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De Montpellier
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Le 8 novembre 1923 Hitler provoque le putsch de la Brasserie à Munich
ou putsch de Munich est une tentative de prise du pouvoir par la force en Bavière menée par Adolf Hitler, dirigeant du Parti national-socialiste des travailleurs allemands NSDAP, dans la soirée du 8 novembre 1923. Elle se déroula principalement à la Bürgerbräukeller, une brasserie de Munich. Y participèrent notamment Hermann Göring, Ernst Röhm, Rudolf Hess, Heinrich Himmler et Julius Streicher. Soutenue par le général Erich Ludendorff, et acceptée dans un premier temps par le triumvirat dirigeant la Bavière composé de Gustav von Kahr, Otto von Lossow et Hans Ritter von Seisser, elle se termina dans la confusion et par un échec total des putschistes. Condamné à cinq ans de détention, Adolf Hitler ne passa finalement que moins de quatorze mois à la prison de Landsberg, mettant son incarcération à profit pour rédiger Mein Kampf. Si l'épisode est en lui-même mineur dans l'histoire de la République de Weimar, il devint l'un des mythes fondateurs du régime nazi, qui organisa sa commémoration annuelle et érigea la Blutfahne au rang de symbole. Il constitua un tournant dans l'histoire et la stratégie du mouvement nazi. Hitler tira en effet toutes les leçons de ce fiasco, renforça son pouvoir sur le parti et tenta de bénéficier du soutien des milieux conservateurs et de l'armée, volonté qui s'illustra notamment par l'organisation de la nuit des Longs Couteau.
Le contexte
Adolf Hitler en tournée de propagande en 1923. Depuis le 29 juillet 1921, Adolf Hitler est le dirigeant incontesté du parti nazi : il n'était alors qu'un agitateur de brasserie : une célébrité locale assurément, mais à peine connue ailleurs. Son parti est doté d'une aile paramilitaire depuis 1920, la section de gymnastique et de sport, créée et commandée par Ernst Röhm, rebaptisée Sturmabteilung SA en octobre 19212. À l'instar de nombreuses autres organisations paramilitaires de droite et de gauche, elle entretient une violence politique endémique dans les premières années de la République de Weimar, notamment illustrée par l'assassinat de Walther Rathenau. Hitler ne dédaigne pas de participer aux actions de sa milice : à la suite d'une rixe destinée à empêcher la tenue d'une réunion du Bayernbund, une ligue séparatiste bavaroise dirigée par Otto Ballerstedt, le 14 septembre 1921, il est condamné en janvier 1922 pour attentat à la liberté de réunion et coups et blessures5, à une peine légère : trois mois de prison dont deux avec sursis, celui-ci étant subordonné à sa bonne conduite future. De 1921 à 1923, Hitler renforce son parti, notamment avec l'arrivée de Julius Streicher, chef d'une importante organisation nationaliste en Franconie, d'Hermann Göring qui prend la direction de la SA en 1922, de Max Erwin von Scheubner-Richter, diplomate qui dispose d'un vaste cercle de relations, et, via Max Amann, d'Ernst Hanfstaengl, issu de la haute bourgeoisie munichoise, qui assure le financement du parti. Les fonds recueillis par ce dernier permettent notamment d'intensifier la propagande nazie via le Völkischer Beobachter. Par l'entremise de Rudolf Hess, Hitler est reçu par Erich Ludendorff en 1921, puis, grâce à Göring, noue des contacts, peu concluants, avec Hans von Seeckt et Otto von Lossow. Début mai, il rencontre également Gustav von Kahr à la demande de celui-ci, sans résultat, les deux interlocuteurs cherchant mutuellement à se neutraliser et à s'utiliser l'un l'autre.
Benito Mussolini lors de la Marche sur Rome.
La marche sur Rome menée par Benito Mussolini le 28 octobre 1922 persuade Hitler qu'il peut accomplir en Allemagne ce que Mussolini a réussi en Italie11. Cette conviction est renforcée par l'élan nationaliste qui suit l'occupation de la Rhénanie et de la Ruhr par les troupes françaises, en raison du retard pris par l'Allemagne pour payer les réparations prévues par le traité de Versailles ; cette occupation suscite une vague d'unité nationale, une politique de résistance passive impulsée par le gouvernement de Wilhelm Cuno, et génère de nombreux affrontements et attentats, comme ceux commis par Albert Leo Schlageter. Craignant que l'attitude du gouvernement et la protestation populaire ne lui coupent l'herbe sous le pied, Hitler rend les criminels de novembre responsables de l'invasion de la Ruhr et interdit à ses partisans de participer à une résistance active menée sous l'égide de l'unité nationale. Cette position déplaît souverainement au gouvernement bavarois et à la Reichswehr. L'occupation de la Ruhr permet toutefois au parti nazi d'augmenter ses effectifs de 35 000 recrues de février à novembre 1923, ce qui porte ses effectifs à 55 000 membres et fait naître les premiers soupçons d'un putsch. La crise économique et l'hyperinflation font elles aussi le lit du parti nazi : en janvier 1923, un dollar vaut 17 972 marks, en août 4 620 455, en septembre 98 860 000, en octobre 25 260 280 000 et en novembre 4 200 milliards. En 1923, le parti nazi est l'élément le plus important du paysage politique bavarois, non en raison de son importance numérique, mais pour sa nature et son potentiel, son rôle de catalyseur et sa capacité à la radicalisation ; il est le parti le plus dynamique, le mieux adapté à une mobilisation populaire19. Le parti nazi n'a toutefois pas encore de moyens à la hauteur de ses ambitions. Sur l'initiative d'Hitler, il tente, avec d'autres organisations nationalistes regroupées au sein de l’Arbeitsgemeinschaft, d'empêcher par la force le défilé des forces de gauche à l'occasion du premier mai à Munich. Cette tentative se solde par un échec : les milices de l’Arbeitsgemeinschaft, encerclées par la police, ne peuvent effectuer aucune action.
La radicalisation en Bavière
Gustav Stresemann en 1925. Afin de rétablir l'ordre, le nouveau gouvernement de la république, conduit par Gustav Stresemann, accepte d'exécuter les obligations imposées à l'Allemagne par le traité de Versailles, ce qui constitue une trahison pour les nationalistes. Dans le but d'éviter un soulèvement, le gouvernement bavarois nomme le 26 septembre 192322 Gustav von Kahr commissaire général, qui forme un triumvirat avec le chef de l'armée bavaroise Otto von Lossow et le chef de la police, Hans Ritter von Seisser : le nouveau pouvoir interdit une série de réunions prévues par le parti nazi le 27 septembre 1923 afin de renverser le gouvernement de Berlin. L'imbroglio entre autorités fédérales et régionales, entre décideurs politiques et militaires est complet : alors que Stresemann demande en vain au président Friedrich Ebert de proclamer l'état d'urgence, la Reichswehr en poste en Bavière sous le commandement de Lossow refuse d'obéir aux ordres du chef de l'armée Hans von Seeckt, et soutient Kahr. Lossow refuse également d'appliquer l'ordre d'interdire le Völkischer Beobachter, l'organe du parti national-socialiste, ce qui fait dire à Seeckt, le 22 octobre 1923, que la démarche du gouvernement bavarois est une ingérence dans le commandement militaire contraire à la Constitution. À Berlin, Seeckt projette de mettre sur pied une dictature légale pour pallier la crise, ce que Stresemann refuse. Il perd l'appui de l'armée et Seeckt lui annonce : Monsieur le chancelier, on ne peut mener la lutte avec vous : vous n'avez pas la confiance des troupes. Les 1e et 2 septembre 1923 à Nuremberg, Adolf Hitler participe, aux côtés de Erich Ludendorff, au Deutscher Tag, durant lequel défilent pendant plus de deux heures 100 000 paramilitaires nationalistes, dont de nombreux membres de la Reichsflagge d'Ernst Röhm ; à la suite de ce rassemblement le NSDAP, le Bund Oberland et la Reichsflagge sont regroupés, sur l'initiative d'Ernst Röhm, au sein du Deutscher Kampfbund Ligue de combat allemande, dont la direction militaire est confiée à Hermann Kriebel, la gestion à Max Erwin von Scheubner-Richter et la direction politique à Hitler, ce qui ne lui donne que peu de pouvoir réel. La rumeur d'une marche sur Berlin se répand le 3 novembre. Seeckt fait part au ministre de l'Intérieur qu'il ne tentera aucune action contre l'armée bavaroise : La Reichswehr ne tire pas sur la Reichswer.. D'octobre à début novembre s'engagent des négociations en tout sens qui mènent à un véritable imbroglio, alors que la radicalisation se poursuit : le 20 octobre 1923, Kahr déclare que la Bavière considère comme son devoir d'être à cette heure la forteresse de la germanité menacée. Les autorités bavaroises nouent des tractations avec les milieux et organisations nationalistes berlinoises, comme le Stahlhelm, afin de renverser le gouvernement fédéral, ce qui n'empêche pas le chef de celui-ci, Streseman, de chercher le soutien des dirigeants bavarois. Ces contacts ne débouchent sur aucun résultat. Mi-octobre, Hitler rencontre Lossow, qui lors d'une réunion d'officiers a sévèrement critiqué le mouvement nazi ; il le fait changer de position, Lossow déclarant peu après, lors d'une nouvelle réunion d'officiers que la Reichswehr soutiendrait les efforts nationalistes d'Hitler. Le 24 octobre, Hitler expose ses vues politiques à Seisser, pendant qu'à son insu, Lossow négocie avec les responsables militaires des organisations nationalistes. Le 25 octobre, Hitler et le Dr. Weber, responsable du groupe paramilitaire Oberland, ont une entrevue avec Seisser et Lossow : Hitler leur expose son projet de mettre en place un directoire, dont il fera partie aux côtés de Ludendorff, Lossow et Seisser, mais sans Kahr ; il affirme également qu'il sait qu'il ne peut rien entreprendre sans le soutien de la police et de l'armée. Ces pourparlers se poursuivent quelques jours, eux aussi sans résultat. Le 6 novembre, Kahr, Lossow et Seisser organisent, en l'absence d'Hitler, une réunion avec les responsables du Kampfbund, qui regroupe les milices nationalistes : ils y affirment leur volonté d'empêcher par la force toute tentative de putsch en Bavière. Cette position est confirmée le 8, lors d'une rencontre entre Kahr et Ludendorff : le renversement du gouvernement doit venir de Berlin et non partir de Munich.
Le putsch Les préparatifs
Erich Ludendorff. Craignant d'être lâché par les paramilitairesNote 6 en cas d'inaction contre le gouvernement fédéral ou pris de vitesse par les nouvelles autorités bavaroises36, Hitler maintient ses contacts avec le triumvirat bavarois ; mais, fort du soutien de Ludendorff, dont l'incontestable savoir-faire militaire s'accompagne d'une niaiserie politique sans bornes, il décide de tenter un coup de force à une date dictée par l'urgence mais aussi d'une portée symbolique : le 9 novembre, date anniversaire de la proclamation de la république en 1918. Le putsch est préparé par Hitler les 6 et 7 novembre ; le 7 au matin, il rencontre Weber, Ludendorff, Göring, Scheubner-Richter et Kriebel, responsable militaire du Kampfbund. Le putsch doit se produire à Munich, mais aussi dans les principales villes bavaroises, Ratisbonne, Augsbourg, Ingolstadt, Nuremberg et Wurtzbourg : les groupes armés nationalistes doivent y prendre le contrôle des gares, du télégraphe, du téléphone et des stations de radio, des bâtiments publics et des commissariats ; les dirigeants socialistes et communistes et les responsables syndicaux doivent être immédiatement arrêtés. À Munich, les putschistes disposent d'au maximum 4 000 hommes dont moins de la moitié proviennent du parti nazi ou de la SA : en face d'eux, 2 600 policiers et soldats, mieux organisés et mieux armés que les putschistes et disposant de réserves. La préparation du putsch fait naître de nouvelles rumeurs sur une tentative de prise du pouvoir, après celles qui ont couru en août et septembre : si Lossow les prend au sérieux et donne l'ordre à ses officiers supérieurs de réprimer tout coup d'État, en mentionnant spécifiquement Hitler comme en étant l'instigateur, Seisser, confiant dans les assurances qui lui ont été données par Ludendorff, ne prend pas position et Kahr, persuadé qu'Hitler et Ludendorff n'entreprendront rien sans l'avertir au préalable, demande que les mesures de sécurité pour la réunion du 8 novembre à la Bürgerbräukeller soient aussi légères et discrètes que possible.
À la Bürgerbräukeller
Réunion nazie à la Bürgerbräukeller, vers 1923 Le soir du 8 novembre 1923, vers 19 heures, Kahr, accompagné de Lossow et Seisser, arrive à la Bürgerbräukeller, une brasserie de Munich,. Conformément aux instructions de Kahr, le dispositif policier est léger : douze officiers de la police criminelle sont présents dans la salle, trente membres de la Hauptwache police de réserve assurent le maintien de l'ordre à l'extérieur, le gros des forces de police étant stationné à plusieurs centaines de mètres. La salle est rapidement comble et ses portes sont fermées vers 19 h 1544 : le public, 3 000 personnes, comporte de hauts représentants des autorités politiques, policières et militaires bavaroises et des membres de la bourgeoisie et des professions libérales. Peu après 20 heures, Hitler arrive devant la brasserie dont les alentours sont remplis de curieux. Surpris par cette affluence, Hitler demande aux policiers présents de faire évacuer les lieux : ceux-ci appellent des renforts, font dégager les abords de la salle, puis renvoient les renforts dans leur cantonnement. Les premiers camions chargés de membres de la SA arrivent vers 20 h 10, suivis, vers 20 h 30, par des membres de la Stosstruppe. Au début du discours de Kahr, peu après 20 h 30, et alors qu'il prononce la phrase Même l'homme le plus énergique, même s'il possède les pouvoirs les plus étendus, ne peut pas sauver le peuple, s'il ne reçoit pas du peuple un appui actif, inspiré par l'esprit national, il est interrompu par un grand tumulte. Dirigé par Adolf Hitler, un pistolet à la main, un groupe d'hommes en armes fait irruption dans la salle et place une mitrailleuse en batterie à l'entrée de celle-ci. Après s'être difficilement frayé un chemin au sein de la foule compacte, Hitler et une poignée de ses hommes s'approchent de l'estrade, sur laquelle monte Hitler après avoir ramené le silence en tirant un coup de feu en l'air. Vers 20 h 45, il adresse quelques mots au public : La révolution nationale a éclaté. La salle est occupée par six cents hommes armés. Si le calme ne s'établit pas immédiatement, une mitrailleuse viendra sur la galerie. Le gouvernement bavarois est renversé, un gouvernement provisoire est formé. Par vantardise et pour impressionner la salle, il affirme également que les casernes de la Reichswehr et de la police du land sont occupées, la Reichswehr et la police sont en marche sous leurs étendards à croix gammée. Hitler entraîne Kahr, Lossow et Seissler dans une pièce attenante, réservée par Hess, et leur explique qu'il compte prendre la tête d'un nouveau gouvernement dont il assume la direction et dont font partie Ludendorff – qui n'est pas encore arrivé à la brasserie –, à la tête de l'armée, Lossow comme ministre de la Reichswehr, Seisser comme ministre de la police, Kahr se voyant attribuer le poste de régent de Bavière. L'objectif de ce nouveau gouvernement est d'organiser une marche sur Berlin pour renverser le gouvernement fédéral. S'engagent alors, dans un climat de forte tension et sous la contrainte, des discussions confuses au cours desquelles les membres du triumvirat bavarois tergiversent et cherchent à temporiser. Après quinze minutes de discussion, l'absence d'accord n'empêche pas Hitler de retourner dans la salle principale de la brasserie, où l'ordre est assuré par Hermann Göring, pour déclarer à la foule qu'un accord sera obtenu dans les dix minutes qui suivent, puis de retourner négocier. Pendant ce deuxième entretien, des cris Heil! Heil! s'entendent venant de la grande salle, et Ludendorff fait son entrée dans la pièce où se tiennent les négociations. Il proclame son soutien au projet d'Hitler : Il s'agit de la patrie et de la grande cause nationale du peuple allemand et je ne peux que vous conseiller : venez avec nous, faites la même chose. Tour à tour, Lossow, Seisser et Kahr acceptent. Les nouveaux acolytes montent à la tribune et s'assurent de leur soutien mutuel : Hitler enflamme la salle en prononçant un violent réquisitoire contre les criminels de novembre. Le discours d'Hitler et les brèves allocution de Kahr, Lossow et Seisser suscitent un tonnerre d'applaudissements et l'approbation générale du public. Celui-ci est ensuite autorisé à quitter la salle, à l'exception d'un groupe d'otages, dont des membres du gouvernement et les principaux dirigeants de la police munichoise, arrêtés par Rudolf Hess, à la demande d'Hitler.
En ville
Si tout se passe comme prévu à l'intérieur de la brasserie, l'impréparation des putschistes se fait sentir à l'extérieur. Wilhelm Frick, chef de la section politique de la préfecture de police, réussit à paralyser l'action des forces de police, déjà largement acquises à la cause nationaliste, et Ernst Röhm occupe le Wehrkreis quartier général du district militaire vers 22 heures, mais ne pense à en contrôler le central téléphonique qu'après une heure et demie, ce qui permet aux autorités légales d'appeler des renforts militaires de province.
Membres des milices nazies lors du putsch.
Confiant dans le ralliement de la Reichswehr, des autorités et de la population à son coup d'État et à son projet de marche sur Berlin, Hitler néglige de faire occuper systématiquement les centraux téléphoniques, les gares, les ministères et les casernes, qui restent donc sous le contrôle des autorités bavaroises. Alors qu'Hitler se rend en ville pour y suivre le déroulement des opérations, Ludendorff autorise Kahr, Lossow et Seisser à rentrer chez eux. Ceux-ci en profitent pour renier leur soutien au putsch, obtenu, selon eux, sous la contrainte, et prennent contact avec l'armée, la police et les médias pour contrer l'action d'Hitler. L'action des putschistes en ville est particulièrement confuse et mal organisée : le 3e bataillon du régiment SA de Munich se procure 3 000 fusils cachés dans le monastère de la place Sainte-Anne, puis ne prend plus part à aucune action, à l'exception de l'un de ses pelotons. L'une des organisations participant au putsch, le groupe Oberland, échoue à investir la caserne du 19e régiment d'infanterie et à s'y emparer d'armes et connaît la même absence de résultat à la caserne du génie. Dans la nuit, et après son succès au Wehrkreiskommando, Röhm tente en vain de s'emparer du quartier général de la ville. Si la majorité des élèves de l'école d'infanterie se rallient au putsch, tel n'est pas le cas de la 7e division d'infanterie. Réfugiés dans la caserne du 19e régiment d'infanterie, Kahr, Lossow et Seisser envoient, peu avant trois heures du matin, un message de la Reichswehr à toutes les stations de radio allemandes désavouant la tentative de putsch. Lossow donne également ordre à différentes unités de l'armée bavaroise de marcher sur Munich pour écraser le coup d'État. Lorsque Gustav Stresemann prend connaissance des événements, il les condamne immédiatement31 et déclare que toute aide aux putschistes est un acte de haute trahison.
La marche sur la Feldherrnhalle et l'échec final
La Feldherrnhalle, dernière étape du putsch. Le 9 novembre 1923, il est clair que les forces armées et la police sont restées loyales au régime légal ; quant aux projets et tentatives de coup de force dans le reste de la Bavière, ils n'ont pas vu le jour ou bien connu un échec rapide. Si le coup d'État semble avoir échoué, la confusion règne encore : depuis l'aube, la ville est couverte de proclamations contradictoires émanant des putschistes et du gouvernement bavarois. En fin de matinée, Hitler et Ludendorff, persuadés que la Reichswehr ne tirera jamais sur le stratège de la Première Guerre mondiale rassemblent 2 000 putschistes. Avec Hitler et Ludendorff à l'avant, les manifestants s'avancent à douze de front avec, en tête, les membres de la Stosstruppe, des SA et d’Oberland, suivis par des étudiants de l'école d'infanterie et les membres du corps de cavalerie de la SA, qui n'ont jamais reçu d'ordre depuis le début de putsch. Le défilé débute sous les acclamations de la foule et passe sans encombre un premier barrage de police sur le Ludwigsbrücke surplombant l'Isar. Peu après midi et demi, à l'approche de la Feldherrnhalle, les manifestants sont confrontés à un deuxième cordon de police : dans des circonstances particulièrement confusesNote 11, un échange de coups de feu éclate et les manifestants se débandent. Göring est grièvement blessé à la jambe, Max Erwin von Scheubner-Richter tué et Hitler a l'épaule démise. On dénombre quatre victimes parmi les policiers et seize morts chez les putschistes dont seulement cinq membres de la Stosstruppe, la garde rapprochée du Führer, la future SS. C'est de cet épisode que naît le mythe de la Blutfahne, drapeau qui aurait été taché par le sang d'Ulrich Graf, un des gardes du corps de Hitler qui lui aurait servi de bouclier, arrêtant de son corps les balles qui auraient pu tuer le futur Führer. La police arrête immédiatement, entre autres, Ludendorff et Streicher, alors que Göring parvient à s'échapper. Hitler, qui s'est enfui dès les premiers coups de feu, est arrêté le 11 novembre dans la maison de campagne d'Ernst Hanfstaengl, où il s'est réfugié.
Ernst Röhm.
Encerclé par la Reichswehr, dont des éléments sont arrivés d'Augsbourg, dans le bâtiment du commandement de la région militaire, Ernst Röhm, dont le porte-drapeau est Heinrich Himmler68, exige du général Franz von Epp et du général Jakob von Danner, qui veulent sa reddition, un ordre de Ludendorff. Après avoir appris l'échec de la marche sur la Feldherrnhalle et l'arrestation de Ludendorff, il accepte la demande de von Danner, qui lui propose que ses hommes puissent quitter la place avec les honneurs militaires ; désarmés, les putschistes quittent le bâtiment et seul Röhm est immédiatement arrêté.
Le procès
Le procès des dirigeants putschistes, accusés de haute trahison contre le gouvernement et du meurtre de quatre policiers, deux crimes passibles de la peine de mort, se déroule du 26 février au 1er avril 1924, en partie à huis-clos. Afin de pouvoir mieux contrôler le déroulement des débats, les autorités bavaroises obtiennent que le procès se déroule devant le tribunal du peuple de Munich, et non devant la cour du Reich à Leipzig. Tant les juges que les procureurs manifestent une évidente sympathie à l'égard des accusés et déploient tous leurs efforts pour ne pas impliquer Ludendorff, le président du tribunal, Neithardt,, estimant qu'il est le seul atout de l'Allemagne ; des témoins essentiels ne sont pas invités à déposer et des pièces fondamentales ne sont pas produites, notamment afin de ne pas évoquer la complicité de Kahr, Lossow, Seiser et de la Reichswehr dans le projet de renversement du gouvernement de Berlin. Ce climat permet à Hitler de transformer le procès en une opération de propagande, un carnaval politique et d'y prononcer de véritables discours ; s'il s'est montré piteux face à la police, il, Hitler révèle lors de son procès son écrasante supériorité oratoire. Le premier procureur va jusqu'à affirmer : Hitler est un homme hautement doué qui, parti de peu, a atteint par son sérieux et son travail acharné une situation respectée dans la vie publique. Il s'est totalement sacrifié aux idées qui le pénétraient et il a pleinement accompli son devoir de soldat. On ne peut lui reprocher d'avoir utilisé à son profit la situation qu'il s'est faite.
Les principaux accusés.
Hitler revendique sa totale responsabilité dans la tentative de coup d'État et déclare lors de son procès : Je ne suis pas venu au tribunal pour nier quoi que ce soit ou éviter mes responsabilités. ... Ce putsch Je l'ai porté seul. En dernière analyse, je suis le seul à l'avoir souhaité. Les autres accusés n'ont collaboré avec moi qu'à la fin. Je suis convaincu que je n'ai rien souhaité de mal. Je porte les responsabilités pour toutes les conséquences. Mais je dois dire que je ne suis pas un criminel et que je ne me sens pas comme tel, bien au contraire. Les peines prononcées sont particulièrement légères : Hitler, le préfet de police Pöhner, Kriebel et Weber sont condamnés à cinq ans de forteresse, avec déduction de leurs six mois de détention préventive ; les autres accusés, dont Ernst Röhm sont condamnés à des peines si légères qu'elles sont absorbées par leur détention préventive : ils sont libérés sur parole à l'issue du procès. Ludendorff est acquitté. Le tribunal justifie sa clémence en arguant que les putschistes avaient été guidés par un pur esprit patriotique et par la plus noble des volontés. De plus Hitler échappe à l'expulsion vers l'Autriche, pourtant prévue par la section 9, §2 de la loi pour la protection de la république, qui selon les juges ne saurait s'appliquer à un homme tel qu'Hitler qui pense et sent en allemand. Malgré sa condamnation avec sursis de 1922, qui rendait légalement tout nouveau sursis impossible, Hitler sort par anticipation de prison le 20 décembre 1924, mais reste interdit de parole en public dans la majeure partie de l'Allemagne jusqu'en 1927 et interdit de séjour en Prusse jusqu'en 1928.
Les conséquences
Le NSDAP est interdit dès le 9 novembre, interdiction levée en avril 1925 à l'instigation du ministre de la Justice Franz Gürtner. Devenu illégal, privé de son chef, qui en a confié la direction ad interim à un Alfred Rosenberg totalement incapable d'acquérir une autorité quelconque, en proie à des querelles entre factions notamment suscitées par Ernst Röhm ou par Julius Streicher, le parti nazi connaît une véritable éclipse et est au bord de la disparition pure et simple. L'une des conséquences de la tentative de putsch est un changement de stratégie d'Adolf Hitler. Selon Georges Goriely, dans les années qui suivent, il évite de se donner une allure de putschiste et s'emploie plutôt à mettre dans son jeu les puissances traditionnelles. Cette analyse est partagée par Robert O. Paxton : le putsch manqué de la brasserie fut écrasé si ignominieusement par les patrons conservateurs de Bavière que Hitler se jura de ne plus jamais tenter de s'emparer du pouvoir par la force. Cela signifiait que les nazis allaient devoir respecter, au moins superficiellement, la légalité constitutionnelle, même s'ils n'allaient jamais abandonner les violences ciblées qui étaient un élément central de leur pouvoir d'attraction, ni les allusions aux objectifs plus vastes qu'ils comptaient poursuivre une fois au pouvoir. Pour reprendre la formule de Joachim Fest, il ne faut pas en déduire ... qu'Hitler était prêt à accepter la légalité comme une barrière inviolable, mais seulement qu'il était décidé à développer l'illégalité à l'abri de la légalité. À la prison de Landsberg, Hitler dispose d'une cellule spacieuse et confortablement meublée dans laquelle il reçoit plus de cinq cents visiteurs pendant ses treize mois de détention ; à la suggestion de Max Amann, il dicte à Emil Maurice et Rudolf Hess un compte rendu de sa vie et de ses opinions qui paraît en 1925 : Mein Kampf. L'année qui aurait dû être celle du bannissement définitif du spectre de Hitler vit au contraire la genèse de sa prééminence absolue au sein du mouvement völkisch et de son ascension vers l'autorité suprême. Avec le recul, l'année 1924 apparaît comme le moment où, tel un phénix renaissant de ses cendres, Hitler put commencer à s'extraire des décombres d'un mouvement völkisch éparpillé pour devenir le chef absolu, dominant sans partage un parti nazi réformé, plus solidement structuré et mieux soudé.
La commémoration
Hitler pendant le congrès du parti de 1935 à Nuremberg. Derrière Hitler, la Blutfahne et son porteur officiel Jakob Grimminger. Dès 1924, la propagande national-socialiste s'est appliquée à donner au putsch une dimension héroïque qui s'amplifie encore après l'arrivée des nazis au pouvoir. À partir de 1933 se déroulent chaque année à Munich des commémorations à la mémoire des victimes nazies qui deviennent de véritables martyrs de l'Allemagne et du mouvement : Notre mouvement est né de toute cette détresse, et il a donc dû prendre des décisions difficiles dès les premiers jours. Et l'une de ces décisions a été la décision de mener la révolte des 8 et 9 novembre 1923. Cette décision a échoué en apparence à l'époque, seulement, c'est du sort des victimes que le salut de l'Allemagne a pu venir. Hitler dédie aux seize victimes de son parti, les Blutzeuge martyrs le premier volume de Mein Kampf. La médaille que le Führer décerne à tous ceux qui ont participé au putsch, le Blutorden, est la plus haute distinction du NSDAP. Un véritable mythe est mis en place autour du putsch. La Blutfahne drapeau du sang, qui désigne le drapeau porté par Andreas Bauriedl lors de la marche des putschistes est élevé au rang d'objet de culte. À partir de 1926, elle est glorifiée lors des congrès du parti et utilisée pour consacrer les drapeaux du parti et les fanions de la SS. Jakob Grimminger qui avait participé au putsch est le porteur officiel de la Blutfahne85. « Elles, les victimes deviennent le noyau d'un mythe qui joue un rôle significatif dans l'arrivée du parti nazi au pouvoir. À travers elles, un échec ignominieux est transformé en un glorieux défi à la tyrannie. À Munich, sur la Königsplatz, Hitler fait ériger en 1935 deux mausolées pour les seize putschistes tués, dans lesquels leurs restes sont transférés. Sur la Feldherrnhalle, Hitler fait poser une plaque devant laquelle est postée une sentinelle. Les passants doivent saluer la plaque du salut hitlérien à leur passage. Je me suis rendu à pied jusqu'à la Feldherrnhalle. On salue les morts. Acte solennel et somptueux. Le Führer leur rend un dernier hommage. Moment grandiose. Beau et efficace comme jamais.
Joseph Goebbels, 9 novembre 1935.
À l'arrivée des troupes américaines, les deux constructions de la Königsplatz sont dynamitées. Il n'en reste plus que les socles aujourd'hui. La plaque de la Feldherrnhalle est retirée en 1945 ; depuis 1993, une nouvelle plaque rappelle la mémoire des policiers tués.
Adolf Hitler 1889-1945 La trajectoire d'Adolf Hitler n'a guère d'équivalent dans l'histoire ; elle était sans précédent dans l'histoire allemande. Voilà un raté scolaire et un marginal social devenu agitateur politique qui, après avoir été condamné à la prison pour haute trahison en 1923, acquiert la nationalité allemande en 1932 et s'assied, en janvier de l'année suivante, sur le siège de Bismarck. Devenu un homme d'État extraordinairement populaire en son pays, il plongea ce dernier et l'Europe entière dans la pire catastrophe d'un siècle qui n'en fut pourtant pas avare. La trajectoire de cet homme, dont on a dit qu'il avait été constamment sous-estimé, pose la question de ses talents ou, plus exactement, de l'adéquation entre ceux-ci et les aspirations de la société allemande. Sans des conditions historiques particulières, on peut douter que les Allemands se seraient ralliés à lui ; ils ne l'auraient pas fait quelques décennies plus tôt. Même si on ne prétend pas y répondre exhaustivement, cette question mérite d'être gardée à l'esprit. Un raté social .Né le 20 avril 1889 dans la petite ville autrichienne de Braunau-sur-l'Inn, non loin de Linz, Hitler eut une enfance partagée entre l'affection de sa mère et une relation conflictuelle avec son père. Cet homme modeste, qui s'était hissé au rang d'inspecteur des douanes, rêvait pour son fils d'une carrière de fonctionnaire, perspective devant laquelle celui-ci regimbait en arguant de son intérêt pour l'art. Après la mort de son père et un parcours scolaire médiocre, le jeune Hitler partit pour Vienne, où il essuya un double échec au concours d'admission à l'Académie des beaux-arts. La mort de sa mère étant survenue peu après, le jeune homme mangea son petit héritage en rêvant d'un grand destin, avant de glisser dans la marginalité. De 1908 à 1913, il vécut de menus travaux et de la vente d'aquarelles qu'il peignait, confronté à l'expérience des asiles de nuit. Lecteur assidu, il s'imprégna d'une littérature pangermaniste et antisémite qui lui fit prendre en horreur l'empire des Habsbourg, auquel il reprochait de faire obstacle à l'union des Allemands d'Autriche avec ceux du Reich. En 1913, Hitler partit s'installer à Munich pour échapper au service militaire sous les drapeaux de l'empire détesté. À près de vingt-cinq ans, il était toujours sans profession et sans attaches. Mais sa personnalité était déjà formée : des aspirations artistiques tenaces ; une culture livresque qui lui servait surtout à alimenter ses préjugés ; une superbe ignorance du monde non germanique, des langues et des pays étrangers ; de la mémoire, du discernement, une vraie capacité d'analyse ; et une affectivité bridée qui laissait peu de place à l'affection et à l'amour. En août 1914, lorsque la guerre éclate, Hitler s'engage, plein d'enthousiasme, dans l'armée bavaroise. Pour la première fois, il connaît une expérience collective, il se socialise dans la vie militaire dont il épouse les valeurs, l'expérience de la Grande Guerre achevant de durcir en lui une brutalité naturelle. Son courage lui vaut la Croix de fer de première classe, sans lui permettre de dépasser le grade de caporal. Jusqu'au-boutiste, il fut enragé par la défaite et s'en retourna dans une Allemagne bouleversée par la chute de l'empire et par des secousses révolutionnaires – en 1919, Munich connut une éphémère république soviétique. Pendant un an encore, Hitler resta dans l'armée, où il fut utilisé comme informateur et agent de propagande. Il entra ainsi en contact avec un petit parti d'extrême droite, le Parti ouvrier allemand, auquel il se consacra après sa démobilisation. Le Munich de l'après-défaite fut sa première chance, en lui révélant son talent d'orateur et sa vocation politique. La ville lui offrit aussi un public sensible au fanatisme d'un homme sans attaches, plein d'idées simples, pétri d'un ressentiment essentiel et d'une haine immense. Le raté impuissant avait trouvé une assise pour ses rêves de puissance.
L'idéologue et le politique
À partir de 1920, la vie d'Adolf Hitler se confond avec son action politique – sa vie privée, tenue hors des projecteurs, n'eut jamais de réelle épaisseur. Le petit parti auquel il avait adhéré en septembre 1919 prit le nom, l'année suivante, de Parti ouvrier national-socialiste allemand Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, N.S.D.A.P.. Hitler en assuma rapidement la direction et lui imprima des caractéristiques durables, en particulier la violence des propos et l'usage de la force, l'un et l'autre destinés à produire une cohésion interne et à attirer l'attention de l'opinion. Avec ses 50 000 membres et sa formation paramilitaire, la SA Sturmabteilung, section d'assaut, le parti nazi prit du poids, mais il restait confiné à la Bavière, dont il exploitait les tensions régionalistes avec Berlin. C'est dans ce contexte, et dans le sillage des remous créés par l'occupation franco-belge de la Ruhr, que Hitler se lança, le 8 novembre 1923, dans une tentative de putsch contre le gouvernement bavarois. Ce faux pas lui valut l'emprisonnement dans la forteresse de Landsberg et une condamnation, clémente, à cinq ans de réclusion, abrégée par une libération anticipée à la fin de 1924. En prison, Hitler dicta Mein Kampf Mon combat . À la fois autobiographie stylisée et exposé doctrinal, cet ouvrage frappe à deux égards. D'abord, par l'importance accordée à la démarche politique, pragmatisme inclus, ce qui distinguait Hitler de ses concurrents dans l'extrême droite. L'importance majeure qu'il accordait à l'organisation et à la propagande était un hommage rendu aux méthodes de ses adversaires sociaux-démocrates et communistes. Mais c'était également le reflet de son expérience de jeune catholique. Le mouvement nazi devait être à la fois un parti-armée et un parti-Église, un parti de combat et un parti de croyants et, dans les deux cas, un parti sous la direction d'un homme d'exception. Ensuite, par la cohérence de l'idéologie qui y est exposée. Largement empruntée au nationalisme « völkisch » (ethno-raciste) d'avant 1914, elle est présentée avec beaucoup de force. Le racisme en constitue la charpente, c'est-à -dire l'idée que la race est le principe explicatif de l'histoire du monde et la pureté raciale le secret de la puissance d'un peuple. De là découle la nécessité, à la fois de l'épuration des éléments « racialement malsains » au sein même du peuple allemand – ainsi les malades mentaux – et de l'élimination des allogènes qui s'y trouvent – les Tsiganes, les Noirs, etc. L'antisémitisme s'inscrit dans ce cadre raciste, il se loge même en son centre. Car Hitler conçoit l'idée d'un antagonisme privilégié, au sein même du combat éternel des races, entre le monde aryen et les Juifs, et cet antagonisme existentiel ne peut prendre que la forme d'une lutte à mort. Plus généralement, la mission qu'il s'assigne est de faire retrouver à l'Allemagne, humiliée par le traité de Versailles, le chemin de la puissance, laquelle s'épanouira dans la création d'un empire en Europe orientale – l'« espace vital » – et dont les conditions préalables devaient être la mobilisation des masses, la prise de contrôle de l'État, la destruction des adversaires et l'épuration raciale de la nation. Ce corps d'idées avait un caractère totalitaire puisqu'il embrassait la nature, l'histoire et la société. Il incluait, en outre, un horizon apocalyptique qui concernait avant tout le rapport aux Juifs, conçu selon une logique du « eux ou nous ». Enfin, sa réalisation impliquait la rupture avec la civilisation occidentale, façonnée par le christianisme et les Lumières. En plaidant pour que fût réinculquée aux jeunes générations une morale fanatique de la « dureté » qui les délivrerait de toute solidarité humaine et justifierait la mise en esclavage ou à mort des autres peuples, Hitler exprimait sa volonté d'un changement de paradigme. Si tous les événements qui allaient suivre n'étaient pas annoncés, il ne peut y avoir de doute sur le potentiel énorme de violence que contenait cette idéologie. Après sa sortie de prison, Hitler entreprit de refonder son parti sur de nouvelles bases. Tirant les conséquences du putsch manqué, il décida que l'accession au pouvoir se ferait par la participation au jeu électoral. Pour souder son parti, il le dota d'un ensemble de rites et de symboles la croix gammée, le salut, le drapeau qui se donnaient à voir lors du congrès annuel à partir de 1927 à Nuremberg et dans l'utilisation croissante du Heil Hitler. À la théâtralisation du politique faisait escorte un culte du chef, le Führer, qui assurait à celui-ci une primauté politique et idéologique. En même temps, Hitler dotait son parti de structures plus appropriées au recrutement, à l'encadrement et à la mobilisation des adhérents et à la préparation de la prise du pouvoir. Outre une organisation territoriale, le parti nazi comprenait désormais des groupements paramilitaires (SA, SS – Schutzstaffel, escadron de protection –, Hitlerjugend et des associations professionnelles.
Les défilés nazi
Défilé des membres du parti nazi à Nuremberg, en 1933. Leurs étendards portent l'emblème du Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei : le svastika, connu sous le nom de croix gammée. Dans cette période de stabilisation économique et de détente internationale, son audience restait insignifiante. Aux élections nationales de 1928, il remporta 2,6 p. 100 des suffrages 12 sièges au Reichstag, tout en doublant de taille. Mais grâce à sa réorganisation, il s'était installé dans la durée, il avait étendu son réseau au pays entier, il possédait des structures capables d'accueillir un éventuel afflux. Or c'est ce qu'allait provoquer, de manière inattendue, la crise économique de 1929, qui jetait au chômage des millions d'Allemands et entraînait un blocage du système politique. Le renforcement des partis extrêmes rendant impossible la formation d'une majorité parlementaire, les chanceliers successifs nommés par le président Hindenburg multiplièrent les consultations électorales. Le Parti nazi put ainsi profiter de la fragilité de la démocratie libérale et de la force du nationalisme dans une société allemande en crise. La percée fut réalisée aux élections de septembre 1930, le Parti nazi obtenant 18,3 p. 100 des suffrages 107 sièges. Dès lors, l'ascension se pDéfilé nazi oursuivit continûment jusqu'au 31 juillet 1932, date à laquelle les nazis obtinrent 37,3 p. 100 des votes 230 sièges, le point le plus haut avant l'accession au pouvoir. Cette progression fut acquise en vidant les partis de droite de leurs électeurs, mais aussi en mordant sur la social-démocratie et le parti catholique, le Zentrum. Tout en gardant son centre de gravité dans les classes moyennes, la base électorale du Parti nazi devenait interclassiste, grâce à un message qui jouait sur plusieurs registres : un anticommunisme violent, l'hostilité à la démocratie pluraliste, l'aspiration à l'unité nationale et à la récupération d'un statut de grande puissance, sans oublier l'antisémitisme, mis en sourdine, mais qui ne se laissait pas ignorer. De ce succès remarquable, le mérite revenait largement à Hitler. Son sens de la mise en scène et son habileté oratoire, ses invectives dénonciatrices, la force de conviction qui sourdait de sa personne transmettaient une image de « puissance existentielle » (Eric Voegelin) où des Allemands désorientés trouvaient un baume à leur ressentiment. Mais il avait fallu les circonstances exceptionnelles de la grande crise pour que Hitler rencontre un écho massif à ses haines et à ses aspirations de grandeur. Parallèlement, le Parti nazi gagnait en force – 1,4 million d'adhérents en 1932 et environ 400 000 membres pour la SA, dirigée par Ernst Röhm. À sa tête, Hitler roda un style de direction qu'il allait plus tard transposer au régime : en lieu et place d'une gestion collégiale et bureaucratique, un leadership souverain fondé sur un rapport de confiance personnelle qui alimentait un esprit de gang. Son comportement était marqué par le goût du secret et de la manipulation, l'importance donnée au prestige, le penchant pour le risque et, au fond de tout, la soif de pouvoir. Confronté à des décisions difficiles, le chef nazi tergiversait souvent, mais, sa position une fois arrêtée, il agissait avec une détermination brutale. Chose rare, l'habileté politique faisait bon ménage chez lui avec un fanatisme qui marquait toute son idéologie et se résumait à cette alternative : « la victoire ou l'anéantissement ».
Le chef de régime
La nomination de Hitler au poste de chancelier, le 30 janvier 1933, ne fut pas la conséquence d'une victoire électorale. Aux élections de novembre 1932, le Parti nazi avait perdu des voix par rapport à celles de juillet, passant de 37,3 à 33,1 p. 100 des suffrages 196 sièges. Cette nomination fut le résultat des intrigues d'une poignée de conservateurs, menés par Franz von Papen ; désireux de mettre en place un régime autoritaire, ils jugeaient que l'affaiblissement du Parti nazi allait leur permettre de se servir de Hitler. Ayant l'oreille du président Hindenburg et l'appui des dirigeants de l'armée, sensibles aux promesses de réarmement du chef nazi, ils lui firent ouvrir la porte de la chancellerie. Hitler au pouvoir, 1933. Le 30 janvier 1933, le président Hindenburg nomme Adolf Hitler chancelier. Un mois plus tard, l'incendie du Reichstag fournit le prétexte pour se débarrasser du Parti communiste allemand, le plus puissant d'Europe. Les libertés publiques sont suspendues et les premiers camps de concentration s'ouvre… Ce pari allait se retourner contre ses auteurs. Car si Hitler présidait un gouvernement de coalition où il était minoritaire, il parvint rapidement à établir sa prépondérance. Mettant à profit l'incendie du Reichstag du 27 février 1933, il se fit attribuer les pleins pouvoirs par le Parlement. Puis la coalition, dont il était le chef nominal, obtenant une majorité aux élections de mars le vote nazi lui-même ne dépassa pas 43,9 p. 100, dans un climat pourtant marqué par la mise hors la loi du Parti communiste et l'intimidation exercée par la SA, il interdit dans la foulée les partis de gauche, avant d'obtenir l'autodissolution des partis de droite. La voie était désormais ouverte au parti unique le N.S.D.A.P. est déclaré parti unique le 14 juillet, les nazis s'empressant d'éliminer leurs adversaires par la violence la plus brutale les camps de concentration accueillirent bientôt des dizaines de milliers de personnes et utilisant leur monopole pour encadrer la société et lui inculquer les valeurs du nouveau régime. L'ascendant pris par Hitler sur ses alliés conservateurs le laissait cependant dans une situation qu'il lui fallait encore consolider, comme le montra bientôt l'émergence d'un double danger. La SA de Röhm inquiétait de plus en plus les militaires, car elle exigeait de former le noyau de la future armée. De leur côté, des conservateurs comme Papen intriguaient dans la perspective de la succession du président Hindenburg, qui était malade. Placé devant le risque d'une éventuelle alliance entre l'armée et les conservateurs, Hitler sacrifia la SA lors de la Nuit des longs couteaux, le 30 juin 1934, première démonstration de sa violence sanguinaire – la seconde allait venir lors du pogrome de la Nuit de cristal, le 9 novembre 1938. L'opération fit environ deux cents morts : parmi eux des chefs de la SA, dont Röhm, mais aussi des personnalités conservatrices comme l'ancien chancelier von Schleicher. Elle permit à la SS de gagner du galon et d'élargir le pouvoir que son chef Heinrich Himmler était en train d'acquérir en mettant la main sur la police. Après la mort de Hindenburg, au début d'août 1934, Hitler cumula sans susciter d'objections les titres de chancelier et de chef de l'État le 19 août, devenant du même coup le commandant suprême des forces armées. Hitler et Röhm. Proche d'Adolf Hitler à droite depuis le début des années 1920, Ernst Röhm le bras levé est nommé par celui-ci chef d'état-major de la S.A. en 1930. Mais ses projets d'intégrer la Reichswehr dans la S.A., alors qu'Hitler recherche le soutien de l'armée pour conforter son pouvoir. De ce moment, la marginalisation des conservateurs devint inéluctable. Leurs dernières têtes de file quittèrent le gouvernement au début de 1938, époque à laquelle Hitler assuma en personne le commandement de la Wehrmacht. Une concentration de pouvoirs remarquable, qui lui permettait de diriger dorénavant le régime comme il l'avait fait pour le Parti nazi, à savoir en l'absence de toute collégialité – le gouvernement ne se réunit plus à partir du début de 1938 – et selon un système de délégation de pouvoirs sur la base d'un rapport de confiance qui aiguillonnait la compétition pour obtenir la faveur du chef et compliquait la coordination efficace des efforts. Devenu l'astre du système, Hitler pouvait jouer les uns contre les autres avec d'autant plus d'assurance qu'il bénéficiait d'une popularité croissante, en raison des succès remportés tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Dès son arrivée au pouvoir, il avait fait adopter des mesures qui montraient le sérieux de son programme et de ce qui en formait la ligne d'horizon : la puissance de l'Allemagne. L'une de ses premières décisions avait été de lancer un réarmement massif, qui offrait le double avantage de lier les militaires au régime et de faire redémarrer l'économie. En même temps, il avait commencé à traduire en actes sa doctrine raciste : encouragement de la procréation des Allemands « racialement sains », loi de stérilisation forcée pour les individus atteints de maladies graves ou héréditaires – en moins de deux ans 400 000 personnes furent traitées –, discrimination envers les prétendus « asociaux », les homosexuels, les Tsiganes et bien sûr envers les Juifs, renvoyés de la fonction publique dès 1933, puis victimes de la ségrégation avec les lois de Nuremberg du 15 septembre 1935, avant d'être spoliés de leurs biens juste avant la guerre, l'objectif étant alors de les faire partir d'Allemagne. Tandis que le réarmement faisait chuter le chômage, il permettait, à l'extérieur, d'obtenir des succès spectaculaires. Après avoir retiré son pays de la Société des nations en 1933, Hitler procéda au démantèlement du traité de Versailles, en réintroduisant le service militaire obligatoire en mars 1935, puis en remilitarisant la Rhénanie un an plus tard. Exploitant la désunion des puissances occidentales, il profitait du différend qui les opposait à l'Italie de Mussolini au moment de la guerre d'Éthiopie pour trouver un allié. À partir de 1938, il passa à l'expansion ouverte grâce à l'utilisation de méthodes d'intimidation qui lui permirent de réaliser, sans coup férir, l'annexion de l'Autriche l'Anschluss en mars, puis, après une velléité de résistance de Paris et de Londres, l'incorporation au Reich de la région tchécoslovaque des Sudètes, concédée par les puissances occidentales lors de la conférence de Munich 29-30 septembre 1938. Remilitarisation de la Rhénani. Mars 1936 : un an après le rétablissement du service militaire obligatoire qui expose au grand jour le réarmement de l'Allemagne, Hitler viole à nouveau le traité de Versailles en réoccupant la zone démilitarisée sur la rive gauche du Rhin. Le 11 mars 1938, menacé par Hitler d'une intervention militaire, le chancelier autrichien Schuschnigg a démissionné. Le 12, les troupes allemandes ont pénétré dans l'État fédéral d'Autriche et occupé Vienne. Le 14, Hitler y fait une entrée triomphale. Quatre ans après l'échec du coup de force qui av… Accords de Munich, 1938. Dans la nuit du 29 au 30 septembre 1938, les accords de Munich sont signés par Hitler, Mussolini, Édouard Daladier, chef du gouvernement français, et le Premier ministre britannique Arthur Neville Chamberlain. Hitler obtient pleine satisfaction concernant le rattachement au Reich de la minorité alle… Cette dynamique comportait des dangers redoutables. L'avance prise par l'Allemagne dans la remilitarisation n'allait pas durer, et le réarmement des autres puissances tout autant que les tensions économiques, notamment la pénurie de devises et de matières premières, créées en Allemagne même par la production d'armes, poussaient Hitler à aller toujours plus avant dans la voie de l'expansion et à risquer une guerre européenne, sinon mondiale. Lorsqu'il procéda au démembrement de la Tchécoslovaquie, en mars 1939, puis menaça la Pologne, le Royaume-Uni et la France n'avaient d'autre choix que de résister par les armes. Rarement une guerre européenne avait été due aussi nettement à la politique d'une seule puissance et d'un seul homme. Le chef de guerre. Le déclenchement du conflit fut accueilli avec morosité par la population allemande. La victoire sur la Pologne était prévisible, mais qu'allait-il se passer avec la France et le Royaume-Uni ? Après les mois d'inactivité de la « drôle de guerre », la série de victoires allemandes du printemps et de l'été 1940, qui aboutirent à l'occupation de la Norvège, du Danemark, de la Belgique, des Pays-Bas et de la France, fit atteindre à la popularité de Hitler son zénith. La défaite de la France était largement due aux erreurs et aux impérities du haut commandement français, mais Hitler avait eu du flair en faisant confiance aux chefs militaires qui prônaient une percée motorisée par les Ardennes. Cette victoire lui donna l'aura d'un génie militaire, et il se persuada lui-même qu'il en était un. Sa confiance en soi, fondée sur un égocentrisme ancien, s'était amplifiée depuis le milieu des années 1930. Elle prenait à présent une ampleur qui le rendait intolérant aux avis de son entourage, y compris de ses conseillers militaires. Le chef nazi avait indubitablement l'intelligence des choses militaires, il était intéressé par la technique et la stratégie. Mais, avec le temps, il se substitua toujours davantage à ses généraux, refusant d'entendre les avis discordants et transformant ses conseillers en courtisans, dans l'ambiance suffocante des bunkers où il séjourna à partir de 1942. Le politique cédait le pas au chef de guerre et ne gardait plus le contact avec la population qu'à travers des discours radiodiffusés. Or, dans cette guerre, l'Allemagne perdait progressivement sa capacité d'initiative. La Grande-Bretagne ayant refusé de déposer les armes, Hitler réagit en joueur qui accroît la mise dans l'espoir de se refaire d'un coup : il voulut emporter la décision en élargissant le conflit. Ses campagnes en Yougoslavie et en Grèce au printemps de 1941 et l'envoi d'un corps expéditionnaire en Afrique du Nord visaient à assurer ses arrières dans des régions déstabilisées par les insuccès italiens. Mais la campagne contre l'U.R.S.S., déclenchée en juin 1941, résultait, elle, d'un choix délibéré qui visait à produire le tournant attendu et dont les motifs étaient indissociablement stratégiques abattre la dernière puissance continentale et forcer Londres à faire la paix, économiques assurer une base suffisante en cas de prolongation de la guerre et politico-idéologiques la conquête de l'espace vital. Or, loin de se terminer par une victoire rapide, cette campagne se révélait extraordinairement coûteuse en hommes et en matériel. Et voilà qu'à l'adversaire soviétique dangereusement sous-estimé, Hitler en ajoutait un autre de taille en déclarant, le 11 décembre 1941, la guerre aux États-Unis par solidarité envers l'allié japonais qui venait de les agresser à Pearl Harbor. La guerre sur deux fronts, la guerre devenue totale : Hitler avait créé par ses coups de poker la situation à laquelle il était préparé par toute sa psychologie, celle dans laquelle ne devait valoir que l'alternative de la victoire ou de l'anéantissement.
L'empire raciste
L'évolution militaire ne lui avait pas fait perdre de vue, cependant, la construction de son empire raciste. La guerre offrait un paravent commode pour exécuter des opérations qu'il importait de garder secrètes. Et elle favorisait le déploiement de la violence inhérente à l'idéologie nazie. Dès l'automne de 1939, Hitler fit un pas supplémentaire dans l'épuration raciale du peuple allemand en ordonnant l'assassinat, qui fut réalisé par gazage, des handicapés et des malades mentaux ; cette prétendue euthanasie fit plus de 70 000 victimes. Racisme nazi. Dès 1940, les populations des territoires occupés à l'Est par les armées allemandes furent soumises à la politique raciste des nazis. Des centaines de spécialistes historiens, géographes, archivistes, ethnologues, sociologues, médecins, affiliés à des instituts de recherche interdisciplinaires, fu… Parallèlement, il posait les jalons de son empire. Si des décisions importantes étaient remises à l'après-guerre, notamment la fixation des frontières, des directions étaient prises, qui indiquaient les contours de l'Europe à venir. Une Europe dont l'économie et la politique seraient régulées à partir de Berlin, en vertu d'une sorte de néo-doctrine de Monroe et dont le cœur serait formé à la fois par les populations allemandes et par les peuples dits germaniques, les Scandinaves, les Hollandais, les Flamands, qu'il s'agissait d'absorber dans un grand Reich dont l'aire de développement était située à l'Est. L'« espace vital » conquis aux dépens de la Pologne, des pays Baltes et de l'U.R.S.S. devait être « germanisé », non pas en assimilant les populations, mais en les expulsant massivement – par dizaines de millions – pour faire place à des colons. À ce remodelage racial du continent, dont la réalisation fut confiée à Heinrich Himmler, les besoins de l'économie de guerre mirent bientôt un frein, comme le montra la suspension des transferts de populations entamés en Pologne. Il n'en alla pas de même pour les Juifs, dont la disparition par voie d'émigration forcée était bloquée par le conflit et que Hitler entreprit de faire disparaître par l'extermination, une politique contre laquelle aucun argument de nécessité économique ne fut autorisé à prévaloir. Près de six millions de Juifs, de l'Atlantique à l'Ukraine et de la Norvège aux îles grecques, furent victimes de l'antisémitisme obsessionnel qui animait le chef nazi et qui rencontrait autour de lui un écho suffisant pour que les bourreaux ne lui fassent pas défaut. Avec la guerre, c'est la violence du régime en général qui prit son essor, en trouvant de multiples relais, y compris dans la Wehrmacht, qui prêta la main à l'exploitation économique des territoires occupés et à la répression des résistances, pour ne pas parler de la SS et de ses camps de concentration, bientôt peuplés de centaines de milliers de gens de toutes les nationalités, promis à l'extermination par le travail forcé. Pendant ce temps, Hitler menait, replié dans son Q.G. de Rastenburg, une guerre dont tout indiquait de plus en plus clairement qu'elle était sans issue. À défaut de battre les Soviétiques, il plaça ses espoirs, après le tournant de Stalingrad au début de 1943, dans l'éclatement de l'alliance adverse et dans l'effet des « armes secrètes » – les bombes volantes et les fusées – qu'il faisait construire. Son pari qu'il réussirait à battre les Anglo-Saxons au moment de leur débarquement en France, en juin 1944, fut à son tour perdu. Cet échec précipita l'attentat du 20 juillet 1944, organisé par un groupe d'officiers et dont il sortit indemne. Vieilli, blanchi, courbé, le dictateur aux mains désormais tremblantes appliquait son exceptionnelle énergie à refuser de baisser les armes. À défaut de vaincre l'ennemi, il laisserait détruire son pays. Dans son jusqu'au-boutisme, il fut secondé par la combativité de ses soldats et la ténacité d'une population qui lui restait largement attachée, à la fois par nationalisme et par peur d'une victoire vengeresse des Soviétiques. Le 30 avril 1945, claquemuré dans Berlin assiégé par l'Armée rouge, Hitler se suicida en compagnie de sa compagne Eva Braun, qu'il venait d'épouser, et du couple Goebbels avec ses six enfants. Illustration ultime de la destructivité du nazisme et terme catastrophique de la vie d'un homme que les Allemands qualifièrent volontiers de démoniaque après la guerre. Les historiens préfèrent souligner l'entrée en résonance entre la personnalité de cet homme et les tensions et les aspirations d'une société profondément déstabilisée par la Grande Guerre et ses séquelles.Philippe Burin
Posté le : 07/11/2015 19:55
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