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De Montpellier
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Les débuts de la guerre
HMS Queen Elizabeth à Alexandrie, La classe Queen Elizabeth, armée de canon de 15 pouces est lancée à l'initiative de Churchill. Si Churchill est l'un des seuls ministres à s'être réjoui du début du conflit, il doit très vite déchanter. Deux sous-marins allemands coulent chacun trois croiseurs anglais, l'un au large de la Hollande les HMS Aboukir, Hogue, Cressy, l'autre dans la base navale de Scapa Flow HMS Hawke, Audacious et Formidable. Churchill ayant fait sortir la flotte de cette base pour ne pas l'exposer, trois croiseurs allemands bombardent des ports anglais. Enfin, une escadre allemande sillonne l'océan Pacifique et coule de nombreux bateaux de commerce. Lorsqu'une escadre anglaise composée de vieux navires, commandée par l'amiral Christopher Cradock veut les arrêter, elle est envoyée par le fond lors de la bataille de Coronel, l'Amirauté ayant refusé d'envoyer des renforts. Churchill doit faire face à une opinion publique hostile. Le premier Lord naval Louis Alexandre de Battenberg ayant des origines allemandes, le public s'en prend à lui : Churchill et Asquith doivent l'inciter à présenter sa démission. Pour le remplacer, Churchill, malgré les réticences du roi George V, qui a longtemps servi dans la marine, choisit John Arbuthnot Fisher. Le 5 octobre 1914, Churchill, qui aime l'action, se rend dans la place forte d'Anvers où l'armée belge soutient un siège ponctué de plusieurs sorties contre une importante armée allemande. Le roi Albert Ier et le gouvernement belge souhaitent évacuer tandis que Churchill préfère qu'ils continuent à résister. Churchill en sus de la brigade des Royal Marines qui se trouve sur place envoie les 1re et 2e Naval Brigades. Mais, malgré l'appui de canons de l'artillerie de marine anglaise montés par les Belges sur des wagons plats, les trois lignes de défense de la ville succombent et Anvers est évacuée par l'armée belge le 10 octobre. Parmi les victimes du siège, il y a 500 Anglais. À l'époque, on accuse Churchill d'avoir gaspillé des ressources. Mais il est plus que probable que ses actions ont prolongé la résistance d'Anvers d'une semaine, la Belgique ayant proposé de renoncer à Anvers le 3 octobre et permit de sauver Calais et Dunkerque. En effet, l'armée belge a pu se regrouper avec les forces franco-anglaises dans la région de l'Yser, et participer des 17 au 30 octobre à la bataille de l'Yser qui permet aux alliés de stopper la course à la mer de l'armée allemande bien au-delà de ces deux ports. Au tournant de 1914-1915, les choses s'améliorent. La Royal Navy commence à renouer avec le succès : elle coule l'escadre allemande qui a ravagé le Pacifique lors de la bataille des Falklands ainsi qu'un croiseur lourd en mer du Nord lors de la bataille de Dogger Bank. Ces succès sont en partie dus à la constitution par Churchill d'une cellule de décryptage des codes secrets, la Room. L'idée d'un char de combat a déjà été avancée par Herbert George Wells en 1903. Churchill fait en sorte qu'elle devienne une réalité, grâce notamment à des fonds de recherche navale. L'Amirauté nomme ce projet : la folie de Winston. Par la suite, il dirige le Landships Committee, chargé de créer le premier corps de chars d'assaut, ce qui est considéré comme un détournement de fonds même si, une décennie plus tard, le développement du char de combat est porté à son actif.
Bataille des Dardanelles.
Les Dardanelles est un des points clés de l'accès de la Russie à la Méditerranée. En novembre 1914, les Français et les Britanniques ont déjà perdu presqu'un million d'hommes. Aussi Londres envisage une stratégie de contournement, d'autant que l'Empire ottoman est menaçant tant au Sud, du côté du Canal de Suez, qu'au Nord, contre l'Empire russe dont l'armée est en difficulté . Ce dernier point pousse le ministre de la guerre Lord Kitchener, un militaire de carrière, à se faire l'avocat d'un projet qui aurait également l'avantage d'entraîner la Grèce et peut-être d'autres pays des Balkans dans la guerre, ainsi que de permettre d'avoir accès au blé russe. Churchill, qui alors ne privilégie pas cette hypothèse, reçoit un message de l'amiral Sackville Carden, commandant l'escadre de Méditerranée, qui considère que les Dardanelles pourraient être forcées par des opérations d'envergure mettant en œuvre un grand nombre de navires. À ce moment Winston Churchill se déclare favorable au projet, d'autant que son premier lord naval y est favorable. L'opération est adoptée le 15 janvier 1915 en conseil de guerre. Pourtant ensuite, rien ne va se dérouler comme prévu, en particulier parce que les acteurs, notamment Kitchener et le premier Lord naval Fisher, sont partagés : le premier, parce qu'il doit trancher entre les occidentaux, c'est-à -dire les militaires qui veulent se concentrer sur le front occidental, et les orientaux, qui veulent ouvrir un front en Asie mineure. Le premier lord naval quant à lui hésite, après avoir donné son accord, car il a peur de devoir employer trop de bateaux loin de l'Angleterre qu'il estime devoir protéger en priorité. De ce fait, une opération conçue pour être menée rapidement et de façon déterminée, va se perdre dans des méandres administratifs, laissant aux adversaires le soin de préparer leur défense. Enfin, l'amiral Sackville Hamilton Carden qui a eu l'idée du projet flanche au moment de passer à l'action et doit être soigné. Le problème est que Churchill a fait tant et si bien qu'il passe pour le principal instigateur du projet, et que l'échec va lui être imputé. Une commission d'enquête parlementaire exonère ensuite Churchill et conclut à la responsabilité du Premier ministre Asquith, qui n'a pas fait preuve lors des conseils de guerre de la fermeté nécessaire, et à celle de Kitchener. Mais entre temps, Churchill a dû démissionner de l'Amirauté le 11 novembre 1915.
Les conséquences des Dardanelles pour Churchill
Il se voit attribuer une grande part de responsabilité de l'échec, et, lorsque le Premier ministre Asquith forme une coalition comprenant tous les partis, les conservateurs réclament sa rétrogradation comme condition à leur participation. Ce retrait de la vie politique active le conduit, pour se détendre, à se mettre à la peinture. Churchill se voit attribuer la sinécure de chancelier du duché de Lancaster, poste subalterne du gouvernement. Toutefois, le 15 novembre 1915, il démissionne, ayant le sentiment que son énergie n'est pas utilisée et, tout en restant député, sert pendant plusieurs mois sur le front de l'Ouest en commandant le 6e bataillon du Royal Scots Fusiliers avec le grade de colonel. En mars 1916, il retourne en Angleterre, car il s'impatiente en France et souhaite intervenir à nouveau à la Chambre des communes. La correspondance avec son épouse durant cette période de sa vie montre que si le but de sa participation au service actif est la réhabilitation de sa réputation, il est conscient du risque d'être tué. En tant que commandant, il continue à montrer l'audace dont il a fait sa marque dans ses actions militaires précédentes, bien qu'il désapprouve fortement les hécatombes ayant lieu dans de nombreuses batailles du front occidental. Lord Deedes a expliqué, lors d'une réunion de la Royal Historical Society en 2001, pourquoi Churchill s'est rendu sur la ligne de front : Il était avec les Grenadier Guards, qui étaient à sec sans alcool au quartier général du bataillon. Ils aimaient beaucoup le thé et le lait condensé, ce qui n'avait pas beaucoup d'attrait pour Winston, mais l'alcool était autorisé dans la ligne de front, dans les tranchées. Il a donc suggéré au colonel qu'il se devait de voir la guerre de plus près et se rendre là -bas, ce qui fut vivement recommandé par le colonel, qui pensait que c'était une très bonne chose à faire.
Le ministre de Lloyd George
Le 7 décembre 1916, David Lloyd George devient Premier ministre d'un gouvernement de coalition libéral-conservateur. Winston Churchill espère en faire partie mais se heurte au veto des conservateurs d'Andrew Bonar Law. Malgré cela le Premier ministre, qui comme Churchill se méfie du commandement militaire, finit par le nommer ministre de l'Armement le 17 juillet 1917.
Ministre de l'armement puis ministre de la guerre
À ce poste, il veille à l'approvisionnement des armées et continue à plaider pour l'utilisation de chars qui commencent à se montrer efficaces, notamment aux environs de Cambrai en 1918. Pour A. J. P. Taylor, les chars ont été plus importants au niveau psychologique que stratégique car ils ont ébranlé la foi allemande en la victoire. Comme ministre de la guerre à partir de janvier 1919, il fait face au mécontentement des soldats qui veulent être rapidement démobilisés. Il est le principal architecte de la Ten Year Rule, ligne de conduite permettant au Trésor de diriger et de contrôler les politiques stratégique, financière et diplomatique en soutenant l'hypothèse qu' il n'y aurait pas de grande guerre européenne pour les cinq ou dix prochaines années. Durant les négociations sur le Traité de Versailles, il s'efforce de modérer les exigences de Georges Clemenceau et se désole du peu d'enthousiasme de David Lloyd George pour la Société des Nations. Churchill, qui est opposé au bolchevisme, veut faire adopter par le cabinet de guerre une politique agressive contre la Russie. Néanmoins David Lloyd George n'y est pas favorable et le modère. Les libéraux et les travaillistes du Labour s'y opposent aussi et le Daily Express estime que le pays a suffisamment toléré la mégalomanie de M. Winston Churchill. Par ailleurs, le gouvernement veut reprendre le commerce avec la Russie et l'activisme de Churchill est perçu comme gênant.
Secrétaire d'État aux colonies en 1921-1922
Il devient Secrétaire d'État aux colonies en 1921. À ce titre, il est signataire du traité anglo-irlandais de la même année, qui établit l'État libre d'Irlande. Il est impliqué dans les longues négociations du traité et, pour protéger les intérêts maritimes britanniques, conçoit une partie de l'accord de l'État libre d'Irlande afin d'inclure trois ports : Queenstown Cobh, Berehaven et Lough Swilly, ports pouvant être utilisés comme bases atlantiques pour la Royal Navy. En accord avec les termes du traité anglo-irlandais du Commerce, ces bases seront restituées à la nouvellement nommée Irlande en 1938. Le traité stipule également que l'État libre d'Irlande est membre du Commonwealth of Nations, terme qui pour la première fois se substitue dans un document officiel à celui d'Empire britannique En tant que Secrétaire d'État aux colonies, il est chargé du Proche-Orient qui vient de passer sous contrôle britannique, et prend le colonel Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d'Arabie, comme conseiller. C'est lui qui favorise le couronnement de l'émir Fayçal en Mésopotamie britannique et d'Abd-Allah en Transjordanie. Par ailleurs, dans ce qui deviendra l'Irak, il remplace les forces terrestres anglaises par des avions de chasse, moins visibles. Il se montre par ailleurs favorable à l'utilisation d'armes chimiques sur les populations kurdes du nord de l'Irak animées par des velléités d'indépendance comme il le précise dans une note adressée au War Office en mai 1919 : "Je suis fortement en faveur de l'usage de gaz empoisonné contre des tribus non civilisées". Thomas Edward Lawrence dans son livre, Les Sept Piliers de la sagesse, cite Churchill de façon positive. David Lloyd George mène une politique pro-grecque après la Première Guerre mondiale et soutient ce pays lors de la guerre gréco-turque de 1919. Churchill n'est pas favorable à cette option, car il pense que pour arriver à une paix durable dans la région, Smyrne et ses environs doivent être maintenus sous souveraineté turque. Par ailleurs, il est pour l'abandon de la ville de Chanak située sur la rive asiatique des Dardanelles et pour un repli des troupes britanniques sur la rive européenne à Gallipoli. Lloyd George ne le suit pas, ce qui conduit à une forte tension entre Britanniques et Turcs qui aboutira au traité de Lausanne. Cette affaire contribue auparavant à la chute du cabinet de Lloyd George car l'opinion publique britannique, les conservateurs ainsi qu'Herbert Asquith leur reprochent à lui et Churchill d'être trop attirés par les rapports de force et de ne pas assez penser à la paix. Certains ont vu dans la déclaration d'Andrew Bonar Law, le leader des conservateurs, selon laquelle nous ne pouvons être le gendarme du monde, l'épitaphe de l'âge d'or de l'Empire.
Churchill durant l'entre-deux guerres Retour au Parti conservateur
En septembre, le Parti conservateur se retire de la coalition du gouvernement à la suite d'une réunion de députés insatisfaits de la gestion de l'affaire Chanak, ce qui provoque les élections générales d'octobre 1922. Churchill tombe malade durant la campagne, et doit subir une appendicectomie de sorte que sa femme Clementine doit faire l'essentiel de la campagne à sa place. Il doit aussi composer avec les problèmes internes du Parti libéral, divisé entre ceux qui soutiennent David Lloyd George comme lui et ceux qui soutiennent Herbert Asquith. Il arrive quatrième à l'élection de Dundee, perdant au profit d'Edmund Dene Morel sa place de député. Sa défaite ne passe pas inaperçue et Churchill préfère prendre du recul sur la Côte d'Azur où il se détend en peignant des tableaux. Le vainqueur, Andrew Bonar Law, est élu en partie parce qu'il est celui qui ressemble le moins au Premier ministre précédent. Néanmoins, il tombe très vite malade et est remplacé par Stanley Baldwin qui pour faire face au chômage veut instaurer des mesures protectionnistes. Churchill toujours en faveur du libre-échange se présente de nouveau pour les libéraux aux élections générales de 1923, et perd cette fois-ci à Leicester. Les travaillistes qui sont également pour le libre-échange s'allient alors aux libéraux pour former un gouvernement. Churchill n'approuvant pas ce rapprochement quitte le parti libéral et se présente comme indépendant d'abord sans succès dans une élection partielle dans la circonscription de l'abbaye de Westminster, puis avec succès aux élections générales de 1924, à Epping. Stanley Baldwin qui craint que Churchill, LLoyd Georges et F.E. Smith, trois grands orateurs, ne montent un parti du centre et ne le mettent en difficulté au parlement décide de le nommer ministre. Neville Chamberlain qui ne veut pas du poste lui suggère de nommer Churchill chancelier de l'échiquier. L'année suivante, il rejoint officiellement le Parti conservateur, en commentant ironiquement que n'importe qui peut être un lâcheur, mais il faut une certaine ingéniosité pour l'être à nouveau. Deux points sont ici à noter : Churchill qui voit dans le socialisme l'ombre de la folie communiste, est alors extrêmement impopulaire dans toute la gauche anglaise. Emmanuel Shinwell, un député travailliste écrit : lorsqu'un orateur travailliste se trouvait à court d'arguments, il lui suffisait de dire "À bas Winston Churchill !" ... pour déclencher un tonnerre d'applaudissements. Par ailleurs, Churchill n'est pas un homme de parti. Il écrit dans les années 1920 tous les petits politiciens chérissaient de tout cœur les drapeaux des partis, les tribunes des partis... tout heureux de constater le retour des bons vieux jours de faction d'avant-guerre ! Plus tard, il sera marginalisé au sein du parti conservateur pour des raisons politiques, mais également parce que ce n'est pas un homme d'appareil.
Ministre des Finances 1924-1929
Churchill est surpris d'apprendre qu'il est nommé ministre des Finances du Royaume-Uni, et demande au Premier ministre Le foutu canard va-t-il nager? De fait, il confie un jour à son secrétaire privé parlementaire Robert Boothby, après une réunion avec des économistes, des banquiers et des hauts fonctionnaires des finances : si seulement c'étaient des amiraux ou des généraux. Je parle leur langue, et je peux les battre. Mais au bout d'un instant, ces types commencent à parler chinois. Et alors je suis noyé. À ce poste, Churchill dirigera le désastreux retour à l'étalon-or qui aboutit à la déflation, au chômage et à la grève des mineurs, prémices de la grève générale de 1926. Manchester note qu'il est malgré tout loin d'être le pire Chancelier de l'échiquier qu'a connu le pays. L'élément le plus notable de son premier budget est le retour à l'étalon-or. En fait, Churchill a beaucoup hésité et beaucoup consulté, car il craint pour l'industrie britannique. Il se heurte à la détermination des hauts responsables économiques et financiers Otto Niemeyer, Ralph George Hawtrey du trésor, Lord Bradbury du Joint Select Committee, chargé d'étudier la question, et Montagu Norman de la Banque d'Angleterre. Côté politique, le Premier ministre aurait été déçu que Churchill prenne une autre décision, d'autant plus que Philip Snowden, son prédécesseur travailliste, est favorable à la mesure. En revanche y sont opposés John Maynard Keynes et Reginald McKenna. Lors d'un dîner le 27 mars 1925 où Bradbury et Niemeyer font face à Keynes et MacKenna ce dernier affirme qu'en matière de politique pratique Churchill n'a pas d'autre possibilité que le retour à l'or. Churchill prend alors la décision qu'il considérera comme la plus grande erreur de sa vie, en ayant déjà conscience de son caractère plus politique qu'économique. Dans son discours sur le projet de loi, il déclare : Je vais vous dire ce qu'il [le retour à l'étalon-or va nous attacher. Il va nous attacher à la réalité ». Cette décision incite Keynes à écrire The Economic Consequences of Mr. Churchill, faisant valoir que le retour à l'étalon-or avec sa parité d'avant-guerre en 1925, 1 £ = 4 86 $, conduirait à une dépression mondiale. Sont également opposés à cette décision Lord Beaverbrook et la fédération des industries britanniques. Son premier projet de budget comporte aussi plusieurs mesures sociales comme l'abaissement de l'âge de la retraite, les subsides aux veuves et aux orphelins ainsi qu'un accès plus facile aux aides sociales. Elles sont financées par une baisse des impôts pour les plus pauvres et une hausse pour les revenus non salariaux ainsi qu'une baisse du budget de la Défense, Marine et aviation notamment. Il ne sera en faveur du réarmement qu'à partir des années 1930.
Le retour au taux de change d'avant-guerre et à l'étalon-or déprime les industries. La plus touchée est celle du charbon. Déjà affectée par la baisse de la production depuis que les navires sont passés au pétrole, le retour aux changes d'avant-guerre crée des coûts additionnels pouvant atteindre 10 % pour l'industrie. En juillet 1925, les propriétaires des mines de charbon veulent imposer une baisse des salaires pour faire face à la concurrence étrangère. Le gouvernement qui craint un conflit dur nomme une commission d'enquête présidée par Herbert Samuel. Il verse en attendant une subvention aux entreprises. La Commission conclut que les propriétaires des mines ont réalisé d'importants bénéfices et négligé les investissements de telle sorte que le matériel est désuet et que de forts gains de productivité sont possibles. Pourtant, Baldwin ne veut pas forcer les propriétaires des mines à investir et maintient que des baisses de salaires sont nécessaires. Cela conduit à la grève générale de 1926. Une fois le bras de fer commencé Churchill ne veut absolument pas capituler et Baldwin, qui ne veut pas que Churchill se mêle trop de la question, le charge de la British Gazette, un organe gouvernemental de presse temporaire chargé de faire connaître au public, alors que les journaux sont en grève et ne paraissent plus, la position du gouvernement. Churchill se met au travail avec entrain et sans aucune impartialité, car l'État ne peut être impartial dans ses rapports entre lui-même et le groupe de sujets contre lequel il lutte. Le journal connait une forte progression de sa diffusion pour le dernier numéro correspondant au dernier jour de grève, avec 2 209 000 exemplaires diffusés. Une fois la victoire atteinte Churchill tient à ce que le gouvernement fasse preuve de magnanimité, mais du fait des réticences patronales, et malgré ses efforts, la grève est relancée dans les mines et dure jusqu'au début de l'hiver. En 1927, lors d'une conférence de presse à Rome, il tient des propos favorables à Mussolini qui provoquent la fureur du rédacteur en chef du Manchester Guardian. Pour sa défense, Churchill affirme que l'Angleterre doit défendre tout régime continental opposé à son plus grand ennemi, le communisme.
La philosophie de l'Histoire de Churchill
La parution des volumes de The World Crisis, littéralement Le Monde en crise s'échelonne entre 1923 et 1931. Une des thèses centrales des deux premiers volumes parus en 1923 peut être formulée ainsi : durant le conflit, les professionnels de la guerre, généraux et amiraux – the brass-hat –, ont eu régulièrement tort, tandis que les professionnels de la politique – the frocks – ont eu généralement raison. John Maynard Keynes, qui apprécie l'ouvrage, suggère dans une remarque les réserves qu'il inspire au Groupe de Bloomsbury. Pour lui, le livre provoque un peu d'envie peut-être, devant sa conviction inébranlable que les frontières, les races, les patriotismes, et même les guerres s'il le faut, sont des vérités ultimes de l'Humanité, ce qui confère dans son esprit une sorte de dignité et même de noblesse à des évènements qui ne sont pour d'autres qu'un intermède cauchemardesque, quelque chose qu'il convient d'éviter constamment. Dans Toughts and Adventure, Churchill développe une vision de l'Histoire à l'opposé de celle de Karl Marx. Pour lui, elle est d'abord faite par les grands hommes. Dans le livre précédemment cité, il écrit : l'histoire du monde est principalement le geste des êtres exceptionnels, dont la pensée, les actions, les qualités, les vertus, les triomphes, les faiblesses ou les crimes ont dominé la fortune des hommes. De là découlent selon François Bédarida trois conséquences. Tout d'abord, l'Histoire, soumise au libre choix des hommes, est imprévisible. Ensuite, pour Churchill, le présent éclaire plus le passé que l'inverse. Par exemple, dans son livre sur son ancêtre, le Duc de Malborough, c'est le présent, les actions de Lloyd George ou même d'Hitler, qui lui permettent de comprendre le xviie siècle. Enfin, comme pour le grand historien Whig Lord Acton, et, dans une moindre mesure, comme Augustin d'Hippone, il voit l'Histoire comme un combat moral entre le bien et le mal. De là , il s'ensuit que, pour Bédarida, Churchill adopte une approche à la fois idéologique et mythique dans la lignée de la Conception whig de l'histoire.
Traversée du désert
Churchill a écrit une biographie de son ancêtre John Churchill, 1er duc de Marlborough dans le milieu des années 1930. Le gouvernement conservateur est défait aux élections générales de 1929. Churchill prend du recul et va faire un cycle de conférences aux États-Unis il est présent par hasard à la tribune de la bourse de Wall Street le Jeudi noir qui plonge le monde et la Grande-Bretagne dans la crise. En désaccord avec la majorité du parti conservateur sur les questions de protection tarifaire et du mouvement pour l'indépendance de l'Inde, il n'occupe rapidement plus aucune position d'influence dans le parti. Lorsque, face à la crise, Ramsay MacDonald forme le gouvernement d'unité nationale en 1931, il n'est pas invité à s'y joindre. Sa carrière est au ralenti, c'est une période connue comme étant sa traversée du désert. Me voici, après quelque trente années à la Chambre des communes, après avoir détenu plusieurs des plus hautes fonctions de l'État. Me voici congédié, écarté, abandonné, rejeté et détesté. Parlant des hommes politiques en vue de l'époque Ramsay MacDonald et Stanley Baldwin ... deux infirmières idéales pour garder le silence dans une chambre obscure. La majeure partie des années suivantes est consacrée à ses écrits, dont Marlborough : His Life and Times, une biographie de son ancêtre John Churchill, 1er duc de Marlborough, A History of the English-Speaking Peoples, œuvre publiée bien après la Seconde Guerre mondiale, et Great Contemporaries, une série de portraits d'hommes ou de femmes politiques contemporains comme Nancy Astor ou Ramsay MacDonald. Il est alors l'un des écrivains les mieux payés de son temps. Pour sa femme Clémentine, et plus tard pour Churchill lui-même, cet isolement est une chance car, eût-il été ministre, il y a peu de chances qu'il eût pu réellement peser sur le cours des événements tellement la situation politique intérieure était, selon elle, déprimante. Durant les années 1930, trois éléments au moins expliquent la persistance de sa traversée du désert : sa position sur l'IndeBe 15, son rôle dans l'affaire de l'abdication royale qui renforce dans l'opinion l'idée que Churchill est imprévisible, et son opposition à l'Allemagne nazie, qui pour lui représente la principale menace, le fascisme italien ou l'Espagne franquiste, dont il faut néanmoins éviter qu'ils ne renforcent l'Allemagne, étant pour lui moins importants. Cela le met en porte-à -faux par rapport à une classe politique pacifiste. Pour toutes ces raisons, son parti préfère, dans la seconde moitié des années 1930, nommer au poste de Premier ministre un homme comme Neville Chamberlain.
Le statut de l'Inde Partition des Indes.
Au cours de la première moitié des années 1930, Churchill est franchement opposé à l'octroi du statut de dominion à l'Inde. Après un voyage aux États-Unis en 1930, il aurait dit : « l'Inde est un terme géographique, ... elle n'est pas plus une nation unie que l'Équateur. Il est l'un des fondateurs de la Ligue de défense de l'Inde, un groupe dédié à la préservation du pouvoir britannique dans la colonie. Dans des discours et des articles de presse de cette période, il prévoit un taux de chômage britannique élevé et la guerre civile en Inde si l'indépendance devait être accordée. Le vice-roi Edward Wood, qui deviendra Lord Halifax, qui avait été nommé par le précédent gouvernement conservateur, participe à la première Round Table Conference, qui se tient de novembre 1930 à janvier 1931, puis annonce la décision gouvernementale selon laquelle l'Inde devrait recevoir le statut de dominion. En cela, le gouvernement est appuyé par le Parti libéral et par la majorité du Parti conservateur. Churchill dénonce la conférence. Lors d'une réunion de l'Association conservatrice d'Essex-Ouest spécialement convoquée afin que Churchill puisse expliquer sa position, il affirme : il est aussi alarmant et nauséabond de voir M. Gandhi, un avocat séditieux du Middle Temple, qui pose maintenant comme un fakir d'un type bien connu en Orient, montant à demi-nu jusqu'aux marches du palais du vice-roi ... afin de parlementer sur un pied d'égalité avec le représentant de l'empereur-roi. Il nomme les dirigeants du Congrès indien « des brahmanes qui vocifèrent et baratinent les principes du libéralisme occidental.
Deux incidents contribuent à affaiblir la position déjà chancelante de Churchill au sein du Parti conservateur et tous deux sont considérés comme des attaques envers la majorité des conservateurs. La veille d'une élection partielle à St-George, en avril 1931 où le candidat officiel du parti Duff Cooper est opposé à un conservateur indépendant appuyé par Lord Rothermere, Lord Beaverbrook et leurs journaux respectifs, il prononce un discours considéré comme une déclaration de soutien au candidat indépendant et comme un appui à la campagne des barons de la presse contre Baldwin. Finalement l'élection de Duff Cooper renforce BaldwinRh 6d'autant que la campagne de désobéissance civile en Inde cesse avec le pacte Gandhi-Irwin Irwin deviendra Lord Halifax. Le deuxième incident fait suite à une mise en cause de Samuel Hoare et Lord Derby selon laquelle ils auraient fait pression sur la Chambre de commerce de Manchester afin qu'elle modifie le rapport transmis au Joint Select Committee, examinant la loi sur le gouvernement de l'Inde, violant ainsi le privilège parlementaire. Churchill évoque la question devant le Comité des privilèges de la Chambre des communes qui, après enquête, rapporte à la Chambre qu'il n'y a pas eu violation. Le rapport est débattu le 13 juin. Churchill n'est pas en mesure de trouver un seul partisan et le débat prend fin sans vote. Churchill rompt définitivement avec Stanley Baldwin sur le statut de l'Inde, et n'obtient aucun ministère tant que celui-ci est Premier ministre. Par ailleurs, il se prive du soutien de personnalités progressistes du Parti conservateur tels qu'Anthony Eden, Harold Macmillan ou Duff Cooper qui auraient pu l'aider dans sa lutte contre la politique d'apaisement menée envers Hitler. En fait, trois éléments posent problème à Churchill. Durant cette période, l'Angleterre abandonne de facto le libre-échange qui a été le pilier de sa doctrine depuis le milieu du XIXe siècle. Par ailleurs, avec l'indépendance de l'Inde qu'il voit se dessiner, l'Angleterre devient une puissance moyenne : sans ses possessions impériales, le pays ne serait plus qu'une île obscure au large du continent européen. Enfin, Churchill cherche à revenir au pouvoir. Pour Lord Beaverbrook, son attitude relève du vice de caractère qui le conduit à accepter n'importe quoi pourvu que cela conduise au pouvoir. Pour certains historiens, l'explication de l'attitude de Churchill à l'égard de l'Inde est à chercher dans son livre My Early Life, publié en 1930.
Le réarmement de l'Allemagne
À partir de 1932, il s'oppose à ceux qui préconisent de donner à la République de Weimar le droit de parité militaire avec la France, et parle souvent des dangers de son réarmement. Sur ce point, il suit Lord Lloyd qui le premier a mis en garde contre ce problème. L'attitude de Churchill envers les futurs membres de l'Axe Rome-Berlin-Tokyo est ambigüe. En 1931, il met en garde la Société des Nations lorsqu'elle veut s'opposer à l'invasion japonaise en Mandchourie : J'espère que nous allons essayer en Angleterre de comprendre la position du Japon, un État ancien... D'un côté, il fait face à la sombre menace de la Russie soviétique. De l'autre, il y a le chaos de la Chine, avec quatre ou cinq provinces qui sont torturées sous le régime communiste. Dans les articles de presse, il compare le gouvernement républicain espagnol à un bastion du communisme, et voit l'armée de Franco comme un mouvement anti-rouges. À partir de 1933, des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères qui sont en désaccord avec la politique suivie envers l'Allemagne vont commencer à tenir Churchill informé de ce qui se passe exactement. Les plus notables de ses informateurs sont Ralph Wigram, directeur du département Europe centrale, et dans une moindre mesure Robert Vansittart, ainsi que le lieutenant colonel Thor Anderson – une connaissance de sa secrétaire principale Violet Pearman. Wigram lui apprend notamment que les nazis construisent en secret des sous-marins et des avions. Ces informations nourrissent son premier grand discours sur la défense du 7 février 1934, où il insiste sur la nécessité de reconstruire la Royal Air Force et de créer un ministère de la Défense. Son poids politique commence alors à reprendre de la consistance et il est rejoint par des hommes comme Leo Amery ou Robert Horne, ce qui force Baldwin à prendre l'engagement de maintenir l'aviation anglaise à parité avec l'aviation allemande ; ce sera fait après bien des avanies. Notons que Churchill n'est pas forcément un visionnaire en matière d'avions, car il n'est pas très enthousiaste pour la production des deux types d'avion qui pourtant lui permettront de gagner la bataille d'Angleterre : le Supermarine Spitfire et le Hawker Hurricane. Son second, le 13 juillet, demande instamment un pouvoir renforcé de la Société des Nations. Ces points restent ses thèmes primordiaux avant 1936. Dans un essai de 1935, intitulé Hitler and his Choice et republié dans Great Contemporaries en 1968, il exprime l'espoir qu'en dépit de son ascension au pouvoir par des méthodes dictatoriales, par la haine et la cruauté, Hitler puisse encore passer à l'Histoire comme l'homme qui a restauré l'honneur et la tranquillité d'esprit de la grande nation germanique, de nouveau sereine, utile et forte, et au premier plan du cercle de la famille européenne. Lorsqu'Hitler peu de temps après décrète à nouveau la conscription, il espère que la France fasse usage de sa supériorité temporaire pour attaquer l'Allemagne, ce qu'elle ne fait pas comme Hitler l'a anticipé. Churchill s'oppose avec David Lloyd George au Traité naval germano-britannique de juin 1935 car pour lui, le Royaume-Uni a tort d'accepter qu'en violation des traités l'Allemagne ait autant de sous-marins que le Royaume-Uni et que sa flotte puisse se situer à 35% de son homologue britannique. En effet, la flotte britannique a un Empire à défendre et n'est pas circonscrite comme les Allemands à la mer du Nord. Lors de ce pacte le Royaume-Uni ne prend pas vraiment l'aval de Paris qui ne dit rien. Par contre, il ne s'oppose pas au pacte Hoare-Laval sur l'Éthiopie, car il veut ménager l'Italie pour essayer de la couper de l'Allemagne nazie qui est son principal adversaire Quand les Allemands réoccupent la Rhénanie en février 1936, la Grande-Bretagne est divisée : l'opposition travailliste est fermement opposée à toute sanction, tandis que le gouvernement national est désuni, entre ceux qui soutiennent des sanctions économiques, et ceux qui affirment que cela peut conduire à un recul humiliant de la Grande-Bretagne, car la France ne pourrait soutenir une intervention. Le discours mesuré de Churchill, le 9 mars, est salué par Neville Chamberlain comme constructif. Pourtant dans les semaines suivantes, il n'obtient pas le poste de ministre pour la Coordination de la Défense, qui échoit au procureur général Thomas Inskip. En juin 1936, Churchill organise une délégation de hauts responsables conservateurs, qui partagent son inquiétude, afin de voir Baldwin, Chamberlain et Halifax. Il essaie de convaincre des délégués des deux autres partis de se joindre à eux, et, plus tard, écrit : si les dirigeants de l'opposition des libéraux et du Labour étaient venus avec nous, cela aurait pu aboutir à une situation politique aussi puissante que les résultats des actions mises en place. Mais son initiative n'aboutit à rien, Baldwin faisant valoir que le gouvernement fait tout ce qu'il peut étant donné le sentiment antiguerre de l'électorat. Le 12 novembre, Churchill revient sur le sujet dans un discours que Robert Rodhe James qualifie comme étant l'un des plus brillants de Churchill au cours de cette période. Après avoir donné quelques exemples qui montrent que l'Allemagne se prépare à la guerre, il dit : le gouvernement est incapable de prendre une décision ou de contraindre le Premier ministre à en prendre une. Les membres du cabinet s'empêtrent dans d'étranges paradoxes, bien décidés à ne rien décider, bien résolus à ne rien résoudre ; ils mettent toute leur énergie à filer à la dérive, tous leurs efforts à être malléables, toutes leurs forces à se montrer impuissantes. Les mois et les années qui vont suivre seront d'un si grand prix pour la grandeur de l'Angleterre, elles seront même d'une importance vitale, mais ils ne feront rien, ils nous laisseront nous faire dévorer par les sauterelles. En face, la réponse de Baldwin semble faible et perturbe la Chambre.
Crise d'abdication d'Édouard VIII.
En juin 1936, Walter Monckton confirme à Churchill que les rumeurs selon lesquelles le roi Édouard VIII a l'intention d'épouser Wallis Simpson, une roturière américaine, sont crédibles, ce qui le contraindrait à abdiquer. En novembre, il refuse l'invitation de Lord Salisbury à faire partie d'une délégation de conservateurs chevronnés qui veut discuter avec Baldwin de la question. Le 25 novembre, lui, Attlee et le leader libéral Archibald Sinclair s'entretiennent avec Baldwin, qui leur annonce officiellement l'intention du roi. On leur demande s'ils accepteraient de prendre la suite du gouvernement national en place s'il démissionnait en cas de refus du roi de se soumettre. Attlee et Sinclair font part de leur solidarité avec Baldwin sur cette question. Churchill répond que son état d'esprit est un peu différent, mais qu'il soutiendrait le gouvernement. La crise d'abdication devient publique dans les quinze premiers jours du mois de décembre 1936. À ce moment, Churchill donne officiellement son soutien au roi. La première réunion publique du Arms and the Covenant Movement a lieu le 3 décembre. Churchill était un grand orateur et écrivit plus tard que dans la réponse au discours de remerciement, il fait une déclaration sur l'inspiration du moment, demandant un délai avant que toute décision soit prise soit par le roi soit par son cabinet. Plus tard dans la nuit, Churchill examine le projet de déclaration d'abdication, et en discute avec Beaverbrook et l'avocat du roi. Le 4 décembre, il rencontre le monarque et l'exhorte de nouveau à retarder toute décision. Le 5 décembre, il publie une longue déclaration dénonçant la pression inconstitutionnelle que le ministère applique sur le roi, pour le forcer à prendre une décision hâtive. Le 7 décembre, il tente d'intervenir aux Communes pour plaider en faveur d'un délai. Il est hué. Apparemment déstabilisé par l'hostilité de tous les membres, il quitte la salle. La réputation de Churchill au Parlement, comme dans le reste de l'Angleterre, est gravement compromise. Certains, comme Alistair Cooke, l'imaginent essayant de fonder un parti royaliste, le King's Party. D'autres, comme Harold Macmillan, sont consternés par les dégâts, provoqués par l'appui de Churchill au roi, envers le Arms and the Covenant Movement. Churchill lui-même écrit plus tard : J'ai été frappé que dans l'opinion publique, cela fut presque unanimement vu comme la fin de ma vie politique. Les historiens sont divisés sur les motifs de Churchill à apporter son soutien à Édouard VIII. Certains, comme A. J. P. Taylor, voient cela comme une tentative de « renverser un gouvernement d'hommes faibles. D'autres, comme Rhode James, voient les motivations de Churchill comme honorables et désintéressées.
Loin du pouvoir mais présent
S'il est vrai qu'il a peu d'appui à la Chambre des communes pendant une bonne partie des années 1930, qu'il est isolé au sein du Parti conservateur, son exil est plus apparent que réel. Churchill continue d'être consulté sur de nombreuses questions par le gouvernement, et est toujours considéré comme un leader alternatif. Même à l'époque où il fait campagne contre l'indépendance de l'Inde, il reçoit des informations officielles, et par ailleurs secrètes. Dès 1932, le voisin de Churchill, le major Desmond Morton, avec l'approbation de Ramsay MacDonald, lui donne des informations du même type sur la force aérienne allemande. À partir de 1930, Morton dirige un département du Comité de Défense impériale chargé de la recherche sur la capacité opérationnelle des défenses des autres nations. Lord Swinton, en tant que Secrétaire d'État de l'air, et avec l'approbation de Baldwin, lui donne accès en 1934 à tous ces renseignements. Tout en sachant que Churchill resterait très critique envers le gouvernement, Swinton le renseigne, car il pense qu'un adversaire bien informé est préférable à un autre se fondant sur des rumeurs et des ouï-dire. Churchill est un féroce opposant de la politique d'apaisement de Neville Chamberlain envers Adolf Hitler et après la crise de Munich, au cours de laquelle la Grande-Bretagne et la France ont abandonné la Tchécoslovaquie à l'Allemagne, il déclare de façon prophétique au cours d'un discours à la Chambre des communes : Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre. Ce moment restera à jamais gravé dans vos cœurs. Churchill est, alors, en faveur d'une alliance avec l'URSS. En effet, il estime qu'elle est nécessaire à la lutte contre l'Allemagne nazie. Il tente d'autant plus de faire avancer ce dossier qu'il connaît l'ambassadeur soviétique au Royaume-Uni, Ivan Maisky, et qu'il sait que le ministre des Affaires étrangères soviétique Maxime Litvinov pousse dans ce sens. Mais, Neville Chamberlain et son ministre des Affaires étrangères s'opposent à une telle alliance, tout comme, d'ailleurs, l'administration française. Face à cette situation Joseph Staline limoge Litvinov et nomme Molotov à sa place pour mener une politique qui conduit au pacte germano-soviétique, le 23 août 1939.
L’influence de Churchill, bien qu'il n'ait plus aucun poste officiel, s'explique par plusieurs raisons. Tout d'abord, en Angleterre, les apparences peuvent être trompeuses. Il rappelle que « des décisions politiques historiques, dont certaines figurent dans The English Constitution de Walter Bagehot ont été prises par des hommes qui n'ont jamais exercé de fonctions publiques et n'ont jamais siégé au parlement. D'autre part, Churchill a une présence imposante, il montre qu'il est là , il sait se faire entendre, voire en imposer aux autres. Enfin, il est considéré comme faisant partie de la classe dirigeante de son pays tant en raison des postes importants qu'il a tenus, que de son ascendance. Hitler a traité avec Chamberlain qu'il n'aimait pas mais qu'il trouvait malléable ; avec Churchill, les choses sont différentes. En effet, si comme W. Manchester et Walter Lippmann, on pense que la qualité indispensable à l'exercice des fonctions suprêmes est le tempérament, et non l'intelligence, alors, Churchill et Hitler l'ont en commun : tous deux ont un fort tempérament même s'ils n'en font pas le même usage et s'ils n'ont pas les mêmes fins. Au demeurant, ils partagent d'une certaine façon ce trait de caractère avec les deux ou trois autres Grands de la deuxième guerre mondiale.
Churchill durant la Seconde Guerre mondiale Le Premier Lord de l'Amirauté is back
Après le pacte germano-soviétique du 23 août 1939, les événements se précipitent. L'Allemagne envahit la Pologne le 3 septembre 1939, ce qui oblige le Royaume-Uni à lui déclarer la guerre. Churchill est alors nommé Premier Lord de l'Amirauté et membre du Cabinet de guerre, tout comme il l'avait été pendant la première partie de la Première Guerre mondiale. La légende veut que lorsqu'il en est informé, le Conseil de l'Amirauté envoie ce message à la flotte : Winston is back60. En fait, pour François Bédarida, il n'en est rien, le biographe de Churchill Martin Gilbert n'ayant jamais trouvé trace de ce message. En revanche, il est exact que la marine accueille favorablement sa nomination. Churchill est nommé en raison de la défiance des députés et d'une partie du gouvernement envers le Premier ministre Neville Chamberlain. Aussi, celui-ci juge opportun de faire entrer au gouvernement un député partisan d'une attitude plus résolue face à l'Allemagne nazie. Peu de temps après sa nomination, Churchill reçoit un appel téléphonique de Franklin Delano Roosevelt l'informant que l'amiral Raeder de la marine allemande l'a averti d'un complot britannique visant à couler un bateau américain l'Iroquoi et d'en faire porter la responsabilité sur les Allemands. Les Britanniques vérifient que le complot n'est pas allemand couler le bateau pour leur en faire porter la responsabilité. Finalement rien ne se passe et l'incident marque surtout le début d'un long échange épistolaire de mille six cent quatre-vingt-huit lettres entre les deux hommes. À l'Amirauté, Churchill est très occupé. En effet, durant la drôle de guerre, les seules actions notables ont lieu en mer. Comme au cours de la Première Guerre mondiale, la Royal Navy subit d'abord des pertes avant de connaître une première victoire sur le Graf Spee lors de la bataille du Rio de la Plata. À ce poste, Churchill montre qu'il sait se faire obéir et que son autorité n'est pas contestée. Churchill préconise l'occupation préventive du port de Narvik où transite le minerai de fer de la Norvège, alors neutre, et des mines de fer de Kiruna, en Suède vers l'Allemagne. Néanmoins, Chamberlain et une partie du Cabinet de guerre sont en désaccord sur ce qu'il convient de faire, retardant l'opération jusqu'à l'invasion allemande de la Norvège. Tout cela conduit les députés à douter de plus en plus des capacités de Chamberlain à conduire le pays en temps de guerre. Après un vote du Parlement où il ne fait pas le plein des voix escomptées et où il est très critiqué, Neville Chamberlain se résout le 8 mai 1940 à la création d'un gouvernement d'union nationale. Pourtant, si les travaillistes veulent bien d'un tel gouvernement, ils ne veulent pas de Chamberlain comme Premier ministre.
Churchill Premier ministre d'un gouvernement de coalition Organisation défensive du Royaume-Uni pendant la Seconde Guerre mondiale.
À partir du 8 mai 1940 et de la décision de Chamberlain de créer un cabinet d'union nationale, les choses se précipitent. Les travaillistes, réunis en congrès à Bournemouth, confirment qu'ils sont prêts à participer à un gouvernement mais sous l'autorité d'un nouveau Premier ministre. Hugh Dalton fait ajouter cette précision car il craint que Chamberlain ne s'accroche au pouvoir. De fait, lorsque le 10 mai 1940, une attaque éclair sur les Pays-Bas et la Belgique, prélude à l’invasion allemande de la France, est déclenchée par Adolf Hitler, Chamberlain semble vouloir profiter de la situation pour se maintenir au pouvoir. Quoi qu'il en soit la décision travailliste l'oblige à aller remettre sa démission au roi et à suggérer le nom du successeur. Lord Halifax, le favori de Chamberlain, du roi George VI et des conservateurs refuse le poste de Premier ministre, parce qu'il pense ne pas pouvoir gouverner efficacement en tant que membre de la Chambre des Lords, estimant qu'un Premier ministre doit siéger à la Chambre des communes. Reste donc Winston Churchill, ce qui n'enchante ni le roi ni l' establishment. Le News Chronicle faisant état d'un sondage d'opinion montre que les partisans de Churchill se trouvent alors parmi les membres des groupes de revenus inférieurs, les personnes de vingt-et-un ans à trente ans et les hommes.... Lorsqu'il se présente au Parlement, Churchill est moins applaudi que son prédécesseur Chamberlain, qui d'ailleurs reste à la tête du partiWm. Cette tiédeur envers Churchill tiendrait au fait que l'establisment anglais voit en Adolf Hitler le produit de forces sociales et historiques complexes, quand Churchill, homme convaincu que les individus sont responsables de leur actes, le voit comme représentant les forces du Mal et voit le conflit comme un combat manichéen. Churchill forme alors un gouvernement, rassemblant le Cabinet de guerre et les ministres, responsables des décisions stratégiques. Ce Cabinet de guerre se compose, en sus de Churchill, de deux conservateurs : Neville Chamberlain et Lord Halifax, et de deux travaillistes : Clement Attlee, Lord du Sceau privé, et Arthur Greenwood. Le gouvernement lui-même est composé à la fois des membres éminents des partis conservateur et travailliste et, dans une moindre mesure, de libéraux et indépendants. Parmi les ministres, on peut citer les noms de Duff Cooper, un conservateur critique à l'Information, d'Anthony Eden à la Guerre puis aux Affaires étrangères, de Archibald Sinclair, un libéral, à l'Air, du syndicaliste Ernest Bevin au ministère du Travail, d'Herbert Morrison à la production industrielle, de Hugh Dalton travailliste à la Guerre Économique ; A.V. Alexander travailliste étant Premier Lord de l'Amirauté. Les Finances sont d'abord confiées à Kingsley Wood puis à John Anderson, deux conservateurs. Toutefois, concernant les problèmes économiques, les techniciens, parmi lesquels John Maynard Keynes, disposent d'une large autonomie. En février 1942 intervient un remaniement : Clement Attlee devient vice-Premier ministre, Lord Beaverbrook, chargé de la production d'avions, démissionne, Oliver Lyttelton devient ministre de la Production, Lord Cranborne ministre des colonies, et James Grigg, un technocrate, remplace David Margeson au ministère de la Guerre. Churchill, quand il est nommé Premier ministre, a près de soixante cinq ans. S'il est le doyen de ses grands homologues Franklin Delano Roosevelt et Joseph Staline, c'est malgré tout à lui qu'il reste le plus d'années à vivre. Pourtant, il est doté d'une santé relativement fragile. Il fait une légère crise cardiaque en décembre 1941 à la Maison-Blanche, et contracte une pneumonie en décembre 1943. Cela ne l'empêche pas de parcourir plus de 160 000 km tout au long de la guerre, notamment à l'occasion de rencontres avec les autres dirigeants. Pour des raisons de sécurité, il voyage habituellement en utilisant le pseudonyme de colonel Warden.
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Posté le : 29/11/2014 21:00
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