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Accueil >> newbb >> Défi du 7 mars 2015 [Les Forums - Défis et concours]

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Défi du 7 mars 2015
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Bonjour les amis lorêens,

Pour le defi de cette semaine m'est venue une phrase :"Demain j'arrête !". Et voilà qui devrait vous inspirer.

Déchaînez votre imagination.

J'ai hâte de vous lire.

Bon weekend.

Couscous


Posté le : 07/03/2015 07:21
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Re: Défi du 7 mars 2015
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Ho bah j'en serais cette semaine, je vais réfléchir à ça :)


Posté le : 07/03/2015 10:20
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Re: Défi du 7 mars 2015
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Demain j'arrête


J’étais tranquillement en train d’écouter « Good times bad times » de Led Zeppelin quand Delphine fit irruption dans mon bureau.
— Je l’ai, ça y est j’ai trouvé, hurla-t-elle dans mes pauvres oreilles au moment même où Robert Plant miaulait le chorus de fin.

J’aimais beaucoup Delphine. Elle signait mes chèques de salaire, décidait de la stratégie éditoriale du journal, trouvait les annonceurs, bref fournissait l’énergie essentielle au fonctionnement de notre petite entreprise. Nous étions tous prêts à nous jeter dans le Styx pour elle, du petit stagiaire en marketing au grand reporter blasé. Delphine représentait le fer de lance du journalisme belge. Cette tornade sur pattes avait transformé un obscur canard de campagne baptisé « Le Hurlu de Mouscron » en digne rival du Washington Post, en réel quatrième pouvoir face aux politiques dépassés et à la justice bipolaire du monde occidental.

Delphine me regarda avec la tendresse de la maman brontosaure devant ses petits au moment où l’astéroïde fatal déversait ses fragments dans le ciel. Je m’attendais au pire.
— Qu’as-tu découvert, ô ma Delphine, reine de la rédaction, parangon de la culture wallonne ?
— Tu es sérieux, Tiburce ? Tu ne te souviens pas ?
— Non, j’étais peut-être trop bourré. Avons-nous connu le Nirvana ensemble ? Vas-tu quitter ton mari et tes huit enfants pour me rejoindre dans mon petit loft du centre-ville ? Eclaire ma lanterne !
— Nous avions décidé, au sein du Comité Editorial, de réfléchir à un thème pour le numéro spécial de fin juin, celui généralement consacré aux départs en vacances. Le but, je te le rappelle, était de se démarquer de nos concurrents et de leurs sempiternels articles sur les régimes, le sexe et les destinations ensoleillées. Même toi, notre plumitif en charge des arts et des lettres, notre expert en rock’n roll attitude, tu étais concerné.

Mon cerveau lança l’alerte rouge, celle réservée aux arguments de mauvaise foi et aux excuses à deux balles. Mes cellules grises, encore sous le charme des solos de Jimmy Page, sonnèrent le rassemblement. « Il faut sauver le soldat Tiburce ! » s’afficha en quatre par trois dans mon cortex cérébral. Un neurone pourpre, certainement le leader des conjurés synaptiques, prit la parole.
— Camarades, nous sommes dans la merde. Notre Tiburce bien-aimé a oublié la dernière session extraordinaire du Comité Editorial. Il ne s’est jamais mis en quête d’un thème. Delphine va le confondre. Sa crédibilité est en jeu. Trouvons une parade !

La réponse fut immédiate. J’ouvris de grands yeux chargés de larmes puis m’effondrai dans les bras de Delphine.
— Je dois t’avouer, Delphine : je n’ai pas pondu d’idée intelligente, du moins à la hauteur du défi lancé par le Comité Editorial. Depuis ce sombre jour, c’est le spleen. Mon imagination est en berne. J’ai honte tellement mes propositions sont nulles. Jamais, m’entends-tu, jamais je ne me suis senti aussi mauvais, même quand j’avais écrit une critique favorable à un film des frères Dardenne. Pour te dire à quel point je suis dans le trou.
— Tiburce, je suis bouddhiste tu le sais. La rédactrice en chef sage est celle qui connait les limites de ses journalistes. J’ai donc anticipé ton forfait. Tu t’en tireras avec une tournée de bières au « Hurlu qui fume ».
— C’est d’accord ! Allons-y de ce pas !
— Tut tut tut, mon cher Tiburce, il n’est que dix heures du matin. De plus, j’ai le thème du numéro spécial de juin. J’en suis assez fière, d’ailleurs.

Ma boite crânienne devint le siège d’une hola mémorable. Mes cellules grises virèrent au pourpre, comme leur leader du moment, dans un mouvement psychédélique digne des années soixante.
— Nous l’avons échappé belle, admit un vieux neurone crispé, un survivant des soirées space-cakes et autres gabegies de ma jeunesse bruxelloise. Delphine est de bonne humeur aujourd’hui. Maintenant, il faut adopter un profil bas, écouter attentivement sa proposition et surtout la déclarer géniale, avec tambours et trompettes si possible.

La stratégie fut adoptée à l’unanimité des synapses. Je gratifiai donc Delphine de mon plus beau sourire, celui normalement réservé aux clones de Monica Bellucci malheureusement trop rares dans les estaminets de Mouscron.
— Brise le vase de mon ignorance, Delphine !
— Pour cela il me faudrait Excalibur, Tiburce. Je ne prétendrai pas réussir un tel exploit en une seule vie. Faisons les choses dans l’ordre : d’abord, je te révèle le thème.
— Je suis tout ouïe !
— Il se résume en une simple phrase : Demain j’arrête.
— Diantre !
— Je ne te le fais pas dire. Qu’en penses-tu, Tiburce ? Tu peux te lâcher, je sais entendre.
— C’est fabuleux, grandiose, quantique, digne de la Grèce Antique. Avant je t’admirais, désormais je t’adulerai, te porterai au Panthéon de mes pensées, sur l’Everest de mes rêves.
— Parfait ! J’en conclus que tu peux rédiger un bel article sur le sujet, en rapport, cela va de soi, avec tes compétences en matière d’arts et de lettres.
— Tu l’auras !
— Quand ?
— D’ici peu !
— Va pour vendredi prochain dernier délai ! Nous sommes d’accord ?
— Considère-le comme écrit, relu, corrigé et publié.

Ma cervelle de critique d’art échappa de peu à une révolution neuronale. Une cellule grise commença à critiquer la stratégie précédente, malgré son résultat immédiat sur ma crédibilité.
— C’est du grand n’importe quoi ! Déjà qu’on a du mal à pondre trente lignes sur le dernier album de Vanessa Paradis ou le prochain film de Steven Seagal.
— Toujours à te plaindre, objecta le leader pourpre. Tu dois avoir des gènes de Français. A quand la grève, la marche jusqu’à la Place de la Bastille ?
— Nous allons dans le mur, répliqua le gris. Plus large que ce sujet, je ne vois pas. Comment cet abruti de Tiburce va-t-il tenir son engagement ?
— Tu oublies, pépé, un fondamental : nous sommes Tiburce ! Ensemble nous pouvons déplacer des montagnes, ouvrir des mers, convertir des infidèles.
— Alléluia gloria !

Je regardai Delphine s’éloigner. Elle m’avait laissé la patate chaude, sans fromage ni bacon. Je devais réagir, surtout dans un tel contexte de révolte cérébrale.
Heureusement, dans de telles situations, j’avais une parade héritée de mes longues années de psychanalyse. Je sortis deux doudous de mon tiroir. Ils étaient assez basiques, faits de laine et de ficelle, achetés dans un bazar de Tegucigalpa. L’un représentait un ara, l’autre une chauve-souris. Je leur avais donné de jolis petits noms : Nestor pour l’oiseau, Arielle pour le mammifère.
— Arielle, Nestor, je suis dans la panade, pour ne pas dire plus. J’ai besoin de vous.
— Je te l’avais dit, commença Arielle. Les courbettes ne servent à rien. Ce ne sont que des nids à problèmes. Tu aurais du la jouer honnête.
— On ne va pas refaire le passé, Arielle. Trouvons des solutions !
— Il est marrant ce thème, ironisa Nestor. Demain j’arrête quoi ? Les gaufres liégeoises ?

Aussi étonnant que cela puisse paraitre, les deux doudous se mirent à rire comme des baleines. Je me sentis un peu nul face à ces êtres de bric et de broc. D’un côté, Arielle me reprochait, à juste titre, mon manque de courage en face de Delphine. De l’autre, Nestor décontractait l’ambiance en pointant l’aspect ubuesque de la situation. Il ne restait plus qu’à phosphorer, à trois, sur les possibilités d’article. Le reste, rédiger cinquante lignes dans un français un brin classieux mais toujours rock’n roll, serait du gâteau.
— Delphine n’est pas de Liège, précisai-je. En plus, « Le Hurlu de Mouscron » est publié dans une quarantaine de pays, traduit dans une douzaine de langues. Je ne suis pas certain de l’intérêt des Papous pour nos gaufres. Ce n’est pas assez universel.
— Et puis ce n’est pas vraiment de la culture, persifla Arielle. Or le sieur Tiburce Dugommeau est mondialement connu pour ses chroniques artistiques.
— Ce n’était qu’un exemple, répondit Nestor. Essayez l’abstraction pour changer !
— Ce n’est pas assez rock’n roll, objectai-je.
— Quoi ? L’abstrait ?
— Pas les gaufres !
— Tiburce nous explique, par des images, sa vision de l’authenticité journalistique, ironisa Arielle. Le décalé, le différent doit s’émanciper de l’intellect. Il est temps de revenir à la force brute, au réel, au punk. C’en est fini des allégories plastiques à la Yoko Ono, des collages aléatoires à la David Bowie. On tape dans le dur, à la manière d’un Nirvana ou d’un Rammstein. Ai-je tout compris, Tiburce ?

J’avais eu raison de me fier à mes doudous. Arielle me comprenait au-delà même de ma propre perception. Nestor vulgarisait le complexe sans le rendre obscène ou vulgaire.
La solution m’apparut en Technicolor, résonnant en stéréo dans mon cortex cérébral. Mes neurones révolutionnaires applaudirent à tout rompre devant l’énoncé.
J’ouvris une nouvelle fenêtre sur mon traitement de textes, délaissant mes derniers travaux sur la filmographie de Christophe Lambert, et tapai les premiers mots de mon futur mémorable article.
« Demain j’arrête d’écrire » s’égrena en lettres capitales et en gras sur l’écran plat de mon ordinateur de bureau. Delphine allait aimer !

Posté le : 07/03/2015 15:56
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Re: Défi du 7 mars 2015
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@Donald,
Es-tu au moins conscient que tu es un très bon (pour pas dire grand) auteur. Ton style est vertigineux. Ton vocabulaire adapté à tous les tournants. Tes textes ont le rythme d'une vie intense. Et tu sembles avoir une bonne connaissance dans tous les domains.On a l'impression de voir passer un film. J'en ai encore le soufflé coupé. Tu as fait fort.

Posté le : 07/03/2015 17:09
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Re: Défi du 7 mars 2015
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Donald,

Je constate que ton inspiration a été grande face à ce thème. Je crois autant que toi dans l'avenir du "Hurlu de Mouscron" mais comment feront-ils sans la plume du grandiose Tiburce ?

Je suis toujours très heureuse d'être mise en scène (pas sûre que ce soit le même pour un des deux doudous !!).

Me voici, comme Exem, ébaubie par ta facilité de passer d'un style à l'autre et d'utiliser un vocabulaire si précis et surtout drôle.

J'ai passé un chouette moment à ta lecture.

J'espère que le final ne reste que fiction !

Merci Don

Couscous

Posté le : 07/03/2015 19:46
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Re: Défi du 7 mars 2015
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Merci mes amis.
J'avoue que ce thème ne m'inspirait pas au départ. Je ne savais pas comment le prendre.
Alors je me suis dit: et pourquoi pas s'écouter un petit album de Led Zeppelin ?
Le reste est grâce à Robert Plant, Jimmy Page, John Paul Jones et John Bonham, par leur musique inspirée.
Bises
Donald
PS: Arielle ne m'en voudra pas. Pour une fois que je ne la dépeins pas en blonde évaporée. En plus, les chauves-souris blanches du Honduras sont d'adorables et fragiles petites créatures.

Posté le : 07/03/2015 20:01
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Re: Défi du 7 mars 2015
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Bravo Donald, j'ai adoré ton texte :)
Je viens de trouver une petite idée, je reviens dans l'après-midi avec si tout va bien sinon début de la semaine :)

Posté le : 08/03/2015 12:39
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Re: Défi du 7 mars 2015
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Et voilà qui est fait, "Demain, j'arrête"


Tous les matins, c'est le même refrain . Dès la sonnerie du réveil, je hante tes pensées et tu ne penses qu'à te jeter sur moi, je suis toujours très proche de toi et tu n'attendras pas la sortie du lit avant de me porter à tes lèvres. Mais aujourd'hui, en entendant résonner les premières notes de « The end » des Doors avec lesquelles tu t'éveilles, même si rien ne peut sembler différent, je sais que je te forcerais à t'épargner mon Bébert.

Je sens ta main venir vers moi mais je ne veux pas que ça aille si vite, je me défile et je laisse la place à une de mes comparses. A peine terminée, je sais que tu vas refaire une plongée et que je vais devoir m'esquiver encore une fois. Voilà déjà deux de mes voisines qui ont disparu et la journée ne fait que commencer. J'aimerais t'éviter encore quelques heures et être la dernière survivante. On dirait que tu te diriges vers la douche, je vais pouvoir respirer quelques minutes pas comme toi qui à le souffle de plus en plus court.
J'entends tes pas s'approcher, tu reviens vers nous et j'ai très vite fait de sentir ta main me frôler. Un petit écart sur la gauche et c'est une de mes copines qui se fait prendre au piège.

Tiens, ça secoue là-dedans nous partons en balade. J'entends le doux ronronnement de ta moto, je sais que tu pars rejoindre ton pote Nanard pour une journée d'escapade. Vous allez emprunter l'autoroute pour vous arrêter boire un verre dans ce café de motards dont vous êtes devenus des habitués. Et moi, toute la journée, je vais devoir m'esquiver entre tes doigts et ceux de ton copain qui vont plonger vers moi jusqu'à me retrouver seule.

Les heures défilent et nous sommes de moins en moins nombreuses pour n'être finalement plus que deux. Je ne sais pas trop où nous sommes jusqu'à ce que je sente tes mains s'approcher vers nous et que je t'entende rire aux éclats avec Nanard. Je me cache dans un coin et je t'échappe. Ça y est je suis seule, je suis fière de moi, j'ai réussi la première étape de ma mission.

Tu dis au revoir à ton ami et nous reprenons le chemin de la maison sans faire le moindre arrêt. Je suis la dernière et tu n'as pas pensé à nous renouveler.
A peine la porte franchie, je connais mon destin, c'est maintenant que je vais devoir agir, tu me saisis et je décide de te faire cracher tes poumons jusqu'à t'entendre dire « Demain, j'arrête ! » Je suis ta dernière cigarette et je peux m'éteindre en paix, tu viens de prononcer ces mots que j'attendais tant, j'espère juste que tu tiendras ta promesse. « This is the end »

Posté le : 08/03/2015 17:01
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Re: Défi du 7 mars 2015
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Isabelle,

Beau retour en force dans nos défis !

J'ai adoré cette vision des choses et tout l'espoir qu'elle apporte. Tu m'as emportée dans la poche de Bébert.

Belle réussite.

A la prochaine !

Bises

Couscous

Posté le : 08/03/2015 17:27
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Re: Défi du 7 mars 2015
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Demain, j’arrête !

Lorsqu’on est fumeur, on a droit à la pause de dix heures et de quinze heures. Une belle occasion de prendre un peu d’air frais, loin de celui, vicié, du bureau avec le mélange de l’odeur de transpiration de la vétérante du service et celle des bâtons d’encens de l’hippie. C’est un bon moyen aussi de fuir les téléphones affolés, en dehors de la pause pipi qui est plus universelle.
Il y a toute une part de convivialité dans ce petit tube empli de tabac lorsque l’un demande à l’autre « T’en veux une ? ». Ou encore quand un parfait inconnu aborde une femme en demandant « Vous avez du feu, Mademoiselle ? » tout en tentant d’allumer une flamme dans son regard de braise avec le désir de la séduire ou de la « pécho », selon l’âge des protagonistes.
Certains hommes se plaisent à comparer les femmes aux cigarettes : les brunes, les blondes, les légères, les parfumées. Le problème est alors qu’ils les jettent de la même façon que leur mégot, après en avoir retiré l’essence.
On surprend les adolescents avec leurs premiers mégots, piqués dans le paquet paternel et qu’ils tiennent fermement entre le pouce et l’index en s’évertuant à tirer un maximum, histoire de perdre le moins possible de ce petit bout de vie d’adulte. Quelques toussotements, des regards jetés aux alentours et l’opération recommence aussitôt. En quelques inspirations vigoureuses, l’objet du délit a disparu, laissant juste un filtre bruni, des doigts nicotinés, un premier voile de goudron dans les poumons et une légère nausée pour prouver à leurs congénères leur maturité.
Dans les hautes sphères, ne voit-on pas souvent le patron avec un gros cigare cubain à la main, signe d’une aisance financière ? Celui-ci sera souvent associé à un verre de scotch de grande origine. En effet, le tabac représente un budget mensuel qui part littéralement en fumée.
Le porte-cigarette a été inventé pour que les femmes puissent fumer avec style et surtout sans risquer de se jaunir les doigts. Il confère une certaine élégance à celle qui le tient délicatement entre ses doigts fins aux ongles manucurés. Celle-ci ne manquera pas de prendre une posture lascive pour aguicher l’œil masculin. Elle veillera aussi à expirer d’une façon discrète afin de ne pas briser son image de femme raffinée et classieuse.
On a la cigarette « refuge », celle roulée aux doigts ou à la machine et dans laquelle il est loisible d’y ajouter un peu de « poudre de rêve » qui offre une échappatoire au quotidien maussade. La petite roulée de l’ouvrier, couvreur ou fumiste, lui apporte un peu de chaleur et celle du camionneur lui rappelle le foyer qui l’attend à son retour.
Et que dire de cette nouveauté appelée « cigarette électronique » ? N’apporte-t-elle pas un aspect « tendance » ? Celui qui tapote sur l’écran de son smartphone n’est-il pas plus en phase avec son temps, en vapotant, ce petit bout de technologie au coin des lèvres ?
Une image me revient : celle de mon arrière-grand-père ridé, fumant sa pipe dans son fauteuil râpé. Cet artifice lui conférait un air de sage ancestral. Maintenant, rien que l’odeur du « Broutteux » se consumant me ramène dans ma prime enfance.
Le jambon et le saumon ne se voient-ils pas tous deux le goût exhalé par un bon fumage ? Qu’en est-il de la chair d’un fumeur invétéré ? Seul un cannibale pourrait nous éclairer.
Le tabac fut associé à la notion de pacte. Ainsi, le calumet de la Paix représentait l’équivalent d’une signature au bas d’un traité. Ce partage symbolisait un apaisement des âmes après la tourmente, avec l’espoir que les engagements des protagonistes de s’évanouissent en fumée. Il est à noter que, dans l’Histoire, aucun chef indien n’a refusé de tirer sur le tuyau symbolique sous prétexte d’un sevrage tabagique.
Comment résister à l’appel de ces feuilles brunes, longtemps associées à des icônes du cinéma ou de la chanson ? Ainsi, Gainsbourg, toujours attaché à sa Gauloise nous chantait « Dieu est un fumeur de Havane ». Et Sherlock Holmes aurait-il l’air aussi sûr de lui sans sa pipe ?
Le condamné à mort se verra toujours proposer une dernière cigarette comme dernier plaisir terrestre, celui d’en griller une avant de l’être lui-même.
Même si on a tenté de chasser la fumée des cafés, des restaurants et lieux publics, le tabac n’en est pas pour autant délaissé. Les véritables fumeurs vous vanteront la parfaite association d’un bon verre d’alcool ou d’une tasse de café avec le goût du tabac qui vous inonde les papilles et les poumons. Notre société a bien tenté d’utiliser des images affreuses évoquant la mort, la maladie, la stérilité en les collant sur les paquets, qui ne s’en sont pas moins vendus. Vaste fumisterie ! La cigarette ramène le fumeur au plaisir primaire de l’oralité qu’une sucette ou un chewing-gum ne pourra jamais aussi bien assouvir.
C’est pourquoi, je vous le déclare haut et fort, demain j’arrête d’être non-fumeur !



P.S. : Ceci n’est qu’une fiction. Je n’encourage personne à passer du côté obscur de la fumée.

Posté le : 08/03/2015 17:27
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Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
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A bord de ce cahier volant
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