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De Montpellier
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Le 9 août 1789 naît Robert-Nicolas-Charles Bochsa
à Montmédy dans la Meuse, mort à 66 ans Sydney Australie le 6 janvier 1856, musicien français il eut Étienne-Nicolas Méhul pour maître. Il était à la fois harpiste, compositeur, professeur, chef d'orchestre, éditeur, directeur de théâtre, producteur mais également spécialiste dans l’art de la contrefaçon de signatures Oublié aujourd'hui, il fut très célèbre au XIXe siècle, à la fois en tant que compositeur prolifique et harpiste de tout premier plan mais aussi à cause de ses démêlés avec la justice qui défrayèrent la chronique. Il passa de ce fait presque toute sa vie hors de France, tant en Europe qu’en Amérique.
En bref
Fils de Karl de Bochsa - versatile musicien tchèque, émigré en France dans la deuxième moitié du XVIII siècle et établi dans la Lorraine, et de Marie Charlotte Vautrain, Mosellane d’Ennery -, Robert Nicolas Charles Bochsa naquit à Montmédy, dans la Meuse, le 9 août 1789. De très bonne heure, Nicolas Bochsa fut initié à la musique par son père, qui lui enseigna la flûte, la clarinette et le piano ainsi que l’alphabet de la composition. Le jeune prodige fut capable de jouer ses propres œuvres en concerts publics à partir de 1796. Peu de temps après la Révolution, la famille déménagea à Lyon où Karl de Bochsa fut engagé comme premier hautboïste par l’orchestre de l’Opéra. Le jeune Nicolas, qui assistait aux répétitions de cet orchestre, fut intrigué aussi par les secrets sonores du violon, du violoncelle, du cor anglais, du hautbois, même par les possibilités expressives des percussions -, et de la harpe, qui deviendra plus tard son instrument préféré. Il devint le plus jeune musicien de l’orchestre de l’Opéra de Lyon. La première œuvre symphonique de Nicolas Bochsa, certainement supervisée par son père, date de 1801. Ensuite, il composa plusieurs ballets et, pour honorer la visite de Napoléon à Lyon, il composa en 1805 un opéra intitulé Trajan ou Rome triomphante, qui fascina l’empereur. Napoléon apprécia aussi son talent de harpiste et arrangea l’admission du jeune compositeur et harpiste au Conservatoire de Paris en 1806. Entre-temps, la famille Bochsa avait déménagé à Bordeaux en 1805 où le jeune Nicolas étudia assidûment la composition avec Franz Beck avant de rentrer au Conservatoire de Paris où il poursuivit ses études de composition avec Charles Simon Catel et fréquenta les cours d’harmonie d’Étienne Nicolas Méhul. François Joseph Naderman et Marcel de Marin lui donnèrent des leçons privées de harpe. Après avoir obtenu un premier prix d’harmonie au Conservatoire de Paris, Nicolas Bochsa fut engagé en 1812 comme harpiste de l’orchestre impérial de Napoléon et professeur de harpe de l’impératrice Joséphine. Grâce à la particule de son père Karl de Bochsa, il put épouser la même année Georgette Ducrest, fille du marquis Ducrest et nièce de Madame de Genlis, qui déclara dans une lettre adressée à son fils : Dans ce moment, on parle beaucoup de Bochsa ; il est devenu grand travailleur ; il a beaucoup de succès dans la société et beaucoup plus que Naderman. Ils eurent deux enfants. Très apprécié comme interprète, compositeur et pédagogue par le gotha parisien qui entourait l’impératrice Joséphine à Paris et au château de Rueil-Malmaison d’abord, et la camarilla de la cour de Louis XVIII ensuite, éblouie par ses attraits physiques, son élégance, son charme et sa prestance -, créateur fécond d’une étonnante vitalité, remarquable virtuose doté d’une musicalité raffinée, d’une extraordinaire intelligence musicale et de prodigieuses aptitudes mnémoniques, travailleur acharné et industrieux -, Nicolas Bochsa eut des défauts de caractère, fut nymphomane, cleptomane, mythomane, prodigue inconsidéré et fréquenta le milieu interlope. Son comportement avec son entourage et son total désintérêt pour ses enfants, retirés avec leur mère et leurs grands-parents à St. Rémy-sur-Loire Saône et Loire, dévoilaient un déséquilibre psychique certain, apostrophé par son narcissisme prononcé et son goût immodéré de luxe, et ne fut pas digne de son immense talent, reconnu par son public, par les musiciens et les critiques, même par ses détracteurs. Impliqué dans les malversations financières, accusé de trafic de faux papiers de valeur, de falsifications de signature et de nombreux larcins, Nicolas Bochsa se vit contraint de quitter Paris subrepticement et se réfugia à Londres en 1817. Néanmoins, la Cour d’assises de la Seine le condamna par contumace à douze ans de travaux forcés et à une amende de quatre mille francs somme considérable à cette époque. Le jugement fut prononcé le 17 janvier 1818. Le texte complet des minutes de ce jugement fut traduit en anglais et publié à Londres dans le journal The Examiner aux frais de ses détracteurs. Mais ses adversaires londoniens n’en tirèrent aucun profit ! Bien au contraire. Ces minutes laissèrent la cour royale, l’aristocratie et la haute société totalement indifférentes, mais suscitèrent l’intérêt de son public, toujours plus nombreux. Avant son départ définitif, Nicolas de Bochsa composa en France : - le ballet Dansomanie et l’oratorio Le déluge universel, supervisés par Franz Beck et exécutés à Bordeaux en 1806 ; - un Requiem à la mémoire de Louis XVI, pour chœur d’hommes et instruments à vent, à l’occasion de son deuxième enterrement, dédié à Louis XVIII et exécuté en la Basilique Saint-Denis, publié en 1970 ! à Northridge, en Californie aux Éditions Wind ; - l’opéra l’Héritier de Paimpol, joué à Paris, à l’Opéra-comique en 1813 la bibliothèque de la Sorbonne possède un exemplaire de la partition ; - les opéras Les héritiers Michau ou le Moulin de Lieursain et Alphonse d’Aragon, joués à l’Opéra-comique en 1814 ; - les opéras Le roi et la ligue ou La ville assiégée, Les noces de Gamache inspiré par Cervantès et La lettre de change titre prédestiné, joués à l’Opéra-comique en 1815 et à Philadelphie le 19 mai 1830 ! ; - l’opéra Un mari pour étrennes, joué à l’Opéra-comique en 1816 - son célèbre ouvrage Méthode de harpe, traduit en anglais et publié à Londres par Chappell & Co. en 1819, réédité à Paris vers 1830 par Duffaut et Dubois. Cette maison d’édition fut absorbée par les Éditions musicales Schonenberger qui rééditèrent, entre autres, l’opus 210 de Bochsa, son arrangement de Robin des bois première traduction française du titre allemand Der Freischütz, opéra en trois actes de Weber pour harpe et piano en duo avec accompagnement de flûte ou violon et violoncelle ad libitum. Donc, Bochsa ne fut pas oublié en France. Peu de temps après son arrivée à Londres, Nicolas Bochsa devint célèbre. La critique anglaise parla en termes très élogieux de ses premiers concerts. Le public fut fasciné par ses prouesses techniques et séduit par sa sensibilité et son exquise musicalité. Les salons de l’aristocratie et de la haute société anglaise lui firent fête. Les demandes pour les leçons privées affluèrent. Il compta parmi ses élèves la duchesse de Wellington, les filles du duc de Clarence…et le plus grand harpiste anglais de classe internationale Elias Parish Alvars, considéré comme son hériter virtuel. La nouvelle Méthode de harpe de Bochsa fut adoptée et parut plus efficace aux pédagogues anglais que les méthodes françaises de Philippe Jacques Meyer 1737-1819, publiée à Paris en 1763 Essai sur la vraie manière de jouer la harpe, avec une méthode pour l’accorder -, de Michel Corrette 1707-1795, publiée en 1774 Nouvelle méthode pour apprendre à jouer de la harpe –, de Xavier Désargus 1768-1832, publiée à Paris en 1809 Traité général sur l’art de jouer de la harpe -. L’année de son arrivée en Angleterre, les éditions Chappell & Co. publièrent ses Preludes for the Harp.
Sa vie
Fils du hautboïste, compositeur et éditeur Karl dit Charles Bochsa, originaire de Bohême, il étudie le piano avec son père, premier hautbois au Grand Théâtre de Lyon, puis la composition avec Franz Beck à Bordeaux avant d'entrer en 1807 au Conservatoire de Paris dans les classes de Charles-Simon Catel pour l'harmonie, Étienne-Nicolas Méhul pour la composition, François-Joseph Naderman et Marin pour la harpe. Détenteur d'un premier prix d'harmonie, il est nommé harpiste dans la musique impériale de Napoléon en 1812, poste qu'il conservera sous Louis XVIII. Il épouse la même année Georgette Ducrest, fille du marquis du Crest et nièce de madame de Genlis, qui lui donnera deux enfants. Sa brillante carrière est toutefois interrompue par une condamnation à douze ans de travaux forcés, 4 000 francs d'amende et à la marque pour faux et vol. Il est en effet accusé d'avoir contrefait la signature de plusieurs personnes, musiciens célèbres Berton, Méhul, Boieldieu, Nicolò ou personnalités influentes le comte Decazes, le duc de Wellington, sur des bons au porteur pour assouvir son goût du luxe. Le jugement est rendu par la cour d'assises de la Seine le 17 février 1818 en l'absence de Bochsa qui a prudemment choisi de quitter la France pour l'Angleterre l'année précédente en abandonnant femme et enfants. À Londres, il devient successivement directeur de la musique du théâtre du roi, de l'Opéra-Italien et du Conservatoire royal de musique. Professeur de harpe à l'Academy of Music de et chef d'orchestre au King's Theatre. Le 5 juillet 1839, il étrenne à l'Opéra-Italien de Londres une série de concerts en compagnie de la soprano française Anna Rivière, épouse du compositeur Henry Rowley Bishop, surnommé le Mozart anglais et auteur du célèbre Home! Sweet Home! 1823. Il dédie à celle-ci de nombreuses mélodies et arrangements avant d'entamer une liaison qui durera jusqu'à la mort du compositeur. Ainsi, la cantatrice n'hésite pas à quitter son mari et ses trois enfants pour suivre son amant lorsque ce dernier quitte l'Angleterre à la suite d'accusations de bigamie. Bochsa est en effet accusé d'avoir épousé Amy Wilson, sœur de la célèbre courtisane et maîtresse présumée - entre autres - du prince de Galles, Harriette Wilson, sans avoir divorcé de sa première épouse. Les amants entreprennent une tournée qui les conduit à travers toute l'Europe Danemark, Suède, Russie, Autriche, Hongrie, etc avant de s'installer à Naples où la direction du Teatro San Carlo engage Anna Bishop comme prima donna assoluta di cartello et Bochsa comme chef d'orchestre de 1843 à 1845. Ils se produisent plus de 300 fois dans une vingtaine d'opéras différents parmi lesquels La fidanzata corsa de Pacini, La cantatrice villane de Fioravanti, Lucia di Lammermoor et L'elisir d'amore de Donizetti, Beatrice di Tenda et La sonnambula de Bellini, Il barbiere di Siviglia et Otello de Rossini, I due Foscari de Verdi et créent Il Vascello di Gama de Mercadante. Après une nouvelle tournée en Belgique, Suisse, Hollande, ils gagnent les États-Unis, puis le Mexique et enfin l'Australie où Bochsa meurt en 1856. Anna fait édifier un tombeau au Camperdown Cemetary de Sydney avec cette dédicace : This monument is erected in sincere devotedness by his faithfull friend & pupil Anna Bishop Nicolas-Charles Bochsa a composé plus de 350 œuvres, la plupart pour harpe, sonates, duos, fantaisies, symphonies, etc. dont deux concertos et un nocturne pour deux harpes, flûte et cor anglais, mais également des opéras et opéras-comiques, un Requiem, des ballets, une sonate pour piano, un quatuor pour hautbois, violon, alto et basse, trois quatuors pour deux violons, alto et basse, un quintette pour harpe, hautbois, flûte, cor et basson, des trios pour violon, violoncelle et piano, un concerto pour flûte, plusieurs mélodies et de nombreux arrangements comprenant La Marseillaise et les Quadrilles pour violon de Niccolò Paganini. Nicolas Bochsa se produisit à la cour du régent et, plus tard, roi d’Angleterre George IV 1762-1830. En 1820, il fit partie de la suite royale qui se rendait en Irlande à l’occasion de la St. Patrick et joua à Dublin sur la harpe celtique ayant appartenu au célèbre roi d’Irlande Brian Boru 941-1014, tué sur le champ de bataille par les Vikings. Le 29 juin 1820 The Promissory Note : an Operetta de Bochsa fut créée au Théâtre royal, English Opera House à Londres et publiée la même année par l’éditeur Miller ; En 1821, Bochsa fut initiateur et fondateur de l’Académie royale de musique Royal Academy of Music à Londres avec le lord anglais Burghersh, ambassadeur du Royaume Unis à la cour ducale de Toscane à Florence -, en 1822 il fut nommé professeur de harpe et secrétaire général perpétuel de la même institution qui venait d’ouvrir ses portes. Bochsa rencontra lord Burghersh 1784-1859 à la cour de George IV, devint son professeur de piano, de violon et de composition et, d’après certaines rumeurs, son nègre grassement récompensé et sa redoutable éminence grise. Certaines compositions de Burghersh furent exécutées à Londres et à Florence. Les Italiens, qui ne connaissaient pas Bochsa à cette époque, furent étonnés par les qualités techniques des compositions de Burghersh et trouvèrent dans ses compositions certains traits de Michele-Enrico Carafa, compositeur français, né à Naples en 1778, mort à Paris en 1872, professeur de composition au Conservatoire de Paris, fécond compositeur d’œuvres scéniques et membre de l’Institut. Mis en échec par Bochsa, le lord ne put assurer sa propre défense. Bien au contraire, il adjoignit aux responsables administratifs de l’Académie royale de musique de tolérer toutes les excentricités de Bochsa, son déplorable comportement avec ses collègues, son idiosyncrasie démentielle, ses forfanteries et ses jactances. Ainsi, toutes les complaintes du chapelain de l’Académie royale de musique concernant la grossièreté du vocabulaire de Bochsa, ses gestes graveleux et ses indescriptibles et innombrables frasques demeurèrent-elles sans écho. Tout le monde savait que Bochsa jouissait de la protection du roi Charles IV grâce à Burghersh, très considéré par la cour. Avec Sir George Thomas Smart, Bochsa inaugura à Londres en 1822 the Lenten Oratorios concerts spirituels de carême. En 1823, il se débarrassa de George Thomas Smart et les dirigea seul, mais ces concerts spirituels n’attirèrent pas la foule comme ses récitals de harpe et furent supprimés. En 1825, Nicolas Bochsa présenta deux ballets au public londonien : Justine ou La cruche cassée et Le temple de la concorde, suivis d’un troisième intitulé La naissance de Vénus en 1826. La même année il fut éloigné de l’Académie royale de musique à cause de son mauvais caractère, de son vocabulaire grossier et de ses gestes obscènes, mais fut appointé chef d’orchestre du King’s Theatre à Londres. Donc, il monta en grade. Les éditions londoniennes Chapell & Co. publièrent une Nouvelle et améliorée Méthode d’enseignement de piano-forte ! de Bochsa en collaboration avec Théodore Latour, pédagogue français établi à Londres, pianiste attitré du prince régent et, plus tard, roi George IV en 1827. Les éditions Goulding & d’Almaine publièrent son ouvrage pédagogique Les six premières semaines, ou Perceptions et exemples quotidiens pour harpe en 1830. Déjà en 1820, la maison d’Almaine édita ses Extraits élégants pour harpe, publication mercantile destinée aux harpistes de salon.
Bochsa devint légendaire au Royaume Uni !
" Le 22 juin 1829, le légendaire harpiste français, faussaire déjà condamné et criminel évadé, Robert Nicolas Charles Bochsa commit la plus infâme offense à la musique » en transformant la Symphonie pastorale de Beethoven en ballet acclamé par le public londonien ! Après l’intronisation de la reine Victoria en 1837, Bochsa devint son harpiste attitré et directeur de son Opéra italien et présenta son dernier ballet en trois actes composé en Angleterre Le corsaire inspiré par le poème de Byron datant de 1814. Subséquemment, il découvrit la cantatrice anglo-française Anna Rivière Bishop, épouse du très populaire compositeur et chef d’orchestre Henri Bishop. Ils commencèrent une fructueuse collaboration artistique. L’admiration réciproque sur le plan professionnel se transforma en passion. Nymphomane inguérissable, qui fréquenta les boudoirs des aristocrates et des dames de la haute société, ainsi que les courtisanes et les filles de joie, Bochsa tomba vraiment follement amoureux à l'âge de cinquante et un ans et demeura fidèle à la ravissante, charmante, intelligente, très cultivée et hautaine cantatrice jusqu’à la fin de ses jours et lui consacra toute son énergie créatrice. Hélas, Bochsa commit de nombreux actes délictueux en Angleterre, le Tribunal de Londres proclama la faillite du rastaquouère français, malgré ses cachets royaux et astronomiques, il ne put ou ne voulut pas rembourser ses dettes, et fut accusé de bigamie après avoir épousé la sœur de la maîtresse du Prince de Galles sans avoir obtenu le divorce en France. Le nouvel exil fut inévitable et fut suivi d’un nouveau scandale : la belle et excellente cantatrice Anna Rivière Bishop, déjà illustre en Grande Bretagne, décida de quitter son mari et ses trois enfants et de suivre son escarpe déluré et salace. Le journal londonien The Times informa ses lecteurs qu’Anna Bishop avait quitté sa maison laissant son mari dans un état frôlant la déraison et ses trois jeunes enfants sans soins ni protection maternelle. Cette information faussement pathétique fut fournie au journal par Henry Bishop. Le frère d’Anna, Robert Rivière écrivit une lettre ouverte à Bishop dans le même journal et lui demanda de démentir ses allégations malintentionnées. Bishop ne réagit pas et Robert Rivière rendit publique la longue et fort bien écrite lettre d’adieu que sa sœur avait adressée à Bishop. Cette lettre apprend aux lecteurs qu’elle avait laissé de l’argent à ses enfants (bien que son mari officiel n’en manquât point à cette époque. D’autre part, le père d’Anna était toujours très actif sur le plan professionnel et il n’aurait certainement pas abandonné ses petits-enfants. Malheureusement, la mère d’Anna fut atteinte de la sénilité précoce et n’aurait pu s’en occuper. Dans cette lettre, Anna exprime son admiration pour Bochsa et essaye de faire comprendre à Bishop ce qu’elle doit à Bochsa sur le plan professionnel. La réponse de Bishop ne tarda pas, fut très bien écrite, mais ne convainquit personne. Assez malicieusement, il déclara qu’il avait interdit à son épouse légitime toute intimité avec Bochsa. Le couple infernal entreprit la conquête de l’Europe et triompha en Allemagne, en Belgique, en Hollande, au Danemark, en Suède, en Russie, en Autriche, en Hongrie, en Suisse, en Turquie, en Moldavie… et fut engagé à Naples par le théâtre San Carlo pendant trois saisons consécutives et chaleureusement applaudi après chaque spectacle. Madame Rivière Bishop excella dans les opéras de Bellini, Donizetti, Rossini, Verdi et Mercadante, émule de Verdi, fêté et glorifié durant sa longue vie par le public italien. Après avoir refusé le renouvellement de leur contrat à Naples avec les conditions très avantageuses et les titres très flatteurs, ils décidèrent d’entreprendre la conquête de l’Amérique du Nord. Ils triomphèrent à New York malgré l’ignoble campagne de dénigrement dans la presse précédant leur arrivée et concernant surtout la vie privée de Madame Rivière Bishop. Ils se rendirent au Mexique aussi en 1849, où Bochsa contacta la pègre locale !, y restèrent une année avec leurs dix employés et le secrétaire particulier de Madame Bishop, le Français de Bordeaux Alfred Bablot, regagnèrent les États Unis sans Bablot qui demeura au Mexique jusqu’à sa mort et y fit une belle carrière de critique et éducateur musical, formèrent une compagnie d’opéra qui ne résista pas aux vulgaires admonestations et aux gestes indécents de Bochsa et leur faussa compagnie à Mobile, dans l’Alabama, avant le spectacle, furent très actifs et très sollicités, eurent beaucoup de succès et gagnèrent beaucoup d’argent -. En 1855 ils s’embarquèrent à San Francisco à destination d’Australie. Après un long et éprouvant voyage, le couple infernal arriva à Sydney le 3 décembre de cette année. Dans son excellent et très concis article écrit pour le Dictionnaire biographique australien Australian Dictionary of Biography, publié en 1969 par Melbourne University Press, E. J. Lea-Scarlett nous donne les détails sur leur séjour de 34 jours à Sydney. Bochsa était déjà en phase terminale d’une hydropisie aiguë. Leur premier concert, prévu pour le 18 décembre 1855 au Royal Victoria Theatre, fut d’abord reporté au 20 décembre, mais Bochsa fut trop faible pour jouer en public. Le 22 décembre leur premier concert eut lieu au Prince of Wales Theatre. Les organisateurs annoncèrent le concert du Compositeur et premier harpiste de sa majesté la Reine Victoria, gouverneur permanent de l’Académie royale d’Angleterre, ex-directeur de l’Opéra italien de sa majesté, et du théâtre San Carlo à Naples. Bochsa dirigea l’orchestre et accompagna Madame Rivière Bishop au piano, mais fut trop faible pour jouer ses compositions pour harpe seule annoncées dans le programme. Néanmoins, le succès fut tel, qu’ils furent réengagés pour trois concerts encore. La santé de Bochsa déclina, il fut porté en civière à la salle de concerts et la direction d’orchestre fut assurée par Stephen Marsh. Bochsa s’éteignit, heureux et aimé, le 8 janvier 1856 à l’hôtel Royal et fut enterré avec grande pompe au cimetière Camperdown à Sydney. Toujours selon E. J. Lea-Scarlett, un chœur australien chanta un requiem que Bochsa composa trois jours avant sa mort et l’arrangement pour orchestre de la même œuvre fut interprété pendant la procession vers le cimetière. Une stèle commémorative fut érigée par son égérie profondément affligée et dévastée : Consacré à la mémoire de Nicolas Charles Bochsa qui décéda le 6 janvier 1856 à l’âge de 66 ans. Ce monument est érigé avec le sincère dévouement de sa fidèle amie et élève Anna Bishop. Déplorez son départ – déplorez les cordes brisées de sa harpe. Une musique pareille n’ondoiera plus jamais. Personne ne pourra faire chanter la lyre comme lui. Traduction par l’auteur de cet article.
Cette épitaphe, ce cri touchant d’un cœur brisé et reconnaissant, en dit long sur les rapports du couple. Madame Bishop savait qu’elle devait sa carrière de cantatrice d’opéra à son compagnon, qu’elle avait étudié tout son vaste répertoire avec lui. Elle connaissait sa grandeur professionnelle incontestable et n’ignorait pas sa bassesse morale indescriptible. Sa passion sensuelle pour cet homme qui avait vingt et un ans de plus qu’elle et pour qui elle a abandonné mari et enfants, s’était probablement éteinte avec sa terrible et visible déchéance physique, mais son amour pour lui, son admiration profonde pour ses qualités professionnelles et sa sincère reconnaissance sont devenus plus intenses. (Déjà dans les années 1850 la presse américaine notait que Bochsa, qui fut beau, grand et svelte, était devenu pansu et chenu et qu’il pesait 300 livres ! Elle a continué à propager sa musique vocale composée pour elle jusqu’à la fin de sa longue et brillante carrière sur tous les continents et à déplorer les cordes brisées de sa lyre qui l’ont rendu muet, mais toujours présent dans son esprit et ses pensées. Elle s’inquiétait certainement pour la continuation de sa carrière sans Bochsa. On disait que sans Bochsa, Madame Bishop pourrait émettre à peine une note juste et que toute son excellence était due à l’effet hypnotique de son accompagnement à la harpe ou au piano et aux arabesques de sa baguette magique de chef d’orchestre ! Déjà après sa première apparition sur la scène new-yorkaise avec Bochsa, et malgré la campagne de dénigrement menée par les puritains à esprit étriqué et certains plumitifs à gage de plus basse espèce, Anna Rivière Bishop conquit le public toujours très nombreux et la critique américaine : Après son premier concert à New York, Madame Bishop fut acclamée avec excitation comme la plus grande cantatrice entendue aux États Unis d’Amérique après la Malibran. Elle chante avec passion en anglais, en italien et en français avec la même facilité. La pureté de son soprano, ses aiguës, ses fioritures, ses paraphes, et surtout ses gammes chromatiques en legato et en staccato, sont rendus avec l’aisance d’une véritable alouette. Ses notes, riches, glorieuses, délicieuses notes, sonnent toujours dans nos oreilles. Nous ne sommes pas encore guéris de cette délicieuse intoxication due à sa voix. Sa voix est un pur soprano, claire, puissante, rappelant la flûte. Madame Bishop était, comme l’on pouvait s’y attendre, inégalée de ce coté de l’océan comme cantatrice et comme actrice accomplie et véridique, passionnée et naturelle. L’élégance et les luxueuses robes de Madame Bishop, ainsi que ses bijoux resplendissants, furent très remarqués par son public et par la presse qui les décrivait souvent en détails. Nicolas Bochsa suscita le même enthousiasme :
Bochsa – le Paganini de la harpe
Bochsa, unanimement proclamé le plus grand harpiste au monde, a interprété sa longue composition Mosaïque musicale, mais ne voulait pas la bisser. Néanmoins, il improvisait extraordinairement une fantaisie sur les thèmes offerts par le public. Bochsa est un merveilleux instrumentiste. La harpe dans ses mains est remplie de splendides effets ; elle est capable de produire d’innombrables variétés dynamiques et couleurs tonales, remplies de délicatesse et flamme lyrique. Son interprétation est prodigieuse et son toucher encore plus. Ses mains se promènent sur les coordes et émettent des arpèges sonores, des passages rapides éclatants, des harmoniques pures et argentées comme si elles provenaient des harpes aux cordes d’or des chérubins.
En bref, Bochsa fut un génie. Quant à Madame Bishop, elle fut, si c’est possible, encore plus fascinante qu’auparavant. Sa voix produisit un effet ravissant de harpe d'Éole. Bishop et Bochsa créèrent une nouvelle dimension de réceptivité musicale du grand public américain ! ! ! Le couple infernal marqua en traits indélébiles ses prestations aux États Unis d’Amérique, en Europe et en Australie : On peut lire dans The Quarterly Journal of the Library of Congress, volume 26/1969 – Compositeur fécond et harpiste inventif, Bochsa a fait de la harpe un instrument de virtuosité ; dans le Bulletin of New York Public Library en 1970 – Robert Nicholas Charles Bochsa, un génie musical français, un des plus grands harpistes de tous les temps ; dans International Music and Opera Guide en 1986 – France, Italie, Suisse, Angleterre, URSS marqueront le 200e anniversaire de la naissance du harpiste et compositeur Nicolas Bochsa ; Juan B. Iguiniz dans son ouvrage Guadalajara a través de los tiempos, publié en 1989 par la municipalité de la capitale de l’état de Jalisco, nous apprend que Bochsa a gagné un concours de composition de l’hymne national mexicain en 1850 (paroles du poète cubain Juan Miguel Lozado). Cet hymne fut exécuté au Théâtre principal de Guadalajara. En 1853, il fut remplacé par un autre hymne composé par le Catalan Jaime Nunó Roca paroles de Francisco González Bocanegra ; dans Verdi at the Golden Gate : Opera and San Francisco in the Gold Rush en 1993 par George Whitney Martin : En provenance de New York via le Panama, elle arriva à San Francisco en 1854 avec son compagnon et imprésario Nicholas Bochsa, compositeur et chef d’orchestre qui fut le premier harpiste au monde ; Richard Michael Davis publia en 1997 son livre intitulé Les aventures d’une prima donna intrépide ; dans Discanto : ensayos de investigación musical, Volume 1, de Louisa Vilar-Payá et Ricardo Miranda, publié par Universidad Veracruzana, Mexique en 2005 on peut lire les détails sur l’excitation provoquée par l’annonce de leur premier concert au Teatro principal de Guadalajara et sur leur triomphe. Entre 1983 et 2007, les maisons d’édition allemandes Meiserburger Berlin-Kassel, Friedrich Hofmeister à Leipzig, Musikedition G. A. M. A. à Kirchheim, Zimmerman à Francfort, Accolade à Warngau publièrent des compositions de Bochsa de caractère didactique. Notons aussi que Ut Orpheus Edizioni à Bologne publièrent la Sonate pour harpe seule en 2007, les sonates pour harpe et violon op.44 numéros 1, 2 et 3 en 2008, les Nocturnes pour harpe et violon en 2009. La grande artiste française Lily Laskine 1893-1988 a enregistré en 1966 son Concerto en ré majeur op. 15. Ses compositions pour harpe seule, ses nombreux arrangements d’airs d’opéras et ses œuvres de musique de chambre sont toujours présents sur les estrades et sur les disques, surtout aux Etats-Unis d’Amérique. Sa ville de naissance Montmédy a organisé un symposium "Plein feu sur Bochsa" le 23 avril 2011.
Å’uvres diverses
Le Retour de Trajan ou Rome triomphante, intermède en deux actes et en vers, livret de Stéphanie-Aline Despréaux 1805, Lyon La Dansomanie, ballet 1806, Bordeaux Le Déluge universel, oratorio 1806, Bordeaux Requiem à la mémoire de Louis XVI pour chœur d'hommes et instruments à vent, dédié à Louis XVIII Basilique Saint-Denis L'Héritier de Paimpol, opéra-comique en trois actes 29 décembre 1813, Opéra-Comique Les Héritiers Michau ou le Moulin de Lieursain, opéra-comique en un acte 30 avril 1814, Opéra-Comique Alphonse d'Aragon, opéra-comique en trois actes 20 août 1814, Opéra-Comique Le Roi et la Ligue ou la Ville assiégée, opéra-comique en trois actes 22 août 1815, Opéra-Comique Les Noces de Gamache d'après Cervantès, opéra-comique en deux actes 16 septembre 1815, Opéra-Comique La Lettre de change, opéra-comique en un acte 11 décembre 1815, Opéra-Comique Un mari pour étrennes, opéra-comique en un acte 1er janvier 1816, Opéra-Comique Justine ou la Cruche cassée, ballet 7 janvier 1825, Londres Le Temple de la Concorde, ballet 28 janvier 1825, Londres La Naissance de Vénus, ballet en deux actes 8 avril 1826, Londres Le Corsaire, ballet en trois actes 29 juillet 1837, Londres
Citation
On ferait plus d’un volume des folies, des aventures romanesques, de la vie si agitée de ce harpiste célèbre. Ses mémoires seraient chose fort curieuse ... De quelle aventure galante, mystérieuse, fantastique, ce harpiste, qui fut un des plus beaux hommes de France et de Navarre sous la Restauration, ne fut-il pas le héros ?
— Revue et Gazette musicale, 1842
Posté le : 08/08/2015 17:40
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