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Luigi Pirandello
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Le 28 juin 1867 naît Luigi Pirandello à Agrigente en Sicile

au lieu dit Le Chaos entre Agrigente et Porto Empedocle, écrivain italien, poète, nouvelliste, romancier et dramaturge, durant une épidémie de choléra, mort à Rome, à 69 ans le 10 décembre 1936. Son œuvre a été récompensée du Prix Nobel de littérature en 1934.
C'est le père du peintre Fausto Pirandello. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1934. Ses Œuvres principales sont Nouvelles pour une année entre 1894 et 1936, Feu Mathias Pascal en 1904, Six personnages en quête d'auteur en 1921, Henri IV en 1922, Un, personne, cent mille en 1925, Ce soir on improvise en 1930.
Avant la révolution brechtienne, la subversion pirandellienne représente, entre les deux guerres, l'entreprise la plus vaste et la plus systématique de renouvellement de la dramaturgie contemporaine ; non seulement son influence s'étendit bien au-delà des scènes italiennes, mais elle s'exerça plus encore à l'étranger qu'en Italie, notamment à Paris, où Pirandello fut mis en scène dès 1922 par Charles Dullin la Volupté de l'honneur et dès 1923 par Georges Pitoëff Six Personnages en quête d'auteur.
Comme il l'avait été pour ses contemporains, Pirandello est avant tout pour la postérité un dramaturge. Il n'empêche qu'il n'a abordé le théâtre qu'une fois passée la cinquantaine, et toujours sur le mode de la parenthèse ou de la prétérition : Je ne suis par un dramaturge, mais un narrateur encore une pièce et je reviendrai à ma véritable nature, le récit, etc. Certes, cette parenthèse nous valut une quarantaine de pièces et une vingtaine d'années d'activité ; mais pour considérable que soit la part du théâtre dans l'œuvre de Pirandello, elle n'en représente que le tiers : le second tiers est composé de nouvelles, et le troisième, d'une part de romans, d'autre part de poèmes et d'essais.

En bref

Enfant de Sicile, puisqu'il est natif d'Agrigente, Pirandello produisit au fil de ses quarante-cinq ans de carrière littéraire quatre recueils de poèmes, sept romans, plus de deux cents nouvelles, une quarantaine de pièces de théâtre, ainsi que deux volumes d'essais. Si les nouvelles constituent la part la plus riche et peut-être la plus originale de son œuvre, ce fut son théâtre qui le rendit célèbre ; il souleva des polémiques et donna naissance au terme de pirandellisme, notion plurivoque et qui se laisse difficilement définir.
En 1934, deux ans avant la mort de l'écrivain à Rome, le prix Nobel couronna une œuvre qui, bien qu'inégale, marqua son temps plus sans doute que la littérature italienne contemporaine.
Les sept romans de Luigi Pirandello sont de valeur inégale. Le premier est L'Exclue L'Esclusa, 1901, marqué par l'influence du vérisme, récit paradoxal du destin social d'une femme injustement accusée d'adultère et qui, chassée, ne reconquiert un statut social qu'en se livrant effectivement à la faute qu'on lui reprochait. La femme est également le centre d'attraction du ballet de corbeaux de Chacun son tour Il Turno, 1902, farce lugubre et grinçante sur le thème du mariage de raison et de gratitude, où déjà l'intensité du dialogue préfigure les rapides échanges de passes verbales des grandes comédies. Trois autres romans, Son Mari Suo Marito, 1911, On tourne Si gira, 1915, inspiré par les débuts du cinéma et marqué par la décomposition et la déformation du monde que cause la prise de vue, Un, personne et cent mille Uno, nessuno e centomila, 1926, centré sur le problème du relativisme psychologique, ne sont que des essais assez médiocres en eux-mêmes, mais qui servent d'arrière-fond au reste de la production pirandellienne. En revanche, les deux autres romans de Pirandello sont d'une importance capitale pour la connaissance de son œuvre.
Feu Mathias Pascal Il Fu Mattia Pascal, 1904 marque le passage du roman de mœurs à l'analyse d'un personnage particulier. Mathias Pascal, qui a fait une escapade hors de sa famille, apprend par les journaux son prétendu suicide, et décide de jouer le jeu en repartant de zéro. Mais il n'est plus rien pour les autres, et l'absence de statut social le réduit à l'inexistence ; aussi décide-t-il de réintégrer sa famille, où entre-temps chacun l'a cru mort et a réorganisé sa vie. Sa femme s'est remariée, Mathias Pascal n'a plus qu'à aller, symboliquement, déposer des fleurs sur sa propre tombe. Ici s'esquisse une des lignes de la problématique socio-psychologique qui se développera dans le théâtre de Pirandello : la question de l'existence de l'individu et de sa dépendance par rapport à un ordre social et à une attente psychologique de la part d'autrui.
Les Vieux et les Jeunes I Vecchi e i Giovani, 1908-1909 constitue un retour à la matière et à la technique vériste. Il traite du heurt des intérêts et des générations au lendemain de l'unité, en Sicile et à Rome. La technique est reconnaissable dans l'accumulation des données socio-historiques et dans les procédés de collage de textes non littéraires. Sensibilisé par l'agitation sociale notamment les fasci siciliani de 1892, Pirandello se livre à un examen de tous les vices constitutifs du système politico-social issu du Risorgimento : injustices sociales, exploitation du Sud par le Nord, corruption administrative, intrigues politiques de tous les partis. Les solutions possibles sont incarnées par Antonio Del Re, qui représente un anarchisme juvénile et stérile, par Laurentano, tenant d'un socialisme humanitaire, et par don Cosmo Laurentano, agnostique politique. L'importance de ce roman est grande pour la compréhension du reste de l'œuvre de Pirandello, qui n'est ni insensible à la réalité politico-sociale de son temps, ni étroitement et unilatéralement engagé. On trouvera des échos de cette matière politique à la fois dans des farces quasiment antiparlementaires comme L'Imbecille et dans les grandes œuvres ambitieuses et confuses de la fin de sa carrière, aussi bien le drame musical La Fable du fils échangé La Favola del figlio cambiato que l'utopie mystique de La Nouvelle Colonie La Nuova Colonia. Toutefois, c'est dans les nouvelles, dont la production s'étend de 1894 à la fin de sa carrière, que l'on trouve le plus de correspondances avec la matière de ce roman.

Sa vie

L'été de la naissance de Luigi Pirandello, la Sicile subit une terrible épidémie de choléra, comme vingt années plus tôt. C'est cette maladie qui emporte, en 1837, son grand-père paternel, Andrea, riche propriétaire qui laisse une grosse fortune et une famille nombreuse dont le dernier-né, Stefano, est le père de Luigi. Stefano est un homme courageux et aventureux qui a rejoint les troupes de Garibaldi et combattu pour l'unité italienne. Sa mère, Caterina Ricci-Gramitto, vient d'une aristocratique famille de patriotes.
Le jeune Pirandello grandit entre une mère douce et aimante, qu'il adore, et un père autoritaire et coléreux, avec lequel il entretient des relations difficiles. La servante de la famille imprègne le jeune Luigi du folklore sicilien en lui apprenant des chansons populaires et en lui contant les fables et les légendes de son pays natal, qui enflamment son imagination. Il entreprend des études au collège technique. Elles ne lui plaisent guère. Il fait croire à son père qu'il a échoué à l'examen de mathématiques et pendant ses vacances, au lieu de prendre des leçons dans cette discipline, il suit des cours de latin qui lui permettront d'entrer au Gymnase, le lycée classique, en deuxième année. Le jeune Luigi aime la lecture et les mots et, dès 1880, il rédige ses premiers poèmes. À dix-sept ans, en 1884, il publie Cahute, sa première nouvelle, située en Sicile, qui raconte l'enlèvement d'une jeune fille par son amant.
Amoureux de sa cousine Lina, il envisage de l'épouser et de rejoindre son père à la soufrière, dans l'entreprise familiale, mais la littérature l'attire irrésistiblement. En 1887, à vingt ans, il quitte Palerme pour Rome. En 1889, il fait paraître des articles dans la revue Vita Nuova et son premier recueil de vers Le Mal joyeux. Il part alors pour l'université de Bonn, séduit par le romantisme allemand et Goethe dont il traduira les Élégies romaines. En 1891, il accède au grade de docteur en philosophie et lettres de l'université de Bonn, avec une thèse de dialectologie romane sur le dialecte d'Agrigente, écrite en allemand. Le jeune homme rentre en Italie et rompt ses fiançailles avec sa cousine.

Le mariage et les premiers écrits

En 1894, à vingt-sept ans, il épouse Maria Antonietta Portulano, la fille de l'associé de son père, qui lui apporte une belle dot. Ce mariage arrangé par les parents, ne fut pas heureux. Les jeunes époux partent s'installer à Rome. De ce mariage naîtront trois enfants : Stefano 1895-1972, Lietta 1897-1971 et Fausto 1898-1975. Cette année 1894, il publie Amours sans amour son premier recueil de nouvelles dont les personnages appartiennent à la petite bourgeoisie provinciale et au peuple des campagnes de sa Sicile natale. Pirandello écrira des nouvelles toute sa vie. En 1897, il enseigne la stylistique à l'Instituto Superiore di Magistero, une école normale pour jeunes filles où il passera vingt-quatre ans, de sa trentième à sa cinquante-quatrième année. Il publie sa première pièce, L'Étau en 1898 et son premier roman L'Exclue en 1901. Il écrit également des essais et collabore à des journaux. En 1902, il renonce à la poésie.

La folie de sa femme et son travail acharné

La jeune épouse de Pirandello, peu instruite, ne comprenait pas les préoccupations littéraires de son mari, intellectuel brillant. Cette incompréhension s'est fixée en une jalousie maladive causée par la fascination que son mari exerçait sur ses jeunes élèves de l'école normale pour jeunes filles. Cette jalousie sans fondement va se transformer, peu à peu, après la faillite de l'entreprise familiale, en une véritable folie. Le critique et essayiste Nino Frank se demande à ce sujet : Lequel est né d'abord, de l'œuf ou de la poule ? Pirandello est-il devenu Pirandello parce que sa femme était folle, ou vice versa ? Peu importe à l'heure qu'il est. Ce qui importe, c'est que ce cas familial conditionne désormais l'inspiration de l'écrivain. En 1903, un éboulement détruit la mine de soufre et provoque la faillite de l'entreprise paternelle dans laquelle était investi tout ce qu'il possédait ainsi qu'une partie de la dot de sa femme. Ruiné, Pirandello, qui a envisagé de se suicider, reprend courage en s'investissant dans son travail de créateur. Il publie l'année suivante, en 1904, son roman le plus connu, Feu Mathias Pascal. A trente-sept ans, ce succès lui ouvre les portes de la plus grande maison d'édition italienne de l'époque, Trèves, et lui assure la sécurité matérielle.
La vie familiale de Pirandello et de ses enfants est difficile et douloureuse. La paranoïa de sa femme, qui commence après la naissance de leur troisième enfant, aurait nécessité un internement mais Pirandello, qui ne peut s'y résoudre, garde sa femme au foyer familial pendant dix-sept années. L'écrivain, qui a trouvé refuge dans un travail acharné, écrit des nouvelles, des romans et des essais. Il publie son essai sur l'Humour en 1908 et collabore l'année suivante au Corriere della sera. En 1910 deux de ses pièces de théâtre, L'étau et Figues de Sicile, sont représentées pour la première fois au Teatro Metastasio de Rome. L'année 1915 est une année difficile pour Pirandello : l'Italie entre en guerre, ses fils Stefano et Fausto partent au front où Stefano est fait prisonnier, sa mère meurt et la folie de sa femme devient de plus en plus violente. Elle accuse notamment son mari d'inceste envers leur fille Lietta, qui a fait une tentative de suicide et devra être confiée à sa tante Lina, la sœur de Pirandello. Maria Antonietta sera finalement internée en 1919 elle mourra en 1959. Pirandello a alors cinquante-deux ans.

Sa réussite théâtrale et sa renommée universelle

L'histoire de la littérature reconnaît surtout en Pirandello le dramaturge. Il n'a vraiment réussi au théâtre qu'à la cinquantaine. Il pensait que ce genre ne devait être qu'une parenthèse dans son œuvre : "Le théâtre,comme tu sais, ne me tente pas beaucoup. Je fermerai cette parenthèse théâtrale pour me remettre à mon travail de narrateur, plus naturel" écrit-il à son fils Stefano en 19171. Et pourtant il publie en 1917 ses premières grandes pièces : Chacun sa vérité et La volupté de l'Honneur et ensuite C'était pour rire 1918, Tout pour le mieux 1919, L'Homme, la bête et la vertu 1919. En 1921, après un échec cuisant en mai à Rome, Six personnages en quête d'auteur triomphe en septembre à Milan et, la même année, la pièce sera jouée à New-York. Henri IV en 1922 est un succès. À Paris, Charles Dullin met en scène dès 1922 La Volupté de l'honneur et Georges Pitoëff dès 1923 Six Personnages en quête d'auteur dont la première a lieu en la présence de l'auteur. En 1922, Pirandello abandonne l'enseignement.
Son œuvre théâtrale renouvelle profondément la scène de l'entre-deux-guerres en y introduisant fantaisie, poésie et liberté. Ses pièces les plus célèbres évoquent le théâtre dans le théâtre : Comme ci ou comme ça 1924, Ce soir on improvise 1930 qui semblent former à ce sujet une trilogie avec Six Personnages en quête d'auteur. Le théâtre de Pirandello, avec ses 43 pièces écrites en une vingtaine d'années, lui assura la renommée universelle.
En 1922, Pirandello commence à rassembler ses nouvelles sous le titre Nouvelles pour une année Novelle per un anno en quinze volumes. Le nouvelliste rêve, dans l'avertissement de la première édition, d'un grand volume qui, selon le principe du titre du recueil, donnerait à lire au lecteur une nouvelle par jour pendant une année, soit trois cent soixante-cinq nouvelles. L'édition de 1937-1938 de Manlio Lo Vecchio-Musti compte 237 nouvelles dont 21 inédites du vivant de leur auteur. Comme pour Tchekhov, le succès de son théâtre a longtemps éclipsé l'originalité et la beauté de ses nouvelles. L'œuvre de Pirandello ne se réduit pas à sa production théâtrale. Elle pourrait être divisée en trois parties presque égales, ses nouvelles, son théâtre et enfin ses romans et essais. Ses travaux de conteur et de dramaturge sont liés. Ainsi, pas moins de vingt-sept nouvelles sont adaptées au théâtre : "Madame Frola et monsieur Ponza, son gendre" donnera "Chacun sa vérité", de "Leonora, Addio !" naîtra "Ce soir on improvise", etc. Certains titres de nouvelles sont conservés pour leurs adaptations théâtrales : "Cédrats de Sicile", "Le devoir du médecin", "Gare à toi, Giacomio !", "La jarre", etc. Avec "Pirandello. Nouvelles complètes", en 2.240 pages, les Éditions Gallimard, réalisent en 2000 le souhait de Pirandello de voir toutes ses nouvelles réunies en un seul volume. Dans l'avertissement de la première édition de "Novelle per un anno", Pirandello écrivait que "[l'auteur de ces nouvelles] espère que les lecteurs voudront bien lui pardonner si, nées de la conception qu'il a eue du monde et de la vie, trop d'amertume et une joie trop rare s'offriront à eux et se donneront à voir dans cette multitude de petits miroirs qui la reflètent tout entière. Cette comédie humaine sicilienne reflète en effet la perception subjective de Pirandello, à laquelle son art de conteur donne une portée universelle. Un de ses traducteurs, le romancier et essayiste Georges Piroué intitulera d'ailleurs son étude sur Pirandello, parue en 1988 aux Éditions Denoël :"Luigi Pirandello, Sicilien planétaire".
En 1924, Pirandello adhère au fascisme et rencontre Mussolini. Mais il ne s'engagea jamais activement en politique. Son activité théâtrale internationale l'écartera peu à peu du régime fasciste, dont il supporte mal la suspicion et l'autoritarisme. Cependant, en 1929, il fait partie des premiers membres, nommés par décret du Président du Conseil, de la Reale Accademia d'Italia, créée trois ans plus tôt par Mussolini.
C'est aussi avec l'appui de Mussolini qu'il fonde, avec son fils Stefano, en 1925, le Teatro d'Arte di Roma. Il y découvre la vie et le travail d'un directeur de théâtre et d'un metteur en scène. Il engage une jeune et talentueuse comédienne, Marta Abba, pour laquelle il éprouve un amour impossible. Elle devient son interprète principale et son inspiratrice. En cette année 1925 également, il publie un nouveau chef-d'œuvre, qu'il a mis quinze ans à écrire, le roman Un, personne et cent mille. Il voyage ensuite à l'étranger avec sa compagnie mais l'expérience du Teatro d'arte di Roma prend fin à l'été 1928, ainsi que sa collaboration avec Marta Abba qui crée sa propre troupe de théâtre. L'écrivain s'exile alors volontairement deux années à Berlin puis une à Paris. L'écrivain et la jeune comédienne s'écrivent pendant toutes ces années et leur correspondance sera publiée sous le titre Lettres d'amour de Pirandello à Marta Abba. Avec Quand on est quelqu'un 1933, Pirandello met en scène son propre drame d'homme seul, prisonnier de sa célébrité.

Le prix Nobel de littérature

Le 10 décembre1934, il reçoit à Stockholm le prix Nobel de littérature "pour son renouvellement hardi et ingénieux de l'art du drame et de la scène" mais il subit de plus en plus d'incidents cardiaques. Travaillant sans relâche, il meurt en 1936 d'une pneumonie alors qu'il prépare l'adaptation cinématographique de Feu Mathias Pascal et écrit une nouvelle pièce, qui reste inachevée : Les Géants de la montagne, dont il a le sentiment qu'elle est son chef-d'œuvre. "Je crois vraiment que je suis en train de composer, avec une ferveur et une anxiété que je ne réussis pas à t'exprimer, mon chef d'œuvre, avec ces "Géants de la montagne"... Mon art n'a jamais été aussi plein, aussi varié et imprévu : c'est vraiment une fête pour l'esprit et pour les yeux... " écrit-il à Marta Abba.
Dix années après sa mort, ses cendres sont transportées à Agrigente. Comme l'écrit la critique littéraire Rosanna Delpiano : " ... son destin de personnage se clôt sur un dernier jeu entre apparence et réalité : par les rues de sa ville, les cendres de Pirandello passent, enfermées dans une caisse qui donne l'impression que la crémation n'a pas eu lieu, que le corps est dans le cercueil. Il paraît qu'en ont décidé ainsi les autorités ecclésiastiques : ainsi, sans le savoir, elles s'employaient à donner la dernière touche "pirandellienne" au séjour involontaire sur la terre de Luigi Pirandello." Après la Seconde Guerre mondiale, ses cendres sont scellées dans un mur près de sa maison natale, classée monument national en 1949. Sa femme meurt en 1959, dans une clinique psychiatrique, à l'âge de 87 ans.

Pirandello vu par lui-même

Luigi Pirandello, dans une lettre adressée à Benjamin Crémieux, son premier traducteur français, a un regard lucide et poignant sur sa propre vie. Il lui écrit en effet pour la parution de Vieille Sicile par la NRF : "Vous désirez quelques notes biographiques sur moi et je me trouve extrêmement embarrassé pour vous les fournir; cela, mon cher ami, pour la simple raison que j'ai oublié de vivre, oublié au point de ne pouvoir rien dire, mais exactement rien, sur ma vie, si ce n'est peut-être que je ne la vis pas, mais que je l'écris. De sorte que si vous voulez savoir quelque chose de moi, je pourrais vous répondre : Attendez un peu, mon cher Crémieux, que je pose la question à mes personnages. Peut-être seront-ils en mesure de me donner à moi-même quelques informations à mon sujet. Mais il n'y a pas grand-chose à attendre d'eux. Ce sont presque tous des gens insociables, qui n'ont eu que peu ou point à se louer de la vie." Benjamin Crémieux, aidé par sa femme Marie-Anne Comnène, est un de ceux qui le révèlent au public parisien en traduisant puis en faisant jouer ses plus importantes pièces.

Quelques caractéristiques des œuvres de Pirandello :

La Sicile reste une référence constante dans ses œuvres. Il définit la vie comme "un séjour involontaire sur la terre". On peut observer une grande interrogation sur la vie, l'individu et la société. On trouve le thème de la multiple personnalité dans Feu Mathias Pascal. Il fait ressortir dans ses œuvres un conflit entre la vie, qui change avec le temps, et la forme, c'est-à-dire les conventions sociales qui nous obligent à bloquer notre image sociale selon les mœurs Feu Mathias Pascal. Selon lui, les hommes ne peuvent se comprendre, il parle d'incommunicabilité. La parole ne peut exprimer correctement la réalité et, même si elle le pouvait, les différences de points de vue entre les individus continueraient à en brouiller le sens. Dans Six Personnages En Quête d'Auteur, il met en scène l'impossibilité de représenter un drame à cause des images différentes que les uns ont des autres. Le théâtre de Luigi Pirandello est un théâtre de réflexion sur le paradoxe et l'absurdité de la vie. sources: cours de terminale sur la littérature italienne

Les nouvelles : de Verga à Kafka

On peut distinguer, avec quelque artifice, quatre catégories dans les nouvelles de Pirandello : chacune tour à tour domine ou se combine avec une autre, sans qu'il soit possible de dessiner clairement une évolution chronologique. On reconnaît d'abord l'influence du vérisme, et nommément de Giovanni Verga 1840-1922, dans de nombreux récits dont la matière est sicilienne. Mais le récit s'oriente toujours vers une autre signification, un autre registre. La Jarre La Giara transpose en ballet grotesque l'âpre soif de gain matériel des paysans de Verga, en montrant les démêlés d'un propriétaire irascible et chicaneur avec un flegmatique réparateur d'ustensiles de terre cuite. Ailleurs, ce sont d'autres scènes : exploitation des uns par les autres, enlèvements, mauvais œil, distractions violentes et joies passagères, qui se nourrissent d'une matière réaliste exploitée en une déformation consciente.
Celle-ci peut s'orienter vers le paradoxe et le funambulisme, comme dans l'histoire de Perazzetti, Mais c'était pour rire Ma non è una cosa seria, 1918, qui épouse la première venue afin de pouvoir désormais faire la cour à qui il voudra sans se trouver obligé d'épouser. Les nouvelles abstraites comme La Tragedia d'un personaggio ou le Colloque avec mes personnages Colloquii coi personaggi qui sont des mises en récit de réflexions sur la création artistique et le peu de réalité des humains.
Enfin les nouvelles de l'étrange et du surréel, comme Café de nuit Caffè notturno, où un personnage condamné par une tumeur se livre à une oiseuse et vertigineuse décomposition du réel, en racontant par exemple comment on fait un paquet ; ou La Peur du sommeil Paura del sonno, récit hallucinant d'une psychose. Un montreur de marionnettes a cru perdre sa femme : alors qu'on allait l'enterrer, elle s'est réveillée de sa léthargie ; depuis lors, le mari ne supporte plus de la voir s'assoupir. De l'étrange à l'allégorie, la distance est faible, et certaines nouvelles franchissent aisément la frontière. C'est le cas d'Une journée Una giornata, récit onirique d'une amnésie soudaine et d'une biographie reconstituée sous forme d'interrogations et de surprises, dont on trouve clairement l'écho dans plus d'une nouvelle de Dino Buzzati.
Ainsi, la constante déformation du vérisme, la mise en doute systématique du réel aboutissent-elles à des récits où dominent le paradoxe et la perplexité, mais un paradoxe et une perplexité systématiquement extraits du réel même par une logique et une cohérence qui, si elles font éclater l'inconséquence des humains, révèlent également les périls inconnus de la réflexion, moins capable de construire un monde idéal que de corroder et de décomposer l'univers réel. Les nouvelles de Pirandello offrent un grouillement de cas, individuels – psychologiques et métaphysiques – et collectifs – sociaux ou, encore, psychologiques –, dont une vingtaine seront repris et fourniront la matière directe de la moitié des œuvres théâtrales, mais on peut dire que les nouvelles ont constitué l'humus où a germé l'œuvre dramatique de Pirandello, aussi bien dans son aspect idéologique que dans son aspect technique.

Du vaudeville au nouveau théâtre

On a souvent observé que le théâtre de Pirandello, qui passe pour être si profondément révolutionnaire, est par d'autres côtés insupportablement vieillot et complaisamment démodé. Des critiques représentant des idéologies opposées l'ont tour à tour, et à peu près sur les mêmes bases, encensé et violemment attaqué. C'est que l'unité et la diversité du théâtre de Pirandello ne reposent pas sur les mêmes facteurs, comme on le verra.
En un premier temps, Pirandello adopte et adapte la comédie bourgeoise, en y introduisant des facteurs de corrosion et de désagrégation qui la transforment radicalement. Reprenant le trop fameux triangle du vaudeville, Pirandello développe diverses intrigues inattendues, ou subvertit les structures conventionnelles du théâtre d'alors. Cha Cosi è se vi pare, 1917, enquête sur une psychose un homme et sa belle-mère ne sont pas d'accord sur l'identité de l'épouse du premier, que la seconde prend pour sa fille alors que le mari prétend qu'il s'agit de sa seconde femme, est en même temps une destruction de la notion de dénouement. La Volupté de l'honneur Il Piacere dell'onestà, 1917, qui devrait être l'histoire d'un mari de complaisance, est en fait l'illustration de la panique que cause l'entrée soudaine de la rectitude et surtout de la logique dans une famille futile et corrompue de la haute société. Le Jeu des rôles Il Giuoco delle parti, 1918, Tout pour le mieux Tutto per bene, 1920 présentent des solutions héroïques à des situations ridiculement banales : là, c'est un mari qui, ayant défié un homme qui a insulté sa femme, envoie se faire tuer à sa place l'amant de celle-ci, au nom d'une répartition des rôles ; ici un veuf apprend, longtemps après la mort de sa femme, que celle-ci le trompait avec celui qui l'a aidé dans sa carrière, et que tout le monde le croyait informé et complice ; il décide alors de continuer, de détruire le mensonge par le mensonge et la comédie par la comédie. La corrosion porte donc, à cette étape de la production pirandellienne, aussi bien sur la technique (pas de dénouement, pas de crise... que sur la thématique des situations de vaudevilles résolues par le refus ou le paradoxe.
Pendant la même période, Pirandello opère une reconnaissance comparable sur le terrain du théâtre dialectal de dérivation vériste. Plusieurs pièces, en effet, ont été soit écrites, soit représentées en sicilien, de sorte que le texte italien qu'on en possède est un texte second. La parenté est évidente entre les nouvelles et le théâtre, qui d'ailleurs maintes fois s'en inspire. Il s'agit toujours d'œuvres d'une extrême vivacité, soit dans le domaine de l'action scénique La Jarre, 1917, soit dans celui du dialogue Le Brevet La Patente, 1918, histoire d'un homme qui, réputé jeteur de sorts, ne trouve plus de travail et exige un brevet pour exercer cette profession, soit enfin dans la matière même, comme dans L'Offrande au seigneur du navire Sagra del signore della nave, 1924, où la religion qui sert de prétexte et de couverture à une fête campagnarde masque mal la soudaine et violente résurgence du passé païen de la Sicile mille fois conquise et disputée. Cette matière sicilienne, rurale et dialectale, sert également de terrain à la description de conflits aigus et profonds, dont témoignent Les Vieux et les Jeunes et Cédrats de Sicile Lumie di Sicilia, 1910. Liolà enfin 1916 constitue une transposition moderne et virulente de La Mandragore ; une jeune femme est obligée de recourir aux services d'un vigoureux jeune homme, Liolà, pour donner un enfant à son vieux mari. Mais le vieillard est au courant, et Liolà, conscient de l'importance de son rôle, analyse la situation avec une étonnante lucidité. Dans une société fermée et arriérée comme celle de la Sicile, où les enfants représentent un capital un cheptel au même titre que la terre, les rapports d'état civil deviennent des rapports économiques, voire politiques : et Liolà annonce le jour où ceux qui, comme lui, travaillent la terre des autres, s'empareront de ce qui leur revient. On voit à quel point est important, dans cette production en apparence légère et pittoresque, le sentiment de frustration et de colère impuissante, parfois ignoré, du Sicilien que l'unité a seulement isolé davantage.
Entre 1920 et 1930, et tout en exploitant épisodiquement des thèmes développés dans le théâtre de la première période, selon une technique de variation et de combinaison, Pirandello produit une série de pièces qui fondent une nouvelle dramaturgie, et constituent, avec celle que l'on doit à Brecht, une des deux grandes révolutions théâtrales de la première moitié du XXe siècle. Cette révolution est l'aboutissement logique de plusieurs lignes déjà indiquées : corrosion des formes dramatiques traditionnelles, problèmes du relativisme psychologique et de l'existence par les autres, sens aigu des conflits sociaux et de la fonction des individus les uns par rapport aux autres. Dans les ouvrages majeurs de ces années, l'enquête sur l'homme va de pair avec celle sur le théâtre, parce que la vie de l'homme est un théâtre, et parce que le théâtre est le lieu de la réflexion de l'homme sur lui-même.
Sei Personaggi in cerca d'autore 1921 a marqué la naissance du grand théâtre pirandellien et, quelques années plus tard, le début de la célébrité internationale du dramaturge. Au premier niveau, un mélodrame larmoyant : une famille désunie, la rencontre honteuse d'un père et de sa belle-fille dans un mauvais lieu. Au second niveau, la tragédie de ces personnages : le père veut faire appel de cet acte dans lequel veut l'enfermer la belle-fille qui ainsi, obscurément, justifie et rachète sa conduite, la mère et le fils, chacun à sa façon, refusent d'entrer dans le jeu et ne jouent que leur refus, tandis que les deux enfants qui ne parlent pas représentent silencieusement l'instinct de mort que chacun des autres porte en lui et auquel il donne un nom illusoire. En face de ce mélodrame et de cette tragédie de l'aspiration à l'être, la parodique légèreté d'un groupe de comédiens tout occupés à se jalouser et à s'égratigner, seuls capables de répéter et de poursuivre cette histoire, mais sourds au drame intime des protagonistes, s'exprime en problèmes de décor. L'analyse de la vie intérieure et de sa transposition en théâtre est ici menée de la façon la plus complète, sans illusions, mais aussi sans solution.
Comme ci ou comme ça Ciascuno a suo modo, 1924 montre une autre interpénétration du théâtre et de la vie sur le plateau, le public reconnaît un fait divers qui a défrayé la chronique et divisé les gens ; les intéressés aussi se reconnaissent, un scandale se produit, au cours duquel les faits représentés se répètent, la femme dont il est question se trouvant au bout du compte attaquée et défendue de la même façon que dans la pièce, et que dans la réalité qui l'avait inspirée. Une fois de plus l'impasse apparaît dans le fait que, à la pièce à faire qu'était Six Personnages en quête d'auteur, fait ici pendant une pièce interrompue.
À l'inhibition, à l'inachèvement feints s'oppose, dans Ce soir on improvise Questa sera si recita a soggetto, 1930, la troisième pièce de la trilogie du théâtre dans le théâtre, selon une expression usée. Après avoir chassé leur metteur en scène, des acteurs en grève du zèle improvisent, après divers incidents, un troisième acte si intensément vécu que la comédienne qui mime la mort de l'héroïne s'évanouit. Cette parodie de mort, cette sanction pitoyable d'un effort qui n'a atteint que les apparences, est d'autant plus dérisoire que l'on apprend que le metteur en scène, qui fait une rentrée tonitruante et enthousiaste, a en fait réglé les éclairages. À jouer sur scène avec la vie on s'expose donc à s'apercevoir qu'on était en fait dirigé sans s'en rendre compte, et que de toute façon l'effet reste celui du théâtre.
Ce thème de l'universel théâtre a constamment sollicité Pirandello, que ce soit dans Se trouver Trovarsi, 1932, histoire d'une actrice que son métier a détournée d'elle-même au point qu'elle a l'impression de jouer lorsqu'elle vit, ou dans les grands drames de la folie, du mensonge, de la culpabilité, comme Enrico IV 1922, Vêtir ceux qui sont nus Vestire gli ignudi, 1922, On ne sait comment Non si sà come, 1934, ou enfin dans ces tragédies de l'amour offert et mal reçu que sont Comme avant, mieux qu'avant Come prima, meglio di prima, 1920, Ève et Line La Signora Morli, una e due, 1920, Comme tu me veux Come tu mi vuoi, 1930, où des femmes prêtes à se modeler, à se laisser créer par ceux qui les entourent, à condition que l'on reconnaisse avoir besoin d'elles, se trouvent prises au piège de l'intérêt, de l'égoïsme, des conventions, du chantage à l'affection, sortent de la scène comme les héros tragiques en sortaient pour mourir.
Déjà dans cette thématique de la femme, créature qui donne à condition qu'on lui demande, créature proche des grandes forces élémentaires, biologiques et cosmiques de la création, s'esquisse l'inspiration toute différente de la dernière production pirandellienne, celle des « mythes ». Une maladroite préfiguration en est Diana e la Tuda 1926, drame allégorique, lourdement ibsénien, qui dresse les uns contre les autres l'artiste, sa maîtresse, son modèle, la statue, l'artiste vieilli, dans un jeu de faux-semblants, d'ambitions déçues, de désirs détournés de leur objet, de jalousies, qui conduit à la mort l'innocente Tuda, tuée par le manque d'amour du sculpteur qui ne voyait en elle que l'imparfaite image de la Diane qu'il s'efforce de créer.
À partir de 1928, Pirandello écrit une série de pièces qui s'écartent résolument des thèmes et des techniques qu'il avait jusqu'alors illustrés. Les pièces qui ont reçu le nom de « mythes » sont La Nouvelle Colonie La Nuova Colonia, 1928, Lazzaro 1929, Les Géants de la montagne I Giganti della montagna, 1931, 1934, 1937. Pirandello y affronte ouvertement de grands problèmes, dont certains déjà avaient été traités plusieurs dizaines d'années auparavant dans ses romans. L'utopie sociale de La Nouvelle Colonie, où un ramassis de mendiants, voyous et autres pauvres hères décident de fonder sur une île une société sans attaches, sombre au milieu des intrigues des politiciens et des commerçants, tandis que l'île elle-même s'abîme au sein des flots, et que ne reste plus qu'une prostituée, et son enfant, enfin en contact direct avec les grandes forces telluriques, après la destruction des constructions artificielles des hommes. C'est à une solution analogue qu'aboutit Lazare, dont le sujet est apparemment le problème de la définition scientifique et métaphysique de l'état de mort : problème religieux, mais aussi d'engagement vital, que résolvent différemment un homme et sa femme, lui se confiant tout entier au dogme, elle tout entière aux œuvres, allant jusqu'à quitter son mari pour vivre avec un paysan et travailler de la même pâte ses enfants et ses champs.
Les Géants de la montagne, pièce inachevée, porte à l'extrême la désagrégation de l'édifice logique et technique du théâtre pirandellien. Dans le temps de la composition de cette pièce, Pirandello avait produit La Fable du fils échangé 1934, inspirée d'une légende sicilienne, où l'on assiste à la classique substitution d'un prince : mais ici, contrairement à la tradition, c'est le prince qui est un monstre à demi idiot, et qui repartira vers le Nord. Le lyrisme croissant de ces dernières œuvres envahit Les Géants de la montagne, où s'opposent l'entêtement de l'actrice Ilse à interpréter les écrits d'un jeune auteur mort d'amour pour elle, l'incompréhension des géants qui finissent par la tuer, et, face à ces deux passions, le théâtre intérieur, silencieux et béat, des doux illuminés de Cotrone, le magicien, théoricien de l'art idéal et non communicable. L'œuvre de Pirandello s'achève ainsi dans l'ambiguïté, thématique et formelle, dans une évasion vers la gratuité de l'art, dans un retour à une forme de symbolisme théâtral qu'on peut rapprocher de celui de Maeterlinck, tandis que, sur un autre plan, divers recours techniques attestent de l'influence du cinéma sur le dramaturge.

Le pirandellisme : un faux problème ?

Le terme de pirandellisme éveille une constellation d'idées plutôt vagues, que l'on peut résumer en quelques mots : humour, logique déréglée, manie gratuite de raisonner, thèmes particuliers, dont les principaux sont : la comédie sociale, le théâtre, la force de l'inconscient et la folie, l'absurde. Cette accumulation mêle ce qui est justifié et ce qui ne l'est pas. C'est Pirandello lui-même qui a fait la théorie de ce qu'il a appelé l'humorisme, défini comme le sentiment du contraire, comme la reconnaissance, à la fois comique et douloureuse, de ce qui devrait être là où l'on rencontre, justement, le contraire une vieille femme outrageusement fardée alors qu'elle devrait être dignement effacée, par exemple : l'humorisme n'est pas dans l'objet, mais dans le sujet. De là naît l'importance des personnages de raisonneurs, commentateurs, meneurs de jeu, metteurs en scène au sens propre et au sens figuré, qui sont la conscience de l'œuvre, comme celle de l'auteur au travail dans le micro-univers qu'il est en train de créer. La passion du raisonnement n'est que le revers de la folie qui guette la conscience si elle se penche sur elle-même et découvre qu'elle n'est que le centre creux où se croisent les projets des autres.
Au cours des années vingt, un critique de formation philosophique, Adriano Tilgher, interpréta les œuvres de Pirandello comme l'illustration du conflit entre la Vie, fluide et spontanée, et la Forme, rigide, conventionnelle, statique. Le dramaturge, inconsciemment flatté de ce passeport philosophique, donna raison au critique dans des pièces médiocres comme Diane et Tuda, qui d'ailleurs furent vertement attaquées par le même critique. En fait, Pirandello n'est pas un philosophe, et quarante pièces de théâtre ne forment pas un système. Le pirandellisme est constitué de tous les défauts que les critiques les plus opposés lui ont assignés, et des qualités corrélatives. Ainsi, le raisonnement à vide dont on vient de voir la fonction lui a été reproché par Antonio Gramsci, qui, d'accord avec les autres critiques marxistes, loue dans Liolà, en des termes curieusement idéalistes, la peinture de l'homme d'avant la chute ! Ces mêmes critiques n'ont point relevé les discours fort marxistes » de Liolà. Naturellement, les catholiques reprochèrent à Pirandello son agnosticisme, l'immoralité des situations et surtout des solutions. Chacun trouva, et trouve toujours en Pirandello matière à attaque ou à louanges, et c'est cela qui constitue le pirandellisme.
En fait, dans le théâtre de Pirandello car le reste de son œuvre, infiniment moins connu, ne sollicite et ne passionne guère, à l'exception sans doute de Feu Mathias Pascal, et, dans ce dernier cas, strictement en fonction du théâtre, cohabite la tradition la plus éculée et la plus rassurante celle du vaudeville, et celle d'une certaine image de l'Italie avec des ferments de subversion et de désagrégation qui ne sont pas limités au théâtre. La technique théâtrale de Pirandello a une valeur et une signification idéologiques précises : la corrosion de la société est représentée par la désagrégation analytique des formes d'art qui la mimaient. La grande comédie de l'homme, celle de Molière, devenue comédie sociale avec Goldoni, dégradée en comédie de mœurs avec les auteurs de boulevard, s'est ainsi transformée en un instrument idéal pour la représentation de la crise d'une société. Sans peut-être tout à fait mesurer la portée de cet acte, Pirandello a lancé dans l'univers frelaté et futile de la comédie des personnages de tragédie, ridicules, grandiloquents, excessifs, des Alceste que nul Philinte ne raisonne, mais qu'en revanche de rusés et cauteleux tartufes sont constamment prêts à circonvenir. Il y a, chez Pirandello, du Corneille, dans le contraste tantôt grinçant et tantôt truculent entre une médiocrité triomphante et un sublime pathétique, ridicule, accepté en façade par tous, exploité et enfin exclu quand le monde des apparences et des conventions peut retrouver sa surface lisse, un moment égratignée par les cris et les raisonnements des gêneurs.
On voit pourquoi Pirandello séduit et irrite : la critique en lui séduit, superficiellement en tant qu'attaque contre les malformations de la société, et plus profondément comme signe d'une conscience de crise au moins confuse de cette dernière. Mais le décor traditionnel, les oripeaux passés dans lesquels il enveloppe ses héros agacent par leur air désuet, et irritent comme la marque du caractère finalement timoré et étroit de son attaque, qui porte sur des détails, non sur un système entier sauf dans les dernières œuvres, significativement décriées par une critique assez embarrassée. On a dit que Pirandello, comme écrivain, n'a pas d'histoire : et de fait, on serait en peine d'indiquer une voie principale de son développement idéologique ou technique, hors celle, fort approximative, qui a servi ici de canevas. Et si ces personnages sont à l'image des Siciliens, à la fois taciturnes et gesticulants, tout en façade, mais fous de métaphysique et d'honneur masculin, l'ensemble de son théâtre est à l'image de la Sicile dont l'histoire n'est que celle des conquêtes qu'elle a subies ; ici, les conquêtes sont les lectures, l'exploitation, le pillage, qui font rendre à ce théâtre ce qu'il n'était peut-être pas fait pour donner. La valeur historique du théâtre de Pirandello est d'avoir servi de terrain de réflexion et de sujet d'imitation à plus de cinquante ans de théâtre mondial, et d'avoir ainsi rendu témoignage des crises et des conquêtes dramaturgiques de toute une époque : son sens n'est pas en lui, mais dans ce qu'il s'est fait en fonction, positive ou négative, de lui. Gérard Genot

Å’uvres

Poésies
Mal joyeux 1889
Les Pâques de Gea 1891
Élégies rhénanes 1895
Traduction des élégies romaines de Goethe 1896
Cornemuse 1911
Scamandre 1919
Hors clefs 1922

Essais

Laute und lautentwickelung der mundart van Girgenti thèse 1891
Art et science 1908
L'humour 1908

Nouvelles

Nouvelles pour une année 15 volumes entre 1894 et 1936 : 431 nouvelles

Romans

L'exclue 1901
Chacun son tour 1902
Feu Mathias Pascal 1904
Les Vieux et les jeunes 1913
Giustino Roncella né Boggiolo 1911
On tourne 1915
Les cahiers de Séraphin Gubbio, opérateur 1925
Un, personne, cent mille 1926

Théâtre

L'Étau 1898
Le Devoir du médecin 1912
Lumie di Sicilia Cédrats de Sicile 1912
Cécé 1913
La Jarre 1915
Le Bal 1916
À la sortie 1916
Liola 1917
Méfie-toi, Giacomino 1917
Le Bonnet du fou 1918
La Patente 1918
Chacun sa vérité 1916
La Volupté de l'honneur 1918
L'Homme, la bête et la vertu 1919
Le Jeu des rôles 1918
La Greffe 1919
C'était pour rire 1918
Tout pour le mieux 1919
Six personnages en quête d'auteur 1921
Henri IV 1922
Vêtir ceux qui sont nus 1922
La Vie que je t'ai donnée 1923
La Fleur aux lèvres 1923
Chacun à sa façon 1924
La Nuova Colonia 1926
Lazare 1928
Comme tu me veux 1929
Ce soir on improvise 1930
Se trouver 1932
On ne sait comment 1935
Les géants de la montagne 1936, inachevé

Adaptations

Le roman 'Feu Mathias Pascal' est adapté au cinéma à trois reprises :
en 1926 en France par Marcel L'Herbier. Mathias Pascal est interprété par Ivan Mosjoukine.
en 1937 par Pierre Chenal dans une version française portant le titre L'Homme de nulle part et une version italienne tournée parallèlement. Les deux films mettent en vedette Pierre Blanchar et Isa Miranda.
en 1985 en Italie par Mario Monicelli. Marcello Mastroianni tient le rôle principal de ce film présenté au Festival de Cannes en 1985.
Parmi les autres adaptations :
En 1930, la nouvelle 'In Silencio' est adaptée au cinéma par Gennaro Righelli sous le titre La canzone dell'amore dans ce qui est le premier film parlant italien.
En 1932, la pièce Comme tu me veux As You Desire Me est adaptée par George Fitzmaurice. Le film, qui met en vedette Greta Garbo, devait initialement être réalisé par Jacques Feyder.
En 1984, les frères Taviani réalisent le film Kaos contes siciliens , inspiré de cinq nouvelles de Luigi Pirandello. Les deux frères récidivent en 1998 avec Kaos II Tu ridi, adaptant cette fois deux nouvelles de l'auteur.

Citations

Il est l'auteur de la célèbre citation : "A chacun sa vérité".
"Il est plus facile d'être héros qu'un honnête homme. Héros nous pouvons l'être une fois par hasard ; honnête homme il faut l'être toujours."



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Posté le : 27/06/2015 22:19

Edité par Loriane sur 29-06-2015 16:32:57
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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