Troie n'aura pas lieu, Électre. Il est aujourd'hui surtout connu pour son théâtre qui compte des pièces célèbres comme Amphitryon 1928, La guerre de Troie n'aura pas lieu 1935, Électre 1937, Ondine 1939, ou encore La Folle de Chaillot jouée en 1945 après sa mort. Jean Giraudoux a participé comme d'autres dramaturges des années 1930-1940, Cocteau, Anouilh, Sartre, Camus par exemple à la réécriture des mythes antiques éclairés par les mentalités modernes. Il a su allier fantaisie poétique et goût pour les images insolites, et également associer le tragique et le léger dans une langue élégante et fine, parfois même poétique comme dans Intermezzo ou Ondine. Germanophile et diplomate de carrière, il est Commissaire général à l'information en 1939-1940 et pendant l'Occupation sa situation est complexe et son rôle contrasté. Jean Giraudoux meurt à Paris le 31 janvier 1944, à l'âge de soixante et un ans, à la suite d'une intoxication alimentaire ou d'une inflammation du pancréas.
En bref
Un romantique du XXe siècle, qui finit par prendre rang dans la lignée des classiques, à la suite de Marivaux et Musset, et pas tellement loin de ce Racine dont il a parlé comme d'un double ; un La Fontaine, rêveur et distrait, qui laisse une œuvre de quarante volumes ; l'« enchanteur » de son temps, comme fut nommé Chateaubriand, et comme lui caressant l'idée d'une mission politique, qui se résorbe en littérature : les paradoxes qu'inspire le cas Giraudoux ne peuvent se résoudre que dans une réflexion sur les pouvoirs de l'écriture. L'homme Giraudoux fut pleinement un homme, comme son Holopherne ; « Un homme enfin de ce monde, du monde, l'ami des jardins à parterres, des maisons bien tenues, de la vaisselle éclatante sur les nappes, de l'esprit et du silence... Le pire ennemi de Dieu. » L'écrivain Giraudoux est tout entier écrivain, comme son Racine, en qui « il n'est pas un sentiment qui ne soit un sentiment littéraire : sa méthode, son unique méthode, consiste à prendre de l'extérieur, par le style et la poétique comme par un filet, une pêche de vérités ». Pour l'homme Giraudoux, attentif à ses plaisirs, à ses amours, à ses amitiés, à sa forme physique, à son équilibre moral, à son élégance et à sa jeunesse d'allure, l'écriture fut le plus équilibrant des plaisirs. Il écrivait d'un jet, sans ratures, laissant parfois un mot en blanc parce qu'il savait que les difficultés se franchissent dans la foulée, comme les haies de 400 mètres, dont il était champion universitaire. Il écrivait un roman en trois semaines, pendant ses vacances, en guise de vacances. Le miracle, c'est que tant d'humanité soit passée dans l'écriture. L'indifférent pathétique. La première carrière de Jean Giraudoux est l'histoire d'une jeunesse, la plus longue et la plus vagabonde, prolongée par la guerre jusqu'au seuil de la quarantaine. Un adolescent très doué et très sensible tarde à entrer dans la vie et se protège des blessures de l'existence par des boucliers de papier doré. Son écriture fantasque enchaîne les figures de style dans un réseau précieux de descriptions et de métaphores. Aimant Jules Laforgue et Claude Debussy, fréquentant Paul-Jean Toulet et Charles-Louis Philippe, il introduit dans la nouvelle, alors naturaliste, une sensibilité post-symboliste et l'art des instantanés autobiographiques. Car le jeune Giraudoux n'a qu'à se souvenir pour écrire de délicates nouvelles, pour la plupart recueillies dans Provinciales (1909), L'École des indifférents (1911), Lectures pour une ombre (1917), Adorable Clio (1920). Ces précieux petits volumes ne touchent qu'une poignée de fins lettrés, au nombre desquels André Gide et Marcel Proust. Ils y lisent en filigrane, et à travers un double voile de pudeur et d'ironie, l'histoire d'un enfant trop adoré par une mère délicate et distinguée et trop rudoyé par un père simple et sévère, petit fonctionnaire accablé par ses travaux d'écriture. De Bellac (Haute-Vienne) où il naquit, de Pellevoisin (Indre) où il fréquente l'école publique et la miraculée locale, sainte Estelle, de Cérilly (Allier) où il passe ses vacances de lycéen, un même paysage se compose, limousin ou berrichon, sans éclat et tout en nuances, et la même société villageoise tient à l'étroit les grands élans du cœur. On y rêve d'évasion, de la ville, de Paris. Mais, pour le gamin de onze ans, la ville c'est le lycée de Châteauroux, puis le lycée Lakanal, puis l'École normale supérieure, la vie d'interne jusqu'à la fin du service militaire, avec pour seule échappée la lucarne magique des livres et pour seule liberté celle du travail scolaire. La culture sera à jamais vouée, dans la pensée de Giraudoux, au destin le plus ambigu : elle est l'envol loin des mesquineries quotidiennes, et elle est l'aberration qui arrache l'homme à la vie simple et tranquille des champs. Le lycéen modèle, lauréat du concours général en version grecque, une fois reçu à l'École normale supérieure, fait l'école buissonnière à la terrasse du café Vachette, se découvre une vocation de germaniste pour obtenir une bourse de voyage, part deux fois pour Munich et Berlin, revient prématurément dans sa famille, échoue à l'agrégation, séjourne à Harvard et passe sur le tard le « petit concours » des Affaires étrangères : il entre par la petite porte dans une carrière qui ne sera pas très brillante pour lui, mais qui lui donne l'illusion de satisfaire par sa vie professionnelle une hantise de sa vie morale, l'évasion, le dépaysement. En fait, il refusera toute affectation hors de France, préférera de rapides missions dans les cinq continents, et gardera son port d'attache au Quai d'Orsay. Car l'étranger, pour lui, n'est qu'un mythe. Les chimismes de l'amour lui ont fait découvrir les intermittences du cœur et de l'esprit. Il suffit en effet d'être mal aimé, comme Simon, ou au contraire trop aimé, comme Jacques l'Égoïste, pour être pathétique ou indifférent. D'ailleurs, Simon le Pathétique (1918) fréquente aussi l'« école des indifférents », appliqué qu'il est à « oublier sa vie » et à « s'épargner la tâche vile de se connaître ». Giraudoux pense comme la Nausicaa qu'il a évoquée dans Elpénor (1919) : « Pour lui-même, cet étranger n'est plus un étranger ! J'aimerais tant aimer quelqu'un qui fût étranger même à soi-même ! » De là , tout au long de son œuvre, le thème pirandellien du double, du reflet, du sosie, et l'idée de l'amnésie illustrée en 1922 par le roman de Siegfried et le Limousin.
Sa vie
Fils cadet de Léger Giraudoux, employé des Ponts et chaussées, et d'Anne Lacoste, Jean Giraudoux naît à Bellac, un an avant la nomination de son père à Bessines. Ce dernier quitte le corps des Ponts et chaussées en 1890 pour devenir percepteur à Pellevoisin. Reçu premier du canton au certificat d'études en 1892, Jean Giraudoux entre en octobre 1893 comme boursier au lycée de Châteauroux, qui porte aujourd'hui son nom lycée Jean-Giraudoux, où il fait sa première communion en juin 1894, et est interne jusqu'à son baccalauréat en 1900. Bachelier de philosophie, il poursuit ses brillantes études en classes préparatoires au lycée Lakanal de Sceaux pour tenter le concours littéraire de l'École normale supérieure; il termine sa seconde année de khâgne avec le prix d'excellence et obtient le premier prix de version grecque au concours général en 1902. Reçu 13e sur 21 à l'École normale supérieure de Paris, il accomplit son service militaire au 98e régiment d'infanterie à Roanne, Clermont-Ferrand et Lyon, dont il sort en 1903 avec le grade de caporal. Entré à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, dans la section lettres, il est passionné par la culture allemande. Après l'obtention, avec la mention « bien », de sa licence de lettres à la Sorbonne en juillet 1904, avec un mémoire sur les Odes pindariques de Ronsard, il passe, sur les conseils de son maître Charles Andler, dans la section d'allemand en novembre. Ayant obtenu une bourse d'études, il s'inscrit alors à l'université de Munich. Durant l'été 1905, il est le répétiteur du fils du prince de Saxe et de Paul Morand à Munich, et il rencontre Frank Wedekind. Puis il part en voyage pour la Serbie, l'Autriche-Hongrie Trieste entre autres et Venise en Italie. En 1906, il obtient sa maîtrise et fait, durant l'été, un séjour linguistique en Allemagne. Après un échec à l'agrégation d'allemand, il se rend aux États-Unis, de septembre 1907 à mars 1908, avec une bourse pour l'Université Harvard. À son retour, il entre à la rédaction du Matin et prépare le concours des Affaires étrangères, auquel il échoue en 1909. La même année, il publie son premier livre, Provinciales, remarqué par André Gide. En juin 1910, reçu premier au concours des chancelleries, il est nommé élève vice-consul à la direction politique et commerciale du ministère des Affaires étrangères ; il assure le convoiement de la valise diplomatique à Constantinople, Moscou, puis Vienne. Par ailleurs, il fait la connaissance de Rosalia Abreu 1886-1955, sœur de son ami Pierre, une jeune héritière cubaine, pour laquelle il éprouve une passion non partagée. Promu attaché au bureau d'étude de la presse étrangère en septembre 1912, il devient vice-consul de 3e classe en 1913. La même année, il fait paraître chez Grasset L'École des indifférents et entame une liaison avec Suzanne Boland 1881-1969, mariée au commandant Paul Pineau, mais séparée de son mari. Mobilisé comme sergent au 298e régiment d'infanterie en 1914, puis nommé sous-lieutenant, il est blessé à deux reprises, à la bataille de la Marne en 1914, aux Dardanelles en 1915, et nommé chevalier de la Légion d'honneur. Convalescent, il entre au bureau de la propagande du ministère des Affaires étrangères grâce à Philippe Berthelot, avant de participer à une mission militaire et diplomatique à Lisbonne en août-novembre 1916. Il prend part ensuite à la « mission Harvard », qui le conduit aux États-Unis en avril-août 1917. Ce faisant, il continue d'écrire, faisant paraître Retour d'Alsace. Août 1914 en 1916, Lectures pour une ombre en 1917, Amica America et Simon le pathétique en 1918.
Le sourcier de l'Éden
La victoire de 1918 ouvre la seconde carrière de Giraudoux. La guerre l'a obligé à « se rendre compte du monde et de son mouvement » et l'a détourné de son dandysme, de son égotisme, de son apolitisme, de son indifférence. Il accède au grand cadre des Affaires étrangères en 1919. Il se marie, il a un fils, un cercle d'amis très parisiens, la direction du service de presse du Quai d'Orsay, et son talent s'épanouit : au lieu d'une nouvelle, c'est un roman qu'il publie tous les deux ans, avec un succès croissant. La plupart de ces romans racontent une fugue. De l'Allemagne au Pacifique, de la Gartempe au Niagara, Giraudoux promène ses héros dans l'exotisme et, à ce titre il est le chef de file, suivi de son ami Paul Morand, du roman nouveau des années vingt : roman descriptif, roman déambulatoire, roman du regard mobile. L'enchantement de Suzanne en son île (Suzanne et le Pacifique, 1921) n'est pas près de se dissiper : il est si merveilleux de renier le laborieux Robinson, au lieu de peiner puritainement comme lui à reconstituer la civilisation européenne, et de boire le lait à même l'arbre à lait, de cueillir son pain dans l'arbre à pain ! Ce désir de liberté exotique emporte Juliette au pays des hommes (1924), tue Bella (1926) dans son effort pour attirer l'un vers l'autre Rebendart et Dubardeau (lisez Poincaré et Berthelot) comme deux continents, provoque les Aventures de Jérôme Bardini (1930) et l'amour de Jacques pour Maléna (Combat avec l'ange, 1934). Mais ces fugues ne sont pas des fuites. Le grand départ s'achève par un heureux retour. Car malgré la déchirure secrète, les romans de Giraudoux ne respirent pas la nostalgie. L'émerveillement d'abord, la sagesse ensuite font que ses héros trouvent le bonheur sur cette terre, et ses jeunes filles s'arrachent aux embrassements des fantômes, des génies et des bêtes pour épouser, dans leur village, un homme. La vie est belle et jeune pour ceux qui savent marier la modernité et la sensualité, pour ceux qui surprennent le monde à des heures où il n'a pas l'habitude d'être contemplé, dans la fraîcheur de la première heure et comme du premier jour. C'est l'Éden retrouvé, ou, comme il est dit dans la « Prière sur la tour Eiffel » (Juliette au pays des hommes), « l'intervalle qui sépara la création et le péché originel ».
Giraudoux dramaturge ou l'illusionniste engagé
Sa troisième carrière est la plus brillante, et s'ouvre par un coup d'éclat : la générale de Siegfried (pièce tirée en 1928 du roman de 1922) marque la restauration en France de ce théâtre littéraire si vainement souhaité par Copeau. Chaque soir, pendant plus de dix ans, Giraudoux, interprété par Jouvet, régnera sur les théâtres parisiens. Reprenant de vieux thèmes pimentés d'anachronismes (Amphitryon 38 en 1929 ; Judith, 1931 ; Électre, 1937 ; Ondine, 1939) ou créant de nouveaux mythes (Siegfried, 1928, Intermezzo, 1933), Giraudoux rétablit le théâtre dans sa dignité d'assemblée générale des peuples, et invite ses spectateurs à de souriantes méditations sur les problèmes éternels de l'amour, de la condition humaine, de la guerre. Dans son travesti mythologique, l'actualité est bien reconnaissable (La guerre de Troie n'aura pas lieu, 1935), et Giraudoux peut se prendre pour le penseur politique de son temps (Pleins Pouvoirs, 1939). La guerre rend caduc son programme d'urbanisme et de salubrité (programme qui retrouve sa valeur aujourd'hui). Sa nomination au poste de commissaire à l'Information (août 1939) perd tout sens du fait de la censure. L'Occupation marque pour lui la fin d'un monde qu'il décrit d'abord comme la fin du monde : Sodome et Gomorrhe (1943) dit l'échec du couple et la défaite de la patrie. Mais il se ressaisit. En écrivant La Folle de Chaillot, il semble pressentir le temps où elle sera créée (1945) : dans un Paris qui n'a pas oublié sa belle époque, une vieille folle inspirée entraîne un petit peuple d'égoutiers et de chanteurs des rues dans une révolution gentiment anarchiste. Il n'a pas été donné à Giraudoux, mort en janvier 1944, de voir la libération de Paris. Mais Sartre nota aussitôt : « Les vieilles valeurs de mesure, d'ordre, de raison, d'humanisme qu'il a redécouvertes demeurent, après sa mort, « proposées ». Toutes nos violences n'empêcheront pas qu'elles existent... Elles resteront, quel que soit le chemin que nous choisissions demain, comme une chance possible ou comme un beau regret ou peut-être comme un remords. » Jacques Body
Maturité 1919-1940
Après la guerre, il s'éloigne de l'Allemagne. Démobilisé en 1919, il devient secrétaire d'ambassade de troisième classe et dirige le Service des œuvres françaises à l'étranger 1920 puis le service d'information et de presse au Quai d'Orsay (fin octobre 1924). Au Quai d'Orsay il rejoint un de ses amis d'enfance le diplomate Philippe Berthelot. Suzanne Boland lui donne un fils, Jean-Pierre, le 29 décembre 1919. Ils se marieront en 1921, Suzanne ayant divorcé l'année précédente. La même année paraît Suzanne et le Pacifique, roman suivi en 1922 par Siegfried et le Limousin, qui se voit décerner le prix Balzac, et en 1924 par Juliette au pays des hommes. En 1926, il est promu officier de la Légion d'honneur. En 1927, il se fait placer hors cadre à la disposition de la Commission d'évaluation des dommages alliés en Turquie, commission où il reste sept ans. Ce poste lui laissant beaucoup de temps libre, il en profite pour écrire ses premières pièces de théâtre. La rencontre avec Louis Jouvet en 1928 stimule en effet sa création théâtrale avec le succès de Siegfried 1928, adaptation théâtrale de son roman Siegfried et le Limousin, d’Amphitryon 1929 et d’Intermezzo 1933, malgré l'échec de Judith 1931. À la fin de 1931, il entame avec Anita de Madero une liaison qui s'achève en 1936 par le départ de la jeune héritière argentine qui part se marier en Amérique du Sud. En juin 1932, il est chargé de mission au cabinet d'Édouard Herriot, président du Conseil5, qu'il accompagne lors de la conférence de Lausanne. La même année, il écrit la préface de la traduction du livre de l'écrivaine germanophone d'origine messine Adrienne Thomas, Catherine Soldat. En 1934, il est nommé inspecteur général des postes diplomatiques et consulaires. Devant la montée des périls en Europe, il écrit La guerre de Troie n'aura pas lieu, pièce pessimiste (bien que non dénuée d'humour grinçant) ayant pour thème le cynisme des politiciens et la différence entre l'histoire telle que les dirigeants la montrent au peuple et telle qu'elle se passe réellement. En 1936, Jean Zay lui propose la direction de la Comédie-Française, mais il la refuse. La même année, il devient commandeur de la Légion d'honneur. Le 28 avril 1939, il rencontre dans un studio de la radio, lors d'un entretien sur Ondine, Isabelle Montérou, jeune journaliste avec laquelle il entame une liaison qui dure jusqu'en novembre 1943. A la veille de la guerre, Giraudoux publie un important essai politique, recueil d'articles et de conférences : Pleins pouvoirs Gallimard, 1939, dans lequel, prenant modèle sur les États-Unis, il demande notamment l'adoption d'une politique d'immigration, afin, non « d’obtenir dans son intégrité, par l’épuration, un type physique primitif, mais de constituer, au besoin avec des apports étrangers, un type moral et culturel ». Sa préférence va vers « une immigration scandinave éminemment souhaitable », à l'exclusion de « ces races primitives ou imperméables dont les civilisations, par leur médiocrité ou leur caractère exclusif, ne peuvent donner que des amalgames lamentables », symbolisées selon lui par les Arabes Devant la montée des périls, Giraudoux s'engage en politique. Lors du remaniement ministériel du 29 juillet 1939, il est nommé par Édouard Daladier Commissaire général à l'information et prononce ses Messages du Continental, contre la guerre hitlérienne. Le 21 mars 1940, lors de la formation de son gouvernement, Paul Reynaud le remplace par Ludovic-Oscar Frossard, nommé ministre de l'Information, et il devient président d'un « Conseil supérieur de l'information ».
Seconde guerre mondiale et mort 1940-1944
Durant la débâcle de juin 1940, il suit le gouvernement à Bordeaux, avant de s'installer auprès de sa mère à Vichy. Nommé directeur des Monuments historiques à l'automne 1940, il fait valoir ses droits à la retraite en janvier 19419 et commence deux écrits inspirés par la défaite, qui ne paraîtront qu'après sa mort, le second étant resté inachevé : Armistice à Bordeaux 1945, et Sans Pouvoirs 1946, édités l'un et l'autre à Monaco. Commissaire général à l'information sous Daladier, sa situation pendant l'Occupation est complexe et son rôle contrasté Sa passion pour la culture allemande existe de longue date : Tous ceux qui aiment le travail, la musique, l'étude sont exilés d'Allemagne. Nous qui aimons Dürer, Goethe, nous sommes exilés d’Allemagne; mais il l'a délaissée depuis quelques années, à l'époque, et Ondine 1939 constitue un « adieu » à l'« âme franco-allemande ». Dans Armistice à Bordeaux, il s’oppose, phrase par phrase, au second discours de Pétain, refusant l'expiation nationale Il a refusé le poste de ministre de France à Athènes proposé par Vichy après l'armistice du 22 juin 1940 mais entretient des relations personnelles avec plusieurs membres du nouveau gouvernement. Son fils Jean-Pierre a rejoint Londres dès juillet 1940 et s'est engagé dans les Forces navales françaises libres. D'après le témoignage de Gérard Heller, qui l'a rencontré en juillet 1941, « Giraudoux perdit vite confiance dans les bonnes intentions du maréchal Pétain » et « avait très tôt communiqué à Londres des informations sur l'activité intellectuelle clandestine en France ». En 1942, alors qu'il loge à Paris, il affirme « l'impossibilité d'une véritable rencontre entre les deux cultures tant que durerait la guerre ». La même année, un journaliste collaborationniste lui reproche d'avoir, dans ses fonctions de commissaire général à l'information, accepté de « seconder les Juifs dans « leur » guerre ». On lui propose de quitter la France. Il refuse, arguant de la nécessité de livrer en France une « lutte d’influence avec l’Allemagne ». Sa participation à la lutte contre l'occupation allemande au sein de la Résistance reste encore débattue. En décembre 1943, il aurait projeté de participer à sa façon à la Résistance. Il poursuit ses travaux littéraires avec L'Apollon de Bellac, Sodome et Gomorrhe et La Folle de Chaillot et, devenu directeur littéraire chez Gaumont, participe à des adaptations cinématographiques, qu'il s'agisse de La Duchesse de Langeais de Balzac pour le film éponyme de Jacques de Baroncelli ou des Anges du péché pour Robert Bresson. Après la mort de sa mère en 1943, sa santé se dégrade. Jean Giraudoux meurt le 31 janvier 1944, à l'âge de soixante et un ans, selon la version officielle, à la suite d’une intoxication alimentaire, mais, plus probablement, d’une pancréatite. Quelques jours après son inhumation, qui a lieu le 3 février 1944 dans un caveau provisoire du cimetière de Montmartre, Claude Roy fait courir le bruit, au café de Flore, qu'il a été empoisonné par la Gestapo. Louis Aragon le reprend à son compte dans Ce soir le 20 septembre 1944 : « Pourquoi ? Pas seulement parce que c’est le plus français de nos écrivains, mais certainement aussi pour son activité résistante gardée très secrète et que, pour ma part, j’avais devinée durant le dernier entretien que je devais avoir avec lui cinq jours avant sa mort ». Une biographie explorant la question lui est consacrée par Jacques Body en 2004. Il est inhumé au cimetière de Passy à Paris.
Giraudoux antisémite et raciste ?
Se fondant sur plusieurs citations tirées du chapitre « La France peuplée » de Pleins pouvoirsN 6, voire, dans certains cas, sur des extraits de répliques d'Holopherne dans Judith, plusieurs auteurs considèrent que Giraudoux était antisémite et raciste. Spécialiste de Sartre, Jean-François Louette juge ainsi que Giraudoux « évoque maints problèmes » dans Pleins pouvoirs, mais que « l'essentiel aujourd'hui semble le chapitre intitulé La France peuplée », dont il stigmatise la « violence raciste ». Pour Jean-Claude Milner, « le Giraudoux raciste et le Giraudoux républicain ne parviennent pas à se détacher ». Daniel Salvatore Schiffer juge, quant à lui, que, dans Pleins pouvoirs, Giraudoux est « non loin [...] de l'antisémitisme de Fichte ou Hegel ». Aux yeux de Claude Liauzu, Giraudoux a donné des connotations positives au mot « raciste », dans le cadre d'une banalisation du racisme, dans les années trente. Selon Pierre Vidal-Naquet, de même, le racisme de Giraudoux, en 1939, est prodigieusement banal. Pour André Job, « l'antisémitisme, c'est d'abord, à n'en pas douter, une façon de ne pas résister au plaisir d'un "bon mot", si malveillant soit-il », usage auquel il est arrivé à Giraudoux de sacrifier, « sans que les exemples soient en assez grand nombre pour qu'on puisse les juger vraiment significatifs ». Alain Duneau parle de « défaillances », considérant que « deux pages de Pleins pouvoirs lui ont été à juste titre reprochées, mais sans lucidité particulière, par des professeurs de vertu qui ne s'interrogent peut-être pas assez sur eux-mêmes ou sur les illusions rassurantes mais criminelles dont d'autres se sont bercés ». À ses yeux, « ces deux pages trop connues pourraient bien être le fruit de l'appréhension d'un retour de la guerre », et il signale que « tout mot "raciste" a disparu chez lui dès que la guerre — réelle — a été déclarée ». Toujours selon lui, la répulsion de Giraudoux à l'égard de toute forme de laideur, « sans doute ressentie comme une forme du mal » peut également « expliquer en partie certaines de ses faiblesses [...] qui lui ont été abondamment reprochées accusations injustifiées de racisme ». Pour son biographe Jacques Body, « Giraudoux antisémite, Giraudoux vichyste, c’est devenu l’antienne des ignorants. » Selon lui, de Pleins pouvoirs, « son plaidoyer pour une politique d’immigration et pour le droit d’asile », on a fait, « cinquante ans plus tard, un bréviaire xénophobe et raciste, à coup de citations tronquées. » Il considère que, chez Giraudoux, « l'appartenance à une patrie marque un homme, mais par la culture, non par des contraintes naturelles ou sociologiques. Giraudoux croit à la patrie, pas à la race. » Pierre Charreton, de son côté, relève que, si Giraudoux défend l'avènement d'une « politique raciale » et d'un « ministère de la race », pour lui, le terme de « race », « aujourd'hui empoisonné, voire tabou », mais « employé sans précaution jusqu'au milieu du siècle, parfois certes dans un sens proprement raciste, mais aussi dans une acception proche du terme "peuple" », renvoie à un « habitus », un ensemble de valeurs et de comportements partagés sur un territoire, et non à une référence ethnique. Giraudoux, rappelle-t-il, défend l'idée que « la race française est une race composée. (...) Il n'y a pas que le Français qui naît. Il y a le Français qu'on fait. » Le but d'une « politique raciale », selon lui, n'est pas de retrouver un « type physique primitif », mais de « constituer, au besoin avec des apports étrangers, un type moral et culturel »49. De même, il relève que l'auteur éprouve un « choc désagréable » en découvrant sur une pancarte ou une affiche l'inscription : « La France aux Français », jugeant que cette phrase, au lieu de « l'enrichir le dépossède ».
Å’uvres Romans et nouvelles
Provinciales, 1909 L'École des indifférents comprenant Jacques, l'égoïste ; Don Manuel, le paresseux ; Bernard, le faible Bernard, 1911 Lectures pour une ombre, 1917 Simon le Pathétique, 1918 Amica America, 1918 L'Adieu à la guerre, 1919, Grasset Elpénor, 1919 Adorable Clio, 1920 Suzanne et le Pacifique, 1921 Siegfried et le Limousin, 1922 qui lui apporta le succès. éditions Grasset Juliette au pays des hommes, 1924 Bella, 1926 Églantine, 1927 Aventures de Jérôme Bardini, 1930 La France sentimentale, 1932 Combat avec l'ange, 1934 Choix des élues, 1939 La Menteuse, publié à titre posthume en 1958
Å’uvres diverses
Les Cinq Tentations de La Fontaine, 1938 Pleins pouvoirs, 1939 Littérature, 1941 Sans pouvoirs Hommage à Marivaux, 1943 Visitations, 1947 Or dans la nuit, recueil posthume en 1969 Les Contes d'un matin De pleins pouvoirs à sans pouvoirs, 1950 Pour une politique urbaine, 1947
Théâtre
Siegfried, 1928 Amphitryon 38, 1929 Judith, 1931 Intermezzo, 1933 Tessa, la nymphe au cœur fidèle adaptation Jean Giraudoux d'après Basil Dean et Margaret Kennedy, 1934 La guerre de Troie n'aura pas lieu, 1935 Supplément au voyage de Cook, 1935 L'Impromptu de Paris, 1937 Électre, 1937 Cantique des cantiques, 1938 Ondine, 1939 L'Apollon de Bellac, 1942 Sodome et Gomorrhe, 1943 La Folle de Chaillot, 1945 Pour Lucrèce, 1953 Les Gracques, pièce inachevée publiée en 1958 Les Siamoises, pièce ébauchée publiée en 1982
Cinéma
Scénariste 1942 : La Duchesse de Langeais, de Jacques de Baroncelli d'après Honoré de Balzac adaptation et dialogue 1943 : Les Anges du péché de Robert Bresson scénario, avec Robert Bresson et Raymond Léopold Bruckberger, et dialogue
Bibliographie Monographies
Jacques Body, Jean Giraudoux : la légende et le secret, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Écrivains »,‎ novembre 1986, 174 p. Étienne Brunet, Le Vocabulaire de Jean Giraudoux, structure et évolution : Statistique et informatique appliquées à l’étude des textes à partir du Trésor de la langue française, Genève, éditions Slatkine, 1978, 688 p., (ouvrage issu d’une thèse de doctorat d’État soutenue à Nice le 6 janvier 1976, ouvrage distingué par le CNRS qui a accordé à l'auteur la médaille de bronze de l’année 1976 au titre de la 36e section, Études linguistiques et littéraires françaises. Philippe Dufay, Jean Giraudoux : biographie, Paris, Julliard,‎ 8 octobre 1993, 532 p. Natacha Michel, Giraudoux : le roman essentiel, Paris, Hachette littératures, coll. « Coup double »,‎ 6 juillet 1998, 215 p. Jacques Body, Jean Giraudoux, Paris, Gallimard,‎ 29 avril 2004, 950 p. Guy Teissier et Mauricette Berne, Les Multiples Vies de Jean Giraudoux, Paris, Grasset,‎ 10 novembre 2010, 490 p.
Posté le : 29/01/2016 18:14
Edité par Loriane sur 30-01-2016 16:59:52 Edité par Loriane sur 30-01-2016 16:59:55
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