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De Montpellier
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Le 17 janvier 1820 naît Anne Brontë
à Thornton dans le Yorkshire, morte le 28 mai 1849 à 29 ans à Scarborough, Yorkshire, femme de lettres de langue anglaise, écrivain britannique de romans, tout comme ses sœurs Emily Brontë et Charlotte Brontë, une femme de lettres britannique. Elle est fortement marquée par son expérience de gouvernante, qu'elle décrit en particulier dans Agnes Grey avec un fort souci de véracité, en soulignant la lourde responsabilité des parents dans le manque de rectitude morale chez les enfants de certaines familles riches. Son second roman, The Tenant of Wildfell Hall La Recluse de Wildfell Hall, est marqué par la déchéance de son frère Branwell. Très proche de sa sœur Emily, au point qu'on les a comparées à des jumelles, elle participe avec elle au cycle de Gondal.
Les Brontë. L'expérience prématurée de la mort.
Anne naît dans le village de Thornton, dans le Yorkshire, dernière de six frère et sœurs, destinés à être l'une des plus célèbres familles littéraires de Grande-Bretagne, la famille Brontë. Sa mère, Maria Branwell Brontë, meurt d'un cancer un an plus tard, en 1821, après l'installation de la famille à Haworth, où leur père, Patrick Brontë, a été nommé vicaire perpétuel. Dans sa petite enfance, ses deux sœurs aînées, Maria et Elizabeth, meurent de la tuberculose beaucoup de choses ont été écrites sur l'influence de ces décès sur les enfants et sur leurs futurs écrits. Leur père, Patrick Brontë, et leur tante maternelle, Elizabeth Branwell, décident de laisser aux enfants une grande liberté.
Les royaumes imaginaires de Glass Town, puis de Gondal
Glass Town et Gondal royaume imaginaire. Un cadeau, offert par leur père à Branwell douze soldats de bois, en juin 1826, stimule leur imagination : à partir de décembre 1827, Charlotte, Emily, Anne et leur frère Branwell commencent à créer des mondes imaginaires, avec la « confédération de Glass Town », qu'ils mettent en scène dans des récits, des poèmes, des articles de journaux, des pièces de théâtre. En 1831, Charlotte les quitte pour poursuivre ses études chez Miss Wooler à Roe Head. Emily et Anne font alors sécession et créent le pays de Gondal, plus rude et plus austère qu'Angria, et dirigé par une femme, Augusta Geraldine Almeda. Le nouveau cycle est mené parallèlement par Emily et par Anne, malgré leurs séparations fréquentes. Anne, en effet, est longtemps gouvernante dans plusieurs familles. C'est dans la cadre de Gondal que la plupart de leurs poèmes sont élaborés. Les sœurs d'Anne Brontë, Charlotte et Emily, sont aussi auteurs et poètes. Les poèmes d'Anne sont publiés, en même temps que les leurs, en 1846, sous le pseudonyme d'« Acton Bell ».
Gouvernante
Gouvernante à moins de 19 ans, elle est remerciée de son premier emploi au bout de deux trimestres. Puis elle trouve une place chez le révérend Edmund Robinson, qui a trois filles et un fils de neuf ans, chez lequel elle demeure quatre ans. Peu après la mort de son frère Branwell et de sa sœur Emily en septembre et décembre 1848, Anne Brontë meurt en mai 1849, de la tuberculose comme son frère et ses quatre sœurs, dans la station balnéaire de Scarborough, dans le Yorkshire, où elle s'est rendue, accompagnée de sa sœur Charlotte et de Ellen Nussey, avec l'espoir que l'air marin lui ferait du bien. Elle a été enterrée dans le cimetière de St Mary's à Scarborough. D'après sa sœur Charlotte, Anne avait un esprit empreint de religiosité, une nature sensible, habitée d'une certaine mélancolie. Plutôt réservée, elle masquait ses pensées et ses sentiments sous une sorte de voile de nonne rarement soulevé.
Inspiration
Les influences littéraires révélées par Agnes Grey et The Tenant of Wildfell Hall sont beaucoup moins nettes que dans les œuvres de ses sœurs : ses deux romans sont largement fondés sur son expérience de gouvernante pour le premier et sur le spectacle de la déchéance de son frère Branwell Brontë pour le second. De plus, ils s'appuient sur un certain réalisme et tentent de présenter les faits racontés sans travestissement. Anne est, en effet, habitée par la conviction, héritée de son père et de son enseignement biblique, qu'un livre doit offrir une leçon morale exemplaire. Outre l'éducation donnée par Patrick Brontë, Anne subit aussi l'influence de sa tante, Elizabeth Branwell qui est une ardente Méthodiste2. Sa rigueur morale, son sens très Wesleyien de l'amélioration personnelle par l'effort et l'étude sont transmis à tous les membres de la famille et trouvent un écho particulier chez la plus jeune des sœurs. L'œuvre d'Anne laisse également transparaître l'influence de Walter Scott et des romans gothiques d'Ann Radcliffe, d'Horace Walpole, de Gregory Monk Lewis ou de Charles Maturin, mais de façon beaucoup moins nette que chez Charlotte et Emily.
Å’uvres
Poèmes par Currer, Ellis et Acton Bell, 1846 Agnes Grey, 1847 La Recluse de Wildfell Hall The Tenant of Wildfell Hall, 1848
Romans
Moins célèbre que ses deux aînées, elle est l'auteur de deux romans didactiques. Agnès Grey 1847, livre largement autobiographique écrit à la première personne où elle raconte l'histoire de la fille cadette d'un pasteur qui doit gagner sa vie comme gouvernante, traite du problème, assez commun, à l'époque, de ces femmes des classes bourgeoises les moins fortunées qui ne pouvaient espérer un mariage convenable et ne pouvaient compter que sur une place de gouvernante pour subvenir à leurs besoins. L'intrigue est de construction simple, mais révèle déjà une satiriste de premier ordre. Dans la lignée de Jane Austen, et comme sa sœur Charlotte Brontë, Anne Brontë aura été parmi les premiers romanciers à mettre en scène une héroïne sans beauté. La Recluse de Wildfell Hall The Tenant of Wildfell Hall, 1848 est un ouvrage de structure plus complexe, où se mêlent d'une part le récit, par Gilbert Markham sous la forme d'une lettre à un ami, de ses amours avec Helen Graham de Wildfell Hall et d'autre part, inséré dans le premier sous la forme d'un journal intime, le calvaire d'Helen, devenue Huntingdon, épouse d'un mari débauché et alcoolique. C'est un best-seller, qui fait scandale à cause de son réalisme et de la rébellion d'Helen, celle-ci refusant à son mari l'accès à sa chambre à coucher avant de prendre la fuite avec leur enfant, ce qui à l'époque est tout à fait illégal. On peut y voir une sorte de réplique aux romans de ses sœurs, où la présentation du "vice" est plus romanesque ; dans sa préface à la seconde édition, Anne déclare : "si je puis attirer l'attention du public de quelque façon que ce soit, j'aime mieux lui chuchoter quelques saines vérités que d'innombrables fadaises".
Poèmes
Ses poèmes sont essentiellement lyriques ; elle y exprime l'ennui et la nostalgie qu'elle ressent loin de Haworth, et une bonne partie d'entre eux sont d'inspiration religieuse.
Un poème d'Anne le dernier qu'elle ait écri)
Last Lines A dreadful darkness closes in On my bewildered mind; O let me suffer and not sin, Be tortured yet resigned.
Through all this world of blinding mist Still let me look to thee, And give me courage to resist The Tempter, till he flee.
Weary I am — O give me strength, And leave me not to faint: Say thou wilt comfort me at length And pity my complaint.
If thou shouldst bring me back to life, More humbled I should be, More wise, more strengthened for the strife, More apt to lean on thee.
Should Death be standing at the gate, Thus should I keep my vow; But hard whate'er my future fate, So let me serve thee nowN 1.
« Derniers vers »5 : strophes 1, 2, 3 et 16, 17 Une ombre effrayante enserre Mon esprit tout effaré Ô que je puisse souffrir sans pécher, Endurer la torture et me résigner
À travers ce vaste monde de brumes aveuglantes Encore vers toi, fais que je porte mon regard, Et accorde-moi le courage de résister Au Tentateur, pour qu'enfin il s'enfuie.
Lasse est mon âme - Ô accorde-moi La force de ne point défaillir : Dis-moi qu'enfin ton réconfort je recevrai, Et qu'aussi ta pitié écoutera ma plainte.
Si tu devais me ramener à la vie, Encore plus humble je serais, Plus sage, et plus forte pour faire front, Et plus à même de m'appuyer sur toi.
Si la Mort devait à la porte m'attendre, Ainsi respecterais-je mon vœu ; Mais si dur que soit le destin qui m'attend, Fais que je puisse dès à présent te servir
Famille Brontë Emily Brontë Charlotte Brontë Branwell Brontë Patrick Brontë
LES BRONTË
L'œuvre des sœurs Brontë offre le fascinant exemple d'un texte littéraire voué à la méconnaissance par la puissance même de la mythologie qui a fait sa célébrité. Il est peu de sujets que la critique anglo-saxonne ait abordés depuis un siècle avec un tel luxe d'érudition, d'amour et de curiosité ; il n'en est pas dont elle ait obscurci pareillement le sens. On en jugera d'après le seul fait qu'il n'existe aujourd'hui en langue anglaise aucune édition intégrale d'une œuvre entre toutes commentée, qui compte, comme celles de Dickens, Scott ou Byron, parmi les classiques de la langue et de la sensibilité nationales.
Un refoulement culturel
Cette situation paradoxale s'explique par un phénomène tout à fait remarquable de « refoulement culturel » : la critique anglo-saxonne refuse, en effet, de considérer à la place logique qui leur revient de droit l'ensemble des textes élaborés en commun depuis l'enfance par Charlotte, Patrick Branwell, Anne et Emily Brontë. Ces textes, qui excèdent en volume l'ensemble de l'œuvre romanesque des trois sœurs, constituent un témoignage absolument unique : ils permettent en effet de saisir à sa source la démarche de l'imagination créatrice à travers l'enfance et l'adolescence ; ils éclairent d'autre part l'œuvre publiée qui s'y réfléchit tout entière. Les commentaires qui exaltent cette image de la création enfantine dans la famille d'écrivains la plus extraordinaire de l'histoire littéraire refusent cependant d'en reconnaître tous les signes à leur juste valeur. Ce refus demande à être analysé comme un symptôme : il répond parfaitement à l'idée romantique et bourgeoise de la littérature, qui trouve dans les illusions du réalisme biographique et son corollaire idéaliste du « mystère de l'œuvre » la raison de ses limites comme de ses répétitions. On comprendra que la critique traditionnelle redouble ses effets devant une œuvre où se révèlent de façon privilégiée les mécanismes logiques de la création littéraire, sitôt qu'on accepte de la lire comme un seul texte à plusieurs voix, dans les perspectives ouvertes par l'analyse structurale, freudienne et linguistique. En fait, l'idéalisme critique garantit ainsi le capital intellectuel et sentimental investi depuis plus d'un siècle dans la somme fabuleuse de ses commentaires, qui tournent tous autour du mythe sans jamais l'affronter résolument. C'est pourquoi toute évocation exacte de l'œuvre des quatre enfants Brontë doit commencer par la destruction d'une image culturelle où la puissance de l'idéologie se mesure à celle de l'autocensure implicite qui pèse sur la diffusion d'une très grande part des textes et limite ainsi l'interprétation qui demande à les saisir tous d'un seul tenant.
[size=SIZE]L'enfance [/size] Charlotte, Patrick Branwell, Emily Jane et Anne Brontë naissent respectivement les 21 avril 1816, 26 juin 1817, 30 juillet 1818 et 17 janvier 1820, à Thornton, petit village du Yorkshire. La famille compte déjà deux sœurs, Maria et Elizabeth. Le père, Patrick Brontë, né le 17 mars 1777 en Irlande, est l'aîné de neuf enfants. Il entre en 1802, étudiant pauvre mais brillant, au St. John's College de Cambridge, d'où il sort prêtre en 1806. La mère, Maria Branwell, de huit ans sa cadette, originaire de Penzance, en Cornouailles, est la cinquième fille d'une famille de onze enfants où l'on pratique un fervent méthodisme. C'est en 1820 que la famille s'établit à Haworth, dans le presbytère qui est aujourd'hui un des hauts lieux de pèlerinage pour les fervents des lettres anglaises. Maria Brontë y meurt un an plus tard, atteinte d'un cancer. Sa sœur aînée, Elizabeth Branwell, vient de Penzance pour tenir lieu de mère aux six enfants. Trois ans plus tard, Maria, Elizabeth, Charlotte et Emily partent pour l'école de Cowan Bridge, institution religieuse destinée aux enfants pauvres du clergé anglican. Charlotte a évoqué dans Jane Eyre l'histoire douloureuse de cette année tragique. Les deux sœurs aînées, atteintes de tuberculose, meurent en quelques mois ; Charlotte et Emily, aussitôt rappelées au presbytère, ont vraisemblablement contracté les germes de la maladie qui les emportera toutes. On peut dater de cette époque le premier témoignage sur la vie littéraire des enfants. Il vient du père, soucieux, bien des années plus tard, de donner à Mrs. Gaskell, la célèbre biographe de Charlotte, des indices précieux sur le génie précoce de sa fille. On en mesurera la valeur à la personne même de ce père qui sut très tôt éveiller la curiosité de ses enfants et leur communiquer cette double passion de la réalité et de l'imaginaire qui se manifeste de façon si naïve dans ses propres écrits, nouvelles morales et poèmes, tous publiés ces années-là . « Dès leur plus tendre enfance, aussitôt qu'ils surent lire et écrire, Charlotte et ses frère et sœurs inventaient et jouaient de petites pièces dans lesquelles le duc de Wellington, le héros favori de ma fille Charlotte, finissait toujours par être le vainqueur – encore qu'une discussion s'élevât fréquemment au sujet des mérites comparés de celui-ci et de Bonaparte, Hannibal et César. Lorsque la dispute s'envenimait et arrivait à son paroxysme, il me fallait parfois, leur mère étant déjà morte à l'époque, intervenir comme arbitre pour régler la querelle au mieux de mon jugement. Bien souvent, dans le règlement de ces discussions, j'ai cru discerner la naissance de talents tels que j'en avais rarement ou même jamais observé chez des enfants de leur âge. Comme ils avaient peu d'occasions de se trouver en compagnie de gens instruits ou policés, dans leur campagne retirée, ils formaient entre eux une petite société – ce dont ils semblaient être satisfaits et heureux [...]. À l'époque dont je vous parle, lorsque mes enfants composaient et jouaient de petites pièces, Maria avait onze ans, Elizabeth dix, Charlotte huit, mon fils Branwell sept et Anne six (sic). Mais ils poursuivirent cette activité pendant plusieurs années, dès qu'une occasion se présentait. Parfois aussi ils écrivaient de petites œuvres de fiction qu'ils appelaient des romans miniatures. »
Une mythologie privée
Le premier caractère de ces écrits d'enfance, puis d'adolescence, est d'être d'autant plus intensément mimétiques qu'ils sont plus personnels. Ils prennent appui sur un jeu oral dont on ignore tout, qui se redouble dans le jeu plus savant de l'écriture. Ils se présentent comme un vaste système de transformations qui assume la singularité d'une structure familiale en utilisant comme langue un ensemble mouvant de moyens culturels. On se trouve devant une sorte de mythologie privée qui mêle librement l'histoire et la littérature, les religions et les légendes, l'art et la politique, pour répondre à la réalité d'une situation où le désir de chaque enfant trouve ainsi à s'exprimer dans un dialogue collectif. Cette activité littéraire est strictement privée, d'autant moins destinée à la publication qu'elle en assure la fonction à l'intérieur de son propre univers par un ensemble de journaux, d'auteurs, éditeurs et libraires. Le presbytère de Haworth est une société close qui célèbre ses dieux et conjure ses démons par le plus moderne des rites : l'écriture. Cet ensemble fabuleux est représenté aujourd'hui par quatre à cinq mille pages, prose ou poèmes, qui sont essentiellement l'œuvre de Charlotte et Branwell. Il ne reste en effet presque plus rien des nombreux textes cités par Emily et Anne dans leurs rares journaux ; seuls des poèmes consignés sur des carnets témoignent, fragments erratiques, de la geste perdue.
La division par couples
Les quatre enfants assumeront diversement ce jeu grave et collectif qui est le centre de leur vie. Il semble qu'il faille situer assez tôt la division par couples, Charlotte et Branwell d'une part, Emily et Anne de l'autre. Mais on ne peut situer précisément le moment où les deux cadettes organisent leur propre jeu écrit. La rareté des indices invite d'autant plus à le comprendre par comparaison. Il transforme visiblement celui de leurs aînés, tant sur le plan des personnages que de la situation historique, géographique et politique. Les noms et les actions laissent pressentir un monde moins culturel, plus autonome, qui montre sur ce point avec les écrits des aînés une différence quelque peu similaire à celle qui paraît entre les romans de Charlotte et Wuthering Heights (Les Hauts de Hurlevent). Les « notes d'anniversaire » échangées entre les deux sœurs témoignent qu'Anne, avec la timidité qui lui est propre, Emily, avec cette autonomie qui la rend incomparable, joueront jusqu'à la fin, avec une discrétion qui confine au secret, le jeu de la première enfance. Les textes de Charlotte et Branwell s'enchaînent l'un à l'autre comme des anneaux, ce qui rend tout à fait impossible de les lire isolément. Ils dessinent une trame d'une complexité extrême, qui transpose les données historiques de la Révolution française et des guerres napoléoniennes au cœur d'une Afrique découpée selon un ensemble de besoins logiques et sémantiques, dans une très grande liberté morale qui emprunte à Byron l'essentiel de ses formes. Branwell qui semble, seul garçon, avoir été l'initiateur du jeu, ne sortira jamais des pièges de cet imaginaire qui viendra se briser sur la réalité du monde. Quand il meurt à vingt-sept ans, terrassé par l'opium, la boisson, le délire et la fièvre, il tente encore d'accommoder les deux images et d'imposer vainement par la publication, tel quel, le rêve de l'enfance à l'objectivité de la littérature. Charlotte attendra d'avoir vingt-quatre ans pour échapper à la fascination exclusive de cet univers captateur. Elle pressent le mal et les germes d'une folie mortelle dans cette activité secrète offerte trop visiblement au désir infantile. La rupture est longue et difficile : entre 1840 et 1846, elle passe du refus de ses premiers écrits au masque salutaire de la publication.
La publication
La publication des Poèmes de Currer, Ellis et Acton Bell, en 1846, consacre la rupture avec Branwell et annonce l'image énigmatique des trois sœurs. Un an plus tard, le succès inouï de Jane Eyre, la publication simultanée de Wuthering Heights et d'Agnes Grey fascinent l'Angleterre qui s'interroge sur l'identité de ces mystérieux auteurs et les motivations secrètes de leurs livres. Anne publie encore The Tenant of Wildfell Hall (Le Locataire de Wildfell Hall) avant la mort de son frère (24 septembre 1848) et celle d'Emily (19 décembre 1848). Elle s'éteindra à son tour le 28 mai 1849 à l'âge de vingt-neuf ans. La publication de Shirley (1849) complique encore l'énigme. Charlotte, qui vit désormais seule au presbytère entre son père et les servantes, lèvera partiellement un secret désormais sans objet dans l'admirable notice biographique qu'elle écrit pour préfacer les œuvres de ses sœurs (1850). La publication de Villette (1852) met le comble à sa gloire. Quand Charlotte Brontë meurt, le 31 mars 1855, moins d'un an après son mariage avec Arthur Bell Nicholls, vicaire de son père, ses livres comptent déjà parmi les classiques de la littérature anglaise. Deux ans plus tard, la romancière Elizabeth Gaskell assouvit la curiosité générale en consacrant à Currer Bell sa célèbre Vie de Charlotte Brontë. Mais cette « indiscrétion », qu'elle commet sous la forme de la vérité biographique, est en un sens strictement garantie par la discrétion de Charlotte. Sans doute ses lettres, les confidences qu'elle a faites à son amie, les témoignages de ses proches forment-ils un ensemble saisissant de révélations. Mais il y manque cette vérité première que Charlotte ne partageait avec personne si ce n'est avec son frère et ses deux sœurs : le « monde infernal » dont ses romans qui ont ravi et choqué l'Angleterre ne sont pourtant que la doublure victorienne. Elizabeth Gaskell, la première, ouvre le mouvement de « refoulement culturel » imposé par Charlotte. Elle a pourtant accès aux manuscrits couverts de l'écriture microscopique des enfants ; mais elle n'en retranscrit que d'infimes fragments pour faire image et les rend au silence dont ils ne sortiront que cinquante ans plus tard pour demeurer dans le semi-silence des éditions partielles, bien plus étrange encore.
L'énigme et sa réalité
Aussi Fannie Ratchford a-t-elle mille fois raison lorsque, dans la préface de son livre consacré aux écrits d'enfance, elle renvoie dos à dos avec une audace tranquille l'ensemble des interprétations que leur méconnaissance inconcevable de la réalité du texte frappe de nullité et la masse à proprement parler fantastique de livres consacrés depuis un siècle à exalter le moindre fait de la vie des Brontë, le moindre caractère du village, du Yorkshire tout entier qu'ils ont rendu fameux, sans pouvoir ajouter beaucoup au livre original dont ils procèdent tous, la biographie d'Elizabeth Gaskell. Après C. W. Hatfield, admirable érudit qui a consacré le plus clair de sa vie à déchiffrer l'ensemble des manuscrits des quatre enfants et à qui l'on doit en particulier une édition définitive des poèmes d'Emily, Fannie Ratchford est la première à avoir tenté un saut décisif, même si ses travaux restent fort discutables. Elle a cherché, d'une part, à établir un réseau de relations entre les écrits de jeunesse et les romans qui les redoublent et, d'autre part, à rétablir l'intrigue narrative qui organisait originellement les poèmes d'Emily. Car la position si singulière d'Emily dans l'ensemble de l'œuvre familiale doit beaucoup à la disparition de la totalité des manuscrits où ces poèmes avaient leur place. Il ne fait aucun doute que, si l'on possédait ses manuscrits et ceux d'Anne, Wuthering Heights, loin d'être ce livre clos et solitaire qui reste l'instrument majeur de l'abstraction trompeuse où l'on tient Emily, retrouverait sa place naturelle, comme les romans d'Anne auraient la leur, comme ceux de Charlotte ne s'éclairent que si on les réintroduit dans le cycle ouvert par ses premiers écrits et ceux de Branwell. Ainsi s'impose, autour d'une absence centrale, l'idée indiscutable d'un texte unique qui rassemble tous les écrits des quatre enfants et constitue l'« œuvre complète » où Charlotte a le privilège opposé de couvrir tout le champ. Car si l'on peut s'enchanter isolément de tel roman, de tel poème, la tentation de la juste lecture doit se payer au prix de la totalité du texte. Raymond Bellour
Posté le : 16/01/2016 19:04
Edité par Loriane sur 17-01-2016 14:13:37 Edité par Loriane sur 17-01-2016 14:15:02
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