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Jaroslav Hašek
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Le 3 janvier 1923 à 39 ans meurt Jaroslav Hašek

à Lipnice nad Sázavou en Tchécoslovaquie, né le 30 avril 1883 à Prague, romancier, humoriste et journaliste libertaire d'origine tchèque, rendu célèbre par son chef-d'œuvre satirique Le Brave Soldat Chvéïk. Il représente, avec Franz Kafka, le renouveau littéraire pragois du début du XXe siècle. Le nom de Hašek, hors du territoire de l'ancienne Tchécoslovaquie, est souvent méconnu, même de ses lecteurs. Mais Švejk alias Chveïk, Schweyk, Shweik et vingt autres graphies, le bonhomme Švejk surgit dès qu'on le nomme, dans toute sa rondeur et sa force d'inertie, avec son clair regard provocateur, son désarmant « visage naïf, souriant comme la pleine lune », et sa parole intarissable. Hašek serait-il l'homme d'un seul livre, lequel, par son succès même, l'aurait relégué dans une quasi-inexistence ?

En bref

Pourtant Jaroslav Hašek, auteur d'un millier de contes publiés dans des revues, humoriste, journaliste, anarchiste et alcoolique, exista bel et bien pour ses amis bohèmes du Prague d'avant 1914 et pour ses ennemis jurés les fonctionnaires de la police autrichienne, pour ses camarades russes des débuts de la révolution d'Octobre, enfin pour ses compatriotes d'après 1920, indignés qu'au moment où l'État récemment créé se devait de s'établir dans la respectabilité bourgeoise on osât proposer du Tchèque, à la face du monde, la scandaleuse image de l'anti-héros. Et s'il est vrai que « Švejk, c'est Hašek », que le livre a bénéficié de tout le vécu de son auteur, on gagne certes à interroger l'existence de ce dernier. Mais des milliers de lecteurs et de spectateurs de par le monde connaissent Švejk sans rien savoir de Hašek, ni parfois des Tchèques, des Habsbourg, de 14-18, de l'Europe. Le livre, pour eux, se dresse seul, autonome et intense.
Un milieu petit-bourgeois paupérisé, un père autoritaire et tôt disparu expliquent les orientations fondamentales de Hašek : sa conscience de l'exploitation capitaliste et son travail de sape contre l'autorité, son instabilité encore. Jaroslav Hašek est né à Prague en 1883. À la mort du père (1896), professeur « suppléant » de mathématiques puis employé de banque, la mère vit de travaux de couture. Jaroslav, lycéen, inaugure la vie mouvementée qu'il ne quittera plus. Apprenti chez un marchand de couleurs, il revient ensuite aux études dans une école commerciale. Chaque été il entendra l'appel de la route et parcourra toute l'Europe centrale. Premiers essais littéraires en 1900, premiers contacts avec les groupes anarchistes en 1904. Dans un poste d'employé, il ne tient pas plus de quelques mois, et son mariage sombre au bout de deux ans. Mais il fait bon vivre dans le Prague de la Belle Époque, ses beaux quartiers et ses bas-fonds, narguer le bourgeois et la police, même si, au sortir du cabaret, on se retrouve au poste.
D'année en année, Hašek parfait son métier d'écrivain : cent quatre vingt-cinq nouvelles publiées entre 1901 et 1908, soixante-quinze pour la seule année 1910. Le grand roman en sera l'aboutissement.
Pour faire mûrir cette œuvre, il fallait la guerre. Affecté au 91e régiment d'infanterie – le régiment de Švejk –, l'écrivain arrive au front le 5 avril 1915 et passe chez les Russes le 24 septembre ! Dès lors, c'est tout à coup le brave soldat Hašek se prenant au sérieux. Responsable politique et rédacteur des journaux de la légion tchèque à Kiev, il se joint à l'Armée rouge en février 1918, entre au parti bolchevique en mars et milite à Moscou. À la fin de 1920, le révolutionnaire rentre au pays. À la désillusion politique se joignent l'hostilité générale, la misère, la maladie. Il meurt à Lipnice, à moins de quarante ans, sans avoir pu achever le quatrième volume des Aventures du brave soldat Švejk dans la Grande Guerre (Osudy dobrého vojáka Švejka za Světové války, 1921-1923

Sa vie

Jaroslav Hašek est né en 1883 à Prague. Il était le fils de Josef Hašek, un professeur de mathématiques enseignant au collège, et de sa femme Katerina.
La pauvreté força la famille, avec ses trois enfants (Bohuslav, de trois ans plus jeune que Jaroslav, et Maria, une cousine orpheline à déménager plus d'une dizaine de fois. Jaroslav ne connut jamais de foyer fixe, une absence de racine qui influença sa vie errante de manière décisive.
Dépressif, son père fut emporté en 1896 par ses excès d'alcool, alors que le jeune Jaroslav n'avait que treize ans.
Jaroslav entraîna bien vite le désespoir de sa mère Katerina, qui voulait faire de lui un citoyen respectable mais n'arrivait pas à l'éduquer convenablement. Il abandonna le collège dès l'âge de quinze ans et un pharmacien du nom de Kokoska en fit son assistant un certain temps. Toutefois il finit par obtenir une formation à l'académie commerciale de Prague, où il obtint un diplôme à dix-neuf ans. Il trouva un emploi à la Slava Bank, mais fut vite renvoyé, car il semblait déjà très porté sur la boisson.

L'anarchiste impétueux

Très vite dans sa carrière, Hašek s'affirma activement en tant qu'anarchiste et publia de très nombreux textes dans la presse politique de langue tchèque. En 1907 il devint rédacteur en chef du périodique anarchiste Komuna. Il est ensuite journaliste aux périodiques Ženský obzor L'Horizon de la femme, à partir de 1908, Svět zvířat Le Monde des animaux, un journal satirique, České slovo Le Mot tchèque, à partir de 1911, mais aussi et de manière irrégulière aux: Čechoslovan, Pochodně, Humoristicky listy.
Il fonde en 1911 le Parti du lent progrès dans les limites de la loi Stranu mírného pokroku v mezích zákona et se présente comme son candidat tout en caricaturant les autres partis et le mode de scrutin.
Désireux à un moment de retrouver une existence moins mouvementée, il épousa Jarmila Mayerová, elle-même une écrivaine, mais sans grand succès. Il se fit une spécialité du vol et du trafic de chiens, allant jusqu'à inventer de faux pedigrees pour revendre des bâtards à un meilleur prix, comme le fera Chvéïk dans son roman.
Les pulsions suicidaires ne lui étaient pas étrangères et on l'empêcha un jour de justesse de se jeter du pont Cech à Prague. À la suite de cet incident, il passa une courte période en établissement psychiatrique, ce qui là aussi constituera plus tard pour lui une source d'inspiration.
Hašek eut un enfant de Jarmila, Richard. Mais sa femme le quitta peu après pour retourner chez ses parents, emportant Richard avec elle. Jaroslav en fut réduit à louer une chambre dans un bordel, le U Valsu.

Hašek chez les Soviets

En 1915, Jaroslav Hašek, qui avait acquis une solide réputation de noceur, fut enrôlé dans l'armée autrichienne. Il fut incorporé au 91e régiment autrichien sur le front de Galicie en 1915 et n'hésitera pas plus tard à ridiculiser ses supérieurs, dans Le Brave Soldat Chvéïk, sous leurs véritables noms.
Hašek servit également en Bohême du sud avant de gagner la Hongrie. En septembre 1915, son unité fut isolée à la suite d'une percée des troupes russes et Hašek se rendit aux Russes. Il fut emprisonné dans un camp en Ukraine, puis dans l'Oural.
En 1917, la Révolution russe mit fin à la guerre sur le front de l'Est. Hašek, libéré, s'engagea volontairement au service des bolcheviks en 1918, qui en firent un commissaire politique dans la 5e armée russe. Il s'engagea parallèlement dans la Légion tchèque, une organisation nationaliste visant à émanciper les Tchèques de la tutelle austro-hongroise.

Le retour à Prague et les années Chveïk

Monument à Jaroslav Hašek dans le quartier pragois de Žižkov.
Jaroslav Hašek fut de retour à Prague en 1920, capitale de la nouvelle Tchécoslovaquie et s'engagea plus que jamais dans la politique, guidé par ses idéaux communistes et nationalistes. De Russie il ramenait, entre autres, une nouvelle "épouse", bien que n'ayant jamais divorcé d'avec Jarmila.
Tout en continuant à boire énormément, Hašek entama l'écriture rapide des aventures du brave soldat Chvéïk, un personnage qu'il avait déjà créé dans d'autres histoires, aujourd'hui perdues. La verve noire et comique de Jaroslav Hašek s'adressait directement au petit peuple.
Hašek avait l'intention d'en écrire six volumes, mais il ne put en terminer que trois, car il mourut le 3 janvier 1923 à Lipnice nad Sázavou.
Ces trois volumes furent publiés, suivis par un quatrième volume, posthume et inachevé, mais terminé par son ami Karel Vaněk.
En 1991, les quelques écrits de jeunesse non perdus de Hašek furent rassemblés sous le titre Le Scandale de Bachura et autres nouvelles.
Un monument équestre à sa mémoire a été érigé en 2005 dans le quartier pragois de Žižkov où Hašek vécu. C'est la dernière œuvre de son auteur, le sculpteur tchèque Karel Nepraš.

Le petit monde du brave soldat Švejk

Historiquement, l'univers de Švejk est le monde cruel et burlesque d'une des autocraties du XIXe siècle finissant. Contemporain du monde de Kafka, il en est le revers : comme si les « messieurs » tombaient en poussière au contact du rire de Joseph K. Ce sain optimisme, Hašek le doit à ses principes, à l'entrain aussi du petit peuple des faubourgs pragois, au folklore tchèque que domine la figure de Honza, le niais rusé, et encore à l'influence de Gorki et d'un prédécesseur fameux, le poète satirique Karel Havlíček Borovský (1821-1856). Enfin Hašek a derrière lui trois siècles de résistance sournoise au despotisme. Il se sent fort.
Entre 1900 et la guerre, dans ses nouvelles, ce sont donc des personnages de cirque qu'il collectionne. Les clowns d'abord : ils sont là, les bureaucrates et les généraux, les curés et les mouchards, les bourgeois et les politiciens, tous les gratte-papier, les manches lustrées et les cervelles d'oison sur qui s'appuie le système branlant de la monarchie austro-hongroise ! En face, le peuple ; dans le peuple, Švejk (qui apparaît dans cinq nouvelles en 1911). Ici, de grinçante, la plume de Hašek se fait amusée. Le peuple a sa médiocrité, mais, en contrepoint aux fantoches inquisiteurs, il représente la vie.
Les clowns viennent faire leur numéro et repartent. C'est la guerre qui va créer le spectacle géant et permanent avec Švejk au centre (première version du roman : Le Brave Soldat Švejk en captivité [Dobrý voják Švejk v zajetí], Kiev, 1917). En effet la guerre est la fin logique du système. À une machine bureaucratique qui tournait à vide elle apporte une matière, la chair à canon ; elle lui apporte aussi la mort, car pour la première fois le cabotage par l'intérieur devient efficace. Deux images : Švejk partant au service dans la petite voiture d'infirme et agitant ses béquilles au cri de « À Belgrade ! » ; aux psychiatres qui lui demandent « combien fait douze mille huit cent quatre-vingt-dix-sept multiplié par treize mille huit cent soixante-trois », Švejk répondant : « Sept cent vingt-neuf ». Švejk ou comment désorganiser le monde de la folie organisée... À l'entreprise de destruction de Hašek, la guerre a apporté le nécessaire cadre épique. Une œuvre jusque-là émiettée acquiert sa vraie dimension.

La fortune d'une œuvre

On comprend que Piscator et Brecht aient été les premiers sensibles à cette puissante portée subversive. Si la première adaptation dramatique de Švejk (par Longen) eut lieu à Prague dès 1921, celle d'Erwin Piscator, avec la collaboration de Bertolt Brecht à Berlin en 1928, ouvrit sa carrière à l'étranger. À partir de là, traductions, pièces, films prolifèrent, en un nombre impressionnant de langues (allemand, 1929 ; anglais, 1930 ; français, 1932). Quant à Brecht, il composa en 1943 son Schweyk dans la deuxième guerre mondiale (Schwejk im zweiten Weltkrieg) qui montre son admiration pour un livre qu'il considérait comme l'un des trois meilleurs du XXe siècle. Ouvrage immoral, vulgaire, démoralisant, comme le prétendait le public tchèque bien-pensant, ou livre universel ? C'est certainement un livre universel. Parce qu'il est contre la guerre et ceux à qui elle profite ? Il faut dépasser l'antimilitarisme de Švejk. Plus qu'un manuel de la résistance passive (la Švejkovina), le document d'une époque ou une galerie de types pittoresques, c'est, avant tout, le livre de la destruction radicale du Système, grâce surtout à la Parole. Pour Švejk, l'irrépressible bavard, celle-ci est l'arme favorite avec laquelle il paralyse et achève l'ennemi. « Švejk, je vous ai déjà dit de la fermer, vous entendez ? – Je vous déclare avec obéissance que j'ai entendu que je devais la fermer. » La parole, son flot ininterrompu sous forme d'histoires, dont chacune est remplaçable mais qui sont indissociables les unes des autres, fascine aussi le lecteur. Švejk ne serait-il pas une sorte d'artiste populaire reconstruisant sa vie avec le verbe ? Comme chacun, il subit les événements : raconter est sa résistance active à un destin imposé. En associant à chaque événement un autre tiré de son expérience (réelle ou imaginaire), il l'apprivoise, le domine, l'incorpore à un ensemble cohérent, sa vie « revue et corrigée », son œuvre d'art. De même Hašek le conteur, en faisant de ses nouvelles un roman, trouva peut-être la satisfaction et l'équilibre pour le peu de temps qui lui restait à vivre. Jeanne Bem

Œuvres traduites en français

Le Brave Soldat ChvéÏk, Gallimard, 1932, Folio no 676, 1975
Nouvelles aventures du brave soldat Chvéïk , Gallimard, Folio no 1663, 1985
Dernières Aventures du brave soldat Chvéïk, Gallimard, 1980
De Prague à Budapest, Ibolya Virag, 1996
Les Aventures dans l'Armée rouge, Ibolya Virag, 2000
Histoire du Parti pour un progrès modéré dans les limites de la loi, Fayard, 2008



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Posté le : 04/01/2016 23:23

Edité par Loriane sur 05-01-2016 17:29:39
Edité par Loriane sur 05-01-2016 17:30:25
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Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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