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De 18290 France
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De Radegonde à « Jean le Magnifique duc du Berry »
Prologue Il y a quelques jours, je ne vous ai pas raconté par hasard l’histoire de Radegonde princesse de Thuringe, reine des Francs et sainte de Poitiers, car, l’extraordinaire Hora posthume de cette femme créa un lien de forte admiration de la part d’un autre personnage important de notre Histoire. J’ai nommé, Jean de France, duc du Berry, duc d’Auvergne comte de Poitiers, comte de Montpensier et comte d’Etampes, dit aussi Jean le Magnifique né à Vincennes le 30 novembre 1340, mort à Paris le 15 juin 1416. La dévotion du duc Jean pour Radegonde, amena ce dernier à se comporter vis-à -vis d’elle, malgré plus des 7 siècles qui s’éparent leurs deux vécus, d’une manière envieuse et possessive qui était chez lui une seconde nature. C’est cette histoire que je vais vous conter.
Introduction Après ses funérailles, en présence de Grégoire, qui eurent lieu le 16 août l’an 587, la notoriété mystique posthume de la pieuse Radegonde, fut-elle, que ce fut la ferveur populaire du royaume qui la déclara Sainte et non une canonisation de l’Eglise. Cette notoriété s’étendit sur les territoires du Poitou, du Berry de Touraine, d’Auvergne voire bien au-delà . Cette renommée toucha aussi bien les gens du peuple que les gens de noblesse. La vénération que suscita Radegonde, après sa mort, chez les gens du peuple, fut presque immédiate. En tout cas, il semblerait qu’elle était déjà reconnue dès l’an 600 et qu’elle ne fit que progresser durant les 11ème ,12ème et 13ème siècles. Nous avons les témoignages de cinq guérisons de personnes venant du Berry. Elles et ils venaient de Châteauroux, de Bourg-Dieu (Déols) de la Lande du canton de Saint- Benoît de Sault, de Saint-Ambroix du canton de Chârost. L’une s’appelait la veuve Pasquière, l’autre Pétronille épouse de Geoffroy de Leissac. Les noms des autres ne furent pas mentionnés dans les registres. (1) Dès le 14ème siècle, cette notoriété semble également être établie au sein des familles royales françaises et leurs entourages qui se succédèrent durant le haut Moyen-Âge et le Moyen-Âge central, donc bien avant l’époque de la naissance du duc Jean 1er de Berry en l’an 1340. (2) Cette notoriété attachée à Radegonde, atteindra, semble-t-il, son apothéose avec les rois Charles V, Charles VI et surtout Charles VII qui, en 1428, ira jusqu'à donner le nom de Radegonde à sa fille ainée. (3) Dans les années 1470, la reine Charlotte de Savoie, épouse du roi Louis XI, fit exécuter pour elle personnellement, un « Livre d’Heures » racontant la vie de Sainte Radegonde (4) Ceci étant posé, rentrons dans l’histoire qui nous intéresse !
L’histoire D’abord, il faut rappeler que Jean de France était le troisième fils du roi de France Jehan II dit le Bon et de Bonne du Luxembourg. Il avait reçu de son père, à l’âge de 17 ans l’apanage des terres du Poitou dont-il devint le comte. De par ce titre, se déclencha chez lui, une dévotion particulièrement grande pour Sainte Radegonde alors devenue pour tous, la patronne et la protectrice du Poitou et de sa capitale Poitiers. Cette admiration sans limite et disons très mystique qu'il avait, depuis 55 ans pour cette Sainte reine d'antan, l’amena à penser que la « Sainte Chapelle », merveille des merveilles, de pur style gothique flamboyant, (5) qu’il venait de faire construire à Bourges pour y recevoir sa sépulture, se devait aussi, pour la paix de son âme, absolument être l’écrin idéal à l’intérieur duquel, seraient déposées et protégées des reliques, et même la tête de la Sainte qu’il aimait tant.
A cet effet, il obtient l’autorisation de l’évêque de Poitiers et des sommités religieuses de l’église Sainte-Radegonde, pour que soit ouvert le tombeau de la sainte, et y soient prélevé, disons, quelques « morceaux » de sa dépouille, dont sa tête. Nous sommes le 28 mai 1412 lorsque après une cérémonie incluant une messe, notre duc Jehan alors âgé de 72 ans, le cardinal Simon de Cramaud (6) et tous ces prélats se rendirent dans la crypte où était tombeau de Sainte Radegonde. Tout ce beau monde, de robe et d’épée, en leurs plus beaux habits brodés, était accompagné de maîtres maçons et de leurs « oeuvriers ». (7) Lorsque l’évêque en donna l’ordre, les maîtres maçons demandèrent à leurs oeuvriers de desceller le marbre tombal qui fermait la sépulture. Et à cet instant même, le premier incident arriva ! Sous la percussion de sa massette sur la tête de son ciseau, un des oeuvriers détacha par accident, du monument funéraire, un éclat de marbre qui vint blesser gravement l’un de ses yeux, le faisant sortir de son orbite. (8) On en avait vu d’autres ! On adossa le malheureux blessé râlant, au pied du mur de soutènement de la crypte et on continua la tâche qu’on était venue faire. Après beaucoup d’efforts, la dalle glissa enfin découvrant la dépouille de la Sainte reine Radegonde décédée depuis plus de sept siècles. Et là , oh miracle, une odeur florale de printemps envahit les lieux, et tous ceux de l’assistance purent voir que le corps de la défunte était intact. Son visage, entouré des voiles de sa coiffure, était celui d’un être qui sommeillait paisiblement. Sa couronne brillait de mille éclats. Ses mains étaient jointes sur sa poitrine dans le geste de prière, où on remarqua que deux de ses doigts portaient chacun un anneau d’or. (9) Tous restèrent longtemps en extase devant une telle vision, et quand les esprits revinrent à la réalité et à la raison, le duc Jean bien connu pour son ambition et sa démesure lorsqu’il voulait s’approprier les belles choses, demanda qui lui soit donné les deux anneaux que Sainte Radegonde portait aux doigts, et que lui soit aussi remise la tête de la Sainte qui irait enrichir le somptueux intérieur de la Sainte Chapelle de Bourges. Il formula sa demande d’un ton hautin et sans appel, mêlé de sous-entendus menaçants de sorte que le refus soit impossible. Les prélats de l’église Sainte Radegonde et l’évêque de Poitiers, qui avaient tous bien compris les conséquences d’un éventuel refus que cachaient les paroles du duc Jean, acceptèrent la demande du prince duc. Ce fut là que les choses se compliquèrent encore ! Le premier anneau fut facilement retiré du doigt de Sainte Radegonde, c’était celui qui symbolisait son mariage avec le roi Clotaire. Mais quand on voulut retirer le second, qui était celui qui témoignait de l’engagement de la Sainte avec Dieu, tous virent sa main se dérober à cet acte sacrilège. La stupeur ressaisit l’assemblée, et nul, même pas le duc jean, ne voulu essayer de nouveau d’enlever l’anneau du doigt de Radegonde. (10) On ne se contenterait donc que d’un seul anneau et de sa tête. Mais là encore s’était allé un peu vite en besogne ! Lorsque des mains s’avancèrent pour séparer la tête du corps de Radegonde, une lumière intense envahit la crypte. Tous furent frappés d’un éblouissement si fort, qu’ils ne purent qu’entendre et non voir se refermer seul le tombeau de la Sainte. La peur fut à son comble et tous réalisèrent le châtiment céleste qu’ils encouraient, s’ils persévéraient dans la profanation de ce sanctuaire. (11) Le duc Jean se contenta donc de l’anneau de mariage de Radegonde avec le roi Clotaire, comme seule relique dont le premier miracle fut de guérir, sur place, l’œil mutilé de l’oeuvrier lorsqu’on lui passa sur le visage. Cet anneau, dit-on, fut un temps enchâssé dans un reliquaire et abrité dans la Sainte Chapelle de Bourges scellant définitivement la dévotion des berrichonnes et des Berrichons pour Sainte Radegonde de Poitiers. Johan (JR.).
Notes de Références et Bibliographie succincte :
(1) C.E.R.C.O.R : « Les Religieuses dans le cloître et dans le monde des origines à nos jours » : actes du deuxième colloque international du C.E.R.C.O.R., Poitiers, 29 septembre-2 octobre 1988. Éditeur Université de Saint-Etienne, 1994. 958 pages
(2) DELISLE. (Louis.). : « Recherches sur la librairie de Charles V ».Paris 1907, page 50.
(3) DU FRESNE DE BEAUCOURT. : « Histoire de Charles VII ». Paris 1881-1891. page 187.
(4) AVRIL. (F.). : « Un portrait inédit de la reine Charlotte de Savoie » in « Etudes sur la Bibliothèque Nationale » et « Témoignages réunis en hommage à Thèrèse Kleindienst ». 1985. Pages 255 à 262.
(5) CHAMPEAU. (A.). et GAUCHERY. (P.). : « Les travaux d'architecture et de sculpture de Jean de France, duc de Berry », p. 198-208, in Gazette archéologique : recueil de monuments pour servir à la connaissance et à l'histoire de l'art antique, année 1887.
(6) Simon de Cramaud : Il naquit en 1345 et mourut en 1422. Il fut : - Évêque de Poitiers (1383-), administrateur du diocèse de Béziers (1383), chanoine de Saint-Martin-de-Tours (1391), évêque d'Avignon (1391), patriarche d'Alexandrie et administrateur du diocèse de Carcassonne (1391). - Chancelier du duc de Berry (1387). - - Cardinal (13 avril 1413).
(7) « oeuvriers » : Appellation des hommes qui travaillaient à un ouvrage. Equivaux aujourd’hui à l’appellation d’ouvrier manœuvre.
(8) FLEURY. (Edouard.). : « Histoire de Sainte Radegonde Reine de France et patronne de Poitiers » Editions Oudin. 1843. Pages de 303 à 307.
(9) THIBAUDEAU. (Antoine-René-Hyacinthe Thibaudeau.). : « Abrégé de l'histoire du Poitou contenant tout ce qui s'est passé de remarquable dans cette province de remarquable dans cette province depuis le règne de Clovis jusqu'au commencement de ce siècle par M. Thibaudeau, avocat à Poitiers: ouvrage dédié à M. le Comte d'Artois ». Éditeur Desmonville. 1782. Pages 206 à 210.
(10) AUBER. (Charles-Auguste.). : « L'Anneau de sainte Radegonde et ses reliques à Poitiers ». Éditeur Rousseau-Leroy, 1864 (11) ALBIN. (Jacques.). et DE PLANY. (Collin.). : « Dictionnaire critique des reliques et des images miraculeuses. » Éditeur Guien. 1822.
Posté le : 15/04/2018 13:29
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