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De Montpellier
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Le Vietnam français Instauration de l'administration française en Indochine
Paysans de Cochinchine vers 1910 Le 6 avril 1885, un nouveau ministère républicain s'installe, dirigé par Henri Brisson (avril-décembre 1885), député radical depuis 1876. En peu de jours, le calme est revenu à Paris. Le protectorat français sur toute l'Indochine est acquis, les préliminaires de la paix avec l'Empire chinois des Qing ayant été conclus le 4 avril de cette année. Le 9 juin, le nouveau traité de Tientsin est signé, la France finit par mettre la main sur le Tonkin. Malgré le mauvais souvenir de ces ides de mars qui ont causé sa mort politique, Jules Ferry, qui a voulu cette conquête, en a toujours revendiqué la paternité. Cinq ans plus tard, les passions apaisées, il est redevenu « le Tonkinois », mais dans un tout autre sens que celui qui prévalait en 1885. Il vient d'être choisi par les Français du Tonkin comme leur délégué au Conseil supérieur des colonies (Assemblée consultative des intérêts coloniaux qui groupe des représentants désignés par les Français d'outre-mer). Au même moment, il préface le livre de Léon Sentupery, Le Tonkin et la mère patrie, et termine son texte en affirmant porter « fièrement le titre de Tonkinois dont les méchants et les sots croient faire outrage ». Deux ans plus tard, l'Indochine est devenue un sujet de consensus. Le 20 janvier 1892, il écrit aux colons dont il est le représentant, après le vote des crédits par la Chambre : « Il n'est pas besoin d'insister, j'imagine, sur la portée politique et financière de ces fermes résolutions. Mais il faut noter, comme la révélation d'un état d'esprit assurément nouveau, la facilité inattendue avec laquelle ces mesures nécessaires se sont réalisées. Il s'est formé dans la Chambre des députés une majorité de « coloniaux » incontestable et incontestée ; les nouveaux venus, les jeunes députés, lui sont presque tous acquis. C'est un des nouveaux élus, un jeune, M. Delcassé - gardez ce nom - qui a défendu votre cause devant la Chambre. Il l'a fait sans faiblesse et sans réticence, non seulement avec talent, mais avec autorité: l'autorité d'un homme nouveau, qui juge avec franchise, courage et bon sens, les querelles et les erreurs de ses aînés. Il n'y a pas de risque, je vous l'atteste que ces nouvelles générations républicaines méconnaissent, comme l'ont fait trop souvent leurs devancières, les grandeurs et les espérances de la politique coloniale. » L'Indochine finira par devenir un des fleurons de l'Empire français et une large et constante majorité politique soutiendra les ambitions coloniales de la République française. Sur le plan militaire, la conquête de l'Indochine, qui progressa du Sud vers l'ouest et le nord de la péninsule, fut officiellement achevée en 1896, mais la pacification de la région ne fut réelle qu'à la fin de la Première Guerre mondiale. Pour autant, les acteurs de la conquête, tels que les généraux Gallieni (en Indochine de 1893 à 1895) et Pennequin (en Indochine de 1888 à 1898 puis de 1904 à 19134), ne se faisaient aucune illusion sur l'avenir des possessions coloniales qui, pour eux, étaient appelées à reprendre leur indépendance un jour. Le 15 juillet 1910, le naufrage de la chaloupe-canonnière La Grandière sur les rapides du Mékong provoque la mort du gouverneur militaire de Saïgon, le général Léon de Beylié, du médecin-major Vincent Rouffiandis et de deux matelots.
Paul Doumer, est gouverneur-général de 1896 à 1902: il se fait construire la Villa Blanche au cap Saint-Jacques Après des années d'hésitation entre l'administration directe (le statut de colonie) ou indirecte (le régime du protectorat), les Français choisirent le « protectorat » pour le Cambodge et l'Annam. Ce mode d'administration indirecte d'une société colonisée reconnaissait la validité des institutions existantes et la nécessité de les utiliser. En même temps, il permettait d'alléger les dépenses de la France, mais le protectorat se mua rapidement en administration directe. Seule la Cochinchine fut à proprement à parler une colonie. Le Tonkin et le Laos eurent un régime mixte. Mais les monarchies indochinoises furent réduites à des formes vidées de leur substance: une administration coloniale dirigeait en fait le pays, sous la responsabilité du gouverneur général et du ministère des Colonies. Dans leurs Mémoires, l'empereur d'Annam, Bao Daï (intronisé par les Français en 1932) et le roi du Cambodge Norodom Sihanouk (intronisé en 1941) ont évoqué avec humour leur rôle purement symbolique, qui leur permit à tous deux de mener des « vies de play-boy » pendant quelques années.
Partages entre la France et l'Angleterre
Les dernières conquêtes territoriales pacifiques de la France en Indochine furent les provinces de Mélou Prei et Tonlé Repou en 1904, de Battambang et Siem Reap en 1907, toutes rattachées au Cambodge. Un traité conclu en 1896 par la France et le Royaume-Uni, prévoyait l'extension territoriale de leurs colonies et protectorats respectifs. Ce traité prévoyait la réunion au profit de la Birmanie du nord-ouest du Siam, et au profit de la Malaisie britannique, des provinces du sud récemment annexées par le Siam. La France de son côté, devait étendre son influence à tout le nord-est du Siam (Isaan). Le Siam aurait donc constitué selon les modalités de ce traité, un état-tampon entre les possession britanniques et française en Indochine. Finalement, seuls quelques territoires furent rattachés à la Birmanie, et les provinces de Mélou Prei et Tonlé Repou furent rattachées au Cambodge en 1904, et les provinces de Battambang et Siem Reap en 1907.
Administration économique
En 1897, le gouverneur général Paul Doumer créa les structures administratives de l'Indochine, véritable État colonial, avec des services généraux et leurs annexes dans les cinq « pays », doté d'un budget général afin que la colonie ne pèse plus sur les finances de la France. À cette fin, Doumer organisa un système de prélèvement fiscal lourd et impopulaire. Devant l'insuffisance des rentrées de l'impôt foncier et de la capitation, et malgré une foule de taxes locales, l'administration s'arrogea le monopole du commerce de l'opium, du sel et de l'alcool de riz - les deux derniers étant essentiels pour la population indigène. Celui-ci fournit 20 % des rentrées du budget jusqu'en 1930, avec des sommets de 36,5 % en 1913 et 44 % en 1920.
L'Indochine était une colonie d'exploitation et non de peuplement : la mise en valeur des ressources du pays débuta dès la fin de la conquête. Des négociants comme Jean Dupuis, de grands groupes industriels et financiers (Fives-Lille, société des Batignolles, Comptoir national d'escompte, Société générale, Crédit lyonnais) s'implantèrent en Indochine pour avoir un accès au marché interne de la Chine et l'achèvement du chemin de fer du Yunnan reliant Haïphong à Yunnanfou concrétisa leur stratégie. Albert Sarraut, gouverneur-général radical-socialiste de 1911 à 1914, puis de 1916 à 1919, ministre des Colonies à partir de 1919, s'en fit le héraut. Il fonda l'Agence économique de l'Indochine pour la propagande en direction des milieux d'affaires. Il élabora le plan d'équipement de la péninsule, dit « plan Sarraut », en 1921. La Première Guerre mondiale, par l'importance de la contribution de l'Empire colonial à l'effort de guerre de la métropole française, confirma son intérêt économique. Économie et développement des infrastructures
Le pont Paul-Doumer
L'État français et les sociétés capitalistes jouèrent des rôles complémentaires dans cette œuvre de colonisation qui avait pour but de mettre en marche une exploitation économique. La Banque de l'Indochine (BIC) fondée en 1875 devint l'interlocutrice obligée du gouvernement général; elle contrôlait de fait l'économie indochinoise. Bénéficiant d'un statut unique parmi les banques privées françaises, car dotée du privilège d'émission de la piastre indochinoise, la Banque de l'Indochine était à la fois une banque d'affaires et une société financière. Son domaine d'action s'étendait à l'Asie entière et au-delà. En 1937, elle était partie prenante dans presque toutes les entreprises économiques. De grandes firmes financières et industrielles métropolitaines, du groupe Rivaud, spécialisé dans les affaires de caoutchouc, à la société Michelin, investirent aussi en Indochine. De toutes les colonies, mise à part l'Algérie, ce fut elle qui reçut le plus d'investissements, évalués à 6,7 milliards de francs-or en 1940. Le flux des investissements métropolitains convergeait principalement vers les mines, les plantations d'hévéas, de thé et de café, ainsi que vers certaines industries de transformation: les textiles, les brasseries, les cigarettes, les distilleries et le ciment. Les transports et les voies de communication, essentiels à l'expansion de l'économie coloniale, bénéficiaient d'une attention particulière de la part de la France. Saïgon devint bientôt un grand port d'Extrême-Orient qui prit place au sixième rang des ports français en 1937 ; e chemin de fer relia Hanoï à Saïgon à partir de 1936 (Trans-Indochinois). En 1939, Saïgon n'était plus qu'à trente jours de bateau de Marseille, et à cinq jours d'avion de Paris. Le télégraphe sans fil, plus rapide que la télécommunication par câbles sous-marins, fonctionna à partir de 1921. Un effort fut également porté sur l'infrastructure routière et les réseaux de canaux.
Œuvre éducative et sociale L'enseignement et la culture
L'enseignement était l'autre instrument essentiel de la « conquête des cœurs et des esprits ». Dans ce domaine, les premières années furent dominées par la tentation de l'assimilation (faire des enfants d'Indochine de petits Français). Toutefois, dans les années 1920 et surtout 1930, du fait de la résistance rencontrée auprès de peuples de cultures anciennes, et aussi de la poussée en Europe de certaines idées subversives, des modifications furent apportées aux programmes d'enseignement. En 1930, le gouverneur général Pasquier exprimait ses doutes: « Depuis des milliers d'années, l'Asie possède son éthique personnelle, son art, sa métaphysique, ses rêves. Assimilera-t-elle jamais notre pensée grecque et romaine ? Est-ce possible ? Est-ce désirable ? Nous, Gaulois, nous étions des barbares. Et, à défaut de lumières propres, nous nous sommes éclairés, après quelques résistances, à celles qui venaient de Rome. Le liant du christianisme acheva la fusion. Mais en Asie, sans parler des éloignements de race, nous trouvons des âmes et des esprits pétris par la plus vieille civilisation du globe. »
Le prédécesseur de Pasquier, Alexandre Varenne, faisait même ces recommandations aux enseignants : « Ne leur enseignez pas que la France est leur patrie. Veillez qu'ils aient un enseignement asiatique qui leur soit utile dans leur pays. » Il en résulta un compromis : l'« enseignement franco-indigène », doté de trois degrés, primaire, secondaire et supérieur dont les effectifs ne cessèrent de progresser, sans compter que les écoles publiques étaient doublées d'établissements privés catholiques ou laïques dont l'existence était antérieure et le nombre plus important. Le nombre d'élèves de l'enseignement public au Viêt Nam dans le primaire s'éleva de 126 000 en 1920 à plus de 700 000 en 1943-1944. Dans le secondaire, de 121 en 1919, leur nombre atteignit 6 550 en 1943-1944. Au Cambodge, 15 700 enfants étaient scolarisés dans le primaire public en 1930 ; ils étaient 32 000 en 1945. En outre, c'est également au Cambodge que l'instituteur français Louis Manipoud réforma avec succès les écoles de pagodes (bouddhiques) en introduisant des matières dans le cursus traditionnel. Ces écoles rénovées accueillaient 38 000 élèves en 1939 et cinquante-trois mille en 1945. Toutefois, sauf en Cochinchine, les campagnes ne furent pas dotées d'un réseau scolaire serré et, en 1942, 731 000 enfants étaient scolarisés sur une population totale de 24,6 millions.
Au Viêt Nam, l'enseignement du Quốc ngữnote , la langue vietnamienne transcrite en caractères latins, et du français fut généralisé. La suppression en 1919 des concours traditionnels de recrutement des mandarins contribua de façon déterminante à séparer les nouveaux lettrés de l'univers intellectuel et moral sino-vietnamien empreint de valeurs confucéennes. Les Vietnamiens surent intégrer dans leur pensée les apports de la France - une pluralité de références intellectuelles et politiques -, et contrairement à ce que nous pouvons penser, ils furent les propres créateurs de leur culture moderne.
Ainsi, une élite locale, en majorité des Vietnamiens et des citadins, émergea souvent issue de la classe des mandarins. En 1940, le groupe des diplômés de l'enseignement supérieur ou spécialisé était évalué à 5 000 personnes. L'université indochinoise connut elle aussi un accroissement d'effectifs (de 457 en 1938-1939, le nombre d'étudiants atteignit 1 575 en 1943-1944). On peut y ajouter les fonctionnaires (16 941 en 1941-1942), les enseignants (16 000 en 1941-1942), tous issus de l'enseignement primaire supérieur ou secondaire, ou de l'université indochinoise. Bien que minoritaires, ils formaient ce « tiers-état » auquel le gouverneur général Alexandre Varenne recommandait que l'on fît une place, considérant que, si des droits ne leur étaient pas octroyés, ils les réclameraient eux-mêmes. Œuvre sanitaire
Le statut des Indochinois et des Français
Les enfants de l'œuvre civilisatrice française, de formation équivalente ou à diplômes identiques, se voyaient souvent refuser l'égalité de statut et de traitement avec les Français, car dans cette société coloniale, la minorité européenne occupait le sommet de la hiérarchie. Plus que la fortune, l'appartenance raciale était un indicateur du statut social d'une personne vivant en Indochine. Bien qu'un régime de séparation ethnique n'existât pas sous une perspective politique et juridique, une frontière invisible séparait les gens et les mettait à leur place dans la hiérarchie sociale, malgré une certaine diffusion des mariages mixtes. Par exemple, la liaison amoureuse que Marguerite Duras met en scène dans le roman L'Amant est une transgression du code de la société coloniale. En effet, cela paraissait plutôt normal qu'un Français prît une femme indochinoise pour concubine, souvent d'une manière temporaire, mais en revanche, une alliance même légitime entre une Française et un Indochinois était très mal perçue. Un Français se trouvant en Indochine vivait le plus souvent en célibataire. Dans ces conditions, il était inévitable que des couples se forment. Plus que les sentiments, ce furent les circonstances qui présidèrent à leur naissance. À l'époque de la colonisation de l'Indochine, les Français, qui prenaient la décision de s'établir dans cette région asiatique, formaient une minorité: leur nombre ne dépassa jamais le seuil de 40 000 personnes (en 1940) sur une population totale de 22 655 000 habitants. De toute évidence, ces Français furent en majorité des cadres de la fonction publique ou du secteur privé, ainsi que des ecclésiastiques, religieux et religieuses, et des commerçants, plus rarement des colons. En effet, en 1929, 6 000 fonctionnaires étaient présents en Indochine et leur principal privilège était le supplément colonial qui doublait la solde métropolitaine. Si le despotisme n'était pas pratiqué journellement par les Français et si un certain nombre d'entre eux avaient l'estime et l'affection des habitants indochinois de descendance ancestrale (Vietnamiens, Laotiens et Cambodgiens), il n'en demeurait pas moins qu'un Français coupable d'un meurtre sur la personne d'un Indochinois était frappé d'une peine relativement légère en vertu d'un « verdict de race » contre lequel le gouverneur général Albert Sarraut avait d'ailleurs mis en garde les juges. Si nous laissons de côté les facteurs conjoncturels, la politique coloniale française porte une lourde responsabilité dans la mesure où elle opposa une fin de non-recevoir aux Indochinois modérés comme aux radicaux. Faute de voir aboutir les revendications d'égalité et de liberté, exprimées dès 1906-1908 par un naturalisé français du nom de Gilbert Chieu, publiciste et entrepreneur, le mouvement s'amplifia dans les années 1920 où une grande partie de l'intelligentsia fut séduite par le marxisme-léninisme. Dans l'éventail des doctrines occidentales, ce dernier avait l'avantage d'offrir les réponses aux problèmes posés par la dépendance coloniale ; il trouvait un écho au sein de la paysannerie et du monde ouvrier, mais aussi un appui dans la métropole elle-même.
Conditions de vie des paysans et situation économique dans les années 1930 Pendant la période où les Français administraient l'Indochine, la situation des paysans si elle s'améliora, ne parvint pas à combler son retard. Les surplus exportables étaient en effet soumis aux fluctuations des prix sur les marchés régionaux et mondiaux. L'endettement et l'absence de titres de propriété favorisaient l'accaparement des terres par les propriétaires les plus riches et les marchands, et le nombre des paysans sans terre allait en croissant, ce qui augmentait le nombre du petit peuple des villes. Parallèlement, l'économie coloniale ruinait les structures traditionnelles d'organisation et d'entraide de la communauté paysanne: l'institution multiséculaire des rizières communales connut une forte érosion au point d'avoir pratiquement disparu en Cochinchine à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La paysannerie manifesta son mécontentement de façon bruyante, voire violente, à plusieurs reprises, ainsi en 1930-1931 en Cochinchine et dans le nord de l'Annam, puis à nouveau entre 1936 et 1938. Le mécontentement paysan était instrumentalisé par des intellectuels marxistes et trouvait un écho chez les ouvriers. Faute de s'attaquer à la racine des maux dont souffraient les ruraux, l'administration coloniale était prisonnière de contradictions apparemment insolubles, qu'exprima le gouverneur général Jules Brévié à propos de l'occupation de concessions par des paysans sans terre en 1938 : « Lorsque nous protégeons les droits des uns, nous commettons une injustice et portons atteinte à l'équité à l'égard des autres. Lorsque nous négligeons ces droits, nous violons la loi et condamnons nos méthodes. » La main-d’œuvre des plantations, des usines et des mines formait un prolétariat composite avec, souvent, un pied dans la rizière et l’autre dans l’entreprise coloniale. Il était soumis à un régime de travail sévère : retenues sur salaire et châtiments corporels étaient assez fréquents. Si l’oppression patronale ne différait pas de celle d’autres pays, en Indochine, elle fut identifiée à la présence étrangère et alimenta le mouvement nationaliste et communiste. Dans les années 1930, celui-ci connut deux grandes poussées sous l’effet de la crise économique mondiale du début des années 1930 causée par le krach boursier consécutif à la crise de 1929, et de l’extension des activités de la IIIe Internationale et de la stratégie « classe contre classe » du parti communiste français (PCF)note 4. Dans le même temps, une aile radicale de l’intelligentsia qui organisa les groupuscules communistes émergeait. Elle était souvent formée dans les écoles publiques françaises d'Indochine qui avaient semé l'idée de la Révolution française dans les esprits. Ainsi le lycée Albert Sarraut de Hanoï fut un vivier de futurs communistes indépendantistes, ou futurs nationalistes. En 1930, Nguyen Ai Quoc, le futur Ho Chi Minh, unifia ces groupuscules sous le nom de parti communiste indochinois (PCI), d’abord section du PCF puis, à partir de mai 1931, reconnu comme section de l’Internationale. À partir de 1936, le triomphe du Front populaire en France et l’orientation du front antifasciste, alors que la menace d’une invasion japonaise se dessinait en Extrême-Orient, redonnèrent vigueur à l’opposition. En outre, la grande dépression économique qui toucha l’Indochine entre 1930 et 1934, et illustra la crise du régime capitaliste aboutit à accroître la puissance de la Banque d’Indochine à laquelle le gouvernement français confia l’assainissement de l’économie. Celle-ci fut la principale bénéficiaire des faillites, des expropriations et de la concentration des entreprises, ce qui provoqua un surcroît de mécontentement instrumentalisé par les communistes.
Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
Invasion japonaise de l'Indochine, Guerre franco-thaïlandaise, Histoire de l'Empire colonial français pendant la Seconde Guerre mondiale, Combats en Indochine (1945) et Révolution d'Août. La Seconde Guerre mondiale a été déterminante pour l'avenir de l'Indochine française. L'Empire du Japon, en guerre contre la Chine depuis 1937, profite de la défaite française en Europe (juin 1940) pour adresser un ultimatum aux Français. Il entend occuper la frontière nord de l'Indochine et couper la voie ferrée de Haïphong au Yunnan, une des voies de ravitaillement de Tchang Kaï-chek. Le gouverneur Catroux accepte, faute de moyens pour s'y opposer. Démis de ses fonctions le 26 juin 1940, il rejoint la France libre. L'amiral Decoux, qui lui succède le 20 juillet 1940, est chargé d'appliquer à partir du 22 septembre l'accord passé le 30 août avec le Quartier-général impérial. Cet accord autorise la présence de 6 000 soldats japonais au Tonkin ainsi que l'utilisation d'aérodromes. En échange, le Japon reconnaît l'intégrité territoriale et la souveraineté française de principe en Indochine. Cet accord ne peut toutefois empêcher la violente occupation de Lang Son et le bombardement de Haïphong. L'Indochine reste sous l'autorité nominale de Vichy jusqu'en 1945. L'Indochine fidèle au régime de Vichy sous l'autorité de son Amiral gouverneur, applique les mesures de la métropole : lois anti-juives, anti-franc maçonne, traque des opposants (indochinois mais aussi français) et s'engage dans un modus-vivendi avec le Japon. En fait celui-ci n'intervient pas du tout dans les affaires coloniales, avant de virer totalement de cap par son coup de force du 9 mars 1945. La barque indochinoise est fort éloignée de la France de Vichy par la distance et le gouverneur Decoux est laissé presque seul. Il met en place une politique identitaire indochinoise destinée à vanter les races indochinoises face aux influences japonaises et thaïlandaises. Il va sans dire que cette politique creuse un fossé envers le colonisateur et prépare les futures révoltes d'après 1945. Hô Chi Minh, communiste indépendantiste vietnamien parfaitement francophone et adversaire implacable de la France, crée en 1941 le Viêt-Minh par la fusion du Parti communiste indochinois (fondé en 1930) et de groupes nationalistes. Il jette les bases d'une résistance d'abord antifrançaise et ensuite antijaponaise (les militaires japonais avaient une attitude conciliante à l'égard du Viêt Minh au début). Son mouvement se développe surtout à partir du début de 1945, grâce à l'aide matérielle des Américains qui dès Yalta et Potsdam avaient décidé de chasser la France d'Indochine. Fin 1940, la guerre franco-thaïlandaise est déclenchée par la Thaïlande qui, armée par le Japon, profite de l'affaiblissement de la France depuis sa défaite face à l'Allemagne pour attaquer l'Indochine française. Le but est de récupérer les territoires situés au Laos et au Cambodge qui lui avaient ravis par la France en 1893, 1902, 1904 et 1907 et de reconstituer le royaume d'Ayutthaya. Le 16 janvier 1941, à Phum Préav, se déroula une contre-offensive française lancée par le 5e régiment étranger d'infanterie qui, malgré une infériorité en hommes et en matériel du côté français fit subir de lourdes pertes aux forces thaïlandaises. Le lendemain, le 17 janvier 1941, la flottille de la Marine nationale en Indochine coula la flotte thaïe lors de la Bataille de Koh Chang. Mais sous la « médiation » nipponne, le 9 mai 1941, la France est contrainte de signer un traité de paix, par lequel elle abandonne à la Thaïlande les provinces de Battambang et de Siem Reap, enlevées au Cambodge, et celles de Champasak et Sayaburi, prises au Laos. Ces provinces seront restituées à l'Union indochinoise en 1945. Le 29 juillet 1941, le Quartier-général impérial impose le stationnement de 75 000 hommes dans le sud de l'Indochine, l'utilisation de plusieurs ports et aéroports, ainsi qu'une coopération économique, conditions auxquelles se plie l'amiral Jean Decoux. Ce dernier appliquera par ailleurs sans état d'âme à l'Indochine les principes de la Révolution Nationale du maréchal Pétain. Les lois de Vichy contre les juifs, les francs-maçons, les gaullistes sont appliquées. Entre la fin de 1944 et le début de 1945, une terrible famine, causée par des désastres naturels et aggravée par le contexte de la guerre, se déclenche au Tonkin et se prolonge durant toute l'année 1945, faisant un nombre important de victimes, évalué au minimum à plusieurs centaines de milliers. Le 9 mars 1945, les garnisons françaises sont attaquées par surprise par l'armée impériale japonaise. Sur les 34 000 Français métropolitains dans la région et 12 000 militaires d'origine européenne, plus de 3 000 ont été tués en moins de 48 heures, parfois exécutés par décapitation à coups de sabre. Les six mois de captivité ont coûté la vie à plus de 1 500 disparus. Cette opération détruit l'administration coloniale. Le Japon encourage la formation de régimes nominalement indépendants, dans le cadre de sa sphère de co-prospérité de la grande Asie orientale, avec en particulier le soutien de l'empereur d'Annam Bao Daï. À la fin de sa vie, le président américain Roosevelt ne fait pas mystère que la France ne doit pas retrouver l'Indochine à la fin de la guerre. Il propose même à Tchang Kaï-chek d'occuper entièrement l'Indochine, ce à quoi ce dernier se refuse. Truman (qui succède à Roosevelt mort en avril), Staline et Churchill se réunissent à la Conférence de Potsdam en 1945. Truman et Staline, défavorables au colonialisme français, décident que le Viêt Nam sera divisé en deux parties : lors de la capitulation du Japon, les Chinois (dirigés par le généralissime Tchang Kaï-chek) s'installeront dans le nord le 9 septembre 1945 (une semaine avant, le 2 septembre 1945 à Hanoï, le leader communiste Ho Chi Minh proclamait la République démocratique du Viêt Nam) et les Britanniques (commandés par le général Sir Douglas David Gracey (1894-1964, KCB, KCIE, CBE, MC and bar dans le sud 6 septembre 1945.
Les Français, sous l'impulsion du général de Gaulle, décident de rétablir la souveraineté française sur l’Indochine après la Seconde Guerre mondiale, à une époque où d’autres puissances coloniales reprennent pied dans leurs colonies asiatiques (Birmanie et Malaisie pour le Royaume-Uni, Indonésie pour les Pays-Bas) 11. En 1946, le 28 janvier, les troupes britanniques acceptent de quitter le Viêt Nam, tandis les Chinois se retirent également du nord du territoire vietnamien. En échange, les Français restituent à la République de Chine leurs droits sur les concessions françaises dans ce pays, elles aussi évacuées par les Japonais, le 6 mars 1946. Guerre d'Indochine (1946-1954)
Guerre d'Indochine.
Au lendemain de l'évacuation japonaise, le Laos et le Cambodge parviennent à faire reconnaître leur souveraineté en douceur. Il n'en va pas de même au Viêt Nam, enjeu stratégique et économique d'une tout autre importance. Le Vietminh et d'autres groupes indépendantistes cherchent à établir leur autorité sur le pays. Le général Leclerc et la deuxième division blindée sont envoyés par le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, pour restaurer l'autorité de la France. Des négociations sont ouvertes et aboutissent aux accords du 6 mars 1946 aux termes desquels le Viêt Nam est libre (mais pas indépendant, car il fait partie de l'Union française). Ces accords, signés par Hô Chi Minh et Jean Sainteny, ne durent pas. Leclerc reconquiert la Cochinchine, mais estime qu'à terme, l'indépendance vietnamienne deviendra inévitable. Sa mort laisse le Vietminh sans interlocuteur. Celui-ci tente d'interdire aux Français le port de Haïphong, dont le bombardement par la flotte française rend le conflit inévitable. S'ensuit la Guerre d'Indochine, à l'issue de laquelle la France quitte la péninsule en 1954 après la défaite de Dien Bien-Phu. Les accords de Genève séparent le Viêt Nam temporairement en deux États, mais l'échec de la tenue des élections de réunification en 1956 conduit à la guerre du Viêt Nam en 1964.
Configuration des forces en présence
La guerre oppose deux antagonistes principaux : la France, métropole lointaine, affaiblie par la Seconde Guerre mondiale et qui met longtemps à déployer ses forces; et le Viêt-Minh, organisation politique disposant de moyens réduits à l'origine, mais qui arrivera à retourner la situation en sa faveur. Hô Chi Minh, son chef politique, et le jeune général Võ Nguyên Giáp, chef de la branche militaire, peuvent compter sur un encadrement discipliné et efficace. Leurs militants sont dans la population vietnamienne « comme le poisson dans l'eau ». Du côté français, les chefs du gouvernement provisoire (le général de Gaulle, puis Léon Blum), puis les chefs des gouvernements successifs de la IVe République, délèguent des chefs militaires de valeur: le général Leclerc, remplacé à sa mort par l'amiral d'Argenlieu, puis les généraux de Lattre de Tassigny et Henri Navarre. Leurs forces, très hétérogènes, atteindront 350 000 hommes: Français de métropole et légionnaires, soldats de l'Union française, troupes des États associés d'Indochine (Cambodge, Laos, et forces de l'empereur Bao Daï rentré en grâce après un exil à Hong Kong), supplétifs levés dans les tribus montagnardes et financés par la culture de l'opium. D'abord réticents, les États-Unis finissent, au nom de la lutte anticommuniste, par financer en grande partie l'effort de guerre français, affecté par le scandale de l'affaire des piastres. À partir de 1949, la victoire de Mao-Tsé-Toung en Chine permet au Viêt-Minh de recevoir un équipement important venu de Chine, de l'Union soviétique et des autres pays du bloc communiste. Il reçoit aussi un soutien moral considérable des mouvements communistes et anticolonialistes du monde entier, y compris de France, où le Parti communiste français (plus de 20 % de l'électorat à l'époque) fait campagne contre la « sale guerre ». L'opinion française ne se sent pas vraiment engagée dans cette guerre, qui n'intéresse, pense-t-on, que quelques gros intérêts privés et l'armée française ne pourra jamais faire appel au contingent. Au contraire, le Viet-Minh arrive à marginaliser et éliminer les forces indépendantistes rivales et à élargir son emprise sur la population par la terreur, qu'il peut mobiliser dans le renseignement, le ravitaillement et le soutien logistique des combattants. C'est la clé de sa victoire contre les Français, et plus tard contre les Américains.
Enjeux
Une réorganisation et une clarification du contenu sont nécessaires. Discutez des points à améliorer en page de discussion. La France, considérée par les États-Unis et l'URSS comme un pays vaincu, devait selon eux céder la place. La diffusion de la culture française, par l'action des missions catholiques et des collèges et lycées publics français, était une motivation puissante, mais la défense de la liberté en était une autre dans un affrontement Est-Ouest qui allait grandissant. La question de rétablir la grandeur de la France - par la guerre s'il le fallait - faisait l'unanimité dans les sphères dirigeantes, de gauche (dont étaient issus la plupart des gouverneurs et des administrateurs coloniaux) comme de droite. Cette grandeur passait nécessairement par un empire colonial et un rayonnement culturel. Cependant les intérêts économiques, dans le cas de l'Indochine, étaient exceptionnellement importants, car il était aussi question de terres, d'industries, et de possessions de Français de métropole, influents auprès du Parlement quand ils n'étaient pas eux-mêmes membre du Parlement. Ainsi, comme l’écrivait Pierre Brocheux dans le dossier collectif L’Indochine au temps des Français publié dans la revue L'Histoire, « L’Indochine était une colonie d’exploitation et non de peuplement », ce qui veut dire que la France y voyait un potentiel économique. De plus, Brocheux ajoute qu’à l’exception de l’Algérie (qui n'était d'ailleurs pas une colonie), de toutes les colonies, l’Indochine avait reçu le plus d’investissements, évalués à 6,7 milliards de francs-or en 194012 « Le flux des investissements métropolitains convergea principalement vers les mines, les plantations d’hévéas, de thé et de café, ainsi que vers certaines industries de transformation : les textiles, les brasseries, les cigarettes, les distilleries, le ciment. »
Dans le répertoire plutôt large des histoires de la colonisation européenne du xxe siècle, l’Indochine française ne fut pas une exception, car des investissements d’envergure se sont placés en Indochine. Comme l’écrivait l’historien français Hugues Tertrai, 43 % des investissements industriels et miniers sont principalement situés au Tonkin, au nord du Viêt Nam actuel : charbonnages du Tonkin, qui extraient un bon anthracite en bordure de la baie d'Ha Long, cimenterie de Haïphong, qui avait participé aux travaux de fortification du Tonkin, cotonnières de Nam Dinh, exerçant plus difficilement son activité au sud de Hanoï. Les investissements en Indochine sont également importants — 34 % de l’ensemble — dans les plantations d’hévéa, qui couvrent 100 000 hectares au sud du Viêt Nam et au Cambodge. De plus, la culture d’hévéa indochinoise a non seulement alimenté les industries françaises du caoutchouc (surtout pour la compagnie Michelin qui a commencé à investir en 1925), mais elle s’est aussi développée depuis le début du xxe siècle, quoique la Seconde Guerre mondiale ait durement frappé l’industrie de l’hévéa. Ces remarques sur la situation économique des investissements français portent à penser que la France fut très déterminée à garder ses colonies en Indochine, afin d'y exploiter ses ressources naturelles, comme par exemple le caoutchouc pour l'industrie automobile de plus en plus importante. En parlant toujours du caoutchouc et de la culture de l’hévéa, Marianne Boucheret écrit que « le caoutchouc fait figure de symbole de la réussite coloniale », car non seulement les exportations étaient très importantes, mais la culture de l’hévéa rapportait beaucoup de dividendes qui « témoignent des succès obtenus par l’hévéaculture dans la péninsule indochinoise ». Mme Boucheret ajoute aussi que le succès de la culture d’hévéa contribue à « l’arrivée massive de capitaux métropolitains en Indochine, attirés par des taux de profit élevé ». Ce qui se traduit par une croissance fulgurante. En 1939, les exportations de caoutchouc d'Indochine étaient huit fois plus élevées qu’elles ne l’étaient une quinzaine d’années auparavant. Par conséquent, ajoute-t-elle, « cela représente plus du quart de la valeur des exportations totales de la péninsule, contre moins de 5 % en 1924 ». Selon le site Internet britannique Spartacus, l'Indochine était une colonie qui rapportait beaucoup de dividendes aux Français, car la région recelait du zinc, du charbon et aussi de l'étain, tandis que la population locale constituait un marché pour les produits manufacturiers de la métropole. En effet, à partir de 1938, au moins 57 % des exportations indochinoises étaient le fait de compagnies françaises. De plus l'Indochine, outre ses ressources internes, était une voie d'accès très prometteuse vers les marchés de la Chine du Sud, avec le chemin de fer du Yunnan, comme voie privilégiée de cette pénétration. La guerre d'Indochine marque pour la France une double défaite, à la fois comme puissance coloniale cherchant à sauvegarder son Empire et comme membre du bloc occidental tentant d'endiguer l'expansion du communisme. Ce « goût amer d’échec », comme l’écrivit Franchini, traduit l'affaiblissement du statut international de la France dans le monde d'après 1945. Cette inquiétude face au communisme est très bien exprimée par Jean Chauvel, représentant de la France à l’ONU. « Et on affecte alors de considérer Ho Chi Minh comme le chef d’une guérilla communiste résiduelle. En privé, le ton est plus inquiet. En témoignent les propos tenus par Jean Chauvel, représentant de la France à l’ONU, à une personnalité américaine : « Le temps devrait venir où les États-Unis et la Grande-Bretagne auraient à partager la charge de la France pour barrer la route du Sud au communisme, ou bien la France serait obligée de liquider ses engagements indochinois et d’abandonner l’Indochine à Moscou. » » La lutte contre le communisme apparaissait comme un enjeu légitime pour les gouvernements de la IVe République, engagés dans le contexte de la Guerre froide. D'ailleurs, pendant la même période, des insurrections communistes sont étouffées par les Américains aux Philippines et par les Britanniques en Malaisie. Mais, dans ces deux pays, la guérilla communiste n'avait qu'une base populaire insuffisante et ne disposait pas, comme le Viet-Minh par la frontière chinoise, d'une voie de ravitaillement régulier. De plus, dans ces deux cas, les métropoles ont su se préparer à l'indépendance par une entente de longue date avec les élites locales.
Stratégies et tactiques
Tout affrontement armé ressemble dramatiquement à un jeu d’échecs et seule l’intelligence, qui engendre des stratégies et des tactiques, permet au futur vainqueur de crier fièrement échec et mat en brandissant son drapeau. Ainsi conçue, la Guerre d’Indochine a donné l’occasion tant aux Français qu’au Viêt-Minh de déployer une panoplie de stratégies et de tactiques qui reflétaient leur désir de gagner.
Du côté Viêt Minh
Giap et Hô-Chi-Minh Lorsque la Guerre d’Indochine éclate en 1946, l’inégalité des forces entre le Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) et le Viêt-Minh est flagrant, car le CEFEO dispose de matériel militaire moderne alors que le groupe nationaliste qu’il affronte ne bénéficie pas nécessairement de grands moyens auu début. Étant techniquement désavantagé, le Viêt-Minh ne peut s’offrir le luxe d’affronter les Français d’une manière traditionnelle en tout temps. C’est pourquoi, il va jouer la stratégie de l’espace – en s’étendant pour disperser l’effort de l’adversaire -, mais plus encore celle du temps. En 1947, Truong Chinh, l’un des chefs du parti communiste vietnamien, conçoit la théorie de la guerre révolutionnaire qu’est la Guerre d’Indochine dans un opuscule intitulé Nous vaincrons certainement de cette manière en trois points : La lutte, essentiellement défensive, s’appuie sur la guérilla. La guerre de mouvement vient s’ajouter à la guérilla. Celle-ci se poursuit, mais le corps de bataille, qui a eu le temps de se constituer progressivement, est assez puissant pour passer à la contre-offensive générale, et remporter la victoire sur les colonialistes et leurs « fantoches ». La guérilla signifie qu'il ne faut pas attaquer les troupes françaises de face, car, dans un affrontement à découvert contre le Corps expéditionnaire français, les membres du Viêt-Minh sont pleinement conscients qu’ils peuvent se faire écraser à plate couture. Jusqu’en 1949, le Viêt Minh mène donc des actions de guérilla, dont le général Giáp définit ainsi les principes : « Éviter l’ennemi quand il est fort, l’attaquer quand il est faible. Attaquer l’ennemi partout de sorte que, partout, il se trouve submergé par une mer d’hommes armés hostiles afin de miner son moral et d’user ses forces. Il est nécessaire de prendre l’anéantissement des forces vives de l’ennemi comme but principal du combat, et de ne jamais, pour la défense ou l’occupation d’un territoire, user les nôtres. » Afin de bien s’organiser d’un point de vue militaire, Hô Chi Minh et Truong Chinh, s'assurent qu’une structure militaire soit rapidement mise en place. Elles reposent sur trois échelons : les milices populaires (au niveau du village) dont l’élite est versée dans les troupes régionales ; puis celles-ci, dont les meilleurs éléments passent dans les troupes régulières; vouées aux grandes opérations, ces dernières sont l’amorce de l’armée populaire vietnamienne. À tous les niveaux, un commissaire politique veille au respect de la ligne définie par le Viêt Minh, au besoin par la terreur. Pour le Viêt-Minh, la montagne couverte de forêts tropicales offre un cadre particulièrement adapté à la guérilla, mais le pays n’est aucunement un pays homogène. En effet, des minorités ethniques montagnardes (souvent catholiques) ne soutiennent pas le combat d’indépendance du peuple vietnamien. Pour obtenir leur collaboration, le Viêt-Minh utilise la persuasion, puis la terreur, afin d'assurer son autorité sur leurs villages. Vers la fin du conflit indochinois, le Viêt-Minh tenait dans ses mains plus de 5 000 villages sur 7 000. De plus, même dans les villes qui avaient l’air d’être bien administrées par les Français, le Viêt-Minh prélève l’impôt révolutionnaire. En bref la tactique du Viêt-Minh est d'être partout et nulle part, de se fondre dans la population, de disparaître subitement dans la nature, voire dans le sol.
Du côté français
Les Français quant à eux lèvent des supplétifs, installent des postes ici ou là pour encadrer la population et l’empêcher de tomber sous l’emprise vietminh. Malgré cela, la présence française est plutôt molle et durant la nuit, les membres du Viêt-Minh font sentir leur présence. Les membres du Viêt-Minh sont au courant des mouvements des troupes françaises même avant que celles-ci décident de passer à l’action. Ils peuvent prévoir sans aucune difficulté les mouvements du corps expéditionnaire, tributaire de sa lourde logistique, car il est espionné par toute une population. Il suffit souvent de lire les journaux pour connaître les actions. Un dirigeant du Viêt-Minh[Lequel ?] déclare même que le corps expéditionnaire français est « aveugle » (il ne voit pas l’adversaire), « sourd » (il n’est pas renseigné) et « boiteux » (ses communications sont difficiles). Dans ses Mémoires sur la Guerre d’Indochine, le général Giap décrit ce duel entre les Français et le Viêt-Minh comme étant « une guerre sans front ni objectif fixes, avec des vagues d’attaque imprévues, venant de directions jugées sans risque par l’ennemi » et il ajoute aussi que « la guérilla de mouvement dans notre résistance différait de beaucoup de la guerre de mouvement d’envergure des temps modernes. » «nous avions remporté des succès éclatants à l’issue de combats nocturnes dans les zones montagneuses et boisées. En effet, ces dernières offraient des conditions propices à la progression de nos troupes qui cernaient l’ennemi (les troupes françaises) avant que celui-ci ne les repère et n’utilise ses armes. Durant plusieurs années sur les terrains découverts, nos hommes n’engageaient que de petits combats à condition de prendre l’ennemi par surprise rapidement pour aussitôt se replier. Il fallut attendre Diên Biên Phu pour assister au déploiement de grandes unités combattantes, durant des jours et des nuits, basé sur des points d’attaque et l’encerclement, un système d’abris et de boyaux. » Pendant la Guerre d’Indochine, même si la Chine communiste n’est pas sur l’échiquier du conflit, beaucoup ont été formés dans l’art de la guérilla dans le sud de la Chine16. Revenir au Viêt Nam n’était point difficile pour les membres du Viêt-Minh, car la défaite française à Cao Bang (près de la frontière chinoise) en octobre 1950 a permis au Viêt-Minh de s'emparer de cette zone.
Bao Dai
Les Français ont tenté par tous les moyens de mater le mouvement nationaliste en créant en 1949 un État du Viêt Nam dirigé par le dernier empereur de la dynastie Nguyen Bao Dai, et en exerçant un effort de contre-guérilla qui sera un échec. Dans le livre Histoire de la Guerre d’Indochine, le général Yves Gras, qui prit part au conflit, écrit que pour « pacifier » la Cochinchine, le général Valluy, commandant-en-chef, avait configuré les troupes du général Nyo à près de 40 % des forces du corps expéditionnaire : 23 de ses 69 bataillons d’infanterie, 9 groupes d’artillerie et 5 escadrons de cavalerie, soit 38 000 hommes, auxquels s’ajoutaient les 6 000 hommes de la garde cochinchinoise et la totalité des partisans soit environ 10 000. « La principale faiblesse des troupes françaises venait de leur dispersion. De nombreuses missions de sécurité détournaient la plupart d’entre elles de la « chasse à l’ennemi ». Elles avaient à protéger, outre leurs propres bases, les axes de communication, les installations économiques, notamment les plantations d’hévéas, et la population des campagnes. » Cela étant dit, l’auteur du livre Histoire de la Guerre d’Indochine précise davantage ses explications en spécifiant que ces stratégies et tactiques rendaient les hommes des troupes françaises immobiles. Cela avantageait donc considérablement le Viêt-Minh en termes de forces mobiles, car il pouvait saisir l’occasion « de se concentrer au moment et à l’endroit où il le voulait. » Une autre chose importante à mentionner : la difficulté de la guerre, pour les Français, était accrue par l’impossibilité de distinguer un Vietnamien ordinaire d’un guérillero.
Des centaines de milliers de réfugiés fuient le Nord Viêt Nam, après la victoire du Viêt Minh, comme ici à Haïphong en août 1954
Finalement, la bataille de Diên Biên Phu, à la limite occidentale du Tonkin, dans les montagnes aux confins du Laos, a violemment mis un terme à la présence française en l’Indochine, les Américains attendant d'agir. Selon Laurent Henninger, chargé de mission au Centre d’études d’histoire de la défense, l’installation de sept campements portant un nom de code (Huguette, Lilie, Claudine, Éliane, Dominique) permettait au corps expéditionnaire français de garder « la route qui relie Hanoï au Laos et de saisir cette plaine coupée d’une rivière et entourée de collines formant comme un immense stade. » D’ailleurs, pour l’état-major français, Diên Biên Phu devait être utilisé comme un point de fixation pour attirer le Viêt-Minh, adversaire insaisissable, dans une bataille rangée. L'état-major français compte sur sa supériorité aérienne pour clouer au sol et éliminer les forces ennemies. En fait, le Viêt Minh déjoue la surveillance aérienne en faisant passer hommes et matériels par des pistes invisibles sous les arbres, sur des véhicules bricolés avec des carcasses de vélos. Le creusement d'abris souterrains lui permet d'échapper aux bombardements aériens. Les premières vagues d'assaut (50 000 hommes du général Giáp contre 11 000 soldats français) mettent l'ensemble du camp à la portée de la puissante artillerie (d'origine chinoise) amenée à pied d'œuvre par le Viêt Minh. La piste d'atterrissage devenue inutilisable, la garnison française n'est plus ravitaillée que par des parachutages dramatiquement insuffisants. Le 7 mai 1954, après deux mois de résistance acharnée, la base de Diên Biên Phu tombe. D’ailleurs, selon Laurent Henninger, « nul ne pouvait prévoir que le général Giap concentrerait autant d’artillerie sur des collines aussi escarpées et recouvertes de jungle. » La France avait demandé à son allié, les États-Unis, d’autoriser une intervention aérienne pour sauver le camp retranché, mais le président Eisenhower, qui ne voulait plus de présence française et qui craignait une extension du conflit par engagement de la Chine, avait refusé. À Paris, une nouvelle crise parlementaire fait tomber Georges Bidault et René Pleven, partisans de la poursuite des opérations, et amène au pouvoir Pierre Mendès France avec un programme de négociation. La conférence de Genève consacrée au règlement de la question indochinoise s’ouvre le lendemain de la chute de Diên Biên Phu.
Conclusion générale
La conférence de Genève Finalement, le président du conseil, Pierre Mendès-France, conclut la conférence de Genève le 21 juillet 1954 et ces accords, selon Jacques Dalloz, n’ont point donné « une issue définitive au problème vietnamien, mais permettent à la France de s’en dégager. » Le Viêt Nam sera coupé en deux parties à partir du 17e parallèle : au nord, la République démocratique du Viêt Nam (communiste), au sud, un Viêt Nam pro-occidental. Les États-Unis ne signent pas les accords de Genève, se « bornant à prendre acte » laissant ainsi prévoir leur future implication. Le Sud Viêt Nam proteste de la façon dont l'armistice est conclu. Il est trop tard, les infiltrations de la guérilla communiste vers le Sud s'intensifient. Des centaines de milliers de réfugiés fuient le Nord Viêt Nam vers le Sud. Par la suite, l’indépendance du Viêt Nam (divisé en deux parties), du royaume du Laos et du royaume du Cambodge sont reconnues. Selon les accords de Genève, des élections devront être tenues dans les deux ans afin d’unifier le Viêt Nam. Mais le non-respect de cette échéance entraîne une reprise de la guérilla communiste (Vietcong) dans le sud. Pham Van Dông déclare: « Nous gagnerons l'unité du Viêt Nam comme nous avons gagné la paix. Aucune force au monde ne nous en détournera. Peuple du Viêt Nam et compatriotes du Sud, la victoire est à nous ! » À partir de 1964, les États-Unis soutiennent massivement, d’un point de vue militaire, le gouvernement sud-vietnamien et cela plonge le Viêt Nam dans une autre guerre.
Statuts L'ex-Indochine française
La création de l'Indochine française, plus précisément Union indochinoise, résulte du décret du 17 octobre 1887, créant le « gouverneur général civil de l'Indo-Chine » et confiant à celui-ci « l'administration supérieure de la colonie de la Cochinchine et des protectorats du Tonkin, de l'Annam et du Cambodge ». À l'intérieur de cette entité, le Laos (régime mixte) et le Cambodge (protectorat, monarchie sous tutelle française) gardent leur nom, mais le Viêt Nam n'existait pas en tant que tel. Trois États occupaient son territoire : le Tonkin (du vietnamien Đông Kinh, « capitale de l'Est »), régime mixte ; l'Annam (« Sud tranquille », l'un des noms du Viêt Nam sous occupation chinoise), protectorat (monarchie sous tutelle française) ; la Cochinchine (contrée nommée ainsi parce que située sur la route maritime entre Cochin sur la côte orientale de l'Inde, et la Chine), colonie.
Posté le : 19/05/2013 14:59
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