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Accueil >> newbb >> Kasimir Malévitch [Les Forums - Photographe/Peintre]

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Kasimir Malévitch
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14/12/2011 15:49
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Le 11 février du calendrier julien, soit le 23 février 1879 calendrier grégorien

naît à Kiev en Ukraine, empire Russe, Kasimir Severinovitch Malevitch en russe :

Казимир Северинович Малевич : Kazimir Severinovič Malevič
;

en polonais : Kazimierz Malewicz, à Kiev maternité catholique Kiev-Vasilkovskaja de Saint-Alexandre de parents d'origine polonaise et mort le 15 mai 1935 à Léningrad, redevenue St Pétersbourg, à l'âge de 57 ans d'un cancer. Il est un des premiers artistes abstraits du XXe siècle. Peintre, dessinateur, sculpteur et théoricien, Malevitch est le créateur d'un courant artistique qu'il dénomma le "suprématisme".
Figure de proue de l’avant-garde russe, Kazimir Malevitch donna naissance à l’un des courants de l’abstraction. Aussi a-t-il joué dans l’évolution de l’art moderne un rôle comparable à ceux de Kandinsky et de Mondrian.
La force des influences

Issu d’une famille d’origine polonaise, Kazimir Malevitch est destiné par son père à la prêtrise. Dès l’âge de 10 ans, il cultive cependant ses dons artistiques en recourant à des couleurs vives et à des formes géométriques pour peindre et dessiner. Après avoir fréquenté les Beaux-Arts de Kiev, il s’installe à Moscou en 1904 afin de s’y inscrire à l’Académie de peinture. En même temps que l’art de l'icône, il découvre la peinture française. Il se lie par ailleurs avec Michel Larionov et son épouse Natalia Gontcharova, dont les œuvres mêlent inspiration populaire et innovation formelle.
Si l'œuvre de Kasimir Malévitch offre comme un condensé de la plupart des problèmes esthétiques qui ont occupé les artistes du XXe siècle, c'est sans doute parce qu'il avait lui-même une conscience très nette des enjeux historiques de son travail. Son premier texte important s'intitulait Du cubisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural, mais il aurait très bien pu avoir pour titre quelque chose comme : du symbolisme au suprématisme, en passant par l'impressionnisme, l'art nouveau, le néo-impressionnisme, l'art nabi, Cézanne, le fauvisme, le cubisme, le primitivisme, et le futurisme. Bien qu'il ait reçu des bribes d'enseignement académique, Malévitch était fondamentalement un autodidacte : ayant eu à refaire pour lui-même tout le cheminement de l'art qui l'avait précédé depuis un bon quart de siècle, il sut en dégager les lignes de force et les limites et posa avec acuité les bornes d'un nouveau départ.
Malévitch est l'un des pionniers de l'Art abstrait au même titre que Kandinsky et Mondrian.

Sa vie


Le père de Kasimir Malevitch, Severin Antonovich Malevitch 1845-1902 est le directeur de l'une des usines de raffinage de sucre industriel de betterave de l'homme d'affaires russe Nicola Tereshchenko. Sa mère, A. Ludwig 1858-1942, est femme au foyer. Kasimir Malevitch est l'aîné de 14 enfants dont 9 filles ayant survécu à l'âge adulte.
De 1896 à 1898, il étudie au collège de Parhomivka en Ukraine. Malévitch part pour Moscou en 1902, où il reçoit ses premiers rudiments d'éducation artistique tout en prenant activement part à la révolution manquée de 1905.
De 1898 à 1904, le jeune Kasimir vit à Koursk en Russie puis s'installe à Moscou dès 1904 après le décès de son père et travaille comme dessinateur industriel pour les chemins de fer.
Il se maria en 1899 avec Kasimira Ivanovna Zgleits en 1983-1942 et eu deux enfants, Anatoli en 1902 et Galina en 1909.
Après une formation de dessinateur technique à Moscou en 1902-1904 et avoir fréquenté de 1895 à 1896 l'école de peinture de Kiev6 dans la classe du peintre Mykola Pymonenko à l'âge de seize ans. Malevitch développe en autodidacte son œuvre plastique qu'il décline au cours de sa vie dans une dizaine de styles différents : réalisme, impressionnisme, symbolisme, cézannisme, fauvisme, néo-primitivisme, cubo-futurisme, cubisme alogique, suprématisme, supranaturalisme. Il fait un bref voyage à Paris en 1912.
En 1915, il présente à la "Dernière exposition futuriste de tableaux 0,10" tenue à Pétrograd du 19 décembre 1915 au 19 janvier 1916, un ensemble de 39 œuvres qu'il appelle "suprématistes", dont Quadrangle, connu sous le nom de Carré noir sur fond blanc que Malevitch instituera plus tard en œuvre emblème du suprématisme.
Avec la Révolution de 1917, il est élu député au soviet de Moscou8. Malevitch accepte des fonctions institutionnelles comme enseignant à l'Académie de Moscou, puis à l'École artistique de Vitebsk, invité par Marc Chagall puis à Petrograd et chercheur, et lutte pour la démocratisation.
En 1918 il peint Carré blanc sur fond blanc, qui est considéré comme le premier monochrome de la peinture contemporaine.
En 1927, Malevitch part en voyage en Allemagne, il y laisse 70 tableaux et un manuscrit Le Suprématisme ou le Monde sans objet, publié par le Bauhaus. Durant la guerre, une quinzaine de ses tableaux disparaissent et ne furent jamais retrouvés, une partie se trouve au Stedelijk Museum d'Amsterdam et une autre au MoMA de New York.
Artiste prolifique, il ne cesse de peindre tout au long de sa vie.

Initiation par le cubisme

Jusqu'en 1913, quoique souvent de qualité exceptionnelle, son œuvre porte surtout la marque de son apprentissage des codes de l' avant-garde européenne ; que l'on songe au Baigneur fauve de 1910 ou au Bûcheron tubiste de 1912, pour reprendre une épithète souvent appliquée à Léger, les deux œuvres sont au Stedelijk Museum d'Amsterdam, ou encore au Remouleur futuriste de la même année au Guggenheim Museum de New York. Pour cette initiation, Malévitch, comme tous les artistes de l'avant-garde russe, bénéficiait paradoxalement d'un avantage considérable par rapport à ses confrères européens : la pré-sélection extraordinaire opérée par les collectionneurs Chtchoukine et Morozov dans le foisonnement de la production artistique occidentale en ce début du XXe siècle. Contrairement à leurs collègues français, par exemple, qui n'avaient du cubisme qu'une idée édulcorée – puisque ni Braque ni Picasso n'ont exposé publiquement entre 1908 et 1919 –, les Moscovites pouvaient voir sur invitation les meilleures œuvres de ces deux artistes, mais aussi de Matisse, parfois à peine quelques mois après qu'elles eurent été réalisées. 1913 marque l'arrivée à Moscou du cubisme "synthétique" la collection Chtchoukine s'enrichit alors du Violon, 1912, du Violon sur une table, 1913, et des Instruments de musique, 1913, de Picasso : c'est une véritable révélation pour Malévitch. Le linguiste Roman Jakobson, qui visita la collection en compagnie du peintre, expliqua fort clairement ce que découvrit Malévitch en face de ces toiles révolutionnaires, à savoir qu'un tableau ne peut être un "bout de nature", comme le croyaient encore les impressionnistes, mais qu'il est un ensemble de signes arbitraires articulés selon une grammaire spécifique. Plus même, que le travail du cubisme consista à explorer cet écart entre le signe et la réalité, à souligner la nature arbitraire du signe pictural, tout comme la linguistique alors naissante analysait la nature purement oppositionnelle des signes du langage.

Le zaoum

Les discussions que Malévitch eut alors avec son ami débouchent immédiatement sur le désir d'entreprendre une enquête fondamentale sur la nature du signe pictural : puisque le signe ne se définit plus par son rapport à ce à quoi il se réfère, mais par un jeu d'oppositions internes à l'ensemble dont il participe, on doit pouvoir trouver le moyen, en peinture, d'isoler des signes purs, des signes qui aboliraient du même coup l'opposition entre forme et contenu qui est au fondement de l'esthétique classique et de la peinture figurative. C'est à cette vaste tâche que s'attelle Malévitch durant les années à venir.
Parce que ses résultats picturaux sont très en retrait par rapport aux toiles purement cubistes qui suivront immédiatement, on a souvent eu tendance à déprécier quelque peu ce que Malévitch appelait sa période zaoum ou a-logique .
Mais d'une part ses œuvres zaoum montrent comment le modèle linguistique fut déterminant pour Malévitch, d'autre part la brièveté de cette période indique combien il fut conscient de la nécessité de trouver une voie proprement picturale pour mettre au jour ses préoccupations.
Qu'est-ce que le zaoum ?
Ce mot, forgé par le poète russe Velemir Khlebnikov, désigne une forme de poème abolissant les oppositions fondamentales sur lesquelles repose la rationalité occidentale renvoyant toutes, en dernière instance, à celle de la matière et de l'esprit, et insistant sur le signifiant phonique de la langue comme déjà porteur, en lui-même, de signification d'où les nombreuses tentatives de poésie phonétique que Khlebnikov nommait aussi transrationnelle : il s'agit de déterminer l'essence de la langue, de trouver le signe zéro à partir duquel la poésie pourra renaître de ses cendres académiques.
Ce programme zaoum séduit immédiatement Malévitch, dont les lithographies illustrent à l'époque les poésies de Khlebnikov, et il essaie de le mettre en pratique dans sa peinture. Cela débouche, dans son œuvre, sur trois voies différentes, la dernière portant en germe le suprématisme même.
Les toiles et dessins a-logiques de 1913-1914 constituent la première de ces tentatives pour appliquer directement le programme zaoum à la peinture : les représentations de différents objets, chacun à une échelle différente, se juxtaposent ou se superposent dans une même image, Un Anglais à Moscou, Stedelijk Museum.
Le procédé du collage cubiste sert ici à éroder la logique classique, à mettre l'accent sur les qualités plastiques autonomes des éléments de l'image comme sur le rôle joué par les associations inconscientes dans la perception d'un tableau – mais c'est au prix d'un retour à une certaine forme de symbolisme. Bien que la mimésis soit congédiée, la dépendance de la peinture à l'égard de la « littérature » n'en est que plus affirmée.

La seconde direction que prend le zaoum dans l'œuvre de Malévitch est beaucoup plus radicale et rejoint l'invention strictement contemporaine du Ready-Made de Marcel Duchamp : il s'agit d'exposer au contraire le nominalisme sur quoi se fonde l'esthétique picturale traditionnelle.
Puisque les spectateurs confondent sans cesse le sens d'une œuvre et son référent, Malévitch entreprend une série de dessins qui se limite à l'inscription linguistique d'un référent dans un cadre tracé sur une feuille de papier : Rixe sur le boulevard, Vol du porte-monnaie, Deux zéros. De même que Duchamp démontrait que dans notre culture il suffisait de nommer œuvre d'art un porte-bouteille pour qu'il le devienne, de même Malévitch fait de l'intitulé le nœud sur quoi se fonde l'idéologie de la représentation. Il s'agit là d'une entreprise critique, et Malévitch n'aurait pu en soutenir longtemps l'ironie : à l'inverse de Duchamp, il se veut peintre, il croit à la possibilité de la peinture en tant que telle.

Victoire sur le soleil

C'est l'opéra zaoum Victoire sur le soleil qu'il monte en 1913 avec ses amis Mikhaïl Matiouchine pour la musique et Alexei Kroutchenykh pour le livret qui lui fait entrevoir une toute autre direction. Certes, le texte lui-même est un exemple parfait de poésie transrationnelle et le scandale de la première montre que l'assaut contre la logique – la victoire contre le soleil de la raison – fut ressenti comme inadmissible par le public, mais ce sont les décors et costumes géométriques de Malévitch qui constituent l'élément le plus neuf du spectacle.
Les différentes toiles de fond ont toutes ceci en commun : deux carrés ayant un centre commun, le plus grand fonctionnant comme cadre et le plus petit comme champ d'inscription, la condition essentielle de la peinture, celle d'être une surface définie par ses limites, est isolée comme telle.
La dernière de ces toiles de fond porte ce mouvement analytique à son comble : le carré intérieur de l'écran est divisé obliquement en deux parties égales, l'une blanche, l'autre noire – la ligne de démarcation entre les deux zones, imagerie cosmique oblige, étant légèrement courbe.
Le signe pictural naît de la simple articulation binaire, du degré zéro de l'articulation, ce qui abolit du même coup l'opposition figure/fond, chaque moitié du carré inscrit fonctionne tantôt comme l'une, tantôt comme l'autre.
Il n'y a plus d'images, c'est-à-dire quelque chose existant a priori dans l'imagination du spectateur, puisqu'il n'y a plus de fond neutre, de réceptacle sur lequel l'image pourrait s'inscrire.

Certes, Malévitch ne fut pas immédiatement conscient de ce qu'il venait d'accomplir dans ce dernier rideau de scène pour Victoire sur le soleil, mais il n'a pas tort d'en avoir fait après coup la naissance du suprématisme dire, comme certains spécialistes l'ont proposé, qu'il s'agit là de la représentation de l'éclipse du soleil, et seulement cela, c'est dénigrer toute réalité à cet effet d'après coup.
Quoi qu'il en soit, quand, en 1915, Malévitch organise à Saint-Pétersbourg l'exposition Dernière Exposition futuriste : 0,10 inaugurant ainsi une nouvelle ère de la peinture moderne, il s'appuie sur l'acquis que représente pour lui ce décor d'opéra. Entre-temps, après avoir abandonné les expériences d'a-logisme pictural, il s'est de nouveau penché sur le cubisme.
Les vastes aplats géométriques de couleur unie de Femme devant la colonne d'affiche, par exemple, 1914, Stedelijk Museum, accentuent la frontalité cubiste et conduisent peu à peu à cette découverte essentielle : c'est la surface même du tableau qui constitue le degré zéro de la peinture.

Le suprématisme

En 1915, à Petrograd, Malevitch présente son fameux Carré noir sur fond blanc dans le cadre de l’exposition 0.10, Le carré noir est un enfant royal plein de vie.
C’est le premier pas de la création pure en art, Écrits, tome I. En abordant l'abstraction, il fixe son attention sur le rapport entre la forme et l'espace qui l'entoure, Composition suprématiste, 1915, Stedelijk Museum, Amsterdam.
Malevitch peint trois éléments qu'il inclura plus tard parmi les éléments fondateurs du suprématisme : le Carré noir, la Croix noire et le Cercle noir.
Maniant des formes simples à caractère géométrique et unicolores disposées sur la toile ou érigées dans le réel, architectones, le suprématisme montre le caractère infini de l'espace, et la relation d'attraction et de rejet des formes.
Pour Malevitch, l'art est un processus amenant la sensation, c’est-à-dire le rapport de l'artiste au monde à se concrétiser en œuvre grâce à un module formateur étranger au support, l'élément additionnel, qui structure la masse picturale ou les matériaux.
Il introduit le concept d'élément additionnel dans ses écrits des années 1920, ainsi que dans son enseignement.
Suivant son appellation, le suprématisme se pose comme modèle supérieur de la finalité artistique d'art pur, dominant et formant dans son sillage l'art appliqué.
C'est sur la conception du rapport de l'art pur à l'art appliqué que Malevitch entre en conflit avec les constructivistes

La forme a cessé d'être un signe de l'espace pour devenir une allusion à l'espace, et le tableau lui-même, par sa présence matérielle, n'est plus qu'une allusion à la peinture. Pendant la révolution, Malévitch redouble d'activité. Il enseigne d'abord à l'Académie de Moscou, ensuite à celle de Vitebsk. En 1921, il donne ses premiers essais de céramiques suprématistes à la manufacture Lomonosov de Pétrograd.
En 1922, il participe à la première exposition d'art russe à Berlin ; en 1927, il séjourne pendant trois mois en Pologne et en Allemagne à l'occasion de son exposition rétrospective, organisée d'abord à Varsovie, ensuite à Berlin. Paraissent alors aux éditions du Bauhaus ses théories suprématistes sous le titre de Die gegenstandslose Welt, le Monde sans objet.
Une rétrospective comprenant les tableaux et les dessins restés en Allemagne a été organisée en 1958, puis en 1970 au Stedelijk Museum d'Amsterdam, qui conserve le plus vaste ensemble des tableaux de l'artiste, en 1959 à la Kunsthalle de Berne, enfin en 1989 en Russie. Le M. N. A. M. de Paris conserve depuis 1978 un ensemble unique de cinq Architectones, application du suprématisme à l'architecture reconstitués et restaurés par Poul Pedersen sous la direction de Troels Andersen.

Telle est l'affirmation magistrale de la quasi totalité des œuvres exposées à 0,10, dix exposants à l'origine, dont Tatline avec ses Contre-reliefs, chacun s'attachant à découvrir le degré zéro de leur art, et surtout du Carré noir sur fond blanc, disposé, comme une icône, à un coin de la pièce.
Ce tableau clé de l'art moderne articule en quelque sorte toutes les questions qui ont intéressé Malévitch depuis sa découverte du cubisme, déclarant à la fois toutes les conditions essentielles de la peinture.
La tableau est un déictique, ou, pour parler comme les linguistes, un index, à savoir un signe dont la signification dépend de sa co-présence avec son référent ou le contexte physique de son énonciation – tel ici ou toi : la figure du carré est un index du cadre, carré et cadre ont la même source étymologique, mais c'est aussi un index du support lui-même, le tableau est lui-même carré, à savoir de la surface physique du tableau.
Plus encore que dans le décor d'opéra, parce que cette fois-ci de manière délibérée, il y a adéquation totale entre image et champ, et donc suppression de l'opposition figure/fond sur laquelle se fonde l'esthétique occidentale depuis la Grèce antique.
Du même coup, toute idée de composition traditionnelle est abolie : la figure est donnée en même temps que sa surface d'inscription, elle en est comme le produit logique, et, par voie de conséquence, toute illusion est abolie, la surface du tableau ne se creuse pas optiquement parce que l'œil du spectateur est constamment rappelé à la surface par la simple déclaration de cette surface que constitue le carré noir inscrit dans le carré blanc.
Malévitch devance avec son Carré noir ce qu'on nommera la logique déductiviste dans la peinture américaine des années 1960.

Mais ce n'était pas le seul tableau exposé à 0,10. Il était la conséquence plus ou moins directe de l'intérêt de Malévitch pour le cubisme, mais un autre pan de sa production renoue au même moment avec sa fascination pour le post-impressionnisme et le fauvisme, à savoir pour la couleur pure. Malévitch commence d'abord par varier ses figures géométriques, comme pour vérifier si la planéité essentielle du Carré noir peut se transférer à d'autres formes, la Croix noire, dont un exemplaire plus tardif se trouve dans les collections du Musée national d'art moderne à Paris, est visible sur la photographie de l'ensemble Malévitch présenté à l'exposition 0,10. Mais il s'aperçoit bien vite qu'à l'exception des figures purement symétriques rien ne peut égaler la forme d'indexicalité minimale mise en œuvre dans son Carré noir. Il entreprend alors une série d'œuvres qui semblent à première vue comme la négation directe de cette découverte : autant la figure du carré noir adhère à son fond, autant elle est statique, autant les formes géométriques de Peinture suprématiste. Huit rectangles rouges ou de Supremus no 50, tous deux au Stedelijk Museum semblent glisser sur la surface et inviter le regard du spectateur à percer la matérialité de cette surface et à la creuser optiquement jusqu'à l'infini.
C'est que Malévitch, en cela beaucoup moins naïf que nombre de ses successeurs, sait fort bien que l'indexicalité qu'il a énoncée avec son Carré noir ne doit son succès qu'à des conditions quasi expérimentales : à moins de s'en tenir à l'absolue adéquation du champ et de l'image, rien ne pourra empêcher que la surface d'un tableau ne soit creusée, par le regard. Ce creusement illusionniste devient alors le sujet de son art, il s'agit toujours d'explorer le degré zéro de la signification picturale, et c'est la couleur même qui lui semble pouvoir mettre en évidence cette condition essentielle. Réfléchissant alors sur la nature de la perception des couleurs, le fait que celles-ci avancent ou reculent, quelle que soit la frontalité dont font preuve les figures, il s'essaie, de 1915 à 1918, à toutes sortes de combinaisons colorées chargées d'exposer le caractère inéluctable de cet illusionnisme.

Cette enquête, qui constitue la majeure partie de l'œuvre suprématiste de Malévitch, débouche sur une crise importante : en réintroduisant l'illusionnisme, fût-ce pour l'analyser, Malévitch réintègre la vieille rhétorique compositionnelle qu'il avait réussi à évacuer avec le Carré noir de 1915.
Il a, certes, réussi à isoler l'action de la couleur en tant que telle, mais c'est pour réaffirmer l'opposition figure/fond qu'il était parvenu à déconstruire radicalement.
Ce n'est donc pas un hasard qu'un grand nombre de tableaux de 1915-1918, aux compositions extrêmement complexes, en reviennent aux associations cosmiques dont jouait le décor de Victoire sur le soleil – les figures se donnant à voir comme voguant dans un espace infini.
Tout à fait conscient de cette régression (il condamnera sans vergogne ce suprématisme aérien, mais sans vouloir en revenir au Carré noir, ce qui serait, en quelque sorte, un aveu de blocage Malévitch envisage alors une autre solution au dilemme et peint son deuxième chef-d'œuvre, le Carré blanc sur fond blanc de 1918, Museum of Modern Art, New York, premier tableau achrome de l'art moderne.

Certes, plusieurs monochromes purs produits par d'autres artistes, certains étant d'ailleurs ses élèves, ont précédé cette toile de 1918, et Malévitch a sans doute été intéressé par les ressources du monochrome. Mais il sait aussi que celui-ci représente une tentative de renoncement, c'est d'ailleurs ainsi qu'il sera défini par son rival Alexandre Rodtchenko en 1921, dont les trois monochromes, un par couleur primaire, sont conçus comme une démonstration de la fin de la peinture. Malévitch cherche alors à définir non l'abolition de l'opposition figure/fond mais son degré zéro : le blanc sur blanc, parce qu'il contient théoriquement en soi toutes les couleurs du spectre, sera sa tentative la plus éblouissante pour achever cette tentative impossible.

On ne sait au juste combien de toiles blanc sur blanc Malévitch a réalisées, notre connaissance de son œuvre repose pour une bonne part sur l'ensemble de tableaux qu'il emporta avec lui pour une exposition à Berlin en 1927 ; retrouvés après la guerre, les tableaux furent acquis par le Stedelijk Museum d'Amsterdam, mais tout porte à croire qu'il ne sont pas très nombreux : l'invention de l'achrome n'a pas suffi à résorber entièrement la crise.
Malévitch se consacre alors à deux tâches essentielles : l'écriture, qui va de pair avec son enseignement – il couvre des pages et des pages de manuscrit ; et la recherche architecturale.

Là encore, il faut remonter à l'exposition 0,10 : on peut voir sur un des tableaux exposés un volume axonométrique, et c'est cette utilisation précoce d'un tel mode de représentation des volumes qu'invoquera plus tard Malévitch pour témoigner de son intérêt initial pour l'architecture.
La question qu'il se pose, dès ses premiers Planites et Architectones dont un certain nombre ont été donnés – en pièces détachées – au Musée national d'art moderne, reprend l'interrogation qu'il portait sur la peinture : quel est le degré zéro de l'architecture ? Elle n'est pas à chercher du côté de l'utilité, de la fonction, de la solidité, l'architecture commence là où il n'y a plus de but pratique. L'architecture en tant que telle, mais de la mise en forme de l'espace au moyen d'oppositions fondamentales, verticale/horizontale ; plein/vide.
Ces maquettes ne furent aucunement conçues en vue d'une quelconque construction mais comme modèles théoriques. Comme les maquettes élaborées au même moment par Van Doesburg et Van Eesteren pour l'exposition De Stijl à Paris, elles entendaient démontrer la possibilité d'une architecture abstraite, libérée des liens avec la Terre, dont de la loi de la gravitation universelle et de toute conception anatomique du bâtiment. Éléments porteurs et portés y ont même valeur, ils font partie d'un ensemble dont la fonction, en tant qu'élément de l'espace, est paradoxalement de déclarer l'infinité de cet espace.

Retour à la figure

Des nouvelles alarmantes parvinrent à Malévitch lors de son séjour en Allemagne, en 1927. Rentré précipitamment en Russie, il est directement victime du durcissement de la politique culturelle.
L'institut de culture artistique de Leningrad, où il enseignait, est dissous, et s'il parvient à trouver d'autres soutiens institutionnels et peut encore exposer, sa situation se dégrade de jour en jour. En 1930, il est arrêté pendant plusieurs semaines, nombre de ses écrits sont alors détruits par ses proches.
Il est encore trop tôt pour dire si l'œuvre tardive de Malévitch, retour à la peinture figurative, néo-classicisme en architecture est le résultat direct de ces conditions effroyables, il fut très violemment pris à parti pour son formalisme par la presse stalinienne en 1933.
Quoi qu'il en soit, jusqu'à sa mort, en 1935, Malévitch se contenta d'imiter dans sa peinture les différents styles qu'il avait adoptés avant le suprématisme, avec une prédilection pour le tubisme à la Léger ou pour un primitivisme teinté de nationalisme, qu'il renvoie au folklore russe ou à l'art des icônes.
Quoi qu'en disent les admirateurs de sa dernière période, elle leur fournit des munitions pour combattre l'abstraction, c'est avec le Carré noir que Malévitch ouvrit un nouveau chapitre de l'histoire de l'art, et celui-ci n'est peut-être pas encore clos, même s'il l'a lui-même cru, ou s'il a dû feindre de le croire.

Le réprouvé du régime

Rappelé d'urgence en Union soviétique, Malévitch tombe bientôt en disgrâce. Pendant les dernières années de sa vie, il peint des portraits et des paysages, Paysage aux cinq maisons, 1928-32, Saint-Pétersbourg, Musée russe.
En 1929, le pouvoir soviétique le stigmatise pour son "subjectivisme" et le qualifie de "rêveur philosophique". Au cours des années 1930, les besoins du pouvoir soviétique en matière d'art ayant évolué, Kasimir Malevitch est sans cesse attaqué par la presse, perd ses fonctions officielles – il est même emprisonné et torturé.
Malevitch aura appris à ses dépens que révolution politique et révolution artistique ne vont pas forcément de pair.
Après s’être rallié dès les débuts au bolchevisme, il en subit les foudres. Ses recherches picturales étant jugées subversives, il est incarcéré à la Grande Prison de Leningrad – réservée aux détenus politiques – en septembre 1930 et, pendant deux mois, soumis à d’implacables interrogatoires. Pour ajouter à l’opprobre officiel, ses cahiers de dessins sont saisis et détruits.
Dans un régime totalitaire qui, en 1932, instaure les normes du réalisme socialiste, l’art est mis en résidence surveillée.
Malevitch témoignera de son impuissance face aux événements dans un tableau de 1934, intitulé l’Homme qui court à sa perte ?.
Faute du visa qui lui aurait permis d’aller se faire soigner en France, il meurt des suites d’un cancer. Il est alors inhumé dans un cercueil qu’il avait lui-même orné de motifs suprématistes.
Même si les autorités lui décernent des funérailles officielles en 1935, la condamnation de son œuvre et du courant suprématiste s'accompagne d'un oubli de plusieurs décennies.

La reconnaissance de cet artiste intervient à partir des années 1970. Depuis, les nombreuses rétrospectives à travers le monde ont consacré Kasimir Malevitch comme l'un des maîtres de l'art abstrait.

Son œuvre


De 1907 à 1935, il participe à 35 expositions d'avant-garde en Russie et à l'étranger. Malevitch est un membre actif de l'avant-garde artistique russe et côtoie Kandinsky, Chagall, Matiouchine, El Lissitzky, Rodtchenko.
Parallèlement à son œuvre plastique, Malevitch produit des textes théoriques sur l'art. Une vingtaine d'écrits paraissent entre 1915 et 1930, mais de nombreux manuscrits restent non publiés. Tous ne sont pas directement liés aux seules pratiques artistiques : ainsi par exemple, La Paresse comme vérité effective de l'homme, écrit en 1921 et publié aux éditions Allia en 1995 en langue française, texte révolutionnaire dans la mesure où le communisme lui-même y apparaît dépassable.
Les paysages et les scènes de la vie quotidienne présentent souvent une dominante du rouge et du vert, couleurs que l'on retrouve également dans certaines icônes orthodoxes. Les gouaches des années 1910-1911 sont influencées par le fauvisme mais aussi par le néo-primitivisme et le protocubisme. Dans les années 1912-1913, il produit des toiles cubistes et futuristes.

Œuvres

Carré noir sur fond blanc, 1915
Galerie Tretiakov, Moscou
1906 : Toit rouge, où l'influence de Monet est reconnaissable.
1908-1910 : Autoportrait
1910 : Composition suprématiste, au MoMA, New York
1911 :
La Rentrée des moissons, au Stedelijk Museum, Amsterdam
Frotteurs de parquet, gouache sur papier, inspiré de la toile de Gustave Caillebotte.
Sur le boulevard, gouache sur papier, Stedelijk Museum, Amsterdam
Le Portrait d’Ivan Klioune
Étude de paysan, gouache sur papier au Centre Pompidou, Paris
La Vache et le Violon, Musée Russe, Saint-Pétersbourg, 1911 selon Malevitch
1912 :
Le Matin à la campagne après l'orage, au Musée Solomon R. Guggenheim, New York.
Bûcheron, au Stedelijk Museum, Amsterdam.
Récolte de seigle, composition cubo-futuriste.
Le Faucheur, au Musée national des Beaux-Arts, Nijni Novgorod.
1913 :
La Victoire sur le soleil, série de dessins pour le spectacle éponyme.
Le Fossoyeur, aquarelle où apparaît le premier carré noir.
Le Portrait de Mikhaïl V. Matiouchine, au Centre Pompidou, Paris
1914
Soldat 1er division, collages.
Eclipse partielle avec Mona Lisa 1914 Composition avec la Joconde - attentat contre le célèbre tableau, il annonce le dadaïsme.
L'Aviateurau Musée Russe, Saint-Pétersbourg
Un Anglais à Moscou, au Stedelijk Museum, Amsterdam
1915 :
Carré noir sur fond blanc 1915 au Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
Autoportrait à deux dimensions.
Croix, Centre Pompidou, Paris don de la Scaler Foundation et de la Beaubourg Foundation en 1980)18
Alogisme, au Centre Pompidou, Paris
Stroyuschiysya dom, au National Gallery of Australia, Canberra, Australie
Painterly Realism of a Football Player, a l'Institut d'art de Chicago20, États-Unis
Femme au Râteau, Galerie Tetryakov, Moscou
1916 :
Peinture suprematiste - Musée Wilhelm Hacke, Ludwigshafen
Suprematisme Supremus #58. Jaune et noir, Musée Russe, Saint-Pétersbourg
1918 : Carré blanc sur fond blanc, réédition de la toile de 1915.
1917 : Suprematism au "Kawamura Memorial DIC Museum of Art" à Sakura au Japon
1923 : Les Architectones, architectonique Beta 1926 constructions blanches constituées d'éléments collés à base cubique.
vers 1928- 1932
Deux Figures d'Hommes
Paysage aux cinq maisons, Musée Russe, Saint-Pétersbourg
Pressentiment, Musée Russe, Saint-Pétersbourg
Filles à la campagne, Musée Russe, Saint-Pétersbourg
Paysans, Musée Russe, Saint-Pétersbourg
1930 : Paysanne au visage noir, en forme de cercueil
1930-1931 :
Déportées, coupées en deux.
L'homme qui court, Huile sur toile au Centre Pompidou, Paris
1932
Maison rouge, une prison aux murs aveugles pour montrer la souffrance russe.
Pressentiment complexe ou Buste avec une chemise jaune.
Fille avec un Peigne dans les Cheveux, Galerie Tetryakov, Moscou
vers 1932 : La Charge de la cavalerie rouge.
1933 : Homme et cheval au Centre Pompidou, Paris

Liens

http://youtu.be/n1AloUY_sg4 La révolution Malévitch
http://youtu.be/41F0vVwxEFk Carré noir sur fond blanc
http://youtu.be/Y9NB_5EMhLM the knife grinder
http://youtu.be/gHglAlH9WzU Suprematiste
http://youtu.be/z6uf8ZNmW1Y Kasimir Malévitch portraits
http://youtu.be/k_uryv2VjRc Lettre à Malévitch
http://youtu.be/cUPS9ekO4v4 O.1O

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Posté le : 21/02/2014 17:58

Edité par Loriane sur 22-02-2014 23:35:01
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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