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De Montpellier
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Le 20 avril 1472 Ã Rome meurt Leon Battista Alberti
écrivain, philosophe, peintre, mathématicien, architecte, théoricien de la peinture et de la sculpture, humaniste italien de la Renaissance. Sa vie est décrite, avec de nombreuses erreurs, dans la Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes de Giorgio Vasari. il était né le 18 février 1404 à Gênes
Rares sont les domaines que Leon Battista Alberti n'a pas abordés. Homme de lettres, défenseur de la langue italienne, moraliste, mathématicien, mais surtout théoricien de l'art et architecte, ce parfait humaniste s'est acquis dès la Renaissance une réputation universelle. Ses ouvrages sur les arts figuratifs et l'architecture constituèrent les premiers traités des Temps modernes, ses projets d'édifices créèrent un nouveau langage architectural, synthèse hardie de l'Antiquité et d'une modernité déjà mise en œuvre par Filippo Brunelleschi. Très vite Alberti devint un maître : moins d'un siècle après sa mort, il restait une autorité, et Vasari, dans la première édition des Vies, rendit hommage au Vitruve florentin. L'œuvre d'Alberti, si diverse soit-elle, est sous-tendue par les mêmes valeurs : responsabilité de l'homme devant son destin, pouvoir de la vertu, foi dans le pouvoir créateur de l'esprit humain, ce qui n'exclut pas un certain pessimisme lié aux vicissitudes de sa propre existence et à la fréquentation des cours princières et pontificale. Humaniste, théoricien et praticien dilettante, Alberti inaugure l'un des principaux types de l'architecte à l'âge classique. Pierre Lescot, Daniele Barbaro, Claude Perrault seront, de ce point de vue, ses héritiers. L'autre grande figure de la Renaissance italienne, Brunelleschi, représente un second type : celui de l'homme de chantier, qui, bien qu'attentif à l'aspect théorique de son art et aux principes de l'Antiquité, est plus attaché aux réalités pratiques et à la tradition locale qu'il hérite de son expérience de constructeur. Antonio da Sangallo, Philibert Delorme et François Mansart se situent dans cette lignée. L'œuvre d'Alberti et de Brunelleschi traduit cette opposition, si bien exprimée par André Chastel : n n'aura aucune peine à opposer la démarche de Brunelleschi à celle d'Alberti, si l'on songe à ce qui sépare Saint-Laurent du Temple de Malatesta, Santo Spirito de Saint-André de Mantoue : ici, ligne et dessin, là , mur et volumes ; ici, la scansion des vides et un rythme explicite, là , des consonances multiples ; ici, le roman toscan porté à un ordre de rapports d'une pureté parfaite, là le modèle romain obstinément médité L'Architecture cosa mentale, in Filippo Brunelleschi, la naissance de l'architecture moderne, L'Équerre, Paris, 1978. Peut-être faut-il des génies comme Léonard ou Michel-Ange pour dépasser cette opposition. Architecte, sculpteur, peintre, scientifique, poète et prosateur, il est l'un des représentants majeurs de l'humanisme. Son goût pour les arts se mêle à la culture classique. Cette synthèse de l'humanisme est exposée dans sa théorie architecturale De re aedificatoria 1455, inspirée de Vitruve, qui complète sa réflexion sur l'art De statua et De pictura, 1435. Son œuvre littéraire, très variée qui comprend entre autres les écrits en prose Intercoenales et le dialogue politico-social Momus, d'abord caractérisée par un éclectisme érudit, s'oriente ensuite vers une réflexion sur la place de l'individu dans la société bourgeoise de son temps. Cette évolution s'accompagne d'un abandon progressif du latin au profit d'un usage concerté, voire polémique, de la langue vulgaire italienne. En témoigne le dialogue De la famille 1434-1441 où il traite successivement de l'éducation des enfants livre I, de l'amour comme ciment de la communauté familiale livre II et de l'administration des biens livre III. Alberti y ajouta un quatrième livre sur l'amitié en 1440-1441.
Sa vie
Alberti est né à Gênes, fils naturel de Lorenzo degli Alberti, descendant d'une célèbre lignée de banquiers et marchands florentins, les Alberti. Sa mère était, selon toute vraisemblance, une servante de la famille et - dans ce contexte - il ne lui est pas possible d'hériter de l'immense fortune paternelle ; laquelle revient à deux de ses cousins. Après la mort de son père, en 1421, il étudie le droit à l'université de Bologne. Contrairement à ce qui s'est longtemps dit, Alberti n'a jamais effectué un tour d'Europe à l'âge de 25 ans ; en revanche, à la différence de nombre de ses contemporains, la formation d'Alberti s'est faite dans plusieurs villes, en Italie du Nord. Selon ses dires, sa famille voulait qu'il se consacre à ce qui avait fait la fortune de la famille, c'est-à -dire le commerce et la banque, les Alberti étaient les banquiers des papes à la fin du XIVe et au début du XVe siècle ; mais c'est vers les lettres que Battista - il ajoutera plus tard le surnom Leon à son prénom - se tourne, en prenant les ordres mineurs et en recevant un premier bénéfice à l'intérieur du territoire florentin ; il devient alors abréviateur apostolique, c'est-à -dire fonctionnaire pontifical. Son statut d'enfant naturel bridera cependant sa carrière romaine autant que son éventuelle implication dans la politique de Florence. C'est d'abord grâce aux lettres qu'il tente de se faire reconnaître, de l'âge de 20 ans à celui de 50 ans environ, en rencontrant, plus que tout dans sa propre patrie, Florence, qu'il visite pour la première fois en 1430, l'hostilité, voire l'ostracisme. Il est vrai que dans ses nombreux écrits satiriques, Alberti n'hésite pas à s'en prendre au milieu humaniste florentin et à la Curie romaine avec un ton mordant et une verve qu'on ne retrouvera pas de sitôt dans la littérature mondiale.
Le premier document qui prouve qu'Alberti est impliqué dans un chantier architectural date de 1454, lettre à Matteo de' Pasti, directeur du chantier du Tempio malatestiano à Rimini. À partir de cette date, Alberti obtient véritablement la reconnaissance, et même la gloire qu'il recherchait depuis l'âge de 20 ans. Il peut alors rentrer à Florence et prendre possession du palais de son grand-père Benedetto ; sa place est alors celle d'une autorité intellectuelle et morale reconnue. Il meurt à Rome, quelques mois après avoir fait visiter les ruines romaines au jeune Laurent le Magnifique.
Ses activités
C'est une des figures les plus importantes de la Renaissance, grand écrivain et philosophe, en latin comme en toscan, théoricien de la perspective mathématique et plus généralement des arts. Fils d'un exilé florentin, il étudia le droit canonique, mais aussi les mathématiques et la philosophie à Venise, Padoue et Bologne. Probablement grâce à l'aide de certains de ses parents, en particulier le prélat Alberto degli Alberti et Francesco d'Altobianco, il devint, à Rome en 1432, un abréviateur apostolique au service des papes Eugène IV et Nicolas V. C'est là que naquit son intérêt pour le classicisme. Il vécut à Florence et dans les villes du centre de l'Italie en suivant les déplacements du pape Eugène IV pendant une dizaine d'années. Pendant cette période, il tente en particulier de promouvoir la littérature en langue vernaculaire, c'est-à -dire le toscan. L'échec de ce combat, en particulier à Florence, le pousse vers d'autres territoires, et particulièrement vers des travaux de génie et vers l'architecture. Revenant à Rome, il écrivit la "Descriptio Urbis Romae", premier plan scientifique d'une ville, probablement dans le but de retrouver le tracé de l'aqueduc de l'Acqua Vergine. À partir de l'art de l'antiquité, il élabora la théorie de la beauté en tant qu'harmonie, exprimable mathématiquement dans ses parties et son tout ; ainsi, la base de la projection architecturale se trouve dans la proportionnalité des édifices romains. Cette vision harmonique est présente dans toutes ses œuvres. En 1434 il arriva à Florence et découvrit, dans l'art de Brunelleschi, Masaccio et Donatello, l'affirmation de ses propres principes. Tout en étant un profond admirateur de la langue latine, Alberti est très tôt persuadé qu'il serait vain de vouloir la ressusciter. C'est ainsi qu'il organise à Florence, en 1441, un concours de poésie en langue vulgaire : "le certame coronario", qui était destiné à renforcer le prestige de l'italien.
Vers la fin de sa vie, Leon Battista Alberti ne quittait plus Rome que pour de rares et courts séjours à Florence et à Mantoue. Une fois les plans et dessins d'un monument donnés, il ne restait pas sur le chantier et confiait à d'autres la surveillance et la conduite des travaux. Christophe Landini raconte, dans, ses Quæstiones camaldulenses, que quelques amis, Laurent et Julien de Médicis, Alemanno Rinuccini, Pietro Acciaioli, etc., retirés pendant les chaleurs de l'été dans une villa près du couvent des Camaldules, apprirent à l'improviste l'arrivée d'Alberti, descendu chez Marsile Ficin. Ils résolurent de ne pas retourner pour quelques jours à Florence, afin de jouir plus complètement de la présence du grand humaniste. Le temps se passa en longues causeries, dans une prairie arrosée d'un ruisseau, à l'ombre d'un platane. Tous ces Platoniciens de la Renaissance, groupés autour d'Alberti, écoutèrent disserter du souverain bien, de la vie contemplative et de la vie active, des allégories de Virgile, tout cela, écrit Landino, "memoriter, lucide ac copiose." Il est certain que Landino connaissait bien Alberti, mais il est tout aussi certain que le portrait qu'il dresse de sa pensée dans les "Disputationes camaldulenses", quelques années après sa mort, n'a pas grand-chose à voir avec ce qu'Alberti a exprimé dans ses œuvres écrites. Pire, cette image romancée a poussé les historiens vers une interprétation platonicienne de la pensée d'Alberti qui est aux antipodes du réalisme presque aristotélicien de cette pensée.
Le mathématicien
Alberti a donné une belle méthode de construction de la décroissance de la profondeur apparente des carreaux lorsque l'on s'éloigne de la ligne de terre en perspective.
Cryptologie
Alberti rédige un essai qui analyse les fréquences de lettres dans les phrases latines et italiennes, et démontre leur impact dans le déchiffrement. Cette étude passe pour le premier vrai ouvrage de cryptanalyse du monde occidental. Il invente le cadran chiffrant. Il s'agit de la réunion de deux disques, le plus grand fixe et le petit mobile, marqués des lettres de l'alphabet et de chiffres, dont on modifie l'alignement. Chaque nouvelle position du disque amène de nouvelles équivalences, ce qui inaugure la méthode de la substitution polyalphabétique. Il améliore sa découverte pour proposer le surchiffrement codique, une révolution qui ne sera comprise qu'au XIXe siècle.
Génie et physique
Grand ingénieur de la Renaissance, il imagina le premier anémomètre en 1450. Il utilise une plaque mobile tournant autour d’un axe horizontal pour estimer la force du vent, l’angle formé entre la palette et la verticale position repos permettant d’évaluer la force du vent
Humanisme et architecture : le théoricien
Alberti s'est employé à restaurer le langage formel de l'architecture classique. Si Brunelleschi construisit, Alberti théorisa : il appliqua son fondement scientifique à l'œuvre d'art, redonna de la noblesse au rang d'artiste, mit la peinture, la sculpture et l'architecture sur le même plan que la littérature et que la philosophie. L'artisan est ainsi devenu un intellectuel. Alberti a défini en théorie le nouvel idéal artistique de la Renaissance : son De pictura, rédigé en latin et traduit en italien par Alberti lui-même, qui le destinait aux artistes la version italienne est d'ailleurs dédiée à Brunelleschi, exposait la théorie de la perspective qui venait de déclencher une révolution dans la peinture florentine. Dans le De statua, il développa une théorie des proportions fondée sur l'observation des mensurations du corps de l'homme, conforme à la pratique de Ghiberti, Michelozzo et Donatello. Mais l'architecture était à ses yeux l'art par excellence, celui qui contribue le mieux à l'intérêt public, la forme supérieure du Bien. Dans les années 1440, à la demande de Lionello d'Este, Alberti entreprit un commentaire du De architectura de Vitruve. Devant l'obscurité et les incohérences du texte, il décida de réécrire lui-même un traité d'architecture, inspiré certes de l'architecte romain, mais adapté aux nécessités et aux mentalités modernes. Le "De re aedificatoria", divisé en dix livres comme le traité vitruvien, est le premier traité d'architecture de la Renaissance, et son auteur fut cité par des humanistes, tel Rabelais dans Pantagruel, chap. VII, à l'égal non seulement de Vitruve, mais aussi d'Euclide ou d'Archimède. Dans l'Introduction de l'ouvrage, Alberti aborde le rôle de l'architecture dans la vie sociale. Les trois premiers livres techniques sont consacrés respectivement au dessin, aux matériaux, aux principes de structure. Dans les livres IV à X, Alberti traite de l'architecture civile : choix du site, typologie des édifices civils, publics et privés. Sa cité idéale a un plan rationnel, avec des édifices régulièrement disposés de part et d'autre de rues larges et rectilignes. Cette nouvelle conception de l'urbanisme, en rupture avec les pratiques médiévales, est liée sans doute à l'essor sans précédent de la cité-république. Alberti reprend la plupart des thèmes abordés par Vitruve. L'architecture repose, pour lui, sur les mêmes principes de firmitas solidité, utilitas : utilité, venustas : beauté. Il accorde une place importante au decorum et développe la définition de la beauté donnée par l'architecte romain : elle est une sorte d'harmonie et d'accord entre toutes les parties qui forment un tout construit selon un nombre fixe, une certaine relation, un certain ordre, ainsi que l'exige le principe de symétrie, qui est la loi la plus élevée et la plus parfaite de la nature livre IX, chap. V. Le "De re aedificatoria" est aussi le premier texte moderne à parler clairement des ordres d'architecture. La notion d'ordre n'est pas encore bien précise pour l'humaniste ; certes, il traite successivement des bases, des chapiteaux et des entablements de chaque ordre, mais les formes décrites sont assez proches de celles qui deviendront canoniques aux siècles suivants. À partir des données vitruviennes souvent confuses, il détaille les éléments des ordres toscan, dorique, ionique et corinthien, ajoutant ou précisant quelques points, tracé du tailloir corinthien, volute ionique, base „corinthienne“ qu'il nomme ionique. Mais la grande nouveauté de sa conception des ordres est la perspective nationaliste : Alberti affirme la primauté de la nation étrusque, et donc des Toscans, en voyant dans l'ordre éponyme l'ordre le plus ancien. En outre, il est le premier à décrire le chapiteau composite qu'il nomme "italique" pour bien souligner qu'il s'agit d'une création italienne, et non grecque. L'influence du traité fut à la fois considérable et limitée. Considérable, car l'ouvrage fit de son auteur l'égal de Vitruve et, à ce titre, une référence obligée. Limitée, car sa publication tardive 1485 et surtout l'absence d'illustrations nuisit à sa diffusion. Du reste, rédigé en latin, il était davantage destiné aux connaisseurs qu'aux bâtisseurs.
De la théorie à la pratique
L'œuvre construite est peu importante en quantité. Alberti, homme de cabinet, ne fut pas présent sur les chantiers, comme le révèle par exemple la lettre dans laquelle il donne des instructions très précises à Matteo de' Pasti, chargé de l'exécution de San Francesco à Rimini. Dans d'autres cas, son intervention n'est pas prouvée. On lui attribue généralement la paternité du palais Rucellai, à Florence. Le palais fut construit en deux étapes par Bernardo Rossellino, 1448-1455, apr. 1457 et av. 1469, mais l'humaniste est vraisemblablement l'inspirateur d'une façade qui présente pour la première fois trois niveaux de pilastres appliqués sur le revêtement à bossage typique des palais florentins. Cette superposition d'ordres inspirée de modèles antiques Colisée, théâtre de Marcellus, l'utilisation d'une corniche à l'antique et, à la base de l'édifice, d'un opus reticulatum, sont tout à fait dans l'esprit d'Alberti, qui apparaît ainsi comme l'inventeur d'un type de façade sans précédent à Florence. En 1450, Sigismondo Malatesta avait appelé Alberti à Rimini pour moderniser San Francesco et en faire un mausolée dynastique, d'où son nom de tempio Malatestiano. Le Florentin conçut une enveloppe moderne, habillant la façade et les flancs de l'ancien édifice, ainsi qu'une rotonde, dans le prolongement du chœur, couverte d'une immense coupole ; toutefois, ce dernier projet ne put être mené à bien. À Florence, Alberti réalisa à la demande de Giovanni Rucellai le Saint-Sépulcre de l'église San Pancrazio, petit édicule supporté par des pilastres cannelés en 1467, et surtout la façade de Santa Maria Novella en 1457-1458. Quant aux édifices prévus pour Mantoue, ils ne furent pas terminés : San Sebastiano n'a jamais reçu la façade que prévoyait Alberti, et c'est Filippo Juvara qui construisit au XVIIIe siècle la coupole de Sant'Andrea. De même, l'église de Rimini resta inachevée.
Tous ces édifices sont cependant très importants pour l'histoire de l'architecture, car ils posent, d'entrée de jeu, les deux problèmes cruciaux de l'architecture religieuse de la Renaissance : celui du plan centré ou longitudinal et celui de l'adaptation des formules antiques aux façades des églises modernes. San Sebastiano, construit sur l'emplacement d'un ancien oratoire, a un plan en croix grecque. Sant'Andrea, église destinée à accueillir de nombreux fidèles, comporte pour cette raison une nef sans bas-côtés, mais dotée de chapelles latérales et couverte d'une puissante voûte en berceau reposant sur des piliers disposés entre les chapelles, dans un rythme inspiré de l'arc de triomphe antique. Enfin, le temple des Malatesta devait combiner une nef longitudinale et un sanctuaire en forme de rotonde. Les principales solutions qu'adopta l'architecture religieuse des siècles suivants se trouvent ici définies : le plan central fut celui du Saint-Pierre projeté par Bramante et par Michel-Ange ; le plan longitudinal de Sant'Andrea préfigure celui du Gesù construit à Rome par Vignole ; la combinaison de la nef et de la rotonde, souvenir du Saint-Sépulcre de Jérusalem, se retrouve à la Santissima Annunziata de Florence ; elle fut reprise par Diego de Siloé pour la cathédrale de Grenade.
L'autre grand problème était celui de la façade. Les modèles antiques utilisant les ordres – le portique de temple avec fronton et l'arc de triomphe – s'adaptent difficilement à l'élévation d'une église chrétienne comportant une nef haute et des bas-côtés. À Santa Maria Novella, Alberti adopta la solution la plus simple : deux niveaux d'ordres superposés, large au rez-de-chaussée et plus étroit à l'étage, avec de part et d'autre de ce niveau supérieur des volutes pour relier les deux étages. Cette formule fut reprise et diffusée par Antonio da Sangallo le Jeune, à Santo Spirito in Sassia, à Rome, et s'imposa définitivement dans la Ville éternelle, avec la façade du Gesù et sa nombreuse descendance. À Rimini, la proximité de l'arc d'Auguste semble avoir imposé le modèle de l'arc de triomphe, dont on retrouve des éléments : les colonnes cannelées engagées et les tondi ou médaillons des écoinçons. L'arc de triomphe constitue le rez-de-chaussée ; la partie haute de la nef est fermée par un second niveau plus étroit. Dans ce cas, les deux étages sont reliés par des demi-frontons. Palladio se souviendra de ces éléments pour ses façades d'églises vénitiennes. Sant'Andrea représente une nouvelle étape, plus audacieuse et plus problématique. L'arc de triomphe, monumental, est combiné à un fronton de temple, couvrant apparemment les deux niveaux de l'élévation. En réalité, ce n'est possible que pour le narthex, plus bas que la nef. En retrait de la façade et dissimulé par elle, un petit arc, situé plus haut que le fronton, masque la partie supérieure de la nef. Cette solution, peu satisfaisante, n'eut pas de suite. Alberti a donc posé et tenté de résoudre les problèmes majeurs de l'architecture de la Renaissance. Le style de ses réalisations témoigne lui aussi de sa modernité, car elles ne reprennent pas seulement à l'Antiquité des formules de disposition des ordres, elles en ressuscitent la monumentalité. Même inachevé (Matteo de' Pasti ne put mener à terme l'entreprise en raison de la mort de Sigismondo, en 1468), le temple des Malatesta frappe par la noblesse de sa conception. Dans la majesté de son volume intérieur, Sant'Andrea de Mantoue est comparable aux plus belles réalisations de l'Antiquité.
Cette monumentalité très romaine est cependant combinée à un décor archaïsant, qui lui confère une originalité supplémentaire. La décoration ne renie pas les modèles et le style toscans : la façade de Santa Maria Novella est une savante synthèse d'éléments antiques, attique, pilastres et demi-colonnes placées sur piédestal) et d'un registre décoratif typiquement florentin (incrustations, chapiteaux au décor préclassique, etc., qui en font la transcription moderne de San Miniato al Monte. Curieusement, les formes des ordres décrites dans le traité ne sont pas utilisées dans la réalité. Les chapiteaux de la façade de Rimini, dont la composition est donnée par l'humaniste avec la plus grande précision, diffèrent du corinthien de l'arc antique voisin, et seraient inspirés d'un type ancien de chapiteau italique ; de même, les chapiteaux de Sant'Andrea ne respectent pas les normes canoniques.
Réalisations à Florence
À Florence, le palais Rucellai, dans la via della Vigna, fut commencé en 1455 aujourd'hui siège du Musée Alinari. Sa façade est une structure géométrique pure divisée par des pilastres doriques, ioniques et corinthiens. Pour le très élégant petit Temple du Saint Sépulcre en 1467, dans la chapelle Rucellai près de San Pancrazio, aujourd'hui siège du Musée Marino Marini, il reprit les proportions du Saint Sépulcre de Jérusalem. La même année, il fut chargé par Marchese Ludovico Gonzaga de réaliser la tribune de SS. Annunziata. Il compléta ensuite la façade de la basilique Santa Maria Novella en1470 sur une commande de la famille Rucellai, en recouvrant de marbre la partie supérieure et le portail majeur, mais surtout en couronnant l'ensemble d'un tympan triangulaire classique et en rajoutant deux volutes marquetées aux côtés cachant ainsi les toits inclinés des nefs latérales.
Réalisations hors de Florence
Toutefois, c'est ailleurs qu'il a développé la majeure partie de son activité dans le domaine architectural. À Rome, il a été employé par le pape Nicolas V dans la restauration du palais papal et dans celle de l'aqueduc romain de Acqua Vergine qui débouchait dans un simple bassin dessiné par Alberti ; lequel sera, plus tard, remplacé par la fontaine de Trevi. Il restaure également les églises de Santo Stefano Rotondo et de Santa Maria Maggiore. À Rimini, il construit le temple Malatesta (1447-1460), véritable manifeste du classicisme de la Renaissance, dans le pur respect d'une église gothique qui avait préalablement existé. Enfin, à Mantoue, il laissa la « somme » de sa pensée architecturale dans les églises San Sebastiano (1460) et Sant'Andrea (1470) et anticipe ainsi les plans typiques des églises de la Contre-Réforme.
L'humaniste
Outre les mathématiques et l'architecture, Alberti a contribué à de nombreux domaines : En art, il est plus connu pour ses traités dont De pictura De la peinture en 1435 qui contenait la première étude scientifique de la perspective. Une traduction italienne de De pictura en Della pittura fut publiée l'année suivant la version latine et était dédiée à Filippo Brunelleschi. Il écrivit aussi des travaux à propos de la sculpture, De Statua. Il était tellement doué en versification latine qu’une comédie qu’il avait écrite dans sa vingtième année, Philodoxius, a trompé plus tard Alde le Jeune, qui l’édita et la publia comme une œuvre véritable de Lepidus. Il a été crédité comme auteur de "Hypnerotomachia Poliphili", un étrange roman d’imagination dont les qualités typographiques et les illustrations ont fait un des plus beaux livres jamais édités. En musique, il était réputé pour être l'un des meilleurs organistes de l'époque. Alberti était un cryptographe accompli pour son époque, et inventa le chiffrement polyalphabétique. Celui-ci était, au moins sur le principe, même s’il n'a pas vraiment été utilisé avant plusieurs dizaines d'années, l'avancée la plus significative en la matière depuis l'époque de Jules César. L'historien en cryptographie David Kahn le surnomma le Père de la cryptographie occidentale, grâce à trois avancées significatives dans ce domaine qui peuvent être attribuées à Alberti : la plus ancienne théorie occidentale de cryptanalyse, l'invention de la substitution polyalphabétique, et l'invention du code de chiffrement "The Codebreakers" en 1967. Selon certaines sources, Alberti était capable de se tenir debout pieds joints, et de sauter au-dessus de la tête d'un homme. Nous sommes en présence d'un homme qui n'entre dans aucune catégorie. Leon Battista Alberti… est né à Venise après un exil florentin... et est tombé amoureux de l'art, de la musique, de la littérature et des cercles philosophiques. Florence répondit en l'acclamant comme un homme quasiment parfait. Il était très beau et fort ; excellait dans tous les exercices physiques ; pouvait, avec les pieds attachés, sauter au-dessus d'un homme debout … s'amusait à apprivoiser des chevaux sauvages et à gravir des montagnes. Il était bon chanteur, éminent organiste, avait une charmante conversation, était un orateur éloquent, un homme d'une intelligence, alerte mais sobre, un gentilhomme de raffinement et de courtoisie... comme Léonard un demi-siècle plus tard, Alberti était un maître, ou au moins un praticien compétent, dans une douzaine de domaines - mathématique, mécanique, architecture, sculpture, peinture, musique, poésie, drame, philosophie, code civil et droit canon… Il s’intéressait aussi au dessin de cartes et travailla avec l'astronome et cartographe Paolo Toscanelli.
Ses écrits
Della famiglia première rédaction en 1432, mais texte repris jusqu'en 1443, traité ayant pour thème la vie de famille, il se décompose en quatre livres dans lesquels l'auteur aborde les sujets suivants : l'éducation des enfants livre I, l'amour et le mariage livre II, l'administration des richesses et le bon usage de l'âme, du corps et du temps livre III, l'amitié livre IV. La famille y est exaltée comme la plus importante institution naturelle et civile. Alberti revendique la puissance de la liberté humaine contre les obstacles de la fortune ; il théorise un art du savoir-vivre fondé sur la maîtrise de la réalité et la réalisation du bonheur par une vie sereine et équilibrée ; De re aedificatoria, 1485 Alberti est mort en 1472 !, traité d'architecture publié en français en 1553 sous le titre L’Architecture et Art de bien bastir, Consultation de l'ouvrage; puis traduit pour la deuxième fois en 2004 par Pierre Caye et Françoise Choay, sous le nouveau titre : L'Art d'édifier ; Le traité Villa sur l'architecture des villas à la campagne ; De pictura texte en latin et sa traduction italienne Della pittura, 1435, traité sur la peinture traduit en français en 1869 sous le titre De la statue et de la peinture (Consultation de l'ouvrage. Il existe plusieurs éditions récentes en français, de bonne qualité : De Pictura, texte latin et traduction par Jean Louis Schefer, éditions Macula, 1995 ; édition en trois langues de La peinture par T. Golsenne et B. Prévost, avec un glossaire théorique et le texte latin et sa traduction de l'inédit Les éléments de peinture, Éd. du Seuil, 2004 ; édition illustrée et expliquée en 2007, éditions Allia sous le titre original De Pictura traduit du latin et présenté par Danielle Sonnier. De statua, traité sur la sculpture ; Philodoxius, comédie ; Momus vel De principe ca. 1447, fable politique ; première trad. franç. par Claude Laurens, Momus ou Le Prince, préface de Pierre Laurens, Paris, Les Belles Lettres, 1993 ; Avantages et inconvénients des Lettres, première trad. franç. par Christophe Carraud et Rebecca Lenoir, Préface de Giuseppe Tognon, Grenoble, Jérôme Millon, 2004 En revanche, il importe de dire que l'Hypnerotomachia Poliphili, qui ne lui a été attribué, sur la base d'une argumentation scientifiquement inconsistante, que par une chercheuse isolée, dont les conclusions ne sont reprises par aucun spécialiste de l'humaniste, n'est pas d'Alberti. Il serait vain de citer la liste de tous les ouvrages consacrés à Alberti où la thèse n'est même pas reprise pour être réfutée. Citons simplement Stefano Borsi, dans la revue Albertiana II, 1999, p. 288-294, qui a relevé les très nombreux défauts d'information historique de l'ouvrage ; surtout, on chercherait en vain le nom de l'auteur parmi les participants aux quinze colloques albertiens de l'année 2004 ou parmi les personnes qui se sont occupées des quatre expositions internationales consacrées à Alberti en 2005/2006. On peut se plaindre que sa thèse n'ait pas fait l'objet d'une réfutation argumentée, mais on ne peut pas nier qu'elle ait été accueillie par un silence assourdissant - sort habituellement réservé aux thèses les plus indéfendables.
Ouvrages
L'art d'édifier, présentation, traduction et notes de P. Caye et F. Choay, Paris, Le Seuil, 2004 ; La statue, suivi de La vie de L.B. Alberti par lui-même, édition d'Oskar Bätschmann et Dan Arbib avec la collaboration d'Aude-Marie Certin, Paris, Éditions Rue d'Ulm, 2011. De la famille, introduit, traduit et annoté par Maxime Castro avec une préface par Michel Paoli, Paris, Les Belles Lettres, 2013. Grammatichetta. Grammaire de la langue toscane. Précédé de Ordine delle Laettere / Ordre des lettres, édition critique, introduction et notes de G. Patota, traduction de l'italien par L. Vallance, Les Belles Lettres, Paris, 2003. Rime / Poèmes Suivis de la Protesta / Protestation, édition critique, introduction et notes par G. Gorn, traduction de l'italien par M. Sabbatini, Les Belles Lettres, 2002.
Liens
http://youtu.be/CEVR242QKC4 Vie en Anglais http://youtu.be/6P7mSvwfseo Perspective Battista http://youtu.be/DiSE4S5E-H4 Son histoire en Italien http://youtu.be/9CtVsFjIKZg BattistaDiaporama musical http://youtu.be/PUnP3NsjuSo L'homme de la renaissance
Posté le : 20/04/2014 09:51
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