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De Montpellier
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Le 3 mai 1748 naît Emmanuel-Joseph Sieyès ou l'abbé Sieyès
à Fréjus, mort à Paris, à 88 ans le 20 juin 1836 à Paris, homme d'Église, prêtre, homme politique et essayiste français, surtout connu pour ses écrits et son action pendant la Révolution française. Issu d'un milieu de bonne bourgeoisie provençale son père est directeur des Postes, ce cadet de famille est destiné à la prêtrise, sans vocation aucune, peut-être en raison d'une santé délicate…, qui ne l'empêchera pas de vivre jusqu'à quatre-vingt-huit ans. Après des études à Fréjus, puis à Draguignan, il est admis successivement aux séminaires de Saint-Sulpice et de Saint-Firmin, d'où il sortira en 1772, une fois ordonné prêtre. Après quelques années passées à l'évêché de Tréguier, il suit à Chartres son évêque, M. de Lubersac, et reçoit les fonctions de vicaire général. On le voit cependant souvent à Paris, où il fréquente les clubs, les loges maçonniques, les salons philosophiques de Mmes de Condorcet, Helvétius, Necker. Pendant toute cette période, il réfléchit sur les institutions politiques et sociales, et surtout prend conscience de sa propre valeur. Qu'est-ce que le tiers état ?
En bref
Né à Fréjus, fils d'un directeur de la poste aux lettres, Emmanuel Sieyès se voit refuser l'ordination au séminaire de Saint-Sulpice pour manque, au moins apparent, de vocation ; il réussit à se faire ordonner prêtre ailleurs et se retrouve grand vicaire de l'évêque de Chartres en 1787. En janvier 1789, il lance la brochure qui le rend aussitôt célèbre : Qu'est-ce que le tiers état ? — ce tiers état qui, de fait, est tout et qui, tenu pour rien, demande à devenir quelque chose. Rejeté par les électeurs de l'ordre du clergé, il se fait élire député de Paris par les électeurs du tiers. Durant tout le mois de juin 1789, lors du serment du Jeu de paume et de la constitution de l'Assemblée nationale comme telle, il joue le rôle le plus actif au premier rang. Et puis, très vite, il cesse de faire figure d'entraîneur et de leader : l'abbé Sieyès semble s'escamoter lui-même. En surface, il ne se manifeste que par des intrigues assez souvent réactionnaires ; c'est qu'il met tous ses soins à proposer et à laisser se répandre son propre mythe : celui d'un très profond penseur qui élabore en grand secret et en parfaite sagesse la meilleure constitution imaginable. Le comique, c'est que, chaque fois qu'il proposera ouvertement un projet constitutionnel quelconque en 1791 à la Constituante, en 1793 et derechef en 1795 à la Convention, en 1799 à Bonaparte, ses idées seront jugées atrocement compliquées, péniblement imprécises, passablement ridicules, quelque chose comme Le Chef-d'œuvre inconnu du Frenhoeffer de Balzac, et chaque fois il réussira à conserver toujours intacte, dans le naufrage de son projet, son auréole d'oracle suprême en matière de droit constitutionnel. Député de la Sarthe à la Convention, il siège au Marais, mais vote la mort de Louis XVI et se « déprêtrise » avec toute la solennité requise ; il réussit de la sorte — Robespierre l'appelait la taupe de la Révolution — à ne pas attirer l'attention sur lui pendant la Terreur. Il se retrouve, bien sûr, au premier rang des thermidoriens, par deux fois membre du Comité de salut public en 1795. Élu membre du Directoire exécutif dès la création du régime directorial, il refuse cette charge par dépit de n'avoir pu faire adopter ses vues constitutionnelles et poursuit ses intrigues aux Cinq-Cents ; le Directoire cherche à s'en débarrasser en l'envoyant comme ambassadeur à Berlin ; mais Sieyès est de nouveau élu membre du Directoire en mai 1799 ; cette fois, son heure semble venue. Bien décidé à fomenter un coup d'État militaire qui lui assurerait le monopole du pouvoir civil, Sieyès jette d'abord ses vues sur Joubert le naïf, qui se fait tuer à Novi ; puis sur Moreau le circonspect, qui se dérobe ; puis, presque en désespoir de cause, sur Bonaparte : la taupe n'était pas de taille à régenter l'aigle. Consul provisoire au soir du 19 brumaire, Sieyès apporte à son collègue Bonaparte l'échafaudage mirobolant d'une constitution inapplicable ; au sommet de la pyramide préconisée devrait trôner un proclamateur-électeursans nul pouvoir réel ; Bonaparte s'esclaffe devant le rôle de cochon à l'engrais qu'entend lui réserver celui qu'il appelle par dérision le grand-prêtre. Un mois plus tard, Sieyès est écarté du Consulat au profit de Cambacérès. Pourvu en dédommagement d'un fort beau domaine et bientôt président du Sénat, Sieyès passera le reste de sa vie à bouder. Proscrit par la seconde Restauration, il va vivre quinze ans à Bruxelles ; c'est alors que David fait de lui un portrait magnifique où l'âge donne une dignité inattendue à cet être retors. Rentré en France après juillet 1830, il tombe bientôt en enfance ; l'un de ses derniers mots, étonnamment suggestif, sera pour dire à son valet de chambre : Si M. de Robespierre vient, dites que je n'y suis pas. Jean Massin
Sa vie
Fils d'un employé des impôts et maître de poste, il fait ses études à Draguignan puis au séminaire de Saint-Sulpice à Paris. Il entre dans les ordres comme prêtre en 1774 mais sans vocation. Par la suite, il devient en 1775 chanoine de Tréguier, attaché comme secrétaire de l'évêque de Lubersac, l'aumônier de Madame Sophie, la tante de Louis XVI, puis vicaire général de Chartres en 1787 et conseiller commissaire à la chambre supérieure du clergé. Sieyès devient célèbre dès 1788 par son Essai sur les privilèges. Mais c'est plus encore sa brochure de 1789 Qu'est-ce que le tiers état ?, texte fondateur de la Révolution française, qui obtint un grand retentissement et assure sa popularité. Il prend ainsi une part active à la Révolution française jusqu'à sa fin, par sa participation au coup d'État du 18 brumaire. En 1789, élu député du tiers état aux États généraux, il joue un rôle de premier plan dans les rangs du parti patriote du printemps à l'automne 1789 et propose, le 17 juin 1789, la transformation de la Chambre du Tiers état en assemblée nationale. Il rédigea le serment du Jeu de paume et travailla à la rédaction de la Constitution. Élu dans trois départements à la Convention, il siégea à la Plaine mais dans le procès du roi vota avec la Montagne contre l'appel au peuple pour la mort et contre le sursis. Il abandonna sa charge de prêtre selon les modalités en vigueur de la Constitution civile du clergé. Pendant la préparation de la constitution de l'an III, le 20 juillet 1795 thermidor, il prononça un discours resté célèbre au cours duquel il proposa la mise en place d'un jury constitutionnaire, premier projet d'un contrôle étendu de la constitutionnalité des actes des organes de l'État. Sous le régime politique du Directoire, il fut président, en 1797, du conseil des Cinq-Cents. En 1798, il fut envoyé comme ambassadeur à Berlin. En 1799, il se résolut à entrer au Directoire en tant que directeur. Il prépara le coup d'État du 18 brumaire selon lequel il démissionna de son poste de directeur, puis il fut nommé consul provisoire par Bonaparte. Il devint président du Sénat conservateur sous le Consulat. Il est nommé comte d'Empire en mai 1808. Pendant la seconde Restauration, c'est-à -dire après les Cent-Jours de la fin de 1815 à 1830, il s'exila durant quinze ans pour régicide à Bruxelles. Il ne rentra en France qu'en 1830.
Il a déjà publié deux brochures politiques lorsque, en janvier 1789, il lance son libelle au titre incendiaire : Qu'est-ce que le tiers état ? Tout. Qu'a-t-il été jusqu'à présent ? Rien. Que veut-il devenir ? Quelque chose. Le succès de ce brûlot est immense : 30 000 exemplaires sont vendus en deux mois. Élu député du tiers et non du clergé à Paris, Sieyès arrive aux États généraux la tête pleine d'idées neuves. Cet homme au long nez, au teint pâle, aux épaules étroites ne possède certes pas la flamme oratoire d'un Mirabeau, mais il sait se faire écouter. Il réclame la réunion des trois ordres, rédige le texte du serment du Jeu de Paume, refuse, le 23 juin, d'obtempérer aux ordres du roi. Élu au comité de constitution, il présente un projet de Déclaration des droits de l'homme qui ne sera qu'en partie accepté. Sans se lasser, il propose de multiples réformes : mode de répartition des impôts, création des gardes nationales, division du pays en départements, réorganisation judiciaire, etc. Il s'oppose nettement au veto absolu, comme d'ailleurs à l'abolition de la dîme c'est à ce propos qu'il lance le mot fameux : Ils veulent être libres mais ne savent pas être justes et vote sans conviction la constitution civile du clergé. Son vœu serait de maintenir la révolution dans de sages limites. Il s'est éloigné du « Club breton, devenu club des Jacobins, et fréquente la Société de 89, plus modérée, mais refuse de se laisser entraîner par Mirabeau dans sa collusion avec la Cour. Lors de la fuite à Varennes, il demeure sur la réserve. S'il blâme le roi, il n'approuve pas la pétition républicaine du Champ-de-Mars. Il est encore partisan d'une monarchie constitutionnelle, mais devine que la Constitution de 1791 ne fera pas long feu. Lorsque la Constituante se sépare, Sieyès se retire à Auteuil. Malgré bien des déceptions, il reste en contact avec ses anciens amis et s'en fait de nouveaux parmi la Gironde. Après la chute des Tuileries, il est élu à la Convention par trois départements et opte pour la Sarthe. Il siège au centre, mais vote la mort du roi, sans sursis. Ce geste ne lui vaut pas la reconnaissance de la Montagne. Il n'est pas non plus trop bien vu des Girondins, avec lesquels il commence à élaborer un projet de constitution. Son amitié pour Condorcet fléchit quand il voit celui-ci devenir le grand homme du Comité. Pourtant, la Constitution girondine sera balayée lors de l'élimination des Brissotins. Sieyès n'intervient pas dans la lutte entre les deux grands partis. Il ne travaille pas non plus à la Constitution de l'an I. La révolution qu'il a contribué à déchaîner lui fait peur. Il sait que Robespierre le déteste et l'appelle la taupe de la révolution. Pendant la Terreur, la taupe se terre en effet dans son trou. Lorsqu'on lui demandera ce qu'il a fait pendant cette période, il répondra : J'ai vécu. Le Directeur
Après Thermidor, il reparaît. Inquiet des émeutes populaires, il préconise des mesures sévères contre les fauteurs de troubles. Mais le problème qui intéresse le plus ce doctrinaire est celui de la constitution future. Une commission se forme, où l'on appelle l'ancien constituant. L'oracle va-t-il remonter sur son trépied ? Il s'en garde bien, jugeant qu'on ne suivrait pas ses idées. Prié de donner son avis sur le projet adopté, il refusera avec un sourire dédaigneux : On ne m'entendrait pas. Il a cependant accepté de faire partie du nouveau Comité de salut public, où il s'occupe des relations extérieures. Il prône le principe des frontières naturelles, songe à remanier la carte de l'Allemagne et s'en va à La Haye imposer la paix à la Hollande. Lorsqu'il revient, la Convention s'apprête à céder la place au Directoire. Élu député aux Cinq-Cents, son nom paraît dans dix-neuf départements !, il est également nommé au collège directorial, mais il repousse cet honneur. Sans doute ne croit-il pas à la solidité du régime. À ceux qui l'interrogent, il répond : Il m'est impossible de penser qu'un homme qui, depuis la Révolution, a été en butte à tous les partis puisse rallier toutes les confiances. Malgré cette apparente modestie, Sieyès reste amer, hautain, méprisant. Que désire-t-il ? On ne sait. Il ne favorise en tout cas pas la droite, puisqu'il approuve le coup d'État de Fructidor. Il devient président des Cinq-Cents, est appelé à l'Institut, mais souffre malgré tout de sentir son influence en baisse. Son nom a été pourtant remis en vedette lorsqu'il a été victime d'un attentat. L'agresseur, un ecclésiastique névropathe nommé Poulle, déclare avoir voulu venger la religion de ses pères. Légèrement blessé, Sieyès voit remonter sa popularité. En fait, le gouvernement le considère comme un gêneur et l'envoie en mission à Berlin mai 1798. Il en revient un an plus tard, car l'anarchie règne à Paris, où l'ancienne Montagne tente de resurgir de ses cendres et où les modérés cherchent un philosophe capable de remettre de l'ordre. Le grand homme accepte d'entrer dans le Directoire, préalablement épuré. Rival de Barras, Sieyès sent que l'heure est venue de changer de régime, mais il lui faut l'appui d'un sabre. Le général Joubert, auquel il songe en premier lieu, est tué à Novi. Son choix se porte alors sur Bonaparte, qui vient de rentrer d'Égypte. Le jeune vainqueur des Mamelouks connaît l'art de la flatterie : Nous n'avons pas de gouvernement parce que nous n'avons pas de constitution, dit-il à Sieyès : c'est à votre génie qu'il appartient de nous en donner une. L'ex-abbé, satisfait, entre dans le complot de Brumaire et reçoit, après la victoire, le titre de deuxième consul provisoire. Il rédige alors, avec Antoine Boulay de La Meurthe, un projet de constitution… que le nouveau César s'empresse de remanier, transformant à son profit les dispositions prévues pour limiter les pouvoirs de l'exécutif. Les dernières années
La Constitution autoritaire de l'an VIII, telle qu'elle est présentée aux Français, ne peut évidemment plaire à Sieyès. Aigri, mécontent, le dogmatique personnage refuse pourtant d'avouer qu'il a été dupé. À titre de consolation, il se voit nommé président du Sénat il démissionnera vite et accepte même le magnifique domaine de Crosne. Il a maintenant les mains liées, dit-on autour de lui. Pendant un temps, le nouveau maître de la France le fait surveiller, mais cette précaution est inutile. Sieyès n'ose même pas lancer un non lorsqu'on vote sur l'établissement de l'empire. Son existence se fait de plus en plus discrète. En 1809, cependant, il est nommé comte d'Empire par lettres patentes. Le comte Sieyès n'oserait sans doute plus affirmer que le tiers état, qui n'est toujours rien, devrait être tout… En tout cas, son rôle politique est bien terminé. S'il est inscrit pendant les Cent-Jours sur la liste des pairs, il se voit exilé après Waterloo comme régicide. Il se retire alors à Bruxelles. La révolution de Juillet lui permettra de regagner Paris, où il mourra six ans plus tard, dans l'indifférence générale. Académie française, 1803.
Il est inhumé le 25 juin 1836 dans la division 30 du cimetière du Père-Lachaise.
Théories politiques et philosophiques
Benjamin Constant dit de lui : Personne jamais n'a plus profondément détesté la noblesse. Ernest Seillière relève chez Sieyès une exhortation à l'opposition entre le tiers état, vu comme d'origine gallo-romaine, contre l'aristocratie, décrite comme étant d'ascendance germanique franque; Sieyès proposait de "renvoyer dans les forêts de la Franconie toutes ces familles nobles qui conservaient la folle prétention d'être issues de la race des conquérants et de succéder à leurs droits". Il faut cependant voir qu'il prenait en cela au mot les prétentions de théoriciens des droits de la noblesse comme Sainte-Pallaye, qui ont promu à la fin de l'ancien régime une vision de plus en plus essentialiste de l'origine du second ordre.
Il oppose le gouvernement représentatif qu'il promeut et le gouvernement démocratique qu'il rejette : Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie et la France ne saurait l’être, le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. Discours du 7 septembre 1789. Sieyès est alors vu en science politique comme un contradicteur des théories de Jean-Jacques Rousseau : alors que Rousseau se prononçait pour la démocratie directe et fustigeait le modèle représentatif britannique, Sieyès, moins confiant dans le peuple que Rousseau, choisit de défendre le système représentatif. Dans le système représentatif, le peuple élit des représentants munis d'un mandat représentatif qui, eux, décident des lois qui s'appliquent, alors que la démocratie directe suppose que le peuple décide des lois qui lui sont appliquées et que les délégués qu'il élit lui sont soumis par des mandats impératifs. La doctrine juridique parle souvent de "souveraineté nationale" pour qualifier l'idée de Sieyès de gouvernement représentatif en l'opposant à celle de "souveraineté populaire", celle de démocratie directe, soutenue par Rousseau puis revendiquée par l'aile gauche du parti des Jacobins, celle dite des Montagnards dirigée par Robespierre. Sieyès, de plus, s'est montré favorable au bicamérisme, mais il soutenait un bicamérisme différent de ceux britannique et américain ; il réclamait un bicamérisme pour éviter une dictature d'assemblée, sans chambre haute donc. Il a soutenu cette idée déjà dans des propositions pour la Constitution du 3 septembre 1791. Ce sont ses idées en plus de celles de Bonaparte qui servent à concevoir la Constitution de 1799 instituant le Consulat. Ainsi, Sieyès est souvent considéré comme un précurseur de la Révolution du fait de son ouvrage Qu'est-ce que le Tiers-état ?, mais aussi comme celui qui a déclenché le coup d’État mettant fin à la période révolutionnaire. Sieyès était partisan du suffrage censitaire. Il considérait que le vote est une fonction et que par conséquent seuls les individus ayant les capacités, intelligence, niveau économique d'exercer cette fonction doivent y participer.
Académie française
En 1795, Sieyès fut en premier lieu membre de la classe des sciences morales et politiques, future Académie des sciences morales et politiques de l'Institut de France. Lors de la réorganisation de 1803, il fut en outre élu dans la deuxième classe, qui succédait à l'Académie française après plusieurs années de disparition, et où il remplaça, au fauteuil 31, Jean-Sylvain Bailly, guillotiné le 12 novembre 1793. Après la Seconde Restauration de 1815, Sieyès fut exclu de l'Académie, en 1816, en tant que régicide, et remplacé aussitôt par le marquis de Lally-Tollendal, nommé par ordonnance royale.
Sieyès et la sociologie
Dans un manuscrit, Sieyès forge le néologisme sociologie une cinquantaine d'années avant Auguste Comte. Sous sa plume, le terme reste peu conceptualisé, et pris dans le souci de développer un art social : la connaissance positive de la société doit servir à la gouverner.
Sieyès et l'art social
L’objet du physicien, déclarait Sieyès, c’est d’expliquer les phénomènes de l’univers physique. Puisque cet univers existe indépendamment de lui, le physicien doit se contenter d’observer les faits et d’en démontrer les rapports nécessaires. Mais la politique n’est pas la physique, et le modèle de la nature ne s’applique pas aux affaires humaines." Pour Sieyès, la société est une construction artificielle, un édifice ; la science de la société devrait donc être, à proprement parler, une architecture sociale. De même que le jeune Marx devait reprocher à la philosophie hégélienne d’interpréter le monde, sans montrer comment le changer, de même le jeune Sieyès rejeta très tôt l’idée selon laquelle la seule tâche du philosophe serait d’énoncer les faits sociaux. Sa critique avait d’abord pris pour cible le despotisme des faits sur les principes, qu’il décelait dans la physiocratie. À la veille des États Généraux, il trouva une nouvelle cible dans l’approche historique adoptée par les disciples de Montesquieu et dans leur vénération, leur extase gothique pour le modèle de la constitution anglaise. — Keith Michael Baker, Condorcet. Raison et politique. Sieyès participe activement aux travaux de la Convention sur la réforme de la carte administrative, et il propose d'adopter un découpage de la France en carrés de 5 km de côté pour les communes, et de 50 km de côté pour les départements.
Sieyès dans la littérature
Son nom est toujours associé à ceux de Fouché et de Talleyrand dans le brelan de prêtres selon l'expression ironique de Carnot. Il est mis en scène par Honoré de Balzac dans Une ténébreuse affaire où Henri de Marsay fait le récit du complot contre Napoléon auquel Sieyès participe : Fouché connaissait admirablement les hommes; il compta sur Sieyès à cause de son ambition trompée, sur monsieur de Talleyrand parce qu'il était un grand seigneur, sur Carnot à cause de sa profonde honnêteté. Un personnage portant ce nom est également présent dans l’œuvre La dernière campagne du Grand Père Jacques, d'Émile Erckmann, où il est cité comme créateur d'une constitution. Stendhal cite Sieyès dans son roman Le Rouge et le Noir au début du chapitre XII : On trouve à Paris des gens élégants, il peut y avoir en province des gens à caractère .
Posté le : 01/05/2015 19:06
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