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#231 Paul Léautaud
Loriane Posté le : 16/01/2015 22:36
Le 18 janvier 1872 à Paris naît Paul Léautaud

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mort, à 84 ans le 22 février 1956 à Châtenay-Malabry, écrivain et critique littéraire français. La part de son œuvre consacrée à la critique dramatique fut écrite sous le nom de plume de Maurice Boissard. On se souvient surtout de lui pour son Journal littéraire en dix-neuf volumes et comme d'un briscard perspicace et tonitruant grâce aux trente-huit entretiens radiophoniques qu'il a accordés à Robert Mallet en 1950-51. Ses dernières paroles avant de mourir auraient été : Maintenant, foutez-moi la paix.

En Bref

Fils d'un souffleur de la Comédie-Française, abandonné par sa mère, romancier essayiste, critique, mémorialiste, Paul Léautaud parle surtout de lui-même. En 1900, il publie avec Van Bever Les Poètes d'aujourd'hui, une anthologie du symbolisme, qui fut rééditée jusqu'en 1956. Le Petit Ami (1902) est un roman autobiographique qui dit le souvenir de l'amour du fils pour sa mère. Il poursuit cet émouvant aveu dans In memoriam (1929), en racontant la mort de son père. De toute son œuvre, un seul récit, Madame Cantili (1925), échappe à ce besoin permanent de retour sur soi-même. Cependant, de 1908 à 1941, Léautaud est secrétaire du Mercure de France, et toute sa vie de misanthrope se concentre dans les conversations littéraires qui se tiennent journellement dans son bureau... Il tient en outre la rubrique de critique dramatique dans la revue. Sans aucune méthode, il y bavarde librement, de tout, mais très peu des pièces elles-mêmes. Il dit son plaisir ou sa déception, comme tout spectateur, en racontant ses souvenirs. Pourtant, les jugements sévères qu'il a portés sur certains auteurs, comme Bernstein ou Porto-Riche, ont été confirmés par la postérité, tandis qu'il appréciait à leur juste valeur Tristan Bernard ou Sacha Guitry. Ses chroniques furent réunies en deux volumes sous le titre Le Théâtre de Maurice Boissard (1926 et 1943). Mais son œuvre essentielle reste son journal littéraire, tenu quotidiennement depuis 1893. Le bohème, le libertin, le non-conformiste s'y confesse à toutes les pages. Les petites anecdotes de sa vie dans son pavillon de Fontenay-aux-Roses, au milieu des chiens et des chats, font intervenir tout le monde du théâtre et des lettres pendant plus d'un demi-siècle. Il parle de la vie, de son plaisir, le tout avec beaucoup de désinvolture. Sans morale, sans respect, il est parfois très sévère pour ses contemporains dans les dix-huit volumes de ce Journal publié entre 1954 et 1964. C'est seulement dans les dernières années de sa vie, après avoir séduit les auditeurs de la radio dans une série d'entretiens avec Robert Mallet (1951), que Paul Léautaud atteint une renommée tout à fait méritée.

Sa vie

Il naît à Paris dans le Ier arrondissement, au 37 rue Molière de Jeanne Forestier 1852-1916, sans profession, et de Firmin Léautaud 1834-1903, comédien puis souffleur vingt-trois années à la Comédie-Française. Cinq jours après l'accouchement, il est abandonné par sa mère, l'une des compagnes temporaires de ce père souvent indifférent, qui l'élève et l'initie toutefois au monde du Théâtre, qui l'enchante, lui accordant une précoce indépendance: ainsi le petit Paul possède-t-il une clef du domicile, situé 21 rue des Martyrs, dès l'âge de huit ans. À partir de 1882, Firmin emménage dans un pavillon à Courbevoie avec son fils et de nombreux chiens.
Dans sa jeunesse, il se lie d'amitié avec Adolphe Van Bever, le poète Pierre Guédy, Léon Marié, et partage avec ces derniers une vie d'employé pauvre. Leur passion commune de la poésie conduira Van Bever et Léautaud à publier en 1900 l'anthologie Poètes d'Aujourd'hui.
À dix-neuf ans habitant quelques mois au numéro 14 de la rue Monsieur-le-Prince, il découvre Stendhal et cette rencontre littéraire demeurera comme une étape essentielle dans sa formation d'écrivain. Il entreprend la même année son Journal littéraire, qu'il tiendra soixante-trois ans, témoignage essentiel sur l'homme qu'il était et panorama monumental et richement personnel sur la première moitié du XXe siècle et le monde littéraire d'alors, principalement vu de son bureau d'employé sous-payé au Mercure de France.
Jeune homme, il reverra sa mère en 1901, lors des obsèques de sa tante, à Calais. Femme d'un notable genevois, la mère ne reconnaîtra d'abord même pas son fils. Ils entameront une courte correspondance puis se quitteront à jamais. Elle mourra en mars 1916, assassinée par sa domestique. Cet épisode le marque pour longtemps. Sa vision des femmes, sa longue liaison avec le Fléau femme acariâtre et tendre, selon porteront la trace de la blessure. Il avouera avoir manqué sa vie amoureuse.
Misanthrope à la trogne voltairienne, d'une efficacité incisive dans son écriture, il fait le choix d'une existence retranchée, bien que toujours en contact avec les gens essentiels de la société littéraire : il suscite l'admiration d'Octave Mirbeau et de Lucien Descaves, qui l'auraient volontiers soutenu pour le prix Goncourt, et il compte parmi ses amis Marcel Schwob, Remy de Gourmont, Alfred Vallette, Guillaume Apollinaire, Paul Valéry et André Gide.
Sous le pseudonyme de Maurice Boissard, inspiré de sa marraine l'actrice Blanche Boissart, dite Mlle Bianca de la Comédie-Française, Léautaud devient, en 1907, critique dramatique au Mercure de France, puis à la Nouvelle Revue française et aux Nouvelles littéraires.Tranchant sur l'ordinaire expression de son cru, il confirme son attitude face au monde et les axes premiers de sa nature et de sa pensée. L'auteur du Petit ami concilie un retranchement forcené dans sa demeure du 24 rue Guérard à Fontenay-aux-Roses après avoir quitté le passage Stanislas à Paris à partir de 1911, dépourvue de confort la maison n'étant pas raccordée au réseau électrique, il s'éclairait à la bougie, entouré de dizaines de chiens, de chats et autres animaux plus ou moins exotiques une oie, un singe…, et une fréquentation du monde culturel, toujours empreinte d'une distance cynique.
Pour assurer sa survie, il travaille trente-trois ans comme secrétaire général du Mercure de France. Même s'il est connu dès les années 1930, la grande notoriété ne viendra que sur le tard, en 1950, grâce aux entretiens radiophoniques de Robert Mallet. À quatre-vingts ans, sa verve et ses indignations, portées par une voix aux timbres singuliers, sont plus puissantes que jamais. Il s'éteint dans son sommeil à la Vallée-aux-Loups, dans la Maison de Santé du Docteur Henry Le Savoureux à Châtenay-Malabry, sise sur l'ancien domaine d'un autre écrivain, Chateaubriand, où il logeait depuis un mois.
Léautaud est un aristocrate par l'esprit, dans sa certitude de lui-même, par une pratique tous azimuts d'une lucidité souvent caustique, par une fidélité sans faille à sa manière d'être et de penser. Alfred Vallette, directeur du Mercure, l'un des hommes à l'avoir le plus côtoyé, lui déclare, en 1924, Au fond, vous êtes un aristocrate. Tous vos faits et gestes, vos façons d'agir, le prouvent. Son parti-pris de la subjectivité en toute chose se concilie sans peine avec une efficacité reconnue de la plume et du verbe. Il est un parangon de l'aristocratisme en solitaire, sans quête du pouvoir, misanthrope attentif de ses contemporains, écrivain par plaisir.

Ses positions politiques étaient autant réactionnaires qu'anarchistes. Son respect de l'ordre établi, son horreur du désordre et de la nouveauté, son dégoût du peuple tranchaient avec son mépris pour le patriotisme, la violence, la guerre, l'esprit de sacrifice et l'esprit grégaire, le conduisant toujours à adopter les opinions qui lui semblaient le mieux garantir sa vérité intrinsèque. Dans son journal d'après-guerre, il regrette l'Occupation allemande et se montre antisémite alors qu'il raillait dans sa jeunesse les antisémites et les antidreyfusards, il vitupère les ouvriers, jugés fainéants, les allocations familiales car il prétend détester les enfants, ce que démentira Marie Dormoy, les syndicats et les partis, surtout de gauche. Il méprisait finalement la politique : il n'a milité dans aucune faction, n'a jamais voté, et s'il a entretenu de bonnes relations avec des personnages aux idées totalement opposées aux siennes comme Jean Paulhan, qui s'amusait à faire déposer Les Lettres françaises devant sa porte ou Julien Benda, c'est que ceux-ci ne le prenaient pas au sérieux.

Par testament, il nomme comme ayant droit de ses œuvres la S.P.A., laquelle est gestionnaire de celles-ci jusqu'en 2035.


Un intellectuel libre et égotiste

Dans les volumes 10, 11, 12 et 13 de son Journal Littéraire correspondant à la fin des années 1930 et à la Seconde Guerre mondiale Paul Léautaud exprime des vues teintées d'antisémitisme. Il reviendra sans arrêt sur la judéité de Léon Blum pour qualifier son gouvernement de coquin. Le Chamfort de la rue de Condé se dit favorable à Chamberlain qui tente de conclure une paix séparée avec le gouvernement nazi. Il qualifiera alors l'Angleterre comme étant sa patrie civique. L'échec des pourparlers du Premier ministre anglais pousse Léautaud à s'exprimer en faveur de l'Allemagne. Le gouvernement de Vichy lui apparaîtra d'ailleurs comme un rempart contre le retour des coquins, le gouvernement du Front Populaire qu'il accuse de véhiculer l'utopie égalitaire en France. Dans le journal des années de la Seconde Guerre mondiale, il fait état de ses collaborations au journal Je suis partout d'obédience fasciste. Il condamne la Pologne d'avoir suscité une guerre et d'avoir bravé la grande nation allemande ». Cette expression revient souvent sous sa plume. L'antisémitisme sera un trait de son appareil critique qu'il aura eu toutes ces années la faiblesse de ne pas remettre en question. Dans son journal du 5 novembre 1946, lors même qu'il rejoindra de nouveau la revue du Mercure de France, il écrira : Être antisémite, c'est une opinion. Cette opinion est devenue un crime comme quelques autres. Condamnation. Si les juifs sont un jour les maîtres, cela deviendra peut-être un crime d'aller à la messe.
Dans ses jugements sur les arts, Léautaud est aussi tranchant. Il juge futile l'art de Matisse et tient en haute estime l'art d'Ingres et de Bottat, lequel se montrerait supérieur car il rend la réalité sans interprétation. Ce sont des propos de cette nature qui accréditent à son endroit les termes de fasciste et réactionnaire .

De même, sa pensée sociale est fortement individualiste. Paul Léautaud défend la thèse selon laquelle il y a des pauvres et des riches, un état immuable. Il serait aussi ridicule de s'en rebeller que de s'insurger contre le fait qu'il y ait des gens plus beaux que d'autres. Il accepte l'inégalité et les différences de fortune comme un trait constant des sociétés humaines. Dans son journal de 1944, il dit croire que cet état des choses est le résultat d'un ordre des mérites et des talents s'inscrivant dans le caractère même des individus. À cet égard, ce n'est pas trahir Léautaud que de le situer parmi ceux dont le cœur et l'esprit penchent vers la droite réactionnaire.
La vision du monde dont témoigne l’œuvre de Léautaud s’inscrit dans une tradition libertaire toute française qui ne dépasse pas les clivages droite-gauche pas clair. Elle se montre par ailleurs transportée par une pitié et une grande compassion pour le monde animal qui paie le prix pour l'aveuglement des hommes. Les descriptions de la vie animale, de ses souffrances, de l'abandon cruel des compagnons fidèles, s'inscrivent comme les pages les plus touchantes de son journal littéraire.

Œuvres

Le roman Le Petit Ami sort en 1903 au Mercure de France, premier ouvrage de Paul Léautaud paru sous son nom.
1900 : Poètes d'Aujourd'hui 1880-1900, morceaux choisis accompagnés de notices biographiques et d'un essai de bibliographie11, avec Adolphe Van Bever, Paris, Mercure de France :
Sommaire originel : Henri Barbusse - Henri Bataille - Tristan Corbière - André Fontainas - Paul Fort - René Ghil - Fernand Gregh - Charles Guérin - André-Ferdinand Hérold - Francis Jammes - Gustave Kahn - Jules Laforgue - Raymond de la Tailhède - Pierre Louÿs - Maurice Maeterlinck - Maurice Magre - Stéphane Mallarmé - Camille Mauclair - Stuart Merrill - Robert de Montesquiou - Jean Moréas - Pierre Quillard - Henri de Régnier - Adolphe Retté - Jean-Arthur Rimbaud - Georges Rodenbach - Albert Samain - Emmanuel Signoret - Laurent Tailhade - Paul Valéry - Émile Verhaeren - Paul Verlaine - Francis Vielé-Griffin.
Tome 1 et 2 ajouts, 1908 : Lucie Delarue-Mardrus - Émile Despax - Max Elskamp - Remy de Gourmont - Gérard d'Houville - Léo Larguier - Louis Le Cardonnel - Sébastien-Charles Leconte - Grégoire Le Roy - Jean Lorrain - Éphraïm Mikhaël - Albert Mockel - Comtesse Mathieu de Noailles - Ernest Raynaud - Paul-Napoléon Roinard - Saint-Pol-Roux - Fernand Séverin - Paul Souchon - Henry Spiess - Charles Van Lerberghe
Tome 1, 2 et 3 ajouts, 1929 : Guillaume Apollinaire - André Castagnou - Jean Cocteau - Guy-Charles Cros - Tristan Derème - Charles Derennes - Léon Deubel - Georges Duhamel - Édouard Dujardin - Fagus - Tristan Klingsor - Philéas Lebesgue - Maurice Maeterlinck - Louis Mandin - François Porché - Jules Romains - André Salmon - Cécile Sauvage - André Spire - Touny-Léris
1903 : Le Petit Ami, Paris, Mercure de France.
1926 : Le Théâtre de Maurice Boissard : 1907-1923
1928 : Passe-Temps, Paris, Mercure de France.
1942 : Notes retrouvées Imprimerie de Jacques Haumont, Paris : Lundi 25 août 1941. En triant de vieux papiers, je retrouve une série de notes que j'avais bien oubliées. Je ne sais plus si je les ai utilisées, ni si elles se trouvent à leur place dans mon "Journal". Je les regroupe ici par ordre de dates de 1927 à 1934.
1943 : Le Théâtre de Maurice Boissard - 1907-1923 - avec un supplément
1945 : Marly-le-Roy et environs, Éditions du Bélier
1951 : Entretiens avec Robert Mallet, Paris, Gallimard.
1954 à 1966 : Journal littéraire 19 volumes, Paris, Mercure de France.
1956 : In Memoriam, Paris, Mercure de France.
1956 : Lettres à ma mère, Paris, Mercure de France.
1956 : Le Fléau. Journal particulier 1917-1930, Paris, Mercure de France.
1958 : Amours
1958 : Le Théâtre de Maurice Boissard : 1915-1941 tome 2
1959 : Bestiaire, Paris, Grasset.
1963 : Poésies
1964 : Le Petit ouvrage inachevé
1966 : Lettres à Marie Dormoy, Paris, Albin Michel, réimprimé en 1988.
1968 : Journal littéraire, Choix par Pascal Pia et Maurice Guyot
1968 : Correspondance Paul Léautaud-André Billy 1912-1955, Le Bélier
1986 : Journal particulier 1933, présenté par Edith Silve, Paris, Mercure de France.
1992 : Correspondance de Paul Léautaud, tome 1, 1878-1928 recueillie par Marie Dormoy, Paris, Mercure de France.
1992 : Correspondance de Paul Léautaud, tome 2, 1929-1956 recueillie par Marie Dormoy, Paris, Mercure de France.
2004 : Chronique poétique, Éditions Sigalla.
2012 : Journal particulier 1935, présenté par Edith Silve, Paris, Mercure de France.

Citations

Dans le mariage, on fait l'amour par besoin, par devoir. Dans l'amour, on fait l'amour par amour.
La vie de couple
Aimer, c'est préférer un autre à soi-même.
Le mariage fait les cocus, la patrie les imbéciles.


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#232 Rudyard Kipling
Loriane Posté le : 16/01/2015 21:27
Le 18 janvier 1936, à 70 ans meurt Joseph Rudyard Kipling

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à Londres, né à Bombay dans l'Inde britannique, le 30 décembre 1865 écrivain britannique, Journaliste, romancier, poète il reçoit le prix Nobel de littérature, Ses Œuvres principales sont Le Livre de la jungle 1894, Le Second Livre de la jungle 1895, Histoires comme ça 1902, Tu seras un homme, mon fils 1910

Ses ouvrages pour la jeunesse ont connu dès leur parution un succès qui ne s'est jamais démenti, notamment Le Livre de la jungle 1894, Le Second Livre de la jungle 1895, Histoires comme ça 1902, Puck, lutin de la colline 1906. Il est également l'auteur du roman Kim 1901, de poèmes, Mandalay 1890, Gunga Din 1890, et Tu seras un homme, mon fils 1910 sont parmi les plus célèbres et de nouvelles, dont L'Homme qui voulait être Roi 1888 et le recueil Simples contes des collines 1888. Il a été considéré comme un innovateur dans l'art de la nouvelle, un précurseur de la science-fiction et l'un des plus grands auteurs de la littérature de jeunesse. Son œuvre manifeste un talent pour la narration qui s'est exprimé dans des formes variées.
De la fin du XIXe siècle au milieu du XXe siècle, Kipling est resté l'un des auteurs les plus populaires de la langue anglaise. L'écrivain Henry James écrit à son sujet : Kipling me touche personnellement, comme l'homme de génie le plus complet que j'aie jamais connu. En 1907, il est le premier auteur de langue anglaise à recevoir le prix Nobel de littérature, et le plus jeune à l'avoir reçu 42 ans. Par la suite, il a refusé d'être anobli.
Cependant, Kipling a été souvent considéré comme un prophète de l'impérialisme britannique, selon l'expression de George Orwell. La controverse au sujet des préjugés et du militarisme qui seraient présents dans son œuvre a traversé tout le XXe siècle. Selon le critique littéraire Douglas Kerr : Il reste un auteur qui inspire des réactions de rejet passionnées, et sa place dans l'histoire littéraire et culturelle est loin d'être solidement établie. Cependant, à l'heure où les empires européens sont en repli, il est reconnu comme un interprète incomparable, sinon controversé, de la manière dont l'empire était vécu. Cela, ajouté à son extraordinaire génie narratif, lui donne une force qu'on ne peut que reconnaître.

En Bref

Fils d'un pasteur passionné de peinture et de folklore, élevé en Angleterre Stalky et compagnie, 1899, il regagne l'Inde à 17 ans. Journaliste à Lahore et Allahabad, il débute par une littérature qui témoigne d'un penchant à la facilité et qui ne convaincra que peu à peu la mère patrie dont il stigmatise la petitesse morale et instinctuelle Simples Contes des collines, 1887 ; Trois Troupiers, 1888. Voyant dans l'armée des Indes le creuset d'une vitalité sans uniformité, Kipling sera le premier grand poète dialectal et argotique d'Angleterre Chansons de la chambrée, 1892, mais il refuse en 1895 le titre de poète lauréat. Marié à une Américaine, il s'établit un temps aux États-Unis, où il écrit le Livre de la jungle 1894-1895. L'arrière-plan mythique, l'enfant sauvage, adopté par les animaux, devient roi de la forêt rejoint la critique sociale la jungle organisée en races et en castes et l'éloge darwinien de la Loi. Autre récit de formation, Capitaines courageux 1897 : recueilli en mer, un fils de famille s'ouvre à la solidarité virile sur un bateau de pêche. Dans Kim 1901, Kimball O'Hara, orphelin irlandais lâché dans la jungle des villes hindoues, fait seul son apprentissage de la vie puis accompagne un lama en quête de la source qu'a fait jaillir la flèche du Bouddha, et sert de messager aux Services secrets britanniques : l'enfant est initié aux duplicités du grand jeu diplomatique. Cet itinéraire picaresque, doublement inspiré par la méditation orientale et le pragmatisme militaire, s'achève par la plus grande gloire de la reine Victoria, maîtresse de l'Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais. Pourtant, loin d'avaliser la réalité coloniale, Kipling fustige cette caricature mercantile de la vision impériale et rêve d'alliance entre l'aristocratie naturelle des chefs et la vitalité populaire. En outre, les démons sont aux portes de l'Empire, mais aussi de la Psyché. Hantises, haine de soi, cruauté trouvent dans ses nouvelles hallucinées des échos proches de Maupassant ou de Kafka Trafics et découvertes, 1904. Doubles jeux, doubles fonds, l'âme trahit toujours, mais l'angoisse est ce à quoi il ne faut pas céder. C'est pour refouler son paganisme spontané que Kipling chante le devoir. Le stoïcisme navré, parfois ronflant, qui fera de lui l'idole du nationalisme populaire, le jingoïsme la Tâche quotidienne, 1898 ; les Cinq Nations, 1903, est l'ultime recours d'une foi menacée. L'exil d'un peuple trahi par sa conquête est aussi celui de l'adulte menacé par ses chagrins d'enfance. Son œuvre, couronnée en 1907 par le prix Nobel, vaut aujourd'hui par les hantises qu'elle devait étouffer. La mort de son fils en 1914 le rapproche encore du deuil de l'enfance, après le décès de sa fille à l'âge de 8 ans et en mémoire de laquelle il écrit et illustre lui-même Histoires comme ça 1902. C'est au paganisme enfantin que son imagination parle avec le plus de bonheur Puck, lutin de la colline, 1906 ; Retour de Puck, 1910. Dressant un réquisitoire souvent pathétique contre la civilisation, Kipling y évoque un âge d'or où la fantaisie et l'esprit d'enfance recréaient spontanément le monde.

Sa vie

Joseph Rudyard Kipling naît le 30 décembre 1865 à Bombay, fils d'Alice Kipling, née MacDonald, et de John Lockwood Kipling, sculpteur et professeur à la Jejeebhoy School of Art and Industry de Bombay ; ses parents venaient à peine d'arriver en Inde, et s'étaient rencontrés en Angleterre, dans le Staffordshire, près du lac Rudyard — dont ils donnèrent le nom à leur fils. D'après Bernice M. Murphy, les parents de Kipling se considéraient comme des Anglo-Indiens, et leur fils devait faire de même, bien qu'il ait passé la plus grande partie de sa vie hors d'Inde. Cela explique pourquoi des problèmes complexes d'identité et d'allégeance nationale marquent ses œuvres de fiction.
Ces journées de ténèbres et de lumière crue passées à Bombay prirent fin lorsque Kipling eut six ans. Comme le voulait la tradition chez les Anglo-Indiens, Rudyard et sa jeune sœur Alice dite Trix de trois ans prirent le bateau pour l'Angleterre, en l'occurrence pour se rendre à Southsea, Portsmouth, dans une famille d'accueil qui prenait en pension des enfants britanniques dont les parents résidaient en Inde. Les deux enfants grandirent sous la tutelle du capitaine Holloway et de son épouse, à Lorne Lodge, pendant les six années qui suivirent. Dans son autobiographie, publiée plus de soixante ans plus tard, Kipling évoque cette période avec horreur en se demandant non sans ironie si le mélange de cruauté et d'abandon qu'il subit auprès de Mme Holloway n'aurait pas précipité l'éclosion de ses talents littéraires.
"Si vous faites subir un interrogatoire à un enfant de sept ou huit ans sur ses activités de la journée, surtout lorsqu'il tombe de sommeil, il se contredira d'une façon tout à fait satisfaisante. Si chaque contradiction est épinglée comme mensonge et rapportée au petit déjeuner, la vie n'est pas facile. J'ai dû subir pas mal de brimades, mais il s'agissait là de torture délibérée, appliquée religieusement et scientifiquement. Par contre cela m'obligea à faire très attention aux mensonges que je dus bientôt concocter et je suppose qu'il s'agit d'une bonne base pour une carrière littéraire.
Trix fut mieux traitée que Rudyard, car Madame Holloway voyait en elle un beau parti pour son fils. Cependant les deux enfants avaient de la famille en Angleterre dans laquelle ils pouvaient séjourner. À Noël, ils passaient un mois chez leur tante Georgiana, Georgy et son mari, le peintre Edward Burne-Jones, dans leur maison de Fulham à Londres, un paradis auquel je dois en vérité d'avoir été sauvé selon Kipling6. Au printemps 1877, Alice Kipling revint d'Inde et retira les enfants de Lorne Lodge.

"Maintes et maintes fois par la suite, ma tante bien-aimée me demanda pourquoi je n'avais jamais raconté comment j'étais traité. Mais les enfants ne parlent pas plus que les animaux car ils acceptent ce qui leur arrive comme étant décidé de toute éternité. De plus, les enfants maltraités savent très exactement ce qui les attend s'ils révèlent les secrets d'une prison avant d'en être bel et bien sortis."
En janvier 1878, Kipling entra au United Services College, à Westward Ho! dans le Devon, école fondée quelques années plus tôt afin de préparer les garçons à la carrière militaire. Ses débuts à l'école s'avérèrent difficiles, mais il finit par se faire des amitiés durables et ces années lui fournirent la matière du recueil d'histoires de potaches, Stalky & Co, publié des années plus tard. Au cours de cette période, Kipling tomba amoureux de Florence Garrard, copensionnaire de Trix à Southend où sa sœur était retournée. Florence servira de modèle à Maisie, l'héroïne du premier roman de Kipling, La Lumière qui s'éteint, 1891.
Vers la fin de son séjour à l'école, il fut décidé qu'il n'avait pas les aptitudes nécessaires pour obtenir une bourse d'études qui lui aurait permis d'aller à l'université d'Oxford7 puisque ses parents n'avaient pas les moyens de financer ses études supérieures. Kipling père procura donc un emploi à son fils à Lahore, où il était directeur de l'école d'art Mayo College of Art et curateur du musée de Lahore. Kipling devait travailler comme assistant dans un petit journal local, la Civil & Military Gazette. Il prit la mer pour l'Inde le 2 septembre et débarqua à Bombay le 20 octobre 1882.

Voyages de jeunesse

La gazette civile et militaire, Civil and Military Gazette de Lahore, que Kipling appellera plus tard ma première maîtresse, mon premier amour »6 paraissait six jours par semaine de janvier à décembre, avec une interruption d'une journée à Noël et une autre à Pâques. Kipling était rudement mis à contribution par le rédacteur en chef, Stephen Wheeler, mais rien ne pouvait étancher sa soif d'écrire. En 1886, il publia son premier recueil de poésies, Departmental Ditties. Cette même année vit arriver un nouveau rédacteur en chef, Kay Robinson, qui lui laissa une plus grande liberté artistique et proposa à Kipling de composer des nouvelles pour le journal.
Entre temps, pendant l'été 1883, Kipling s'était rendu pour la première fois à Shimla, station de montagne célèbre qui servait de capitale estivale aux Britanniques. Le vice-roi et le gouvernement avaient pris l'habitude de s'installer à Shimla six mois par an, faisant de la ville un centre de pouvoir et de plaisir à la fois. La famille de Kipling se rendait tous les ans en villégiature à Shimla et Lockwood reçut la commande d'une fresque qui devait orner l'église du Christ.
Kipling revint passer ses vacances à Shimla tous les ans de 1885 à 1888, et la ville figura régulièrement dans les récits qu'il publiait dans la Gazette.
Les vacances à Shimla, ou toute autre station où se rendaient mes parents, étaient un mois de pur bonheur, où chaque heure dorée comptait. Le voyage commençait dans l'inconfort sur la route ou le rail. Il se terminait dans la fraîcheur du soir, avec un feu de bois dans votre chambre à coucher, et le lendemain matin avec la perspective de trente matins encore à venir ! une tasse de thé matinale, apportée par votre mère, et ces longues conversations où vous vous retrouviez de nouveau tous ensemble. Et puis vous aviez le temps de travailler à toutes les idées folles ou sérieuses qui vous traversaient la tête, et Dieu sait s'il y en avait.

De retour à Lahore, Kipling publia une quarantaine de nouvelles dans la Gazette entre novembre 1886 et juin 1887. La plupart de ces récits furent rassemblés dans Simples contes des collines, son premier recueil de prose publié à Calcutta en janvier 1888, alors qu'il venait d'avoir vingt-deux ans. Mais le séjour à Lahore touchait à sa fin. En novembre 1887, il fut muté à Allâhâbâd, dans les bureaux de The Pioneer, grand frère de la Gazette. Kipling écrivait toujours au même rythme effréné, publiant six recueils de nouvelles dans l'année qui suivit : Soldiers Three Trois soldats, The Story of the Gadsbys Histoire des Gadbsy, In Black and White En noir et blanc, Under the Deodars Sous les cèdres de l'Himalaya, The Phantom Rickshaw Le Rickshaw fantôme, et Wee Willie Winkie P'tit Willie Winky, soit un total de 41 nouvelles, dont certaines étaient presque déjà un court roman. De plus, en tant que correspondant dans la zone ouest du Rajasthan, il rédigea de nombreux billets qui furent rassemblés plus tard sous le titre Letters of Marque et publiés dans From Sea to Sea and Other Sketches, Letters of Travel D'une mer à l'autre, lettres de voyage.
Au début de l'année 1889, The Pioneer renonça aux contributions de Kipling à la suite d'un différend. L'écrivain, quant à lui, commençait à songer à l'avenir. Il céda les droits de ses six volumes de nouvelles pour 200 livres sterling et de dérisoires droits d'auteur, et les droits des Plain Tales from the Hills pour cinquante livres. Enfin, il reçut six mois de salaire en guise de préavis de licenciement. Il décida de consacrer cet argent pour financer son retour à Londres, capitale littéraire de l'empire britannique.
Le 8 mars 1889, Kipling quitta l'Inde, d'abord en direction de San Francisco en faisant escale à Rangoon, Singapour, Hong Kong et le Japon. Puis il traversa les États-Unis en rédigeant des articles pour The Pioneer qui devaient également paraître dans le recueil From Sea to Sea. De San Francisco, Kipling fit route vers le nord jusqu'à Portland, dans l'Oregon; puis Seattle, dans l'État de Washington. Il fit une incursion au Canada, visitant Victoria, Vancouver et la Colombie-Britannique. Il revint ensuite aux États-Unis pour explorer le parc national de Yellowstone, avant de redescendre sur Salt Lake City. Ensuite, il prit la direction de l'est, traversant les États d'Omaha, du Nebraska et s'arrêtant à Chicago, dans l'Illinois. De là, il partit pour Beaver, Pennsylvanie, sur les rives de l'Ohio pour un séjour chez les Hill. Le professeur Hill l'accompagna ensuite à Chautauqua, puis aux chutes du Niagara, Toronto, Washington D.C., New York et Boston. Il fit la connaissance de Mark Twain à Elmira État de New York, devant lequel il se sentit fort intimidé. Puis Kipling traversa l'Atlantique pour débarquer à Liverpool en octobre 1889. Quelques mois plus tard, il faisait des débuts remarqués dans le monde littéraire londonien11.

Les débuts littéraires Débuts londoniens

Rudyard réussit à publier plusieurs de ses nouvelles dans des revues et trouva une chambre dans Villiers Street, près du Strand, où il logea de 1889 à 1891. À l'époque où il publia son premier roman, La Lumière qui s'éteint, il commença à souffrir de dépression. Il fit alors la connaissance de Wolcott Balestier, écrivain américain, qui travaillait également comme agent littéraire. Ensemble ils écrivirent un roman, The Naulahka. En 1891, sur le conseil du corps médical, Kipling s'embarqua pour un nouveau voyage qui le mena d'Afrique du Sud en Australie, puis en Nouvelle-Zélande et en Inde. Mais il renonça à son projet de passer Noël en famille lorsqu'il apprit la nouvelle de la mort de Wolcott Balestier, qui venait de succomber brutalement à la fièvre typhoïde. Il décida de rentrer immédiatement à Londres et envoya un télégramme à la sœur de Wolcott, Carrie Balestier, pour lui demander sa main. La jeune fille, dont il avait fait la connaissance l'année précédente et dont il était très proche, accepta. Entretemps, vers la fin 1891, paraissait à Londres une anthologie de nouvelles sur la présence britannique en Inde, Life's handicap.

Mariage et lune de miel

Le 18 janvier 1892 a lieu le mariage de Carrie Balestier 29 ans et Rudyard Kipling 26 ans, au plus fort de l'épidémie de grippe qui sévissait à Londres, au point que les pompes funèbres manquaient de chevaux noirs et devaient se contenter de chevaux bruns . La cérémonie eut lieu dans l'église All Souls, Toussaint, à Langham Place, et c'est Henry James qui mena la mariée jusqu'à l'autel. Les jeunes mariés décidèrent de faire un voyage de noces qui les mènerait d'abord aux États-Unis, où ils en profiteraient pour rencontrer la famille de Carrie dans l'état du Vermont, puis au Japon. Malheureusement, à leur arrivée à Yokohama, les jeunes gens eurent la mauvaise surprise d'apprendre que leur banque, la New Oriental Banking Corporation, était en défaut de paiement.

Séjour américain

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, le jeune couple retourna aux États-Unis et loua une petite maison près de Brattleboro dans le Vermont pour une somme de dix dollars par mois. Carrie était enceinte de leur premier enfant.
Elle fut meublée avec cette simplicité d'une époque qui ne connaissait pas la location-vente. Nous fîmes l'acquisition d'une énorme chaudière de seconde ou troisième main qui alla dans la cave. Pour accommoder des tuyaux de fer-blanc de huit pouces de diamètre nous fîmes généreusement percer notre mince plancher c'est pur miracle que nous n'ayons pas été brûlés dans nos lits au moins une fois par semaine cet hiver là et nous vécûmes extrêmement, égocentriquement heureux.
C'est dans cette maisonnette, surnommée Bliss cottage la villa du bonheur parfait que naquit leur premier enfant, une fille, Joséphine, la nuit du 29 décembre 1892 sous trois pieds de neige. L'anniversaire de sa mère tombant le 31 et le mien le 30 du même mois, nous la félicitâmes de cet esprit d'à propos. C'est dans cette maisonnette que Kipling eut pour la première fois l'idée de ce qui allait devenir Le Livre de la jungle :
Mon bureau faisait sept pieds sur huit et de décembre à avril la neige s'accumulait jusqu'au rebord de la fenêtre. Or il se trouvait que j'avais rédigé une histoire sur les travaux forestiers en Inde où je parlais d'un enfant élevé par des loups. Dans le silence et l'attente de cet hiver 1892 je sentis remonter des souvenirs des lions maçonniques des magazines pour la jeunesse que je lisais enfant, et voici qu'une phrase du roman de Rider Haggard Nadia, the Lily Nadia le lys se combine avec l'écho de ce récit. L'idée une fois précisée dans ma tête, la plume fait le reste, et je n'ai qu'à la regarder commencer à écrire des histoires sur Mowgli et les animaux qui allaient constituer le Livre de la jungle.

Après la naissance de Joséphine, la maisonnette devint trop petite et les Kipling achetèrent un terrain de dix hectares appartenant au frère de Carrie, Beatty Balestier. C'est là, sur le flanc d'une colline rocheuse surplombant le fleuve Connecticut, qu'ils firent construire une maison que Kipling baptisa Naulakha en l'honneur de Wolcott. Naulakha, qui signifie littéralement neuf lakh ou neuf cent mille roupies en hindî, était le nom donné aux colliers des reines dans les contes populaires de l'Inde du nord, un bijou sans prix, selon la traduction qu'en donnait Kipling.
Cette retraite au cœur du Vermont, ainsi qu'une vie saine et propre, stimula l'imagination de Kipling. En l'espace de quatre ans, il produisit, en plus du Livre de la jungle, un recueil de nouvelles The Day's Work, Le Travail de la journée, un roman Capitaines courageux et de nombreuses poésies, dont le volume des Seven Seas Les Sept Mers. Le recueil de poèmes intitulé Barrack-Room Ballads, qui contient deux pièces célèbres, Mandalay et Gunga Din parut en mars 1892. Il prit un plaisir immense à rédiger les deux volumes du Livre de la jungle, chef-d'œuvre d'imagination poétique, et à répondre à l'abondant courrier de ses jeunes lecteurs.

1892–1896

La vie de l'écrivain était parfois interrompue par des visites, dont celle de son père, John Lockwood Kipling, qui vint leur rendre visite après avoir pris sa retraite en 1893, et celle de l'écrivain britannique Arthur Conan Doyle qui débarqua avec ses clubs de golf pour un séjour de quarante-huit heures au cours duquel il donna à Kipling une leçon de golf intensive1. Kipling semble avoir pris goût au golf, qu'il pratiqua à l'occasion en compagnie du pasteur local, allant jusqu'à utiliser des balles rouges lorsque le sol était recouvert de neige. Malheureusement jouer sous la neige n'était pas de tout repos : les drives ne connaissaient aucune limite ; la balle pouvait glisser sur deux ou trois kilomètres le long de la pente et finir dans le Connecticut. Tous les témoignages soulignent son amour de la nature, en particulier des couleurs de l'automne dans le Vermont.
En février 1896, les Kipling eurent une seconde fille, Elsie. Selon plusieurs biographes, leurs relations n'avaient plus à cette époque ce caractère joyeux et spontané des débuts. Les deux époux restèrent fidèles l'un à l'autre, mais leur mariage était dans une ornière. Dans une lettre adressée à un ami qui venait de se fiancer, Kipling offrit ce point de vue pessimiste : le mariage enseignait les vertus les plus ardues, humilité, contrôle de soi, et prudence.
Deux incidents allaient chasser la famille de Rudyard Kipling du Vermont. Le premier était lié à la situation politique internationale : au début des années 1890, la Grande-Bretagne et le Venezuela se disputaient âprement sur le tracé de la frontière de la Guyana. Les États-Unis avaient plusieurs fois offert leur arbitrage, mais en 1895 le secrétaire d'État américain aux affaires étrangères Richard Olney haussa le ton en revendiquant le droit pour son pays d'arbitrer une dispute qui concernait le continent américain, l'argument d'Olney était basé sur la doctrine Monroe. Cette déclaration irrita les Britanniques et en quelques semaines l'incident prit les proportions d'une véritable crise, chacune des parties menaçant d'en venir aux armes. L'épisode allait paradoxalement renforcer la coopération entre les deux pays mais, au plus fort du conflit, Kipling se sentit désemparé devant la montée du sentiment anti-britannique aux États-Unis, notamment dans la presse. Il écrivit que c'était comme être menacé de recevoir une carafe dans la figure au beau milieu d'un repas convivial.
En janvier 1896, il prit la décision, selon son biographe officiel, de mettre un terme à cette existence au bon air et de quitter les États-Unis pour aller chercher fortune ailleurs.

Retour dans le Devon

De retour en Angleterre en septembre 1896, les Kipling s'installèrent à Torquay sur la côte du Devon, dans une maison à flanc de colline qui regardait la mer. Kipling n'aimait pas cette nouvelle résidence dont l'orientation, affirmait-il, rendait ses occupants tristes et déprimés, mais pendant son séjour il se montra très actif sur le plan social et littéraire8. Kipling était désormais célèbre, et ses écrits témoignaient d'un intérêt grandissant pour la politique. Il avait commencé à rédiger deux poèmes, Recessional 1897 et The White Man's Burden Le Fardeau de l'homme blanc 1898 qui allaient déclencher une vive controverse lors de leur publication. Certains y lurent un plaidoyer en faveur d'une politique impériale éclairée, animée par le sens du devoir, conforme à l'Ethos victorien, d'autres au contraire y virent une défense sans vergogne de l'impérialisme et de ses manifestations racistes. D'autres encore en firent une lecture au second degré, croyant voir dans ces poèmes une mise en accusation ironique de la façon dont était gérée la politique impériale

Illustration satirique de Le Fardeau de l'homme blanc
Take up the White Man's burden—
Send forth the best ye breed—
Go, bind your sons to exile
To serve your captives' need;
To wait, in heavy harness,
On fluttered folk and wild—
Your new-caught sullen peoples,
Half devil and half child18.

Les poèmes exprimaient également l'inquiétude de l'auteur, la crainte que tout pourrait être un jour anéanti

Far-called, our navies melt away;
On dune and headland sinks the fire:
Lo, all our pomp of yesterday
Is one with Nineveh and Tyre!
Judge of the Nations, spare us yet.
Lest we forget - lest we forget!

Un de ses plus célèbres poèmes est If, écrit en 1910 et traduit en français par André Maurois en 1918 avec le titre Tu seras un homme mon fils.

Écrivain prolifique, difficile à classer tant sa production est variée pendant ce séjour à Torquay, il rédige Stalky & Co., recueil de récits basés sur ses années de pensionnat au United Services College de Westward Ho!. Ses jeunes héros font preuve d'une vision désenchantée et cynique du patriotisme et de l'autorité. Les membres de la famille de Kipling racontèrent plus tard qu'il aimait leur faire la lecture à haute voix des aventures de Stalky et compagnie, et qu'il avait souvent des fou-rires à la lecture des passages les plus comiques.

Début 1898, Kipling et les siens se rendirent en Afrique du Sud pour les vacances d'hiver, séjour qui allait devenir une tradition jusqu'en 1908. Auréolé de sa toute nouvelle gloire de poète de l'empire, Kipling fut reçu chaleureusement par certains des politiciens les plus influents du Cap, dont Cecil Rhodes, Sir Alfred Milner et Leander Starr Jameson. De son côté Kipling cultiva leur amitié et devint un fervent admirateur des hommes et de leur politique. Les années 1898–1910 furent cruciales pour l'Afrique du Sud, avec la seconde Seconde Guerre des Boers 1899–1902, le traité de paix qui s'ensuivit et la naissance de l'Union Sud-Africaine en 1910. De retour en Angleterre, Kipling écrivit des poèmes de soutien à la cause anglaise dans la guerre des Boers et lors du séjour sud-africain de 1900, contribua à la création d'un journal, The Friend L'Ami, destiné aux troupes britanniques de Bloemfontein, la nouvelle capitale de l'État libre d'Orange. Sa contribution au journal ne dura pas plus de deux semaines, mais c'était la première fois qu'il reprenait la plume du journaliste8 depuis qu'il avait quitté -plus de dix ans plus tôt- l'équipe de The Pioneer d'Allâhâbâd.
C'est à Torquay que Kipling commença à rassembler des idées pour un autre grand classique de la littérature enfantine, Les Histoires comme ça Just So Stories for Little Children. Le livre parut en 1902, un autre de ses plus grands succès de librairie, Kim, étant paru l'année précédente. En marge de ces œuvres romanesques, Kipling participa au débat sur la réponse que devait apporter l'Angleterre au développement de la flotte de guerre allemande ; il rédigea une série d'articles dans le courant de l'année 1898, articles qui furent ensuite publiés sous le titre A Fleet in Being.
En 1899, lors d'un séjour aux États-Unis, Kipling et sa fille aînée Joséphine contractèrent une pneumonie à laquelle succomba la petite fille.

L'apogée de la carrière littéraire

Kipling fut au sommet de sa gloire dans la première décennie du XXe siècle. En 1907, il reçut le prix Nobel de littérature en raison de la puissance d'observation, de l'originalité d'invention, de la vigueur des idées et du remarquable talent narratif qui caractérisent les œuvres de cet écrivain mondialement célèbre. L'attribution des différents prix Nobel date de 1901 et Kipling en fut le premier lauréat anglophone. Lors de la cérémonie qui eut lieu à Stockholm le 10 décembre 1907, le secrétaire permanent de l'académie suédoise, C.D. af Wirsén, associa dans un vibrant hommage Kipling et trois siècles de littérature anglaise.
L'académie de Suède, en attribuant cette année le prix Nobel de littérature à Rudyard Kipling, souhaite rendre hommage à la littérature anglaise si riche de gloires diverses, ainsi qu'au plus grand génie que ce pays ait jamais produit dans le domaine de la narration.
Le couronnement littéraire de ce succès fut la publication de deux recueils, l'un de poésies et l'autre de récits Puck of Pook's Hill en 1906 et Rewards and Fairies en 1910. Ce dernier contient le poème "If", "Si" dans la traduction d'André Maurois. En 1995, une enquête de la BBC le donnait comme le poème préféré des britanniques. Cette exhortation au contrôle de soi et au stoïcisme est indéniablement le plus célèbre poème de Kipling.

Kipling sympathisa avec les positions des unionistes irlandais qui s'opposaient à l'autonomie, la Home Rule. Il fréquenta Edward Carson, chef des unionistes de l'Ulster né à Dublin, qui forma une milice de volontaires unionistes, les Ulster Volunteers, pour combattre ce qu'il appelait par dérision Rome Rule la dictature de Rome, allusion à l'église catholique en Irlande. Kipling composa le poème Ulster vers 1912, où il expose ce point de vue. Le poème évoque la journée du 28 septembre 1912 en Irlande du nord, au cours de laquelle 500 000 personnes signèrent le covenant de l'Ulster.

La Première Guerre mondiale

La réputation de Kipling était si étroitement liée aux idées optimistes qui caractérisent la civilisation européenne de la fin du XIXe siècle qu'elle pâtit inévitablement du discrédit dans lequel ces idées tombèrent pendant la Première Guerre mondiale et dans les années d'après-guerre. L'une de ces premières contributions à la guerre fut de participer au Bureau de la Propagande de Guerre, il circulait le long des lignes de batailles et fut frappé par les exactions contre les belges. Kipling fut lui-même durement frappé par la guerre lorsqu'il perdit son fils, le lieutenant John Kipling, tué à la bataille de Loos en 1915. Il écrivit ces lignes Si quelqu'un veut savoir pourquoi nous sommes morts, / Dites-leur : parce que nos pères ont menti.
Il est possible que Kipling ait éprouvé un sentiment de culpabilité pour avoir contribué à faire entrer son fils dans la garde irlandaise de la British Army, alors que le jeune homme avait été réformé à cause de sa myopie.
Cette tragédie est une des raisons qui poussèrent Kipling à rejoindre la commission créée par Sir Fabian Ware, l'Imperial War Graves Commission Commission impériale des sépultures militaires aujourd'hui Commonwealth War Graves Commission, responsable des cimetières de guerre anglais qui jalonnent la ligne du front ouest et que l'on retrouve dans tous les lieux où des soldats du Commonwealth ont été inhumés. Kipling choisit notamment la phrase célèbre, Leur nom vivra à jamais, tirée de la Bible et inscrite sur les pierres du souvenir des sépultures les plus importantes. C'est également à Kipling que l'on doit l'inscription Connu de Dieu sur la tombe des soldats inconnus. Kipling rédigea aussi l'histoire de la garde irlandaise, le régiment où servit son fils. Paru en 1923, l'ouvrage est considéré comme un des exemples les plus admirables de l'histoire régimentaire. Enfin il composa une nouvelle émouvante intitulée Le Jardinier qui raconte des visites dans les cimetières de guerre.
La voiture étant devenue entretemps extrêmement populaire, Kipling devint chroniqueur automobile pour la presse écrite, rédigeant des comptes-rendus enthousiastes de ses voyages en Angleterre et à l'étranger, généralement en compagnie d'un chauffeur.
En 1922, un professeur de génie civil de l'université de Toronto demanda à Kipling, dont l'œuvre en prose et l'œuvre poétique contenaient plusieurs références aux ingénieurs, de l'aider à concevoir les détails d'une prestation de serment et d'une cérémonie de remise des diplômes pour les écoles d'ingénieur. Kipling accepta avec enthousiasme et proposa ce qui allait devenir les Rites d'Engagement de l'Ingénieur, cérémonie qui se déroule aujourd'hui sur l'ensemble du territoire canadien ; les nouveaux diplômés se voient notamment remettre un anneau de fer qui symbolise leurs devoirs vis-à-vis de la société civile.
La même année, Kipling fut élu recteur de l'université de St Andrews, en Écosse, où il succéda à J. M. Barrie. Cette fonction prit fin en 1925.

La fin

Kipling continua à écrire jusqu'au début des années 1930, mais à un rythme moins soutenu et avec un succès moindre. Il mourut au Middlesex Hospital à Londres des suites d'une hémorragie causée par un ulcère gastro-duodénal le 18 janvier 1936, deux jours avant la mort de George V, à l'âge de 70 ans. Son décès avait d'ailleurs été annoncé de façon prématurée dans les colonnes d'une revue à laquelle il écrivit : Je viens de lire que j'étais décédé. N'oubliez pas de me rayer de la liste des abonnés.
Les cendres de Kipling reposent dans le Poets' Corner de l'abbaye de Westminster, aux côtés d'autres personnalités littéraires britanniques.

Œuvres

Plain Tales From the Hills, 1888 Simples contes des collines
Soldiers Three, 1888
In Black and White, 1888
The Story of the Gadsbys, 1888
Under the Deodars, 1888
The Phantom Rickshaw, 1888
Wee Willie Winkie, 1888
The Man Who Would Be King, 1888 L'Homme qui voulut être roi
The Light That Failed, New York, F. M. Lupton, 1890 La Lumière qui s'éteint, Paris, P. Ollendorff, 1900
Life's Handicap Les Handicaps de la vie, 1891
The Naulakka, Leipzig, Heinemann & Balestier, 1892 avec W. Balestier
Many Inventions, 1893
The Jungle Book, 1894 Le Livre de la jungle, Paris, Mercure de France, 1899
The Second Jungle Book, Londres, MacMillan, 1895
Captains Courageous: a Story of the Grand Banks, 1897 Capitaines courageux, une histoire du banc de Terre-Neuve, Paris, Hachette, 1903
The Seven Seas, 1896
The Day's Work, 1898
A Fleet In Being, 1898
Stalky and Co, 1899
From the Sea To Sea, 1899
Kim, Londres, MacMillan, 1901
Just So Stories, 1902 Histoires comme ça
The Five Nations, 1903
Traffics and Discoveries, 1904
Puck of Pook's Hill, 1906
Actions and Reactions, 1909
Rewards and Fairies, 1910
Songs From Books, 1912
The Fringes of the Fleet, 1915
A Diversity of Creatures, 1917
Land and Sea Tales, 1923
Debits and Credits, 1926
Thy Servant a Dog, Told By Boots, 1930
Limits and Renewals, 1932
Histoires comme ça ,… .

Bibliographie et biographies

Marcel Brion, Rudyard Kipling, Paris, Nouvelle Revue Critique, 1929, 14.
Morton Cohen : Rudyard Kipling to Henry Rider Haggard : the record of a friendship, London, Hutchinson, 1965.
Martin Seymour-Smith, Rudyard Kipling 1990. L'auteur y développe la thèse de l'homosexualité refoulée de Kipling dont le grand amour aurait été Wolcott Balestier.
Charles Zorgbibe, Kipling, Paris, Éd. de Fallois, 2010, (ISBN 978-2-87706-729-4)
François Rivière, Le Mariage de Kipling. Paris : R. Laffont, 2011, 247 p. (ISBN 978-2-221-11340-0)

Anecdotes

Pour améliorer cet article il convient, si ces faits présentent un intérêt encyclopédique et sont correctement sourcés, de les intégrer dans d’autres sections.
Passionné de l'Inde, Rudyard Kipling avait demandé à son éditeur d'orner les pages de garde de ses livres de svastikas, symbole indien de vie. Les svastikas furent retirés pour éviter toute ambiguïté au moment de la montée du nazisme en Allemagne, bien qu'ils ne fussent pas orientés dans le même sens.
Franc-maçon, il fit partie de la loge Hope and Perseverance no 782 aux Indes, reçu le 5 avril 1886. Il reçut une dispense du Grand Maître du District du Pendjab lui permettant d'être initié avant l'âge de 21 ans et fut ensuite exalté Maître Maçon dans la loge de Marque Fidélité, puis élevé au grade de Marinier de l'Arche Royale dans la Loge d'Ark Mariner du Mont Ararat no 98.
Il apparaît dans Le Livre de Kipling au Masque no 2222, 1995 de François Rivière
Rudyard Kipling est aussi à l'origine, de façon involontaire, d'un sigle informatique : TWAIN
Il réussit à convaincre James Percy Fitzpatrick de coucher par écrit ses histoires se déroulant dans le Transvaal, ce qui aboutit à la parution en 1907 du populaire Jock of the Bushveld.
Dans le film Les sous-doués, le médecin qui accouche Jeanne en urgence, le fait en déclamant le poème Si de Rudyard Kipling : "Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie. Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir..."

Musique

Le compositeur français Charles Koechlin a écrit tout au long de sa vie un cycle orchestral comportant quatre poèmes symphoniques et trois mélodies orchestrales : Le Livre de la jungle :

Trois poèmes de Kipling pour mezzo-soprano, baryton, ténor, chœur et orchestre opus 18, composée de 1899 à 1901
La Course de printemps opus 95, composée en 1911 orchestré entre 1925 et 1927
La Méditation de Purun Bhagat opus 159, composée entre août et septembre 1936
La Loi de la jungle opus 175, composée en juillet 1939 orchestré en décembre
Les Bandar-Log opus 176, composée en juillet et août 1939 orchestré en janvier 1940

Traductions

Premières traductions françaises au Mercure de France par Louis Fabulet, Arthur Austin-Jackson, Robert d’Humières. Le Livre de la jungle, Le second livre de la jungle, La plus belle histoire du monde, Kim, Stalky et Cie, Sur le mur de la ville, Lettres du Japon, L'homme qui voulut être roi, L'histoire des Gadsby, Le retour d'Imray, Le chat maltais, Actions et réactions, Capitaines courageux, Sa majesté le roi, Contes choisis, Du cran !, Simples contes des collines, Mais ceci est une autre histoire, Les bâtisseurs de pont.Histoires comme ça Le poème If a connu plusieurs traductions françaises.

Adaptations cinématographiques

1937 : Capitaines courageux de Victor Fleming
1939 : Gunga Din film, 1939 de George Stevens
1942 : Le Livre de la jungle film de Zoltan Korda avec Sabu
1950 : Kim de Victor Saville avec Errol Flynn
1967 : Le Livre de la jungle de Wolfgang Reitherman
1975 : L'Homme qui voulut être roi de John Huston avec Sean Connery et Michael Caine
1994 : Le Livre de la jungle de Stephen Sommers
2003 : Le Livre de la jungle 2 de Steve Trenbirth
2008 : Mon fils Jack de Brian Kirk

Adaptations en albums pour enfants

2011 : Le chat qui s'en va tout seul de Yann Dégruel
2010 : L'enfant d'éléphant de Yann Dégruel
2013 : Les Taches du léopard de Sean Tulien, dessins et couleur de Pedro Rodriguez, édité

Le livre de la jungle Rudyard Kipling

Rudyard Kipling 1865-1936 publie en 1894 Le Livre de la jungle The Jungle Book, et l'année suivante, en 1895, Le Second Livre de la jungle (The Second Jungle Book), considérés comme le chef-d'œuvre de l'auteur qui exalte la supériorité de l'homme sur la nature.

Du monde sauvage à la civilisation

L'histoire du Livre de la Jungle est celle d'un enfant, Mowgli, abandonné dans une forêt en Inde, et qui va être non seulement protégé, mais élevé par les animaux. Dans un premier temps, Mowgli est recueilli par une louve, qui lui tient lieu de mère, en même temps qu'elle prend soin de ses louveteaux. Mowgli noue des relations privilégiées avec trois animaux, l'ours Baloo, la panthère noire Bagheera et le python Kaa. Enlevé par une tribu de singes, il est sauvé par ses trois amis qui viennent le délivrer. Mowgli grandit, acquiert l'autorité sur les animaux que lui vaut son statut d'homme. Il peut alors à son tour leur apporter son aide, en s'emparant du redoutable Shere Khan, le tigre aux yeux jaunes qui sème la terreur dans la forêt. Toutefois, en devenant adulte, Mowgli est de plus en plus écartelé entre son affection pour les animaux de la jungle et son besoin grandissant d'une société humaine. Au terme de ce déchirement, Mowgli choisit de regagner la société des hommes et se joint à un groupe de paysans. L'opposition est alors définitive entre le monde sauvage, qui a façonné son enfance et son adolescence, et le monde civilisé, marqué par le recours à l'agriculture, destiné à devenir le cadre de sa vie adulte.

Une apologie de la loi et de l'ordre

Le Livre de la jungle est un récit à entrées multiples. Il peut être envisagé comme une description imagée et poétique de l'Angleterre victorienne, et de son souci du respect de l'ordre et de la hiérarchie. Mowgli, enfant, est amené un jour, de par sa nature d'homme, à dominer les animaux. Mais auparavant, il doit tout d'abord obéir, recevoir la formation qui le rendra capable de surmonter sa faiblesse : C'était là que Mowgli venait tous les soirs, à la recherche d'un peu de fraîcheur et de compagnie. Le plus affamé de ses ennemis aurait alors fait bien peu de cas du jeune garçon. C'est donc un roman d'apprentissage, tissé avec les légendes de la jungle, entrecoupé de récits colorés : Le Phoque blanc, Rikki-Tikki-Tavi, Toomai des éléphants. Apprentissage d'un monde, où, paradoxalement, la loi est omniprésente ; la panthère Bagheera reproche ainsi durement à Mowgli de fréquenter les singes : Tu as frayé avec le peuple singe ... les singes gris ... le peuple sans loi, mangeur de tout. C'est une grande honte.
Dans le récit destiné aux enfants, où les animaux parlent, où la poésie donne plus de force encore aux mystères de la jungle épaisse et animée, Kipling se fait également le chantre de l'aventure impériale, et de l'ordre britannique qui vient imposer un cadre de civilisation nouveau à l'Inde. Pour Kipling, le colonialisme est une vertu, incarnée dans la personne du vice-roi, sommet d'une hiérarchie soigneusement élaborée : Mulet, cheval, éléphant, bœuf, chacun obéit à son conducteur, le conducteur à son sergent, le sergent à son lieutenant, le lieutenant à son capitaine, le capitaine à son commandant, le commandant à son colonel, le colonel à son brigadier avec ses trois régiments, le brigadier à son général, qui obéit au vice-roi, qui est le serviteur de l'impératrice. Et voilà.En dépit de cette apparence monolithique, Le Livre de la jungle a aussi pour décor une société anglo-indienne bientôt amenée à disparaître, ce qui lui donne le charme discret d'un monde désuet sur le point de s'effacer. Paradoxalement, l'ouvrage – ce qui explique peut-être en partie son succès – nous parle avant tout, au-delà de la mise en scène du monde des animaux, de la solidarité humaine, hors de laquelle toute société véritable est impossible.

Parmi les adaptations auxquelles le livre a donné lieu, signalons celle de Zoltan Korda, en 1942, avec Sabu dans le rôle de Mowgli.


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#233 Jean-Baptiste de Boyer
Loriane Posté le : 11/01/2015 15:32
Le 11 janvier 1771, meurt Jean-Baptiste de Boyer

au château de la garde près de Toulon, marquis d’Argens, né à Aix-en-Provence le 27 juin 1703, écrivain français du mouvement Scepticisme. Il laisse une oeuvre écrite très abonadante.

En bref

Cet écrivain et philosophe, originaire de la Provence, déiste et ami de Voltaire, parfait représentant du siècle des Lumières, lutta toute sa vie contre l'obscurantisme.
Aristocrate, il mit sa plume au service de la libre pensée en lutte contre les préjugés, notamment à Berlin, où l'attira Frédéric II. Sur le modèle des Lettres persanes, il composa les Lettres juives 1736, les Lettres cabalistiques 1737 et les Lettres chinoises 1739. Il rédigea un traité, empreint de scepticisme la Philosophie du bon sens, 1737, des Mémoires, Mémoires secrets de la république des lettres, 1737-1748 et des récits libertins, comme les Nonnes galantes 1740.

Sa vie

Fils de Pierre-Jean de Boyer, marquis d'Argens, seigneur d'Eguilles, procureur général au parlement de Provence et d'Angélique l'Enfant, petit fils de Jean-Baptiste Boyer d'Éguilles, Boyer d’Argens suivit la carrière des armes et eut une jeunesse fort licencieuse. Sa vie sentimentale impétueuse s’est particulièrement orientée vers les actrices de théâtre. Dès l’âge de quinze ans, malgré l’opposition de son père qui le destinait, en tant que fils aîné, à la magistrature, il entra dans l’armée où il resta jusqu’à la trentaine, ce qui poussa son père à le déshériter au profit de son frère cadet, Alexandre Jean-Baptiste de Boyer. Blessé devant Philipsbourg en 1734, il quitta le service et se retira en Hollande, afin d’y écrire librement ses pamphlets.

Il attira l'attention du roi de Prusse par ses attaques contre le christianisme : ce prince l’appela à sa cour, en fit son chambellan avec 6 000 francs de traitement, et le nomma Kammerherr directeur général de son Académie des sciences. Il s’offensa néanmoins de le voir épouser l’actrice Mademoiselle Cochois.

Après avoir vécu 25 ans dans l’intimité de Frédéric II, le marquis d’Argens revint passer ses dernières années dans sa famille, à Aix. À la mort du marquis, le roi fit ériger un mausolée à sa mémoire dans l’église Notre-Dame de la Seds, à Aix: ce monument est l'œuvre du sculpteur Charles-Antoine Bridan.

Il avait une instruction vaste et variée, et ses écrits sont inspirés par la philosophie sceptique de l’époque.

Robert Darnton considère que d’Argens a probablement été l’auteur du roman philosophico-pornographique Thérèse philosophe, ou mémoires pour servir à l’histoire du P. Dirrag et de Mlle Eradice.

Cet écrivain et philosophe, originaire de la Provence, déiste et ami de Voltaire, parfait représentant du siècle des Lumières, lutta toute sa vie contre l'obscurantisme.
Une anecdote raconte que, lors d'une dangereuse tempête, les passagers du navire se mirent à réciter des prières tandis que le marquis d'Argens poursuivit calmement sa lecture des Pensées diverses de Pierre Bayle. D'Argens était un fervent lecteur de Bayle et contribua à rendre célèbre son Dictionnaire historique et critique en plein XVIIIe siècle. On n'entrera pas dans les détails des aventures de sa vie tumultueuse, évoquées dans ses Mémoires, on peut cependant mentionner ses missions diplomatiques en Afrique du Nord et en Turquie, où il fit scandale avec sa « belle Algérienne » et sa tentative de pénétrer dans la mosquée Sainte-Sophie lors d'une cérémonie religieuse.
C'est au cours d'un de ses voyages qu'il fit la connaissance d'un juif nommé Fonséca, qui deviendra Aaron Monseca dans ses Lettres juives 1736. On ne saurait oublier qu'il fut l'un des premiers écrivains de l'Occident à traiter le peuple juif avec respect — ce qui le distingue de son ami Voltaire, dont l'analyse simpliste du peuple d'Israël n'a jamais servi la cause de la tolérance.
Les Lettres juives ont, d'ailleurs, permis à Voltaire de faire la connaissance d'Argens, mais les raisons de cette rencontre sont plus complexes : elle remonte à l'époque de la querelle entre Voltaire et le poète Jean-Baptiste Rousseau, à l'occasion de laquelle le marquis d'Argens prit le parti de Voltaire. Tous deux admiraient profondément la Chine, suivant en cela une tradition qui remonte à La Mothe Le Vayer et qui considère le confucianisme comme le véritable ennemi de la superstition.
Les Lettres chinoises 1739, grande œuvre de la littérature française, se distinguent nettement des autres lettres exotiques de l'époque et ont leur place à côté d'œuvres majeures telles que les Lettres persanes.
Le génie d'Argens — connu également pour la Philosophie du bon sens 1737 et les Mémoires secrets de la république des lettres 1737 — attira bien vite l'attention du grand empereur du siècle des Lumières, Frédéric le Grand, qui l'appela à sa cour. D'Argens s'y trouva en célèbre compagnie, entouré de Francesco Algarotti, de Pierre Maupertuis et de Voltaire.

Œuvres

La bibliographie chronologique qui suit est extraite du travail de la bibliothèque de Trèves Trier/Allemagne; cette bibliographie a fait l'objet d'un travail de remaniement assez conséquent. L'adresse du site de la Bibliothèque de l'Université de Trier est donnée ci-dessous en annexes. On s'y reportera, en particulier pour acquérir les nombreux renvois aux adresses électroniques qui permettent de lire les fac-similés. De manière générale, une recherche sur le nom "Boyer d'Argens" sur le site de Gallica permet d'accéder à la plupart des textes en français. On notera l'édition en cours

1730 Promenades d’Ariste et de Sophie, ou instructions galantes et serieuses pour une jeune demoiselle qui veut entrer dans le monde. Par Monsieur de L**. - Amsterdam: Du Sauzet, 1730, 308 pages.
1735 Mémoires de Monsieur le Marquis d'Argens: avec quelques lettres sur divers sujets. - Londres: Aux dépens de la Compagnie, 1735. 296 pages.
1735 Mémoires du comte de Vaxere ou le faux rabin. Amsterdam 1735. XII, 282 pages.
1735-1737 Lettres Juives, ou Lettres d'un Juif en Voyage à Paris à ses Amis en divers Endroits. - La Haye: Pierre Paupie, 1735-1737.
1736 Les enchainemens de l'amour et de la fortune, ou les Mémoires du Marquis de Vaudreville. - La Haye: Benjamin Gibert, 1736. [14], 245, [3].
1736 Histoire du roi de Campanie, et de la princesse parfaite. - Paris, chez la veuve de Louis-Denys Delatour, 1736. (2), 180 pages.
1736 Histoire du roi de Campagnie, et de la princesse parfaite. Amsterdam: Wetstein & Smith, 1736. 230 pages.
1736 Mémoires, avec quelques lettres sur divers sujets. - Londres: Aux dépens de la Campagnie [!], 1736. 243 pages.
1736 Mémoires De La Comtesse De Mirol, Ou Les Funestes Effets De L'Amour Et De La Jalousie : Histoire Piémontoise. - LaHaye: Moetjens, 1736. [8] , 224 S.
1736 Mémoires De Mademoiselle De Mainville, Ou Le Feint Chevalier. - LaHaye: Paupie, 1736. - [20], 226 pages.
1736 Mémoires du marquis de Mirmon, ou le solitaire philosophe, par L. M. D.. - Amsterdam: Wetstein et Smith, 1736. ? 319 pages.: Ill.
1736 Le Mentor cavalier, ou les illustres infortunez de notre siècle. - A Londres, Aux Dépens de la Compagnie, 1736. - [8], 250, [2] pages.
1736 Le solitaire philosophe, ou Mémoires de M.. le marquis de Mirmon, par M.. L.M.D. - Amsterdam: Wetstein et Smith, 1736. [6], 262 pages.
1736 Der philosophische Einsiedler oder besondere Nachrichten des Marggrafen von Mirmon. - Hamburg: Wiering, 1736. 168 pages.
1736-1737 Lettres juives, ou correspondance philosophique, historique, et critique, entre un juif voyageur à Paris et ses correspondans en divers endroits. - T. 1 -6. La Haye : Pierre Paupie, 1736-1737.
1736-1737 Lettres juives, ou correspondance philosophique, historique, et critique, entre un juif voyageur à Paris et ses correspondans en divers endroits. - T. 1 -6. Amsterdam: Gautier, 1736-1737.
1737 Les caprices de l'amour et de la fortune, ou les avantures de la signora Rosalina. - La Haye: Paupie, 1737. - VIII, 300 pages.
1737 Le fortuné florentin, ou les mémoires du comte della Vallé, par d'Argens. - La Haye: Gallois, 1737. - 255 pages.
1737 Lettres juives ou correspondance philosophique, historique et critique entre un juif voyageur à Paris et ses correspondans en divers endroits. - T. 4 - 6, La Haye: s.e., 1737.
1737 Lettres morales et critiques sur les differens états et les diverses occupations, des Hommes. Amsterdam: Le Cène, 1737. (8), 236 pages.
1737 Mémoires De Monsieur Le Marquis D'Argens: Avec quelques Lettres sur divers Sujets. Seconde Édition. Londres: Aux dépens De La Compagnie, 1737. [4], 312 pages.
1737 Mémoires Du Comte De Vaxère, Ou Le Faux Rabin. Par L'Auteur Des Lettres Juives. Amsterdam 1737. - [4], XII, 282 pages, [2]: Ill.
1737 Le Philosophe amoureux, ou les mémoires du comte de Mommejan, par M.. Le Marquis d'Argens. - La Haye: Moetjens, 1737. 268 pages.
1737 La philosophie du bon-sens, ou reflexions philosophiques sur l'incertitude des connoissances humaines: à l'usage des Cavaliers et du Beau-Sexe, par le Marquis d'Argens. - Londres: La Compagnie, 1737. - XII, 444, [66] pages.
1737 De Filosofy van het gezondt-verstandt, of filozofise aanmerkingen over de onzekerheid der menschelyke. - Te Londen : voor Rekening van de Compagnie, 1737.
1737-1738 Lettres Cabalistiques, Ou Correspondance Philosophique, Historique Et Critique, Entre deux Cabalistes, divers Esprits Élémentaires, et le Seigneur Astaroth. - T. 1 - 4: La Haye: Paupie, 1737-1738. 7 Bl., 240 pages.; 7 Bl., 240 pages.; 3 Bl., 240 pages, 7 Bl., 232 pages.
1737-1748 Mémoires secrets de la république des lettres ou, Le théâtre de la vérité. Par l'auteur des Lettres juives. T. 1 -14. Amsterdam: Desbordes, 1737- 1748. Nachdruck Genève: Slatkine, 1967. 677 pages.
1738 Lettres de M.. le Marquis d'Argens: avec les réponses servant de supplément à ses Mémoires. - La Haye: [de Hondt], 1738. 118 S.
1738 Lettres juives, ou, Correspondance philosophique, historique et critique entre un juif voïageur en différens États de l'Europe, et ses correspondans en divers endroits. Nouv. éd. augmentée. de XX nouvelles lettres, de quantité de remarques, et de plusieurs figures. - T. 1 - 6. La Haye: Paupie, 1738.
1738 Lettres philosophiques et critiques. La Haye : De Hondt, 1738. (2), 324, (8) S.
1738 La philosophie du bon-sens, ou reflexions philosophiques sur l'incertitude des connoissances humaines à l'usage des Cavaliers et du beau-sexe. London 1738. XII, 444, [66] S.
1738-1739 Lettres juives, ou correspondance philosophique, historique, et critique, entre un juif voyageur à Paris et ses correspondans en divers endroits. Nouvelle édition; Augmentée de XX Nouvelles Lettres. T. 1 - 7. Lausanne ; La Haye ; Genève: Bousquet, 1738. T. 7 (1739) Contient un "Supplément, ou, Tome septième des Lettres juives, contenant les XX. nouvelles lettres mises dans la dernière éd. de La Haye... à quoi l'on a ajouté une épître dédicatoire à l'auteur, et une lettre très curieuse, qui ne se trouve pas dans la susdite éd. de La Haye". Texte disponible sur la bibliothèque numérique Gallica.
1739 Intrigues monastiques ou l'amour encapuchonnée. Nouvelles espagnoles, italiennes et françoises. - La Haye 1739. [6], 256 pages.
1739 Lectures amusantes, ou les délassements de l'esprit. Avec un Discours sur les nouvelles. T. 1 - 2, La Haye: Moetjens, 1739. - 360 pages.: Ill; 379 S.: Ill. Cf. Gallica2
1739 Le législateur moderne, ou les mémoires du chevalier de Meillcourt. - Amsterdam: Changuion, 1739. - XII, 332 pages.: Ill. (Texte électronique sur Gallica - la bibliothèque numérique: Gallica.
1739 Mémoires historiques et secrets: concernant les amours des rois de France. - A Paris vis-à-vis le Cheval de Bronze, 1739. VI, 303 pages.
1739 Le solitaire philosophe, ou Mémoires de M.. le marquis de Mirmon, par M.. L.M.D. - Amsterdam: Wetstein et Smith, 1739.
1739-40 Lettres chinoises ou correspondance philosophique, historique et critique, entre un chinois voyageur à Paris et correspondans à la Chine, en Moscovie, en Perse et au Japon, par l' auteur des Lettres juives et des Lettres cabalistiques. T. 1 - 5, La Haye: Paupie, 1739-1740. (Texte électronique du Tome I de cette édition sur gallica2)
1739-1740 The Jewish spy: being a philosophical, historical and critical correspondence: by letters which lately pass'd between certain Jews in Turkey, Italy, France, etc. Translated from the originals into French, by the Marquis d'Argens ; and now done into English. - T. 1 - 5. London: D. Browne and R. Hett, 1739-1740.
1739-1744 Jewish letters: or, a correspondence philosophical, historical and critical, betwixt a Jew and his correspondents, in different parts. T. 1 - 4, Newcastle: James Fleming (printed by J. White), 1739-1744. xii, 394 (44); (12) 371 (25); (18) 370 (26); 402 (22) S.: Ill.
1740 Anecdotes vénitiennes et turques, ou Nouveaux mémoires du comte de Bonneval : Depuis son arrivée à Venise jusqu'à son Exil dans l'Isle de Chio, au mois de Mars 1739. Par M.. De Mirone. T. 1 -2, Francfort: Aux dépens de la Compagnie, 1740. (5), 218, 216 pages. Attribution douteuse !
1740 Histoire des religieux de la Compagnie de Jésus. Contenant ce qui s'est passé dans cet ordre depuis son établissement jusqu'à présent... Tome premier [- quatrième]. A Soleure : chez les libraires associés, 1740. Silvia Berti (Rivista storica italiana 96 (1984), p. 517) attribue la longue préface de 249 pages au premier tome de cette refonte d'un ouvrage généralement attribué au Père Quesnel à d'Argens.
1740 Lettre de l' auteur des lettres juives et des lettres cablistiques à M.. Eberhard Weisman, professeur en théologie dans l'université de Tubinge. - La Haye: Paupie, 1740. - 40 pages.
1740 Les nones galantes ou l'amour enbeguiné. - La Haye, Jean Van Es, 1740. [4], 402 S.
1740 La philosophie du bon-sens ou réflexions philosophiques sur l'incertitude des connoissances humaines, par Monsieur le marquis D'Argens. Nouv. éd., rev. corr. et augm. d'un Examen critique des remarques de M.. l'abbé d'Olivet... sur la théologie des philosophes grecs. - T. 1 - 2 . La Haye: Pierre Paupie, 1740. XVI, 479 S.: Ill.; VI, 476 S.: Ill.
1740 Der philosophische Seefahrer, oder Leben und Reisen des Ritters von Meillcourt: welcher nach mancherley Glück- und Unglücks-Fällen... endlich zu einem Könige über 2 unbekannte Völckerschafften erwählet worden. Von dem Marquis von Argens der Englischen Nation zugeeignet. - Berlin: Joh. Pet. Schmid, 1740. 241 pages.
1740 Den gelukkigen Florentyner of de gedenkschriften van de Graaf della Valle. - Deventer Gerrit Steinfort en Jan de Lat in comp., 1740. (II), 187 pages.
1741 Les Enchainemens de l'amour [et] de la fortune; Mémoires de la Mademoiselle de Mainville; Les caprices de l'amour [et] de la fortune, in: Amusemens des dames, ou recueil d'histoires galantes Des meilleurs Auteurs de ce Siècle, T. 3, 4 und 5, La Haye 1741.
1741 Lettres Cabalistiques, Ou Correspondance Philosophique, Historique et Critique: Entre deux Cabalistes, divers Esprits Elémentaires, Et le Seigneur Astaroth. Nouvelle Édition, Augmentée de LXXX. Nouvelles Lettres, de Quantité de Remarques, et de plusieurs Figures. - T. 1 - 6, La Haye: Paupie, 1741.
1741 Le Triomphe de la vertu, ou voyages sur mer, et avantures de la Comtesse de Bressol. T. 1 - 3, La Haye: Gallois, 1741. 337 pages; 332 pages.; 259 pages.
1741 Chinese letters. Being a philosophical, historical, and critical correspondence between a Chinese traveller at Paris, and his countrymen in China, Muscovy, Persia and Japan. Translated from the originals into French, by the Marquis d'Argens, author of the Lettres juives, or Jewish spy; and now done into English. - London: D. Browne and R. Hett, 1741. XX, 314 S. Nachdruck: New York [u.a.]: Garland, 1974.
1742 Anecdotes vénitiennes et turques, ou Nouveaux mémoires du comte de Bonneval,... par M. de Mirone (le Mis d'Argens). T. 1 - 2, Utrecht, J. Broedelet, 1742. Attribution douteuse !
1742 Lettres juives: ou correspondance philosophique, historique et critique, entre un juif voyageur en differens états de l'Europe et ses correspondans en divers endroits. Nouv. ed. augm. - T. 1 - 6. La Haye: Paupie 1742.
1743 Reflexions historiques et critiques sur le gout et sur les ouvrages des principaux auteurs anciens et modernes. - Amsterdam: Changuion, 1743. [16], 411 pages.
1743 Réflexions historiques et critiques sur le goût et sur les ouvrages des principaux auteurs anciens et modernes. - Berlin: Fromery, 1743. [16], 411 pages.(Réimpr.: Genève: Slatkine Repr., 1970 [1971).
1743-1748 Mémoires secrets de la république des lettres ou le théatre de la vérité. Jean-Baptiste de Boyer, marquis d'Argens. Par l'auteur des lettres juives. - T. 1 - 7. La Haye: Neaulme, 1743-1748.
1744 Lettres philosophiques et critiques, par Mademoiselle Co**. Avec les réponses de Monsieur D'Arg***. - La Haye: Hondt, 1744. - 132 [i.e. 332] pages.
1744 Mémoires pour servir à l'histoire de l'esprit et du cœur. Par Monsieur le Marquis d'Arg*** et par Mademoiselle Cochois.. - La Haye: Hondt, 1744. - 296, 6 pages.
1744 Mémoires Secrets de La République Des Lettres, ou Le Théatre De La Vérité, par l'Auteur des Lettres juives. - T. 1 - 7, Amsterdam: Néaulme, 1744. 1 (1744), 12, 370 S.; 2 (1744), 383 S.; 3 (1744), 412 S.; 4 (1744), 416 S.; 5 (1744), 350 S.; 6 (1759), 379 pages.
1744 The jewish spy: being a philosophical, historical and critical correspondence, by letters which lately passed between certain jews in Turkey, Italy, France, transl. from the originals into French by the Marquis d'Argens; and now done into English. - Second edition T. 1 - 5, London: Browne, 1744. - XII, 333, [45] S.: Ill.; XII, 312, [46] S.; XVI, 322, [58] S.; XIX, 317, [32] S.; XXIV, 368, [26] S.
1744 Der Triumph der Tugend oder sonderbahre Begebenheiten und Reisen über Meer der Gräfin von Bressol. - Breßlau & Leipzig: Pietsch, 1744. 576 pages.
1745 Critique Du Siècle, ou Lettres Sur Divers Sujets. Par l'Auteur des Lettres Juives. T. 1 - 2, La Haye: Paupie, 1745. 240 et 200 pages.
1745 Mémoires du chevalier de... , par d'Argens. - T. 1 - 2, Londres: s.e., 1745. 161 pages.
1745 Pensées Diverses et Critiques, sur les Principaux Auteurs François. Augmentée de plusieurs articles et d'une Lettre de F. H. S. D. S[trouve] de l'Académie Imperiale de Petersbourg. Nouvelle Édition Berlin: Fromery, 1745. (14), 452 pages.
1745 Les Songes Du Chevalier De La Marmotte. [S.l.] : Au Palais De Morphée, 1745. 108 S. [Mehr nicht erschienen: am Ende des Werkes "Fin De La Premiere Partie". Vgl. Songes philosophiques].
1745 Sur l'Utilité des Académies et des Sociétés Littéraires, in: Histoire de L'Académie Royale des Sciences et des Belles Lettres de Berlin. Année 1745. Berlin: Haude, 1746, S. 73-78.
1745 Beurtheilung der Menschen dieser Zeit, oder Briefe über verschiedene Sachen. Hrsg. durch den Verfasser der Lettres juives, cabalistiques und chinoises. - Berlin: Schütz, 1745. 172 pages.
1745 Die Träume des Ritters de la Marmotte . - Leipzig : Krull, 1745. 61 pages.
1745-1746 Nouveaux Mémoires, Pour Servir A L'Histoire De L'Esprit Et Du Cœur. Par Monsieur Le Marquis D'Argens, Chambellan De Sa Majesté Le Roi De Prusse, Directeur De L'Académie Roiale Des Sciences Et Des Belles Lettres De Berlin, Et Par Mademoiselle Cochois. - T. 1 - 2, La Haye: Scheurleer, 1745-1746. [6], 305 S., [2]: Ill.; [12], 334 S.
1746 Critique Du Siècle, Ou Lettres Sur Divers Sujets. T. 1 - 2, La Haye: Paupie, 1746.
1746 Les enchaînemens de l'amour et de la fortune, ou mémoires du marquis de Vaudreville, par d'Argens. - T. 1 - 2, La Haye: Gibert, 1746. - 222 pages.
1746 Lettres morales et critiques sur les différens états et les diverses occupations, des hommes. - Amsterdam: Chareau et Du Villard, 1746. (IV), 224 pages.
1746 La philosophie du bon-sens ou réflexions philosophiques sur l'incertitude des connoissances humaines. Nouv. éd., rev. corr. et augm. d'un Examen critique des remarques de M.. l'abbé d'Olivet... sur la théologie des philosophes grecs.. T. 1 - 2, La Haye: Pierre Paupie, 1746 (Rééd. de l'éd . de 1741). 423 pages.
1746 Songes philosophiques: suivant la copie originale, par l'auteur des Lettres Juives. - Berlin s.e. 1746 [nach Larkin 1984 in Den Haag bei Jean néaulme gedruckt]. - 216 S. [Mikrofiche-Ausg.: Wildberg: Belser Wiss. Dienst, 1989 - 1990. (Édition Corvey)].
1746-1748 Bibliothèque choisie et amusante. - T. 1 - 3, Amsterdam: aux dépens de la Co., 1746-1748. - 452 S.: Ill.; 441 S.: Ill.; 428 S.: Ill.
1747 Lettres d'un très révérend père capucin du couvent de Liège, à Monsieur Aubert de la Chesnaie, au sujet de la critique des Songes philosophiques. - Liège: Broncard, 1747. - 23 S. (Gallica - la bibliothèque numérique: http://gallica.bnf.fr/). Reproduit dans Journal Universel ou Mémoires pour servir à l'Histoire Civile, Politique, Ecclésiastique, et Littéraire du XVIIIe Siècle, T. XIV, Amsterdam: Gerrit de Groot et Ryckhoff junior, [Octobre] 1747, pages 151-165.
1747 Lettres morales et critiques sur les différens états et les diverses occupations des hommes. Amsterdam : M. C. Le Cesne, 1747.
1747 Mémoires de monsieur le marquis de St.... ou les amours fugitifs du cloître. - T. 1 -2, Amsterdam: aux dépens de la Co., 1747. - (8), 175 S.: Ill; 172 S.: Ill.
1747 Mémoires Du Chevalier De ***. Par Monsieur le Marquis D'Argens. - T. 1 - 2, Paris 1747.
1747 La Philosophie du bon-sens, ou réflexions philosophiques sur l' incertitude des connoissances humaines: à l' usage des cavaliers et du beau-sexe. Nouv. éd., rev., corr. et augm., T. 1 - 3, La Haye: Paupie, 1747.
1747 New memoirs establishing a true knowledge of mankind, by discovering the affections of the heart, and the operations of the understanding, in the various scenes of life: being a critical inquiry into the nature of friendship and happiness, and essays on other important subjects... interspersed with letters from the Baron de Spon... and two novels, Spanish and French... with thoughts on the art of beautifying the face, by Mademoiselle Cochois. T. 1 - 2. London: D. Browne, 1747. (2), vii, (15), 261, (1); (14), 274 pages.
1747 Begebenheiten der Gräfin von Mirol, oder die betrübten Würckungen der Liebe und Eifersucht. Eine piemontesische Geschichte. - Frankfurt und Leipzig 1747. 160 pages.
1748 Lettres morales et critiques sur les divers états... des hommes. Nouv. Ed. Nouv. éd. Amsterdam : Chareau & du Villard, 1748. 274 S.
1748 Mémoires de la comtesse de Mirol, ou les funestes effets de l'amour et de la jalousie: histoire piémontoise, par d'Argens. - La Haye: Moetjens, 1748. 223 S.
1748 Mémoires de Monsieur le marquis de ST ***, ou les Amours fugitifs du cloître. Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, 1748. - T. 1 - 2. (3 Bl.), 100 S., (1 Bl.), 104 S.
1748 Mémoires du marquis de Mirmon, ou le Solitaire philosophe'. Par M.. L.M.D. - T. 1 - 2. Amsterdam 1748. 280 pages.
1748 Mémoires et lettres de M. le Marquis d'Argens. - Londres: Aux dépens de la Compagnie, 1748. 312 pages.
1748 Die verliebten Nonnen, oder die Liebe in Klöstern. - Hamburg: Martini, 1748. (4), 218 pages.
1748 La Philosophie du bon-sens, ou réflexions philosophiques sur l' incertitude des connoissances humaines: à l' usage des cavaliers et du beau-sexe. Nouv. éd., rev., corr. et augm., T. 1 - 3, La Haye: Paupie, 1747.
1749 Mémoires du comte de Vaxere, ou le Faux Rabin, par M. le marquis d'Argens. - Amsterdam : Aux dépens de la Société, 1749. 247 S.
1749 The impartial philosopher, or, The philosophy of common sense written originally in French, by the Marq. d'Argens... ; translated from the the last edition ; to which is added, Mons. Maupertuis's dissertation upon gravity, etc.. - T. 1 - 2. London: John Robinson..., 1749 (Erste englische Ausgabe der "Philosophie du bon sens.").
1749 Die Begebenheiten des Ritters von Vaudreville. Hamburg 1749.
1749 Man a machine : Translated from the French of the Marquiss d'Argens. - Dublin : printed for W. Brien, 1749. 72 S.
1749 Merkwuerdige Lebens-Beschreibung des Herrn Marquis von Argens: nebst dessen Briefen über verschiedene Materien. Frankfurt [u.a.], 1749. 274 S.: Ill.
1750 Lettres juives, ou correspondance philosophique, historique et critique, entre un juif voyageur à Paris, et ses correspondans en divers endroits. - Nouvelle éd.. - T. 1 - 6, Lausanne: Bousquet, 1750 + "Supplément ou tome septième de lettres juives" ibid. 1751. - 258 S.; 267 S.; 283 S.; XXIV, 283 S.; XX, 291 S., XVI, 324 S.; XXIV, 450 S.
1750 Lettres morales et critiques sur les différens états et les diverses occupations des hommes. Amsterdam : M. C. Le Cesne, 1750.
1750 Mémoires De Mademoiselle De Mainville, Ou Le Feint Chevalier. - Amsterdam: Par la Société, 1750.
ca. 1750 Philozofische droomen, of Oordeelkundige aanmerkingen, over de gewoontens, zeden en gevoelens der hedendaagsche waereld. s'Hertogenbosch: J. Reuvers ; Amsterdam : Hofman ; Haarlem: Bosch ; Leide : Eyk [etc.], o. J.
1751 Avantures de Bella et de Dom M...: nouvelle espagnole. Et Le comte de R...: nouvelle françoise. Par Dargens. - T. 1 - 2, La Haye: Moitjens, 1751. - 136, 196 pages.
1751 Lettres Chinoises: ou correspondance philosophique, historique et critique, par l'auteur des lettres juives et des lettres cabalistiques. - Nouv. éd., augmentée. - T. 1 - 5. La Haye: Gosse, 1751. - XLVIII, 292 S.; 383 S.; 276 S.; 320 S.; 364 pags.
1751 Mémoires du comte de Vaxère, ou le faux-rabin, par d'Argens. - T. 1 - 2, Amsterdam: Aux dépens de la Compagnie, 1751. 143, 117 S.
1751 Jewish letters or, a correspondence philosophical, historical and critical, between a Jew and his correspondents, in different parts'. -- The second edition. - London: J. Fleming, 1751.
1752 Réflexions critiques sur les différentes écoles de peinture. - Paris: Rollin, Grange et Bauche fils 1752. [4], 3-239, [1], iij, [1] S.
1752 The Chinese spy: being a series of letters between a Chinese traveller at Paris, and his countrymen in China, Muscovy, Persia, and Japan: wherein the government, customs, religion, and learning of those several nations are described and compared with the Europeans: with a preface by the Author of The Jewish spy. The second edition. London: J. Whiston and B. White... and J. Woodyer, 1752. XX, 314 S.
1753 The Jewish spy: being a philosophical, historical and critical correspondence, by letters which lately pass'd between certain Jews in Turkey, Italy, France, etc. Translated from the originals into French by the Marquis D'Argens and now done into English. - T. 1 - 4. Dublin: Oli, Nelson and H. Saunders, 1753. Vol. 1: xviii, [2], 333, [9] S.; v. 2: xviii, 347, [9]S.; v. 3: [6], 346, [10] S.; v. 4: [8], 356, [8] S.
1753 Philosophical dissertations on the uncertainty of human knowledge, by the Marquis D'Argens; with some remarks on the theology of the Grecian philosophers; to which is added, Mons. Maupertuis's dissertation upon gravity, etc.... ; translated from the last French edition. - T. 1 - 2. London: J. Wren, 1753.
1754 Lettres cabalistiques, ou, Correspondance philosophique, historique et critique, entre deux cabalistes: divers esprits élémentaires, et le seigneur Astaroth. -- Nouv. éd., augmentée de nouvelles lettres et de quantité deremarques. - T. 1 - 7. La Haye: S. Paupie, 1754. >>> Google Book Search: Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5, Tome 6, Tome 7].
1754 Lettres Juives, Ou Correspondance Philosophique, Historique et Critique, Entre un Juif Voyageur en différens Etats de L'Europe et ses Correspondans en divers endroits. Nouvelle Édition, Augmentée de nouvelles Lettres et de quantité de remarques. T. 1 - 8, La Haye: Paupie, 1754.
1754 Mémoires Pour Servir A L'Histoire De L'Esprit Et Du Cœur. Par Monsieur Le Marquis D'Arg*** Chambellan De Sa Majesté Le Roi De Prusse, Directeur De L'Académie Roiale Des Sciences Et Des Belles Lettres De Berlin, Et Par Mademoiselle Cochois. - La Haye: De Hondt, 1754. - [2], 296 S.: Ill.
1754 La Philosophie Du Bon-Sens, Ou Réflexions Philosophiques Sur L'Incertitude Des Connoissances Humaines: À l'usage des Cavaliers [et] du Beau-Sexe. Huitième Édition Corrigée, augmentée de deux Dissertations Morales, sur les Douceurs de la Societé; et sur la vie heureuse; de plusieurs nouvelles notes; Et d'un examen critique des remarques De M.. L'Abbé... Sur la Theologie Des Philosophes Grecs. - T. 1 - 2. Dresde: Walther, 1754.
1754 Memoirs of the Count du Beauval, including some curious particulars relating to the Dukes of Wharton and Ormond, during their exiles. With anecdotes of several other illustrious and unfortunate noblemen of the present age. London: M. Cooper, 1754. (28), 224 S. [Traduction par Samuel Derrick, ami de Samuel Johnson et de Boswell). (Texte électronique de la Préface de Samuel Derrick (HTML) sur Gutenberg
1755 Critique du siecle, ou lettres sur divers sujets, par l'auteur des Lettres juives. Nouvelle édition, augmentee de nouvelles lettres et de... remarques... T. 1 - 2, La Haye: Paupie, 1755. 366 S. ; 344 S. (texte électronique sur Gallica - la bibliothèque numérique: http://gallica.bnf.fr/).
1755 Histoire de l'esprit et du cœur, par M.. le Marquis d'Arg*** et par Mademoiselle Cochois. - La Haye: de Hondt, 1755. 230 S.
1755 Lettre de M. le marquis d'Argens, avec la réponse de M. de P***, servant de supplément à ses Mémoires. Londres: aux dépens de la Compagnie, 1755.
1755 Lettres chinoises, ou, Correspondance philosophique, historique et critique: entre un Chinois voyageur et ses correspondans à la Chine, en Moscovie, en Perse et au Japon. Nouvelle édition, augmentée de nouvelles lettres et de quantité de remarques. - T. 1 - 6. La Haye: Pierre Paupie, 1755.
1755 Mémoires et lettres de M. le Marquis d'Argens. Londres [i.e. Amsterdam?]: aux dépens de la compagnie, 1755. [2], 312, 48 S.
1755 La Philosophie du bon-sens, ou réflexions philosophiques sur l' incertitude des connoissances humaines, Nouv. éd., corr. et augm. d'un Examen critique des remarques de M. l'Abbe d'Olivet, de l'Académie Française .- T. 1 - 3. La Haye: Paupie, 1755.
1755 La Philosophie Du Bon-Sens, Ou Réflexions Philosophiques Sur L' Incertitude Des Connoissances Humaines: À l'usage des Cavaliers [et] du Beau-Sexe. Huitième Édition Corrigée, augmentée de deux Dissertations Morales, sur les Douceurs de la Societé; et sur la vie heureuse; de plusieurs nouvelles notes; Et d'un examen critique des remarques De M.. L'Abbé... Sur la Theologie Des Philosophes Grecs. - T. 1 - 2. Paris 1755.
1756 Lettres chinoises ou: correspondance philosophique, historique et critique entre un Chinois voyageur à Paris [et] ses correspondans à la Chine, en Moscovie, en Perse et au Japon. Par l'auteur des lettres juives et des lettres cabalistiques. 5. éd., augmentée de plusieurs additions considerables, de remarques... d'une dissertation sur les disputes littéraires, de plusieurs nouvelles lettres, [et] d'une table des matières. T. 1 - 6. La Haye: Gosse ; Van Daalen, 1756.
1756 Mémoires du marquis de Mirmon, ou, Le solitaire philosophe, par M. le marquis d'Argens. - Amsterdam: Wetstein et Smith, 1756. (6), 280 S.
1756 Die Philosophie der gesunden Vernunft oder philosophische Betrachtungen über die Ungewißheit der menschlichen Erkäntniß. Zum Gebrauch vornehmer Standes-Personen beiderlei Geschlechts: Aus dem Französischen des Herrn Marquis von Argens übersetzet. T. 1 - 2. - Breßlau und Leipzig: Pietsch, 1756. (1756). - [11] Bl., 446 S. und [1] Bl., 446 S., [17] Bl.
1757 Philosophical visions. Translated from the French. - London: R. Griffiths and T. Field, 1757. xxvi, 235 S.
1757 De standvastige Afrikaansche, en de edelmoedige Spaansche: of De historie van Adelaïde en Elvire [par la Marquise d'Argens]. Rotterdam: J. Tiele & A. Bothall, 1757.
1759 Istruzioni utili, e necessarie, per tutti coloro, che bramano vivere in buona, ed onesta compagnia, e condurre nel mondo una vita lieta, e felice. Opera ripiena d'eruditi, e piacevoli esempi, ed adatta ad ogni qualunque stato di persone. Del signor marchese D. A. - Venedig: Paolo Colombani, 1759. 144 p.. [Traduction des Réflexions diverses sur les douceurs de la société publiées dans les Mémoires pour servir à l'histoire de l'esprit et du coeur, La Haye: de Hondt, 1744, p. 6-84 et des Réflexions diverses et critiques sur la vie heureuse publiées dans les Mémoires pour servir à l'histoire de l'esprit et du coeur, La Haye: Scheurleer, 1746, t. II, p. 1-97, par D. Cluniani].
1760 [Friedrich II. König von Preußen]: Bref de notre Saint Père le Pape à M.. le Maréchal Daun : d. d. Rome, 30. Jan. 1759. [S.l.], [circa 1760]. 8 S. [Ouvrage de Frédéric le Grand, traduit en latin par le Marquis d'Argens].
1760 Lettre d'un aumonier de l'armée autrichienne au réverend père supérieur des cordeliers du couvent de Francfort sur le Main: dans laquelle on découvre les astuces et les moiens criminels dont s'est servi le roi de Prusse pour pagner les batailles de Lignitz et de Torgau. - S.l., 1760. - 16 S.
1760 La Philosophie du bon-sens, ou réflexions philosophiques sur l' incertitude des connoissances humaines: à l' usage des cavaliers et du beau-sexe. Nouv. éd., rev., corr. et augm., T. 1 - 2, Avignon 1760.
1760 Schreiben eines Feldpriesters der oesterreichischen Armee an den ehrwuerdigen Pater Prior des Franziskanerklosters zu Frankfurt a. M., worinnen die Arglisten und verruchten Mittel entdeckt werden, deren sich der Koenig von Preussenbedient hat, die Schlachten bey Lignitz und bey Torgau zu gewinnen: - O.o., 1760. - 16 S.
1760 Delizie dello spirito e del cuore ovvero riflessioni diversi sopra le passioni. S'aggiungono: Dieci lettere critiche dello stesso autore sopra i caratteri particolari di diverse nazioni. Traduzione dal Francese. - Venezia: Salvatore, 1760. 144 p. [Traduction des Réflexions sur les passions publiées dans les Mémoires pour servir à l'histoire de l'esprit et du cœur, La Haye: de Hondt, 1744, p. 6-84].
1761 Schreiben eines Feldpredigers bey der Österreichischen Armee an den hochwürdigen Pater Prior des Barfüßer Closters zu Frankfurt am Mayn... ; Worinnen man die entsetzlichen Mittel entdeckt, deren sich der König von Preussen bedienet hat, die Schlachten von Lignitz und Torgau zu gewinnen. - o.O., 1761. - 16 S.
1762 Ocellus Lucanus: en grec et en français; avec des dissertations sur les principales questiones de la metaphisique... par Mis d'Argens. - Berlin: Haude et Spener, 1762. - XXIV, 307 S.
1762 Ocellus Lucanus en grec et en françois: avec des dissertations sur les principales questions de la métaphysique, de la physique, et de la morale des anciens, par M.. le Marquis d'Argens. - Utrecht : Libraires associés, 1762. - XXVIII, 307 S.
1762 The Life and Amours of Count de Turenne, originally wrote in French, by the author of the Jews Letters. The second edition. London, 1762. (4), 152 S.
1763 Betrachtungen des Ocellus von Lukanien über die Welt. Aus dem Griechischen in das Französische übersetzt und mit verschiedenen Abhandlungen über die wichtigsten Punkte der Hauptwissenschaft der Naturlehre und der Sittenlehre der Alten, die man als den zweyten Theil der Weltweisheit der gesunden Vernunft ansehen kann, begleitet von dem Herrn Marquis d'Argens Seiner königlichen Majestät in Preussen Kammerherrn, Mitglied der königlichen Akademie der Wissenschaften und Direktor der philologischen Klasse. Aus dem Französischen des Herrn Marquis in das Deutsche übersetzt. Breßlau: Verlegts George Gottlieb Horn, 1763. - 462 S. Auch als Mikrofiche-Ausg. ( Mutterfilm 1994 ) verfügbar.
1763 Il falso Rabbino: o sia l'avventure del Co.: Vaxere : storia galante. - Venezia: Andrea Rappetti, 1763. (4), 148 pages.
1763 Timée De Locres En Grec Et En François... qui peuvent servir de suite et de conclusion à la Philosophie du Bons Sens. - Berlin: Haude ; Spener, 1763. - XIV, 405 pages. (Texte sur le site Remacle : L'antiquité grecque et latine site de Remacle.
1763-1764 Des Herrn Marquis d'Argens u. d. Demoiselle Cochois gemeinschaftliche Beytraege zum Vergnügen für den Geist und das Herz. T. 1-2. - Berlin: Mylius, 1763-1764.
1763-1765 Des Herrn Marquis d'Argens... Jüdische Briefe, oder philosophischer, historischer und kritischer Briefwechsel, zwischen einem Juden der durch verschiedene Länder von Europa reiset und seinen Correspondenten an andere Orten. Aus dem Französischen mit des Herrn Verfassers Vermehrungen und Verbesserungen übersetzt. T. 1 - 7, Berlin und Stettin, 1763-1765.
1764 Déffense du paganisme par l'Empereur Julien: en Grec et en Français ; avec dissertations et des notes pour servir d'eclaircissement au texte et pour en refuter les erreurs. Berlin: Voß, 1764. LXXVI, 306 pages. Disponible sur Gallica2]. En cours d'édition sur Wikilivres.
1764 Il filosofo innamorato ovvero Le memorie del conte di Mommejan. Tradotte dal francese. Aggiuntevi le avventure dell'amante beffato. T. 1-2. Venezia: Angelo Pasinelli, all'Insegna della Scienza, 1764. VIII, 157, ( 3) et VIII, 135 (3) pp. .
1764 Lettres juives, ou Correspondance philosophique, historique et critique, entre un Juif voyageur en differens Etats de l'Europe, et ses correspondans en divers endroits. Nouvelle édition, augmentée de nouvelles lettres et de quantité de remarques. - T. 1 - 8. La Haye: Pierre Paupie, 1764.
1764 Memoirs of the Count Du Beauval: including some curious particulars relating to the Dukes of Wharton and Ormond during their exiles: with anecdotes of several other illustrious and unfortunate noblemen of the present age. Translated from the French of the Marquis D'Argens... by M.. Derrick. -- London: J. Wren and G. Burnett, 1764. [26], 224 pages.
1765 Extrait du Dictionnaire historique et critique [par Frédéric II, roi de Prusse, et le Marquis d'Argens, publié par Dieudonné Thiébault]: Divisé en deux volumes avec une préface . T. 1 - 2, Berlin: Voss, 1765. VI, 291 S.; 413 S.
1765 La philosophie du bon-sens, ou Reflexions philosophiques sur l'incertitude des connoissances humaines, a l'usage des cavaliers et du beau-sexe. Nouvelle édition, revue. T. 1 - 2. La Haye: Paupie, 1765.
1765-1766 The Jewish spy: being a philosophical, historical, and critical correspondence, by letters, which lately passed between certain Jews in Turky, Italy, France, etc. Translated from the originals into French, by the marquis d'Argens; and now done into English. 3d ed. - T. 1 - 5. London: A. Miller, J. Rivington , 1765-1766.
1765-1768 Histoire de l'Esprit Humain ou Mémoires Secrets et Universels de la République des Lettres. T. 1 - 14, A Berlin, Chez Haude et Spener, 1765-1768.
1766 Lettres chinoises, ou Correspondance Philosophique, Historique et Critique, Entre un Chinois Voyageur et ses Correspondants à la Chine, en Moscovie, en Perse et au Japon. Nouvelle édition, Augmentée de nouvelles Lettres et de quantité de Remarques. T. 1 - 6, 1766 (XVI, 332 S. ; 363 S. ; 376 S. ; 367 S. ; 356 S. ; 93, 208 S.).
1766 Lettres juives, ou Correspondance philosophique, historique et critique... Nouv. éd. - T. 1 - 8. La Haye: Paupie, 1766.
1766 Philozofische droomen, of Oordeelkundige aanmerkingen, over de gewoontens, zeden en gevoelens der hedendaagsche waereld. Uit het Fransch van den Marquis d'Argens. Nieuwe uitgaave, vermeedert met een zinnebeeldige titelplaet [door R.M. naar G. v. Nymegen]. Te Rotterdam, : by Jakob Bur[g]vliet, 1766. [15], 395 S.
1766 - 1767 Lettres cabalistiques, ou Correspondance philosophique, historique et critique, entre deux cabalistes, divers esprits élémentaires, et le seigneur Astaroth. Nouvelle édition, augmentée de nouvelles lettres et de quantité de remarques. - T. 1 - 7. La Haye: Pierre Paupie, 1766-1767.
1767 Defense du paganisme par l'Empereur Julien, en Grec et en Français avec des dissertations et des notes pour servir d'eclaircissement au texte et pour en refuter les erreurs par M.. Le Marquis d'Argens. 2. éd augmentée de plusieurs diss. et d'un grand nombre de notes. T. 1 - 2, Berlin: Voss, 1767.
1767 Delizie dello spirito e del cuore ovvero Riflessioni diverse sopra le passioni del signor marchese d'Argens sciambellano di s. m. il re di Prussia... Traduzione dal francese. Venezia ; per il Colombani, 1767. 108, [2] p.
1767 Extrait du Dictionnaire historique et critique: divisé en deux volumes ; avec une préface nouvelle [par Frédéric II, roi de Prusse, et le Marquis d'Argens, publié par Dieudonné Thiébault]. Éd. augm. T. 1 - 2, Berlin: Voss, 1767. VI, 335 S; [3], 449 pages.
1767 Il finto cavaliere, o siano Le memorie di Madamigella di Mainville. Venedig: Antonio Locatelli, 1767. XVI, 198 pages.
1768 Discours de l'Empereur Julien, contre les Chrétiens. Traduit par M.. le Marquis d'Argens. [...] Avec de nouvelles Notes de divers Auteurs. Berlin: Chrétien Frédéric Voss, 1768. 175 pages, à Neuchâtel chez Gabriel Grasset. (Cf. Moureaux (Studies on Voltaire and the eighteenth century 322 [1994], 120 pages).
1768 La Philosophie du Bon-Sens, ou reflexions critiques sur l'incertitude des connoissances humaines. Nouv. éd. corr. et augm. considérablement par l'auteur. Avec un examen critique des remarques de Pierre Joseph Thorellier d'Olivet. T. 1 - 3, La Haye: Paupie, 1768 (Réimpr.: Westmead: Farnborough, 1972).
1768 Reflexions critiques sur les différentes écoles de peinture: examen critique [Examen critique des différentes écoles de peinture]. Berlin: Haude et Spener, 1768. XIV, 528. (Réimpr.: Genève: Minkoff, 1972).
1768 - 1771 Chinesische Briefe: oder philosophischer, historischer und kritischer Briefwechsel, zwischen einem reisenden Chinesen in Paris und seinen guten Freunden in China, Moscau, Persien und Japan. Aus dem Franz. übers. u. mit etlichen Briefen sowohl, als auch vielen nuezlichen Zusätzen u. Anm. aus den Hs. des Verf. verm.. T. 1 - 5, Berlin: Nicolai, 1768-1771.
1769 Défense du paganisme, par l'empereur Julien, en grec et en françois. Avec des dissertations et des notes pour servir d'éclaircissement au texte et pour en réfuter les erreurs. 3e éd. augm., T. 1 - 2. - Berlin: C. F. Voss, 1769. CIV-214 S; CIV-167 S. Texte disponible sur Gallica et en cours d'édition sur Wikilivres. Voir Julien l'Apostat (1769) avec une longue introduction de Boyer d'Argens.
1769 Lettres chinoises ou Correspondance philosophique, historique, et critique entre un chinois voyageur et ses correspondans à la Chine, en Moscovie, en Perse et au Japon. Nouvelle édition, augmentée de nouvelles lettres et de quantité de remarques.. T. 1 - 7. A La Haye: Chez Pierre Paupie, 1769.
1769 La Philosophie Du Bon-Sens, Ou Réflexions Philosophiques Sur L'Incertitude Des Connaissances Humaines... Douzieme Édition, beaucoup plus correcte que les autres, augmentée de deux Dissertations Morales, sur les Douceurs... Et d'un Examen Critique des Remarques de M.. L'Abbé D'Olivet. - T. 1 - 2, Dresde: Walther, 1769.
1769-1770 Lettres cabalistiques; ou, Correspondance philosophique, historique et critique, entre deux cabalistes, divers esprits élémentaires, et le seigneur Astaroth. -- Nouv. éd. augmentée de nouvelles lettres et de quantité de remarques. - T. 1 - 7. La Haye: S. Paupie, 1769-70.
1769-1771 Des Herrn Marquis d'Argens... Chinesische Briefe, oder philosophischer, historischer und kritischer Briefwechsel, zwischen einem reisenden Chineser in Paris und seinen guten Freunden in China, Moscau, Persien und Japan. Aus dem Französischen übersetzt, und mit etlichen Briefen sowohl, als auch vielen nüzlichen Zusätzen und Anmerkungen aus der Handschrift des Verfassers vermehrt. T. 1 - 6, Berlin: bey Friedrich Nicolai, 1769-1771.
176? Lettre du Marquis d'Argens, frère du président d'Eguilles, sur la destruction des Jésuites. -- [S.l.: s.n., 176?]. 16 S.
1770 Il filosofo innamorato ovvero Le memorie del conte di Mommejan, del signor marchese d'Argens tradotte dal francese. Aggiuntevi le avventure dell'amante beffato e della schiava fortunata. T. 1 - 2, Napoli: presso Vincenzo Flauto: a spese di Giacomo-Antonio Vinaccia, e si vendono nel Corridojo Consiglio, 1770. Gallica.
Thérèse Philosophe, roman libertin (attribution discutée)


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#234 Albert Camus
Loriane Posté le : 04/01/2015 23:03
Le 4 janvier 1960 à 46 ans meurt Albert Camus

à Villeblin dans l'Yonne, né le 7 novembre 1913 à Mondovi, près de Bône, en Algérie, écrivain, philosophe, romancier, dramaturge, essayiste et novelliste français. Il est aussi journaliste militant engagé dans la Résistance française et, proche des courants libertaires, dans les combats moraux de l'après-guerre.Il écrit dzq Roman, théâtre, essai, nouvelle, il reçoit le prix Nobel de littérature en 1957. Ses Œuvres principales sont : L'Étranger en 1942, La Peste en 1947
Le Mythe de Sisyphe en 1942, La Chute en 1956, L'Homme révolté en 1951, Caligula en 1944, Les Justes en 1949, Compléments, Morvan Lebesque, Albert Camus par lui-même en 1963, Jean Sarocchi, Camus, 1968, Alain Costes, Albert Camus ou la parole manquante, 1973Jacques Chabot, Albert Camus, la pensée de midi, 2002, Jean Daniel avec Camus : Comment résister à l'air du temps 2006.

Son œuvre comprend des pièces de théâtre, des romans, des nouvelles, des films, des poèmes et des essais dans lesquels il développe un humanisme fondé sur la prise de conscience de l'absurde de la condition humaine mais aussi sur la révolte comme réponse à l'absurde, révolte qui conduit à l'action et donne un sens au monde et à l'existence, et « alors naît la joie étrange qui aide à vivre et mourir ».
Sa critique du totalitarisme soviétique lui vaut les anathèmes des communistes et coupe les ponts avec Jean-Paul Sartre. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1957, sa réputation et son influence restent grandes dans le monde.
Selon Bertrand Poirot-Delpech, les essais sur son œuvre ont abondé juste après sa mort, tandis qu'on rendait très peu compte de sa vie. Les premières biographies ne sont apparues que dix-huit ans après sa mort. Parmi celles-ci, la plus impressionnante est celle de Herbert R. Lottman5, un journaliste américain observateur de la littérature européenne pour The New York Times et le Publishers Weekly.
Dans le journal Combat, ses prises de position sont audacieuses, aussi bien sur la question de l'indépendance de l'Algérie que sur ses rapports avec le Parti communiste français, qu'il quitte après un court passage de deux ans. Camus est d'abord témoin de son temps, intransigeant, refusant toute compromission ; il est ainsi amené à s'opposer à Sartre et à se brouiller avec d'anciens amis. D'après Herbert R. Lottman, Camus n'appartient à aucune famille politique déterminée, bien qu'il ait été adhérent au Parti communiste algérien pendant deux ans. Il ne se dérobe cependant devant aucun combat : il proteste successivement contre les inégalités qui frappent les musulmans d'Afrique du Nord, puis contre la caricature du pied-noir exploiteur. Il va au secours des Espagnols exilés antifascistes, des victimes du stalinisme, des objecteurs de conscience.

En Bref

« Une pensée profonde est en continuel devenir, épouse l'expérience d'une vie et s'y façonne. De même, la création unique d'un homme se fortifie dans ses visages successifs et multiples que sont les œuvres. » À travers la diversité de leurs formes d'expression : roman, théâtre, essai, journalisme, la pensée et l'œuvre de Camus illustrent parfaitement cette cohérence fondamentale et ce dynamisme fécond que définit Le Mythe de Sisyphe. Leur enracinement charnel, tant dans la biographie de leur auteur que dans l'histoire contemporaine, leur refus de tout dogmatisme, de tout « système » qui emprisonne ou mutile l'être humain, dont la misère et la grandeur alimentent leurs doutes et leurs certitudes, la place qu'elles font à la splendeur et à l'indifférence du monde, enfin l'exigence morale, la passion et la lucidité qui les animent, sous le classicisme du langage, sont probablement les traits les plus caractéristiques de cette pensée et de cette œuvre singulières, à la fois limpides et secrètes
L'écrivain français Albert Camus (1913-1960) fut révélé en 1942 au public métropolitain par L'Étranger, dans lequel Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir virent une sorte de manifeste de l'existentialisme.
Crédits: Hulton Getty Consulter
Traduit dans le monde entier, Camus continue par la richesse de sa réflexion, le rayonnement et les prestiges de sa création, à être présent dans la sensibilité et la conscience contemporaines.
Né à Mondovi, petit village du Constantinois, le 7 novembre 1913, c'est à Alger, dans le quartier populaire de Belcourt, qu'Albert Camus passe son enfance et son adolescence, sous le double signe, qu'il n'oubliera jamais, de la pauvreté matérielle et de l'éclat du soleil méditerranéen : « La misère m'empêcha de croire que tout est bien sous le soleil et dans l'histoire ; le soleil m'apprit que l'histoire n'est pas tout. » De son père, mort à la guerre en 1914, il ne connaîtra qu'une photographie, et une anecdote significative : son dégoût devant le spectacle d'une exécution capitale ; à sa mère qui parlait peu et difficilement, « qui ne savait même pas lire », le lie « toute sa sensibilité » ; on peut penser qu'une partie de l'œuvre s'est édifiée pour tenter d'équilibrer cette absence et ce silence, ou de leur répondre. À dix-sept ans, l'adolescent studieux et épris des joies du corps est atteint d'une tuberculose dont les rechutes seront nombreuses ; dès sa première manifestation, la maladie lui apprend qu'il est seul, et mortel. À la même période, Camus découvre la philosophie, grâce à l'enseignement et à l'exemple de Jean Grenier, et, bientôt, « l'envie d'être écrivain ». D'abord tenté par une conception idéaliste de l'art et de la vie, il reconnaît rapidement que l'écriture peut être un moyen de dire sa fidélité au monde démuni de son enfance, dont son accès à la culture l'a séparé : « Il me faut témoigner », note-t-il en 1935 dans ses Carnets. Toute son œuvre se voudra témoignage sur la condition humaine, sur et en faveur de l'homme, sans que l'artiste cesse pour autant d'être le témoin exemplaire de son temps.
L'apprentissage du réel se fait avec difficulté, comme le prouvent ses tout premiers écrits consacrés au « quartier pauvre » – dont certains ont été publiés de manière posthume – mais aussi avec la « joie profonde » d'écrire. Les récits mi-autobiographiques, mi-symboliques de L'Envers et l'endroit (1937) disent qu'« amour de vivre » et « désespoir de vivre » sont inséparables, que tout notre « royaume est de ce monde », affirment la pleine conscience de la solitude de l'homme, le tragique de son face-à-face avec la nature, et la volonté de « tenir les yeux ouverts sur la lumière comme sur la mort ». Plus lyriques, les essais de Noces (1939) orchestrent ces thèmes qu'ils inscrivent avec bonheur dans les paysages méditerranéens ; ils chantent la « gloire d'aimer sans mesure », la contemplation exaltée du monde, la vérité du soleil, de la mer, de la mort. La présence d'une subjectivité vivante, d'un « je » qui décrit ou médite, évite toute abstraction, et ouvre la voie aux personnages-narrateurs des romans, et au « je » des textes philosophiques. En revanche, La Mort heureuse, roman resté inédit jusqu'en 1971, est un échec, ou une erreur ; en dépit de fragments réussis, dont L'Étranger se souviendra, le roman manque de la nécessité interne que connaîtra toute l'œuvre à venir. Son héros, modèle d'égotisme, figure très nietzschéenne, est bien éloigné de toute préoccupation historique. Il n'en est pas de même pour son auteur. Camus milite activement au sein des mouvements qui luttent contre le fascisme, pour la paix, et pour l'avènement d'une culture populaire. D'un bref passage au Parti communiste, il gardera la défiance de l'endoctrinement, et la conviction que la morale ne doit jamais céder à la stratégie politique ; son engagement se manifeste, plus durablement, sous la forme d'activités théâtrales. Fondateur et directeur de troupe, acteur, metteur en scène, adaptateur, Camus est un homme de théâtre au sens plein ; son goût passionné du théâtre, dans ce qu'il a de plus concret, rejoint celui de la fête collective, où l'être peut dépasser sa solitude et forme une des constantes de sa vie et de son œuvre, attestée par ses créations originales, et ses magistrales adaptations, en particulier celles du Requiem pour une nonne d'après Faulkner (1956) et des Possédés d'après Dostoïevski (1959). Camus, qui revendique son statut d'intellectuel, mais qui se veut également en prise directe avec le réel, trouve dans le journalisme un autre mode d'action et d'expression qui lui convient ; entre 1938 et 1940, il publie, dans les colonnes d'Alger républicain, puis de Soir républicain, organe du Front populaire, plus de cent articles : politique locale ou nationale, chroniques judiciaires et littéraires, reportages, dont l'important « Misère de la Kabylie ». En 1940, Camus quitte l'Algérie pour la France ; mis à part un long séjour l'année suivante, il n'y reviendra plus que de loin en loin, mais les images lumineuses qu'il garde de sa terre natale continueront de vivre en lui, comme le montre L'Été (1954).

sa vie

Lucien Auguste Camus, père d'Albert, est né le 28 novembre 1885 à Ouled-Fayet dans le département d'Alger, en Algérie. Il descend des premiers arrivants français dans cette colonie annexée à la France en 1834 et départementalisée en 1848. Un grand-père, Claude Camus, né en 1809, venait du bordelais, un bisaïeul, Mathieu Juste Cormery, d'Ardèche, mais la famille se croit d'origine alsacienne. Lucien Camus travaille comme caviste dans un domaine viticole, nommé « le Chapeau du gendarme », près de Dréan, à quelques kilomètres au sud de Bône (Annaba) dans le département de Constantine, pour un négociant de vin d'Alger. Il épouse le 13 novembre 1909 à Alger (acte de mariage no 932) Catherine Hélène Sintès, née à Birkhadem le 5 novembre 1882, dont la famille est originaire de Minorque en Espagne. Trois ans plus tard, en 1911, naît leur fils aîné Lucien Jean Étienne et en novembre 1913, leur second fils, Albert. Lucien Auguste Camus est mobilisé comme 2e classe dans le 1er régiment de zouaves en septembre 1914. Atteint à la tête par un éclat d'obus qui l'a rendu aveugle, il est évacué sur l'école du Sacré-Cœur, de Saint-Brieuc, transformée en hôpital auxiliaire, et il meurt moins d'une semaine après, le 11 octobre 1914. De son père, Camus ne connaîtra que quelques photographies et une anecdote significative : son dégoût devant le spectacle d'une exécution capitale. Sa mère est en partie sourde et ne sait ni lire ni écrire : elle ne comprend un interlocuteur qu'en lisant sur ses lèvres. Avant même le départ de son mari à l'armée elle s'était installée avec ses enfants chez sa mère et ses deux frères, Étienne, sourd-muet, qui travaille comme tonnelier, et Joseph, rue de Lyon à Belcourt, un quartier populaire d'Alger. Elle y connaît une brève liaison à laquelle s'oppose son frère Étienne.
« Il y avait une fois une femme que la mort de son mari avait rendue pauvre avec deux enfants. Elle avait vécu chez sa mère, également pauvre, avec un frère infirme qui était ouvrier. Elle avait travaillé pour vivre, fait des ménages, et avait remis l'éducation de ses enfants dans les mains de sa mère. Rude, orgueilleuse, dominatrice, celle-ci les éleva à la dure », écrira Camus dans un brouillon de L'Envers et l'endroit.
Albert Camus est influencé par son oncle, Gustave Acault, chez qui il effectue de longs séjours. Anarchiste, Acault est aussi voltairien. De plus, il fréquente les loges des francs-maçons. Boucher de métier, c'est un homme cultivé. Il aide son neveu à subvenir à ses besoins et lui fournit une bibliothèque riche et éclectique.

Formation

Albert Camus fait ses études à Alger. À l'école communale, il est remarqué en 1923 par son instituteur, Louis Germain, qui lui donne des leçons gratuites et l'inscrit en 1924 sur la liste des candidats aux bourses, malgré la défiance de sa grand-mère qui souhaitait qu'il gagnât sa vie au plus tôt. Ancien combattant de la Première Guerre mondiale, où est mort le père du futur philosophe, Louis Germain lit à ses élèves Les Croix de bois de Roland Dorgelès, dont les extraits émeuvent beaucoup le petit Albert, qui y découvre l'horreur de la guerre. Camus gardera une grande reconnaissance à Louis Germain et lui dédiera son discours de prix Nobel. Reçu au lycée Bugeaud (désormais lycée Émir Abd el-Kader), Albert Camus y est demi-pensionnaire. « J'avais honte de ma pauvreté et de ma famille … Auparavant, tout le monde était comme moi et la pauvreté me paraissait l'air même de ce monde. Au lycée, je connus la comparaison », se souviendra-t-il. Il commence à cette époque à pratiquer le football et se fait une réputation de gardien de but. Il découvre également la philosophie. Mais, à la suite d'inquiétants crachements de sang, les médecins diagnostiquent en décembre 1930 une tuberculose et il doit faire un bref séjour à l'hôpital Mustapha, évoquant cette expérience dans son premier essai d'écriture, L’Hôpital du quartier pauvre qui remonte vraisemblablement à 1933. C'est la fin de sa passion pour le football, et il ne peut plus qu'étudier à temps partiel. Son oncle et sa tante Acault, qui tiennent une boucherie dans la rue Michelet, l'hébergent ensuite, rue du Languedoc, où il peut disposer d'une chambre. Camus est alors encouragé dans sa vocation d'écrivain par Jean Grenier4 — qui lui fera découvrir Nietzsche. Il resta toujours fidèle au milieu ouvrier et pauvre qui fut longtemps le sien, et son œuvre accorde une réelle place aux travailleurs et à leurs tourments.
Stèle à la mémoire d'Albert Camus érigée en 1961 et gravée par Louis Bénisti face au mont Chenoua à Tipasa près d'Alger : « Je comprends ici ce qu'on appelle gloire : le droit d'aimer sans mesure. » (extrait de l’essai d’Albert Camus, Noces à Tipaza).

Débuts littéraires

En juin 1934, il épouse Simone Hié (1914-1970), starlette algéroise enlevée à son ami Max-Pol Fouchet : « J'ai envie de me marier, de me suicider, ou de m'abonner à L'Illustration. Un geste désespéré, quoi... ». Toxicomane, elle le trompe souvent et leur mariage s'effrite rapidement. En 1935, il adhère au Parti communiste algérien (PCA) qui, alors anticolonialiste et tourné vers la défense des opprimés, incarne certaines de ses propres convictions.
La même année, il commence l'écriture de L'Envers et l'Endroit, qui sera publié deux ans plus tard par Edmond Charlot dans la librairie duquel se retrouvent les jeunes écrivains algérois, tel Max-Pol Fouchet. En 1936, Camus fonde et dirige sous l'égide du parti le « Théâtre du Travail », mais la direction du PCA infléchit sa ligne et donne la primauté à la stratégie de l’assimilation et à la souveraineté française27. Les militants sont alors poursuivis et emprisonnés26. Camus, qui s’accommode mal du cynisme et de la stratégie idéologique, proteste alors contre ce retournement et — en connaissance de cause — se fait exclure en 193727. À la rentrée qui suit cette rupture définitive, ne pouvant se résoudre à un théâtre strictement engagé qui ne porte pas la liberté de l'artiste, il crée, avec les amis qui l'ont suivi, le « Théâtre de l'Équipe », avec l'ambition de faire un théâtre populaire.
La première pièce jouée est une adaptation de la nouvelle Le Temps du mépris (1935) de André Malraux, dont les répétitions lui donnent l'occasion de nouer une amitié avec Emmanuel Roblès. Dans le même temps, il quitte le Parti communiste français, auquel il avait adhéré deux ans plus tôt. Il entre au journal créé par Pascal Pia, Alger Républicain, organe du Front populaire, où il devient rédacteur en chef. Son enquête Misère de la Kabylie (juin 1939) aura un écho retentissant. Invité peu après à une projection privée du film Sierra de Teruel que Malraux avait tiré de son roman L'Espoir, Camus lui dit avoir lu L'Espoir huit fois.
En 1940, le Gouvernement général de l'Algérie interdit le journal. Cette même année, Camus se marie avec Francine Faure, soeur de Christiane Faure. Ils s'installent à Paris où il travaille comme secrétaire de rédaction à Paris-Soir sous l'égide de Pascal Pia. Il fonde aussi la revue Rivage. Malraux, alors lecteur chez Gallimard, entre en correspondance avec Camus et « se révèle lecteur méticuleux, bienveillant, passionné de L'Étranger30» et il en recommande la publication. Le livre paraît en 1942, en même temps que l'essai Le Mythe de Sisyphe (1942), dans lequel Camus expose sa philosophie. Selon sa propre classification, ces œuvres appartiennent au « cycle de l'absurde — cycle qu'il complétera par les pièces de théâtre Le Malentendu et Caligula (1944). Il est à noter qu'Albert Camus vint soigner sa tuberculose dans le village du Chambon-sur-Lignon en 1942-1943 et put y observer la résistance non-violente à l'holocauste mise en œuvre par la population. Il y écrivit Le Malentendu, y trouva des éléments d'inspiration pour son roman La Peste auquel il travailla sur place. En 1943, il devient lecteur chez Gallimard et prend la direction de Combat lorsque Pascal Pia est appelé à d'autres fonctions dans la Résistance. En 1944, il rencontre André Gide et un peu plus tard Jean-Paul Sartre, avec qui il se lie d'amitié ; la même année 19 mars il anime la première représentation de la pièce de Picasso : Le Désir attrapé par la Queue, cette scène est racontée avec humour par Claude Simon dans Le Jardin des Plantes. Le 8 août 1945, il est le seul intellectuel occidental à dénoncer l'usage de la bombe atomique, deux jours après le bombardement d'Hiroshima, dans un éditorial resté célèbre publié par Combat.
En 1945, à l'initiative de François Mauriac, il signe une pétition demandant au général de Gaulle la grâce de Robert Brasillach, personnalité intellectuelle connue pour son activité collaborationniste pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1946, Camus se lie d'amitié avec René Char. Il part la même année aux États-Unis et, de retour en France, il publie une série d'articles contre l'expansionnisme soviétique — qui deviendra manifeste en 1948, avec le coup de Prague et l'anathème lancé contre Tito. En 1947, c'est le succès littéraire avec le roman La Peste, suivi deux ans plus tard, en 1949, par la pièce de théâtre Les Justes.

Engagement politique et littéraire

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En octobre 1951, la publication de L'Homme révolté provoque de violentes polémiques où Camus est attaqué par ses amis. La rupture avec Jean-Paul Sartre a lieu en 1952, après la publication dans Les Temps modernes de l'article de Francis Jeanson qui reproche à la révolte de Camus d'être délibérément statique. En 1954, Camus s'installe dans son appartement parisien du 4, rue de Chanaleilles. Dans le même immeuble et durant la même période, habite René Char, poète et résistant français.
En 1956, à Alger, il lance L'Appel pour une Trêve Civile, tandis que dehors sont proférées à son encontre des menaces de mort. Son plaidoyer pacifique pour une solution équitable du conflit est alors très mal compris, ce qui lui vaudra de rester méconnu de son vivant par ses compatriotes pieds-noirs en Algérie puis, après l'indépendance, par les Algériens qui lui ont reproché de ne pas avoir milité pour cette indépendance. Haï par les défenseurs du colonialisme français, il sera forcé de partir d'Alger sous protection. Toujours en 1956, il publie La Chute, livre pessimiste dans lequel il s'en prend à l'existentialisme sans pour autant s'épargner lui-même. Il démissionne de l'Unesco pour protester contre l'admission de l'Espagne franquiste. C'est un an plus tard, le 16 octobre 1957, que le prix Nobel de littérature lui est décerné. Interrogé à Stockholm par un étudiant originaire d'Algérie, sur le caractère juste de la lutte pour l'indépendance menée par le FLN en dépit des attentats terroristes frappant les populations civiles, il répond clairement : En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mèr. Cette phrase, souvent déformée, lui sera souvent reprochée. Il suffit pourtant de comprendre, au-delà du fait que Camus vénérait sa mère qui vivait alors à Alger dans un quartier très populaire particulièrement exposé aux risques d'attentats, qu'il a toujours privilégié le respect de la vie humaine contre la notion terroriste selon laquelle tous les moyens sont bon : c’est tout le sujet développé par l'écrivain dans Les Justes.
Albert Camus était contre l'indépendance de l'Algérie et écrivit en 1958 dans la dernière de ses Chroniques Algériennes que l'indépendance nationale de l'Algérie est une formule purement passionnelle. Il dénonça néanmoins l'injustice faite aux musulmans et la caricature du pied noir exploiteur, et disait souhaiter la fin du système colonial mais avec une Algérie toujours française, proposition qui peut paraître contradictoire.
Pour ce qui est du communisme, il proteste contre la répression sanglante des révoltes de Berlin-Est juin 1953 et contre l'intervention soviétique à Budapest octobre-novembre 1956.
Une partie de la presse littéraire française, de gauche comme de droite, critique ses positions sur la guerre d'Algérie, sur la simplicité de son style et considère son prix comme un monument funéraire. Cette reconnaissance devient alors un fardeau. Blessé par ses détracteurs, notamment son ancien compagnon de route Pascal Pia, il est alors en proie au doute et écrit désormais peu.
Le chèque afférent au Nobel lui permet de s'acheter en 1958 une maison à Lourmarin. Il retrouve dans cette ancienne magnanerie la lumière et les couleurs de son Algérie natale.

De l'absurde à la révolte

Camus lui-même a séparé son œuvre, sans doute de manière trop rigide, en un « cycle de l'absurde » et un « cycle de la révolte » ; en fait, le sentiment de l'absurde, né d'une réflexion ontologique, accentué par la pesanteur de l'histoire devenue particulièrement angoissante, entraîne le mouvement de la révolte ; d'abord d'ordre individuel, elle devient collective, de son propre élan et sous la pression de l'histoire. Camus ne refuse pas cette dernière comme on a pu le lui reprocher, mais refuse de la sacraliser et ne croit pas plus en sa valeur d'absolu qu'en celle d'un Dieu ou de la raison. L'histoire, selon lui, ne peut donner un sens à la vie, qui n'en a pas d'autre qu'elle-même. Caligula, dont une première version romantique et lyrique est achevée en 1941, mais qui ne sera joué qu'en 1945, dans un texte à la fois plus amer et plus politisé, L'Étranger et Le Mythe de Sisyphe, publiés en 1942, Le Malentendu créé en 1944 explorent les fondements, les manifestations, les conséquences de l'absurde ; les pièces de théâtre et le roman ne sont pas des illustrations de l'essai, mais l'exploitation, à travers personnages et situations, d'une même expérience et d'une même réflexion, nées du divorce entre l'homme mortel et le monde éternel. La vie vaut-elle, ou non, d'être vécue ? C'est la question initiale que pose Le Mythe de Sisyphe, qui, loin d'être un bréviaire de désespoir, affirme que « le bonheur et l'absurde sont fils d'une même terre ». L'homme peut dépasser l'absurdité de son destin par sa lucidité, et « la révolte tenace » contre sa condition ; il y a une grandeur à vivre et à faire vivre l'absurde. Caligula le sait, lui qui a découvert que « les hommes meurent et ne sont pas heureux » ; ne pouvant l'accepter, il use de son pouvoir absolu pour faire vivre et mourir ses sujets dans la conscience de ce scandale ; son erreur est de nier les hommes et d'exercer à leurs dépens sa liberté et sa passion de l'impossible. Dans Le Malentendu, c'est la situation qui porte l'absurde au plus haut degré : il suffirait que le fils se nomme devant sa mère et sa sœur pour que l'accumulation tragique des morts soit évitée ; les mots les plus simples auraient pu tout sauver. Que l'absurde soit ainsi lié à une perversion du langage, c'est aussi ce que traduit l'aventure de Meursault ; dénonçant la surenchère d'absurde que les hommes imposent à l'homme par le conformisme social, les tribunaux et leur parodie de justice, enfin par la peine de mort, L'Étranger propose le mythe de l'homme fondamentalement innocent à travers l'une des figures les plus troublantes du roman contemporain ; essentiellement charnel, soucieux de ne dire que la vérité de ses sensations loin de toute introspection psychologique ou sentimentale, Meursault ne connaît que la vie immédiate, terrestre, dans son rythme quotidien et son ouverture aux forces naturelles ; en lui confiant la narration de sa propre histoire, Camus accentue son étrangeté, et cependant le rend curieusement proche du lecteur.

Philosophie Une question, l’absurde

Sisyphe, par Franz von Stuck, 1920.
« L'absurde naît de cette confrontation entre l'appel humain et le silence déraisonnable du monde ». Dans cette phrase est concentrée la puissance d'un conflit, d'une confrontation qui sous-tend et emporte l'œuvre de Camus. Deux forces s'opposent : l'appel humain à connaître sa raison d'être et l'absence de réponse du milieu où il se trouve, l'homme vivant dans un monde dont il ne comprend pas le sens, dont il ignore tout, jusqu'à sa raison d'être.
L'appel humain, c'est la quête d'une cohérence, or pour Camus il n'y a pas de réponse à ce questionnement sur le sens de la vie. Tout au moins n'y a-t-il pas de réponse satisfaisante, car la seule qui pourrait satisfaire l'écrivain devrait avoir une dimension humaine : « Je ne puis comprendre qu'en termes humains ». Ainsi les religions qui définissent nos origines, qui créent du sens, qui posent un cadre, n'offrent pas de réponse pour l'homme absurde : « Je ne sais pas si ce monde a un sens qui le dépasse. Mais je sais que je ne connais pas ce sens et qu'il m'est impossible pour le moment de le connaître. Que signifie pour moi une signification hors de ma condition ? ». L'homme absurde n'accepte pas de perspectives divines, il veut des réponses humaines.
L'absurde n'est pas un savoir, c'est un état acquis par la confrontation consciente de deux forces. Maintenir cet état demande une lucidité et nécessite un travail, l'absurde c'est la conscience toujours maintenue d'une « fracture entre le monde et mon esprit » écrit Camus dans Le Mythe de Sisyphe. Ainsi l'homme absurde doit-il s'obstiner à ne pas écouter les prophètes (c'est-à-dire avoir assez d'imagination pour ne pas croire aveuglément à leur représentation de l'enfer ou du paradis) et à ne faire intervenir que ce qui est certain, et si rien ne l'est, « ceci du moins est une certitude ».
L'homme absurde ne pourrait échapper à son état qu'en niant l'une des forces contradictoires qui le fait naître : trouver un sens à ce qui est ou faire taire l'appel humain.
Une manière de donner du sens serait d'accepter les religions et les dieux. Or ces derniers n'ont pas d'emprise sur l'homme absurde. L'homme absurde se sent innocent, il ne veut faire que ce qu'il comprend et « pour un esprit absurde, la raison est vaine et il n'y a rien au-delà de la raison »50.
Une autre manière de trouver du sens serait d'en injecter : faire des projets, établir des buts, et par là même croire que la vie peut se diriger. Mais à nouveau « tout cela se trouve démenti d'une façon vertigineuse par l'absurdité d'une mort possible ». En effet, pour l'homme absurde il n'y a pas de futur, seul compte l'ici et le maintenant.
La première des deux forces contradictoires, le silence déraisonnable du monde, ne peut donc être niée. Quant à l'autre force contradictoire permettant cette confrontation dont naît l'absurde, qui est l'appel humain, la seule manière de la faire taire serait le suicide. Mais ce dernier est exclu car à sa manière « le suicide résout l'absurde ». Or l'absurde ne doit pas se résoudre. L'absurde est générateur d'une énergie. Et ce refus du suicide, c'est l'exaltation de la vie, la passion de l'homme absurde. Ce dernier n'abdique pas, il se révolte.

Une réponse, la révolte

Oui, il faut maintenir l'absurde, ne pas tenter de le résoudre, car l'absurde engendre une puissance qui se réalise dans la révolte. La révolte, voici la manière de vivre l'absurde. La révolte, c'est connaître notre destin fatal et néanmoins l'affronter, c'est l'intelligence aux prises avec le silence déraisonnable du monde, c'est le condamné à mort qui refuse le suicide. C'est pourquoi Camus écrit : « L'une des seules positions philosophiques cohérentes, c'est ainsi la révolte ».
La révolte, c'est aussi s'offrir un énorme champ de possibilités d'actions, car si l'homme absurde se prive d'une vie éternelle, il se libère des contraintes imposées par un improbable futur et y gagne en liberté d'action. Plus le futur se restreint et plus les possibilités d'actions « hic et nunc » sont grandes. Et ainsi l'homme absurde jouit d'une liberté profonde. L'homme absurde habite un monde dans lequel il doit accepter que « tout l'être s'emploie à ne rien achever », mais un monde dont il est le maître. Et à Camus, qui fait de Sisyphe le héros absurde, d'écrire : « Il faut imaginer Sisyphe heureux. »
Bien que Camus réfute les religions parce que « on n'y trouve aucune problématique réelle, toutes les réponses étant données en une fois », et qu'il n'accorde aucune importance à l'avenir : « il n'y a pas de lendemain5», sa révolte n'en est pas pour autant amorale. « La solidarité des hommes se fonde sur le mouvement de révolte et celui-ci, à son tour, ne trouve de justification que dans cette complicité51 ». Tout n'est pas permis dans la révolte, la pensée de Camus est humaniste, les hommes se révoltent contre la mort, contre l'injustice et tentent de « se retrouver dans la seule valeur qui puisse les sauver du nihilisme, la longue complicité des hommes aux prises avec leur destin ».
En effet, Camus pose à la révolte de l'homme une condition : sa propre limite. La révolte de Camus ne se fait pas contre tous et contre tout. Et Camus d'écrire : « La fin justifie les moyens ? Cela est possible. Mais qui justifie la fin ? À cette question, que la pensée historique laisse pendante, la révolte répond : les moyens ».
Pour une analyse des cycles camusiens, voir : Albert Camus ou la Parole manquante.

Entre journalisme et engagement

Roger Quilliot appelle ce volet de la vie de Camus La plume et l'épée, plume qui lui a servi d'épée symbolique mais sans exclure les actions qu'il mena tout au long de sa vie (voir par exemple le chapitre suivant). Camus clame dans Lettres à un ami allemand son amour de la vie : « Vous acceptez légèrement de désespérer et je n'y ai jamais consenti » confessant « un goût violent de la justice qui me paraissait aussi peu raisonné que la plus soudaine des passions. » Il n'a pas attendu la Résistance pour s'engager. Il vient du prolétariat et le revendiquera toujours, n'en déplaise à Sartre; la première pièce qu'il joue au Théâtre du Travail, Révolte dans les Asturies, évoque déjà la lutte des classes.
Il va enchaîner avec l'adhésion au Parti communiste et son célèbre reportage sur la misère en Kabylie paru dans Alger républicain. Il y dénonce « la logique abjecte qui veut qu'un homme soit sans forces parce qu'il n'a pas de quoi manger et qu'on le paye moins parce qu'il est sans forces. » Les pressions qu'il subit alors vont l'obliger à quitter l'Algérie mais la guerre et la maladie vont le rattraper. Malgré cela, il va se lancer dans la résistance.
Bien qu'il écrive dans Combat et lutte pour des causes auxquelles il croit, Camus éprouve une certaine lassitude. Ce qu'il veut, c'est pouvoir concilier justice et liberté, lutter contre toutes les formes de violence, défendre la paix et la coexistence pacifique, combattre à sa façon pour résister, contester, dénoncer.
En 2013, les éditions Indigène réunissent ses « écrits libertaires » publiés dans Le Monde libertaire, La Révolution prolétarienne, Solidaridad Obrera, etc. Un recueil que sa fille, Catherine Camus défend comme « essentiel ».

Solitaire et solidaire

Cette condamnation des idéologies absolues devait entraîner d'âpres polémiques, en particulier avec Sartre et l'équipe des Temps modernes. Elle devait aussi trouver une confirmation par les faits au temps de la guerre d'Algérie, qui fut pour Camus un drame personnel ; parce qu'il se refusait à légitimer tout terrorisme, il ne pouvait approuver ni la révolution algérienne, ni les excès des « ultras ». Il est faux, cependant, d'évoquer son « silence » à cet égard : Actuelles III (« Chroniques algériennes 1939-1958 ») recueille ses prises de position, et en particulier son « appel à la trêve civile », lancé à Alger en 1956 et si mal entendu. La Chute (1956), roman insolite qui prend la forme d'un monologue dramatique, est directement inspirée par ce climat d'incompréhension et d'accusation. Mais au-delà de l'ironie et des sarcasmes de Jean-Baptiste Clamence, ce « prophète vide pour temps médiocres », cet « homme de notre temps » au « lyrisme cellulaire », qui exerce les étranges fonctions de « juge-pénitent », et, par l'aveu de sa culpabilité, veut entraîner son interlocuteur muet – ou son lecteur – à sa propre confession, Camus exprime une fois encore sa nostalgie de l'innocence et de la communion entre les êtres, dans un monde où chacun rêve de pouvoir, et où « le dialogue » a été « remplacé par le communiqué ». Les six nouvelles de L'Exil et le royaume (1957) sont centrées sur le destin de personnages exilés, chacun à sa manière, dans sa vie, et cherchant à retrouver le « royaume » perdu de la communion avec soi-même, avec l'autre, avec le monde. Si « la femme adultère » connaît l'extase dans l'union avec la nuit et le désert, où se découvre sa vérité, si D'Arrast, d'abord isolé dans un univers inconnu, accède à une fraternité où sa vie recommence, « le renégat » est renvoyé à sa folie meurtrière, l'instituteur, qui n'a pourtant pas livré son « hôte » arabe à la police, est condamné à la solitude totale, faisant entendre ainsi l'écho douloureux du drame algérien, et « les muets », en dépit de leur compassion, restent prisonniers de leur silence. Jonas, enfin, dont on ne sait s'il se dit « solitaire » ou « solidaire », offre l'image réaliste et allégorique de l'artiste qui ne peut créer que dans la solitude, mais qui ne veut pas se séparer des hommes ni de son temps ; il traduit ainsi le désarroi et les doutes de Camus, qui reprendra ce thème dans les Discours de Suède, tandis que la gloire du prix Nobel (1957) ne parviendra pas à l'apaiser. Il affirme alors : « Mon œuvre est devant moi... », et entreprend un roman, Le Premier Homme, qui devait revenir à ses sources, au « monde de pauvreté et de lumière », d'innocence aussi, de son enfance. Mais Camus meurt dans un accident de voiture le 4 janvier 1960.
L'œuvre de Camus, du vivant même de son auteur, et depuis sa mort, connaît une réception paradoxale ; célèbre et célébrée, elle est aussi déformée et dénigrée par des critiques abusés par son apparente simplicité, ou aveuglés par leurs préjugés philosophiques ou politiques ; mais son humanisme lucide et rigoureux, son effort pour ne rien nier ni de l'homme, ni du monde, la mythologie du possible qu'elle propose, tant sur le plan philosophique que politique, sa richesse morale, intellectuelle et esthétique ne cessent de confirmer que « la création authentique est un don à l'avenir ».

Albert Camus et l'Espagne

Les origines espagnoles de Camus s'inscrivent aussi bien dans son œuvre, des Carnets à Révolte dans les Asturies ou L’état de siège, par exemple, que dans ses adaptations de La Dévotion à la Croix (Calderon de la Barca) ou Le Chevalier d'Olmedo (Lope de Vega). Comme journaliste, ses prises de position, sa lutte permanente contre le franquisme, se retrouvent dans de nombreux articles depuis Alger républicain en 1938, des journaux comme Combat bien sûr mais aussi d'autres moins connus, Preuves ou Témoins, où il défend ses convictions, affirme sa volonté d'engagement envers une Espagne libérée du joug franquiste, lui qui écrira « Amis espagnols, nous sommes en partie du même sang et j'ai envers votre patrie, sa littérature et son peuple, sa tradition, une dette qui ne s'éteindra pas. » C'est la profession de foi d'un homme qui est constamment resté fidèle « à la beauté comme aux humiliés. »

Vie personnelle

Les femmes occupèrent une grande place dans la vie d'Albert Camus. Outre Francine Faure (1914-1979), qui sera son épouse et la mère de ses enfants, on lui connaît plusieurs liaisons, avec Maria Casarès «l'unique», rencontrée en 1944, son interprète de théâtre, liaison qui de par son caractère public aggrava la dépression de Francine; avec la jeune étudiante américaine, Patricia Blake, rencontrée à New York en 1946; avec la comédienne Catherine Sellers, choisie pour interpréter une religieuse dans sa pièce Requiem pour une nonne; avec Mi (de son vrai nom Mette Ivers), une jeune Danoise, artiste peintre, rencontrée en 1957 à la terrasse du Flore alors qu'il se trouvait en compagnie d'Albert Cossery et de Pierre Bénichou.

Décès

Le 4 janvier 1960, en revenant de Lourmarin (Vaucluse), par la Nationale 6 (trajet de Lyon à Paris), au lieu-dit Le Petit-Villeblevin, dans l’Yonne, Albert Camus trouve la mort dans un accident de voiture à bord d'une Facel-Vega FV3B conduite par son ami Michel Gallimard, le neveu de l'éditeur Gaston Gallimard, qui perd également la vie. La voiture quitte la route et percute un premier arbre puis se disloque contre un second, parmi la rangée qui la borde. Les journaux de l'époque évoquent une vitesse excessive (180 km/h), un malaise du conducteur, une crise d'épilepsie provoquée par le défilement des arbres sur la route, ou plus vraisemblablement, l'éclatement d'un pneu. L'universitaire italien Giovanni Catelli avance l'hypothèse en 2011 dans le Corriere della Sera qu'il aurait été assassiné par le KGB sur ordre du ministre soviétique des affaires étrangères Dmitri Chepilov après que Camus lui eut reproché, dans un article publié dans le journal Franc-Tireurs en mars 1957, la répression de l'insurrection de Budapest. L'écrivain René Étiemble déclara : « J'ai longtemps enquêté et j'avais les preuves que cette Facel Vega était un cercueil. J'ai cherché en vain un journal qui veuille publier mon article... »
Albert Camus est enterré à Lourmarin, village du Luberon dans cette région que lui avait fait découvrir son ami, le poète René Char.
Depuis le 15 novembre 2000, les archives de l'auteur sont déposées à la bibliothèque Méjanes Aix-en-Provence, dont le centre de documentation Albert Camus assure la gestion et la valorisation.
Le 19 novembre 2009, le quotidien Le Monde affirme que le président Nicolas Sarkozy envisage de faire transférer les restes d'Albert Camus au Panthéon. Dès le lendemain, son fils, Jean Camus, s'oppose à ce transfert, craignant une récupération politique. Sa fille, Catherine Camus, ne se prononce pas.

Œuvres de Camus

Révolte dans les Asturies (1936), essai de création collective
L'Envers et l'Endroit (1937), essai
Caligula (première version en 1938), pièce en 4 actes
Noces (1939), recueil de quatre essais (Noces à Tipasa, Le vent à Djémila, L'été à Alger, Le désert)
Le Mythe de Sisyphe (1942), essai sur l'absurde
L'Étranger (1942), roman
Le Malentendu (1944), pièce en 3 actes
La Peste (1947 ; Prix de la critique en 1948), récit
L'État de siège (1948) spectacle en 3 parties
Les Justes (1949), pièce en 5 actes
Actuelles I, Chroniques 1944-1948 (1950)
L'Homme révolté (1951), essai
Actuelles II, Chroniques 1948-1953 (1953)
L'Été (1954), recueil de huit essais écrits entre 1939 et 1953 (Le minotaure ou la halte d'Oran, Les amandiers, Prométhée aux Enfers, Petit guide pour des villes sans passé, L'exil d'Hélène, L'énigme, Retour à Tipasa, La mer au plus près)
La Chute (1956), roman
L'Exil et le Royaume (Gallimard, 1957), nouvelles (La Femme adultère, Le Renégat, Les Muets, L'Hôte, Jonas, La Pierre qui pousse)
Réflexions sur la peine capitale (1957), en collaboration avec Arthur Koestler, Réflexions sur la Guillotine de Camus
Actuelles III, Chroniques algériennes, 1939-1958 (1958)

Préfaces

Chamfort, Maximes et pensées : caractères et anecdotes, Incidences, 1944; réédition, Paris, Gallimard, 1982, coll. "Folio Classique", (ISBN 2070373568).
André Salvet, Le Combat silencieux, Editions Portulan, 1945.
Albert Camus, W. H. Auden, Georges Bataille, Maurice Blanchot, André Camp, Jean Camp, Jean Cassou, Robert Davée, Max-Pol Fouchet, Roger Grenier, Federico García Lorca, Ernest Hemingway, François Piétri, José Quero Morales, Albert Ollivier, L'Espagne libre, Paris, Calmann-Lévy, 1946, coll BnF 8-Z-2974866
Pierre-Eugène Clairin, Dix estampes originales, présentation de Camus sur le thème de l'art et la révolte, Paris, Rombaldi, 1946.
René Leynaud, Poésies posthumes, Paris, Gallimard, 1947.
Louis Guilloux
La Maison du peuple, publication originale Grasset 1927, réédition Les Cahiers rouges Grasset avec préface d'Albert Camus, suivi de Compagnons 1953.
Albert Memmi, La statue de sel, Éditions Corrêa, 1953
Jacques Méry, Laissez passer mon peuple, Paris, Le Seuil, 1947.
Jeanne Héon-Canonne
Devant la mort, (souvenirs de résistance), juin 1951.
Les hommes blessés à mort crient, Éditions du Chalet, Paris, 1966, Lettre préface d'Albert Camus, publication posthume.
Daniel Mauroc, Contre-amour, Éditions de Minuit, 1952.
Louis Guilloux, La Maison du peuple (1927), Caliban 1948; Paris, Grasset, 1953.
Alfred Rosmer, Moscou sous Lénine - Les origines du communisme, Paris, Horay, 1953.
William Faulkner, Requiem pour une nonne, Nrf Gallimard, 1957.
Jean Grenier, Les Îles, paru en 1933, préface d'Albert Camus, réédition, Gallimard, 1959.
Oscar Wilde, La Ballade de la geôle de Reading, préface d'Albert Camus "L'Artiste en prison", 1952; réédition Paris, Le Livre de Poche, 1973.
Herman Melville, préface d'Albert Camus, première publication in Les écrivains célébrés, T. III, édition par Raymond Queneau chez Mazenod, 1952.
Konrad Bieber, L'Allemagne vue par les écrivains de la résistance française, préface d'Albert Camus "Le refus de la haine", rééditée in revue Témoins, 1955.
Œuvres complètes de Roger Martin du Gard dans la collection de la Pléiade avec une préface d'Albert Camus (1955)
René Char, Poèmes, préface d'Albert Camus à l'édition allemande, "Une poésie d'amour et de révolte".

Divers

Lettres à un ami allemand, chroniques initialement parues dans Combat, puis à Paris, Gallimard, 1945.
Le témoin de la liberté, Albert Camus, allocution publiée in revue La Gauche, décembre 1948.
La dernière fleur, de James Thurber, traduction d'Albert Camus, Paris, Gallimard, 1952.
Désert vivant, album de Walt Disney contenant un texte d'Albert Camus, Paris, Société Française du Livre, 1954.
Pluies de New York, impression de voyage, Paris, Gallimard, 1965. Pluies de New York, en ligne.
Discours de Suède, Paris, Gallimard, 1958; réédition, Paris, Gallimard, 1997, (ISBN 2-07-040121-9). Réunit le discours du 10 décembre 1957 prononcé à Stockholm et la conférence du 14 décembre 1957 "L'artiste et son temps" prononcée à l'Université d'Upsal.
Albert Camus, écrits libertaires (1948-1960) rassemblés et présentés par Lou Marin, Indigène éditions, 2013, (ISBN 979-10-90354-37-1). Notice de Albert Camus, écrits libertaires (1948-1960) chez l'éditeur.

Parutions posthumes

La Postérité du soleil, photographies de Henriette Grindat. Itinéraires par René Char, Genève, Edwin Engelberts, 1965, ASIN B0014Y17RG; rééditions : Vevey, L'Aire, 1986; Paris, Gallimard, 2009.
Carnets I, mai 1935-février 1942, Paris, Gallimard, 1962.
Carnets II, janvier 1942-mars 1951, Paris, Gallimard, 1964.
Carnets III, mars 1951-décembre 1959, Paris, Gallimard, 1989.
Journaux de voyage, texte établi, présenté et annoté par Roger Quilliot, Paris, Gallimard, 1978.
Les Cahiers Albert Camus, Paris, Gallimard, coll. "Blanche" et "Folio" pour tomes I et VII.
Tome I : La Mort heureuse (1971), roman .
Tome II : Paul Viallaneix, Le premier Camus suivi de Écrits de jeunesse d'Albert Camus
Tome III : Fragments d'un combat (1938-1940) -articles d'Alger-Républicain, mars 1978,
Tome IV : Caligula, version de 1941, théâtre, La poétique du premier Caligula, Albert Camus et A. James Arnold, juin 1984, 189 pages,
Tome V : Albert Camus, œuvre fermée, œuvre ouverte ?, actes du colloque de Cerisy, Raymond Gay-Crosier et Jacqueline Lévi-Valensi, juin 1982, Gallimard, février 1985, 386 pages, Présentation
Tome VI : Albert Camus éditorialiste à L'Express (mai 1955-février 1958), Albert Camus et Paul-F. Smets, septembre 1987,
Tome VII : Le Premier Homme (Gallimard, 1994 ; publié par sa fille), roman inachevé ;
Tome VIII : Camus à Combat, éditoriaux et articles d'Albert Camus (1944-1947), Jacqueline Lévi-Valensi, éditions Gallimard, 2003, 745 pages, Présentation
Les Quatre Commandements du journaliste libre, manifeste censuré en 1939, publié pour la première fois par le quotidien Le Monde le 17 mars 2012, après avoir été retrouvé par Macha Séry aux Archives d'Outre-mer à Aix-en-Provence.
L'Impromptu des philosophes (1947), pièce en un acte signée du pseudonyme d’Antoine Bailly (publiée dans Albert Camus, Œuvres complètes : Tome II (1944 - 1948), Gallimard,‎ 2006, 1390 p. .

Correspondances

Albert Camus-Jean Grenier, Correspondance 1932-1960, notes de Marguerite Dobrenn, Paris, Gallimard, 1981, .
Albert Camus-Pascal Pia, Correspondance, 1939-1947, présentation et notes de Yves-Marc Ajchenbaum, Paris, Fayard/Gallimard, 2000.
Albert Camus, Jean Grenier, Louis Guilloux : écriture autobiographique et carnets, Actes des Rencontres méditerranéennes, 2001, Château de Lourmarin, Éditions Folle Avoine, 2003.
Hamid Nacer-Khodja, Albert Camus-Jean Sénac ou le fils rebelle, Paris Méditerranée-Edif, 2000, 2004, .
Albert Camus-René Char, Correspondance 1949-1959, présentation et notes de Franck Planeille, Paris, Gallimard, 2007.
Albert Camus-Michel Vinaver, S'engager ? Correspondance 1946-1957, Paris, L'Arche, 2012, .

Adaptations théâtrales

Albert Camus adapta différentes pièces de théâtre étrangères.
1944 : Animation de la lecture chez Michel Leiris de Le Désir attrapé par la queue de Pablo Picasso68
1953 : Les Esprits de Pierre de Larivey, comédie en 3 actes, adaptation et mise en scène Albert Camus, Festival d'Angers, éditions Gallimard
1953 : La Dévotion de la croix de Pedro Calderón de la Barca, pièce en 3 'journées', mise en scène Marcel Herrand, Festival d'Angers, éditions Gallimard
1955 : Un cas intéressant de Dino Buzzati, pièce en 2 parties et 11 tableaux adaptée par Albert Camus, mise en scène Georges Vitaly, Théâtre La Bruyère, éditions l'Avant Scène
1956 : Requiem pour une nonne de William Faulkner, pièce en 2 parties et 7 tableaux, adaptation et mise en scène Albert Camus, Théâtre des Mathurins, éditions Le Manteau d'Arlequin
1957 : Le Chevalier d'Olmedo, comédie dramatique en 3 journées de Lope de Vega, traduction et adaptation d'Albert Camus, éditions Gallimard, adaptation et mise en scène Albert Camus, Festival d'Angers
1959 : Les Possédés69, pièce en 3 parties adaptée et mise en scène par Albert Camus du roman de Fiodor Dostoïevski, Théâtre Antoine, éditions Le Manteau d'Arlequin, réédition février 2010 chez Gallimard/Folio, 274 pages,
En 1975, le régisseur et acteur Nicou Nitai a traduit et adapté pour un one man show La Chute qui a été jouée sur les scènes du Théâtre de la Simta et Théâtre Karov à Tel Aviv, plus de 3 000 fois.


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#235 Les frères Grimm Jacob et Wilhem
Loriane Posté le : 04/01/2015 22:06
Le 4 janvier 1785 à Hanau naît Jacob Grimm

et meurt, à 78 ans, à Berlin le 20 Septembre 1863, le 24 février 1786 naît à son tour, à Hanua, Wilhem Grimm son frère, mort à 74 ans le 16 Décembre 1859 toujours à Berlin en Prusse. Les frères Grimm allemand : Brüder Grimm ou Gebrüder Grimm sont deux linguistes, philologues et collecteurs de contes de Mythographes, Bibliothécaires de langue allemande. Ils rédigent ensembles des contes et légendes restés célébres dont les principaux sont : Blanche-Neige, Hansel et Gretel, Les Musiciens de Brême, Raiponce, Le Vaillant Petit Tailleur, Le grand-père et le petit-fils, Le Joueur de flûte de Hamelin, Cendrillon, Le petit chaperon rouge

En Bref

Il est sans doute peu d'œuvres qui aient connu à l'égal des Contes des frères Grimm une telle fortune auprès des lecteurs de tout âge et de toutes les couches sociales. Ce succès durable est à la fois mérité et injuste : il rend certes hommage au génie littéraire des deux frères, mais il étouffe leurs personnalités réciproques en les confondant dans une même gloire ; il les sacre grands écrivains modernes, mais fait oublier qu'ils sont, surtout l'aîné, les fondateurs de la germanistique. Il n'est pas un enfant qui ignore leurs contes, mais il est bien peu d'adultes qui comprennent ce que fut l'admirable travail de Jakob et Wilhelm, qui sont d'abord de grands écrivains romantiques.
Les frères Grimm naquirent à Hanau, Jakob en 1785, Wilhelm en 1786, et tous deux moururent à Berlin, le cadet en 1859, Jakob en 1863. Au cours de leurs études de droit, ils furent disciples du célèbre juriste Friedrich von Savigny.
L'aîné connut une carrière brillante : bibliothécaire du roi de Westphalie, professeur d'histoire médiévale à l'université de Göttingen – dont il fut renvoyé à cause de ses idées politiques –, membre du Parlement de Francfort ; le cadet ne fut que sous-bibliothécaire, avant de professer également à l'université de Göttingen.
Mais l'œuvre des deux frères – qu'il s'agisse des Contes ou de leur travail scientifique – est née tout entière de leur profonde intimité, d'une communauté de sentiments et d'intérêts intellectuels qui les unit jusqu'au bout. Leur gloire montante éclipsa bientôt le talent de graveur et de dessinateur de Ludwig, le troisième des frères Grimm, dont les Mémoires sont pleins d'intérêt.
Les frères Grimm ne voulaient pas faire œuvre véritablement créatrice en éditant leurs contes, mais seulement sauver, pendant qu'il en était temps encore, les grands témoignages du sentiment populaire poétique en Allemagne. Cette intention n'était pas très originale au moment de leur première édition. Ils avaient eu pour précurseurs de nombreux romantiques, dont Ludwig Tieck, les deux frères Schlegel, Joseph von Görres. Dans une intention analogue, mais en se permettant de remanier les textes (comme l'avait fait autrefois le jeune Goethe sous l'influence de Herder), Achim von Arnim et Clemens Brentano venaient d'éditer leur recueil de Volkslieder (chants populaires), Le Cor merveilleux (Des Knaben Wunderhorn, 1806-1808), auquel Jakob et Wilhelm avaient d'ailleurs collaboré. Les deux frères avaient travaillé ensemble à des problèmes de littérature médiévale (le premier livre de Jakob, Über den altdeutschen Meistergesang, 1811, était consacré à la poésie allemande de troubadours). Wilhelm se préoccupait de poésie médiévale scandinave qu'il traduisait, commentait et éditait. Ils avaient traduit le poème épique de l'Edda et participaient passionnément aux discussions théoriques sur la Naturpoesie (poésie naturelle, c'est-à-dire populaire) et la Kunstpoesie (poésie d'art, c'est-à-dire moderne et recréée). Cependant la gloire leur vint d'une manière un peu inattendue en 1812, quand ils éditèrent leur premier recueil de contes. Ils avaient commencé à rassembler les contes vers 1806 sans intentions précises. Persuadés de l'inspiration divine de toute « poésie naturelle », ils se refusaient à toute modification du contenu et reprochaient à leurs prédécesseurs de n'avoir pas respecté intégralement cette révélation de l'« âme du peuple ». Au contraire, les frères Grimm voulurent être aussi complets et fidèles que possible. Ils recherchèrent des informateurs dans toute l'Allemagne. En ce qui concerne la forme des contes, l'attitude des auteurs n'avait rien de rigide, seul le contenu étant à leurs yeux intangible. Par contre, la composition et le style étaient leur domaine personnel. C'est sur ce point que portèrent leurs efforts infatigables. Ils simplifièrent leurs sources sans pour autant les raccourcir, remplaçant autant que possible les récits abstraits par des dialogues d'une vie et d'une fraîcheur merveilleuses. En recherchant sans artifice les tournures de la langue paysanne, ils croyaient faire seulement œuvre de piété nationale et respecter les formes de pensée et d'expression populaires. En réalité, ils créaient une langue neuve, étonnante de poésie et de précision, et prenaient place parmi les grands stylistes de l'allemand.
Le succès des Contes d'enfants et du foyer (Kinder- und Hausmärchen, 1812-1815) fut grand auprès du public. Quelques écrivains furent plus réticents, dont Brentano qui vit là l'occasion de relancer la vieille querelle sur la « poésie de nature » (inférieure à ses yeux) et la « poésie d'art » (la sienne par exemple). Jakob fut bouleversé par ces critiques et répliqua par une profession de foi : le merveilleux des contes est une révélation du divin ; les contes sont la forme populaire, donc la plus sincère, de l'épopée et de la mythologie qui mènent toutes deux aux réalités transcendantales ; cette poésie non créée exige donc la fidélité la plus absolue. Ces vues furent reprises dans l'étude de Wilhelm Sur la nature du conte (Über das Wesen des Märchens), qui servit de préface à la deuxième édition : les mythes expriment l'essence d'un peuple et continuent de vivre dans les contes, ils sont donc d'essence religieuse. Les deux frères établissent alors des comparaisons parfois aventureuses entre la mythologie germanique et les contes : ils identifient Wotan à Odin, Sigurd et Baldur à Siegfried, la Belle au bois dormant à Brünnhilde. Entraînés par leur foi religieuse et patriotique, ils se penchèrent sur les légendes germaniques qu'ils commencèrent à commenter et à éditer à partir de 1816 selon les mêmes principes. Détourné de ces sujets par ses recherches philologiques, Jakob abandonna à Wilhelm, pourtant préoccupé de problèmes analogues (Über deutsche Runen, 1821), le soin d'établir le troisième volume des Contes. Alors que la deuxième édition représentait un remaniement stylistique, celle-ci, inestimable pour les mythologues par le soin érudit avec lequel Wilhelm commente et édite les contes, s'adresse moins au grand public qui trouva en effet le livre trop austère.

Leurs vies Jacob et Wilhem

Jacob et Wilhelm sont nés à Hanau, en Hesse-Cassel. Les grands-parents et arrière-grands-parents étaient de confession réformée, les hommes étant traditionnellement pasteurs. Les parents Philip et Dorothea Grimm eurent neuf enfants, dont six survécurent2. Dans l'ordre de naissance : Jacob, Wilhelm, Carl, Ferdinand, Ludwig et Charlotte. La maison natale des frères Grimm donnait sur l'ancienne place d'armes de la ville de Hanau près de Francfort-sur-le-Main. En janvier 1791, leur père, Philip, fut nommé bailli Amtmann dans sa ville natale de Steinau en Kinzig où la famille emménagea. En 1796, leur père mourut à l'âge de 45 ans. Leur mère, afin d'assurer à l'aîné toutes ses chances d'accéder à une carrière juridique envoya les deux enfants auprès de leur tante dans la ville de Cassel. Jacob fréquenta en 1802 l'université de Marbourg et y étudia le droit tandis que son frère le rejoint un an plus tard pour suivre le même cursus. Un de leurs professeur, Friedrich Carl von Savigny, ouvrit sa bibliothèque privée aux étudiants avides de savoir et déjà férus de Goethe et Schiller. Il leur fit découvrir les écrivains romantiques Clemens Brentano, le baron Fouqué et Achim von Arnim dont les romans baroques et les Minnesänger éveillèrent chez eux l'intérêt pour les vieux contes populaires qu'ils commencèrent à collecter pour Brentano rencontré à Marbourg en 18033.
Savigny travaillait à une histoire de l'Empire romain et se rendit à Paris en 1804 pour ses recherches. En janvier 1805, il invita Jacob à l'y rejoindre. En qualité d'aide, il se pencha pendant plusieurs mois sur la littérature juridique. À la suite de cela il décida de s'éloigner désormais des thèmes juridiques. Il rapporta, dans sa correspondance, vouloir se consacrer à la recherche sur la « magnifique littérature de l'ancien allemand » à laquelle lui et Wilhelm s'étaient déjà intéressés4.

Les débuts

Fin 1805, Jacob Grimm revint à Cassel où entre-temps sa mère était venue s'installer. L'année suivante en 1806, Wilhelm Grimm termina ses études à Marbourg. Ils vécurent ensemble avec leur mère à Cassel. Jacob trouva une place de secrétaire à l'école de guerre de Cassel. À la suite de la guerre napoléonienne contre la Prusse et la Russie, qui commença peu après sa nomination et qui vit l'influence de Napoléon sur Cassel, l'école de guerre fut réformée et Jacob se trouva à nouveau chargé de ravitailler les troupes combattantes, ce qui lui déplaisait et le poussa à quitter son poste. Wilhelm Grimm, d'une constitution fragile, était à cette époque sans emploi. De cette période désargentée mais qui les trouva très motivés, date le début de la compilation des contes et histoires qui nous sont parvenus aujourd'hui.
Après le décès de leur mère le 27 mai 1808, Jacob dut prendre en charge toute la famille en qualité d'aîné. Il prit donc à Cassel un poste de directeur de la bibliothèque privée de Jérôme Bonaparte (frère de Napoléon, et récemment fait roi du nouveau royaume de Westphalie). Bien qu'il ne fût pas contraint à cette position et consacrât une grande partie de son temps à ses études, Jacob occupa pendant l'année 1809 une place d'assesseur au conseil d'État.
En 1809, Wilhelm en raison de sa maladie, effectua une cure à Halle qui dut aussi être financée par Jacob. Il résida au château de Giebichenstein (qui appartint au compositeur Johann Friedrich Reichardt) et enfin à Berlin où il rencontra Clemens Brentano avec lequel il fit la connaissance d'écrivains et d'artistes berlinois comme Ludwig Achim von Arnim. Lors de son voyage de retour à Cassel, Wilhelm rencontra aussi Johann Wolfgang von Goethe qui l'assura dans ses « efforts en faveur d'une culture longue et oubliée ».
Depuis 1806, les frères Grimm avaient rassemblé des contes et depuis 1807 avaient publié dans des revues des articles sur les maîtres troubadours. À partir de 1810, les frères Grimm se retrouvèrent à nouveau ensemble à Cassel et en 1811, Jacob fit paraître son premier ouvrage sur les maîtres chanteurs allemands (Über den altdeutschen Meistergesang).
Après la bataille de Leipzig en 1813, le royaume de Westphalie fut dissous et l'électorat de Hesse restauré. Jacob Grimm y perdit sa place de directeur de la bibliothèque royale, mais retrouva bientôt une situation auprès du prince électeur en tant que secrétaire de légation. Dans ses nouvelles fonctions diplomatiques, il retourna à Paris en 1814, où il employa ses loisirs à de nouvelles recherches en bibliothèque. S'il aimait les voyages, il regrettait cependant que ces activités le tinssent éloigné de ses recherches littéraires dans son pays.

Les collecteurs de légende

Wilhelm Grimm publia en 1811 son premier livre, des traductions d'anciennes légendes danoises Altdänische Heldenlieder. Le premier ouvrage commun des deux frères, sur le Chant de Hildebrand et le Wessobruner Gebet, fut publié en 1812. Il fut suivi le 20 décembre 1812 de la première édition du premier tome des Contes de l'enfance et du foyer Kinder- und Hausmärchen, tirés à 900 exemplaires, une collection de 86 histoires désormais connues dans le monde entier notamment Blanche-Neige et Hansel et Gretel. Les deux frères s'essayèrent aussi à une édition allemande de l'Edda, ainsi que de Reineke Fuchs, une version allemande du Roman de Renart, travaux qui restèrent toutefois longtemps inachevés. De 1813 à 1816, les frères contribuèrent également à la revue Altdeutsche Wälder, consacrée à la littérature allemande ancienne, mais qui ne connut que trois numéros. Le professeur de Cologne germaniste et folkloriste Heinz Rölleke de a déterminé dans ses éditions critiques6 des différentes versions de leurs recueils qu'une des principales conteuses dont ils se sont inspirés est la française Dorothea Viehman, née Pierson, qui fait partie des nombreux protestants d'origine messine qui se sont réfugiés à Berlin après la révocation de l'Édit de Nantes.
En 1814, Wilhelm Grimm devint secrétaire de la bibliothèque du musée de Cassel et s'installa à la Wilhemshöher Tor, dans un logement appartenant à la maison du prince électeur de Hesse, où son frère Jacob le rejoignit à son retour de Paris. En 1815, Jacob Grimm assista au congrès de Vienne en tant que secrétaire de la délégation hessoise, puis séjourna de nouveau à Paris en septembre 1815 pour une mission diplomatique. Par la suite, il quitta définitivement la carrière diplomatique pour pouvoir se consacrer exclusivement à l'étude, à la classification et au commentaire de la littérature et des usages historiques. Cette même année 1815, à côté d'un ouvrage d'études mythologiques (Irmenstraße und Irmensäule), il publia un choix critique d'anciennes romances espagnoles (Silva de romances viejos).
En 1815, les frères Grimm produisirent le deuxième volume des Contes de l'enfance et du foyer, réimprimés sous forme augmentée en 1819. Les remarques sur les contes des deux volumes furent publiées dans un troisième en 1822. Une nouvelle publication sous une forme réduite à un volume s'ensuivit en 1825, qui contribua grandement à la popularité des contes. Jacob et Wilhelm Grimm obtinrent que cette édition fut illustrée par leur frère Ludwig Emil Grimm. À partir de 1823 parut une édition anglaise des Contes de l'enfance et du foyer par le traducteur Edgar Taylor, illustrées par les gravures de George Cruikshank. Du vivant même des deux frères parurent sept impressions de l'édition en trois volumes des contes et dix de l'édition réduite à un volume. Le grand succès s'opéra à la troisième édition en 1837, coïncidant avec l'émergence de la classe bourgeoise dans laquelle la femme se préoccupait davantage de ses enfants.
Dans les années 1816 et 1818 suivirent les deux tomes d'un recueil de légendes (Deutsche Sagen). Les deux frères avaient d'abord collecté indifféremment contes et légendes ; il est difficile de les séparer sur des critères thématiques, et les frères ne le firent pas de façon suivie. Toutefois, les contes remontent pour l'essentiel à des sources orales, tandis que les légendes se fondent bien davantage sur des sources écrites. Le recueil des contes comme des légendes fut achevé à peu près en même temps, dès 1812, le délai de publication de six ans s'expliquant par le travail absorbant de composition d'un texte publiable. Le recueil de légendes ne remporta cependant pas un succès remarquable, et ne fut donc pas réimprimé du vivant des frères.
À l'âge de 30 ans, Jacob et Wilhelm Grimm avaient déjà acquis une position éminente de par leurs nombreuses publications. Ils vivaient ensemble à Cassel, sur le seul salaire modeste de Wilhelm pendant un temps. Ce ne fut qu'en avril 1816 que Jacob Grimm devint second bibliothécaire à Cassel, aux côtés de Wilhelm qui exerçait depuis deux ans comme secrétaire. Leur travail consistait à prêter, chercher et classifier les ouvrages. À côté de ces fonctions officielles, ils avaient la possibilité de mener sur place leurs propres recherches, qui furent saluées en 1819 par un doctorat honoris causa de l'université de Marbourg.
Les frères Grimm n'auraient pas pu publier autant pendant ces années sans encouragements ni protections. Ils furent d'abord soutenus par la princesse Wilhelmine Karoline de Hesse. Après sa mort en 1820 et celle du prince électeur en 1821, les frères durent déménager avec leur sœur Lotte pour s'installer dans un logement plus modeste, entre une caserne et une forge, non sans conséquences gênantes sur leur travail. Lotte, qui tenait jusque-là le ménage, se maria peu après, laissant ses deux frères. Ceux-ci déménagèrent plusieurs fois et menèrent pendant plusieurs années quasiment une « vie de célibataires », travaillant de concert et vivant toujours ensemble, Wilhelm ne s'étant marié qu'à cette condition.

La passion de la langue

Les Sept de Göttingen. De gauche à droite et de haut en bas :
Wilhelm Grimm Jacob Grimm Wilhelm Eduard Albrecht Friedrich Christoph Dahlmann
Georg Gottfried Gervinus Wilhelm Eduard Weber Heinrich Georg August Ewald
C'est dans cette période créative que se place le travail de Jacob Grimm sur sa Grammaire allemande. Le premier tome traitait de la flexion, le second de la formation des mots. Jacob Grimm y travailla avec fureur, sans laisser de manuscrit complet, mais en faisant imprimer feuille après feuille au fur et à mesure qu'il avait écrit assez de texte. L'impression du premier tome s'étendit de janvier 1818 à l'été 1819, la durée exacte du travail de Jacob Grimm sur l'ouvrage.
Jusqu'en 1822, il retravailla le premier tome de façon à n'y plus inclure que l'étude des sons. Comme auparavant, il écrivit et fit imprimer les pages au fur et à mesure, principe qu'il suivit aussi pour le deuxième tome, achevé en 1826. Wilhelm Grimm avait publié entre-temps plusieurs livres sur les runes, et les Chants héroïques allemands (Deutsche Heldensage), considérés comme son chef d'œuvre, parurent en 1829.
Jacob fut un ami très proche du linguiste et écrivain Serbe Vuk Stefanović Karadžić ; à ses côtés il apprit le serbe, lui donnant ainsi accès aux chants héroïques serbes et aux légendes balkaniques. Et 1824, il traduisit en allemand la grammaire serbe (Wuk Stephanowitsch, Kleine serbische Grammatik, verdeutscht (Leipzig et Berlin, 1824).
Ce ne fut qu'après le mariage de Wilhelm Grimm avec Henrietta Dorothea Wild en 1825 que le cours de la vie des deux frères vint à se stabiliser. Ils continuèrent à vivre ensemble, à trois désormais avant que ne naissent bientôt les enfants de Wilhelm et « Dortchen ». En 1829 cependant, après respectivement 13 et 15 ans au service de la bibliothèque de Cassel, les deux frères donnèrent leur démission. Après la mort du directeur, le prince électeur Guillaume II de Hesse n'ayant pas attribué le poste à Jacob, les frères répondirent à une proposition de la bibliothèque de l'université de Göttingen, à Hanovre.
Ils y poursuivirent leur vie en commun. Jacob Grimm exerçait comme professeur titulaire, Wilhelm comme bibliothécaire puis à partir de 1835 comme professeur également. Jacob Grimm publia deux tomes supplémentaires de sa grammaire jusqu'en 1837. Il put également terminer en 1834 le travail commencé en 1811 sur Reinhard (Reineke) Fuchs, et composa un ouvrage sur la mythologie germanique (Deutsche Mythologie, 1835). Wilhelm Grimm s'occupa presque à lui seul de la troisième impression des Kinder- und hausmärchen en 1837.
En 1837, le roi de Hanovre, de Grande-Bretagne et d'Irlande Guillaume IV mourut, et la couronne de Hanovre passa à son frère Ernest-Auguste Ier. De tendances autoritaires, celui-ci révoqua rapidement la constitution relativement libérale accordée par son prédécesseur, à laquelle les fonctionnaires avaient prêté serment. Sept professeurs de l'université de Göttingen signèrent alors une lettre de protestation solennelle, parmi lesquels Jacob et Wilhelm Grimm. Le roi répliqua en révoquant immédiatement les professeurs, et en bannissant trois de ses états, parmi lesquels Jacob Grimm. Cette affaire dite des Sept de Göttingen eut un grand retentissement en Allemagne.

L'œuvre philologique

Les deux frères s'intéressaient depuis longtemps à la littérature médiévale allemande. Ils avaient remarquablement commenté et édité la Chanson des Nibelungen (Nibelungenlied), Le Pauvre Henri (Der arme Heinrich, début du XIIIe siècle) de Hartmann von Aue. Leur intérêt se porta peu à peu sur la langue elle-même. L'étude des langues et de leur étymologie n'était pas nouvelle en 1819, date de la première édition de la Deutsche Grammatik de Jakob. Si Wilhelm von Humboldt les a précédés, de leurs travaux date pourtant la germanistique moderne. Ils avaient abordé leurs recherches guidés par la dangereuse conviction romantique que l'homme avait été doté à sa création par Dieu de trésors inestimables qu'il avait laissés peu à peu dépérir, notamment son sens de la poésie naturelle en même temps que sa langue, autrefois riche, précise et concrète. L'appauvrissement de la déclinaison, de la conjugaison prouverait que la langue moderne n'est que le résultat de cette dégénérescence. Néanmoins, la minutie de leurs recherches les mena, malgré le danger de ces prémisses, à des découvertes essentielles. Celles-ci concernent la métaphonie (explication et histoire de la palatalisation de voyelles), l' apophonie (explication des structures verbales à partir des variations vocaliques) et surtout les lois gouvernant les mutations consonantiques des langues germaniques ; cette dernière découverte, entrevue par leur ami danois Rasmus Rask, n'est exposée que dans la deuxième édition, totalement refondue, de la grammaire. Jakob Grimm avait créé une science, mais il ne put mener à bien toutes ses recherches ; il fallut attendre l'œuvre de Franz Bopp ( Grammaire comparée des langues sanscrite, zende, grecque, latine, lituanienne, slave ancienne, gothique et allemande, 1833), l'apport de philologues ultérieurs, Karl Verner, puis Antoine Meillet et, plus récemment, Jean Fourquet, pour avoir enfin une vue complète de l'évolution de la langue depuis l' indo-européen jusqu'à l'allemand moderne.
La première mutation (première loi de Grimm) concerne le changement progressif des structures consonantiques de l'indo-européen en une nouvelle structure. Elle commence avant le Ve siècle avant J.-C. et se termine au début de notre ère. La loi énoncée par le philosophe danois Verner en 1877 met en évidence une autre série de transformations. Il apparaît que les consonnes n'ont donc évolué selon la première loi de Grimm que si elles étaient placées soit à l'initiale, soit en toute position après la voyelle accentuée. Sinon, elles suivent la loi de Verner.
Selon la deuxième loi de Grimm, les occlusives sonores s'assourdissent (Bh devient Ph, Dh devient Th, Gh devient Kh, Guh devient Kuh) La deuxième mutation consonantique des langues germaniques commence à partir de 500 après J.-C.
Il serait inexact de confondre, en raison de leur travail en commun, les personnalités et les œuvres de Jakob et de Wilhelm. Le premier fut un esprit hardi, aventureux, dont bien des hypothèses dans l'œuvre de jeunesse se sont vite révélées fausses. Il fut un grand enthousiaste, un grand découvreur, alors que Wilhelm fut un savant minutieux, consciencieux, mais néanmoins fécond. L'un et l'autre avaient certes travaillé à la renaissance du passé germanique, mais ils avaient aussi créé dans leurs contes, et presque sans le vouloir, une des plus belles langues de l'allemand moderne.

Dictionnaire de Grimm.

Les frères s'en retournèrent à Cassel où ils restèrent sans emploi, jusqu'à ce que le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse les invitât comme membres de l'académie des sciences et professeurs à l'Université Humboldt. Les deux frères répondirent à cette offre et s'installèrent définitivement à Berlin. Jacob entreprit cependant par la suite plusieurs voyages à l'étranger, et fut député au Parlement de Francfort en 1848 avec plusieurs de ses anciens collègues de Göttingen.
Durant cette période berlinoise, les deux frères se consacrèrent principalement à une œuvre colossale : la rédaction d'un dictionnaire historique de la langue allemande, qui en présenterait chaque mot avec son origine, son évolution, ses usages et sa signification.
Mais les deux frères avaient sous-estimé le travail à accomplir. Bien qu'ayant commencé cette tâche en 1838 après leur renvoi de Göttingen, le premier tome ne parut qu'en 1854 et seuls quelques volumes purent être édités de leur vivant. Plusieurs générations de germanistes poursuivront cette œuvre, et cent-vingt-trois ans plus tard, le 4 janvier 1961 le 32e volume de ce dictionnaire allemand fut enfin édité. En 1957, une nouvelle révision de cette œuvre gigantesque a été entamée et le premier volume de ce travail a été publié en 1965. L'ensemble du dictionnaire a été édité en 2004 sous forme de CD-ROM par les éditions Zweitausendeins (Francfort-sur-le-Main) et est également disponible en ligne.
Wilhelm Grimm mourut le 16 décembre 1859. L'Académie de Berlin écrivit en janvier 1860 : « Au 16 du mois dernier est mort Wilhelm Grimm, membre de l'académie, qui a fait briller son nom au titre de linguiste allemand et collecteur de légendes et de poèmes. Le peuple allemand est aussi habitué à l'associer à son frère aîné Jacob. Peu d'hommes sont honorés et aimés comme le sont les frères Grimm, qui en l'espace d'un demi-siècle se sont soutenus réciproquement et fait connaître dans un travail commun. » Jacob poursuivit seul leur ouvrage, avant de mourir à son tour le 20 septembre 1863. Les deux frères reposent ensemble au cimetière de Matthäus, à Berlin-Schöneberg.

Œuvres

Les œuvres communes les plus significatives de Jacob et Wilhelm Grimm sont leur collection de contes pour enfants, leur recueil de légendes (201 contes auxquels sont joints les 28 textes qu’ils ont supprimés dans la dernière mouture de leur recueil, et 10 légendes pour les enfants, réunis dans la première édition intégrale commentée de José Corti Les Contes pour les enfants et la maison des frères Grimm en 2009), ainsi que leur dictionnaire.
Jacob Grimm apporta des contributions de première importance à la linguistique allemande alors naissante. Elles contribuèrent à fonder une grammaire historique et comparée. Dans la deuxième édition de sa Grammaire allemande Jacob Grimm décrivit les lois phonétiques réglant l'évolution des consonnes dans les langues germaniques, et connues depuis sous le nom de Loi de Grimm. Il est également l'auteur d'une Histoire de la langue allemande (Geschichte der deutschen Sprache).
Le compositeur Richard Wagner s'inspira de plusieurs légendes recueillies par les deux frères pour la composition de ses opéras, ainsi que de la Mythologie allemande de Jacob Grimm pour sa Tétralogie.
En 1945, les forces d’occupation alliées en Allemagne interdirent de publication les contes de Grimm. Le motif invoqué était que la violence s’y trouvant aurait été en partie responsable des atrocités commises par les nazis. De plus, ils contenaient quelques textes antisémites comme Le Juif dans les épines.

Ouvrages de Jacob Grimm

Über den altdeutschen Meistergesang (Göttingen, 1811)
Irmenstrasse und Irmensäule (Vienne, 1815)
Silva de romances viejos (Vienne, 1815)
Deutsche Grammatik (Göttingen, 1819-1840)
Hausbüchel für unser Lebenlang (Cassel, 1820)
Wuk Stephanowitsch, kleine serbische Grammatik, verdeutscht (Leipzig et Berlin, 1824)
Zur Rezension der deutschen Grammatik, unwiderlegt herausgegeben (Cassel, 1826)
Deutsche Rechtsaltertümer (Göttingen, 1828. 2e éd., 1854)
Hymnorum veteris ecclesiae XXVI interpretatio Theodisca nunc primum edita (Göttingen, 1830)
Zwischen Land and Heimat (Vienne, 1832)
Reinhart Fuchs (Berlin, 1834)
Deutsche Mythologie (Göttingen, 1835. 2e éd., 1844. 3e éd. 1854, 2 vols.)
Taciti Germania edidit (Göttingen, 1835)
Über meine Entlassung (Bâle, 1838)
Lateinische Gedichte des X. und XI. Jahrhunderts (Göttingen, 1838)
Sendschreiben an Karl Lachmann über Reinhart Funchs (Berlin, 1840)
Weistümer (Teil 1, Göttingen, 1840. Teil 2, 1840. Teil 3, 1842. Teil 4, 1863. Teil 5, 1866. Teil 6, 1869. Teil 7, 1878)
Andreas und Elene (Gedicht), herausgegeben (Cassel, 1840)
Frau Aventiure klopft an Beneckes Tür (Berlin, 1842)
Geschichte der deutschen Sprache (Leipzig, 1848. 2e éd., 1853, 2 vol.)
Das Wort des Besitzes (Berlin, 1850)
Rede auf Wilhelm Grimm und Rede über das Alter (Berlin, 1868. 3e éd. 1865)
Kleinere Schriften (Berlin, 1864-1870, 8 vol.)
Ouvrages de Wilhelm Grimm
Altdänische Heldenlieder, Balladen und Märchen übersetzt (Heidelberg, 1811)
Drei altschottische Lieder in Original und Übersetzung (Heidelberg, 1813)
Über deutsche Runen (Göttingen, 1821)
Zur Literatur der Runen (Vienne, 1828)
Grâve Ruodolf (Göttingen, 1828 et 1844)
Die deutsche Heldensage (Göttingen, 1829. 2e éd., 1867)
De Hildebrando antiquissimi carminis teutonici fragmentum (Göttingen, 1830)
Vrîdankes Bescheidenheit (Göttingen, 1834. 2e éd., 1860)
Der Rosengarten (Göttingen, 1836)
Ruolandes liet (Göttingen, 1838)
Wernher vom Niederrhein (Göttingen, 1839)
Konrads von Würzburg Goldene Schmiede (Berlin, 1840)
Konrads von Würzburg Silvester (Göttingen, 1841)
Über Freidank (Göttingen, 1855)
Kleinere Schriften (Berlin, 1881, 4 vol.)
Ouvrages communs
Kinder- und Hausmärchen (Berlin, 1812 ; nombreuses éditions ultérieures)
Die beiden ältesten deutschen Gedichte aus dem 8. Jahrhundert : Das Lied von Hildebrand und Hadubrand und das Wessobrunner Gebet herausgegeben (Cassel, 1812)
Altdeutsche Wälder herausgegeben (1er vol., Cassel, 1813. 2e et 3e vol., Frankfurt, 1815 et 1816)
Der Arme Heinrich von Hartmann v. d. Aue herausgegeben (Berlin, 1815)
Lieder der alten Edda herausgegeben (Berlin, 1815)
Deutsche Sagen (Berlin, 1816-1818. 2e éd., Berlin, 1865-1866)
Irische Elfenmärchen (Leipzig, 1826)
Deutsches Wörterbuch (volume 1 : de A à Biermolke, Leipzig, 1854. Volume 2 : de Biermörder à D, 1860. Volume 3 : de E à Forsche, 1862. Volume 4, par J. Grimm, Karl Weigand et R. Hildebrand : de Forschel à Gefolgsmann, 1878).

Contes les plus célèbres

Jacob et Wilhelm Grimm, sur
Blanche-Neige - Schneewittchen
Cendrillon - Aschenputtel version modifiée de celle de Charles Perrault
La Belle au bois dormant - Dornröschen version modifiée de celle de Charles Perrault
Le Petit Chaperon rouge - Rotkäppchen version modifiée de celle de Charles Perrault
Le Roi de la montagne d'or - Der König vom goldenen Berg
Les Musiciens de Brême - Die Bremer Stadtmusikanten
Le Vaillant Petit Tailleur - Das Tapfere Schneiderlein
Dame Holle - Frau Holle
Frérot et Sœurette - Brüderchen und Schwesterchen
Hansel et Gretel - Hänsel und Gretel
Blanche-Neige et Rose-Rouge - Schneeweißchen und Rosenrot
Raiponce - Rapunzel
Nain Tracassin - Rumpelstilzchen
Le Serpent noir - Seelschwarzt
Tom Pouce - Daumesdick
Le Roi Barbe d'Ours - König Drosselbart
La Petite Gardeuse d'oies - Die Gänsemagd
La Vraie Fiancée - Die wahre Braut
L'Eau de la vie - Das Wasser des Lebens
Légendes les plus célèbres
Le Joueur de flûte de Hamelin - Der Rattenfänger von Hameln
Guillaume Tell - Wilhelm Tell
Tannhäuser - Der Tannhäuser
Le Tournoi de chanteurs à la Wartburg - Sängerkrieg auf der Wartburg|Der Wartburger Krieg
Lohengrin de Brabant - Lohengrin zu Brabant
Frédéric Barberousse au Kyffhäuser - Friedrich Rotbart auf dem Kyffhäuser

Prix Grimm international

Les Frères Grimm, film américain de Terry Gilliam (2005), très librement inspiré de certains contes des deux frères.
Grimm, série télévisée américaine, s'inspirant de l'univers des contes pour le transposer au xxie siècle.
La Loi de Grimm, une des lois de phonétique historique les plus célèbres.
Bois des contes, dans le parc d'attractions néerlandais d'Efteling, lieu principalement habité par des contes de Grimm.
Melchior Grimm, homme de lettres du xviiie siècle, sans lien avec les frères Grimm.

Le Film


Titre original The Brothers Grimm
Réalisation Terry Gilliam
Scénario Ehren Kruger
Acteurs principaux
Matt Damon
Heath Ledger
Monica Bellucci
Lena Headey
Peter Stormare
Jonathan Pryce
Pays d’origine États-Unis, Royaume-Uni, République tchèque
Sortie 2005
Durée 118 minutes
Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution
Les Frères Grimm (titre original The Brothers Grimm) est un film américain réalisé par Terry Gilliam, sorti en 2005.

1 Synopsis
2 Fiche technique du Film
3 Distribution
4 Réception
5 Autour du film
6 Distinctions
7 Références culturelles et métaphores
8 Citations
9 Notes et références
10 Voir aussi
10.1 Articles connexes
10.2 Liens externes
Synopsis[modifier | modifier le code]
L'un croit aux contes et à la magie, l'autre a les pieds sur terre. Les deux frères Grimm, respectivement Jacob et Wilhelm, parcourent l'Europe à l'écoute de villageois terrorisés, jamais à court d'histoires extraordinaires. Ils leur proposent des remèdes tout aussi farfelus pour déjouer ces sortilèges, qui sont en fait des mises en scène qu'ils organisent avec l'aide de deux complices. Ces subterfuges leur permettent d'obtenir la gloire et la fortune. Leur notoriété parvient aux oreilles du général Delatombe, qui doit faire face dans sa propre circonscription à des événements étranges. Ce dernier les envoie dans le village de Marbaden escorté du maître ès tortures, Mercurio Cavaldi di Parma, pour retrouver et libérer des enfants disparus. Guidés par la sœur aînée de deux d'entre eux, la belle chasseresse Angelika Krauss, ils finissent par s'aventurer dans la forêt enchantée où ont eu lieu les disparitions, jusqu'aux ruines envahies par la forêt d'un village maudit autrefois décimé par la peste et dominé par une immense tour sans accès.

Film

Titre : Les Frères Grimm
Titre original : The Brothers Grimm
Réalisation : Terry Gilliam
Scénario : Ehren Kruger
Décors : Guy Dyas
Costumes : Gabriella Pescucci et Carlo Poggioli
Photographie : Newton Thomas Sigel
Réalisation de seconde équipe: Michele Soavi
Montage : Lesley Walker
Musique : Dario Marianelli
Production : Daniel Bobker, Charles Roven, Jake Myers, Michael Solinger, Bob Weinstein et Harvey Weinstein
Sociétés de production : Dimension Films et Metro-Goldwyn-Mayer
Budget : 80 millions de dollars (60,71 millions d'euros)
Pays d'origine : États-Unis, Royaume-Uni, République tchèque
Langue : anglais
Format : Couleurs - 1,85:1 - DTS / Dolby Digital / SDDS - 35 mm
Genre : Fantastique, aventures
Durée : 118 minutes
Dates de sortie :
États-Unis et Canada : 26 août 2005
France et Belgique : 5 octobre 2005
Interdiction :
France : Déconseillé aux moins de 12 ans
États-Unis : PG-13 Déconseillé aux moins de 13 ans

Distribution

Matt Damon : Wilhelm Grimm
Heath Ledger : Jacob Grimm
Monica Bellucci : La reine au miroir
Jonathan Pryce : Le général Delatombe
Lena Headey : Angelika Krauss
Peter Stormare : Mercurio Cavaldi
Roger Ashton-Griffiths: le maire
Richard Ridings : Bunst
Barbara Lukesova : Mme Grimm
Petr Ratimec : Wilhelm enfant
Jeremy Robson : Jacob enfant
Bruce McEwan : Dax

Le film a été un semi-échec commercial, rapportant 105 316 267 $ au box-office (dont 37 916 267 $ aux États-Unis). Il a réalisé 1 465 473 entrées en France, 176 111 en Belgique, 75 509 en Suisse, et 36 666 au Québec.
Il a été médiocrement accueilli par la critique, recueillant 37 % de critiques positives, avec une note moyenne de 5,1/10 et sur la base de 177 critiques collectées, sur le site internet Rotten Tomatoes3. Il obtient un score de 51/100, sur la base de 36 critiques, sur Metacritic.
En France, le film a été mieux accueilli, obtenant une note moyenne de 3,44/5 sur la revue de presse d'AlloCiné5. Le Nouvel Observateur évoque « un film féerique et macabre, au casting impeccable », Le Figaroscope « une flamboyante fantasmagorie visuelle aux effets spéciaux spectaculaires », Positif un « film infiniment personnel et souvent séduisant », et Télé 7 Jours un mariage entre « le frisson du fantastique, l'humour de la farce et le merveilleux du conte de fées ». Libération parle d'un film généreux mais « lourd à digérer » et qui veut jouer sur trop de tableaux à la fois, L'Écran fantastique d'un film qui « manque de profondeur » mais bénéficie « des habituels dons d'illustrateur de son réalisateur », et Paris Match d'une « loufoquerie désordonnée, mais traversée de moments magiques ». Du côté des critiques négatives, Les Inrockuptibles estime que le film « ne vaut que pour la présence de Matt Damon » et L'Humanité qu'il est « beau mais vide ».

Autour du film

Terry Gilliam prend délibérément le parti d'une narration mettant en exergue l'aspect merveilleux au lieu de se contenter d'une lecture purement objective de la vie des deux célèbres conteurs, présentés ici comme des aventuriers, ayant réellement vécu les événements relatés de manière romancée dans leurs contes, ce qui diffère quelque peu avec les éléments connus de leur véritable parcours.
Le tournage, débuté le 30 juin 2003, s'est déroulé en République tchèque à Prague et à Ledec nad Sázavou.
La sortie du film en salles était initialement prévue en novembre 2004. Sa sortie américaine fut finalement repoussée au 26 août 2005.
Johnny Depp était originellement choisi pour le rôle de Will Grimm.

Distinctions

Le film a concouru pour le Lion d'or à la Mostra de Venise en 2005.

Références culturelles et métaphores

De nombreux éléments folkloriques sont présents dans le film évoquant la multiplicité des origines et l'universalité des contes, dont la symbolique permet de contourner la censure pour faire passer les messages les plus subversifs tels que:

Les haricots magiques, évoquant l'exploitation de la crédulité des souffrants par les apothicaires et les charlatans grâce à des pilules placebo,
Le petit chaperon rouge, la virginité volée ;
Hansel et Gretel ; l'infanticide ;
La sorcière représentant la peur destructrice des mâles face à l'expérience du sexe opposé, leur besoin de connaissances effaçant tout attrait physique aux yeux des hommes. Leur image maléfique n'étant rien d'autre que le fruit de la manipulation des hommes, ceux-ci n'hésitant pas à les démoniser pour en justifier la purification par le bûcher sous le prétexte que toute femme sans homme est forcément la putain du démon ;
Les corbeaux Hugin et Munin, messagers d'Odin ; la noirceur de la servilité face au pouvoir ;
Le cheval anthropophage hanté par des nuées d'araignées ; la rébellion des forces de la nature ;
Le loup-garou ; retour de l'homme proche de la nature à sa nature originelle, lycanthrope ;
Le crapaud hallucinogène, évoquant le besoin d'évasion via la modification de la perception ;
La disparition des soldats français dans la forêt enchantée évoque celle des légions de Varus dans la forêt de Teutobourg à l'origine de La Chanson des Nibelungen ;
L'anneau sacré est aussi utilisé pour glacer instantanément la surface d'une mare ;
La forêt en marche rappelle celle de Macbeth de Shakespeare, la force de l'auto-suggestion et la terreur générée par l'exploitation des fantasmes ;
La mise à feu de la forêt par le Général Delatombe savourant son repas devant ce spectacle qualifié par lui de romantique, rappelant l'incendie de Rome par Néron ainsi que les autodafés ;
La symbolique de la tour d'ivoire ; l'auto-enfermement volontaire du pouvoir face à ses responsabilités, alors que les populations sont décimées par mille tourments ;
La reine thuringienne rappelle le mythe6 de la sibylle de Cumes obtenant d'Apollon le privilège de vivre 1000 ans mais en oubliant de lui demander de conserver sa jeunesse ;
Elle évoque aussi l'orgueilleuse reine du conte de Blanche Neige, et à travers l'image du miroir enchantée, le pouvoir des médias, transformant les gouvernements les plus corrompus en irrésistible séductrice ;
Le combat fratricide sous le contrôle des armes elles-mêmes manipulée à distance par le pouvoir de la reine ;
Le rôle magique de la pleine lune; la subordination des lois humaines à celles de la nature, dont la connaissance transforme aux yeux du profane, la science en magie ;
Le retournement du bourreau contre ses Maîtres et de l'étendard du nationalisme contre ses instigateurs ;
L'aveuglement de la religion sous la forme d'un crucifix d'or enflammé, permettant au protagoniste de se débarrasser de son agresseur en l'empalant sur son propre étendard ;
La délivrance de tous les sortilège apportée par un simple baiser et à travers lui le rôle libérateur de la sexualité, expliquant la répression et le contrôle dont elle fait l'objet, l'oppression à l'égard des minorités sexuelles et la condamnation des comportements libertins ;
La reine enfermée dans la Tour sans entrée et aux cheveux immensément longs rappelle le conte Raiponce, écrit par les Frères Grimm ;
L'empilement de plusieurs matelas sur lesquels repose la reine fait référence au conte La princesse au petit pois, de Hans Christian Andersen ;
L'Ondine de l'étang par référence aux nymphes, et autres créatures mythologiques.
Terry Gilliam dénonce dans ce film le rôle de la terreur comme outil de pouvoir et d'enrichissement, à travers tout l'éventail des manipulations; trucages, mensonges, séduction, corruption, chantage, torture, exécution, falsification, séparation hermétique entre le pouvoir et ses esclaves, exploitation de la crédulité, des superstitions, des peurs irraisonnées, détournement des croyances ancestrales. Il nous offre aussi l'illustration que l'instruction est seul remède efficace contre celles-ci.

Citations

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« Chacun de nous a bien droit à un 10e ? Or nous sommes 2 et comme 2 fois 10 = 20, on veut un 20e (chacun) ! »
« Il faut embrasser un Français et il se transforme en prince »
« Mesdames, la musique commence à devenir horriblement française, voulez-vous continuer notre conversation au premier ? »
« Il est costaud ce p'tit gars ! — Ce gars, comme vous dites, c'est ma petite fille ! — … Et il fera une bonne épouse qui fera le bonheur de son mari ! »
« Quel merveilleux conte pour enfant cela fera… ne savais-tu pas Jacob que la vérité est bien plus terrible que la fiction ? »
« Nous sommes apatrides, des ennemis d'État et notre nom est notre seul richesse… Oui mais c'est un sacré nom »
« Vous avez tué mes amis ! — J'eusse aimé que vous en eussiez plus ! »
« Je ne voulais qu'un peu d'ordre, c'est tout… une part de quiche serait bienvenue.


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#236 Paul-Louis Courier
Loriane Posté le : 04/01/2015 21:46
Le 4 janvier 1772, à Paris naît Paul-Louis Courier

ou plus exactement Paul-Louis Courier de Méré, pamphlétaire français, mort assassiné près de Véretz Indre-et-Loire, le 10 avril 1825. Il appartient au mouvement libéralisme et ses Œuvres principales sont : Pétition pour des villageois que l'on empêche de danser en 1822, Lettres de France et d'Italie en 1822, Pamphlet des pamphlets en 1824

En bref

Militaire par profession, mais érudit et helléniste par goût, il marqua son opposition à la Restauration par de violents pamphlets (Simple Discours, 1821 ; Pétition pour des villageois que l'on empêche de danser, 1822 ; Pamphlet des pamphlets, 1824). Assassiné en forêt de Larçay, il a laissé ses séduisantes Lettres écrites de France et d'Italie.
« Paul-Louis Courier, vigneron de la Chavonnière, bûcheron de la forêt de Larçay, laboureur de la Filonnière, de la Houssière et autres lieux » : peu d'écrivains français joignirent meilleure plume à pire caractère.
Ni les mathématiques, ni surtout l'école d'artillerie, où Courier fut admis en 1791 à dix-neuf ans, n'exigeaient qu'il désertât un peu, refusât de rejoindre son corps et que, chef d'escadron, il écrivît au général Dedon : « Je saurai rendre la lâcheté de votre conduite aussi publique enfin qu'elle est constante. » Si le grec, où il excellait, pouvait l'inciter à brider son cheval, quand il occupait Naples, ainsi que le conseille Xénophon, l'usage de cette langue lui imposait-il de répliquer d'aussi hargneuse façon au bibliothécaire dont il avait, d'une tache d'encre, souillé un manuscrit, celui de Daphnis et Chloé ? Et l'on voit mal pourquoi l'habile traducteur de ces amours puériles devait se comporter en pillard paillard, et l'artilleur en hussard, pressant ainsi quelque dame hésitante : « Cela ne vous fait ni chaud ni froid [...] belle raison pour dire non ! »
De grognard sous Napoléon passé grognon sous Louis XVIII, étonnez-vous si « le plus petit des grands propriétaires » – toujours âpre à se faire payer, jusqu'au « tapage » et aux « assignations » inclusivement – supporta mal que la lettre de la Charte, à laquelle il s'était rallié, en trahît constamment l'esprit. Parce qu'il n'était d'aucun parti, sinon de celui des orléanistes, parce qu'il se piquait de n'être « compère de personne », il connut les arrêts de rigueur en Italie, fut détenu sous Napoléon, par mégarde, à cause du complot de Mallet ; durant la Restauration, ce furent des procès, l'amende, la prison. De 1816 à sa mort, les maires, les préfets, les gendarmes, les procureurs du roi, les ministres même l'honoraient de constantes tracasseries. La liberté se paie. En vérité, il était allé assez loin les chercher : « Je fis seize pages d'un style à peu près comme je vous parle et je fus pamphlétaire insigne. » Le bon apôtre ! Pamphlétaire en effet ; et pamphlétaire insigne !

Origine

Né clandestinement et sous un nom d'emprunt le samedi 4 janvier 1772, rue du Mail, à Paris, Paul-Louis Courier est le fils de Jean-Paul Courier, un riche bourgeois, érudit et familier du droit, propriétaire du fief de Méré (Touraine), et Louise-Élisabeth de Montdeville. Ses parents se marient le 11 février 1777 puis obtiennent, le 2 décembre suivant, un acte de réformation de son acte de baptême pour le légitimer. En 1764, Jean-Paul Courier avait été victime du duc d'Olonne, seigneur prodigue et ruiné de la famille des Montmorency-Luxembourg, dont il était le lieutenant des chasses, le créancier et l'amant de sa femme ; celui-ci avait tenté de la faire assassiner. Il s'installe en Touraine, d'abord dans la vallée de l'Indre, où Balzac situera Le Lys dans la vallée, puis à Cinq-Mars la Pile, près de Langeais. En 1784, le ménage Courier quitte la Touraine avec Paul-Louis pour Paris, afin que celui-ci y entreprenne des études propres à lui ouvrir la carrière des armes.
Paul-Louis est attiré très tôt par la littérature grecque. Son père l'incite à entrer dans l'étude des mathématiques, qu'il apprend à partir de l'âge de quinze ans auprès de Jean-François Callet et de Jean-Baptiste Labey, professeur à l'École militaire de Paris, mais son fils ne peut se soustraire à la séduction opérée sur lui par les écrivains antiques ; les livres grecs ne le quittaient point. S'étant donc livré par goût à l'étude de la langue grecque, il suivit les leçons de Vauvilliers, ami de son père, helléniste réputé et professeur du Collège royal, place de la Sorbonne, à quelques minutes de chez ses parents, de pair avec celle des mathématiques.

La Révolution française

Le 1er septembre 1792, Courier est admis sur concours en qualité d'élève sous-lieutenant à l’École de l'artillerie de Châlons-sur-Marne, aujourd'hui Châlons-en-Champagne ; le cours y est interrompu jusqu'en octobre, devant l'avancée de l'armée prussienne, et les élèves sont employés à la garde des portes de la ville, où ont été placées quelques pièces de canon. Élève peu appliqué, peu habitué à la discipline de l'école, il en sort avec le grade de lieutenant le 1er juin de l'année suivante. La défection des chefs militaires d'origine aristocratique aurait pu favoriser sa carrière. Après être allé embrasser ses parents, il rejoint sa compagnie, en garnison à Thionville.
Mais Paul-Louis Courier déteste la guerre et plus encore ceux qui la conduisent. De plus, il n'a pas ce feu républicain que les commissaires du gouvernement récompensent avec tant de libéralités. Il passe son temps libre à lire dans les abbayes et les bibliothèques : « J’aime à relire les livres que j’ai déjà lus et par là, j’acquiers une érudition moins étendue, mais plus solide » écrit-il à sa mère6.
Au printemps 1794, il quitte Thionville pour l'Armée de la Moselle, qu'il joint au camp de Blieskastel. Après l'occupation de Trèves 9 août, il sert au grand parc de l'armée et il est chargé d'organiser un atelier pour la réparation des armes, installé dans un monastère désaffecté. Dès décembre 1794, il prend part au blocus de Mayence. Plus tard, il écrira : « J'y pensai geler et jamais je ne fus si près de la cristallisation ». Il quitte Mayence à la fin de l'hiver avec l'autorisation d'un commissaire de la République en mission et rentre en France. On évoque à tort la mort de son père comme raison de son départ ; sa piété filiale l’aurait fait voler auprès de sa mère malade et désespérée. En réalité, son père était toujours vivant et il avait reçu l'assurance du commissaire d'obtenir une nouvelle nomination : il fut affecté à Albi, où il arriva à l'automne 1795 pour présider à la réception des boulets fournis à l'État par les forges du Tarn et de l'Ariège.

L'Italie

En août 1798, il est nommé au quartier général de Rennes comme chef de l'état-major de l'artillerie de l'aile gauche de l'armée d'Angleterre. Il visite la côte qui doit être fortifiée, et commence à apprendre la langue de Shakespeare. En novembre, il est nommé à l'armée d'Italie commandée par Championnet. Il arrive à Rome en janvier 1799. En février, il fait sommation aux habitants enfermés dans la citadelle de Civitavecchia de se rendre. La chance lui évitera d'être tué, contrairement à l'ordonnance qui l'accompagne.
Il y courut un risque plus grand encore en septembre, lorsqu'à leur tour les Français abandonnent la cité papale7. Rapatrié avec ses compagnons d'arme à Marseille puis Paris, il arrive dans la capitale presque mourant à la fin d'octobre. Il passe sa longue convalescence à la direction de l'artillerie à Paris. Il est ensuite présenté à tous les hellénistes de la capitale comme leur égal. Le 27 novembre 1801, il arrive à Strasbourg, au 7e régiment d'artillerie à pied.
Il entretient une correspondance active avec les hellénistes parisiens D'Ansse de Villoison, Clavier et d'autres savants français et allemands. Pendant ce temps, ses anciens camarades de l'École de Châlons, Duroc et Marmont veillent sur son avancement.
Le 29 octobre 1803, il est nommé chef d'escadron dans le 1er régiment d'artillerie à cheval. A la mi-mars 1804, il arrive en Italie, à Plaisance. Le 14 juin, il reçoit la Légion d'honneur. Le 12 octobre, le voilà nommé chef d'état-major de l'artillerie de l'armée de Naples. Il frôle la mort à plusieurs reprises, car les Calabrais insurgés mènent une guérilla impitoyable aux Français. Il écrit à M. de Sainte-Croix, brillant helléniste : « Pour m'en tirer, il a fallu plusieurs miracles... Une fois, pour éviter pareille rencontre, je montai sur une barque, et ayant forcé le patron de partir par le mauvais temps, je fus emporté en pleine mer. Nos manœuvres furent belles. Nous fîmes des oraisons, nous promîmes des messes à la Vierge et à saint Janvier, tant qu'enfin, me voilà encore. »
Le 23 novembre 1805, il charge à la tête de sa brigade le corps autrichien à la bataille de Castel Franco, commandée par le général Gouvion Saint-Cyr. Fait notable, il n'a ni éperons ni étriers, sous le prétexte que les Grecs de l'antiquité n'en avaient pas. Le 31 décembre 1805, il est envoyé au corps d'armée du général Reynier, à Naples. Le 9 mars 1806, il est cité sur le champ de bataille après la victoire remportée sur les insurgés calabrais.
Révulsé par l'esprit d'arrivisme des autres officiers, il côtoie encore la mort plusieurs fois, assiste aux horreurs de la guerre, pillages, massacres, viols… Il en ressort écœuré et ne s'intéresse plus guère qu'aux Grecs. Il traduit notamment Xénophon et ses traités sur la cavalerie. Puis de Naples il court à Rome, qu'il quitte pour Florence, Brescia et Milan, explorant les bibliothèques et devisant avec les érudits, sans souci des devoirs de sa charge d'officier, et négligeant qu'il a ordre de rejoindre sans retard l'Armée d'Italie.
Aussi, arrivé à Vérone, sa destination, en février 1808, est-il mis aux arrêts sans appointements. Appelé le 4 mars suivant à Livourne, en qualité de sous-chef d'état-major d'artillerie, las de demander inutilement un congé, il se résout à envoyer sa démission au ministre de la guerre le 25 février 1809. Celle-ci est acceptée le 10 mars 1809. À peine de retour à Paris, il sollicite sa réintégration, et heureux de l'avoir obtenue provisoirement, il part en toute hâte, oublie d'acheter un cheval, et assiste à pied à la bataille de Wagram.
Il quitte définitivement l'armée, passe en Suisse puis regagne l'Italie.
Il découvre dans la Bibliothèque Laurentienne de Florence un exemplaire complet du roman de Longus, Daphnis et Chloé, roman jusque-là traduit avec une lacune prétendument « érotique ». Il en donne une nouvelle édition calquée sur la traduction de l'évêque Jacques Amyot, en 1810. Il s'attire de sérieux ennuis, accusé par les bibliothécaires d'avoir maculé d'encre la page comportant la lacune. Il encourt une non moins méchante affaire, en faisant, sans autorisation du préfet, imprimer à Rome une lettre adressée à M. Renouard, son libraire, dans laquelle il lui racontait des circonstances de sa querelle avec le bibliothécaire de Florence, il signor Del Furia, qui l'avait accusé d'avoir sciemment taché le manuscrit de Longus. Aussi a-t-il deux ministres à ses trousses ; mais l'empereur pour lequel il n'a nulle admiration, sur ce qu'on lui dit d'un officier retiré à Rome, qui faisait du grec, ordonna qu'on le laissât tranquille.
Enfin, le ministre de la guerre, le général Clarke, le fait rechercher pour s'enquérir de ce qu'il est devenu après Wagram. Il réussit à convaincre le général Gassendi, directeur général de l'artillerie, qu'il avait pensé que sa réintégration dans l'armée n'avait pas été officielle.

Le retour à Paris

Il est de retour à Paris au début de juillet 1812. Il renoue avec Étienne Clavier, trouve Herminie, l’aînée de ses deux filles, fort jolie et, le 12 mai 1814, l’épouse à la mairie de l’ancien 7e arrondissement. Ayant conservé une propriété en Touraine, à Luynes, il achète une immense forêt au sud du Cher en décembre 1815.
L'année suivante, il adresse aux deux assemblées de parlementaires à Paris une pétition : la Pétition aux deux chambres. Dans ce premier pamphlet politique, il proteste contre des arrestations arbitraires survenues en début d'année à Luynes. Pendant deux ou trois ans, il se demande s'il va s'installer à Paris ou en Touraine avec son épouse. Finalement, le couple opte pour la Touraine et achète en avril 1818 une ferme à Véretz : la Chavonnière.

Politique

Après cette installation, il entre dans l'opposition à la Restauration de manière de plus en plus affirmée. Jugé par Stendhal comme « l'homme le plus intelligent de France », le plus vif intérêt s'attacha à Courier dès qu'il parut. Le refus de sa candidature à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, en 1819, lui donne l'occasion d'écrire son premier pamphlet, Lettre à Messieurs de l'Académie. Son talent dans le persiflage le rend célèbre, mais lui coûte deux mois de prison, où il se rend de sa volonté, fin 1821. Là, il reçoit la visite de Béranger; Stendhal lui fait remettre une copie dédicacée de son Histoire de la peinture en Italie.
Il n'est absolument pas bonapartiste ; ses pamphlets Conversation chez Mme d'Albany et Conseils à un colonel donnent une idée de son point de vue sur Bonaparte et la discipline militaire en général. Pas de discipline, pas de gloire. C'est après la chute de l'Empire qu'il commence la publication de ses autres pamphlets. Trop individualiste pour appartenir à un parti, son opposition ne concerne que lui mais, dans cette période d'oppression étouffante, il est tout de suite remarqué. À la différence des libéraux, Courier fait preuve d'un intérêt permanent pour la question sociale. La misère le scandalise et il estime que le travail, surtout celui de la terre, la terre devenue propriété de celui qui en vit, est un accès à la dignité humaine. Pour lui, le partage de la terre est un puissant moteur économique. Il est sensible aux idées des physiocrates, mais n'est jamais indifférent au sort des hommes que broient les contraintes économiques. Cependant, il n'a pas senti monter la question ouvrière, qui commencera à se poser sous la monarchie de Juillet, engendrant d’importants conflits sociaux.
II se distingue à la fois comme helléniste et comme écrivain politique. On lui doit en outre le traité de Xénophon Sur la Cavalerie, 1813 et quelques autres travaux d'érudition. Mais son domaine d'excellence, c'est le pamphlet, cette petite pièce de guerre qui, sans crier gare, vous éclate à la figure et produit d'irréparables dégâts. Dès son intégration dans l'armée, il se méfie de tous les systèmes d'idée et se montre jaloux de ce qu'il place au-dessus de tout : la liberté d'esprit.
Libéral et anticlérical il s'oppose de plus en plus violemment aux nouveaux seigneurs qui, dit-il, frappent sans pitié et terrorisent le pays. Pour le Dictionnaire Bouillet écrit au xixe siècle, il excelle comme écrivain politique dans le pamphlet et combat avec l'arme du ridicule, dans le style le plus caustique, les mesures rétrogrades de la Restauration ; il se cache quelquefois sous le nom de Paul Louis, vigneron. Il s'en prend à la tentative cléricale de nouvel assujettissement des consciences. Il sait combien il s'expose et le dit clairement dans le Livret de Paul-Louis, vigneron: « Ce matin, me promenant dans le Palais Royal, M...ll...rd passe, et me dit : Prends garde, Paul-Louis, prends garde; les cagots te feront assassiner… »

Bon écrivain

« Peu de matière et beaucoup d'art », écrivit Sainte-Beuve, et fort mal, à son ordinaire, comme si La Gazette du village de Véretz (Indre-et-Loire) ne composait pas du même coup celle de tous les villages de France, celle de toute la France ; comme si la Pétition aux deux Chambres, comme si le Simple Discours n'instruisaient pas le procès de la Restauration, du parti prêtre, du milliard pour les émigrés ; comme si la lettre du 6 février 1823 sur le double crime sexuel du curé Mingrat ne posait pas déjà, une fois de plus, la question aujourd'hui encore débattue : le célibat des prêtres ; comme si la Pièce diplomatique ne condamnait pas la guerre d'Espagne, l'hypocrisie du droit divin et la « collaboration », dirions-nous, entre nobles et prêtres d'une part, de l'autre la Sainte-Alliance ; comme si les lettres d'Italie ne cachaient pas sous leur cynisme un désaveu de l'occupation française, et ne définissaient pas, en plusieurs endroits excellents, la théorie de la guérilla, de la guerre subversive, en des termes que ni Mao, ni Che Guevara, ni Giap ne désavoueraient. Comme si, bien avant Hegel, Paul-Louis n'avait pas formulé cette dialectique dont on nous rebat les oreilles, celle du maître-esclave : « Il n'est tyran qui n'obéisse, dit Courier, ni maître qui ne soit esclave. » Comme si, enfin, le Pamphlet des pamphlets n'appartenait pas de plein droit à tout homme qui se veut libre.
Avouez plutôt que, sous la simplicité que vous souhaitez attique d'une langue savante, rehaussée de vers et d'hémistiches blancs, mais ascétiquement épurée d'images (« Jésus mon sauveur, sauvez-nous de la métaphore ! »), vous ne savez discerner l'audacieux écrivain qui traite de toutes les plus graves questions qui se posaient alors aux Français. Écrivain alors si réputé qu'un homme aussi lancé que Victor Cousin ne dédaignait pas de dîner avec lui le vendredi. Écrivain si admiré qu'en 1830 un M. de Susini imaginait Paul-Louis Courier écrivant à M. Cottu, le ministre, « de l'autre monde, et en vers, et en trente-deux pages » – comme disait un chroniqueur qui pourrait bien être Balzac ; lequel chroniqueur concluait : « C'est un service rendu à la bonne littérature. » Plus près de nous, Thibaudet corrige Sainte-Beuve, et voit en Paul-Louis, avec Stendhal, un représentant de la « littérature vraie de la Révolution réelle », un bouilleur de cru qui serait écrivain « de gauche ». Certes, on peut s'amuser à définir ce style en y dosant la Grèce, Amyot et Montaigne : « de l'Amyot plus court, plus bref et plus aiguisé [...], du Montaigne moins éclatant et plus assoupli ». Et si c'était simplement du Courier, un style entre tous qui tranche : par sa perfection.
Celui qui, le premier, mit à sa juste place le républicain athée, ce fut pourtant un champion du trône et de l'autel : ce même Balzac qui célébra en Stendhal, autre homme « de gauche », le romancier de La Chartreuse. Lorsque parut en 1830 la fameuse édition de Courier, préfacée par le républicain Armand Carrel, Balzac y alla d'une page trop peu connue : « Les délicieux pamphlets de Courier, lus après les circonstances qui les ont suscités et qui les ont fait comprendre, ressemblent à des carcasses de feux d'artifice. Cette portion des œuvres de cet homme remarquable ne saurait être populaire : il y a quelque chose de trop élevé dans ce style concis, trop de nerf dans cette pensée rabelaisienne, trop d'ironie dans le fond et la forme, pour que Courier plaise à beaucoup d'esprits. Il a fait la Satire Ménippée de notre époque [...]. C'est un malheur pour la France que Courier n'ait pas eu le temps de faire une œuvre complète qui eût éternisé son nom [...]. Les Œuvres de Courier ne se réimprimeront pas, mais elles seront achetées par tous les hommes de goût et d'érudition. » En quoi Balzac, par bonheur, se méprenait : dès 1826, on publiait à Bruxelles une Collection complète des pamphlets politiques et opuscules littéraires de Paul-Louis Courier, collection en fait incomplète, qu'on enrichit deux ans plus tard, à Bruxelles encore, en quatre volumes in-8o. À partir de la monarchie de Juillet, de nombreuses éditions parurent à Paris, dont l'une servit de matrice aux Œuvres complètes publiées par Maurice Allem en 1951. Le 30 novembre 1972, la Société des gens de lettres célébrait le bicentenaire de la naissance du vigneron libertaire. Six ans plus tôt, la revue Europe lui avait décerné un numéro spécial, en septembre.
À Viollet-le-Duc qui tentait de lui faire abandonner le pamphlet, Courier avait dit un jour, en feignant d'acquiescer : « J'envoie au diable les ultras et les jacobins, la droite, la gauche et le centre, [...] la vérité n'est bonne à rien. » Mais si : à faire vivre « éternellement » (entendons-nous : aussi longtemps qu'on lira le français) l'œuvre de ce mauvais coucheur.

Mari trompé

« Prends garde, Paul-Louis, les cagots te feront assassiner. » C'est, on l'espère, la fin qu'il se souhaitait : la seule digne de son œuvre. Il en obtint une autre, plus conforme à sa vie. Celui qui, devant un époux qui n'entendait point cette langue, contait en italien à quelque dame comment il l'avait manquée à Vérone (l'importun mari s'étant avisé d'arriver un quart d'heure trop tôt) ; celui qui avait en Italie cocufié tant d'époux fut, dans son village, prodigieusement trompé par sa femme, l'une des filles de l'helléniste Clavier. Elle avait vingt-trois ans de moins que lui, et lui préféra deux domestiques dont l'un, garde-chasse, en la délivrant du vigneron de la Chavonnière, priva la France d'un grand homme. Ce coup de feu retentit en forêt de Larçay, Indre-et-Loire, au printemps de 1825. Le roi respira.

L'assassinat

Ses écrits lui vaudront de nombreux procès, des amendes et une peine de prison. Quand on retrouve son corps sans vie, percé de plusieurs balles, dans son bois de Larçay, dans les environs de Véretz, une stèle commémorative marque le lieu du méfait, en Indre-et-Loire, le 10 avril 1825, son garde-chasse, Louis Frémont, est soupçonné du meurtre et mis en jugement, mais acquitté à l'unanimité le 3 septembre 1825. Courier est inhumé à Véretz le 12 avril. Pendant cinq ans, le mystère demeurant sur sa mort, celle-ci est attribuée à des motifs politiques.
Toutefois, en décembre 1829, l'affaire prend un tour nouveau quand Sylvine Grivault, une jeune bergère un peu simplette mais de grand cœur, révéla avoir été témoin cachée du crime : elle dénonça un complot et un guet-apens de domestiques de la Chavonnière congédiés le valet Pierre Dubois le 18 juillet 1824 ou craignant de l'être à leur tour après que Courier eut vendu ou affermé ses propriétés : Frémont, garde-chasse porté sur la boisson, l'auteur principal du crime, Symphorien Dubois mort en 1827, frère de Pierre, François Arrault, Martin Boutet et un homme inconnu, tous auxiliaires actifs et complices. Lors du second procès, Frémont finit par avouer l'avoir tué d'un coup de fusil mais était couvert par l'acquittement de 1825, et ses complices furent acquittés à leur tour le 14 juin 1830. Frémont mourut peu après le procès.
Lors de l'instruction de ce second procès, Courier est présenté comme un maître dur au caractère difficile. Mais cette assertion est maintenant battue en brèche : avec ses proches, il était bon, tendre et doux. Dans le domaine public, il était prodigieusement agacé par le climat de flagornerie instauré par le pouvoir napoléonien, puis sacralisé par la monarchie restaurée et par l'hypocrisie sociale.

Cette mort mystérieuse a inspiré La Ferme des sept péchés un film de Jean Devaivre (1949) où Jacques Dumesnil interprète le rôle de Paul-Louis Courier. Le film fut tourné en Touraine, et quelques scènes à Véretz même.

Citations

Laissez le gouvernement percevoir des impôts et répandre des grâces ; mais, pour Dieu, ne l'engagez point à se mêler de nos affaires. Souffrez, s'il ne peut nous oublier, qu'il pense à nous le moins possible. Ses intentions à notre égard sont sans doute les meilleures du monde, ses vues toujours parfaitement sages, et surtout désintéressées ; mais, par une fatalité qui ne se dément jamais, tout ce qu'il encourage languit, tout ce qu'il dirige va mal, tout ce qu'il conserve périt, hors les maisons de jeu et de débauche. Lettre II au rédacteur du Censeur
De l'acétate de morphine, un grain dans une cuve se perd, n'est point senti, dans une tasse fait vomir, en une cuillerée tue, et voilà le pamphlet.Pamphlet des pamphlets
Ce manant devinait les droits de l'homme. Il fut pendu, cela devait être. Lettre au rédacteur du Censeur
Rendons aux grands ce qui leur est dû; mais tenons-nous en le plus loin que nous puissions. Discours
Les gens qui savent le grec sont cinq ou six en Europe ; ceux qui savent le français sont en bien plus petit nombre. Extrait d'une lettre à M. Renouard
Adieu mes amis ; buvez frais, mangez chaud, faites l'amour comme vous pourrez. Lettre à un collègue militaire au sujet de sa démission de l'armée

Œuvres

Grand helléniste, excellent traducteur, il est également un habile épistolier. Mais il est surtout connu comme polémiste, un polémiste qui eut le tort d'être libéral et anticlérical à l'époque du romantisme et du christianisme renaissants. Certains l'ont considéré comme un écrivain mineur. Ainsi, André Suarès lui a consacré un chapitre de ses Essais 1913 où on lit : « Partout, Paul Louis Courier sent la lampe, et la lampe qui fume. Il traduit mieux qu'il n'écrit pour son compte. Encore a-t-il des élégances vieillotes et des mines surannées. » Deux livres, publiés l'un par Jean-Pierre Lautman en 2001 et l'autre par Michel Crouzet en 2007, prennent le contrepied de ces critiques et vantent la qualité de l'écriture de Courier.

Ses œuvres principales sont :

Lettre à M. Renouard, libraire, 1810
Pétition aux deux chambres, 1816 ;
Lettres au rédacteur du Censeur, 1819-1820 ;
Lettre à Messieurs de l'Académie, 1819 ;
Lettres particulières, 1820 ;
Simple discours de Paul-Louis, vigneron de la Chavonnière, aux membres du Conseil de la commune de Véretz... pour l'acquisition de Chambord, 1821 ;
Aux âmes dévotes de la paroisse de Véretz, 1821 ;
Procès de Paul-Louis Courier, vigneron, 1821 ;
Pétition pour des villageois que l'on empêche de danser, 1822, consultable sur Google Books ;
Lettres de France et d'Italie, 1822 ;
Livret de Paul-Louis, vigneron, à Paris, 1823 ;
Gazette du village, 1823 ;
Pamphlet des pamphlets, 1824 ;
Dans la collection « nouvelle bibliothèque classique » à Paris, éditions Jouaust, Librairie des bibliophiles, E. Flammarion successeur, ont été publiées ses œuvres en trois volumes - en 1892- avec une préface peu élogieuse de Francisque Sarcey -
Armand Carrel a préfacé ses Œuvres complètes en 4 volumes in-8, 1829-1830.

La Bibliothèque de la Pléiade a publié en 1940 un volume de ses Œuvres complètes, pamphlets politiques, mémoires pour procès, pamphlets littéraires, traductions du grec, œuvres diverses, Lettres de France et d'Italie établi et annoté par Maurice Allem. Sorti « du canon que la collection avait elle-même établi », celui-ci fait partie des ouvrages « pieusement déclarés indisponibles provisoirement ou épuisés »15. Il figure parmi les plus mauvaises ventes de la collection.
La librairie Klincksieck a publié deux volumes et la librairie Nizet un troisième d'une édition de la correspondance de Paul-Louis Courier, présentée et annotée par Geneviève Viollet-Leduc. Cette édition est plus complète que celle présentée dans l'édition de la Pléiade, elle-même fondée sur l'édition Sautelet de 1828. L'ouvrage d'Alain Dejammet Vies, Fayard, 2007 se réfère continuellement à ce travail de Mme Viollet-le-Duc.

Anecdotes

L'histoire de la tache d'encre sur le roman de Longus est relatée par Gaston Leroux dans son roman La poupée sanglante

Iconographie

1882 ca - Paul-Louis Courier, statue en pierre, à l'hôtel de ville de Paris par Édouard Houssin


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#237 Gao Xingjian
Loriane Posté le : 04/01/2015 19:39
Le 4 janvier 1940 naît Gao Xingjian en chinois

: 高行健 ; pinyin : Gāo Xíngjiàn, à Ganzhou en Chine, République de Chine, Taïwan, écrivain, dramaturge, metteur en scène et peintre français d'origine chinoise qui a obtenu le Prix Nobel de littérature en 2000.Il écrit roman, poésie, essai, théâtre en mandarin et français pour le théâtre essentiellement
Dramaturge, poète, romancier, peintre, essayiste, ce créateur protéiforme a fait à Pékin des études de français d'un haut niveau, et traduit Beckett et Ionesco. Envoyé en camp de rééducation pendant la Révolution culturelle, il doit détruire ses premiers manuscrits (romans et théâtre). Il publie en 1981 son Premier Essai sur l'art du roman moderne, qui déclenche une violente polémique sur le réalisme et le modernisme. Ses pièces (le Signal d'alarme, 1982 ; l'Arrêt d'autobus, 1983 ; l'Homme sauvage, 1985) attirent à nouveau sur lui les foudres du pouvoir. Après le massacre de Tian'anmen (juin 1989), il s'installe définitivement en France avec le statut de réfugié politique. Son maître livre, la Montagne de l'âme (d'abord publié à Taïwan, 1990), constitue une œuvre unique dans le paysage littéraire chinois contemporain : le « courant de langage », dont il se veut l'inventeur, lui permet de fondre, dans cette œuvre, les récits de voyage, les bribes d'histoires, les notes au fil du pinceau, la théorie, les fables, le monologue intérieur renouvelé. Il se voit couronné par le prix Nobel de littérature en 2000.


En bref

Prosateur, traducteur, auteur dramatique, metteur en scène, critique et artiste peintre, Gao Xingjian naquit au milieu des désastres et des horreurs de l'invasion japonaise. Diplômé de français en 1962 à l'Institut des langues étrangères de Pékin, il commença à traduire en chinois ses auteurs préférés, les surréalistes, Ponge, Prévert, Michaux, Ionesco…, mais, lors de la Révolution culturelle (1966-1976), il se vit contraint de brûler une valise pleine de ses manuscrits et fut envoyé dans des camps de rééducation. Ce n'est qu'en 1979 qu'il fut autorisé à se faire publier et à voyager à l'étranger, en France et en Italie. De 1980 à 1987, il publia dans diverses revues littéraires chinoises des nouvelles, des pièces de théâtre ainsi que des essais, dont un sur les techniques du roman moderne (1981) qui fut à l'origine d'une violente polémique. Plusieurs de ses spectacles expérimentaux et innovateurs – en partie inspirés par le théâtre de Brecht, d'Artaud et de Beckett – furent montés au Théâtre populaire de Pékin : après le succès de Signal d'alarme (1982), sa nouvelle pièce, Arrêt de bus (1983) – considérée par un critique officiel du Parti comme le texte le plus pernicieux écrit depuis la création de la République populaire –, fut condamnée lors de la campagne contre « la pollution spirituelle » (les influences occidentales) ; après, l'Homme sauvage (1985), qui suscita à son tour une violente polémique, l'Autre Rive, l'année suivante, fut purement et simplement interdite. Depuis cette date, aucune des pièces de Gao Xingjian n'a été jouée en Chine.
Pour éviter les représailles, il entreprit en 1986 un périple de dix mois jusqu'aux régions boisées et montagneuses de la province de Sichuan, puis descendit le fleuve Yangzi de sa source jusqu'à la mer. De ce périple, il tirera un roman, la Montagne de l'âme, qu'il publiera en 1995 en France, où il vit en exil depuis 1988 comme réfugié politique. Après la Fuite (1992), dont l'histoire se déroule contre la toile de fond du massacre de la place Tian An Men, il a également publié en France Une canne à pêche pour mon grand-père (1997) et le Livre d'un homme seul (1999).
Comme tout grand lettré chinois pour qui ces arts sont inséparables, Gao Xingjian, qui a obtenu en 2000 le prix Nobel de littérature, pratique la peinture en même temps que la littérature.

Sa vie

Gao Xingjian grandit durant les répercussions de l'invasion japonaise en Chine orientale1. Son père est banquier et sa mère actrice amateur. C'est elle qui éveille très tôt l'intérêt de son fils pour les arts de la scène et l'écriture.
Il reçoit une formation de base dans les écoles de la République populaire et obtient un diplôme de français en 1962 à l'Institut des langues étrangères de Pékin. Il lit Nathalie Sarraute et traduit en mandarin des auteurs comme Eugène Ionesco, Jacques Prévert et Henri Michaux qui font découvrir les thèmes et l'esthétique de la littérature occidentale contemporaine à ses compatriotes : des flux de conscience à l'absurde.
Lors de la Révolution culturelle, il est envoyé durant six ans en camp de rééducation à la campagne et se voit forcé de brûler une valise dans laquelle il avait dissimulé plusieurs manuscrits. Il n'est autorisé à partir à l'étranger qu'après la mort de Mao, en 1979. Il se rend alors en France et en Italie. Entre 1980 et 1987, il publie des nouvelles, des essais et des pièces de théâtre mais son avant-gardisme et sa liberté de pensée lui attirent les foudres du Parti communiste chinois. Ses théories littéraires, exposées dans Premier essai sur l'art du roman (1981) vont délibérément à l'encontre des dogmes d'État et du réalisme révolutionnaire prôné par le régime. Plusieurs de ses spectacles, expérimentaux et influencés par Bertolt Brecht, Antonin Artaud et Samuel Beckett sont montés au Théâtre populaire de Pékin et trouvent un large écho auprès du public (comme Signal d'alarme en 1982). La pièce absurde à grand succès Arrêt de bus (1983), virulente satire de la société pékinoise, est condamnée lors de la campagne contre la pollution spirituelle. Le caractère subversif de ses œuvres le confronte inéluctablement à la censure.
En 1985, L'Homme sauvage fait l'objet d'une grande polémique et suscite l'intérêt de l'opinion internationale. En 1986, L'Autre Rive est interdit de représentation. Pour éviter les représailles, il entreprend un périple de près d'un an dans la province du Sichuan et descend le cours du Yang Tsé Kiang jusqu'à la mer. En 1987, il est contraint à l'exil et est depuis déclaré persona non grata sur le territoire chinois. Il vit en France depuis 1988, où il a obtenu l'asile politique. En 1989, il quitte définitivement le Parti communiste chinois après la répression du mouvement étudiant par les chars sur la Place Tian'anmen1. En 1998, il obtient la nationalité française.
Il est fait chevalier des Arts et des Lettres en 1992.

Son œuvre littéraire

Il obtient le prix Nobel de littérature en 2000 pour « une œuvre de portée universelle, marquée d’une amère prise de conscience et d’une ingéniosité langagière, qui a ouvert des voies nouvelles à l’art du roman et du théâtre chinois. ». Lors de l'annonce du prix, l'information n'est pas relayée dans les médias chinois. Durant la réception du Nobel, Gao fait l'éloge de la liberté fondamentale de l'écrivain face au pouvoir, faisant en cela écho à la place de l'individu dans ses travaux, mise au-dessus de toutes les doctrines sur le groupe social6. Son discours déplaît aux instances officielles de la République populaire qui continuent à censurer l'information de sa victoire et invoquent une décision politique de la part de l'Académie suédoise. Plus tard, les autorités de Pékin associent l'auteur à la littérature française8. Le roman le plus célèbre de Gao est La Montagne de l'âme, odyssée dans la campagne du sud-ouest chinois mettant en scène un tissu d'histoires avec plusieurs personnages qui sont en fait les miroirs l'un de l'autre et les différentes facettes d'un même moi. Cette grande fresque romanesque prend pour point de départ le voyage, dans la Chine reculée, d'un narrateur-écrivain (Toi), rééduqué sous Mao. Sur des sentiers périlleux, situés entre le Tibet et les gorges du Yang Tsé Kiang, il fuit la ville, abandonne une civilisation corrompue et tente d'accéder à un pays inaccessible : la montagne de l'âme du titre où tout est resté à l'état originel. Sur les chemins de poussière, il circonscrit, par écrit ou par dessin, tous les détails de son errance, entre rencontres insolites, légendes, rêveries, questionnement métaphysique et témoignage. Cette quête humaine sur les racines, la paix intérieure et la liberté, s'élargit sur des perspectives plus vastes et déstabilise constamment le lecteur par le biais d'un jeu vertigineux sur les pronoms personnels nominalisés, Toi, Moi... Ce récit d'un temps pour soi, d'une introspection, conciliant l'art narratif des contes chinois et les recherches formelles du roman occidental, va délibérément à rebours des exigences politiques et artistiques du Parti communiste chinois. Son autre grand récit : Le Livre d'un homme seul est d'inspiration autobiographique. L'auteur y règle ses comptes avec la folie terrifiante d'une nation aveuglée par l'entreprise d'un despote dont il fut la victime lors de la Révolution culturelle.

Même s'il n'avait pas obtenu en 2000 le prix Nobel de littérature « pour une œuvre marquée d'une amère prise de conscience et d'une ingéniosité langagière qui a ouvert des voies nouvelles à l'art du roman et du théâtre chinois », Gao Xingjian occuperait une place importante dans l'histoire de la littérature chinoise moderne. Né en 1940 à Ganzhou (Chine), diplômé de la section de français de l'Institut des langues étrangères de Pékin, d'abord interprète et traducteur du français, il commence par écrire de nombreuses pièces de théâtre, dont certaines ont pu être jouées au Théâtre artistique de Pékin. C'est notamment le cas de L'Arrêt de bus qui constitue une belle satire de la société pékinoise contemporaine, ou encore du Signal d'alarme, qui met en scène, de façon astucieuse et drôle, une fille et des loubards dans un train. Mais la censure n'a pas longtemps toléré de telles impertinences. Installé en France dès 1988, Gao Xingjian n'a pas connu la tragédie de Tiananmen, mais il en a rendu l'esprit dans sa pièce La Fuite, dans laquelle un couple se cache au lendemain du massacre. En français, on lui doit également des pièces telles qu’Au bord de la vie, Le Somnambule ou Ballade nocturne.
Influencé par Beckett, Adamov, Ionesco et Nathalie Sarraute, le théâtre de Gao Xingjian qu'on représente un peu partout dans le monde, aussi bien aux États-Unis qu'en Australie ou à Hong Kong, aurait suffi à asseoir la notoriété de son auteur. Mais ce dernier, au cours de ses années françaises, a cru nécessaire de faire le bilan de son expérience. Deux romans viennent ainsi compléter l'œuvre antérieure. Le premier est le plus réussi. La Montagne de l'âme est un livre admirable. Aventure intérieure, voyage initiatique, remontée vers la lumière, ce parcours à travers les montagnes sacrées du Sichuan est composé de courtes scènes, ponctuées par l'emploi alterné du je/tu/il. Le second roman, consacré à ses amours et à la révolution culturelle, est intitulé Le Livre ou la Bible d'un homme seul. Largement autobiographique, il relate, après son enfance, les « dix années noires », telles que Gao les a vécues.
Naturalisé français en 1998, Gao Xingjian est aussi un peintre réputé, dont les encres, très expressives, sont souvent exposées. Son discours à Stockholm mérite également d'être mentionné. En contrepoint à ses réflexions sur la condition de l'écrivain (sur laquelle il reviendra dans Le Témoignage de la littérature, 2004 et dans De la création, il y dénonce avec une liberté rare les exactions commises par le régime communiste à l'égard de ses confrères, et constate que la situation actuelle est pire que sous l'Empire. Les autorités chinoises, de leur côté, ont feint d'ignorer la récompense suédoise. À Stockholm, l'ambassadeur de Chine populaire aurait néanmoins félicité son collègue français pour l'œuvre de ce prix Nobel, « écrite en chinois par un Français ».

Gao est également l'auteur de nouvelles, de poèmes et d'un opéra : La Neige en août. Quelques-unes de ses pièces de théâtre ont été écrites directement en français (publiées aux Éditions Lansman). Antinaturaliste, son théâtre s'axe sur le principe de distanciation brechtienne et trouve autant son mode d'expression dans l'avant-garde occidentale que dans la représentation chinoise ancestrale à l'instar du jeu de masques, ombres, danse-chant et tambours. Ses spectacles déconstruisent la perception d'un espace-temps logique et développent un langage verbal et chorégraphique burlesque et grotesque. Ses pièces expriment, dans une ambiance fiévreuse, les fantasmes et les obsessions contemporaines.

Œuvre graphique

En plus de son activité littéraire, Gao Xingjian est peintre. Ses premiers tableaux expriment obstinément une pénétrante menace rendue par les masses sombres, mais ils affirment la victoire ultime de la clarté, comme une thérapie pour en finir avec la Chine traumatique de l'enfance.
Il abandonne l'huile après 1978 pour se consacrer à l'encre : « Ma première visite à des musées européens, en 1978, a bouleversé mon rapport à l'art. Jamais je n'avais admiré de chefs-d'œuvre à l'huile en original. Quelle luminosité, quelle intensité, quelle onctuosité ! Ma propre palette m'a paru terne, opaque. L'histoire dont j'étais porteur ne pouvait me permettre de créer, de progresser avec les armes occidentales : j'ai abandonné l'huile pour l'encre. Depuis je m'attache à enrichir la pratique du monochrome noir, maîtrisé dès le viiie siècle par Wang Wei de façon si inventive que ses éternels zélateurs, aujourd'hui encore, l'imitent sans innover. »
Gao utilise des matériaux chinois traditionnels (papier de riz, pinceau en poil de chèvre) et module son encre noire en centaine de nuances. Cependant, il utilise aussi des techniques occidentales pour ses drapés, glacis translucides et effets de profondeur.
Réalisés à l’encre de Chine, ses tableaux, de toutes dimensions, conjuguent abstraction, figuration et panthéisme. Ses mystérieux et insolites paysages entraînent celui qui les regarde dans un voyage vers les abysses de l'âme. Ses toiles portent des noms évocateurs (Recueillement, Oubli, Surprise etc.) et ouvrent différentes propositions esthétiques : contours d’une nature saisie comme dans un clair-obscur, silhouette d’une femme drapée comme une « Vierge préhistorique » cheminant dans un paysage de rocaille, homme au corps lourd dont la tête fine se tend vers un soleil couchant (évoquant le thème de la contemplation romantique, présent chez Caspar Friedrich).
Quelques-unes de ses œuvres sont reproduites en couverture de certains de ses livres.
En 2009, il signe Entre le ciel et l'eau, une création pour la revue d'art N° XIX.

Œuvres

Pièces de théâtre

Signal d’Alarme, 1982
Arrêt d’autobus, 1983
L’homme Sauvage, 1985
L'Autre rive, 1986
La Fuite, 1992 - retraduction. et rééd. 2013
Dialoguer interloquer, 1992
Au bord de la vie, 1993 écrite en français
Le Somnambule, 1995 écrite en français
Quatre quatuors pour un week-end, 1999 écrite en français

Théâtre I, 2000

Le Quêteur de la mort, 2003 écrite en français
Ballade nocturne, 2010 écrite en français
Chroniques du classique des mers et des monts, 2012 écrite en français

Opéra

La Neige en août, 2002, musique de Xu ShuYa, créé à Taipei et à l'Opéra de Marseille sous la direction du chef d'orchestre Marc Trautmann

Romans et nouvelles

Hanye de xingchen (Étoiles dans la nuit glacée) (roman), 1979, non traduit
You zhi hezi jiao Hongchun (Une colombe appelée Lèvres Rouges) (roman), 1981, non traduit
Une canne à pêche pour mon grand-père (nouvelles), 1989, traduction française : 1997
La Montagne de l'âme (roman), 1990, traduction française : 1995
Le Livre d'un homme seul (roman), 1999, traduction française : 2000
L'Ami (nouvelle), 1981, traduction française : 2012 (dans le recueil La Montagne de l'âme. Une canne à pêche pour mon grand-père. Le Livre d'un homme seul. L'Ami. Vingt-cinq ans après. aux éditions du Seuil)
Vingt-cinq ans après (nouvelle), 1982, traduction française : 2012

Essais

Premier essai sur l'art du roman moderne, 1981
In Search of a Modern Form of Dramatic Representation, 1987.
Au plus près du réel (Dialogues avec Denis Bourgeois), 1998
La Raison d'être de la littérature (discours prononcé devant l'académie suédoise le 7 décembre 2000), 2000
Pour une autre esthétique, 2001
La Raison d'être de la littérature suivi de Au plus près du réel - Dialogues avec Denis Bourgeois, 2001
Le Témoignage de la littérature, 2004 écrit en français
De la Création, 2013

Poésie

L'Errance de l'oiseau, 2003 écrit en français

Films

La Silhouette sinon l'ombre, 2003
Après le déluge, 2008

Biographie

Fiona Sze-Lorrain, Sur le toit du monde : l'esthétique théâtrale de Gao Xingjian (sous la direction de Denis Guénoun), 2011


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"L'écrivain est seul au monde "


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L'écroulement"


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Ciel et terre, œuvre de Gao Xingjian (2008)


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#238 Pierre Bayle
Loriane Posté le : 27/12/2014 19:38
Le 28 décembre 1706, à 59 ans, à Rotterdam, meurt Pierre Bayle
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né au Carla-le-Comte aujourd'hui Carla-Bayle, près de Pamiers en Pays de Foix en Ariège le 18 novembre 1647, philosophe et écrivain français. Protestant installé à Genève, puis à Sedan, il gagna Rotterdam, où il enseigna l'histoire et la philosophie. En réponse à Bossuet, il affirma dans sa Lettre sur la comète 1682, remaniée et publiée en 1694 sous le titre Pensées sur la comète que, face aux superstitions, l'athéisme est plus lucide que l'idolâtrie et défendit, au nom du réalisme et de la tolérance, un protestantisme réfléchi, s'opposant ainsi à Jurieu, qui lui reprocha sa tiédeur Nouvelles de la République des lettres, 1684-1687. Ayant perdu sa chaire lors de cette controverse, il se consacra à son Dictionnaire historique et critique 1696-1697, qui annonçait l'esprit philosophique du XVIIIe s. et l'Encyclopédie.
Le Dictionnaire historique et critique de Bayle (1696) figure très souvent dans les inventaires de bibliothèques privées du XVIIIe siècle. Bayle fut en effet un des inspirateurs des Lumières. Dans cet ouvrage, l'auteur manifeste une prodigieuse érudition, mais les longues « remarques » personnelles dont il agrémente ces quatre volumes in-folio font d'eux une œuvre hautement originale et même singulière. Par l'influence qu'il a exercée, Bayle a sa place à côté d'Érasme, de Montaigne, de Voltaire, de Hume. La complexité de sa pensée oblige pourtant à le situer dans une ligne qui va de Calvin à Rousseau et à Kant
.

En bref

Fils d'un pasteur de l'Ariège, il obtient en 1675, après un séjour à Genève comme précepteur, une chaire de philosophie à l'académie protestante de Sedan, qui sera fermée sur ordre du roi en 1681. Il passera le reste de sa vie en exil en Hollande, d'où ses écrits rayonneront et influenceront considérablement la philosophie des Lumières. Sa Lettre sur la comète, écrite en 1682 à l'occasion du passage de la comète de 1680 et des terreurs populaires qu'elle inspira, veut prouver que les météores n'ont aucune influence sur notre vie et que l'homme n'est pas le centre de l'Univers. Les sujets touchent à la métaphysique comme à la politique. Bayle s'attache à dénoncer toutes les formes d'imposture nourries de superstitions : préjugés comme fabulations. Dans ses Nouvelles de la République des lettres 1684-1687, qui lui valent la notoriété, il défend un protestantisme réfléchi au nom du réalisme et de la tolérance. Le Dictionnaire historique et critique 1692-1697, dans lequel il déploie une vive raison critique aussi bien qu'une critique de la raison, est la plus importante de ses œuvres. Bayle prône une quête scientifique de la vérité guidée par un esprit résolument relativiste. Il insiste sur l'aspect parcellaire de la connaissance, mais aussi sur le dynamisme inhérent au cheminement même qui conduit à un type de vérité et non à La Vérité. Il souhaite qu'on ne confonde plus l'histoire et l'apologie, la recherche et le dogme. De même qu'il oppose raison et religion, il oppose condition humaine et perfectibilité. Le zèle religieux, au sens fort, est de tous les dangers le plus grand. Rhapsodie, compilation ou fatras, le Dictionnaire surprend par sa texture composite, où le texte et ses gloses dialoguent dans l'ensemble de l'espace typographique de la page, jusqu'à envahir les marges elles-mêmes. Les traits originaux de son étonnante machine à lire résident dans l'emploi courant de l'ironie, la méthode des renvois, l'utilisation de termes crus, l'exposé de pensées adverses et l'habitude des remarques, qui opèrent par rapport au texte central une sorte de retrait forçant la réflexion critique. Contre l'universel trompeur et oppressif qu'on retrouve dans tous les systèmes religieux et philosophiques, Bayle, le polémiste, a su imposer un attachement au relatif, à la différence, qui en fait, à sa façon, un ancêtre de ceux qui pensent plus en termes de minorités et de marginalités qu'en termes de majorités et d'orthodoxie .

Sa vie

Pierre Bayle est le second fils d’un modeste pasteur protestant. Instruit par son père, il apprend le grec et le latin. À cause de la pauvreté de sa famille il doit attendre la fin des études de son frère aîné, Jacob, pour commencer son cursus à l'Académie protestante de Puylaurens.
En 1669, il entre au collège des jésuites de Toulouse et se convertit au catholicisme. Après dix-sept mois, le 21 août 1671, il abjure et revient au protestantisme. En tant que relaps il doit s'exiler à Genève, où il entreprend des études de théologie et de philosophie et découvre notamment la pensée de Descartes. Pour subsister, il devient précepteur.
Il revient incognito en France – pendant quelques années, il signe du nom de Bêle – travaillant comme précepteur à Rouen 1674 puis à Paris. En 1675 sur les instances de son ami Jacques Basnage, il présente sa candidature à l’Académie de Sedan où, à l’issue d’un concours et grâce au soutien de Pierre Jurieu, il est nommé professeur de philosophie et d'histoire.
En 1681, Louis XIV fait fermer l’Académie de Sedan. Bayle s'exile aux Provinces-Unies. Le 8 décembre, il est nommé professeur de philosophie et d’histoire à l’École illustre de Rotterdam. Il publie en 1682 sa célèbre Lettre sur la comète, rééditée en 1683 sous le titre de Pensées diverses sur la comète – auxquelles viendront s'ajouter par la suite une Addition et une Continuation – où il dénonce les superstitions et l'idolâtrie et développe le paradoxe de l'athée vertueux. Il critique l’Histoire du calvinisme de l'ex-jésuite Louis Maimbourg.

Les Nouvelles de la République des Lettres

En 1684, Pierre Bayle crée et rédige un périodique de critique littéraire, historique, philosophique et théologique, les Nouvelles de la République des Lettres, qui rencontre dans toute l’Europe un rapide succès. Il rédige des comptes rendus de livres publiés et donne toutes sortes de renseignements sur les auteurs dans un style et sur un ton qui restent abordables. Il entre ainsi en relation avec les principaux savants de son temps. Il n'existe pas alors de distinction nette entre la littérature et la science . En 1687, Bayle, malade, doit abandonner la rédaction de ce périodique qui sera repris par la suite, mais dont le véritable continuateur est l'avocat Henri Basnage de Beauval, qui crée l'Histoire des ouvrages des savants.
En 1685, après la révocation de l’édit de Nantes, Bayle apprend la mort en prison de son frère Jacob, qui avait refusé d'abjurer. Dans son Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ : Contrains-les d’entrer, il dénonce l'intolérance et prône une tolérance civile de toutes les confessions chrétiennes, du judaïsme, de l'islam et même pour les athées. En 1690 paraît un Avis important aux réfugiés exhortant les protestants au calme et à la soumission politique, ce qui provoque la colère de Pierre Jurieu. Ses ennemis, à la tête desquels se trouve Jurieu, parviennent à le faire destituer de sa chaire en 1693.

Les questions politiques

En réalité, au-delà des querelles personnelles, ce sont deux conceptions politiques qui s'affrontent. Jurieu est partisan de la théorie du contrat, et affirme que le peuple est celui qui fait les rois et que quand une des deux parties vient à violer ce pacte, l'autre est dégagée. Bayle, suivant son « éthique d'historien veut se montrer fidèle à la loyauté huguenote traditionnelle. De là, deux attitudes pratiques. Jurieu pousse ses coreligionnaires à soutenir Guillaume III d'Orange contre Louis XIV pour instaurer en France une république. Bayle estime cette attitude risquée pour les protestants français qui soutiendraient les adversaires de Louis XIV engagé dans la guerre de la Ligue d'Augsbourg.

Le Dictionnaire historique et critique

Ceci ne le gêne pas particulièrement pendant la préparation de son Dictionnaire historique et critique, œuvre majeure qui préfigure l’Encyclopédie. Ce Dictionnaire se veut, en première intention, la correction des erreurs des auteurs des dictionnaires précédents en particulier Louis Moréri. Mais Bayle précise son projet dans la préface :
Or voici de quelle manière j'ai changé mon plan, pour tâcher d'attraper mieux le goût du public. J'ai divisé ma composition en deux parties : l'une est purement historique, un narré succinct des faits : l'autre est un grand commentaire, un mélange de preuves et de discussions, où je fais entrer la censure de plusieurs fautes, et quelquefois même une tirade de réflexions philosophiques; en un mot, assez de variété pour pouvoir croire que par un endroit ou par un autre chaque espèce de lecteur trouvera ce qui l'accommode.
Véritable labyrinthe, ce dictionnaire est composé d’articles emboîtés les uns dans les autres, en plus des nombreuses notes et citations où se trouvent en réalité l'essentiel de la réflexion. D’une certaine façon, Bayle, dans ce dictionnaire, pratique l’hypertexte en tant que le péritexte est plus abondant que le corps du texte. À travers une pensée en apparence errante, le principal enseignement de Bayle est que le monde ne se réduit jamais à une vision manichéenne et suppose le croisement permanent des points de vue et des opinions contradictoires.
Pierre Jurieu le dénonce au consistoire comme impie et, au Prince d’Orange, devenu roi d’Angleterre, comme ennemi de l’État et partisan secret de la France. Mais grâce à la protection de Lord Shaftesbury, il échappe cette fois aux coups de ses persécuteurs. Les dernières années de Bayle sont consacrées à divers écrits, provenant dans beaucoup de cas des critiques faites sur son Dictionnaire, qu’il cherche le reste de sa vie à développer. Il meurt de la tuberculose à Rotterdam le 28 décembre 1706.
Bayle est surtout connu comme sceptique. Dans son Dictionnaire, il se plaît à exhumer les opinions les plus paradoxales et à les fortifier d’arguments nouveaux, sans toutefois les prendre à son propre compte. Il pense que l'objectivité historique est possible si on respecte les principes fondamentaux de la critique historique, mais que cette objectivité n'est pas la vérité et que l'erreur est toujours possible : elle est causée par les préventions, les préjugés de l'éducation et les passions. Avec l’incrédulité qui règne dans ses écrits, il est déjà par son souci de la tolérance un philosophe au sens du XVIIIe siècle et il a frayé la voie à Voltaire.
En 1906, une statue en son honneur a été érigée à Pamiers comme réparation d’un long oubli

Un penseur original

La singularité de l'œuvre se retrouve chez son auteur. Fils d'un pasteur du pays de Foix, Bayle est, au sens propre, un excentrique dans la littérature française : Méridional qui séjourna à peine à Paris, protestant qui vécut en Hollande à partir de 1681, semi-autodidacte, formé en homme de la Renaissance, qui resta étranger au classicisme. Boileau le trouvait pourtant marqué au bon coin : la phrase de Bayle est longue, mais sa langue est savoureuse. C'est un raisonneur à la fois serré et inventif.
Si le Dictionnaire est la plus célèbre des œuvres de Bayle, il ne se comprend bien que dans la perspective des ouvrages antérieurs, livres de controverse qui attaquent l'Église romaine sous plusieurs angles. Les Pensées diverses sur la comète 1682, sous couleur de récuser la superstition, au nom d'une physique mécaniste, visent en fait insidieusement le catholicisme. La Critique générale de l'Histoire du calvinisme de Maimbourg 1682, par le biais de considérations sur la méthode historique, réfute un ouvrage qui dépeignait les huguenots comme des rebelles en puissance. Les Nouvelles de la République des lettres, premier périodique littéraire français imprimé à l'étranger 1684-1687, fait une grande place aux ouvrages de controverse, comme aux ouvrages controversés, dont la publication était interdite en France. En 1686, le véhément pamphlet Ce que c'est que la France toute catholique sous le règne de Louis le Grand et le Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ : Contrains-les d'entrer » préconisent la tolérance civile.

Le Dictionnaire

On retrouve le même plaidoyer passionné pour les droits sacrés de la conscience dans le Dictionnaire, derrière l'ironie feutrée ou vengeresse qui stigmatise les fanatiques et les persécuteurs. De longs articles y sont consacrés aux minoritaires, calomniés de l'histoire, aux pauliciens, aux manichéens et autres hérétiques. C'est à leur propos que Bayle entame la question de l'origine du mal – insoluble énigme dans la création d'un Dieu supposé à la fois tout-puissant et tout-bon – ce qui incitera Leibniz à tenter de lui répondre dans sa Théodicée ; Bayle poursuivra la discussion jusqu'à sa mort dans sa Réponse aux questions d'un provincial, où il défend les thèses fidéistes du Dictionnaire contre l'optimisme déiste.
L'ouvrage, dont l'entrée fut interdite en France, souleva un scandale : on reprocha à Bayle son scepticisme, sa bienveillance pour les hérétiques, son manque de respect pour l'Écriture, en la personne du roi David dont il souligne impassiblement les crimes. Le consistoire de l'Église wallonne de Rotterdam, dont Bayle était membre, lui demanda des explications, en reçut et s'en contenta.
Une des causes de ce paradoxe qu'un ouvrage interdit en France, comme trop favorable au protestantisme, fût suspect aux autorités réformées tient à la querelle qui, depuis 1691, avait opposé Bayle au théologien huguenot Pierre Jurieu, son ami de naguère ; le prétexte en fut un Avis aux réfugiés dont Bayle nia la paternité et qui n'est peut-être pas entièrement son œuvre, mais qu'il s'employa à faire imprimer et qui reflète ses idées politiques. Bayle voyait dans la révocation de l'édit de Nantes un abus déplorable qui, cependant, n'infirmait pas la valeur du système absolutiste, à ses yeux le moins mauvais qui fût. Jurieu, lui, retrouva la vieille notion de droit des peuples et en vint à présenter la guerre de la ligue d'Augsbourg comme une croisade légitime contre le despotisme démoniaque du Roi-Soleil.
Le débat reste ouvert sur l'interprétation à donner aux œuvres de Bayle. Pour les uns, sa pensée apparaît comme influencée par le calvinisme, son souci d'objectivité et de tolérance n'implique aucune mécréance, et le fidéisme abrupt qui l'oppose aux premiers déistes n'est pas une feinte précautionneuse. Selon eux, quand les écrivains des Lumières ont salué en Bayle un précurseur, c'est qu'ils se sont attachés à certaines de ses thèses favorites – l'incompatibilité de la foi et de la raison, par exemple – mais qu'ils en ont négligé d'autres : la philosophie de l'histoire pessimiste et statique, le moralisme rigoriste. Une autre interprétation, traditionnelle, rapproche Bayle de Fontenelle et de Voltaire : il aurait masqué de formules orthodoxes ironiquement outrées et parfaitement insincères un scepticisme religieux radical. Les uns et les autres voient cependant en Bayle un chaînon essentiel entre le XVIIe et le XVIIIe siècle et le représentant le plus significatif de la « crise de la conscience européenne ».Élisabeth Labrousse.

Publications

Une édition condensée du Dictionnaire historique et critique datée de 1780.
Pensées diverses écrites à un docteur de Sorbonne à l’occasion de la Comète qui parut au mois de décembre 1680 (1682). (édition Paris : GF, 2007).
Critique de l’histoire du calvinisme du Père Maimbourg (1683) ;
Ce que c'est que la France toute catholique sous le règne de Louis Le Grand 1685 ;
De la tolérance 1686;
Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ : « Contrains-les d’entrer 1686
Dictionnaire historique et critique 1re édition en 1697, 2 volumes in-folio, édition de 1702, 3 volumes in-folio, édition de Adrien-Jean-Quentin Beuchot, 16 volumes in-8, 1820-1824


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#239 Antoine Furetière
Loriane Posté le : 27/12/2014 17:49
Le 28 décembre 1619 à Paris naît Antoine Furetière

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il meurt, à 68 ans, le 14 mai 1688, homme d'Église, poète, fabuliste, romancier et lexicographe français.
Il écrit en français Roman, Poésie, Fable, son oeuvre principale est "le roman bourgeois", il est distingué et devient membre de l'Académie français
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En bref

Issu de la petite bourgeoisie, il est d'abord avocat, puis procureur fiscal, pour entrer enfin dans les ordres. Il se fait connaître par des Poésies diverses 1655, une Nouvelle allégorique ou Histoire des derniers troubles arrivés au royaume d'Éloquence 1658 et le Voyage de Mercure 1659. L'aspect plaisant de ces œuvres se retrouve dans le Roman bourgeois 1666, où il prend à contre-pied les habituels romans aristocratiques. Dans le tableau de la gent parisienne, entre le lyrisme raisonnable des salons bourgeois et la trivialité courante des basochiens, Furetière est insurpassable. Ami de Racine, de Molière et de La Fontaine, il entre à l'Académie française en 1662. Il décide alors de rédiger son propre dictionnaire, obtient un privilège du roi et publie Essai d'un dictionnaire universel 1684, auquel il travaillait depuis quarante ans. L'Académie l'exclut l'année suivante. Il se venge par une série de pamphlets. La première édition du Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots français tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts 1690 paraît en Hollande, avec une préface de Pierre Bayle, après la mort de son auteur ; il s'agit d'un admirable outil pour quiconque veut rendre au vocabulaire du xviie siècle son sens et son relief.

Sa vie

Né dans une famille de la petite bourgeoisie parisienne le 28 décembre 1619, Furetière se destine de prime abord à une carrière dans le droit tout en s'intéressant vivement à l'histoire antique et aux langues orientales.
Ayant fait d'excellentes études, Furetière, fils d'un clerc d'avoué, entreprit d'abord une carrière d'homme de loi, mais il abandonna bientôt sa charge pour entrer dans les ordres et obtenir des bénéfices qui lui permirent de donner libre cours à sa vocation littéraire.
Il est reçu au barreau de Paris en 1645 et s'achète une charge de procureur fiscal auprès de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, ce qui le conduit rapidement à vouloir entrer dans les ordres. En 1662, il est nommé abbé de Chalivoy, dans le diocèse de Bourges et prieur de Chuisnes.
Parallèlement, il s'intéresse à la littérature et publie des romans, des fables et des poésies, ce qui lui vaut l'attention de l'Académie française, dont il est élu membre en 1662.Sa défense des membres de l'Académie lui valut d'être reçu par la Compagnie en 1662.
Après trois livres de vers comiques et satiriques, où il se montrait un adversaire résolu de la préciosité, Furetière publia la Nouvelle allégorique ou Histoire des derniers troubles arrivés au royaume d'Éloquence 1658, présentation humoristique du monde des lettres parisien de l'époque ; Il ne tarda pas, cependant, à déchaîner la colère de l'Académie par la publication du Roman bourgeois 1666 ; il y dépeint, de manière réaliste, non plus d'héroïques personnages ou de picaresques vagabonds, mais le peuple de Paris. Ce n'est pas tant l'absence de construction — une série de scènes présentées comme un documentaire impartial — que le sujet lui-même, jugé indigne d'un académicien, qui scandalisa ses collègues. Il s'attira une réprobation plus grande encore lorsque, à la fin de 1684, il manifesta son intention de publier son propre dictionnaire, rival de celui de l'Académie, qu'il jugeait incomplet, le Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots français tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts, sur lequel il avait travaillé pendant quelque quarante ans. Il fut exclu de l'Académie, et, bien que le roi Louis XIV eût fait de son mieux pour le protéger — il lui avait d'ailleurs accordé un privilège royal pour son dictionnaire —, Furetière passe désormais le plus clair de sa vie en polémiques avec ses anciens collègues. Son grand Dictionnaire, qui devait bientôt être reconnu comme plus complet et bien plus utile que celui de l'Académie, fut imprimé une première fois en Hollande, en trois volumes 1690, après la mort de son auteur. Furetière avait par ailleurs collaboré avec Racine, en 1668, pour Les Plaideurs.

Le Dictionnaire

Singulièrement agacé par la lenteur de l'avancement des travaux du Dictionnaire de l'Académie, ainsi que par l'absence de prise en compte des termes scientifiques, techniques et artistiques, il sollicite et obtient de Louis XIV un privilège pour publier son propre Dictionnaire, dont il avait commencé la rédaction dès le début des années 1650. L'entreprise n'étant pas du goût de tous ses collègues académiciens et les accusations devenant de plus en plus aigres, Furetière intente un procès qu'il eût probablement perdu si sa mort n'était venue mettre un terme à la querelle.
Ayant publié en 1684 un extrait de son Dictionnaire, il est exclu de l'Académie le 22 janvier 1685 à une voix de majorité. Toutefois, le roi, protecteur de l'Académie, intervient pour s'opposer à l'élection d'un remplaçant du vivant de Furetière. Lié d'amitié depuis de longues années avec Jean de La Fontaine, il se brouille définitivement avec lui lorsque le fabuliste refusa de prendre parti en sa faveur dans la querelle. Vexé par le sort qui lui est fait, Furetière se lance alors dans la publication de violents pamphlets contre l'Académie et les académiciens, dont le plus célèbre est Couches de l'Académie en 1687.

S'il n'eut pas la satisfaction de voir son œuvre maîtresse publiée de son vivant, l'histoire retiendra qu'elle vint à son terme deux ans après sa mort — et quatre ans avant la première édition du Dictionnaire de l'Académie françois en 1694 — et que le Furetière, comme on l'appelle familièrement, plus de trois siècles après sa publication, connaît un succès qui ne s'est jamais démenti, comme en témoignent les nombreuses rééditions qu'il a connues jusqu'à nos jours.

Œuvres

L'Énéide travestie 1648-1653
Le Voyage de Mercure 1653
Poésies diverses 1655
Nouvelle allégorique ou Histoire des derniers troubles arrivés au royaume d'Éloquence 1659
Le Roman bourgeois 1666
Collaboration à la rédaction des Plaideurs de Racine 1668
Essay d'un dictionnaire universel 1684
Couches de l'Académie, factum satirique Amsterdam, 1687
Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts 1690, posthume, avec une préface de Pierre Bayle. Consulter en ligne sur Gallica.

Hommages

Depuis 2007, la place Antoine-Furetière dans le 12e arrondissement de Paris porte son nom, ainsi que l'école primaire de Chuisnes où il fut prieur.



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#240 Giovanni Boccacio
Loriane Posté le : 21/12/2014 13:45
Le 21 décembre 1375 à Certaldo meurt Giovanni Boccaccio

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en français Jean Boccace, mais le plus souvent simplement Boccacio ou Boccace, né en 1313 à Certaldo en Italie écrivain italien.Humaniste sont oeuvre principale est le Décaméron
Son œuvre en toscan, notamment son recueil de nouvelles le Décaméron, qui eut un énorme succès, le fait considérer comme l'un des créateurs de la littérature italienne en prose.
Avec Dante et Pétrarque, qu'il considérait comme ses maîtres, Boccace est l'écrivain le plus célèbre du Moyen Âge italien. Le plus méconnu aussi, du moins en France où les Contes de La Fontaine ont popularisé l'image d'un auteur gaillard, sans dimension philosophique, et où la critique, ignorant le débat ouvert par les travaux de Vittorio Branca sur « Boccace médiéval », le classe volontiers parmi les écrivains de la Renaissance. Il est vrai que le Décaméron occupe une place à part, tant dans la littérature européenne que dans l'abondante production de son auteur : livre d'avant-garde en plein milieu du XIVe siècle et recueil fondateur de la nouvelle occidentale, c'est aussi une œuvre ambiguë qui exprime les positions contradictoires de Boccace sur la société de son temps, ainsi que ses doutes devant une entreprise littéraire vouée par avance à la condamnation des lettrés.

L'inspirateur de la culture humaniste et de la tradition littéraire italienne
Avec Dante et Pétrarque, ses aînés l'un d'une cinquantaine, l'autre d'une dizaine d'années, Boccace est le fondateur à la fois de la plus illustre tradition littéraire italienne et de la culture humaniste, dont s'inspira toute la Renaissance européenne. Et bien avant que la critique du xvie s. en fasse un dogme, si l'œuvre des trois grands Toscans put s'imposer comme une trilogie, c'est à la médiation historique de Boccace qu'elle le doit : Boccace, d'une part disciple de Dante et premier « lecteur » public officiel de sa Divine Comédie, d'autre part condisciple ès humanae litterae et ami de Pétrarque, lequel ne se départit jamais à l'égard d'Alighieri d'une certaine réserve. Et si Pétrarque se tint volontairement isolé dans un univers rhétorique et conceptuel, si l'introspection qui caractérise son œuvre élude toute définition historique précise, en revanche non seulement Dante et Boccace eurent une claire conscience de l'essor de la bourgeoisie qui accompagna l'avènement des communes, mais leur œuvre est fondée pour l'essentiel sur la représentation critique d'une telle conscience : c'est ce qu'en d'autres termes on a parfois appelé leur réalisme. Or, tandis que Dante, au nom des idéaux de l'aristocratie, dont il est issu, jette l'opprobre sur la société communale, qu'il rend responsable de la décadence de l'Italie, Boccace se fait l'interprète des aspirations de la nouvelle bourgeoisie intellectuelle et commerçante, à laquelle il appartient : aspirations non pas à la suprématie politique (sur l'aristocratie, en grande partie assimilée, ou sur le peuple), mais au libre épanouissement de l'individu, par le libre jeu de l'intelligence et des sens. Ainsi, l'amour peut-il apparaître, dans l'œuvre de Boccace, à la fois comme le symbole et le moteur de toute émancipation sociale.
Vie et œuvre

En bref

Fils illégitime de Boccaccio di Chellino, qui exerçait l'art mercantile auprès de la puissante compagnie florentine des Bardi, c'est pour le compte de celle-ci qu'il est envoyé s'initier aux affaires à Naples, vers 1328. En 1340, la faillite des Bardi l'oblige à revenir à Florence, où il connaît de sérieuses difficultés financières. La rencontre de Pétrarque en 1350, l'amitié et la collaboration qui s'ensuivirent font coïncider désormais la carrière de Boccace avec l'essor de l'humanisme. Il consacra ses dernières années à transcrire et à commenter les œuvres de Dante (Petit Traité en l'honneur de Dante, 1357-1362), ainsi qu'à revoir le texte de son chef-d'œuvre, le Décaméron (1348-1353). Du séjour napolitain de Boccace datent la Chasse de Diane (1334-1335), où sont célébrées les plus belles dames de Naples, le roman les Travaux d'amour (1336), le poème le Prostré d'amour (vers 1338) et le Téséide pour le mariage d'Émilie (1339-1340), premier poème épique de la littérature italienne de langue vulgaire. Que ce soit en prose (Fiammette, 1343-1344), en vers (Vision Amoureuse, 1342-1343 ; la Comédie des nymphes de Fiesole, 1344-1346) ou dans un savant mélange des deux (Comédies des nymphes florentines, Ameto, 1341-1342), les œuvres suivantes annoncent, au-delà de l'affabulation allégorique, le réalisme historique et stylistique du Décaméron. Ainsi a-t-on pu parler d'Ameto comme d'un « petit Décaméron ». Au-delà de son érudition mythologique et historique, la structure de cette composition allégorique préfigure en effet l'œuvre majeure par l'alternance de véritables nouvelles et d'intermèdes décoratifs, et les sept nymphes qui y racontent leurs amours au jeune berger Ameto ont une liberté de ton digne des futures amantes du chef-d'œuvre. Fiammette en particulier, en dépit de constantes références à la littérature érotique latine, est un véritable « roman psychologique », le premier de la littérature italienne. L'héroïne y fait part, à la première personne, des inquiétudes et des espoirs que lui cause l'éloignement de son amant, Panfilo, dans un style tissé de réminiscences et d'allusions littéraires, qui fait de l'œuvre un des modèles du « roman humaniste ».
Le Décaméron : Fuyant la peste qui s'était abattue en 1348 sur Florence, dix jeunes gens (sept femmes et trois hommes) appartenant à la société la plus aisée de la ville se retirent à la campagne, où ils se récréent dix jours durant (sur les quatorze que durent leurs vacances, le vendredi et le samedi étant consacrés aux oraisons et à l'hygiène) au récit de dix fois dix nouvelles, dont le thème est imposé successivement par le « roi » ou la « reine » de la journée. Telle est la structure des Dix Journées ou Décaméron, où le cadre extérieur de la narration (la célèbre description de la peste, qui ouvre le livre, celle des divertissements – chants et danses – de la compagnie, la psychologie des différents narrateurs et narratrices) est en harmonieux équilibre avec la tonalité des nouvelles qui s'enchaînent les unes aux autres selon les principes les plus raffinés de la rhétorique du temps. L'amour est le motif central de ces récits : amour conjugal ou adultère, sensualité et fidélité, idylle ou tragédie (les amants de Boccace sont capables de mourir d'amour), jusqu'à la représentation emblématique de l'amour comme forme pure de la libéralité et de la magnanimité (Xe journée). Le goût de l'aventure et le triomphe de l'esprit (au double sens de raison et d'ironie, voire d'habileté à duper) sur l'obscurantisme et la niaiserie sont les autres thèmes de prédilection de Boccace et, à travers lui, de la nouvelle bourgeoisie intellectuelle et commerçante. Le monde chevaleresque et courtois est également évoqué dans le Décaméron : non point sur le mode de la nostalgie, mais dans sa dimension poétique de fable.
À l'exception du Corbaccio (1354-1355 ou 1365-1366), violente et énigmatique satire misogyne, et des églogues des Poèmes bucoliques (1351-1366), toutes les œuvres, latines ou vulgaires, postérieures au Décaméron sont de caractère doctrinal ou érudit : Des faits extraordinaires des hommes illustres (1355-1375), Des femmes illustres (1360-1375), Généalogie des dieux païens (1350-1375), des Livres sur les mots, les forêts, les sources, les lacs, les fleuves, les étangs ou marais et sur les noms de mer (1355-1374). Le Petit Traité en l'honneur de Dante jette les bases de la critique humaniste moderne. On peut enfin trouver un précieux témoignage sur l'évolution littéraire et morale de Boccace dans ses épîtres (Lettres, au nombre de vingt-quatre) et dans ses Poésies, qui jalonnent les principales étapes de sa carrière.

[size=SIZE]Sa vie
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Boccace est le fils naturel d’un important homme d’affaires, Boccaccino di Chelino, originaire de Certaldo et résidant à Florence et qui, lié à la compagnie des Bardi, particulièrement puissante à Naples, a effectué plusieurs voyages à Paris. Boccace le suit en 1327 dans cette ville pour des études de droit canonique. Bien que le droit et le commerce l'intéressent peu, il s'intègre facilement à la cour du roi Robert de Naples où il a l'occasion de se lier avec des nobles de la cour de la Maison d'Anjou. Là, il commence également à cultiver ses connaissances littéraires, il lit les classiques latins, la littérature chevaleresque française, Dante et Pétrarque. Il commence également à rédiger ses premiers textes d'inspiration courtoise, en prose, comme le Filocolo, ou en vers, comme le Teseida. Il compose également un poème épique sur la guerre de Troie : le Filostrato. Enfin, c'est à Naples qu'il vit sa première passion amoureuse pour une dame qu'il surnomme Fiammetta.

À la fin de l'année 1340, il rentre à Florence en raison de la faillite des Bardi. Le retour est douloureux : Boccace est triste de quitter Naples et se retrouve dans une situation économique difficile. Cependant, il rencontre Pétrarque avec qui il se lie d'amitié. Dès sa jeunesse, il s'est occupé de poésie ; son admiration pour Dante ne lui permettant pas d'aspirer au premier rang parmi les poètes, il s'est flatté d'obtenir le second mais dès qu'il connait les poésies italiennes de Pétrarque, il perd tout espoir et jette au feu la plus grande partie de ses vers lyriques, sonnets, chants et autres poésies amoureuses. Il continue cependant d'écrire : La commedia delle Ninfe relate les amours d'une nymphe et de son berger, d'autres œuvres, l'Amorosa visione, le Ninfale d'Ameto et le Ninfale fiesolano plus allégoriques, l'Elégie de dame Fiammetta est le récit de style autobiographique d'une jeune Napolitaine trahie par son amant.
En 1348, Boccace assiste aux ravages que la peste noire provoque dans toute l'Europe. C'est peut-être cette pandémie qui le décide à rédiger son chef-d'œuvre : le Décaméron. L'œuvre est un succès et se propage très largement après 1353. Elle lui vaut la reconnaissance de ses pairs et l'offre de nouvelles missions intéressantes par le gouvernement communal de Florence. Dans cette ville, il va occuper la chaire qui vient d'être créée pour l'explication de Dante.
En 1362, à la suite de la malédiction d'un moine chartreux, Boccace vit une profonde crise religieuse et se retire en solitaire dans le domaine paternel de Certaldo. Il va jusqu'à faire le projet de détruire tous ses manuscrits, mais Pétrarque l'en dissuade en le convainquant qu'il doit faire pour la prose ce que lui-même a fait pour la poésie. Bientôt, par ses ouvrages, Boccace va se placer au-dessus de tous les prosateurs italiens, dont il restera longtemps le modèle. La même année, il est accueilli par Niccolò Acciaiuoli au castello di Montegufoni.
Entre 1365 et 1366, Boccace rédige le Corbaccio, œuvre qui reprend la tradition de la satire misogyne de façon moraliste. C'est son dernier ouvrage en toscan. Encouragé par Pétrarque, avec lequel il entretient une correspondance suivie, il revient au latin et compose divers traités, des biographies, des églogues et des épîtres. Il vénère Dante et lui consacre un Trattatello in laude di Dante et des Esposizioni sopra la Commedia di Dante.
Retiré à Certaldo, il vit la fin de sa vie dans la misère. Enfin, en 1373-1374, il est invité par la ville de Florence à faire la lecture publique de la Divine Comédie de Dante dans l'église Santo Stefano di Badia. Mais sa mauvaise santé le contraint d'arrêter et il meurt à Certaldo en 1375, un an après la disparition de Pétrarque.
Si Dante est considéré comme le fondateur de la poésie italienne, Boccace est généralement admis comme le créateur de la prose italienne.
Une stèle en marbre, qui le représente sur l'allée centrale de l'église de Certaldo Alto, lui rend hommage bien que ses écrits l'aient voué aux récriminations de la population en son temps.
En 2011, le nom de Boccace, l'un des précurseurs du genre littéraire de la nouvelle2, a été donné à un prix littéraire français, le prix Boccace, qui récompense un recueil de nouvelles publié en langue française au cours de l'année écoulée3.

Érudition et narration

En 1341-1342, Boccace écrit la Comedia delle ninfe fiorentine, œuvre en vers et en prose qui par bien des aspects (notamment le système des récits encadrés) préfigure le Décaméron. Le poème Amorosa Visione (1342), variante terrestre de la vision de Dante, est plus proche des « triomphes » de Pétrarque et de la Renaissance que de son modèle. Le Ninfale fiesolano (1344-1346), également en vers, apparaît comme un mythe « étrusque », dans lequel l'érudition se convertit en un divertissement élégamment champêtre : Boccace se « florentinise » peu à peu. On retiendra surtout l'Elegia di Madonna Fiammetta (1343-1344 ?). Nouveauté audacieuse, ce roman en prose se présente comme la confession d'une femme, destinée à sa propre consolation ainsi qu'à l'instruction des autres femmes. L'autobiographie amoureuse s'y engage dans une voie résolument psychologique, et même sociologique : ainsi la topique du secret amoureux, transposée de la poésie lyrique dans un espace narratif où intervient la société urbaine, avec ses usages et ses contraintes, acquiert une densité nouvelle, pour ne pas dire un « réalisme » inattendu.

1348 : c'est l'année où la peste ravage toute l'Europe et décime les deux tiers de la population de Florence. Le père de Boccace meurt en 1349, le laissant tuteur de ses trois demi-frères. À ces soucis domestiques s'ajoutent nombre de charges et de missions diplomatiques au service de la commune. Entre 1349 et 1351, Boccace compose le Décaméron, puis rédige la première version du Trattatello in laude di Dante, hommage au grand poète exilé. C'est sans doute vers 1359 qu'il entre dans les ordres, élisant comme Pétrarque une carrière ecclésiastique qui lui assurera des revenus modestes mais stables, sans exclure des fonctions occasionnelles au service de Florence. À partir de 1360, Boccace sera cependant éloigné pour quelques années de toute charge officielle, à la suite d'une conjuration manquée dans laquelle sont impliqués certains de ses amis. À l'un d'eux, Pino dei Rossi, exilé, il adresse en 1361 une longue Épître consolatoire qui traite (avec force exemples tirés de l'Antiquité) de la fortune adverse, mais qui contient aussi de sévères jugements sur les institutions de Florence, perverties par l'« abominable avarice » de ses gouvernants. Retiré à Certaldo, Boccace entreprend la rédaction de plusieurs ouvrages en latin : le De casibus virorum illustrium (narration de destins tragiques) et le De mulieribus claris (biographies de femmes illustres) connurent une diffusion européenne sans précédent.
C'est pendant cette période qu'apparaissent chez Boccace les signes d'une évolution morale qui l'amène à se réfugier dans des valeurs traditionnelles. Ainsi le Corbaccio (1365), pamphlet misogyne d'une rare violence, est comme l'envers caricatural du Décaméron ; selon l'auteur, la vocation de l'intellectuel et du créateur ne peut se réaliser que s'il se tient éloigné des affaires de la cité comme de l'amour des femmes. Cette palinodie, qui contredit le message essentiel des nouvelles, n'est pas sans rapport avec un phénomène plus vaste, qui concerne la civilisation florentine de cette fin de siècle, et qui se caractérise par un repli sur un piétisme frileux, une incertitude craintive devant l'avenir. Il est toutefois un engagement que Boccace ne reniera jamais : la défense de la « poésie », c'est-à-dire de l'activité littéraire, contre les pratiques des mercenaires de la culture et contre la pression des éléments les plus rétrogrades de l'Église. Les Genealogia deorum gentilium, grand traité de mythologie commencé en 1363, et qui deviendra l'ouvrage de référence des érudits aux siècles suivants, sont le témoignage de cette fidélité, et le résultat d'une méditation jamais interrompue sur les problèmes de la création littéraire.
En 1365, Boccace est appelé de nouveau à remplir diverses missions, dont une ambassade à Avignon auprès du pape. Il compile un recueil de ses poésies latines, achève les traités entrepris, recopie de sa propre main son Décaméron... De graves soucis de santé le contraignent à se retirer à Certaldo d'où il reviendra pour tenir à Florence une série de « lectures » publiques de La Divine Comédie : sa fidélité à Dante, elle non plus, ne s'est jamais démentie. Il meurt à Certaldo le 21 décembre 1375, un an après Pétrarque.

Le « Décaméron »

Comme l'écrit l'auteur dans sa Préface, il s'agit de « cent nouvelles, ou fables, ou paraboles, ou histoires, comme il vous plaira de les appeler, racontées en dix jours par une honnête compagnie de sept dames et de trois jeunes hommes pendant le temps de la peste... ». Le récit de l'épidémie, de la rencontre des dix jeunes gens, de leur départ et de leur séjour à la campagne, d'où ils rentreront ensuite à Florence, constitue donc le cadre du recueil. Cette construction par enchâssement n'est pas une invention de Boccace (lui-même l'a déjà expérimentée dans d'autres œuvres), mais sa nouveauté tient aux fonctions multiples qu'elle remplit. La peste, par exemple, constitue l'horizon des nouvelles. Certes, le séjour extra muros est réglé par des lois spécifiques : une royauté provisoire donne à chacun des jeunes gens le pouvoir pendant une journée, et leurs occupations quotidiennes sont régies par une économie du plaisir très raffinée. Mais cette expérience utopique n'est qu'une parenthèse, à l'extérieur de laquelle règnent la mort, le désordre social, la décomposition morale longuement décrits dans l'introduction, et il n'est guère de récit, si joyeux soit-il, qui ne porte la trace même fugitive d'une réflexion sur ces trois aspects de la réalité présente. Inversement, cette même réalité sert de justification morale à la constitution d'un groupe jeune... et mixte, ainsi qu'à la liberté de certains de leurs propos.

La stratégie du narrateur

Ce cadre – qui n'est pas sans présenter certains aspects romanesques – produit également un effet de distanciation, grâce à la « mise en scène » des récits, que soulignent discrètement les réactions ou les commentaires de l'auditoire. Il permet surtout à Boccace d'insérer entre lui-même, auteur, et le public de ses dédicataires (les femmes amoureuses) une succession d'écrans. Ainsi, dans la Préface, où il dédie son livre à celles que leur condition féminine empêche de se livrer aux divertissements sportifs ou aux occupations sérieuses qui offrent aux hommes un dérivatif à leurs peines d'amour, Boccace se présente comme le chroniqueur de l'aventure des dix jeunes gens et le « scripteur » de récits qu'il n'a ni « inventés » (c'est-à-dire choisis) ni racontés lui-même. Dans la Conclusion, il reprendra la même fiction. Grâce à cette délégation de pouvoir, les dix jeunes gens se trouvent investis tour à tour de la fonction de narrateur. Mais, en même temps, ils représentent le public : un public plus diversifié que celui des dames auquel s'adresse la dédicace, et aussi un public idéal de lecteurs instruits, intelligents, sans préjugés comme sans vices, qui savent consommer les nouvelles comme elles sont racontées, avec un esprit large, le sens de l'humour, et beaucoup de sagesse pratique.

Toutefois, ce dispositif ne résiste pas à l'épreuve du réel. Dans l'introduction à la IVe journée, Boccace, s'adressant à ses dédicataires, se livre à une défense et apologie de ses contes en réponse aux attaques dont il est l'objet (signe que les textes devaient circuler bien avant l'achèvement du recueil). Ses détracteurs l'accusent pêle-mêle d'inconvenance, d'inexactitude ; ils lui reprochent surtout de se consacrer à un ouvrage indigne d'un savant et d'un lettré. L'enjeu est d'importance : il y va de l'avenir d'une littérature de divertissement, destinée à un large public et, pour Boccace lui-même, de son image et de sa notoriété d'intellectuel. Ses réponses sont courageuses : il revendique la liberté de l'art, le respect d'un public supposé adulte, le droit à l'existence de récits qui ne sont destinés ni aux étudiants ni aux philosophes. Mais il s'abrite aussi, il faut bien le reconnaître, derrière la notion de genre mineur (« des nouvelettes... écrites en langue vulgaire florentine et en prose... et dans un style très humble et simple »), lors même qu'il emploie tout son art à l'ennoblir.
L'audace de Boccace réside donc dans son projet même et non dans les quelques licences qu'il se permet ici ou là. Le soin qu'il apporte à la disposition de son œuvre en est un autre témoignage.

Un inventaire des valeurs morales

L'ambition de l'auteur se révèle dans l'architecture thématique du recueil. Dès la IIe journée, les conteurs décident en effet de fixer un thème général aux nouvellet de la journée suivante. Seule la dernière nouvelle de chaque journée (réservée par privilège au jeune Dioneo) échappera à la règle, et il en ira de même pour la IXe journée tout entière, espace de liberté à l'intérieur d'une coutume désormais établie. La classification qui en découle fait apparaître en premier lieu les grandes forces qui régissent l'existence humaine : la Fortune (IIe journée), les ressources de l'intelligence individuelle (III), l'amour, dont l'histoire peut connaître un dénouement tragique (IV) ou heureux (V). Cependant, l'exploration des situations particulières prévaut déjà, dans ces journées, sur l'exemplarité des grands thèmes. Cela devient encore plus vrai dans la journée des mots d'esprit (VI), qui célèbre l'art de la parole concise en la considérant comme arme de défense et comme moyen de se tirer de situations périlleuses. De même, les beffe (mauvais tours) des VIIe et VIIIe journées, si elles comportent un aspect ludique, représentent souvent aussi la solution pratique de conflits ou de complications imprévues. Ces trois journées impliquent donc une sanction négative de comportements individuels et sociaux, tels la jalousie morbide, l'hypocrisie bigote, l'avarice, et tous les abus de pouvoir qui en découlent. Quant à la Xe journée, consacrée aux exemples de libéralité et de magnificence, elle célèbre la courtoisie comme la plus haute vertu sociale, accessible à tous ceux que la noblesse de cœur prédispose à l'exercer.

Loin d'être rigide, ce cadre thématique constitue plutôt une orientation préalable, dans laquelle vient s'inscrire une enquête sur le monde : un monde où les valeurs de l'intelligence pratique, de l'esprit d'entreprise, de l'audace et de la prudence, incarnées par les marchands, coexistent – ou devraient pouvoir coexister – avec les valeurs chevaleresques et courtoises appelées à devenir le patrimoine d'une nouvelle élite. Bien entendu, cette hypothèse généreuse ne va pas de soi, elle se heurte aux tares des nouveaux riches, à celles des nobles d'ancien lignage, à la dictature morale exercée par des ordres mendiants à la fois triomphants et dégénérés, à l'appétit insatiable de richesse : autant d'entraves à l'essor d'une civilisation dont la ville (foyer d'échanges et de culture où s'élabore l'urbanité), et Florence plus que tout autre, devrait être le lieu privilégié.

Au-delà de cette enquête, on peut discerner, à défaut d'un système, une « lecture » philosophique du monde, et tout d'abord l'absence, troublante chez un fervent admirateur de La Divine Comédie, de la Providence comme principe d'explication des événements terrestres. Les desseins de Dieu sont « insondables », répète Boccace, et les choses de ce monde « n'ont aucune stabilité ». Ce qui pourrait n'être qu'une pieuse banalité est en fait une loi dans le Décaméron, où les aléas de la fortune ne sont jamais rapportés à quelque intervention divine, si ce n'est d'une manière hypothétique. Ainsi le naufragé Landolfo (II, 4) est-il poussé vers les rivages de Corfou « soit par la volonté de Dieu soit par la force du vent »... La sanction que ces aléas peuvent représenter est moins un châtiment ou une récompense de Dieu qu'un avertissement moral du narrateur : Landolfo a manqué de sagesse en voulant s'enrichir toujours davantage. De plus, contre la Fortune, l'homme dispose d'armes qui sont l'intelligence et le courage.

En l'absence de la Providence, les conduites humaines ne peuvent se régler que sur des forces plus concrètes, dont la principale est la nature. Reconnaître sa puissance est la première vertu de l'homme raisonnable, et la bestialità consiste précisément à refuser les lois de la nature : perversion initiale d'où naissent tous les « appétits corrompus ». Aussi le premier exemple de bestialité est-il l'ascétisme, comme Boccace le démontre dans la « cent unième » nouvelle du Décaméron, cet « apologue des oies » qu'il raconte dans l'introduction à la IVe journée afin de ridiculiser ses détracteurs, qui l'ont accusé de chercher à plaire à son public féminin.
Rares sont les nouvelles où l'on ne rencontre pas cette affirmation des droits sacrés de la nature, qui permet de condamner aussi bien la jalousie d'un marchand toujours absent, la sottise d'un vieux mari, que les excès du pouvoir paternel et fraternel qui s'exerce sur les jeunes filles. Le thème de l'amour s'inscrit évidemment dans ce cadre philosophique, qui justifie en de nombreux cas l'adultère féminin (toujours condamné par la loi), jusqu'à le sublimer en de tragiques exemples de fidélité amoureuse. L'éventail des situations est très ouvert. Le discours de la servante Licisca, dans l'introduction à la VIe journée, donne le ton de certaines nouvelles comiques (en particulier celles qui racontent les mauvais tours joués par les femmes à leurs maris). La nouvelle VI, 7 (dont les personnages appartiennent à la noblesse, mais dont le ton est indubitablement « bourgeois ») présente le cas exemplaire d'une dame adultère que les lois de Prato, particulièrement cruelles, condamnent par avance à la peine de mort. Madonna Filippa réussit lors de son procès à convaincre ses juges de l'acquitter et même, dans l'enthousiasme général, de réviser la loi. Pour sa défense, elle allègue les forces de la nature : elle n'a fait qu'accorder à un noble gentilhomme (qui l'aime à la folie) le « reliquat » de faveurs qu'elle n'a par ailleurs jamais refusées à son mari. Mais cette défense a été précédée par une argumentation juridique : « Les lois doivent être communes et faites avec le consentement de ceux qu'elles regardent. » Or les femmes n'ont jamais été consultées. Ce récit, à le bien lire, est d'une audace extrême, et montre combien la réflexion de Boccace peut avoir d'incidences sur la société, jusque dans ses institutions.
La nouvelle IV, 1 conte, dans un registre tragique, les amours malheureuses de Ghismonda, fille du prince Tancrède, avec un serviteur obscur – mais plein de mérites – que Tancrède fait exécuter, ce qui amène la jeune femme à choisir le suicide. Ici, le motif de la noblesse de cœur, distincte du lignage, entre dans l'argumentation du personnage, et, de façon plus souterraine, la puissance paternelle est associée à un amour incestueux. Ce sont cependant les exigences de la nature qui motivent pour l'essentiel l'éloquent plaidoyer de Ghismonda – trop long, trop éloquent, trop fleuri aussi pour n'être pas l'effet d'un choix médité : l'auteur fait parler Ghismonda comme elle aurait pu parler si elle avait disposé de toutes les ressources de la rhétorique. La gravité du propos s'impose, pour une fois, au détriment de la mimesis.
Nature est raison et, à partir de ce postulat, l'amour est théoriquement un facteur non seulement d'ennoblissement moral (comme le répétait depuis un siècle et demi la poésie lyrique italienne) mais d'enrichissement intellectuel et de civilisation. Ainsi, dans la nouvelle V, 1, Cimone, né faible d'esprit, et menant à la campagne une existence toute animale, devient, une fois touché par l'amour, un modèle d'intelligence, de culture, et de vertus civiles et guerrières.
Dans cette perspective « naturaliste », la femme est nécessairement un personnage central. La civilisation à laquelle aspire Boccace ne peut s'instaurer sans une participation plus grande des femmes à la vie sociale (cela à l'intérieur de cadres qui, on s'en doute, demeurent tout de même assez rigides). On peut donc voir, chez Madonna Filippa comme chez bien d'autres personnages féminins du Décaméron, l'intelligence, l'esprit d'initiative et même l'audace s'allier aux traditionnelles vertus de modestie, de réserve, d'élégance physique et morale requises par les bons auteurs. Une seule catégorie de femmes est condamnée sans appel : celle des femmes vénales, prostituées, ou même telle bourgeoise (VIII, 1), telle paysanne cupide (VIII, 1) qui monnayent leurs faveurs.
La liberté amoureuse (et par suite le féminisme de Boccace) comporte pourtant quelques limites. Il est fermement recommandé de n'être point cruelle envers un amant de haut mérite, même au nom de la fidélité conjugale (car telle est la leçon que les conteurs dégagent de la célèbre nouvelle du faucon, V, 9), et fût-ce au prix d'une mésalliance (V, 8), surtout si cet amant joint, à la noblesse de sang ou de cœur, la qualité d'intellectuel (VIII, 7). L'enseignement de ces trois nouvelles est limpide : si la conversion ne peut s'obtenir, comme dans la nouvelle du faucon, par une longue patience, elle peut être fortement accélérée par la perspective d'un châtiment terrifiant (la « chasse infernale » de V, 8). Et une résistance obstinée, alliée à d'indignes traitements, attire une terrible punition assortie d'explications détaillées sur le danger qu'il y a à se moquer des hommes de science (la nouvelle VIII, 7 annonce l'âcre misogynie du Corbaccio). La « philosophie » de Boccace est faite aussi de ces contradictions dont la part négative, dans le Décaméron, n'apparaît guère qu'en filigrane.

L'encyclopédie des récits

Le Décaméron est aussi un extraordinaire inventaire des formes narratives, « nouvelles, ou fables, ou paraboles, ou histoires ». Les sources de ces récits, orales ou écrites, sont très diverses et V. Branca les a recensées dans son édition. Boccace a souvent puisé dans des répertoires d'exempla à l'usage des prédicateurs, comme la Disciplina clericalis de Pierre Alphonse, ou dans des recueils d'anecdotes historiques comme le Speculum historiale de Vincent de Beauvais. Ces recueils eux-mêmes rassemblent souvent des contes de provenance très ancienne, parfois orientale. Il faudrait citer aussi la Légende dorée de Jacques de Voragine, les comédies de Plaute et de Térence, certaines vidas de troubadours, des fabliaux français... La liste serait fort longue. Il faut remarquer cependant que les cas de dérivation directe sont bien rares (ainsi, les Métamorphoses d'Apulée fournissent la trame intégrale de deux nouvelles : V, 10 et VII, 2). En général, Boccace se contente de reprendre un motif, une situation (souvent topiques), qu'il traite ensuite d'une manière toute personnelle. Nombre de nouvelles, enfin, relèvent des « choses vues », de la chronique municipale, et sont donc marquées par une « florentinité » à laquelle répond la complicité des conteurs.
Dans les Genealogia deorum, Boccace classe les récits selon leur degré de vérité. Tout à fait véridiques, ils portent le nom d'« histoires » (et les anecdotes du De casibus et du De mulieribus entreraient dans cette catégorie) ; l'auteur du Décaméron revendique parfois cette véracité (IX, 5, par exemple) bien que par ailleurs il défende vigoureusement le droit du « poète » à créer de la fiction. Imaginaires, la fable ésopique ou la parabole évangélique sont au service d'une vérité cachée. Il existe enfin des formes mixtes (les mythes, les « figures » de la Bible, la poésie épique) parmi lesquelles Boccace inclut la comédie latine, dont le vraisemblable a pour fonction de décrire les mœurs afin d'instruire le public. En ce sens, les nouvelles du Décaméron appartiennent aux formes mixtes.
Mais là ne s'arrête pas sa réflexion sur les formes de la narration. Traducteur de Quintilien, Boccace a eu l'occasion de méditer sur le problème de l'imitation de la vérité (de la « narration crédible »), sur celui du comique, sur la stylistique du récit (dont les deux pôles sont la concision et la magnificence, et l'idéal constant l'urbanitas). L'écriture de Boccace est nourrie de cette réflexion théorique et présente une extraordinaire diversité de solutions narratives. L'analyse de Mario Baratto montre que le conte linéaire, calqué sur la chronologie des événements, coexiste dans le Décaméron avec le récit romanesque (centré sur l'histoire intérieure d'un personnage), tandis qu'une forme intermédiaire (appelons-la... nouvelle) peut se développer sur la base d'un épisode, nettement délimité, du récit romanesque. On rencontre aussi des nouvelles-débats, construites sur le conflit entre deux individus, et des récits à forte composante théâtrale, qui influenceront d'ailleurs la comédie italienne de la Renaissance. Une telle diversité s'allie nécessairement à la ductilité du style, à la capacité de distinguer des niveaux de langage et même des tempi : dialogue de comédie, parlé et scandé sur un rythme rapide, discours solennel, introductions amples et précises, accélérations ou ralentissements – tout ce qui, dans le Décaméron, consacre la primauté du style sur le schéma de l'intrigue. Le « réalisme » de Boccace est l'effet de ces choix artistiques, qui lui permettront entre autres de faire accéder à l'existence des acteurs qui, s'ils ne sont pas encore les personnages « pleins » du roman moderne, sont déjà à mille lieues des simples « actants » des anecdotes exemplaires. Cette stratégie le distingue aussi d'un auteur comme celui, anonyme, du Novellino (recueil de la fin du XIIIe siècle), dont il s'est parfois inspiré et qui, lui, choisit délibérément la brièveté, la linéarité, inaugurant ainsi une technique que l'on retrouve un siècle plus tard chez Franco Sacchetti.
C'est ainsi que Boccace parvient à libérer dans sa comédie toute la diversité du monde humain, un monde désordonné et souvent périlleux, dans lequel n'intervient plus jamais la divine Providence, et qu'il appartient désormais à ses seuls citoyens de rendre habitable.

Œuvres

Écrit à Naples vers 1334, La caccia di Diana est un bref poème érotique composé de dix-huit chants formés en tercets. La trame peut se résumer ainsi : Tandis que le poète est submergé par ses peines amoureuses, un esprit envoyé par la déesse Diane convoque celles de Naples, les plus belles, à la Cour «dell'alta idea», les appelant par leur nom, prénom et même leur nom hypocoristique. Guidées par l’inconnue aimée du poète, les dames arrivent dans une vallée et se baignent dans la rivière. Ensuite, Diane forme quatre groupes et la chasse commence. Les proies réunies sur un pré, la déesse invite les dames à faire un sacrifice à Jupiter et à se dédier au culte de la chasteté. L’aimée de Boccace se rebelle et, au nom de toutes, déclare que son inclination est bien différente. Diane disparaît dans les cieux, la donna gentile (l’aimée du poète) déclame une prière à Vénus. Celle-ci apparaît et transforme les animaux capturés — dont, parmi eux, le poète sous forme de cerf — en de fascinants jeunes hommes. Le poème se termine en exaltant l’image du pouvoir rédempteur de l’amour (leitmotiv dans l’œuvre de Boccace).
Ce poème constitue une louange de la beauté des femmes de la ville, ce qui le rapproche de la Vita nuova de Dante. Cependant, il comporte de claires influences de la poésie alexandrine et le thème abordé reprend les topiques des joyeuses galanteries des littératures courtoises françaises et provençales.

Filocolo

Filocolo est un roman en prose, long et embrouillé, qui raconte la légende de Floire et Blancheflor, de tradition française et très diffusée en diverses versions au Moyen Âge. Il est très possible que Boccace se soit inspiré de l’œuvre toscane Il Cantare di Fiorio e Biancofiore, celle-ci étant basée sur un poème français du xiie siècle.
L’œuvre a probablement été composée entre 1336 et 1338, à la demande de Fiammetta, comme l’affirme Boccace dans le prologue. Le titre, inventé par l’auteur, signifie quelque chose comme « fatigue d’amour », en mauvais grec.
L’histoire se forme autour des malheurs de deux jeunes amoureux. Fiorio, fils du roi Félix d’Espagne, et Biancofiore, orpheline accueillie à la cour par piété, qui est en réalité la fille d’une famille de nobles romains, décédés lors de leur pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle. Les deux jeunes gens ont été élevés ensemble et sont tombés amoureux à l’adolescence. Le roi, pour empêcher leur union, vend Biancofiore comme esclave à des marchands qui la cèdent à l’amiral d’Alexandrie. Florio, désespéré, prend le nom de Filocolo et part à la recherche de son aimée ; lorsqu’il la retrouve, son identité est découverte et il est réduit en captivité. L’amiral condamne les deux jeunes gens à mort. Juste avant leur exécution cependant, l’amiral reconnaît son neveu en Florio et découvre l’origine noble de Biancofiore. Les deux amants peuvent alors retourner en Italie et s’unir.
Dans le prologue de l’œuvre, après une description des origines du royaume de Naples utilisant de nombreuses allusions mythologiques, Boccace relate sa rencontre avec Fiammetta et comment est né son amour pour elle, l’apercevant un Samedi Saint dans l’église d’un couvent. C’est elle qui lui a demandé d’écrire un poème en « vulgaire », c'est-à-dire un roman. On peut classifier le Filocolo dans le genre littéraire du roman byzantin.

Filostrato

Filostrato est un poème narratif formé autour de la thématique classique. Il est divisé en huit chants écrits en ottava rima. Le titre, formé par un mot grec et un mot latin, peut se traduire approximativement par « Abattu par l’amour ».
La thématique du poème est tirée de la mythologie grecque : Boccace raconte l’amour de Troïlos, fils de Priam, envers Cressida, fille de Calchas, le devin grec aide d’Agamemnon. Troïlos gagne l’amour de Cressida avec l’aide de son ami Pandare. Cependant, lors d’un échange de prisonniers, Cressida est envoyée dans le campement grec. Là, le héros grec Diomède tombe amoureux d’elle et la jeune femme s'éprend également de lui. Troïlos se rend compte de la trahison de son aimée lorsque le troyen Déiphobe lui amène un vêtement de Diomède pris lors d’une bataille, orné d’une broche appartenant à Cressida. Furieux, Troïlos se lance dans la bataille afin d’affronter son rival ; il inflige des pertes aux troupes grecques, mais est abattu par Achille avant qu’il n'ait pu trouver Diomède.
L’histoire n’est pas directement inspirée du mythe, mais du Roman de Troie, élaboration médiévale française de la légende troyenne écrite par Benoît de Sainte-Maure (xiie siècle) dont Boccace a lu la version italienne de Guido delle Colonne. Le poème de Boccace a ensuite trouvé écho dans Troïlus et Criseyde de Geoffrey Chaucer.
L’histoire de Filostrato peut se lire comme la transcription littéraire de ses amours avec Fiammetta. L’ambiance du poème rappelle la cour de Naples, et la psychologie des personnages est décrite par de subtiles notes. Il n’existe pas d’accord sur la date de la composition : certains pensent que le texte a été écrit en 1335, d’autres considèrent qu’il date de 1340.

Teseida

Selon certains auteurs, la Teseida (de son nom complet Teseida delle nozze di Emilia – « Teseida des noces d’Emilia ») est le premier poème épique composé en italien. Tout comme dans Filostrato, la rime utilisée est la « ottava rima ». Boccace raconte les guerres que le héros grec Thésée mena contre les Amazones et contre la cité de Thèbes. Le poème est divisé en douze chants, imitant l’Énéide de Virgile et la Thébaïde de Stace.
L’épopée constitue le sujet principal mais Boccace ne délaisse pas complètement le thème amoureux. La Teseida fait le récit de l’affrontement entre deux jeunes habitants de Thèbes, Palemon et Arcita, afin de conquérir l’amour d’Emilia, sœur de Hippolyte (la reine des Amazones). L’œuvre contient une longue et alambiquée lettre à Fiammetta, ainsi que douze sonnets qui résument les douze chants du poème.

Comedia delle ninfe fiorentine

Le Triomphe de Vénus, Angelo Bronzino
La Comedia delle ninfe fiorentine (Comédie des nymphes florentines), également connue sous le nom de Ninfale d'Ameto ou simplement Ameto, d’après le nom du personnage principal, fut probablement composée entre 1341 et 1342. Il s’agit d’une fable idyllique allégorique, écrite en prose, alternant des fragments en tercets enchaînés. Cette forme n’est pas nouvelle, on la retrouve dans de nombreuses œuvres médiévales, comme la Vita nuova de Dante ou De nuptiis Philologiae et Mercurii (Noces de Mercure et la Philologie), de Martianus Capella. Encore une fois, le thème de Boccace réside dans le pouvoir rédempteur de l’amour qui permet à l’humain de passer de l’ignorance à la connaissance et à la compréhension du mystère divin.
L’œuvre commence avec le berger Ameto qui erre dans les bois d’Etrurie où il aperçoit un groupe de magnifiques nymphes se baignant au son du chant de Lia. Ameto, fasciné par le chant de la nymphe, s’éprend d'elle et se dévoile aux nymphes. Le jour consacré à Vénus, sept nymphes se réunissent autour de Ameto et lui content leurs histoires amoureuses. Après avoir écouté leurs récits, Ameto, sur ordre de la déesse, prend un bain purificateur lui permettant de comprendre la signification allégorique des nymphes (qui représentent les vertus théologales et cardinales), celle de sa rencontre avec Lia (qui implique sa propre transformation de l’état animal à humain, ouvrant la possibilité de connaître Dieu).
Thème et ambiance sont cependant très différents ; la structure de cette œuvre annonce déjà celle de son œuvre principale le Décaméron.

Amorosa visione

L’Amorosa visione est un poème allégorique en tercets enchaînés composé, comme l’Ameto, au début des années 1340, lorsque l’auteur réside à Florence. Il se divise en cinquante chants brefs. Suivant la structure de la visio in somnis (« vision en songes »), il relate comment une très belle femme, envoyée par Cupidon au poète, l’invite à abandonner les « vains plaisirs » pour trouver la vraie félicité. La femme guide le poète vers l’étroite porte (représentant la vertu) d'un château dont il refuse de franchir le seuil préférant y accéder par la grande (symbole de la richesse et des plaisirs mondains). Deux salles du château sont ornées par des fresques dignes de Giotto : celles de la première salle représentent les triomphes de la Sagesse – entourée par des allégories des sciences du trivium (grammaire, dialectique et rhétorique) et du quadrivium (géométrie, arithmétique, astronomie et musique) —, de la Gloire, de la Richesse et de l’Amour. La deuxième salle représente la triomphe de la Fortune. Sur les fresques, de nombreux personnages historiques, bibliques et mythologiques côtoient de célèbres hommes de lettres. À la suite de la contemplation des peintures, le poète sort dans le jardin où il rencontre d’autres femmes : la « belle Lombarde » et la « Nymphe sicule » (qui pourrait être Fiammetta). Le poème se termine abruptement peu après.
L’Amorosa visione présente plusieurs similitudes avec la Divine Comédie. La critique l’a également comparé à une autre œuvre de caractère allégorique, les Triomphes de Pétrarque. Selon certains auteurs, le modèle de ce château allégorique est Castelnuovo di Napoli, dont les salles furent décorées de fresques de Giotto durant l’époque de Robert d’Anjou.

Elegia di Madonna Fiammetta

Elegia di Madonna Fiammetta, probablement écrit entre 1343 et 1344, a été qualifié par la critique de « roman psychologique ». En prose, il se présente comme une longue lettre. La protagoniste, Fiammetta, relate son amour juvénile pour Pamphile, dans le décor dans la ville de Naples. Cette relation se termine lorsque Pamphile doit partir à Florence. Se sentant abandonnée, Fiammetta tente de se suicider. Vers la fin de l’œuvre, la protagoniste reprend espoir lorsqu’elle apprend que Pamphile est de retour à Naples, mais découvre avec amertume qu’il s’agit d’une personne portant le même nom. L’auteur dédicace l’œuvre aux « femmes amoureuses ».
Malgré la forte composante autobiographique – la relation de l’auteur avec l’énigmatique Fiammetta, qui se déroula d’une manière relativement différente -, son traitement de la passion amoureuse trouve des réminiscences dans des œuvres littéraires comme les Héroïdes d’Ovide, Pamphilus de amore d’un auteur anonyme, ou De Amore d’Andreas Capellanus.

Ninfale fiesolano

Ninfale fiesolano, écrit entre 1344 et 1346, est une fable étiologique destinée à expliquer les noms de deux fleuves de Toscane : Africo et Mensola. D’inspiration pastorale – comme l’Ameto —, elle est écrite en ottava rima, et raconte l’histoire des amours entre Africo et la nymphe Mensola ainsi que la naissance de leur enfant, Proneo.
Selon cette œuvre, les collines de Fiesole étaient habitées par les nymphes dédiées au culte de Diane et à la chasse. Le berger Africo s’éprit de l’une d’elles, Mensola, mais, à chaque fois qu’il s’approchait, les nymphes s’enfuyaient apeurées. Le père d’Africo, Girafone, essaya de le dissuader, lui contant l’histoire de Mugnone, transformé en fleuve pour avoir osé aimer une nymphe. Africo, cependant, persévèra et, aidé par Vénus, s’unit à son aimée. Mensola, enceinte, fuit la compagnie d'Africo. Pensant être méprisé par son aimée, celui-ci se suicida en plongeant dans la rivière qui porte ensuite son nom. Diane découvrit l’accouchement de Mensola et la maudit ; la jeune femme se suicida dans le cours d'eau qui prit son nom. Son fils, élevé par les parents d’Africo, devint l'un des premiers habitants de la ville de Fiesole.
L’œuvre a une grande influence sur les œuvres pastorales des siècles suivants, comme Stanze de Angelo Poliziano, ou Nencia da Barberino de Laurent le Magnifique.

Œuvres de maturité, Décaméron

Durant la peste qui frappe la ville de Florence en 1348 et dont l’auteur a été témoin, trois jeunes hommes et sept jeunes femmes se réunissent à l’église Santa Maria Novella et prennent la décision de s’isoler dans une villa lointaine pour échapper à la peste.
Dans ce lieu, pour éviter de repenser aux horreurs vues, les jeunes gens se racontent des contes les uns aux autres. Ils restent durant quatorze jours dans la villa mais sans raconter d'histoire les vendredis et samedis. Le titre vient donc de ces dix journées de contes. Chaque jour, un participant tient le rôle de « roi » et décide du thème des contes. Cependant, le premier et le neuvième jours, cette règle n'est pas appliquée. Au total, l'œuvre se compose de cent récits de longueur inégale.
Les sources qu’utilise Boccace sont variées : des classiques gréco-romains aux fabliaux français médiévaux.

Corbaccio

Corbaccio a été écrit entre 1354 et 1355. Il s’agit d’un récit dont la trame, fine et artificieuse, n’est qu’un prétexte pour agencer un débat moral et satyrique. Par son ton et sa finalité, l’œuvre s’inscrit dans la tradition de la littérature misogyne. Le titre fait certainement référence au corbeau, considéré comme symbole de mauvais présage et de passion sans contrôle ; pour d’autres critiques, on le doit à l’espagnol corbacho (la verge qu’utilisait le contremaître pour fustiger les galériens). Le sous-titre de l’œuvre est Laberinto d'Amore, labyrinthe d’amour. La première édition fut réalisée à Florence en 1487.
Le ton misogyne du Corbaccio est probablement une conséquence de la crise que provoque la relation de l’auteur avec un moine siennois[Qui ?]. Il existe de nombreuses œuvres littéraires dans la tradition occidentale de caractère misogyne, depuis Juvénal à Jérôme de Stridon.
La composition trouve sa source dans les amours infructueuses de Boccace. Entré dans la quarantaine, il s’est épris d’une belle veuve et lui a adressé des lettres exprimant son désir et son amour. La dame a montré ces lettres à ses proches, se moquant de lui à cause de ses origines modestes et de son âge. Ce livre est la vengeance de l’auteur, dirigée non seulement contre la veuve, mais contre toute la gent féminine.
L’auteur rêve qu’il se déplace dans des lieux enchanteurs (les flatteries de l’amour), lorsqu’il se retrouve soudain dans une jungle inextricable (le Labyrinthe de L’Amour qu’il appelle également la Porcherie de Vénus). Là, transformés en animaux, expient leurs péchés les malheureux trompés par l’amour des femmes. Le défunt mari de la veuve apparaît sous forme de spectre, et lui conte en détail les innombrables vices et défauts de son épouse. Comme pénitence, Boccace doit révéler ce qu’il a vu et entendu.

Autres œuvres marquantes

Boccace est également l’auteur d’une des premières biographies de Dante Alighieri, le Trattatello in laude di Dante, ainsi que d’une paraphrase en tercets enchaînés, la structure de strophes utilisée par Dante dans la Divine Comédie (Argomenti in terza rima alla Divina Commedia).
Citons aussi ses Rimes, recueil de poésies de thème amoureux, et sa traduction en italien des décades III et IV de Tite Live.

Œuvres en latin

Genealogia deorum gentilium (« Généalogie des dieux des païens »), divisé en quinze livres, est une des anthologies les plus complètes de légendes de la mythologie grecque, auxquelles Boccace donne une interprétation allégorique et philosophique. Il commence cette œuvre avant 1350, à la demande de Hugo de Lusignan, roi de Chypre, à qui est dédicacé le livre. Il continue de le corriger jusqu‘à sa mort. Ce livre de référence a été l'un des plus consultés par les écrivains jusque bien tard dans le xixe siècle.

De casibus virorum illustrium

De casibus virorum illustrium (que l’on peut traduire autant par « Des cas d’illustres hommes » tout comme par « des chutes d’illustres hommes ») tente de démontrer la caducité des biens de ce monde et le caractère arbitraire de la fortune. L’auteur illustre son propos par une série d’histoires où apparaissent des personnages de toutes les époques : depuis Adam jusqu'à ses contemporains, les récits se structurent en neuf livres. L’œuvre est dédicacée à Mainardo Cavalcanti. Boccace en a certainement commencé l'écriture vers 1355, mais n'a pas complété l'ouvrage avant 1373–1374.

De claris mulieribus

Imitant la collection de biographies De viris illustribus de Pétrarque, Boccace compose entre 1361 et 1362 une série de biographies de femmes célèbres. Elle est dédicacée à Andrea Acciaiuoli, comtesse d’Altavilla. Elle a servi de base à de nombreux écrivains dont Geoffrey Chaucer, auteur des Contes de Canterbury. Cet ouvrage a été traduit du latin en italien par le "Signeur Luc-Antonio Ridolfi, puis de l'italien en françoys par Guillaume Rouville, qui était aussi imprimeur à Lyon. La traduction française a été publiée le 12 septembre 1551 (à Lyon chez Guill. Rouville à l'Escu de Venise) sous le titre de:"Des Dames de Renom".

Autres œuvres en latin

Dans la même lignée de la Genealogia deorum gentilium, Boccace écrit un répertoire alphabétique des toponymes apparaissant dans les œuvres classiques de la littérature latine qu’il intitule De montibus, silvis, fontibus, lacubus, fluminibus, stagnis seu paludis, et de nominibus maris liber ; ce répertoire est publié en 1360. L’écrivain compose également seize églogues suivant les modèles de Virgile et de Pétrarque, Bucolicum carmen, publiés en 1367, et vingt quatre épîtres, dont ne sont conservées que deux traductions en italien.

Publications au XIXe siècle

Les œuvres diverses de Boccace ont été publiées à Florence ou plutôt à Naples en 1723 et 1724, en 6 volumes in-8 ; il faut y joindre le Décameron, dont un in-folio est l'édition la plus ancienne (Venise, 1471), , et dont un in-4 constitue la plus précise (Florence, 1597).
On peut se contenter de l'édition de Paris, 1768, 3 volumes in-12, ou de Milan, 1803, le volume in-8. On recherche encore l'ancienne traduction française de Jean Martin, réimprimée à Paris en 1757 (5 volumes in-8) ; l'abbé Sabatier de Castres en a rajeuni le style en 1779 (40 volumes in-18, réimprimés en 1804). Une traduction publiée sous le nom de Mirabeau, (Paris, 1802, 4 volumes in-8) n'a pas eu de succès.


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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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