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Les jeux Floraux
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Le 3 mai 1324, création, à Toulouse, de l'académie des jeux floraux

de riches bourgeois organisent une joute poétique entre troubadours, trouvères et ménestrels de tous pays. Ainsi naît le premier concours de poésie d'Europe, sinon du monde. Le premier concours de poésie le 3 mai 1324 , naissance des Jeux Floraux
L'Académie des Jeux floraux en occitan, Acadèmia dels Jòcs Florals est une société littéraire fondée à Toulouse au Moyen Âge, sans doute la plus ancienne du monde occidental. D'abord appelée Consistoire du Gai Savoir, c'est la plus ancienne société littéraire connue. Elle doit son nom aux jeux floraux, fêtes célébrées à Rome en l'honneur de la déesse Flore. Lors de concours qui ont lieu chaque année, les membres de l'Académie, appelés mainteneurs, récompensent les auteurs des meilleures poésies en français et en occitan. Ces récompenses revêtent la forme de cinq fleurs d'or ou d'argent : la violette, l'églantine, le souci, l'amarante et le lys. Celle ou celui qui reçoit trois de ces fleurs porte le titre de maître des jeux.
L'institution fut fondée par plusieurs poètes qui se réunirent pour former ce qu'on appela le Consistori del Gay Saber ou Consistoire du Gai Savoir. Soucieux de rétablir un certain lyrisme après la croisade contre les Albigeois au XIIIe siècle, de riches bourgeois toulousains organisèrent un concours littéraire en langue d'oc, récompensant chaque année un troubadour d'une violette dorée à l'or fin.
Le premier concours de poésie eut lieu le 3 mai 1324. Se déroulant tout d'abord au verger des Augustines, cette compétition devint peu après une fête locale financée par les Capitouls.
Après plusieurs tentatives, les jeux furent également instaurés à Barcelone en 1393 à l'initiative du roi Jean Ier d'Aragon et furent maintenus sous les auspices des monarques d'Aragon jusqu'à la fin du XVe siècle.


Concours poétique annuel institué à Toulouse, en 1323, par un groupe de poètes désireux de maintenir les traditions du lyrisme courtois. La légende de Clémence Isaure dame toulousaine qui serait à l'origine du Consistoire, née vers la fin du xve s., contribua beaucoup à la popularité des jeux. La compagnie prit le nom de Collège de rhétorique au XVIe s., admit la langue française à ses concours, d'abord conjointement avec la langue d'oc, puis de manière exclusive. Elle s'intéressa à la Pléiade, couronna Ronsard et Robert Garnier. En 1694, Louis XIV l'érigea en Académie des jeux Floraux. Favorable au romantisme, l'Académie revint en 1895, sous l'impulsion de Mistral, à ses anciennes traditions : de nouveau bilingue, elle recrute ses mainteneurs dans toutes les provinces de langue d'oc.
Près d'un siècle après la croisade contre les Albigeois qui avait mis à feu et à sang le Midi de la France, la ville de Toulouse retrouve son antique prospérité et sa joie de vivre...
Les concurrents doivent s'exprimer en langue d'oc, la langue du Midi toulousain. Cette langue, imprégnée de tournures latines ou romanes, se distingue de la langue du Bassin parisien, la langue d'oïl, d'où nous vient le français actuel leur nom respectif vient de ce que oui se disait oc à Toulouse et oïl à Paris.
Pour donner corps à leur initiative, les organisateurs du concours de poésie offrent une violette d'or au gagnant et donnent à leur groupe le nom de compagnie du gai savoir. Dans cet intitulé plein de gouaille perce déjà l'esprit de Rabelais !...
Les capitouls, bourgeois qui gouvernent la ville au nom du comte de Toulouse, ajoutent un souci d'argent et une églantine d'or aux prix qui seront décernés chaque année.
En 1515, la compagnie prend le nom de Compagnie des Jeux Floraux. Elle se place peu après sous le patronage de Clémence Isaure, une dame du siècle précédent qui lui aurait fait don de ses biens... mais dont l'existence n'est en rien avérée.

De la langue d'oc au français

En 1694, signe des temps, la Compagnie des Jeux Floraux renonce volontairement à la langue d'oc pour le français, qui a pour lui le prestige de la cour de Versailles. Elle se place sous la protection du roi Louis XIV et prend le nom d'Académie, en référence à une Accademia romaine et sans doute aussi pour concurrencer, autant que faire se peut, la jeune Académie française.
Le jury des Jeux Floraux a fait la preuve de sa sagacité en récompensant d'une Églantine Pierre de Ronsard en 1554 et d'un lys d'or le jeune Victor Hugo 19 ans. Chateaubriand a été également couronné. Et bien sûr le poète François Fabre d'Églantine qui nous a légué le calendrier révolutionnaire et «Il pleut, il pleut, bergère...la deuxième partie de son nom rappelle l'églantine d'argent remportée aux Jeux Floraux et dont il était très fier !.
L'Académie des Jeux Floraux est aujourd'hui hébergée dans le somptueux hôtel d'Assézat, une demeure de style Renaissance, en pierre et en brique, bâtie à la fin du XVIe siècle par un marchand enrichi dans le commerce du pastel.
Elle poursuit dans une relative discrétion la promotion de la langue d'oc depuis qu'en 1895, le poète provençal Frédéric Mistral réintroduisit cette langue en son sein elle est aujourd'hui faussement appelée occitan. André Larané

L'institution fut fondée en 1323 par plusieurs poètes qui se réunirent pour former ce qu'on appela le Consistori del Gay Saber ou Consistoire du Gai Savoir. Soucieux de rétablir un certain lyrisme après la croisade contre les Albigeois au XIIIe siècle, de riches bourgeois toulousains organisèrent un concours littéraire en langue d'oc, récompensant chaque année un troubadour d'une violette dorée à l'or fin.
Le premier concours de poésie eut lieu le 3 mai 1324. Se déroulant tout d'abord au verger des Augustines, cette compétition devint peu après une fête locale financée par les Capitouls.
Après plusieurs tentatives, les jeux furent également instaurés à Barcelone en 1393 à l'initiative du roi Jean Ier d'Aragon et furent maintenus sous les auspices des monarques d'Aragon jusqu'à la fin du xve siècle.

Aujourd'hui :

Cadre et forme juridique : Association de loi 1901 dont le but est un concours littéraires, fondé en 1323 par 7 troubadours, le siège se trouve à l'Hôtel d'Assézat, à Toulouse. Constitué de 40 membres dit "mainteneurs" le slogan est HIS IDEM SEMPER HONOS Par ces fleurs toujours la même beauté Dissolution en 1790, rétablie en 1806

XVIe siècle

En 1513, des différends éclatent entre le Consistoire du Gai Savoir et les Capitouls. Les membres du Consistoire décidèrent alors de prendre leur indépendance : ils changèrent le nom de la société en Collège de rhétorique et réclamèrent à la municipalité le financement de leur manifestation. Pour appuyer leur demande, ils créèrent le personnage de Clémence Isaure, dont ils racontèrent qu'elle avait légué tous ses biens à la ville à condition que les Jeux floraux y soient organisés chaque année.
Afin de convaincre les magistrats, ils utilisèrent la sépulture de Bertrande Ysalguier, dont la statue expose dans ses mains jointes un iris symbolisant les fleurs du Gai Savoir. Parallèlement, ils lui inventèrent un passé, créant des archives de toute pièce. Cette statue sera modifiée un siècle plus tard afin de coller à la légende : la tête est remplacée, des fleurs sont substituées au chapelet dans la main droite, la charte des Jeux floraux est placée dans la main gauche, et le lion est supprimé.

XVIIe siècle

En 1694, sous l'impulsion de Simon de La Loubère, la Compagnie des Jeux floraux devint l'Académie des Jeux floraux, nom qu'elle a gardé jusqu'à aujourd'hui. Louis XIV édicta les statuts de l'Académie, qui seront modifiés plusieurs fois par la suite. La langue des poèmes soumis à concours devint le français.

XVIIIe siècle

Par lettres patentes du mois de mai 1725, le nombre des mainteneurs est porté de trente-six à quarante. De nouvelles lettres patentes datées du 28 septembre 1743 permettent la délivrance de lettres de maîtrise aux religieux qui obtiennent trois prix lors des quatre concours annuels. Cette organisation est en partie remaniée par un édit de 1773. Le 21 juin 1777, Monsieur, frère du roi Louis XVI et futur roi Louis XVIII, assiste à une séance de l'Académie et entend la lecture de trois odes de Géraud Valet de Réganhac, maître ès jeux depuis 1759. Peu après, la période révolutionnaire entraîna la dispersion des membres de l'Académie et la suspension de ses activités.

XIXe siècle

Rétablie officiellement en 1806, l'Académie des Jeux floraux continua tout au long du xixe siècle à être régie, malgré quelques changements mineurs à son règlement, par les statuts de 1694.
Depuis 1894, elle se réunit à l'hôtel d'Assézat, où se trouve la fameuse statue de Clémence Isaure, et elle continue d'attribuer des prix littéraires. Chaque 3 mai, dans la salle des illustres du Capitole, on fait l'éloge de l'inspiratrice et bienfaitrice des poètes. Le même jour a lieu dans la basilique de la Daurade une messe où sont bénies les fleurs du concours avant d'être présentées à la cérémonie de remise de prix.
En 1895, l'occitan est rétabli dans les concours, au côté du français.
En 1859, elle inspira l'instauration de nouveaux Jeux floraux à Barcelone puis à Valence.
Jeux floraux de 1819.Ces jeux, organisés à Toulouse, mettaient en compétition des poètes et des musiciens sous l'égide de la nymphe Flore. En 1819, l'un des lauréats fut Victor Hugo, alors âgé de dix-sept ans. Ce jeton peut donc être de cette émission, étant sans poinçon.

XXe siècle

Lors de sa visite à Toulouse, le 5 novembre 1940, le maréchal Pétain est intronisé « protecteur » de l’académie des Jeux Floraux et se voit remettre le bouton d’or par Jules Rozès de Brousse. Plusieurs hauts fonctionnaires du régime de Vichy font partie entre 1940 et 1944 de ses membres : Jean-Marie Charles Abrial comme mainteneur et Joseph Barthélémy, Charles Maurras et Pierre Lespinasse comme maîtres-es-jeux. Après la chute du régime de Vichy, Camille Soula propose la dissolution de l’académie4. En février 1942, le Secours national reçoit un don de l’académie5.

Mainteneurs et maîtres ès jeux[modifier | modifier le code]
Voir la liste des mainteneurs depuis 1694.
Les mainteneurs de l'Académie sont choisis exclusivement parmi des personnes domiciliées à Toulouse ou dans ses environs immédiats. La première femme mainteneur, Lise Enjalbert, n'a été élue qu'en 2005.

Les maîtres ès jeux, dont le lieu de résidence est libre et le nombre n'est pas limité, peuvent être aussi bien des femmes ou des hommes. On compte parmi eux Ronsard, Marmontel, Chateaubriand, Voltaire, Fabre d'Églantine, Alfred de Vigny, Victor Hugo, Firmin Boissin, Frédéric Mistral, Just François Raynouard, Henry de Rochegude, Carmen Sylva, Stéphen Liégeard, l'Abbé Salvat, le chanoine Nègre, Marie Noël.

Les fleurs

Fleurs d'argent
La Violette : couronne depuis 1324 aux poèmes, épîtres et discours en vers.
L'Églantine : instaurée en 1349, supprimée en 1806, restaurée en 1886, elle récompense les sonnets.
Le Souci : couronne depuis 1356 les églogues, idylles, élégies, ballades.
L 'Œillet : créé en 1607 pour les petits genres et comme prix d'encouragement.
L'Amarante : depuis 1694.
Le Lys : récompense depuis 1739 les hymnes à la Vierge.
La Primevère : fondée en 1846 par le président Boyer 1754-1853, pair de France et président à la Cour de cassation, elle couronne les fables et apologues.
L'Immortelle : créée en 1872 par le Conseil général de la Haute-Garonne grâce à une allocation annuelle, elle devait couronner un sujet d'histoire locale. Elle ne fut accordée qu'à quatre reprises jusqu'en 1900. Elle disparut pendant les guerres, mais elle fut rétablie en 1958, et devait récompenser la poésie française moderne. Cette fleur a été accordée régulièrement presque tous les ans, mais du fait de non-versement de la subvention elle n'a plus été décernée depuis 1987.
Le Narcisse : créé par le conseil municipal en 1959, et remis pour la première fois en 1960. Cette fleur est réservée à la langue d'oc.
La Rose d'argent : depuis 2004
Fleur de vermeil
Le Laurier de vermeil : fondé en 1922, peu avant sa mort, par Stephen Liégeard (1830-1925), le Sous-Préfet aux champs d'Alphonse Daudet, devenu maître ès jeux en 1866, le laurier est destiné à la meilleure pièce du concours annuel. Le laurier peut ne pas être accordé, si le niveau du concours est estimé trop bas ; c'est arrivé à quelques reprises.
Fleur en or
Le Liseron d'or : attribué pour la première fois en 1989 à Mme Pierre de Gorsse en mémoire de son mari, Pierre de Gorsse, ancien secrétaire perpétuel. Cette fleur nouvelle, qui résulte des dispositions testamentaires d'une lauréate de l'académie, doit couronner un grand écrivain dont l'œuvre aura enrichi son temps et glorifié la langue française. Elle peut être remise, à titre posthume, à la famille d'un écrivain défunt.
Prix spéciaux
Le Violier d'or : destinée à la demande du baron Guy Desazars de Montgailhard, mainteneur, à couronner le meilleur poème en langue d'oc, cette fleur devait commémorer celle décernée en 1324 qui, selon certains, n'était en fait pas une violette prix du 600e anniversaire de l'académie.
Le Muguet d'argent : offert grâce à une dotation spéciale du comte Bégouen, préhistorien, correspondant de l'Institut, mainteneur (prix du 600e anniversaire de l'académie.
Le Lys d'or : accordé deux fois seulement, en 1776 et 1819 Victor Hugo. Il n'avait été instauré que pour deux circonstances exceptionnelles, et n'a plus été attribué depuis.
La Violette d'or : créée en 1880 par le capitaine de Roquemaurel, elle n'a été accordée qu'en quatre occasions, trois fois à la fin du xixe siècle, et l'autre en 1916. Cette fleur d'or doit, tous les trois ans, couronner un poème sur sujet imposé, d'où la difficulté de son obtention.
L'Églantine d'or : instituée en 1874, elle n'a jamais été attribuée.
L'Amarante d'or : remontant à Louis XIV, dont les lettres patentes de 1694 la réservent aux odes, elle a été décernée au total 123 fois, pour la dernière fois en 1911 à Raymond Lizop.
Le Jasmin d'or : fondé en 1879 par Adélaïde-Louise d'Eckmühl de Blocqueville, maître ès jeux, sous la dénomination prix d'Eckmühl, il était destiné à couronner le meilleur discours en prose, mais n'était attribuable que tous les trois ans. Il n'a été décerné que trois fois, avant 1900.

Au moyen-âge

La poésie lyrique

À la fois parole, musique et jeu, le lyrisme médiéval, tel que le transmettent les manuscrits, reste difficile à lire et à interpréter. Vestiges pour ainsi dire archéologiques, les écrits, même lorsqu'ils comportent une notation musicale, ne livrent plus le secret de leur vie poétique. Le lecteur moderne peut néanmoins s'affranchir de quelques idées fausses, et d'abord des illusions romantiques sur l'inspiration et la création. Composition plus objective que subjective, le poème remplit une fonction sociale précise et soumet l'expression du sentiment aux exigences d'une doctrine morale.
S'il faut chercher une structure fondamentale, la constante sociologique, on peut caractériser le lyrisme par l'attitude de l'éloge, à quoi s'oppose celle du dénigrement, qui définit la satire. Mouvement positif d'adhésion, d'approbation, de participation, le lyrisme tend à l'extase, tandis que la satire, faite de refus, de critique, de libération, se fonde sur l'émotion du rire. Par le lyrisme, l'homme s'intègre à la communauté et au monde naturel qui l'entourent. Chargée d'idéaliser, d'embellir, d'exalter ou simplement de flatter, la poésie joue alors un rôle essentiel quand il s'agit d'invoquer Dieu, la nature, la société, la femme. Mais, pour situer le lyrisme plus exactement dans le contexte historique de la littérature médiévale, c'est à l'épopée qu'on le comparera. Différence thématique : la vision épique implique la guerre et voue le héros à la mort glorieuse, la vision lyrique s'inspire du désir et invite à l'amour. Différence de discours : l'épopée raconte, submergeant par la progression du récit les stances d'évocation, le lyrisme fixe l'aventure et la description par l'analyse, l'incantation et la chaîne de ses répétitions. Et, pourtant, il y a parenté de style, car dans les deux cas l'écriture se fait hyperbole pour grandir le geste ou sublimer le sentiment.

Styles, jeux et danses

La tradition du lyrisme médiéval s'explique-t-elle par la théorie des styles ? En se référant explicitement au style tragique pour définir la chanson d'amour, Dante rappelle les principes reconnus par les écrivains du Moyen Âge. Formés par la grammaire et la rhétorique latines, ils avaient une idée hiérarchique de leur art, conforme à l'image même qu'ils se faisaient de la société. Les trois styles gravis, humilis et mediocris avaient pour personnages types le chevalier (miles dominans), le berger pastor otiosus et le laboureur agricola. Dans la mesure où les poètes avaient reçu une formation savante, c'est-à-dire cléricale, ils devaient avoir tendance à transposer ces critères de leur langue de culture dans leur langue vulgaire. Nous connaissons, de fait, une abondante littérature en langue latine qui, de Fortunat VIe siècle à l'école de Chartres XIIe siècle, a cultivé un lyrisme sérieux, tant profane que religieux. Nous savons, d'autre part, que certains clercs, se détachant des normes et de la vie d'Église, menaient une vie libre, errante vagantes et dissolue goliards, rimant en latin des poèmes satiriques. Lettrés et jongleurs étaient souvent en contact étroit, sinon toujours formés par la même culture latine. En tout cas, l'influence de celle-ci fut favorisée par l'Église chants religieux, versus, séquences, hymnes.
Il est toutefois évident que le lyrisme médiéval utilise les ressources de plusieurs styles à la fois. Ainsi, la pastourelle, qui semble se rattacher au style humilis, ne dérive pas seulement du genre des Bucoliques, car elle met en présence et en dialogue la bergère et le chevalier, contre les villanescas et les serrallinas hispaniques. Ce mélange des styles nous empêche d'articuler simplement les genres poétiques sur les différentes catégories sociales. Des chansons de toile, d'allure archaïque, mettent en scène une femme qui rêve d'amour, à son ouvrage, et parfois se révolte assez vivement contre la surveillance maternelle ou la tyrannie du mari. À quel style attribuer cette simplicité, cette sentimentalité, ces refrains naïfs et pittoresques de Belle Aiglentine, Belle Doete, Belle Yolande ou Belle Aeliz, qui attendent leur prince charmant ? Il semble que la grammaire et la rhétorique ont surtout servi à nourrir les genres lyriques, leur fournissant ornements, figures, topoi, personnages, décors conventionnels, toutes les ressources du métier, mester de clerecia qui a enrichi le mester de joglaria. Mais c'est sur d'autres bases que s'est constitué le système des genres lyriques.
On songe alors aux conditions de la distraction, du jeu et de la célébration qui justifiaient le recours au poème lyrique. Les chansons de femme suggèrent l'ennui de l'existence dans un château féodal. L'aubade ou l'aube sert à réveiller les amants. D'autres thèmes de chansons impliquent un jeu collectif. C'est le cas pour la pastourelle, qui comporte un dialogue dramatique. Les reverdies, chantant le renouveau de la nature, font penser aux fêtes de mai, où l'on célèbre la joie, le désir, l'amour. Ainsi, les thèmes orientent notre interprétation. Cependant, la forme même, quand à la construction des strophes se mêle la répétition du refrain, indique une collaboration entre le soliste et le public, donc une manifestation sociale. D'autres formes métriques, éclairées par les structures musicales, s'expliquent en fonction de la danse qu'elles accompagnaient ; ainsi, les estampies, morceaux pour instruments auxquels on a ajouté des paroles, mais aussi ballades, virelais, rondeaux, dont les formes, au moins à l'origine, ont dû répondre à quelque type de danse.
Il faudrait, en confrontant les structures musicales, les formes strophiques et métriques, les thèmes, les styles, qui s'associent diversement, essayer de reconstituer tout le système du lyrisme européen. On pourrait ainsi distinguer les constantes sociologiques des variations dues aux différents milieux historiques. On pourrait aussi distinguer ce qui est vraiment filiation, développement continu d'un genre, par exemple, à partir du lyrisme latin, avec adaptation de la prosodie latine à la nature spécifique de chaque langue vulgaire, de ce qui est plutôt imitation, transposition discontinue de formes, de thèmes antiques ou exotiques, par exemple à partir du zadjal arabe. À cette époque, comme de nos jours, la poésie s'est développée par l'imitation et la réplique. Toute une activité lyrique a d'ailleurs consisté en débats, en jeux-partis, à l'occasion de rencontres entre poètes. Ceux-ci étaient souvent bilingues, et c'est ainsi que d'Andalousie jusqu'en Allemagne, de Sicile jusqu'en Angleterre, les airs, les idées, les images ont pu cheminer, par petites étapes, à travers l'Europe. Cheminement dont on ne connaît que quelques repères dans les siècles les plus anciens, tels les refrains romans des muwashshaḥs arabes au début du XIe siècle. Au contraire, à partir du XIIe siècle, on suit assez bien la diffusion du lyrisme qui domine tout le Moyen Âge, celui des troubadours.

Les troubadours

La poésie des troubadours est un bel exemple de réussite à la fois esthétique et idéologique. Leur art musical, qui semble avoir exploité les ressources du chant grégorien, parfois revigoré par des rythmes et des airs plus exotiques arabes, notamment, n'est pas compris, de nos jours, de la même façon par tous les musicologues. Mais il atteste un travail savant. Savante aussi leur versification, qui répand l'usage de la rime, associée au syllabisme, et le découpage du poème en strophes. La chanson d'amour devient le genre le plus distingué, avec cinq ou six strophes divisées en trois parties, et une tornada finale. Le langage lui-même fait l'objet d'une recherche qui aboutit le plus souvent à un hermétisme calculé : c'est le trobar clus. Le sens se dévoile à partir de quelques termes clés, mais avec des écarts qu'il est difficile d'apprécier, d'autant plus que, transposés dans les autres langues, ils ont pu exprimer des idées toutes différentes.

Une discipline de l'amour

La doctrine, telle qu'on essaie de la reconstituer, est essentiellement consacrée à l'amour. S'agit-il d'un érotisme sensuel ou spirituel ? L'expression la plus importante est celle de fin'amors. Elle s'oppose à fals'amors. Opposition du pur à l'impur, de l'authentique au fabriqué, mais aussi de ce qui est distingué et raffiné à ce qui est commun et vulgaire. Cette supériorité est interprétée différemment selon les poètes. Pour Marcabru, elle est sagesse. Pour d'autres, elle est douleur. Elle est surtout liée à un sentiment de noblesse choisie et conquise. Car c'est le souci de mérite pretz et valor qui anime l'amant. Transposition de la vertu guerrière de la proeza, avec pour souci de contrôler la vigueur de la jeunesse jovens par la maîtrise de soi mezura.
Cette discipline fait de l'amour une expérience et une aventure à la fois psychiques et physiques. Ainsi, l'épreuve assag de la chasteté temporaire en présence de la dame nue n'est pas une marque d'ascétisme religieux ! C'est un raffinement du désir et du sentiment. L'amour des troubadours ne doit pas être confondu avec l'amour chrétien caritas. Toutefois, il traduit un changement important dans la définition du couple. Le chevalier féodal, possessif et violent, y prend une attitude humble et soumise devant la dame. Ce renversement des rôles, dans une certaine mesure pathologique, n'a pu s'imposer que pour des raisons sociales. La mythologie de la dame hautaine et inaccessible, vécue avec intensité par les poètes de condition modeste, s'est répandue partout où la vie de cour s'est développée, peut-être parce que cette structure sociale impliquait une sévère répression de l'orgueil et de la violence guerrière. On sait que la religion elle-même, d'abord dominée par la figure du Père terrible, va voir se développer celle de la Mère, de la Vierge-Mère, confirmant la profondeur de la mutation mentale, dont la poésie des troubadours aura porté le signe avant-coureur.

Poètes-musiciens des pays d'oc

Derrière les grands thèmes de cette doctrine, on apprend à mieux connaître la pensée et le talent de chaque poète. Le premier des troubadours de langue d'oc fut un très grand seigneur, Guillaume IX, duc d'Aquitaine et comte de Poitiers 1071-1127. Héros d'épopée, mais qui profite d'une croisade pour envahir les terres du comte de Toulouse. Sa vie privée a fait scandale : amateur de femmes, il est excommunié pour avoir répudié son épouse légitime. On comprend que certains poèmes de Guillaume soient fortement teintés de libertinage, voire d'une franche sensualité. D'autres vouent déjà à la dame cette passion idolâtre qui caractérise l'amour dit courtois. On a parlé de conversion, de contradiction. Mais c'est la complexité de l'amour humain qui alors s'exprime à la faveur d'une liberté nouvelle. La hardiesse un peu incohérente de ces manifestes poétiques et érotiques s'explique par l'absence de codification. Les vieilles conventions féodales sont déjà rejetées ; les nouvelles conventions courtoises ne se sont pas encore imposées.
Dans ces pays où s'épanouit la civilisation la plus raffinée, en Limousin, en Languedoc, en Provence, en Catalogne, dans ces villes où la vie spirituelle a élaboré la religion cathare, autour de ces seigneurs plus pressés de jouir de la vie que de faire la guerre, l'art poétique varie selon les tempéraments et les circonstances, mais il se présente presque toujours comme une ambitieuse alchimie. Le poète cherche dans l'amour le secret d'une métamorphose qu'il croit nécessaire à l'homme. Réfléchissant sur le paradoxe du désir, cette souffrance agréable, il suggère les lois de la transmutation de la douleur en bonheur, du mal en bien.
Marcabru, de 1130 à 1140, formule dans un langage savant, tourmenté, le malaise d'un pessimiste devant l'immoralité de ses contemporains. Sa violence et son obscurité portent la marque d'une crise d'adaptation entre l'individu, il était sans doute de condition modeste et la haute société. À la même époque, Cercamon œuvres de 1135 à 1145 élabore avec plus de sérénité les thèmes qui vont caractériser la chanson d'amour : éloge de la Dame, soumission et timidité de l'amant, lutte contre les médisants lauzengador. Jaufré Rudel 1130-1170 pousse le raffinement du désir jusqu'à la rêverie de l'amour lointain et impossible. Bernard de Ventadour 1145-1180, fils de serviteur, a voulu surmonter par son mérite poétique la distance sociale qui le séparait d'une grande dame dont il était amoureux, Aliénor d'Aquitaine. Avec Arnaut Daniel 1180-1210, le travail du style poétique aboutit à des prouesses techniques, combinaison arithmétique des rimes valorisées par cette exigence de perfection qui fait de l'art la quintessence de la vie. Vers cette époque, on compte une quarantaine de troubadours assurant un magnifique rayonnement au lyrisme. Mais son ésotérisme, ses audaces, sa liberté spirituelle ne pouvaient que renforcer la méfiance du pouvoir politique et religieux dans la France du Nord. Le déclin de cette poésie coïncide avec la croisade contre les Albigeois qui, sous prétexte de détruire l'hérésie cathare, soumet les pays d'oc à une répression très sévère. Mais l'extraordinaire recherche poétique et la rêverie utopique qui l'inspira continuent à fasciner et à stimuler, ailleurs, l'imagination des poètes lyriques.
L'Espagne, dont le lyrisme connaît des genres lyriques analogues aux genres français chansons de mai, chansons campagnardes et qui naturellement se trouve en contact étroit avec la poésie arabe, a surtout subi l'influence des troubadours dans ses chansons d'amour cantigas de amor. En Sicile, à la cour de Frédéric II où se développe une intense activité culturelle, des lettrés imitent, vers 1230-1240, les thèmes amoureux et les images des troubadours, adaptant le vocabulaire d'emprunt à leur langage, sans d'ailleurs exactement le traduire, et se retournent vers la poésie latine pour élaborer un style plus scolastique. De là repartent, vers l'Allemagne, les Minnesänger souabes, également sensibles à la courtoisie française.

Les trouvères

La poésie courtisane

Ce sont surtout les poètes français en effet qui, au contact des troubadours, ont exploité méthodiquement les ressources techniques et idéologiques de la poésie occitane. La diffusion de ce lyrisme suit naturellement les axes de la civilisation de cour. Il apporte les cadres de pensée, les rites, le goût qui conviennent à ce type de vie sociale qui s'établit à Blois, en Champagne, autour des filles d'Aliénor d'Aquitaine. La force d'amour, dont les Méridionaux avaient fait le principe de leur révolution, est interprétée d'une manière plus conforme à la philosophie mystique. L'érotisme y semble, pour cette raison, plus platonique. Mais surtout la pression sociale se fait plus nettement sentir à l'égard des manifestations sexuelles : le désir est plus nettement sublimé. Néanmoins, l'ensemble de cette production poétique ne se confond pas avec une inspiration chrétienne qu'elle enrichit plutôt, et même menace, de certaines spéculations proches de l'hérésie. En tout cas, l'esprit mondain de ces poètes répond à la sensibilité, aux aspirations de la société aristocratique, en des termes fort différents de ceux de la théologie officielle. Cette mentalité courtoise se caractérise par un effort conscient et concerté pour dépasser la spontanéité du plaisir et la fatalité du malheur. D'où l'opposition au mythe de Tristan et Yseut, expressif de la vieille sentimentalité féodale. D'où aussi une grande réserve à l'égard de la sensualité, dont la poésie des troubadours n'était pas exempte.
L'initiateur de ce nouveau lyrisme semble avoir été Chrétien de Troyes 1135 env.-1183 env., qui compose à la cour de Marie de Champagne vers 1170. Il a bien montré comment le lyrisme du fin'amors se greffe sur l'autre tradition, qu'on peut appeler celtique :

Ains del beverage ne bui
Dont Tristans fut enpoisonez,
Car plus me fait amer que lui
Fins cuers et bone volontez.

Jamais ne n'ai bu le breuvage dont Tristan fut empoisonné, car, plus que le sien, mon amour est inspiré par un cœur pur et une volonté saine.
Dans le même milieu social, Gace Brûlé fin XIIe-début XIIIe s. transpose la plupart des thèmes mis à la mode par les troubadours. Il est le type même du pensif introverti et douloureux, inattentif au monde extérieur, dont le décor reste vague, tandis que les personnages des losengiers semblent assez caricaturaux. On retrouve, transformée en inquiétude, en nostalgie douloureuse, en torture d'amant martyr, la tristesse sentimentale des premières chansons françaises :

À minuit une douleur m'éveille
Qui m'ôte le lendemain l'envie de jouer et de rire.
Elle m'a dit, à juste titre, dans l'oreille
Que j'aime une femme qui me fait mourir en grand martyre.

Après la Champagne, ce sont l'Artois et la Picardie qui ont connu les premiers grands trouvères. Parmi ceux-ci, Conon de Béthune 1150 env.-1220 env., grand seigneur qui s'est illustré à la troisième et à la quatrième croisade. Il a composé des chansons de croisade, s'est opposé dans des débats au troubadour Bertrand de Born (1140 env.-1215 env.), mais semble avoir été initié par Huon d'Oisy † 1189 aux goûts de la cour de Champagne, où l'on raille cependant son langage et ses chansons. Autre Picard, Blondel de Nesle a composé avec finesse et harmonie sur les thèmes courtois. Quant au châtelain de Coucy, qui mourut au cours de la quatrième croisade, il a pu mériter par son talent la légende qui fait de lui l'amant tragique dont la maîtresse, la Dame du Fayel, se vit servir le cœur par un mari jaloux. Tous ces trouvères sont, on le voit, d'assez grands personnages. Ils joignent au talent d'écrivain celui de musicien. Ainsi, le lyrisme courtois reste un art complexe et expressif : il résume l'idéal spirituel de l'aristocratie française la plus évoluée.
Au XIIIe siècle, on constate une extension considérable du nombre des trouvères. Les chansonniers collectifs ont conservé, avec maintes œuvres anonymes, près de deux cents noms de poètes. Parmi les personnalités les plus importantes, mentionnons Thibaud IV de Champagne 1201-1253. Instable il changeait facilement d'avis et de parti, il a mis toute sa constance dans ses goûts poétiques. Comme Guillaume IX, il doit à sa haute condition une certaine aisance, assez d'humour dans le développement des thèmes amoureux, où l'on cherche en vain cette amertume et cette jalousie qui affectent parfois les trouvères de plus humble origine. Sa désinvolture donne déjà à son style une certaine préciosité : l'expérience amoureuse comporte pour lui une part de jeu. Il y a là une légèreté qui distingue le lyrisme français du lyrisme italien.
L'originalité du dolce stil novo, qui se développe entre Bologne et Florence de 1270 à 1310, tient d'abord à ses ambitions philosophiques et religieuses. Entre les troubadours et Gunizelli ou Cavalcanti, Guittone d'Arezzo a marqué de son spiritualisme moralisant le goût poétique. Le mouvement lyrique figure la conversion d'une âme qui s'élève au-dessus des plaisirs sensuels ou s'exile loin de la gente noiosa e villana. Le mérite de ce mysticisme est de récupérer les plus belles spéculations de la théologie tout en répondant aux aspirations du public cultivé. L'originalité tient aussi à la forme le sonnet, déjà pratiqué par les Siciliens et au style qui vise à la douceur et à la délicatesse. Là où les troubadours suggéraient un secret, les poètes italiens désignent l'ineffable.
La poésie française évolue selon d'autres principes. L'inspiration religieuse reste circonscrite à quelques poèmes, sauf chez Gautier de Coincy 1177 env.-1236, poète et musicien d'église. L'inspiration courtoise est perturbée par le talent personnel de ménestrels professionnels, musiciens itinérants, qui changent assez souvent de protecteurs. Ces trouvères ont quelque difficulté à rester dans les conventions de la fin'amour, et surtout à faire oublier leur propre condition. Ainsi Colin Muset XIIIe siècle, d'origine champenoise, cherche à divertir les seigneurs en chantant ses malheurs avec humour, ou en évoquant ses amourettes. La fantaisie dont il fait preuve, aussi bien dans l'adaptation des thèmes traditionnels que dans la construction des strophes, agrémente beaucoup sa poésie gaie, rêveuse, spontanée.

La poésie bourgeoise

Plus que la cour, c'est la ville qui favorise l'essor d'une poésie distincte de la tradition courtoise. Rutebeuf, † 1285, qui fit carrière à Paris, joue dans ses poèmes un personnage non conformiste, parlant avec entrain de son mariage, de sa pauvreté, de ses amitiés et surtout de ses rancœurs. La médiation du moi, le rôle assumé d'amuseur et de pitre entraînent vers une sorte de comédie poétique. Si tradition il y a, c'est celle des jongleurs, de ces amuseurs de tréteaux, fondée sur la verve, la fantaisie verbale. La distinction entre la satire et le lyrisme cesse d'être respectée. Rutebeuf donne un tour pathétique aux arguments de la critique sociale, confondant son destin personnel et sa vocation de moraliste. Tout en jouant la comédie du pauvre bougre, il s'interroge sur la valeur de son existence et sur celle de tous les hommes trop pauvres pour se mettre à l'abri du sort. Poésie bourgeoise, si l'on veut, mais dont le talent et la doctrine s'identifient malaisément avec la classe des marchands, et font plutôt penser au monde universitaire.
Ce sont bien des associations bourgeoises qui ont, cependant, favorisé, dans les villes du Nord, et en particulier à Arras, l'activité poétique. De Jean Bodel à Adam de la Halle, le monde des jongleurs arrageois se distingue en effet par sa cohésion, sa productivité, ses rapports avec la société locale. Quelle que soit la protection dont ils ont pu bénéficier de la part des patriciens, ils font preuve d'une assez grande indépendance d'esprit ; au reste, le thème lyrique par excellence est celui du congé, où nous retrouvons l'esquisse de l'exil. Comptant plus sur la parole que sur la musique, ils distillent une sorte de rhétorique agréable mais peu profonde, suivant de loin les apparences de la poésie d'oc, et visant surtout à un plaisir formel dont le mérite est parfois sanctionné par un prix, aux concours du puy académie. Ainsi, Arras connaît, entre 1240 et 1270, à l'époque de Jean Bretel, qui était lui-même un bourgeois, une abondante production poétique.

Poésie et musique

C'est toutefois un grand musicien, Adam de la Halle, qui fait la synthèse de tout l'héritage et oriente le lyrisme vers les genres qui s'imposeront à partir de 1280, notamment le rondeau, tout en adaptant au théâtre les genres du congé et de la pastourelle. Il transforme les habitudes des trouvères, qui pratiquaient un art mêlant mélodie, discussion scolastique et analyse du sentiment. Introduisant la polyphonie des motets dans les rondeaux et les ballades, il soumet plus étroitement la parole à l'architecture sonore. Tout un secteur de la poésie lyrique, et cela jusqu'à Guillaume de Machaut, se définit désormais selon les principes de cet art symphonique. Parallèlement, le discours poétique se développe librement dans des genres comme le congé, la parole se moulant sur la pensée personnelle, sur le message.
Aux XIVe et XVe siècles se renforce le rôle des cours princières dans la vie littéraire et artistique, sans que cela signifie la consolidation des doctrines courtoises par ces structures sociales. Néanmoins, le lyrisme, plus encore que les autres genres littéraires, est influencé par la vie culturelle que contrôle l'aristocratie. Un certain ton européen caractérise ainsi les grands chansonniers collectifs, qui juxtaposent les œuvres venues de différents pays.
En France, c'est encore un musicien, Guillaume de Machaut, qui, rassemblant dans son œuvre exemplaire toutes les formes de création poétique, codifie les genres et rajuste la doctrine. Le nouveau système lyrique qu'il transmet à ses successeurs est déterminé par l'évolution de la musique polyphonique ars nova. Le langage poétique semble subir une contrainte plus rigoureuse de la structure musicale, le texte étant soit écartelé, pour servir à une mélodie ornée qui se déploie sur chaque syllabe, soit écrasé par la superposition des voix qui chantent des paroles différentes. La lecture et l'intelligence immédiates d'une œuvre ainsi présentée sont à la rigueur impossibles. Cette conception de l'art, ordonnée simplement vers la perfection, ne fait aucune concession au grand public.
Autre conséquence de cette évolution de l'art musical : l'écart grandit entre les genres faits pour être dits et ceux destinés à être chantés. Dualité qui apparaît dans l'œuvre même du poète ; elle se répartit entre les dits, sorte de discours poétiques rimés mécaniquement, et les petits poèmes à forme fixe, rondeaux, virelais, ballades. Complaintes et lais assurent la transition, mais tendent à reporter sur la virtuosité du vers et les recherches métriques le travail proprement artistique.
Quant aux idées, leur présentation n'est plus essentiellement cet assemblage de thèmes, de motifs et de topoi par lequel les trouvères visaient moins à l'originalité de leurs propositions qu'à une sorte de plaisir formel. Les poèmes de Machaut sont davantage orientés vers les problèmes et les événements de son milieu social. Et son discours poétique doit confronter l'héritage courtois avec l'enrichissement humaniste : les exemples de l'Antiquité, mieux connus, se mêlent plus souvent aux clichés chrétiens ou courtois. La mythologie tend à devenir une substance poétique, la poétrie.
Finalement, la fonction du lyrisme est déterminée par les rapports des poètes avec les princes qui les protègent et qu'ils doivent instruire et consoler. Dans la mesure où cette tâche philosophique l'emporte sur la fonction traditionnelle de louange, le lyrisme tend à se confondre avec le didactisme. Mais c'est l'intervention du poète, de sa personnalité, de son moi, qui caractérise désormais le lyrisme proprement dit. Déjà, dans le Voir Dit, Machaut propose un commentaire autobiographique de certaines de ses plus belles œuvres, faisant sortir de l'anonymat ou de l'ambiguïté comique celui qui jusqu'alors, jongleur, trouvère ou ménestrel, devait surtout chanter les amours des autres.

Chroniques, satires et ballades

Encore musical chez Machaut, le lyrisme devient romanesque avec Froissart, le chroniqueur, qui rima des dits et de courts poèmes pour les cours d'Angleterre et du nord de la France. Le plus souvent, la convention courtoise l'amène à présenter l'amour de très jeunes gens, qu'il fait s'exprimer avec une grâce un peu mignarde. Cependant, il demande aux personnages des pastourelles de se faire l'écho des grands événements politiques.
Tandis que les chevaliers de la cour de Charles VI riment volontiers des ballades pour correspondre, échanger des idées sur l'amour ou se plaindre de leurs malheurs, Eustache Deschamps 1346 env.-1407 env. est plus tenté par la satire. La critique, chez ce petit officier de la cour royale, l'emporte en effet sur l'éloge. La leçon de morale se pare des prestiges de la fable, de la personnification, de l'allégorie. Mais, en définissant la poésie comme une musique naturelle, qu'il distingue de la musique artificielle ou instrumentale, Deschamps nous fait prendre conscience du changement qui affecte définitivement la poésie lyrique : séparée de la mélodie, elle repose entièrement sur l'art du langage.
Chez Christine de Pizan 1363-env. 1431 cet art est encore compris comme le travail de la forme strophique. La poétesse fait étalage de virtuosité en diversifiant ses figures de rimes. Cependant, elle a renoué avec la tradition purement sentimentale des chansons de toile en pleurant la mort de son mari qui l'a laissée seulete dans la dure société des hommes. Enfin, cette femme philosophe cherche à faire bénéficier ses vers de sa sapience, qui laisse prévoir, dès le début du XVe siècle, la poésie humaniste.
L'humanisme commence alors son cheminement depuis l'Italie, par Avignon. Pétrarque 1304-1374 a d'abord eu plus d'influence en France par ses écrits savants que par ses Rimes. Les nuances de sa spiritualité raffinée, chimérique, mélancolique, son platonisme même sont surtout imités par l'Espagne, notamment par Alfonso Álvarez de Villasandino et le marquis de Santillana. La France semble plus éprise d'éloquence, de raison, de philosophie morale : à la dure école de la guerre de Cent Ans, elle apprend, alors, à juger l'histoire.
Alain Chartier 1385-env. 1430, orateur et conseiller de Charles VII vers 1420-1430, l'oriente vers la rhétorique. Ceux qui l'admirent le plus, notaires et juristes de Tournai ou de Bourgogne, rédigent des arts de seconde rhétorique pour inventorier les ressources poétiques du langage. Les grands rhétoriqueurs exploiteront ces ressources avec une ingéniosité remarquable. Aboutissement logique du pur formalisme, mais aussi impasse. Alain Chartier est aussi célèbre pour avoir poussé jusqu'à l'absurde les théories de l'amour courtois en créant l'inquiétante figure de la Belle Dame sans merci : mythe de la beauté froide qui fascine la conscience coupable de ses contemporains. Enfin et surtout, Chartier élabore un style poétique qui adapte les ressources stylistiques de la grande allégorie didactique (le Roman de la Rose et l'œuvre de Dante à la brevitas du rondeau et de la ballade.
Il appartenait à un prince, à Charles, duc d'Orléans 1394-1465, d'écrire dans ce style allégorique les derniers chefs-d'œuvre de la tradition lyrique inaugurée par le duc d'Aquitaine. De son exil en Angleterre, il a rapporté un chansonnier composé un peu comme celui de Pétrarque : les ballades et les chansons qui se succèdent constituent moins l'histoire d'un amour que celle de tout amour. Après la mort de l'aimée, un poème allégorique de réflexion sur le temps justifie le renoncement à l'amour. Dans de nombreux poèmes, la métaphore, cultivée avec mesure, se développe logiquement, reprenant les images de la vie quotidienne pour figurer le monde des sentiments. Ainsi, le monde extérieur devient la représentation du monde intérieur, et l'ordre des choses naturelles ou des lois sociales permet de comprendre les mouvements de la pensée. Après son retour en France, sa poésie, où parfois se reflète une vie de cour plus joyeuse que riche, et plus raisonnable que joyeuse, se consacre à l'analyse des pensées, souvent mélancoliques, qui s'agitent en lui comme sur un théâtre imaginaire. De nombreux rimeurs de son entourage viennent tenter de l'arracher à sa solitude et reprennent à leur manière les images symboliques sur lesquelles il brode. C'est ainsi que, sur le thème Je meurs de soif auprès de la fontaine, un rimeur parisien, errant comme un jongleur, François Villon, un jour, compose une ballade. Rencontre éphémère, mais qui encourage à chercher dans les œuvres de Villon, de tour apparemment satirique, le sens profond du lyrisme, en l'occurrence la justification de sa conduite, de sa révolte, de ses fautes.
Finalement, on reste frappé, devant ce lyrisme médiéval, si riche en trouvailles artistiques et en recherches purement formelles, par l'appel qui s'y fait toujours entendre : appel de l'homme au jugement, à la justice, à la pitié, à la grâce. C'est le meilleur d'eux-mêmes que les poètes ont mis dans ces chansons, leurs aspirations les plus secrètes et les plus sublimes, bref, toute leur espérance. Daniel Poiron



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Posté le : 01/05/2015 14:25
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Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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