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#221 Re: Roger Le Loup dessinateur
Iktomi Posté le : 24/11/2013 15:16
Merci pour ce très beau et très complet sujet sur Leloup.


#222 Henri de Toulouse-Lautrec
Loriane Posté le : 23/11/2013 23:07
Le 24 Novembre 1864 à Albi naît Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa,

mort à 36 ans le 9 septembre 1901 au château Malromé à Saint-André-du-bois,

c'est un artiste peintre, dessinateur, illustrateur et lithographe français de la fin du XIXe siècle, il incarne l'école postimpressioniste des arts nouveaux
Son oeuvre principale est " La Goulue" de 1891.

Toulouse-Lautrec , c'est une vie. Une vie singulière, entièrement commandée par un événement initial, accidentel, aux conséquences effroyables.
Comme cet homme ainsi marqué d'un sceau fatal fut un artiste, on ne peut étudier son art sans tenir compte de sa biographie.
Au reste, son cas est analogue à celui de quelques grands artistes et grands poètes contemporains, apparus dans une société bourgeoise fortement structurée, ayant ses croyances, ses modes, sa morale, et qui ont trouvé dans les particularités de leur destin une incitation à s'exprimer en totale opposition à tout ce conformisme.
Ainsi, il s'est produit, dans le domaine des formes et des idées, au cours des vingt dernières années du XIXe siècle, une rupture due à la subjectivité de quelques hommes de génie.
Et le terme de génie prend ici tout son sens de différence radicale et décisive.
Toulouse-Lautrec a été un de ces hommes. Si, en tant qu'artiste, il doit être considéré comme une des sources de ce qu'on appellera l' expressionnisme, c'est que son drame personnel a fait naître en lui un besoin d'expression d'une violence extrême.
C'est cette violence d'expression qui constitue son art et son style.

La condition de Toulouse-Lautrec

Henri de Toulouse-Lautrec est né à Albi, du comte Alphonse de Toulouse-Lautrec-Monfa et de la cousine de celui-ci, Adèle Tapié de Céleyran.
Vieille noblesse occitane, qui remonte peut-être aux comtes de Toulouse, héros des guerres cathares. Et noblesse campagnarde, confinée dans sa province et dans des traditions chimériques.

Le comte Alphonse de Toulouse-Lautrec Monfa avait épousé sa cousine germaine Adèle Tapié de Celeyran.Au XIXe siècle, les mariages dans la noblesse se faisaient couramment entre cousins afin d'éviter la division des patrimoines et l'amoindrissement de la fortune. Ce fut le cas des parents d'Henri, Alphonse de Toulouse-Lautrec-Monfa et Adèle Tapié de Celeyran, qui étaient cousins au premier degré. Ils eurent deux garçons dont Henri était l'aîné ; quatre ans plus tard naquit son frère Richard-Constantin, qui mourut un an après.
L'incompatibilité d'humeur entre les deux époux entraîna leur séparation et Henri resta sous la garde de sa mère.
Cette consanguinité fut peut-être une des causes de la faible constitution de leur fils. Celui-ci naquit à Albi, mais passa son enfance à Paris et dans l’Aude, au château de Celeyran, dans une atmosphère familiale aristocratique où prévalaient le sens de la gloire et du courage et le goût passionné du cheval et de la chasse. Mais, comme son père, comme son aïeul, comme ses deux oncles, Henri de Toulouse-Lautrec adorait dessiner. Lorsqu’il fut atteint, en 1878, d’un mal osseux qui, après deux fractures des fémurs, s’avéra incurable, il surmonta son infirmité en s’acharnant au travail : il reçut alors des leçons de René Princeteau, peintre animalier de talent, qui était un ami de son père. Très vite, à son exemple, il peignit des chevaux fringants
Le jeune garçon est élevé dans les propriétés de la famille, puis il ira au lycée à Paris.
Son père est un personnage extravagant, féru de courses et de chasses. D'ailleurs, tout cet énorme groupe tribal vit dans la familiarité des chiens et des chevaux, et ceux de ses membres qui ont un brin de talent de dessinateur ou d'aquarelliste – talent souvent remarquable – en font leurs modèles favoris à côté de portraits de parents.
La mère du jeune Henri est une créature malheureuse, d'une douceur et d'une sensibilité qui tranchent avec les allures de ce petit monde féodal. Elle sera adorée de son fils.

Henri de Toulouse-Lautrec eut une enfance heureuse jusqu'au moment où débuta en 1874 une maladie qui affectait le développement des os, la pycnodysostose.
Ses os étaient fragiles et, entre mai 1878 et août 1879, il souffrit d'une fracture au fémur à chaque jambe, qui l'empêcha de grandir au-delà d'une taille de 1,52 m.
Deux accidents, à quelques mois de distance, en 1878, font de ce fils un nabot.
Il a quatorze ans. Son sort est dès lors tracé : celui d'un marginal, sinon d'un monstre. Le buste témoigne encore de l'homme vigoureux, sportif, amateur d'équitation, de natation, de navigation, qu'il eût dû rester, que, furieusement, il s'acharne à rester pour la rame et la voile. Les jambes sont raccourcies, torses, atrophiées. La tête, là-dessus, semble démesurée.
Néanmoins, toute blessée, injuriée qu'elle est, la vitalité de cet être se montre encore impatiente, éclate en un besoin forcené de déambulation en une bousculade de propos fantasques.
On essaya de le guérir au moyen de décharges électriques et en lui plaçant à chaque pied une grande quantité de plomb.
Son tronc était d'une taille normale, mais ses jambes étaient trop courtes. Il avait des lèvres et un nez épais.
Il avait un cheveu sur la langue, ce qui le faisait zézayer en parlant. Il en jouait, faisait le provocateur dans les salons.
Il se fera même photographier nu sur la plage de Trouville-sur-Mer, en enfant de chœur barbu, ou avec le boa de Jane Avril dit "Mélinite", tout en étant très conscient du malaise que suscitait son exhibitionnisme.

En juillet 1881, Henri échoue au baccalauréat à Paris, mais est reçu à Toulouse à la session d'octobre.
C'est alors qu'il décida de devenir artiste. Soutenu par son oncle Charles et René Princeteau, ami de son père et peintre animalier, il finit par convaincre sa mère. De retour à Paris, il rend visite à René Princeteau, dans son atelier au 233, de la rue du Faubourg-Saint-Honoré.
La vocation de Lautrec a éclaté très tôt, encouragée par ce peintre ami de la famille. Princeteau, sourd-muet, donc touché, sans doute, de se découvrir un petit frère dans un autre infirme. Cette vocation, d'emblée, brûle les étapes.
Mais il ne se peut que l'avilissement physique ne transperce, dans l'expression du visage, la beauté du regard derrière le binocle, les lèvres épaisses et tristes, encadrées par la faunesque rudesse de la barbe et de la moustache.
Cet homme, plus qu'aucun autre, a pris conscience de ce que peut devenir un destin absurde quand plus rien ne l'arrête : on croirait qu'il va toucher au tragique, au sublime. En réalité, il atteint le niveau du grotesque.
Le jeune Lautrec trouve, alors, dans le dessin le moyen le mieux approprié à rendre cette vérité de caractère et de relief, presque caricaturale, qui, pour lui, est la vérité des gens et des choses, celle de tous les personnages de son entourage, y compris, bien entendu, les chevaux.
En peinture aussi il use d'un coup de brosse léger, nerveux, produisant la même sorte d'effet.
En 1882, il s'installe à Paris avec la candide intention de faire son apprentissage en commençant par l'école des Beaux-Arts. Mais bientôt il découvre ce qui, en authentique matière d'art, se passe à Paris : la fondation des Indépendants, la huitième et dernière exposition des impressionnistes, Degas, Van Gogh, Gauguin.

L'osmose montmartroise

Il a loué un atelier au coin de la rue Tourlaque et de la rue Caulaincourt, à Montmartre, désormais sa patrie. Il est chez lui au cirque Fernando, au Moulin de la Galette, au Moulin-Rouge, dans les cabarets, le Mirliton où règne Aristide Bruant, les bals, les buvettes populaires, et çà et là, par contraste, trouve un lambeau de végétation sauvage et obstinée, comme le jardin du père Forest.

On le considérait comme l’âme de Montmartre, le quartier parisien où il habitait.
Ses peintures décrivent la vie au Moulin Rouge et dans d’autres cabarets et théâtres montmartrois ou parisiens, il peint Aristide Bruant ainsi que dans les maisons closes qu’il fréquentait et où peut-être il contracta la syphilis.
Il avait notamment une chambre à demeure à La Fleur blanche.
Trois des femmes bien connues qu’il a représentées étaient Jane Avril, la chanteuse Yvette Guilbert et Louise Weber, plus connue comme La Goulue, danseuse excentrique qui créa le "cancan", enfant de Clichy dans les Hauts-de-Seine où elle travailla comme blanchisseuse avec sa mère.
Toulouse-Lautrec donnait des cours de peinture et encouragea les efforts de Suzanne Valadon, un de ses modèles qui fut probablement sa maîtresse

Toulouse-Lautrec est un génie urbain. Il ignore l'air et la lumière de la nature et les problèmes que les éléments ont posés à ses prédécesseurs, ses amis, les impressionnistes.
À la ville, surtout la ville des villes, Paris, il en va autrement : on y est presque exclusivement sensible aux êtres humains.
La rue n'est pas une atmosphère, ni un site ou un décor, mais le lieu – pareil à certains autres spécifiquement établis et désignés – où des êtres humains se manifestent par leur geste, leur physionomie, leur habillement, et si vite que l'œil n'en retient que quelques traits, une silhouette, un signe graphique.
Cette même ville, le malheureux Lautrec est incapable de participer à sa vie tumultueuse par le travail social ou la relation mondaine.
Il n'en connaît donc qu'un fragment, et dans lequel toute vie se réduit aux artifices du spectacle et du plaisir, et se concentre dans la nuit.
Étourdissant de cocasserie, brûlé d'alcool, il vagabonde à travers la nuit, à l'aide de son petit bout de canne, de son crochet à bottine, en compagnie de ses amis, qui l'adorent malgré son despotisme, et dont le nombre ira croissant, son camarade de lycée et futur biographe Maurice Joyant, le cousin Gabriel Tapié de Céleyran, Paul Leclercq, Maxime Dethomas, les peintres Bonnard et Vuillard, créateurs d'un nouveau modernisme, les écrivains de la Revue blanche , Thadée Natanson qui a laissé sur lui le plus beau livre de souvenirs qui soit, Tristan Bernard, Romain Coolus – et tant d'autres qui sont, comme lui, curieux de rencontres saugrenues et poétiques, mais aussi amateurs et connaisseurs, et très raffinés. Amateurs et connaisseurs d'un certain art que produit la vie lorsqu'elle se résume ainsi en un artifice.
Mais cet art de l'artifice est prodigieux.
Le travail, tel que nous l'entendons avec sa nécessité vitale et sa finalité sociale, est banni de ce monde fermé du Montmartre nocturne : c'est exact, mais il convient d'observer que l'artifice et le plaisir ne s'obtiennent pas sans un travail d'une autre sorte et dépourvu d'utilité générale, travail quand même, que notre bande de connaisseurs sait apprécier, travail d'une tension formidable et d'une minutie horlogère, et qui assure la perfection du bond de l'écuyère, de l'entrechat de la danseuse, du tour de chant de la divette de café-concert.
Thadée Natanson nous conte que Lautrec voyait partout une question de technique ; technique était un de ses mots favoris, et il l'articulait avec une gravité comique : tek-nik.
Technique aussi sans doute l'art du chirurgien dont Lautrec s'émerveillait autant que de celui de cette belle machine pleine de risques qu'était le quadrille du cancan. Le cousin Gabriel, qui faisait sa médecine, l'avait conduit aux grandes représentations que donnait à son hôpital, dans ses opérations chirurgicales publiques, le professeur Péan, virtuose du scalpel, en habit noir, lui aussi, qui est la tenue de la scène, de la haute noce et de tous les offices nocturnes.
Lautrec en tirera nombre de dessins à l'encre et deux tableaux.

L'art de Montmartre et l'art de Lautrec

Vers 1890, il se détache de l'impressionnisme triomphant et se rapproche plutôt des indépendants, comme Renoir. Mais son véritable maître est Degas.
C'est à Degas que Toulouse-Lautrec doit son sens aigu de l'observation des mœurs du Paris nocturne et son intérêt pour les sujets naturalistes : "la Blanchisseuse", en 1889, collection privée.
Familier des cabarets de Montmartre, il croque tout un peuple d'artistes et de clients qu'il fait passer à la postérité. Après avoir vécu plusieurs années dans le quartier, il s'installe aux Champs-Élysées, mais, tous les soirs, il revient faire la fête à Montmartre, où il a toujours une table réservée – non seulement au Moulin-Rouge, mais au Rat-Mort, aux bals du Moulin de la Galette et de l'Élysée-Montmartre. Il a également ses entrées au Chat-Noir de Rodolphe Salis, au Mirliton d'Aristide Bruant, au Divan japonais, à la Scala et aux Ambassadeurs.

Toulouse-Lautrec recherche les mises en page savantes, le découpage arbitraire de la toile, les grands vides dynamiques : M. Boileau au café, 1893, Cleveland. Sa couleur est somptueuse, avec des verts et des rouges intenses, des ombres bleues, des lumières artificielles étranges. Il peint le plus souvent sur un épais carton dont le brun ou le gris apparent forme le fond du tableau Femme au boa noir, 1892, musée d'Orsay. Il exécute les personnages soit à l'huile, soit à l'essence (Marcelle, 1894, Albi, avec parfois des rehauts de gouache claire Missia Natanson, 1895, collection privée.
Le génie du dessin
Toulouse-Lautrec fournit à l'occasion des dessins satiriques aux journaux le Mirliton, le Rire, l'Escarmouche….
Il réalise des maquettes de décors et de programmes pour le théâtre de l'Œuvre de Lugné-Poe et pour le Théâtre-Libre d'Antoine. Alors que sa réputation de grand artiste est établie, il s'enfonce dans l'éthylisme et, en 1899, il est frappé d'une crise de delirium tremens. Au cours de son internement, il exécute de mémoire, aux crayons de couleur, une série de dessins sur le cirque, Au cirque, le salut.
Dès sa première attaque de paralysie, il liquide son atelier parisien et rejoint sa mère en Gironde, où il s'éteint à l'âge de 36 ans. Un millier de ses œuvres sont exposées au musée Toulouse-Lautrec d'Albi.

Créateur d'une vision légendaire du Paris de son époque, Henri de Toulouse-Lautrec fut aussi le promoteur d'une nouvelle esthétique du portrait. Dessinateur d'instinct, il voulut, selon sa propre expression, faire vrai et non idéal, et demeure en marge de toute école
L'art de Lautrec s'est donc formé à l'imitation d'une réalité entièrement transmuée en spectacle, mais en spectacle lui-même monté avec un art savant et prestigieux. Ses acteurs ont bien mérité leur gloire, si amer qu'en soit souvent le déclin. Mais, dans le moment de son éclat, cette gloire était pleinement justifiée.
Il n'est déesse mythologique ni princesse de l'histoire qui ait été célébrée de plus fière, gracieuse et magnifique manière que La Goulue, telle que, entrant au Moulin-Rouge, nous la présente un tableau de 1892.
À l'occasion d'un tel chef-d'œuvre, il faut reconnaître en Lautrec un de ces artistes privilégiés – privilège d'autant plus étonnant qu'il est celui d'un amoureux difforme – pour qui la femme, tout d'elle, son corps comme ses toilettes et ses attitudes et les infinies possibilités qu'elle peut avoir de se montrer, constitue une inépuisable promesse de mystère et de beauté.
Thadée Natanson, dans son livre, a consacré à la femme et aux femmes, et à la richesse de variations qu'elles offrent à un voluptueux – surtout de l'espèce de Lautrec – des pages et des pages d'étourdissants croquetons.

Les vedettes, donc, que ce soit la Goulue, Valentin le Désossé, Jane Avril, tant d'autres qui ont alors fait courir tout Paris, inspirent, par l'art qu'elles créent sur la scène, l'art que Lautrec crée dans ses peintures, ses dessins, ses lithos, ses affiches.
Ses affiches, c'est peut-être par là qu'il se rapproche le plus du génie de ses modèles, d'abord parce qu'elles lui permettent d'affronter, comme eux, un public bien plus vaste que celui des Salons et des expositions, le public de la rue.
Ensuite, parce que c'est dans l'affiche, ses lignes nettes, ses fulgurants aplats de couleur, son pouvoir d'attirer l'œil du passant et de le maintenir subjugué, et dès lors obsédé, que l'art de Lautrec s'assimile à celui de la vedette seule sur la scène, et en même temps atteint au sommet de lui-même, à sa plus vive expression, à toute l'impérieuse pureté de son style.

La vedette peut onduler comme une arabesque ou se désarticuler comme un mannequin. Il n'est rien de ce qu'elle est, costume compris, rien de ce qu'elle fait jusqu'à la pointe de son pied, de son sourire, de son œil ou d'une plume de son boa qui n'exprime quelque chose et par conséquent ne se traduise, dans l'expression graphique, en un trait, un angle, un point, une courbe.
L'adorable Yvette Guilbert a vécu assez longtemps pour qu'on puisse enregistrer sa voix chantant les chansons qu'elle interprétait avec une froide impertinence au temps de ses fameux gants noirs.
Ainsi nous est-il donné de savourer son art incomparable de l'énonciation, de l'articulation, qui confère aux plus secrètes et par conséquent ironiques intentions une si incisive netteté.
Mais tout le style de Lautrec se retrouve dans cette netteté comme il se retrouve dans les chansons d' Aristide Bruant et qui sont de suprêmes chefs-d'œuvre de la poésie française dans la filiation de Rutebeuf et de Villon.
Que dire de ce pantalon : On étal', son culbutant / Minc' des g'noux et larg' des pattes , sinon qu'il est dessiné par le crayon de Toulouse-Lautrec ? En tout cela, même miracle : celui d'un art absolument salubre et sec.

Les filles

Dans la période allant de 1888 à 1892, on peut citer comme chefs-d'œuvre de la peinture de Lautrec d'abord ce pétulant souvenir de l'enfance et des origines : Le Comte Alphonse de Toulouse-Lautrec conduisant son mail-coach à Nice en 1881, Petit Palais, Paris, puis Gueule de bois ou la Buveuse, pour qui posa Suzanne Valadon, La Danse au Moulin-Rouge en 1890.
Il peint aussi des pierreuses et autres aimables ombres passagères qui n'ont laissé qu'un prénom ou un surnom, Berthe la Sourde, Casque d'Or.
Plus tard, la fête montmartroise descend vers le Paris de luxe, les Champs-Élysées sous les feuillages desquels scintillent le Jardin de Paris, les Folies-Bergère où la Loïe Fuller jette tous ses feux, les bars anglais du quartier de la Madeleine que fréquentent les jockeys, les lads, les cochers et les clowns Footit et Chocolat.
De nouveaux personnages illustrent la comédie de Lautrec : la clownesse Cha-u-kao, la chanteuse irlandaise May Belfort en qui il retrouve quelque chose de l'étrange charme acide de Jane Avril, la danseuse anglaise May Milton, l'extraordinaire Marcelle Lender, qu'il immortalise dans une de ses plus fougueuses grandes compositions : Marcelle Lender dansant le boléro de Chilpéric en 1895-1896.
Mais il s'intéresse aussi à la Comédie-Française et à toute la vie théâtrale parisienne, en fait entrer dans sa galerie les plus fameuses figures, Sarah Bernhardt, Ève Lavallière, Rose Caron, Réjane, Moréno, Pollaire.
Cependant, la nostalgie lui revient d'un passé plus mystérieux : il l'a sans doute ressentie lorsqu'il a retrouvé la Goulue tombée dans la débine et qu'il a peint deux grands panneaux pour sa baraque de foire.
On touche ici au fond le plus humain de cet être exclu de l'ordre commun, et plus encore lorsqu'on le suit dans le caprice qui lui est venu vers 1892 de prendre parfois pension dans les maisons closes, d'y vivre dans l'intimité des femmes tombées au plus bas degré de l'aventure féminine et auxquelles il réserve les secrets de sa gentillesse, de sa fraternelle attention à toute infortune et, en somme, de son culte de la femme, laquelle, sous quelque aspect que le destin l'oblige à se présenter, reste toujours la plus merveilleuse des créatures.
Les siècles les plus épris de cette souveraine des cœurs, par exemple le XVIIIe, n'ont rien produit de plus aigu, de plus séduisant que les médaillons du bordel de la rue d'Amboise. Et celui de la rue des Moulins lui a inspiré l'étrange et, en vérité, très simple et pur chef-d'œuvre tranquillement intitulé Au salon. Un suprême hommage à ces femmes de vie conventuelle et misérable, qu'il emmenait en promenade ou au théâtre leur jour de sortie, est l'album de lithographies Elles 1896.

L'art consacré à ce thème, comme d'ailleurs à tous les thèmes de Lautrec, marque trop ce que ceux-ci, comme leur auteur, ont d'excentrique, d'en dehors, pour être classé comme art naturaliste ; il ne relève pas du genre alors dominant : le naturalisme.
Certes, il peint les mœurs du temps, c'est un art de moraliste, mais non d'un froid moraliste, ni non plus d'un moraliste satirique.
Degas, à qui on ne peut manquer de comparer Lautrec, est, lui, un moraliste de cette sorte, et un naturaliste. Mais s'il l'est avec une si âpre, amère, atroce férocité, c'est que, au bout du compte, il se sent à l'aise dans le monde dont il fait partie.
Il l'injurie parce qu'il en fait partie. Mais le destin a rejeté Lautrec hors de ce monde, et Lautrec ne s'en prend ni au monde ni non plus à lui-même.
Son art est d'autant plus bouleversant que la tristesse qu'on y perçoit très au fond, tout au fond, est d'un caractère absolument pur et comme évangélique

Cet art, il lui a consacré toutes les forces de ce qu'il avait de vie. Il a usé de toutes les techniques et, à la fin, de la pointe sèche, technique bien faite pour son esprit de synthèse et son japonisme. Une de ses dernières œuvres est l'illustration, en 1899, des Histoires naturelles de Jules Renard, dont la prose linéaire et tranchante est congruente à son art. Il faut aussi voir là un dernier témoignage de son amour des bêtes, qui était grand.

Comme Degas également, Toulouse-Lautrec accorde la priorité au dessin. D'un trait rapide et incisif, qui saisit une posture, un mouvement, il définit ou déforme la psychologie d'un personnage. Ses propres portraits sont d'insolentes caricatures. Reflets de toutes ses audaces graphiques, ses affiches publicitaires inaugurent un art de la rue qui fait sensation, Aristide Bruant aux Ambassadeurs, 1892 ; la Revue blanche, 1895 ; la Troupe de Mlle Églantine, 1896.
À l'habileté dynamique des plans et des gestes s'ajoute le jeu subtil des coloris, où s'opposent les orange et les bleus, les rouges et les noirs.
Influencé par l'estampe japonaise, Toulouse-Lautrec exécute plus de 300 lithographies entre 1892 et 1899. Il y retrouve le goût de l'étude de mœurs dans des milieux typés, théâtre, cirque, hippodrome, vélodrome et de l'érotisme féminin Elles, 1896.
Mais, également, il y donne libre cours à son génie de la stylisation, qui l'apparente aux créateurs de l'Art nouveau.

Sa mort.

L'alcoolisme l'a jeté, la même année, dans une crise de fureur et de délire, et il est interné dans une maison de santé de Neuilly.
Au cours même de son traitement, il revient à son cher passé et compose de mémoire et par un prodigieux effort de volonté lucide une éblouissante suite de dessins aux crayons de couleurs, Le Cirque.
Alcoolique pendant la plus grande partie de sa vie d’adulte, il avait coutume de mélanger à son absinthe quotidienne du cognac, au mépris des convenances de l'époque,
il entra dans un sanatorium peu avant sa mort à Malromé, la propriété de sa mère, à la suite de complications dues à l’alcoolisme et à la syphilis, à près de 37 ans.
Remis en liberté, il travaille encore, travaille sans répit, fait des portraits, dont l'émouvante Modiste du musée d'Albi, se partage entre Paris et Bordeaux, recherche la mer, s'acharne fiévreusement. Durant un séjour au Crotoy, chez Maurice Joyant, à un grandiose portrait de celui-ci en cire jaune, sur fond de mer. Mais il laissera inachevée une grande composition sombre : Un examen à la faculté de médecine de Paris. La paralysie le saisit. On le transporte au château de Malormé, auprès de sa mère ; il meurt à trente-sept ans.
Ses derniers mots furent adressés à son père qui était présent au moment de sa mort, faisant allusion aux goûts de cet aristocrate fantasque et passionné de chasse : "Je savais que vous ne manqueriez pas l'hallal."
Au musée "Toulouse LAUTREC " à Albi, Tarn, il est fait allusion aux dernières paroles de l'artiste, adressées à sa mère. Les relations que Lautrec entretenait avec son père ont été sujettes à de nombreuses divagations non fondées. Le peintre n'a jamais été un artiste maudit par sa famille, bien au contraire. Voici la lettre que le comte Alphonse, père de Lautrec, écrit à Gabrielle de Toulouse-Lautrec, sa mère et donc grand-mère du peintre, le soir de la mort de son fils : "Malromé, 9 septembre 1901 : Ah chère Maman, que de tristesses. Dieu n'a pas béni notre union. Que sa volonté soit faite, mais c'est bien dur de voir renverser l'ordre de la nature. J'ai hâte de vous rejoindre après le triste spectacle de l'agonie longue de mon pauvre enfant si inoffensif, n'ayant jamais eu pour son père un mot enfiellé. Plaignez-nous. Alphonse.

Il est enterré à Verdelais en Gironde à quelques kilomètres de Malromé.

Postérité

Après la mort de Toulouse-Lautrec, Maurice Joyant son ami intime, son protecteur, marchand de tableaux voulut mettre en valeur son œuvre avec l'accord de la comtesse de Toulouse-Lautrec, ils donnèrent les fonds nécessaires pour qu’un musée soit créé à Albi, ville où naquit l'artiste.
La comtesse Alphonse de Toulouse-Lautrec de 1841-1930 et Maurice Joyant de 1864-1930 offrirent leur superbe collection de tableaux au musée Toulouse-Lautrec d'Albi.
On dit que Toulouse-Lautrec est un artiste génial dont les remarquables capacités d’observation se sont accompagnées d’une sympathie profonde envers l’humanité.
Il n’a jamais laissé voir quelque regret que ce fût en raison de sa difformité.
Il vécut sa vie pleinement, se fit de nombreux amis et fut toujours accepté malgré sa taille étriquée

Œuvres

Peintures

Portrait de Henri de Toulouse-Lautrec par Giovanni Boldini
Monsieur Boileau 1893
Maxime Dethomas 1896
Au Moulin de la Galette 1889
Bal au Moulin Rouge 1890
Au Moulin Rouge 1892
Salon Rue des moulins 1894
Monsieur Louis Pascal
Femme à sa toilette 1889
Jane Avril 1892
Jane Avril dansant 1892
Yvette Guilbert 1894
La Blanchisseuse 1884-1888
La Goulue arrivant au Moulin Rouge 1892
Seule 1896
Femme enfilant son bas 1894

Affiches

Moulin rouge - La Goulue (1891)
Troupe de Mlle Églantine
Reine de joie 1892
Aristide Bruant dans son cabaret
Jane Avril dans les Jardins de Paris
Divan japonais 1892-1893
Sescau Photographe 1894
Babylone d'allemagne 1894
Le Moulin Rouge : Bal Tous les soirs
La Revue blanche
L'estampe originale

Chansons

Eros Vanné (1894)
À Saint-Lazare c.1892

Musées

Musée Toulouse-Lautrec d'Albi
Musée d'Orsay Paris
Musée de Montmartre Paris

Marché de l'art

Jusqu’en 2005, la vente de ses peintures a produit pas moins de 14,5 millions de dollars américains.
L'Abandon les deux amies, vendu le 4 février 2009 chez Christie's, Londres pour 6,2 M.£.

Hommages

Son rôle est joué par Régis Royer dans Lautrec en 1998, film français réalisé par Roger Planchon et nommé trois fois en 1999 aux César.
Il est aussi interprété par John Leguizamo dans le film australien Moulin Rouge! en 2001, de Baz Luhrmann, et par José Ferrer dans Moulin rouge en 1952 de John Huston.
En 2011, il apparait dans le film de Woody Allen, Minuit à Paris, interprété par Vincent Menjou-Cortès
En 2012, les dernières années de sa vie sont mises en scène par Maurice Lamy dans le spectacle Toulouse Lautrec au théâtre Darius Milhaud à Paris jusqu´au 30 juin.
Dans Les Aristochats, un chaton est baptisé « Toulouse » en son honneur.
En 2010, dans Le vernis craque, téléfilm en deux parties, on peut voir Henri de Toulouse-Laurence interprété par le comédien Laurent Lévy.
Dans le manga Claymore, la région centrale du monde est appelée Toulouse alors que la région occidentale est appel Lautrec, en hommage à celui-ci

Liens

http://youtu.be/cp2kZeX5Sd4 sa vie (Anglais)
http://youtu.be/1I8WHDm31Bk (espagnol)
http://youtu.be/eLPSBKZtgYs en chanson
http://www.ina.fr/video/AFE85010282/l ... ulouse-lautrec-video.html Centenaire INA
http://www.ina.fr/video/RBC9206191248 ... s-de-l-enfance-video.html
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#223 Louis Malle
Loriane Posté le : 23/11/2013 22:32
Dans la nuit du 24/25 Novembre 1995, à Beverly Hills meurt Louis Malle

cinéaste réalisateur français, qui naquit le 30 Octobre 1932 à Thumeries

Films notables Le Monde du silence, Ascenseur pour l'échafaud, Atlantic City, Au revoir les enfants


Louis Malle est né en 1932, à Thumeries dans le Nord au milieu d'une fratrie de trois frères et deux sœurs, dans une famille de la grande bourgeoisie du Nord. Sa mère est une Béghin de l'industrie sucrière "beghin say", son père, ancien officier de marine, est directeur de l'usine de sucre de Thumeries.
Ici, on est patriote par lucidité, mais opportuniste par prudence, d'où certaines fluctuations idéologiques que le jeune garçon eut à connaître, et qu'on retrouve dans un film tel que Lacombe Lucien. Le grand tournant est cette matinée de janvier 1944, au collège des Carmes d'Avon, où un de ses condisciples – juif – est arrêté par la Gestapo et quitte la classe en lui disant simplement “Au revoir”.
Deux heures plus tard, les élèves sont rassemblés dans la cour, et le directeur de l'établissement, le père Jacques, convaincu de complicité avec la Résistance, est arrêté à son tour et envoyé en déportation. Ce souvenir gravé en lui, le cinéaste parviendra à l'exorciser, quarante-trois ans plus tard, dans Au revoir les enfants.

Dès l'âge de 14 ans, il s'initie à la réalisation avec la caméra 8mm de son père. Il pense étudier les sciences politiques à l'Université de Paris mais c'est à ce moment que germe sa carrière de cinéaste.
Brillant élève, Louis Malle semble promis à une carrière sans histoire : sa famille souhaite l'orienter vers Polytechnique.
Mais le ferment de la contestation commence à le ronger. Dans un ciné-club, il découvre La Règle du jeu, de Jean Renoir, et Les Dernières Vacances, de Roger Leenhardt. Sa décision est prise : il sera cinéaste. Dès l'âge de quatorze ans, il commence à tourner de petits films avec une caméra d'amateur.
Il entre à l'I.D.H.E.C. en même temps qu'à Sciences Po, pour rassurer sa famille et, par l'intermédiaire d'un ami, se retrouve sur la Calypso du commandant Cousteau, dont il devient l'assistant – puis le coréalisateur – pour un documentaire sur les fonds marins : Le Monde du silence, qui obtient la palme d'or au festival de Cannes en 1956. Louis Malle est lancé, et met aussitôt en chantier un vrai premier film, dont il se veut l'auteur à part entière : Ascenseur pour l'échafaud en 1958.
Ce qui était au départ un “policier” de série devient une rêverie très personnelle, qui anticipe sur la désinvolture de ton de la nouvelle vague.
Le générique, révélateur de ses goûts raffinés, réunit les noms de Roger Nimier, pour le scénario, Henri Decae, pour la photographie, Miles Davis, pour la musique.
Jeanne Moreau, Maurice Ronet et Lino Ventura en sont les interprètes. Le prix Louis-Delluc consacre un metteur en scène de vingt-quatre ans.

Libre de toute contrainte financière, mais résolu à s'imposer dans le circuit commercial classique, Louis Malle tourne ensuite Les Amants en 1958, d'après Point de lendemain, de Vivant Denon, conte libertin du XVIIIe siècle, mis au goût du jour par Louise de Vilmorin, qui choque les bien-pensants par son amoralisme tranquille. Puis il s'attaque à un texte réputé infilmable de Raymond Queneau, Zazie dans le métro en 1960, où il fait éclater les conventions du récit cinématographique, paie son tribut au star-system, à travers Brigitte Bardot, Vie privée, 1962 ; Viva Maria, 1965 et Alain Delon, un sketch d'Histoires extraordinaires, d'après Edgar Poe, 1968, au risque de rentrer dans le rang de la “qualité française”.
Dans le même temps, il fait preuve d'un superbe non-conformisme en rendant hommage à deux écrivains “maudits” : Drieu La Rochelle, un fasciste, Le Feu follet, 1963, et Georges Darien, un anarchiste, Le Voleur en 1967 ; il s'implique totalement dans ces films, dont Antoine Blondin admire “la mélancolie radieuse que donnent les images de la beauté et de la vérité”.
Le voici rejeté vers le dandysme de droite. Mais il surprend à nouveau son monde en prenant fait et cause pour les trublions de Mai-68, en chahutant aux côtés de Truffaut et de Godard le festival de Cannes et en allant tourner au Bengale un documentaire “engagé”, Calcutta (1969), suivi de “réflexions de voyage” sur L'Inde fantôme.
C'est au même observateur soucieux des réalités sociales que l'on doit un reportage sur les cadences infernales du travail en usine, Humain trop humain en 1974, et un autre sur la jungle des villes, Place de la République en 1974.

Controverse

Il s'attaque à deux tabous : l'inceste dans Le Souffle au cœur en 1971 et la collaboration sous l'Occupation dans Lacombe Lucien en 1974. C'est la gauche, pour le coup, qui fait grise mine et l'accuse de faire le jeu du révisionnisme.

De retour des Indes, il tourne un film lointainement inspiré de Ma mère de Georges Bataille, qui provoque un tollé : Le Souffle au cœur4. Il y évoque la relation incestueuse et romantique entre une mère et son fils. Ce thème est traité sans aucun jugement moral, ce qui sera une constante chez le réalisateur pour qui la vie s'apparente à une série de situations complexes. Il n'y a ni innocents ni coupables ou représentants du bien d'un côté et du mal de l'autre. Pour Malle, le spectateur doit être capable de se faire une opinion, sans condamner d'avance.
Trois ans plus tard, c'est sur un autre thème qu'il provoque une controverse. Dans Lacombe Lucien en 1974 il décrit le progressif engagement d'un jeune homme désœuvré dans la collaboration après qu'il a tenté d'intégrer sans succès la Résistance. Là encore, Malle ne porte aucun jugement, et montre un individu dont l'engagement est essentiellement dû au hasard des circonstances.
Même si une partie de la critique salue le film comme un chef d'œuvre, une autre partie accuse le réalisateur de tous les maux, lui reproche notamment de ne pas avoir vécu assez durement la guerre et juge son travail comme un affront à la mémoire des Résistants.
Cette polémique le décide à s'expatrier aux États-Unis.
Il tourne entre autres à La Nouvelle-Orléans un drame à costume sur la prostitution infantile, La Petite, avec la jeune Brooke Shields puis part pour Hollywood réaliser Atlantic City en 1980, avec Burt Lancaster, Susan Sarandon et Michel Piccoli, film qui raconte les mésaventures d'un truand à la retraite et de sa voisine dans la ville des casinos de la Côte Est.

Suit une époque de flottement, qui coïncide avec des turbulences dans sa vie privée.
Après l'échec d'un film qu'il définit comme un “conte de fées métaphysique”, Black Moon en 1975, il va tenter sa chance aux États-Unis, explorant avec un bonheur inégal des genres disparates : film de gangsters, Atlantic City, avec Burt Lancaster, 1980, défense des minorités, Alamo Bay, sur l'émigration vietnamienne au Texas en 1985, documentaire, God's Country en 1986 et jusqu'à un remake – manqué – du Pigeon, Crackers, avec Donald Sutherland, 1984.
On rangera à part La Petite, avec Brooke Shields, 1978, qui traite de la prostitution enfantine à La Nouvelle-Orléans au début du siècle, et un curieux projet expérimental, My Dinner with André en 1981, simple enregistrement d'une conversation à bâtons rompus entre deux intellectuels américains. Retour en Europe avec Milou en mai en 1989, comédie inspirée par la tourmente de 1968 vue de la France profonde, et Fatale en 1992, version “hard” des Amants, réalisée en Angleterre, avec Jeremy Irons et Juliette Binoche.
Seules réussites incontestables de cette dernière période, aux accents testamentaires : Au revoir les enfants en 1987, retour aux réalités douloureuses de l'Occupation, le film lui vaut un second prix Louis-Delluc, et Vanya 42e Rue en 1994, méditation sur les rapports du théâtre et du cinéma développée en marge des répétitions d'une pièce de Tchekhov dans un théâtre new-yorkais.

Un fil conducteur formel relie cette œuvre : le rôle primordial dévolu à la musique. Passionné de jazz, Louis Malle en parsème ses films, faisant appel ici à Charlie Parker, Sidney Bechet, Django Reinhardt, là à Jelly Roll Morton, Scott Joplin, le New Orleans Ragtime Orchestra ou le Joshua Redman Quartet.
Mais il puise aussi bien dans le répertoire classique : Brahms, Wagner, Erik Satie, Schubert, Saint-Saëns, ou la country music.
Le climat d'une fiction est inséparable, à ses yeux, d'une structure musicale adaptée. Mais il n'est pas moins sensible aux valeurs picturales. Chacune de ses réalisations peut ainsi être regardée comme un tableau – fresque ou allégorie, nocturne ou portrait de groupe.
La référence majeure est ici Matisse, pour la “démarche patiente et réfléchie grâce à laquelle il a élargi son champ de vision, en allant toujours vers une plus grande simplicité, vers l'essentiel” : belle formule qui définit parfaitement sa propre trajectoire.

Vie privée

Il a été marié à Anne-Marie Deschodt de 1965 à 1967. Il a eu un fils, Manuel Cuotemoc, né en 1971, avec l'actrice allemande Gila von Weitershausen et une fille Justine Malle, née en 1974 avec l'actrice franco-canadienne Alexandra Stewart.
Il a épousé l'actrice Candice Bergen en 1980. Ils ont eu une fille, Chloé Malle, née en 1985. Ils sont restés mariés jusqu'à sa mort en Californie, en 1995.
Sa cousine, Françoise Béghin, née en 1938, fille benjamine de son oncle maternel Ferdinand Béghin, est l'épouse de l'écrivain et académicien Jean d'Ormesson.
L'un de ses frères, Vincent Malle, fut un producteur de cinéma.

Documentaires

Au cours de sa carrière, le réalisateur a alterné des films de fiction pure et des documentaires.
Le documentaire le plus connu pour lequel il a collaboré est sans conteste Le Monde du silence qui reste le premier vrai film sur la faune sous-marine.
Coréalisé avec Jacques-Yves Cousteau, ce long métrage marque sa première grande expérience professionnelle pour laquelle il devient scaphandrier.
Quinze ans plus tard, sur l'exemple de Jean Renoir et Roberto Rossellini, il filme la vie des Indiens dans une série de documentaires tels que L'Inde fantôme, réflexion sur un voyage et Calcutta, Prix de la fraternité 1969. Son expérience indienne le fait un temps hésiter à revenir à la fiction.
Il décide ensuite de filmer une autre forme de pauvreté : celle des travailleurs français plongés dans une précarité quotidienne à cause de l'usine Citroën de Rennes. Humain trop humain sort en 1973.
Il filme également la population pauvre des États-Unis dans God's Country en 1985 et La Poursuite du bonheur, And the Pursuit of Happiness, 1986. Il y relate le parcours d'individus qu'il avait suivis une décennie plus tôt.

Récompenses, sélections et nominations

Oscars

1957 : Oscar du meilleur film documentaire (avec Jacques-Yves Cousteau) - Le Monde du silence
1973 : nomination à l'Oscar du meilleur scénario original - Le Souffle au cœur
1975 : nomination à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère - Lacombe Lucien
1982 : nomination à l'Oscar du meilleur réalisateur - Atlantic City
1988 : nomination à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère - Au revoir les enfants

Golden Globes

1982 : nomination au Golden Globe du meilleur réalisateur - Atlantic City
1982 : nomination au Golden Globe du meilleur film étranger - Atlantic City
1988 : nomination au Golden Globe du meilleur film étranger - Au revoir les enfants

BAFTA

1975 : BAFTA du meilleur film - Lacombe Lucien
1975 : nomination au BAFTA du meilleur réalisateur et du meilleur scénario (avec Patrick Modiano) - Lacombe Lucien
1982 : BAFTA du meilleur réalisateur - Atlantic City
1982 : nomination au BAFTA du meilleur film - Atlantic City
1989 : BAFTA du meilleur réalisateur - Au revoir les enfants
1989 : Nomination au BAFTA du meilleur film, du meilleur scénario original et du meilleur film en langue étrangère - Au revoir les enfants
1991 : Academy Fellowship Award pour l'ensemble de sa carrière
1991 : Nomination au BAFTA du meilleur film en langue étrangère - Milou en mai

Césars

1988 : Césars du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario - Au revoir les enfants

Festival de Cannes

1956 : Palme d'or (avec Jacques-Yves Cousteau) - Le Monde du silence
1969 : sélection officielle, en compétition - Calcutta
1971 : sélection officielle, en compétition - Le Souffle au cœur
1978 : Grand Prix de la commission supérieure technique - La Petite

Mostra de Venise

1958 : Prix Spécial du Jury - Les Amants
1963 : Prix Spécial du Jury - Le Feu follet
1980 : Lion d'or - Atlantic City désigné culturellement signifiant par la Bibliothèque du Congrès
1987 : Lion d'or - Au revoir les enfants

Berlinale

1984 : en compétition pour l'Ours d'or - Crackers

Autres

1956 : Prix Méliès (avec Jacques-Yves Cousteau) - Le Monde du silence (ex æquo avec Les Grandes Manœuvres de René Clair)
1957 : Prix Louis-Delluc - Ascenseur pour l'échafaud
1987 : Prix Louis-Delluc - Au revoir les enfants (ex æquo avec Soigne ta droite de Jean-Luc Godard)
1988 : European Award du meilleur scénario - Au revoir les enfants
1989 : Bodil du meilleur film européen - Au revoir les enfants
1990 : Prix David di Donatello du meilleur réalisateur étranger - Milou en mai

Filmographie

Première période française

1953 : Crazeologie court métrage
1955 : La Fontaine de Vaucluse court métrage
1955 : Station 307 court métrage
1955 : Le Monde du silence documentaire coréalisé avec Jacques-Yves Cousteau, Palme d'or au festival de Cannes
1957 : Ascenseur pour l'échafaud
1958 : Les Amants
1960 : Zazie dans le métro
1962 : Vie privée
1962 : Vive le Tour !court métrage documentaire coréalisé avec Jacques Ertaud
1963 : Le Feu follet
1964 : Bons baisers de Bangkok court métrage documentaire
1965 : Viva Maria !
1967 : Le Voleur
1968 : Histoires extraordinaires - segment William Wilson moyen métrage
1969 : Calcutta documentaire
1969 : L'Inde fantôme série télé documentaire
1971 : Le Souffle au cœur
1973 : Humain, trop humain documentaire
1974 : Place de la République documentaire
1974 : Lacombe Lucien
1975 : Black Moon
1976 : Close Up court métrage documentaire
1977 : Dominique Sanda ou Le rêve éveillé court métrage documentaire
Période américaine
1978 : La Petite
1980 : Atlantic City
1981 : My Dinner with André
1983 : Crackers
1985 : Alamo Bay
1985 : God's Country documentaire
1986 : ...À la Poursuite du Bonheur documentaire
Deuxième période française
1987 : Au revoir les enfants
1990 : Milou en mai
1992 : Fatale
1994 : Vanya, 42e rue

Liens

http://youtu.be/IuHbvPQc0IQ Ascenseur pour l'échafaud
http://youtu.be/e6eoswBNhwc Le feu follet
http://youtu.be/LVGoYJ0vP4I Les amants
http://youtu.be/Du8HxE5EakU Au revoir les enfants
http://youtu.be/b_-LlJ8Hom0 Black moon
http://youtu.be/GU7XeQppzac Zazie dans le métro
http://youtu.be/9VqW07XB8lI Avant première de Louis Malle
http://youtu.be/1h-v14BHvqU L'Inde fantôme
http://youtu.be/jtABsJnunuc Calacutta
http://youtu.be/1PUk0WtNNcs Viva Maria
http://youtu.be/u956mbi592s Milou en Mai
http://youtu.be/ifxIC_A1hQ0 Milou en Mai Stéphane Grapelli



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#224 Auguste Rodin
Loriane Posté le : 16/11/2013 23:36
Le 17 Novembre 1917 meurt Auguste Rodin un des plus fameux sculpteur français


On s'accorde à voir en Rodin le sculpteur le plus remarquable de la fin du XIXe siècle. C'est vers 1875 que le public a découvert son œuvre ; cette date marque en effet le terme des débuts longs et obscurs d'un artiste dont la biographie, particulièrement pour les années de jeunesse, est encore mal connue. Peu après 1875, quelques œuvres remarquées par certains esprits clairvoyants devaient assurer à Rodin un succès international et un prestige qu'aucun autre sculpteur du siècle, à l'exception peut-être de Canova, n'a obtenus
Aujourd'hui, l'œuvre de Rodin n'a rien perdu de l'immense attrait qu'elle avait pour ses contemporains. La connaît-on dans toute son étendue ? Les collections actuellement ouvertes au public en proposent une image quelque peu réductrice car elles détiennent souvent différentes répliques des mêmes œuvres. Rappelons que la sculpture est un art qui invite à la répétition des mêmes œuvres dans des dimensions et des matériaux divers. Cette image de la production de Rodin que l'on croyait fixée par un catalogue d'œuvres dénombrées avec précision, image exprimée dans de nombreux ouvrages consacrés au sculpteur, a été modifiée par des expositions et les inventaires du fonds d'œuvres conservées dans les domiciles et ateliers parisiens de Rodin. Ceux-ci ont révélé une production sculptée et dessinée plus vaste qu'on ne croyait et tout aussi attachante. Des études ou des variantes pour des œuvres connues – ou moins connues –, des projets non réalisés, des dessins se comptant par milliers, des notes, documents et correspondances se rapportant à la genèse des œuvres sont maintenant identifiés et utilisables ; ce matériel a permis de renouveler ou d'approfondir les connaissances sur l'artiste et sur son œuvre

jeunesse

René François Auguste Rodin est né à Paris le 12 Novembre 1840 ; il appartient à la génération des premiers impressionnistes – Monet, par exemple, qui est son ami, et avec lequel il expose en 1889, ou Cézanne.
Il est issu d'un milieu familial modeste d'origine rurale– son père était employé à la préfecture de police de Paris dans une famille modeste et meurt en 1917 au 3, rue de l'Arbalète à Paris. Son père Jean-Baptiste était d'origine normande, sa mère Marie Cheffer d'origine lorraine. Du premier mariage de son père avec Gabrielle Cateneau, il eut une demi-sœur, Clothilde, qui semble être écartée de la famille après le deuxième mariage de Jean-Baptiste. Auguste eut une sœur aînée, Maria.
En partie à cause de sa forte myopie, il mena des études médiocres, dont il gardera longtemps le handicap d'une faible maîtrise du français.
Il est admis en 1854, à 14 ans, à l'École Spéciale de Dessin et de Mathématiques dite la petite école, devenue École nationale supérieure des arts décoratifs où il suit les cours du talentueux Horace Lecoq de Boisbaudran, dont la méthode consiste à préserver la sensibilité de chaque élève en lui enseignant à utiliser sa vue et sa mémoire visuelle, et du peintre Belloc.
C'est là qu'il fait la connaissance d'Alphonse Legros.il fit des études artistiques, qui, comme celles de nombreux artistes novateurs de sa génération, se déroulèrent hors de l'École des beaux-arts où il s'efforça sans succès d'entrer ; elles eurent lieu pendant les années 1850 à l'École spéciale de dessin, endroit remarquable où nombre de jeunes artistes de l'époque, peintres, sculpteurs et décorateurs, reçurent une formation professionnelle exemplaire : Legros, Cazin ou Dalou entre autres. Dans ses écrits, Rodin évoque la qualité de cette école avec insistance.
Carpeaux, qui fut pour peu de temps répétiteur de modelage à l'École spéciale, corrigea ses premiers essais de sculpture. Rodin suivit aussi les cours de dessin anatomique que Barye donnait alors au Muséum, mais cet épisode important qui l'associe au grand sculpteur animalier du XIXe siècle est encore mal connu. La vie privée de Rodin, surtout dans ses débuts, est en effet obscure, peu documentée, à l'exception d'un incident remarquable : en 1862, Rodin traversa une crise qui fit de lui un novice chez les religieux du Saint-Sacrement à Paris.
L'inspiration religieuse ne sera d'ailleurs pas étrangère à son art, plusieurs œuvres importantes, Saint Jean-Baptiste prêchant ou le Christ et Madeleine, en témoignent.

Sa vie

En 1857 il quitte la petite école et fort d'un talent reconnu par ses professeurs, suivant l'avis du sculpteur Hippolyte Maindron, il tente le concours d'entrée à l'École des beaux-arts, dont il réussira l'épreuve de dessin ; mais il échouera trois fois de suite à celle de la sculpture, son style n'étant pas conforme aux traditions néo-classiques qui y régnaient. Il est alors contraint pour se nourrir de travailler et s'engage comme artisan-praticien dans des ateliers de divers sculpteurs, staffeurs ornemanistes et décorateurs tels que Garnier, Blanche ou Cruchet.
C'est chez l'un d'eux que débute son amitié avec Jules Dalou.
L'activité de cette époque est particulièrement stimulée par les travaux d'urbanisme du préfet de Paris le baron Haussmann comme par le développement du goût de l'époque pour l'ornementation.
Le 8 décembre 1862, fortement touché par le décès de sa sœur Maria, Rodin entre au noviciat de la congrégation du Très-Saint-Sacrement. Au terme d'un an, le père Pierre-Julien Eymard l'encourage vivement à poursuivre dans la voie artistique. Durant cette période, il réalise un buste du père Eymard. L'anecdote rapporte que l'œuvre n'obtint pas satisfaction et fut mise au grenier.
En 1864, il rencontre Rose Beuret, une ouvrière couturière âgée de 20 ans qui lui servira de modèle et deviendra sa maîtresse et, à la fin de leur vie, son épouse ; il aura d'elle en 1866 un fils, Auguste Eugène Beuret, qu'il ne reconnaîtra jamais.
Rose fut plusieurs fois le modèle de Rodin, témoignant de son évolution stylistique, de Jeune fille au chapeau fleuri en 1865, particulièrement imprégné par le style charmant du XVIIIe, en passant par Mignon en 1869, puis Bellone, exécutée en 1878 après son retour de Belgique.
Son "Homme au nez cassé" est refusé au Salon de Paris où Rodin ne sera exposé qu'en 1875.

En 1870, Rodin accompagne le sculpteur belge Antoine-Joseph Van Rasbourgh à Bruxelles où il participe aux travaux de décoration de la Bourse du Commerce. Il est mobilisé comme caporal dans la Garde nationale au moment de la guerre franco-prussienne de 1870 puis réformé pour myopie. Il retourne alors en Belgique avec Carrier-Belleuse avec lequel il collaborera jusqu'en 1872.
Il s'associe par contrat avec Van Rasbourgh en 1873 et participe entre autres au décor du palais des Académies à Bruxelles.
En 1875, il réalise un de ses grands rêves en voyageant en Italie pour découvrir les trésors artistiques de Turin, Gênes, Pise, Venise, Florence, Rome, Naples et découvrir les secrets de Donatello et surtout de Michel-Ange. À son retour en France, il visite les cathédrales françaises.

En 1877, âgé de 37 ans, de retour à Paris il réalise sa première grande œuvre L'Âge d'airain, la statue en grandeur nature en plâtre d'un jeune homme qu'il expose au « Cercle artistique et littéraire de Bruxelles » et au « Salon des Artistes français de Paris ». Sa statue donne une telle impression de vie, qu'on l'accuse d'avoir fait un moulage sur un modèle vivant. Ce succès retentissant au parfum de scandale amorce sa fortune et ses 40 ans de carrière. Les commandes officielles abondent et Rodin devient portraitiste mondain.
En 1878, Rodin crée son Saint Jean Baptiste plus grand que nature pour prouver définitivement qu'il n'a pas recours au moulage. Rodin influence alors la sculpture, par l’expressivité des formes, des sentiments, de la sensualité et le soin apporté à restituer l'émotion par l'expression donnée à des parties du corps comme les mains, les pieds, etc. Il participe à l'invention d'un style en développant de nouvelles techniques de sculpture comme l’assemblage, la démultiplication ou la fragmentation, en totale contradiction avec l’académisme d'alors.
En 1879, il intègre la Manufacture nationale de Sèvres de porcelaine jusqu'en décembre 1882. À cette époque, il noue une relation passionnelle et tumultueuse avec la sculptrice de génie, Camille Claudel, de vingt-quatre ans sa cadette.
En 1880, il installe son atelier au 182 rue de l'Université dans le 7e arrondissement de Paris, un lieu de travail qu'il gardera toute sa vie et l'État français lui commande La Porte de l'enfer inspirée par La Divine Comédie de Dante et une transposition des Fleurs du mal de Charles Baudelaire pour le futur musée des arts décoratifs du musée du Louvre, son œuvre la plus monumentale de 7 m de haut et 8 tonnes, qui ne sera ni livrée ni fondue en bronze de son vivant et à laquelle il travaillera seul jusqu’à la fin de ses jours. L'œuvre sera fondue en bronze en 1926 ; elle est exposée au musée Rodin en 2013.
Il part en voyage en Angleterre où il apprend la gravure avec Alphonse Legros à Londres. À son retour en France il réalise les figures sculptées d'Adam, d'Ève et Le Penseur en 1882.
En 1883, Rodin fait la connaissance de celle qui deviendra sa brillante jeune élève puis sa muse, Camille Claudel, alors âgée de 19 ans, qui partage son atelier et participera activement — entre autres travaux menés en commun — à la création du monument Les Bourgeois de Calais et avec qui il entretiendra une relation artistique et amoureuse passionnée et tumultueuse qui durera de 10 à 15 ans. Il réalise en 1884 la sculpture L'Éternel Printemps probablement inspirée de cette passion pour Camille. Rodin refusera fermement les demandes de mariage de Camille, qui finira par s'éloigner avant d'être internée par sa famille.

Consécration

En 1887, il est fait Chevalier de la Légion d'honneur et illustre de dessins l'édition originale des Fleurs du mal de Baudelaire éditée par Paul Gallimard. L'État français lui commande Le Baiser en marbre pour l'Exposition universelle de Paris de 1889. Dans son atelier il reçoit les visites de nombreux artistes et célébrités le roi d'Angleterre Edouard VII lui rendra visite le 6 mars 1908.
En 1889, Auguste Rodin est un des membres fondateurs de la Société nationale des beaux-arts et reçoit la commande du monument à Victor Hugo pour le Panthéon de Paris assis, puis debout. Il expose avec Claude Monet à la Galerie Georges Petit.
En 1891, la Société des gens de lettres lui passe commande d'un monument pour Honoré de Balzac.
En 1892 il est promu officier de la Légion d'honneur et succède à Jules Dalou au poste de Président de la section sculpture et vice-président de la Société nationale des beaux-arts.
En 1893 il s'installe avec Rose à Meudon, 8 chemin Scribe dans la Maison des Chiens-Loups. En 1895, il achète la villa des Brillants à Meudon où il commence à constituer sa collection d'antiques et de peintures devenue depuis 1919 une partie du musée Rodin de la rue de Varenne.
En 1894 Claude Monet l'invite chez lui à Giverny en Normandie où il rencontre Paul Cézanne.
En 1897, par la publication de l'album Goupil du nom de l'éditeur-imprimeur contenant 142 dessins, il divulgue ses techniques de travail novatrices.
En 1900 une rétrospective de son œuvre organisée au Pavillon Rodin de la place de l'Alma pour l'Exposition universelle de Paris lui vaut une consécration internationale. Il est nommé Chevalier de l'Ordre de Léopold de Belgique.
En 1901, à la clôture de l'Exposition, le pavillon est démonté et transféré dans sa propriété de Meudon, la villa des Brillants et devient son atelier.
En 1903 il est fait Commandeur de la Légion d'honneur.
En 1900 il fait la connaissance de Hélène von Beneckendorff und Hindenburg, nièce du futur maréchal et président du Reich Hindenburg, épouse en 1904 d'Alfred von Nostitz. Rodin se rend en Italie avec elle, reprenant ainsi contact avec les chefs-d'œuvre sculptés de Pise, Lucques, Florence et Rome.
Le portrait d'Hélène qu'il exécute en marbre sera envoyé à Berlin et à Vienne où il sera admiré et loué par les artistes du mouvement dit de la Sécession.
En 1904, Rodin devient l'amant de la peintre et femme de lettres britannique Gwendolen Mary John, en sœur du peintre Auguste John qui lui servira de modèle pour la Muse Whistler, puis il rencontre la duchesse de Choiseul - née Claire Coudert, issue d'une très riche famille américaine - dont il devient l'amant jusqu'en 1912 ; Claire de Choiseul le mettra en contact avec de nombreux américains fortunés et aura une certaine influence sur lui.
En 1905 Rodin rencontre le poète Rainer Maria Rilke qui devient son secrétaire jusqu'en 1906 et écrit à propos du sculpteur un essai, Sur Rodin.
En 1906 Le Penseur est placé devant le Panthéon de Paris; il s'installe en 1908 à l'Hôtel Biron que Rilke lui a fait découvrir, actuel musée Rodin.
Rodin voyage en Espagne avec Rilke et le peintre basque Zuloaga, son ami.
En 1910 il est nommé Grand officier de la Légion d'honneur.
En 1911, l'État commande un buste de Pierre Puvis de Chavannes pour le Panthéon de Paris et l'Angleterre acquiert Les Bourgeois de Calais pour les jardins du palais de Westminster de Londres, Parlement du Royaume-Uni. L'Homme qui marche est installé au palais Farnèse, ambassade de France à Rome. La salle Rodin du Metropolitan Museum de New York est inaugurée en 1912.
En 1914 il est à nouveau en Angleterre avec Rose Beuret. En 1915, il commence le buste du pape Benoît XV lors d'un voyage à Rome au cours duquel il croise à nouveau Albert Besnard qui a aussi une commande d'un portrait du pape, mais en désaccord avec le souverain pontife sur les temps de pose, il partit sans achever la commande5.
1916 : victime d'une nouvelle attaque fin mars, suivie d'une congestion cérébrale en juillet, il fait en septembre trois donations successives de son hôtel particulier, de son atelier et de ses collections d'art à l'État dans la perspective de la création d'un musée Rodin. La Chambre des députés et le Sénat votent l'établissement du musée Rodin à l'Hôtel Biron aboutissement de la démarche de Judith Clade.
Il reçoit une commande pour un monument à la mémoire des combattants de Verdun.
" Et c'est la fin dérisoire et solitaire des deux vieillards dans la maison mal chauffée… une photographie de A. de Combettes représentant à cette époque un Rodin debout et massif dans le parc de la villa, tenant la main de sa vieille compagne au regard perdu, a été publiée dans L'Illustration.

Mort

Il revient en France à la fin de l'année 1916 ; le 29 janvier 1917, âgé de 77 ans, "poussé par Loie Fuller" Gilles Néret il épouse à Meudon, après 53 ans de vie commune, Rose Beuret, très affaiblie et qui meurt d'une pneumonie le 14 février 1917 à 73 ans, suivie le 17 novembre par Rodin, qui est inhumé à côté d'elle à Meudon le 24 novembre. Leur sépulture est surplombée par le Penseur.
Le musée Rodin, au 79 rue de Varenne dans le 7e arrondissement de Paris, est inauguré le 4 août 1919.
La Villa des Brillants à Meudon, au 19 avenue Auguste Rodin, deviendra également un musée en son honneur.

son oeuvre

Pendant les années 1860 et jusqu'en 1871, il travaille, à Paris, pour des sculpteurs en vogue sous le second Empire, Carrier-Belleuse notamment, et pour de nombreux entrepreneurs et architectes qui lui confièrent des travaux de sculpture d'ornement dans lesquels il est difficile d'identifier sa main.
Il rejoint donc, Carrier-Belleuse à Bruxelles, l'assiste dans l'exécution de grands ensembles décoratifs, la Bourse de Bruxelles et se trouve également associé à des équipes de sculpteurs belges, Van Rasbourgh pour l'exécution et peut-être pour la composition d'ensembles monumentaux.
Comme beaucoup de sculpteurs de son temps, il se livre à une production encore mal connue de petites sculptures commerciales, petits sujets pour la décoration domestique – Rodin défendra d'ailleurs l'art pour tous – et de portraits.
Moins connus encore, mais sans doute déterminants pour le déroulement de sa démarche intellectuelle et artistique, sont les rapports qu'il entretient alors, à Bruxelles et à Anvers, avec les milieux d'artistes et d'hommes de lettres belges et français ; il est difficile de déterminer le rôle exact qu'ils jouèrent dans la formation intellectuelle de Rodin et de dire s'ils en favorisèrent l'éclosion ou l'élargissement.
Autodidacte, Rodin lisait beaucoup, ceux qui le connurent pendant les années 1880 le soulignent ; dès cette époque, il rechercha le commerce des écrivains et des critiques d'art, ayant su d'ailleurs apprécier l'importance de leur action sur l'opinion et les commandes. Grâce à la fréquentation des livres et des musées, il acquit une culture artistique remarquablement étendue. Plus encore, et ceci est important pour tout artiste appelé à pratiquer la sculpture monumentale, il réfléchit longuement sur la notion de l'espace urbain en tant que cadre de la sculpture ; son art et ses écrits en témoignent.
Ses jugements sur l'art du passé furent étonnamment perspicaces.

Les œuvres qui assurèrent en Belgique et en France la réputation de Rodin, L'Âge d'airain, ou Saint Jean-Baptiste prêchant, réalisées entre 1875 et 1878, se rattachent à une conception en grande partie traditionnelle de la sculpture.
Elle accorde la primauté – et pour ainsi dire l'exclusivité – à la représentation de la figure humaine : la physionomie – les traits –, les attitudes du corps et le répertoire des gestes expriment des états liés à des situations dramatiques, sentiments ou passions se rapportant à un personnage de l'histoire ou de la littérature ; quand cette référence précise à un sujet n'est pas gardée, Rodin donne un autre titre, métaphorique, à son œuvre.
L'art de Rodin s'appuie fortement sur cette tradition qui exploite les possibilités descriptives et narratives de la sculpture. Néanmoins, dans L'Âge d'airain et dans le Saint Jean-Baptiste, Rodin met en évidence ce qui dans le sujet exprime une permanence, un sens général, allégorique si l'on veut, qui le détache presque entièrement du support littéraire et de l'anecdote. De là, et de façon symptomatique, les titres qu'il donne alors à ses sculptures, on sait qu'il a souvent accepté et fait siens les titres que suggéraient ses critiques ou ses amis : l'ambiguïté des titres montre que le sujet et, avec lui, l'anecdote ou l'histoire ne sont qu'un stratagème, un moyen d'accès privilégié mais non exclusif à l'expérience de l'œuvre d'art.
L'Âge d'airain, thème emprunté à Hésiode, évoque ainsi l'éveil de l'homme originel à une étape nouvelle de son emprise sur le monde ; il est aussi Le Vaincu, le soldat fatigué au lendemain de la défaite que connaît la France en 1870.
Avant même L'Âge d'airain, dès 1864, avec le masque de L'Homme au nez cassé, au cours de la conception et de l'exécution d'une œuvre, Rodin découvrait dans ses procédés – et avec une insistance qui devait choquer de façon durable ses contemporains – les possibilités expressives du modelé, c'est-à-dire la représentation du caractère mouvementé, heurté et comme tridimensionnel des surfaces ; pour lui, le modelé remplaçait la facture lisse et comme léchée en faveur, à quelques exceptions près, dans la sculpture de son temps.
Le modelé projette sur les plans, tout en les magnifiant, la masse des structures anatomiques qu'il recouvre et dont il fait dès lors un objet majeur de la représentation. Rodin en liait la pratique à l'expérimentation systématique des possibilités expressives des matériaux malléables – la terre et ses traductions en plâtre et en bronze.
Ce type d'exécution, des pratiques et des recettes d'atelier l'avaient annoncé au XIXe siècle : la popularité croissante de l'esquisse en témoigne mais Rodin en a affirmé, dès les années 1860, la valeur d'œuvre d'art à part entière.

La porte de l'Enfer

Au cours des années qui suivent 1880, une partie considérable de l'activité de Rodin se rattache à une œuvre de dimensions monumentales qu'il laissa inachevée et sans doute délibérément incomplète, mais qui fut pour lui une source d'idées et de formes auxquelles il revint sans cesse jusqu'après 1900.
La Porte de l'Enfer fut conçue pour répondre à une commande du gouvernement : l'entrée d'un musée des Arts décoratifs qui devait être construit à Paris.
Rodin choisit d'illustrer l'Enfer de Dante. Les différents projets, autant que la version de la Porte connue aujourd'hui, version qui fut fondue après sa mort, témoignent d'un engagement personnel intense avec le texte ; Rodin avait lu l'Enfer et avait médité sur les épisodes qui fascinèrent les artistes de la génération romantique : l'agonie macabre du comte Ugolin, victime de l'ambition et de l'intolérance, avant 1877, Rodin travaillait déjà, en Belgique, à un Ugolin monumental dont le modèle en plâtre a été retrouvé, ou encore l'image touchante de la passion malheureuse de Paolo et Francesca de Rimini, épisode qui lui suggéra, plus tard, le groupe du Baiser. La Porte permit à Rodin d'exprimer sa propre conception de l'Enfer de Dante ; l'épisodique y est présent mais il se résorbe dans une vision simplifiée et transformée de la représentation de damnés anonymes, d'individus menés par leurs passions.
Avec l'abandon du projet, un grand nombre de figures et de groupes de la Porte furent modifiés, agrandis ou réduits afin d'être associés à des contextes iconographiques différents. Au sommet de la Porte, et à l'imitation de compositions que l'on voit dans l'architecture et la sculpture médiévales – un art que Rodin découvrit dès les années 1870 –, se trouve un tympan surmonté d'une figure centrale.
Rodin lui a donné des noms divers, Dante ou Le Poète – figure assise, méditant sur la condition humaine ; plus tard, il la détacha et en fit Le Penseur. Le style que Rodin impose dans la Porte marque une rupture nette avec les préoccupations formelles des sculpteurs du XIXe siècle. Dans un relief à la composition non compartimentée, qui détache presque entièrement les figures et les groupes, le corps humain, fortement caractérisé dans ses effets anatomiques et dans ses positions, se voit réaffirmé comme le sujet exclusif de la sculpture.
Le genre du groupe sculpté permet à Rodin de dérouler des variations étonnantes sur des situations passionnelles primordiales : la proximité des êtres, ou leur distance, les modalités de leur attachement, de leur arrachement et de leur éloignement, les états contemplatifs de l'autre dans lesquels ils se figent, ou le mouvement qui les anime.
Souvent, les positions outrées, acrobatiques, les arrangements impossibles ou rêvés des figures et des groupes expriment les tourments des amants damnés et anonymes – métaphore de l'homme moderne – dans une conception de l'expression exacerbée du sentiment et de la passion qui est propre à Rodin : ces états ne sont plus limités et strictement définis, comme ils le furent dans l'art du passé, par un répertoire de catégories physionomiques, de gestes et d'attitudes ; Rodin en accroît le nombre par la représentation d'une gymnique des passions dans laquelle le corps – ou les éléments du corps, la partie autant que le tout – est perçu comme un vecteur du désir. L'exécution – Rodin s'est expliqué sur ce point –, qui sert avant tout à exprimer le caractère de l'œuvre et son unicité expressive, peut alors ne plus respecter la vraisemblance des masses, des proportions ou l'aspect traditionnel des surfaces.

La production privée

À partir des années 1880, comme chez d'autres sculpteurs de son temps, une dichotomie s'installe dans l'art de Rodin : des œuvres de dimensions généralement modestes, destinées à de riches commanditaires, et une production d'œuvres publiques, les monuments.
Comme beaucoup de ses contemporains, Rodin s'intéressa aux arts d'agrément, et sa production privée comprend des sujets généralement destinés à la décoration intérieure : elle consiste en figures, groupes et portraits ; s'y ajoutent, aux alentours de 1880 et pendant quelques années, des décorations de céramiques – pièces uniques ou tirées à un petit nombre – exécutées pour la Manufacture de Sèvres.
Il ne faut pas les négliger, car elles attestent le goût soutenu de Rodin pour l'expression graphique réalisée par un trait-contour à la fermeté constructive, ses estampes et ses nombreux dessins en témoignent. Figures et groupes, eux, dérivent pour la plupart de la Porte de l'Enfer, bien que Rodin les soumette à l'occasion à des transformations iconographiques intéressantes.
Leur thématique, si on l'identifie grâce aux titres, rappelle parfois Dante, mais plus encore la mythologie grecque et l'érotisme qui anime cette dernière. Une grande partie de la thématique de Rodin suggère une méditation de caractère spiritualiste sur le bonheur sensible d'une antiquité pastorale, que Rodin a partagée avec les meilleurs et les pires de ses contemporains, poètes et artistes, mais qu'il a comprise avec l'intelligence et la sensibilité d'un Mallarmé ou d'un Puvis de Chavannes. Ces groupes, dont les arrangements variés sont souvent déterminés par les possibilités du matériau employé, le bronze ou le marbre, mettent en évidence l'originalité des procédés créateurs de Rodin.
Une figure détachée de la Porte ou issue d'une autre œuvre se voit combinée avec sa propre répétition prise soit dans sa totalité, soit dans ses parties, pour former un groupe nouveau.
De même, Rodin peut reproduire une figure ou en modifier l'apparence et les dimensions selon le caprice d'une invention ouverte à toutes sortes de manipulations iconographiques et formelles : la figure perd, à l'occasion, des parties essentielles, ou bien elle voit son intégrité anatomique complétée ou dérangée par l'apport d'éléments étrangers. De tels procédés évoquent certes des pratiques connues avant Rodin dans les ateliers de sculpteurs ; mais ce qui n'était compris avant lui que comme un effet de la cuisine d'atelier et qui restait lié à de simples manipulations techniques, par exemple, les coutures laissées visibles dans le coulage des plâtres et dans la fonte des bronzes ou les marques de pratique, points de basement laissés dans les marbres, ces effets et d'autres accidents survenus au cours de l'exécution sont intégrés à l'œuvre comme une mémoire cumulée des étapes de la création.
Ces procédés, qui annoncent l'art des sculpteurs du XXe siècle, permirent à Rodin d'accorder un rôle primordial à des modes de création ou à des catégories artistiques inconnus ou négligés des sculpteurs de son temps.
Il alla jusqu'à minimiser et même jusqu'à abolir l'intervention directe de l'artiste dans l'exécution de l'œuvre en confiant à la machine l'agrandissement de modèles en plâtre dont il proclama la valeur artistique en les exposant. Il affirma ainsi l'autonomie artistique de modes d'expression considérés jusqu'à lui comme mineurs et négligeables : le fragmentaire, l'hybride, l'inachevé, le brisé, le souillé.

Les monuments

On sait que les monuments publics érigés aux hommes célèbres furent une des passions du XIXe siècle, et Rodin en reçut de nombreuses commandes. Dans la plupart des cas, il manifesta un intérêt soutenu pour ces entreprises : la variété des études qu'il fit pour la plupart d'entre eux l'atteste.
Et, dans ses écrits publiés, Rodin a souvent livré sa pensée sur le problème de la sculpture monumentale. Plus encore que le monument à Claude Lorrain, Nancy, le monument à Victor Hugo se rattache dans sa conception à des formules traditionnelles.
Elles élargissent l'image du personnage célèbre, représenté dans le nu héroïque ou en costume moderne, grâce à la signification générale obtenue par l'allégorie. L'œuvre en plâtre exécutée par Rodin et qui devait comprendre plusieurs figures fut exécutée ensuite en marbre dans une composition comportant deux figures seulement ; détournée de son emplacement originel, le Panthéon, redevenu à l'occasion de la mort du poète, en 1885, le temple dédié aux grands hommes, tel que l'avait projeté la Constituante, elle se diversifia en une série de projets demeurés à l'état de maquettes. Projets et œuvre finale associent l'image du poète à une méditation sur les divers aspects de son inspiration. Rodin choisit en fin de compte une nudité idéalisée pour exprimer la permanence de l'œuvre hugolienne.
Rodin se passionna pour deux autres monuments, et, malgré les multiples difficultés qu'il rencontra avec les commanditaires, ils furent l'occasion d'innovations hardies : les Bourgeois de Calais et la statue de Balzac.
En 1884, la municipalité de Calais décida d'ériger, à l'issue d'une souscription publique, un monument commémorant l'héroïsme de six bourgeois de la ville, qui, lors de son siège, en 1347, par les Anglais, se livrèrent au roi Édouard III, afin de sauver le reste de la population. Destinés à être exé…
Le groupe des Bourgeois de Calais, ville de Calais célèbre l'héroïsme collectif de citoyens qui ont décidé de s'offrir en otages avec une simplicité d'attitudes et une conviction de sentiment que Rodin admirait dans les figures et les groupes funéraires du Moyen Âge.
S'il n'a pas consigné dans ses écrits le détail de ses propres hésitations à propos de l'agencement définitif à donner aux six personnages, du moins Rodin a-t-il révélé en partie comment il envisageait le piédestal qui devait porter le groupe et lui assurer une présence effective dans le site ; il désira finalement que l'œuvre soit placée à ras de terre, pour ainsi dire à portée du spectateur.
Les Bourgeois de Calais expriment ainsi un parti de réalisme brutal s'appuyant sur une conception ancestrale qui fait de la sculpture le simulacre tangible d'un événement.

En 1898, le modèle en plâtre de la statue de Balzac fut officiellement refusé par la Société des gens de lettres parce qu'il ne répondait pas à l'objet de la commande. Les amis de l'artiste virent en lui une réalisation fondamentale et prophétique de la sculpture moderne ; l'œuvre ne connut son succès public que lorsqu'elle fut fondue, vingt ans après la mort du sculpteur.
Elle donna lieu, lors de sa première exposition publique, au Salon de 1898, à des polémiques d'une ampleur inconnue de la sculpture du XIXe siècle.
Au terme de plusieurs années de recherches patientes sur l'apparence physique de Balzac et de réflexion sur le sens de son œuvre, au terme également d'hésitations et de doutes, Rodin avait réalisé une statue surprenante dont il affirma à plusieurs reprises qu'elle était capitale dans son esthétique.
Dans une effigie dont les qualités étaient décriées par les uns et vantées par les autres à partir des mêmes qualificatifs, Rodin parvint à exprimer la vérité essentielle de son modèle ; on se plut à comparer ses simplifications formelles à l'austérité d'un menhir.
Rejetant l'idée selon laquelle la statue- portrait devait être une représentation exacte, rejetant les gestes déclamatoires, l'exécution étriquée du vêtement moderne autant que le nu idéal, éliminant les accessoires symboliques, Rodin orientait son art vers des effets monumentaux simplifiés.
Ses contemporains avertis parlèrent à propos du Balzac d'une évocation symboliste et décorative : Rodin avait conçu Balzac comme la projection dans l'espace de plans larges, traités comme des taches dont les contours seuls comptaient.

Rodin peintre et dessinateur

Le grand statuaire aima toute sa vie dessiner, et ses dessins, qui se trouvent pour la plupart au musée Rodin Paris, reflètent assez fidèlement les phases de son évolution de sculpteur. Il étudia à la "petite école" où enseignait Lecoq de Boisbaudran et, plus tard, auprès de Carrier-Belleuse.
Ses études anatomiques, ses croquis d'après les maîtres et ses dessins d'architecture ont beaucoup d'intérêt. À la suite du scandale de l'Âge d'airain et de la commande officielle de la Porte de l'Enfer, Rodin fit entre 1880 et 1900 de nombreuses esquisses inspirées par la Divine Comédie de Dante et les Fleurs du mal de Baudelaire.
Ces évocations, qui constituent un des points majeurs de son œuvre dessiné, expriment avec force son sens profond du drame humain.
Ce sont des apparitions angoissées, des damnés contorsionnés, des barques en perdition, mais aussi des étreintes éperdues et des mères protégeant leurs enfants. Les dessins, au crayon ou à la plume, sont rehaussés vigoureusement de gouache ou de lavis sombre et acquièrent ainsi un modelé d'une solidité toute sculpturale.
La série des études concernant Ugolin et ses enfants est particulièrement tragique et expressive. Parfois, la couleur est étalée largement et Rodin joue de teintes étranges, roses et violines, cernées d'un épais trait noir ; parfois, des taches blanches soulignent les lumières sur les musculatures saillantes des corps. Son expérience de graveur, Victor Hugo, de face, 1884, musée Rodin fait souvent traiter à l'artiste les ombres par hachures entrecroisées.
Après la réalisation de son Balzac, à partir de 1900, Rodin dessine plus fréquemment afin de saisir les attitudes fugitives des modèles, qu'il fait évoluer librement autour de lui. Il croque ceux-ci d'un trait, tantôt incisif, tantôt flou, souvent multiplié pour détailler les étapes imperceptibles du mouvement, préfigurant ainsi les recherches du Futurisme.
Il néglige les détails au profit de l'arabesque et de l'instantané : les visages sans expression, les pieds et mains informes n'appartiennent plus au langage graphique du xixe s. mais débouchent sur l'Expressionnisme du xxe s. Ses aquarelles, très largement traitées, sont d'une grande beauté par leurs accords raffinés de tons clairs et le jeu décoratif, assez japonisant, de leurs aplats. Rodin pose, en effet, sur un dessin, souvent démultiplié, des plages de couleurs lumineuses. Passionné de danse — comme le furent Degas et Toulouse-Lautrec — , il évoque les poses hardies du french cancan mais surtout les attitudes novatrices de Loïc Füller, d'Isadora Duncan et de Nijinsky. Attiré par les danses orientales javanaises, 1896 ou japonaises, Hanako, 1908, il exécuta en 1906, d'après des danseurs cambodgiens, une suite d'aquarelles. Ses nombreux nus féminins, accroupis, alanguis, érotiques ou saphiques, qu'il expose en 1908 à la gal.
Devambez, influenceront fortement Bourdelle, Maillol, Campigli et Kolbe. Ils annoncent déjà par leur synthétisme les simplifications de Picasso et de Matisse, qui seront aussi vivement intéressés par ses jeux de collages. Le musée Rodin à Paris, ancienne demeure habitée par l'artiste, conserve un ensemble de ses œuvres. Un autre musée est consacré à l'artiste; musée Rodin, Meudon.

Complexité d'une personnalité et d'un art

Au tournant du XXe siècle, l'œuvre étonnamment variée d'un Rodin prolifique à la tête d'un vaste atelier présente des styles qu'expliquent la diversité des thèmes abordés autant que celle des techniques et des matériaux employés : le réalisme précis des années de jeunesse que Rodin poursuit dans ses portraits, le modelé tumultueux des bronzes qui se rattachent de près ou de loin à la Porte de l'Enfer et dans lequel se perpétue l'intérêt de Rodin pour l'expression anatomique, les simplifications massives du Balzac, ou le sfumato, les effets de formes noyées, inachevées, qu'il introduit dans ses marbres.
Son inspiration, si l'on entend par cela le choix des sujets, est vaste : dans la plupart des cas, elle semble avoir été dictée moins par une recherche illustrative, descriptive – ce que pourraient confirmer les titres qu'il choisit pour ses œuvres –, que par celle, déterminante, des arrangements formels qu'il associe aux situations et aux émotions ; il découvre ces sujets et ces formes au terme du déchiffrement d'une vaste poétique de l'univers que confirme sa lecture méditée des grands textes. En ce qui concerne les moyens par lesquels son art s'impose au public, Rodin s'attache à rechercher une qualité essentielle dans la sculpture ; il en parle longuement dans ses déclarations et dans les écrits qu'il a laissés : c'est la façon dont l'art exprime le caractère, à savoir la signification profonde que l'artiste découvre dans les êtres et les choses ; ainsi est obtenu l'effet de l'œuvre sur le spectateur.

Aux environs de 1900, Rodin est de plus en plus soucieux d'assurer la diffusion et la postérité de son œuvre.
Défiant à l'égard des marchands d'art, il gère une grande production de bronzes et de marbres, se servant souvent comme intermédiaire de la clientèle internationale aisée qui l'adule. Il est à la tête d'un vaste atelier où de nombreux praticiens, dont certains sont des sculpteurs chevronnés, taillent des répliques de ses plâtres. Son aisance matérielle lui permet de collectionner largement les œuvres d'art : sculptures antiques et médiévales, vases grecs ; il conseille ses premiers biographes et ses critiques, Judith Cladel et Paul Gsell en particulier.
Il se soucie de l'opinion de la critique et entretient des relations étroites avec les écrivains de son temps.
On a de lui l'image d'un artiste aimant à jouer au penseur et au philosophe, certainement sensible aux honneurs. Mais on connaît moins les aspects plus secrets de son art et de sa pensée. Rodin fut toujours passionné d'architecture, en particulier d'architecture médiévale et de celle du XVIe siècle ; ses carnets, notes et dessins en témoignent ; sa réflexion sur un art à portée sociale l'amena à concevoir, aux environs de 1900, un projet qui ne fut pas réalisé : une Tour du travail, qui devait remplir le but humanitaire qu'il partageait avec de nombreux artistes de son temps. À l'intérieur de cette construction, dont la maquette seule fut réalisée, un escalier en spirale devait être orné de reliefs représentant le travail humain sous ses aspects manuels et intellectuels.

Rodin a énormément dessiné, et ses dessins de styles très divers sont d'une originalité frappante. Fait remarquable pour un sculpteur, il les divulgua tôt, voulant qu'ils soient perçus comme un aspect majeur de son art : avant 1880, il expérimente une manière qui rappelle les dessins visionnaires de Victor Hugo et la fascination que représenta pour de nombreux artistes du XIXe siècle la tache libre ou interprétée.
Il a recours à des techniques dont l'audace étonne, des décalcomanies, des frottages, des maculations, collages et montages, des combinaisons de moyens et des confusions de catégories : crayon, encre, accidents techniques, insertion libre de texte dans le dessin ; dans son maniement de formes qui relèvent de l'activité inconsciente de la main et révèlent l'importance qu'il attache aux effets du hasard, Rodin fait preuve d'une ouverture d'esprit prophétique.
Vers la fin du XIXe siècle, les sujets et le style se renouvellent ; Rodin devient presque exclusivement fasciné par le corps féminin dont il déchiffre les attitudes et les gestes les plus libres : ceux que déployent l'activité érotique et ludique. Son style s'appuie alors sur un jeu de traits libres cernant de larges aplats de couleur.

Rodin ne se limita pas à la pratique des arts : ayant été en contact avec les écrivains marquants de son temps, il a laissé de nombreux commentaires sur l'art et sur la création artistique. Dans de nombreuses interviews et dans ses livres, il parle longuement de son art et de son esthétique.
Les thèmes sur lesquels il s'attarde sont la dévotion à la nature, la poursuite de la vérité dans l'art, le culte pour la beauté de la femme. L'histoire des arts le passionna, qu'il découvrit en artiste et en critique.
Il faut, certes, analyser avec prudence les ouvrages parus sous son nom ou les idées que ses nombreux amis publièrent comme siennes. L'imagerie et le style en sont souvent emphatiques et s'accordent en cela avec le discours critique de son temps : toutefois, au-delà des effets rhétoriques, ces textes contiennent des lectures incisives d'œuvres de sculpture antique et moderne, des intuitions frappantes et des jugements sur l'art d'une perspicacité unique.

Vers la fin de sa vie, le sculpteur, soucieux de l'avenir de son œuvre, pense à en assurer la postérité dans un musée. On sait qu'au terme de plusieurs donations il léguait, en 1916, ses collections à l'État, ainsi que ses œuvres personnelles avec les droits de reproduction qui étaient attachés à ces dernières.
Cette décision autorisait le musée Rodin à Paris à en poursuivre l'édition. Cette procédure, qui intéresse avant tout les fontes, est soumise aujourd'hui à une réglementation plus stricte quoiqu'elle donne lieu à des avis partagés sur son bien-fondé.

Rodin est représenté dans des collections publiques importantes hors de France, à Londres, New York, San Francisco, Philadelphie.
En France, le musée Rodin, à Paris et à Meudon permet de découvrir l'art de Rodin dans son ampleur et montre qu'il n'est plus possible de le réduire aux mouvements artistiques de la fin du XIXe siècle : naturalisme, symbolisme ou Art nouveau.
Rodin sut en effet enrichir la sculpture d'une dimension humaine et conceptuelle que lui avaient largement refusée beaucoup de ses prédécesseurs et de ses contemporains ; il a su, et ses meilleurs critiques l'ont compris, exprimer par ses œuvres la pensée et l'inquiétude modernes.

L'atelier et les assistants de Rodin

Rodin travaillait avec de nombreux assistants, praticiens et mouleurs, tailleurs de marbre, photographes etc., qui l'accompagnaient dans son atelier de Meudon, la Villa des Brillants, aujourd'hui musée où il est enterré.
Ainsi les Ombres, Ugolin, Iris, le Penseur ou encore la Porte de l'enfer ont été agrandis ou réduits par Henri Lebossé, son principal assistant depuis 1894.
En 1904, il demanda au jeune sculpteur tchèque Josef Maratka de sculpter La main, Ève au rocher fut taillée dans le marbre par Antoine Bourdelle, le Baiser fut taillé en marbre par Jean Turcan.
Entre 1884 et 1900, Jean Escoula exécute les marbres de Eve, Eternelle idole, Madame Alfred Roll, vers 1887, en collaboration avec Louis Cornu, Madame Vicuna, en 1888, avec Louis Cornu, Danaïde, vers 1889, ainsi que les chevaux du monument de Claude Gellée, en 1892, en collaboration avec Victor Peter.
Les bronzes sont fondus au sable ou à la cire perdue entre autres par Barbedienne, Hébrard ou Rudier de 1902 à 1952. Les patines des bronzes étaient travaillées selon un procédé spécial par Jean Limet.
La méthode de travail suivait trois étapes : la fragmentation, l’assemblage et la démultiplication. Rodin dessinait puis modelait de sa main une sculpture en terre crue à une échelle donnée.
La sculpture était ensuite moulée par ses assistants ouvriers mouleurs et plâtriers, puis tirée en plâtre, avant d'être reproduite par les techniques de Henri Lebossé à une échelle différente, démultiplication.
Rodin procédait alors à des assemblages inattendus de morceaux par fragmentation des plâtres précédents, qui s'ils lui convenaient, donnaient jour à un original en plâtre, lui-même ensuite moulé et tiré en bronze en nombre limité, mais à différentes échelles.
Enfin elle, pouvait être sculptée en marbre par un praticien marbrier.

Liste des assistants

Rodin dans l'atelier de son assistant Henri Lebossé
Rodin est entouré de 5 à 26 sculpteurs-assistants suivant les périodes de son activité.
Certains ne font qu'un travail, d'autres tel Antoine Bourdelle travaille pour Rodin pendant dix ans, Jean Escoula douze ans, le metteur-aux-points Ganier douze ans, Bertrand-Jacques Barthélemy restera dix-huit ans, Louis Mathet vingt et un ans et de Victor Peter vingt-trois ans.
Sculpteurs :
Antoine Bourdelle
Brancusi
Edwin Bucher
Camille Claudel
Louis Cornu
Jules Desbois
Charles Despiau de 1907 à 1914
Emmanuel Dolivet
Jean Escoula
Alfred Jean Halou
Henri Lebossé
Jessie Lipscomb
Aristide Maillol
Josef Maratka
Jean-Marie Mengue
Victor Peter
François Pompon
Medardo Rosso
Lucien Schnegg
Jean Turcan
Vincent Cruz
Photographes :
Karl Bodmer
Jacques-Ernest Bulloz
Eugène Druet
Freuler
Jean Limet
Pannelier
Clara Westhoff
Secrétaires :
René Cheruy
Rainer Maria Rilke
Gustave Coquiot

Œuvres

liste non exhaustive
Sculptures
1877 - L'Âge d'airain ; L'œuvre est tellement réaliste que Rodin a été suspecté de moulage sur nature. Plusieurs années ont été nécessaires pour qu'il soit totalement disculpé, en présentant le modèle.
1878 - Saint Jean Baptiste ; L'œuvre est sculptée plus grande que nature pour prouver qu'il n'a pas recours au moulage et prouver son génie en sculpture.
1879 - La défense ou L'appel aux armes .
La Porte de l'enfer, œuvre commandée en 1880. C'est une sorte de compilation de nombreuses œuvres. Rodin est blessé et meurtri qu'on ait pu le suspecter de moulage pour L'Âge d'airain. Même disculpé, il en aura toujours un ressentiment.
La Porte de l'enfer, dont son chantre Octave Mirbeau nous a laissé, en février 1885, la seule description complète, sera une sorte d'exutoire où il veut montrer qu'il est capable de reproduire ses œuvres en miniature dans tous leurs détails et par la même que les grandes réalisations sont authentiquement faites de sa main. La Porte de l'Enfer est une sorte de point d'orgue de l'ensemble de son œuvre. Elle restera très vraisemblablement inachevée, notait Gustave Coquiot, l'un de ses secrétaires, dans Le vrai Rodin, 1913.
1882 - Le Penseur ; Un des originaux se trouve dans le cimetière Bruxellois de Laeken, à l'arrière de l'église Notre Dame et de la crypte Royale. Un autre dans le jardin de la Villa de Meudon au-dessus de la tombe de Rodin et de son épouse ; Bronze , fonte Alexis Rudier, 1904 ; Dim ; H:180cm X L:98cm X P:145cm, œuvre confié au Musée Rodin en 1922 n°inv:S.1295.
1882 - Adam.
1882 - Ève .
1884 - L'Éternel Printemps, bronze et marbre, Musée Rodin
1884 ca - Tête de Camille Claudel coiffée d'un bonnet ; Terre cuite ; Dim ; H:25,7cm X L:15cm ; P:17,7cm, musée Rodin n°inv:S.208
Ugolin et ses enfants.
1885 - Jeune mère à la grotte ; Plâtre ; Dim ; H:36cm X L:28,2cm X P:24cm,musée Rodin n°inv:S.1196
1886 - Le Baiser
Jean d'Aire en 1887
1887-1888 - Les Sirènes, plusieurs exemplaires en bronze et au moins quatre en marbre. 18 exemplaires dont quatre en marbre ; Plâtre, 3 Sirènes enlacées chantent exposition Monet Rodin à la Galerie Georges Petit à Paris en 1889. Don de la famille Huntly Redpath Drummont ;
1888 - Les Limbes et les Sirènes édition de 1934, vase en porcelaine dure ; Dim ; H:24,7cm X L: 13,3 cm X P:13,3cm,musée Rodin, n°inv:S.2415, don d'Eugène Rudier, 1945.
1889 - Les Bourgeois de Calais ; Plâtre ; Dim ; H:219,5cm X L:266cm X P:211,5cm, musée Rodin n°inv:S.153
1890-1893 - Éternelle idole ; Plâtre ; Dim ; H:73,2cm X L:59,2cm X P:41,1cm, musée Rodin n°inv:S.1044
1894 - Le Christ et la Madeleine ; Maquette plâtre et bois. Un tissu trempé dans du plâtre liquide entoure les jambes de la Madeleine ; Dim ; H:84,5cm X L:74cm X P:44,2cm;, repères de mise aux points musée Rodin, n°inv:S.1097
1895 ca - Iris; Bronze, fonte Alexis Rudier avant 1916 ; Dim ; H:82,7cm X L:69cm X P:63cm, musée Rodin S.1068
1895 ca - Assemblage : Masque de Camille Claudel et main gauche de Pierre de Wissant; plâtre ; Dim ; H:32,1cm X L:26,5cm X P:27,7cm, musée Rodin, n°inv:S.349
1895-1897 - l'Aurore ; marbre ; Dim ; H:56cm X L:58cm X P: 50 cm, musée Rodin, n°inv:S.1019
1896 - La Méditation ou La Voix intérieure ; Plâtre patiné ; Dim ; H:147cm X L:76cm X P:55cm, musée Rodin, n°inv:S.1125
1899 - Les Ombres de La Porte de l'enfer.
1907 ca - Amour et Psyché, marbre, Musée des Beaux-Arts de Nancy.
1907 ca - Buste de Henry Becque ; Plâtre ; Dim ; H:69,2cm X L:46,5cm X P:47cm, musée Rodin, n°inv:S.1827
1908 - La Duchesse de Choiseul version pensive ; Terre cuite ; Dim ; H:39,4cm X L:36cm X P:22,2cm, musée Rodin n°inv:S.1041
1908 - La Cathédrale ; Pierre ; Dim ; H:64cm X L:29,5cm X P:31,8cm, musée Rodin n°inv:S.1001
Claude Gellée dit Le Lorrain, bronze, Parc de la Pépinière à Nancy.
Balzac. Commandée à la fin du XIXe siècle par la Société des gens de lettres, la statue d'Honoré de Balzac, à la fois majestueuse et fantomatique, donna lieu à une vive polémique. D’abord refusée par ses commanditaires qui demandèrent aussitôt une autre statue à Alexandre Falguière, elle ne fut exposée que longtemps après sa première présentation. On lui reprochait de n'avoir conservé de Balzac que l'aspect moribond. Émile Zola, grand admirateur de Balzac et de Rodin, fut un ardent défenseur de cette œuvre. On peut la voir aujourd'hui sur le quai métro Varennes, à Paris, ainsi que dans le jardin du musée Rodin, rue de Varennes.
Le modèle fut un italien nommé Nardone, qui posa bien plus tard, alors octogénaire, pour Germaine Richier en 1947.
L'Homme qui marche, bronze, salle Camille Claudel de l'espace Culturel André Siegfried à Barentin en Seine-Maritime.
Buste d'homme grimaçant, plâtre, 22 x 28 x 15 cm, Musée d'art de Toulon.
Buste de jeune fille, bronze patiné, socle en verre, musée des arts décoratifs, Paris.
1908 - Muse Whistler nue, bras coupés ; Bronze, fonte Coubertin, 1986 ; Dim ; H:223,5cm X L:90cm X P:109,5cm, Fonte réalisée pour les collections du musée, n°inv:S.3005 1911 - Le Baiser de l'Ange également dit Le Rêve.
1911 - Hélène de Nostitz ; Pâte de verre ; Dim ; H:23,2cm X L:21,5cm X P:9,7cm, musée Rodin n°inv:S.991

Dessins

Il créa environ 10 000 dessins dont 7 000 sont conservés au musée Rodin
1856 ca - Squelette et crâne; Crayon noir sur papier, plume et encre noire sur papiers découpés, collés en plein sur un support; Dim; H:25,3cm X L:11cm, musée Rodin n°inv:D.100, D.102
1875-1876 - Feuilles d'études; crayon, plume et encre brune, lavis brun et gouache, sur cinq papiers découpés et collés sur une page d'un album désassemblé par la suite; Dim; H:26,4cm X L:33,3cm, musée Rodin n°inv:D.274 à D.279, au verso
1879-1882 - Vase aux putti; Fusain sur papier; Dim; H:38,4cm X L:33,1cm, musée Rodin n°inv:D.7676
1880 ca - Ugolin entouré de trois enfants; Crayon, plume et lavis, encre et gouache sur papier; Sbd; Dim; H:17,3cm X L:13,7cm;, musée Rodin n° inv:D.7627
1880 ca - La Force et la Ruse; Plume, encre, lavis et gouache sur papier collé sur un support contrecollé sur carton; Dim; H:15,5cm X L:19,2c, mmusée Rodin n°inv:D.5087
1880 ca - Dans la m...; Crayon, plume et encre, lavis d'encre et gouache sur papier collé sur un papier réglé de registre; Dim; H:18,2cm X L:13,6cm, musée Rodin n°inv:D.7616; Ancienne collection Maurice Fenaille acquis en 1929.
1881-1884 - Portail de l'église de l'abbaye Saint-Pierre d'Auxerre; Plume et encre, lavis d'encre brune sur papier quadrillé; Dim; H:18,2cm X L:14,4cm, musée Rodin n°inv:D.5916-5918
1884 ca - Ève; Plume et encre noire, lavis d'encre brune sur papier; Dim; H:25,4cm X L:18,7cm, legs Marcel Guérin, musée Rodin n°inv:D.7142
1900 - Naissance de Vénus; crayon graphite, encre et aquarelle sur papier; Sbg; Dim; H: X L:, musée Rodin n°inv:D.4093

Peintures

1871-1877 - Chemin de terre à Watermael en forêt de Soignes; HSPapier, collé sur carton; Dim; H:36,5cm X L:27cm, Musée Rodin n°p. 7240
1871-1877 - Crépuscule d'or sur les dunes en forêt de Soignes; HSPapier collé sur carton; Dim; H:27cm X L:34cm, musée Rodin n°inv:p. 7225

Gravures

1884 - Victor Hugo de trois-quarts; gravure à la pointe sèche, 4e état sur 10, Dim partie gravée; H:22,2cm X L:15cm, Acquis en 1991, musée Rodin n°inv:G.7750
1885 - Henry Becque ; gravure pointe sèche; Dim partie gravée; H:22,5cm X L:16cm, musée Rodin n°inv:G.9343

Illustrations

1887-1888 - Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, illustrations d'Auguste Rodin
1902 - Le Jardin des Supplices d'Octave Mirbeau, illustrations d'Auguste Rodin, Paris, Ambroise Vollard
1914 - Les Cathédrales de France; éditions Armand Colin, illustrations d'Auguste Rodin

Publication

Rodin a fait publier un unique ouvrage Les cathédrales de France, avec cent dessins reproduits en fac-similé par Auguste Clot,.

Musées, monuments

Musée des arts décoratifs de Paris : Buste de jeune fille
Musée d'art de Toulon : Buste d'homme grimaçant
Musée d'Orsay : Saint Jean Baptiste
Musée des beaux-arts de Nancy : Amour et Psyché

Musées Rodin.

Musée Rodin, deux sites à l'hôtel Biron dans le 7e arrondissement de Paris et à la villa des Brillants à Meudon, Hauts-de-Seine.
Iris & B. Gerald Cantor Center for Visual Arts, musée d'art de l'Université Stanford à Stanford, Californie.
Musée Rodin de Calais.

Expositions

1877 - Bruxelles: L'Âge d'airain accusé de modelage sur nature.
1889 _ Galerie Georges Petit à Paris; Monet-Rodin
1902 - du 10 mai au 15 juillet Prague
2013 - Arles : "Rodin la lumière de l'antique"
Posthumes
2001 Rodin en 1900, Le Pavillon de l’Alma, Musée du Luxembourg, Paris. Réplique de l'exposition organisée par Rodin en 190026.
2007 avril à juin : exposition de sculptures, bronzes, moulages et dessins originaux de l’artiste. Château de Waroux près de Liège, en Belgique.
Octobre 2009 à octobre 2012 : exposition de 62 sculptures originales de l'artiste. Palais des Arts, dans le quartier de Graça, à Salvador/Bahia, au Brésil.
13 mars au 13 juin 2011 : Rodin, Le plaisir infini du dessin au musée départemental Matisse, Le Cateau Cambrésis, 59 France

Portraits de Rodin

Rodin par Nadar (1893)
Rodin par Alphonse Legros
Auguste Rodin par Gertrude Käsebier (1905)
Auguste Rodin Gertrude Käsebier (1905)
Rodin par William Rothenstein
Albert Besnard fit de lui un portrait en 1900, gravure à l'eau-forte.
1910 : Grand-officier de la Légion d'honneur

Liens

http://youtu.be/TBiVyywaxmg la porte de l'enfer de Paris 1
http://youtu.be/BXMO-Xv9YP8 La porte de l'enfer 2
http://youtu.be/SiirmAwe1c8 Le musée Rodin
http://youtu.be/5-aleHm3wIo Rodin par Sacha Guitry
http://youtu.be/GWTQMlXU0-k Visite Rodin



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#225 Roger Le Loup dessinateur
Loriane Posté le : 16/11/2013 22:48
Le 17 novembre 1933 à Verviers, naît Roger Leloup

scénariste et dessinateur de bandes dessinées belge. Il est principalement connu pour la série Yoko Tsuno

Il a connu une enfance protégée malgré l'actualité troublée. Parmi ses passions, la bande dessinée, l'aviation et les transports ferroviaires dont il pouvait quotidiennement admirer des exemples à taille réelle dans l'importante gare de tri proche. De nos jours, il doit se contenter de locomotives et wagons miniaturisés, circulant sur le vaste circuit qu'il a établi à l'étage de sa maison réservé à son atelier.
Il étudie l'art décoratif et la publicité à l'Institut Saint-Luc de Liège. Un voisin dessinateur, Jacques Martin, vient régulièrement acheter sa brillantine au salon de coiffure des parents du jeune homme. En 1950, le volubile visiteur mentionne qu'il cherche un assistant pour la période de vacances. À défaut d'en connaître un, Leloup se propose pour réaliser ses coloriages.

Enfant, il assiste curieux à des combats aériens de la Seconde Guerre mondiale et est fasciné par la technologie tant des avions que des matériels mécaniques en général, d'où quelques-unes de ses passions qui trouveront un débouché dans les histoires de Yoko Tsuno.
"J'ai toujours été bricoleur, j'avais des planeurs téléguidés et je fabriquais moi-même mes modèles réduits.
J'ai été deux fois champion de Belgique dans ma catégorie.
J'ai aussi volé dans des clubs d'amateurs sur de petits appareils. Aussi, dès que j'ai commencé à travailler sur Yoko, l'exutoire a été total. Tout ce que je faisais en modélisme ou imaginais sur le plan mécanique est passé dans mon dessin.
"C'est mon grand-père qui m'a initié aux lectures de vulgarisation scientifique en me rapportant un jour un paquet de vieux Science & Vie de la maison où il travaillait comme peintre en bâtiment", citant aussi l'influence de la passion de son oncle pour l'entomologie.
Roger Leloup fit ses études d'arts décoratifs et de dessin publicitaire à l'Institut Saint Luc à Liège.
En 1950, il fait la rencontre de Jacques Martin qui venait acheter sa brillantine au salon de coiffure de ses parents, qui mentionna sa recherche d'un assistant pour la période de vacances. Répondant lui-même à cette offre plutôt que d'intégrer une entreprise publicitaire, il devient son assistant pour la mise en couleurs et les décors.
C'est ainsi qu'il commença à travailler sur les histoires d'Alix dans L'Île maudite1. La commande passée à Hergé de chromos techniques pour la série “Voir et Savoir" va le lancer dans ses premiers essais professionnels de dessins pour l'“Histoire de l'Aviation” et celle de l'Automobile où Jacques Martin est engagé pour diriger la partie technique.
Leloup fignole au crayon les engins que le dessinateur repasse à l'encre avant que le maître d'œuvre y ajoute le personnage de Tintin en costume de circonstance.
Le 15 février 1953, il entre aux Studios Hergé pour y travailler aux aventures de Tintin, tout en continuant à collaborer avec Jacques Martin, pour qui il dessine les décors d'Alix jusqu'au début de l'album Iorix le Grand et de Lefranc.
De 1954 à 1957, il conçoit de nombreuses planches techniques dans l'hebdomadaire Tintin, ainsi que quelques chroniques sur le modélisme, notamment ferroviaire et aérien dont il est féru, proposées dans la version belge de l'hebdomadaire.
Avec Hergé, il travaille surtout des dessins techniques, puis il m'a testé pour le décor de la gare de Genève-Cointrin dans L'Affaire Tournesol. C'était assez amusant parce que j'ai imaginé une verrière et cette gare n'a pas de toit vitré au-dessus! On aurait pu aller prendre des photos...
Ensuite, j'ai fait de petites choses ici et là, comme la chaise roulante du capitaine Haddock dans Les Bijoux de la Castafiore, des autos, des motos, des chars et, plus tard, la conception de l'avion de Carreidas dont j'ai même construit la maquette. Un de mes plus beaux souvenirs a été de me trouver chargé de redessiner tous les avions de la refonte de L'Île noire en 1965.
À la fin des années 1960, Hergé ne produisait plus beaucoup. Leloup dessinait mais s'occupait également des relations publiques et préparait des dossiers de presse pour Hergé.
Il travailla pour d'autres auteurs, comme Francis pour qui il dessina les décors des Aventures de M. Bouffu et Les Penseurs de Rodin de 1966 à 1968.
Durant la soirée de Noël du 25 décembre 1968, Roger Leloup dessine les premières esquisses d'une jeune héroïne asiatique qu'il voudrait introduire dans une éventuelle reprise de Jacky et Célestin de Peyo, avec qui il a collaboré pour une histoire des Schtroumpfs.
Le projet avorté, il décide de la développer avec deux faire-valoir masculins, Vic et Pol, pour remplacer le duo initial Jacky et Célestin.
Yoko n'est au départ qu'un personnage secondaire, mais le personnage de Yoko Tsuno prit le devant de la scène pour devenir l'héroïne de la série.
Ayant l'accord de Dupuis pour lancer la série Yoko Tsuno, il quitte les studios Hergé le 31 décembre 1969 et se consacre entièrement à son héroïne Yoko Tsuno.Il en parle comme si elle vivait constamment à ses côtés et a composé un roman pour évoquer sa jeunesse, L'Écume de l'aube, publié en 1991 dans la collection Travelling des Éditions Duculot, reprise par la suite par Casterman.
Peu auparavant, Roger Leloup s'était essayé à un premier roman de science-fiction, Le Pic des ténèbres, également dans Travelling où apparaît une fort jolie androïde, la très efficace Tyo. Le très convoité Grand Prix de la Jeunesse SF lui sera attribué en 1990.
L'album Le Dragon de Hong Kong, dans lequel Yoko adopte Rosée du matin, est dédié à Keum-Sook, une Coréenne de cinq ans adoptée par Roger Leloup et son épouse en 1973 sous le prénom plus européen de Annick.
Encouragé par ses lecteurs, il valorise son héritage de la culture japonaise, droiture, fidélité. La série, où transparaissent largement ses centres d'intérêts et certaines de ses convictions, influence profondément sa vie:
"Aujourd'hui, je ne pourrais plus abandonner le personnage de Yoko. Je m'y suis attaché profondément. Je ne maîtrise plus son existence. À force de vivre à mes côtés, Yoko est devenue une partie de ma vie. Pour moi, elle n'est pas uniquement un personnage de papier qui vit seulement dans les albums et dans la tête de son créateur. Elle a pris son autonomie et est devenue une véritable jeune fille d'aujourd'hui. Son caractère est devenu plus complexe, sa personnalité plus riche. Je crois que maintenant Yoko a atteint sa pleine maturité.".

Roger Leloup est vraiment un auteur complet, aussi doué dans l'écriture que le dessin. À ses débuts, rendu méfiant par l'expérience, Charles Dupuis l'avait prié de solliciter l'aide de Tillieux pour ses scénarios et dialogues. Après avoir vu deux courtes histoires complètes proposées par son solliciteur et où il n'avait pu placer qu'un bon mot ici ou là, par pure courtoisie, le maître scénariste avait jugé sa supervision totalement superflue.

Leloup est un pur élève perfectionniste de l'école Hergé et il prend le temps de remettre cent fois sur le chantier ses découpages, ne développant une de ses nombreuses idées de réserve qu'une fois totalement mûre à ses yeux.

Œuvres

La série de bande dessinée Yoko Tsuno
Le roman L'Écume de l'aube (1991,
Le roman Le pic des ténèbres (1995,

Liens

http://youtu.be/2yXWx42IKWY Présentation de Roger Leloup
http://youtu.be/GwokNis-S0A Yoko Tsuno Animation

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#226 Martin Scorsese
Loriane Posté le : 16/11/2013 20:01
Le 17 Novembre 1942 , à Flushing, Long Island naît Martin Scorsese

De tous les movie brats les "gosses du cinoche" , cette génération de cinéphiles devenus réalisateurs à la fin des années 1960, et qui compte notamment dans ses rangs Steven Spielberg, Michael Cimino, Brian De Palma et leur aîné, Francis Ford Coppola, Martin Scorsese est celui qui est communément perçu comme étant l'auteur le plus singulier et le plus rigoureux. Issu d'un milieu italo-américain new-yorkais, il a, dès ses premiers courts-métrages What's a Nice Girl Like You Doing in a Place Like This ?, 1963, campé ses personnages dans un environnement représentatif de ses années d'apprentissage. Univers et formation à la fois chaotiques et douloureux qui, de 1969, date de son premier long-métrage Who's That Knocking at My Door, à 1990, Les Affranchis, vont se refléter tout au long de la première partie de sa carrière, avant qu'il n'apparaisse comme l'héritier des grands créateurs de l'âge d'or hollywoodien.
Catholique fervent qui se destinait à la prêtrise, mais aussi enfant souffrant d'asthme, Martin Scorsese a toujours été fasciné autant par la figure du Christ sur la croix que par les activités violentes des rues du quartier new-yorkais Little Italy.
Dans l'impossibilité de participer physiquement à ces dernières, il trouva très tôt dans les salles de cinéma un palliatif à son besoin de dépenser son énergie. Une fréquentation assidue qui lui valut d'être fortement influencé tant par Hollywood John Ford, Samuel Fuller, les musicals et la Nouvelle Vague française Godard surtout), que par l'Anglais Michael Powell Les Chaussons rouges et le cinéma italien (le néo-réalisme et Rossellini principalement. Ce à quoi s'ajouta un grand intérêt pour la beauté féminine qui lui aliéna un avenir exclusivement religieux. Ainsi, de prêtre frustré devint-il cinéphile passionné, puis cinéaste consommé.

Sa vie

Martin Scorsese est né le 17 Novembre 1942, à Flushing Long Island, dans le quartier de Queens à New York, au sein d'une famille sicilienne catholique traditionaliste. Enfant asthmatique et frêle, le jeune Martin Scorsese ne peut pratiquer de sport et ses parents l'emmènent fréquemment au cinéma. Épris d'une foi profonde, il se destine d'abord à une vie religieuse et entre au séminaire en 1956 afin d'être ordonné prêtre. Jugé trop jeune, il n'est alors âgé que de 14 ans et indiscipliné pour s'engager si tôt dans le ministère sacerdotal, il est renvoyé au bout d'un an.
Il termine ses études à la Cardinal Hays School, dans le Bronx puis intègre l'université de New York NYU en 1960 où il fréquente les cours de cinéma de la Tisch School et obtient une maîtrise en 1966. Il sera d'ailleurs professeur dans cette université de 1968 à 1970.
Après avoir suivi des cours de cinéma à l'université de New York et fait ses premiers pas en quasi-amateur, il obtient divers emplois professionnels surtout liés au montage entre autres celui du documentaire Woodstock de Michael Wadleigh, 1970, avant de se voir confier par Roger Corman le tournage d'un succédané de Bonnie et Clyde, Bertha Boxcar, en 1972. Dans ce film de commande, il glisse néanmoins quelques thèmes personnels crucifixion, sexualité effrénée et prouve surtout qu'il est un réalisateur efficace.
L'année suivante, il reprend un ancien projet, qui obtient le soutien de la Warner, et lui donne un premier élan : Mean Streets.
Il réalise plusieurs courts métrages, dont le très remarqué The Big Shave, qui remportent de nombreux prix. Puis il signe son premier long métrage, Who's That Knocking at My Door, sorti le 15 novembre 1967, soit trois ans après le premier tour de manivelle. Ce film marque la rencontre avec l'un de ses acteurs fétiches, Harvey Keitel.
Il participe en tant que monteur et assistant réalisateur au film Woodstock de Michael Wadleigh sur le Festival de Woodstock en 1969. Au début des années 1970, Martin Scorsese déménage à Hollywood et obtient un emploi de monteur à la Warner Bros.1. Il rencontre alors le producteur Roger Corman qui lui offre la possibilité de tourner son premier film hollywoodien : Bertha Boxcar Boxcar Bertha avec Barbara Hershey et David Carradine.

Encouragé par John Cassavetes à poursuivre un style de réalisation plus personnel, Scorsese commence à travailler sur le film Mean Streets, qui relate le parcours de deux jeunes ambitieux de Little Italy. Première œuvre du réalisateur acclamée par la critique, ce film est aussi le théâtre de la rencontre la plus importante de sa carrière : celle avec l'acteur Robert De Niro qui devient désormais son alter ego à l'écran. Le cinéaste s'apprête à devenir l'une des têtes de proue du Nouvel Hollywood.
L'année suivante, Francis Ford Coppola lui ouvre les portes des studios Warner Bros.. Il rencontre son premier succès public avec le drame intimiste Alice n'est plus ici qui dénote l'influence de Cassavetes et permet à Ellen Burstyn d'obtenir l'Oscar de la meilleure actrice, en 1975, pour son interprétation de femme au foyer malheureuse.
Film éminemment personnel, version peaufinée de son premier long-métrage, Mean Streets est une plongée à la source du regard scorsesien : il dit la nécessité du passage par l'enfer urbain pour atteindre la rédemption, itinéraire proche de celui parcouru par les héros pénitents de Dostoïevski et de Bernanos. Une thématique de catholique torturé que Scorsese reprendra régulièrement dans Taxi Driver (1976), palme d'or à Cannes et son premier succès au box-office, puis dans Raging Bull (1980), très beau détournement des mémoires du boxeur Jake La Motta, After Hours (1985) qui emprunte le mode plus léger de la comédie noire, ou À tombeau ouvert (1999), autre variation sur l'enfer nocturne new-yorkais. Mean Streets montre également les traits esthétiques essentiels du cinéaste : une direction d'acteurs nerveuse et naturaliste (où brillent successivement Harvey Keitel et Robert De Niro avec lequel Scorsese tournera huit films), une caméra très mobile, des éclairages fort signifiants, un montage haletant, une bande-son fournie où la rock musique et apparentée est particulièrement présente, souvent en contrepoint.

Dès son film suivant, il obtient la Palme d'or au 29e Festival de Cannes, en 1976. Taxi Driver, drame psychologique sur fond de difficile réinsertion des anciens combattants de la guerre du Vietnam, est interprété par Robert De Niro, Jodie Foster et Harvey Keitel. Ce film, écrit par Paul Schrader, assoit définitivement l'univers scorsesien : faune new-yorkaise, personnages à la dérive, confusion du bien et du mal, violence cathartique et questionnement métaphysique. Taxi Driver reçoit également quatre nominations aux Oscars en 1977.

Il en va également ainsi dans le domaine du documentaire que Scorsese affectionne et auquel il a consacré de nombreux films, tous de grand intérêt, l'un sur ses parents et leur mode de vie Italiananmerican, 1975, un autre sur un ami désaxé, miroir de son temps et du cinéaste lui-même (American Boy : a Profile of Steven Prince, 1978), un troisième sur le concert d'adieu de The Band, ancien groupe de Bob Dylan, où Scorsese filme avec volupté les différents participants (The Last Waltz, 1978), sans oublier deux longs-métrages composés d'extraits de films consacrés à sa passion pour le cinéma américain (Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain, coréalisé avec Michael Henry Wilson en 1995 et italien Il mio viaggio in Italia, 2001, ainsi que deux autres films sur des mythes musicaux : No Direction Home, 2005, sur Bob Dylan) et Shine a Ligth 2008, sur les Rolling Stones. Cette énergie créatrice l'amena à se tourner vers la scène en 1977 avec le musical The Act (dont Liza Minnelli était la vedette, mais qu'il ne put mener à bien pour cause d'épuisement. Un torrent de vitalité qu'il canalisera néanmoins plus tard sur la production en finançant Les Arnaqueurs de Stephen Frears en 1990, Clockers de Spike Lee en 1995, ainsi qu'une série de films sur le blues, dont The Soul of a Man de Wim Wenders, en 2003 et sa propre contribution, Feel Like Going Home 2004.

C'est en 1991, une fois achevée sa trilogie sur le monde des petits mafieux, Mean Streets, Raging Bull, Les Affranchis, que Scorsese se glisse dans le moule des genres établis, en acceptant une proposition de Steven Spielberg : il s'agit du remake de Les Nerfs à vif, mis en scène par Jack Lee Thompson en 1962. Ce film qui marque son deuxième triomphe au box-office permet au cinéaste de relancer sa carrière, mise à mal tant par le scandale causé en 1988 par La Dernière Tentation du Christ auprès des catholiques intégristes, incendie du cinéma Saint-Michel à Paris que par ses insuccès publics successifs depuis Taxi Driver.
Le Temps de l'innocence 1993, d'après Edith Wharton où plane le souvenir de Visconti et Ophuls, Kundun 1997, beau et maladroit film historique sur le dalaï-lama, puis Gangs of New York (2002, gigantesque fresque sur la naissance du crime organisé au milieu du XIXe siècle, ancrent Scorsese dans la tradition romanesque hollywoodienne, réduisant l'importance de ses deux autres films plus personnels, mais trop répétitifs, Casino 1995, où Joe Pesci et De Niro reprennent leurs personnages de gangsters des Affranchis et À tombeau ouvert 1999, l'ambulance remplaçant ici le mémorable véhicule jaune de Taxi Driver.

Un parcours pratiquement sans faille pour cet enfant de Jésus-Christ et de Frank Capra, qui est manifestement parvenu, à travers sa réussite artistique, à concilier une double aspiration spirituelle et cinéphilique. Ce maintien au sommet de l'affiche depuis 1991, il le doit, après avoir fini de sonder son univers intime, à son incursion dans le film de genre à gros budgets où il continue cependant de puiser dans ses passions de toujours, entre autres, sa fascination pour le passé de sa ville natale dans Le Temps de l'innocence et Gangs of New York.
En combinant à merveille le regard de l'auteur original avec celui du metteur en scène de films pour grand public, Martin Scorsese à réussi à s'imposer aux yeux du nouvel Hollywood comme un cinéaste tant insolite que classique, exigeant et rigoureux, et par conséquent l'un des plus fiables de sa génération, dans le sillage des meilleurs créateurs de l'âge d'or du cinéma américain. Ce que confirme The Aviator 2004, film à caractère biographique sur la jeunesse du pilote et producteur Howard Hughes, interprété par Leonardo Di Caprio.

À Tombeau ouvert.

Il n'échappe à personne que le plan final d'À tombeau ouvert (1999) est une pietà : le héros, Frank Pierce (Nicolas Cage), trouve enfin un moment d'abandon dans les bras de la bien nommée Mary, Suzanna Arquette. On sait le goût de Martin Scorsese et de Paul Schrader (le scénariste du film) pour l'imagerie religieuse. Pareillement, le dealer Cy se trouve « crucifié » comme le syndicaliste de Bertha Boxcar (1972).
L'hôpital s'appelle Notre-Dame-de-la-Miséricorde. Sous l'effet d'une drogue, Frank voit des morts sortir du macadam ; l'ambulancier baptiste Marcus pratique une « résurrection » (revival) ; le possédé Noel est assoiffé parce qu'il « revient du désert » ; le couple hispanique, dont la femme se nomme Maria, a conçu des jumeaux sans relations sexuelles... L'idée de rédemption, qui parcourt l'œuvre de Scorsese, paraît trouver ici son ultime expression.
Il est improbable que les cinéphiles que sont Martin Scorsese et Paul Schrader, marqués respectivement par les cultures catholique et protestante, n'aient pas songé à la pietà de Cris et chuchotements d'Ingmar Bergman, où la sœur mourante repose dans les bras de la servante. Mais quelle distance entre ces deux scènes ! « Dans l'étreinte d'une mère illusoire qui donne à mourir, écrit Jean Collet, l'extrême détresse coïncide avec une indicible douceur. La vie et la mort ne s'opposent plus, le temps s'arrête vertigineusement ». Ici, c'est Frank, qui repose sur les genoux de Mary et qui vient de « donner à mourir », en débranchant sciemment l'appareillage qui maintenait en vie Old Man Burke, le père de la jeune femme.
Et si la détresse est aussi extrême que chez Bergman, c'est moins la douceur qui nous frappe dans les traits et les attitudes de Nicolas Cage et Suzanna Arquette qu'une souffrance plus physique que morale. La « douceur » ne tient ici qu'à l'arrêt provisoire de l'image après une succession de courses folles, poursuites, fuites, voire catastrophes et accidents. Si la mise en suspens d'une temporalité aussi chaotique surprend et soulage, le spectateur en ressent surtout l'aspect transitoire et éphémère. Non seulement la vie et la mort déchirent encore le couple, mais l'angoisse à l'idée de la nécessaire reprise du cycle infernal demeure violemment présente.
À tombeau ouvert raconte trois nuits de l'ambulancier Frank Pierce, où alternent lutte contre l'arrêt cardiaque qui frappe Old Man Burke, sauvetage de M. Oh, roi de la puanteur, ou de l'assoiffé Noel qui veut se trancher la gorge au beau milieu de la 42e Rue, réussites et échecs... Face à ces atrocités quotidiennes, Frank ne peut avoir l'attitude révoltée du Travis Bickle de Taxi Driver (1975), également écrit avec Paul Schrader, lorsque la violence cathartique s'inscrivait sur fond de mouvements protestataires nés de Mai-68 et de la guerre du Vietnam. De même, il n'est pas venu de sa province vers cette nouvelle Sodome qu'est New York. Frank est originaire du même quartier que Mary, la 52e Rue, là où il y a plus de fantômes au mètre carré que partout ailleurs, c'est-à-dire ceux qu'il a sauvés et ceux qu'il n'a pas pu sauver. Pour Travis, le métier fait l'homme. C'est avec son taxi qu'il se découvre une vocation à tirer l'humanité du péché. Frank, lui, n'a pu être médecin et tente de sauver les corps tout en étant obsédé par les âmes. Au temps de la contestation succède celui de l'humanitarisme. Scorsese reprend, pour le détourner, le principe de la série américaine Urgences (ou ses variations, tel Third Watch), où « l'urgence » de chaque situation nouvelle permet aux héros de se voiler la face, d'oublier déboires sentimentaux ou échecs médicaux dans un nouveau défi. Mais pas d'oubli, pas même de sommeil pour Frank Pierce, dont la voix angoissée, subjective, à l'opposé de la fausse neutralité documentaire de la série télévisée, donne le ton : « J'étais bien dans mon travail, mais cette dernière année, je commençais à perdre ce contrôle. Je n'avais sauvé personne depuis des mois. »
Pourtant, À tombeau ouvert n'est pas un film sur la rédemption, mais sur la chute. Tous les personnages, à un moment ou à un autre, recherchent l'oubli. Mary en a fini avec l'expérience de la drogue. Mais se rend chez Cy, à « l'Oasis », pour vivre un moment l'oubli de soi et de l'agitation du monde. Certes, les deux héros ont accompli un travail de type analytique : Mary a compris qu'elle aimait ce père qu'elle croyait détester, a accepté sa mort, et consenti à se pencher sur Frank. Celui-ci admet qu'il n'est pas responsable de toutes les âmes, et qu'il ne doit pas voir en toutes les femmes Rose, la jeune prostituée droguée qu'il n'a pu sauver. Il réalise que sauver les corps à tout prix ne suffit pas : il faut aussi accepter de libérer l'esprit du vieux Burke en le débranchant...
Jamais film de Scorsese n'est allé aussi loin dans un délire visuel digne d'un Oliver Stone, multipliant les effets de montage, les accélérés et les ralentis. À tombeau ouvert joue sur deux vitesses, que le cinéaste définit comme les phases classiques du maniaco-dépressif : des temps d'abattement et de doute, des temps de frénésie, de jouissance de la vitesse, renforcés par une musique (Johnny Thunders, Van Morrison ou The Clash) volontairement redondante, puisant dans le rock et la variété. La phase d'apaisement finale, qui laisse place à une musique classique à tonalité religieuse, ne renvoie pas au nirvāna bouddhiste de Kundun (1998). La cure analytique sauvage menée par Frank et Mary les laisse à l'état d'enveloppes vidées de leur contenu, cet imaginaire religieux étant désormais sans effet. Ne reste, surtout pour Frank, que l'efficacité professionnelle et mécanique, ce que Scorsese, dans son film le plus absolument pessimiste, appelle être « sur pilote automatique

Casino

La légende demeure tenace, qui veut que le cinéma américain, s'adressant à un vaste public, repose sur des acquis éprouvés et laisse aux autres les risques de l'innovation. Casino dément à l'envi un tel cliché. Rarement narration fut plus éclatée, chronologie plus bousculée, mise en scène plus déroutante, poussant le système esthétique du cinéma de Martin Scorsese à son paroxysme : utilisation de la voix off, ici dédoublée, exploitation des « tubes » de l'époque, montage haché, ralentis décomposant le plan en photogrammes isolés, couleurs agressives (à dominante rouge) et néons, costumes voyants, citations cinéphiliques (Le Mépris, La Mort aux trousses...), violence exacerbée... Mais cette virtuosité vaut-elle d'être appliquée à un objet si peu nouveau : un film sur la Mafia ? Scorsese lui-même, après Coppola et ses trois Parrain, n'avait-il pas tout dit sur le sujet avec Les Affranchis (Goodfellas, 1990) ?
Même s'il ne couvre qu'une part limitée de l'histoire (les années 1970) et de l'espace américains (essentiellement Las Vegas), Casino est une fresque symphonique. Mais plutôt que brasser les destins de plusieurs personnages, à la façon du Cimino de La Porte du paradis, Scorsese entremêle plusieurs niveaux et plusieurs « histoires » : la gestion du casino, ses relations avec le syndicat des camionneurs, l'autodestruction du couple que forment Sam « Ace » Rothstein (Robert De Niro) et Ginger McKenna (Sharon Stone), l'amitié trahie entre « Ace » et son ami d'enfance Nicky Santoro (Joe Pesci), la chute de Las Vegas comme « enfer du jeu », la peinture de l'Amérique des années 1970, en proie au doute et aux rêves les plus excessifs, le déclin d'une mythique ville frontière du Vieil Ouest, aux confins d'un désert inquiétant...
Le scénario s'appuie sur une enquête de Nicholas Pileggi, écrivain-journaliste qui était déjà à l'origine des Affranchis. Il a accumulé ici souvenirs et témoignages sur l'ascension et la chute de Frank « Lefty » (« Gaucher ») Rosenthal, ancien bookmaker juif qui, dans les années 1970, dirigea jusqu'à quatre casinos à Las Vegas pour le compte de la Mafia. L'échec de son mariage avec une croqueuse de diamants, Geri, et sa rivalité avec un gangster venu lui aussi de Chicago, Tony Spilotro, entraîna la fin de l'emprise de la Mafia sur la ville. Scorsese a écrit le scénario avec Pileggi, comme à son habitude, en partant du plus concret et du plus ordinaire : la dispute qu'eut Rosenthal avec son épouse sur la pelouse, devant leur maison. Une scène de ménage qui entraîne arrestations, trahisons, règlements de comptes, exécutions...
En apparence, « Ace » représente une image du pouvoir criminel différente de celle, plus traditionnelle, de Nicky. Celui-ci est impulsif, mais, à la différence du Tommy des Affranchis, interprété par le même Joe Pesci, il met, avant de sombrer dans la drogue, ses colères névrotiques au service de l'organisation, qu'il plonge un stylo dans la gorge d'un homme qui a manqué de respect à « Ace », qu'il a la charge de protéger, ou qu'il écrase dans un étau la tête d'un autre pour lui soutirer un nom. « Ace » ne répugne pas à la violence physique lorsqu'il s'agit de réprimer la fraude dans les jeux qu'il supervise, mais il agit par intermédiaire et pour l'exemple. Sa véritable violence s'exerce à l'intérieur du circuit économique, dans l'organisation rationnelle du casino Tangiers, proche en cela de n'importe quel « business ». La violence froide de la corruption est ici étendue à tous les niveaux, du groom au politicien local. Elle atteint son comble lorsqu'un Japonais trop heureux au jeu est « empêché » de prendre l'avion et conduit en douceur à rejouer et perdre au-delà de ses gains.
Robert De Niro prête à « Ace » une froideur impénétrable, une insensibilité, une opacité qui ne sont pas sans rappeler le Henry Hill des Affranchis. C'est que Nicky et « Ace » n'incarnent pas seulement deux types de mafiosi, voire deux époques. C'est la nature même du pouvoir mafieux qui a changé dans Casino. L'organisation secrète, efficace, patriarcale, la « famille », comme continue de la nommer Nicky, fondée sur l'échange de « services », que décrivaient encore les trois Parrain comme Les Affranchis, n'a plus cours : Nicky comme « Ace » sont loin d'obéir aux injonctions de « boss » cacochymes et impuissants (d'où le sadisme de la correction infligée à Nicky et à son frère). Au temps de la surveillance vidéo et de l'informatique, le pouvoir mafieux, le « réseau », n'est plus visible, perceptible, mais impalpable. Non plus souterrain et déguisé derrière une épicerie ou les néons de Las Vegas, mais bel et bien virtuel.
Que se passe-t-il dans ces séquences « documentaires », voire scientifiques, où l'on voit l'argent échangé à la caisse du Tangiers devenir jetons sur les tables de jeu, avant de se transformer à nouveau en billets et pièces comptés dans les arrière-salles pour être expédié comme argent à blanchir vers Chicago ou Kansas City ? Rien qui relève du principe de Lavoisier selon lequel « rien ne se perd, rien ne se crée ». Des sommes se volatilisent à chaque étape sans affecter les « plus-values » mystérieusement dégagées : l'argent du jeu échappe à la logique de l'offre et de la demande, du prix d'achat et du prix de vente. La Mafia est « une manière d'être, de sentir et d'agir », écrivait-on à la fin du siècle dernier. Ici, elle est un mode de pensée. Son réseau immatériel et multiple (caméras, jumelles, vitres, fenêtres, à travers lesquelles « tout le monde surveille tout le monde ») irrigue le cerveau des protagonistes, aussi bien celui de Nicky jusqu'à son exécution que celui d'« Ace ». Depuis la double voix off, si déroutante, jusqu'aux images du front d'« Ace », qui accompagne pas à pas le film, centre moteur autour duquel s'organise l'activité du Tangiers, comme dans sa construction éclatée en d'innombrables directions et en images réduites à de pures impulsions, Casino est non pas le reflet mais la matière même du cerveau et de la conscience de son personnage principal. Serge Toubiana évoque à son propos les « films-cerveaux » dont parle Deleuze dans L'Image-temps, rapprochant ainsi Scorsese de Resnais et surtout de Kubrick. La nouvelle conception de l'organisation qui se montre ici implique pareillement des exécutants qui soient de purs cerveaux, dénués de sentiments, de nerfs, de corps. La colère et l'ambition emportent Nicky, son corps brisé disparaît dans une fosse. « Ace » croit pouvoir faire changer Ginger – plus par orgueil et puritanisme que par amour –, ce qui entraînera sa chute. Une certaine misogynie exclut la femme, incapable d'une telle ascèse, toute de corps et d'affects. Ginger souffre et enraye le système avant de sombrer.
Le « monde-cerveau » est encore une illusion. La division demeure entre l'individu, cerveau et corps, trop visible. « Ace » survit en contrôlant les paris à distance, caché derrière un écran. Une nouvelle organisation s'installe, plus efficace, plus propre, anonyme, une fois le syndicat des camionneurs chassé. Elle n'exploite plus le joueur solitaire et invétéré, mais les familles entières, du petit au plus grand, du riche au pauvre, et pour leur entière satisfaction. Le monde imaginaire de Disney, greffé au plus profond du cerveau dès l'enfance, masque des réalités plus souterraines. Le « business » des parcs d'attraction est tellement plus propre et rentable que l'enfer du jeu !

Shutter Island

Adapté du best-seller de Dennis Lehane (2003), l'opus de Martin Scorsese Shutter Island (2009) agace et fascine. Il agace par son style survolté caractéristique non plus de la vive personnalité du cinéaste d'After Hours (1986), mais bien plutôt de l'impérieuse nécessité qui pousse aujourd'hui la plupart des réalisateurs mainstream à tourner et à monter de manière haletante, tout film devant plaire en priorité au public jeune. Ce à quoi se sont bien sûr conformés les collaborateurs attitrés du réalisateur tant à la photo (Robert Richardson, qui en est à sa cinquième collaboration depuis Casino en 1995) qu'au montage (Thelma Schoonmaker à l'œuvre dès son premier long-métrage Who's That Knocking at My Door, 1968, puis très fidèle depuis Raging Bull, 1980). Mais le film fascine quand, dans le dernier quart, son rythme ralentit. À condition qu'il n'ait pas lu le livre, le spectateur se demande alors si ce qu'il vient de voir jusque-là relève de la réalité objective ou de celle qui est propre à la psychose du personnage interprété par Leonardo Di Caprio, ou bien encore s'il s'agit d'un jeu de rôle mis en scène par le corps médical qui dirige l'asile psychiatrique ? Ce n'est qu'une fois l'explication finale donnée qu'il comprendra pourquoi la réalisation avait été jusque-là si enfiévrée. Voici donc une œuvre qui s'appuie sur un art aussi habile que sublimé de la manipulation et qui entraîne, en fin de compte, notre adhésion.
Le roman de Dennis Lahane fait suite à son précédent succès de librairie qu'avait été Mystic River, adapté par Clint Eastwood en 2003. Le milieu ouvrier de Boston y est remplacé par un asile-prison réservé aux fous dangereux (reconstitué dans l'ancien Medfield State Hospital du Massachusetts), situé sur une île (filmée à Peddocks Island) au large de Boston. Pendant quatre jours, deux marshals (interprétés dans le film par Leonardo Di Caprio et Mark Ruffalo) sont censés enquêter sur la mystérieuse disparition d'une femme qui s'est échappée de la section « sécurité maximale » de l'établissement, et cela alors que se déchaîne un violent ouragan. Mêlant le genre policier, le gothique fantastique, le drame psychologique, la paranoïa engendrée par la guerre froide (l'action se déroule au milieu des années 1950), le roman crée de la sorte une atmosphère qui fait se croiser l'univers d'Edgar Allan Poe et celui du Cabinet du docteur Caligari (Robert Wiene, 1920). Passionné par les séries B des années 1940 qu'affectionnait le producteur Val Lewton, Martin Scorsese – qui travaillait alors sur un documentaire consacré à ce dernier – ne pouvait qu'accepter le projet d'adaptation que lui proposait Bradley J. Fischer, l'un des associés de Phoenix Pictures (Zodiac, David Fincher, 2007).
Captivé par la lecture de l'adaptation due à Laeta Kalogridis – scénariste appréciée par les producteurs de films d'aventures à suspense (Scream 3, Wes Craven, 2000 ; Alexander, Oliver Stone, 2004 ; Pathfinder, le sang du guerrier, Marcus Nispel, 2007) – et convaincu par la lecture du roman, Martin Scorsese s'est donc lancé avec enthousiasme dans la réalisation du film. Il a renoué avec un genre qu'il avait déjà abordé dans Les Nerfs à vif (Cape Fear, 1991), cette fois doté d'une forte composante psychiatrique et s'est également attaché à reconstituer à la perfection les comportements, les costumes (signés par une autre fidèle, Sandy Powell, présente sur Gangs of New York, 2002, et Aviator, 2004) et les décors (Dante Ferretti, dont c'est là encore la cinquième collaboration avec le cinéaste depuis L'Âge de l'innocence, 1993) du milieu carcéral et policier propres aux années 1950, une décennie que Scorsese aime particulièrement.
À cela s'ajoutait pour lui, comme touche d'originalité narrative, la possibilité d'œuvrer dans le domaine du mental cinématographié qu'il avait apprécié, lors de ses années de formation, dans certains films de la Nouvelle Vague européenne, entre autres ceux d'Alain Resnais. Le roman étant construit à partir de nombreux flash-back et présentant beaucoup d'hallucinations ou de fantasmes qui rendent la réalité décrite particulièrement insaisissable, Scorsese a pu avoir recours à plusieurs sources de signification spécifiquement cinématographiques pour troubler le spectateur et l'empêcher de maîtriser le récit d'un strict point de vue rationnel. Un bon exemple est celui de l'interrogatoire mené par Leonardo Di Caprio de l'une des internées qui, soudain, fait mine de prendre un verre d'eau qui n'existe pas, mais que l'on voit bien dans sa main quand, dans le contrechamp sur le policier, elle le repose sur la table. Procédé très judicieux qui permet à Scorsese à la fois de raconter une histoire sous la forme d'images apparemment réelles, mais qui en fait renvoient à un état d'esprit propre à la schizophrénie. En cela, il retranscrit très fidèlement l'atmosphère constamment déroutante du roman. On retrouve cette méthode dans la manière dont le réalisateur a dirigé Ben Kingsley dans le rôle du Dr. Cawley. À chaque rencontre avec Di Caprio, on le voit s'efforcer de continuer à motiver celui-ci dans sa recherche policière, afin de prolonger sa tentative clinique de lui éviter une lobotomie, selon un protocole qui devrait amener son patient à appréhender peu à peu sa psychose. Une mise en scène d'une grande intelligence qui conduit inexorablement le spectateur à la révélation tardive qui correspond en tous points à celle vécue par le malade amené soudain à quitter sa chrysalide de policier. Un tour de force purement cinématographique.
Une fois de plus après Aviator et Les Infiltrés (The Departed, 2006) on voit ainsi Martin Scorsese conjuguer avec brio son éternelle passion de cinéphile et son immense talent de réalisateur. Reste que, s'il a toujours quelque chose à nous montrer, on peut regretter qu'il n'ait plus rien de très personnel à nous dire.

Taxi Driver

Palme d'or au festival de Cannes en 1976, Taxi Driver marque le début de la célébrité mondiale pour son metteur en scène comme pour son interprète principal, Robert De Niro, qui avaient déjà collaboré dans Les Rues chaudes (Mean Streets, 1973), et allaient encore tourner six longs-métrages ensemble. Pour Martin Scorsese, l'« Italo-Américain » qui se destinait à la prêtrise avant de s'investir dans le cinéma (et d'apprendre le métier dans le sillage du roi de l'efficacité à petit budget, Roger Corman), la reconnaissance artistique arrivait d'Europe. Le triomphe du « Nouvel Hollywood », après les succès au box-office de L'Exorciste (The Exorcist, 1973) de William Friedkin, du Parrain (The Godfather, 1972) de Francis Ford Coppola et des Dents de la mer (Jaws, 1975) de Steven Spielberg, était complet. Il semblait établi que le compromis trouvé par ces metteurs en scène, entre l'audace formelle des cinéastes européens et la tradition narrative hollywoodienne, constituait une voie viable pour le cinéma américain grand public. Un an plus tard, un autre membre du « Nouvel Hollywood » fixait cependant, et pour longtemps, un autre standard : George Lucas et sa Guerre des étoiles (Star Wars, 1977) rejetaient dans la catégorie du cinéma « sombre et difficile » les films comme Taxi Driver, palme d'or ou pas. Difficile, le film ne l'est pourtant guère, mais sombre, nul ne le contestera.

Travis Bickle est chauffeur de taxi. Chaque nuit, il sillonne les quartiers les plus mal famés de New York. Dans son journal, il note jour après jour les vices des épaves, drogués, gangsters à la petite semaine et autres prostituées qu'il croise sur les trottoirs ou accompagne le temps d'une course. « Un jour une bonne pluie lavera les rues de toute cette racaille », écrit-il après avoir ôté de la banquette arrière de son yellow cab, comme tous les matins en rentrant au garage, les taches de sang et de sperme... Comment sortir de là ? Travis n'a pas d'amis ; à la Belmore Cafeteria, le rendez-vous des chauffeurs de nuit, les conversations sont vides. Bien sûr, il s'est amouraché d'un « ange » de Park Avenue, Betsy, l'assistante du sénateur Palantine, mais lorsqu'il l'emmène voir un film porno, elle s'enfuit... Désespérant de voir un homme politique « tirer la chasse d'eau », las de se « sentir abandonné de Dieu », Travis s'achète alors des armes et entreprend de « nettoyer tout ça ». C'est d'abord un braqueur d'épicerie qu'il abat à bout portant, puis Palantine qu'il tente de tuer sans succès. Enfin, Travis se livre à un carnage dans l'immeuble sordide dans lequel la jeune Iris, une prostituée de treize ans qu'il entend « sauver », est contrainte de vendre ses charmes. Des mois plus tard, néanmoins, tout est redevenu comme avant : la lente ronde reprend, chaque nuit identique. Les néons des peep-shows, les bouches d'égout enfumées et les bornes d'incendie qui fuient.
Faut-il prendre Travis comme un exemple, un repoussoir ou un symptôme ? Pour les parents d'Iris, qui lui écrivent une lettre de remerciement et lui rendent visite à l'hôpital après l'extermination des demi-sels de l'immeuble de passe, Travis est un héros auquel ils sont « redevables ». Grâce au carnage, c'est un fait, Iris a pu reprendre des études et l'existence d'une collégienne sans histoires (Paul Schrader, le scénariste, reviendra sur ce motif de la perdition des jeunes âmes et des jeunes corps dans Hardcore, 1979). Est-ce à dire que le « coup de torchon » passé par Travis constitue une solution viable ? Le film restera évasif ; tout y semble avoir deux facettes. Ainsi Betsy voit-elle en Travis l'incarnation du héros d'une chanson de Kris Kristofferson (chanteur de country interprète du précédent film de Scorsese, en 1975, Alice n'est plus ici), The Pilgrim (« le pèlerin »). Il est « une contradiction ambulante », dit le texte, « qui prend toutes les mauvaises directions au long du retour solitaire vers son foyer ». Mais quel foyer ? Comme l'écrit Travis, « il m'a toujours manqué le sens du port d'attache »...
La violence fascine Scorsese, qui interprète d'ailleurs dans le film un client particulièrement pervers. Le long travelling en plongée totale qui nous montre, à la fin de la tuerie, la litanie de corps et de flaques de sang, nimbé des accords lancinants d'une somptueuse partition du compositeur attitré d'Hitchcock, Bernard Herrmann, ne met-il pas l'accent sur la dimension plastique du meurtre ? L'ambiguïté est à son comble lorsque Travis s'entraîne à tirer et à jouer les inspecteurs Harry en se prenant lui-même pour cible dans le miroir de sa salle de bains... Comme les protagonistes d'Apocalypse Now (1979), il a gagné une solide misanthropie en participant au cauchemar vietnamien, et ce n'est certes pas la faune des peep-shows qui le fera changer d'avis. « Voilà l'homme qui n'en pouvait plus ! », dit-il de lui-même, et le film entérine ce constat.

1978, premier film de concert : The Last Waltz

Fort de ce nouveau succès, l’année suivante, Scorsese et De Niro se retrouvent une nouvelle fois pour New York, New York avec Liza Minnelli, qui raconte une histoire d'amour mouvementée entre une chanteuse et un saxophoniste en quête de gloire. Le film est un cuisant échec commercial. En 1977, Minnelli propose malgré tout à Scorsese de mettre en scène un spectacle à Broadway, The Act, mais il abandonne au bout de quelques semaines car cette expérience lui déplaît. Le cinéaste vit alors avec Robbie Robertson, ex-guitariste et leader du groupe The Band, avec lequel il passe des nuits blanches à regarder des films, fréquenter des cocktails et discuter musique et cinéma. Scorsese est alors sérieusement dépendant à la cocaïne.
En 1978 sort le documentaire La Dernière Valse The Last Waltz consacré au dernier concert du groupe The Band de Robbie Robertson.
Scorsese a filmé ce concert le jour de Thanksgiving 1976 au Winterland de San Francisco. Parmi les invités du Band, figurent Neil Young, Joni Mitchell, Ringo Starr, Van Morrison, Eric Clapton et Bob Dylan. Fan du groupe, Scorsese storyboarde toutes les chansons avant le concert.
Deux années sont nécessaires pour la sortie de La Dernière Valse en salles. Le réalisateur tourne par ailleurs des interviews et des morceaux supplémentaires tout au long des années 1977 et 1978. Il en sort fatigué sur le plan intellectuel, physique et psychologique en raison de sa forte consommation de cocaïne.

1980 : Raging Bull

C'est dans un état physique et psychologique épouvantable qu'il se remet à l'ouvrage, bien épaulé par Robert De Niro, pour réaliser l'un de ses chefs-d'œuvre : Raging Bull. Le film, porté par une grande intensité dramatique, manifeste un usage très personnel du noir et blanc, des mouvements de caméra et des ralentis. Pour sa performance mémorable dans le rôle du boxeur Jake LaMotta, Robert De Niro reçoit l'Oscar du meilleur acteur. Désormais considéré comme l'un des cinéastes américains les plus inventifs et les plus audacieux, Scorsese enchaîne les films remarqués : La Valse des pantins en 1983, satire du milieu télévisé et de la célébrité, After Hours en 1985 qui narre l'errance nocturne d'un informaticien dans la jungle new-yorkaise puis La Couleur de l'argent, en 1986, qui prend l'univers du billard en toile de fond. Ce dernier film, interprété notamment par Tom Cruise, vaut à Paul Newman l'unique Oscar du meilleur acteur de sa brillante carrière.

1988 : La Dernière Tentation du Christ

Martin Scorsese réalise ensuite son rêve d'enfant en 1988 en signant un film sur le Christ : La Dernière Tentation du Christ (The Last Temptation of Christ) adapté du roman éponyme de Níkos Kazantzákis. Le film bouscule le dogme religieux et fait scandale car il met en scène Jésus abandonnant son statut de prophète pour l'amour de Marie-Madeleine. Des manifestations ont lieu un peu partout où le film sort et le cinéma Espace Saint-Michel à Paris est incendié2. Pour autant, le film concourt aux Oscars et Scorsese reçoit sa seconde nomination comme Meilleur réalisateur.
Parallèlement à sa carrière et en grand amoureux de l'histoire du cinéma, il crée The Film Foundation en 1990 avec sept de ses amis. Cette fondation a pour but d'encourager la restauration et la préservation du patrimoine cinématographique mondial.

1990 : Les Affranchis

S'ensuivent le film de gangsters Les Affranchis en 1990 (qui vaut l'Oscar du meilleur second rôle à Joe Pesci) et le thriller Les Nerfs à vif en 1991, deux succès, avec de nouveau Robert De Niro. La même année, il est récompensé par la Cinémathèque américaine pour l'ensemble de son œuvre.
En 1992, il crée Martin Scorsese Presents, une fondation qui restaure et exploite les grands classiques du cinéma, puis réalise son premier film à costume avec Daniel Day-Lewis, Michelle Pfeiffer et Winona Ryder, Le Temps de l'innocence, d'après le roman éponyme d'Edith Wharton, publié en 1920. L'œuvre est un nouveau succès critique et public qui croule sous une pluie de nominations aux Oscars. Mais le cinéaste rate à nouveau la statuette.

1995 : Casino, Kundun et présidence du Festival de Cannes 1998

Avec Casino en 1995, Scorsese retrouve le monde des gangsters dans une grandiose épopée sur l’ascension et la chute d’un patron d’un grand hôtel-casino de Las Vegas, inspiré de Frank Rosenthal, dans les années 1970. Il retrouve pour la huitième fois, et dernière à ce jour, Robert De Niro, mais aussi Joe Pesci et Sharon Stone qui remporte le Golden Globe de la meilleure actrice dans un film dramatique et est nommée pour la première fois à l'Oscar de la meilleure actrice. Après Casino, il termine son fameux documentaire de quatre heures sur le cinéma américain avec Michael Henry Wilson, Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain, commandé par le British Film Institute pour célébrer le centenaire de la naissance du cinéma. Puis, Martin Scorsese est honoré de la prestigieuse récompense du Life Achievement Award par l'American Film Institute en 1997, pour l'ensemble de sa carrière.
Entre les films Kundun en 1997, qui évoque la jeunesse du 14e dalaï-lama et À tombeau ouvert avec Nicolas Cage, en 1999, il préside le jury du Festival de Cannes 1998 qui décerne à l'unanimité la Palme d'or à L'Éternité et Un Jour de Theo Angelopoulos. Mais l'image forte de cette édition reste la remise du Grand prix à Roberto Benigni pour La vie est belle au cours de laquelle l'acteur-réalisateur italien se jette aux pieds de Scorsese avant de le prendre dans ses bras et de le soulever de joie.

De Gangs of New York aux Infiltrés

2002 marque une nouvelle date essentielle dans la carrière du réalisateur, puisqu'à l'occasion du film Gangs of New York, fresque épique et flamboyante sur les premières guerres de clans dans le New-York du XIXe siècle, Scorsese rencontre Leonardo DiCaprio avec lequel il tourne deux autres films consécutivement : Aviator, en 2004, qui s'inspire de la vie de Howard Hughes et vaut à Cate Blanchet l'Oscar du meilleur second rôle pour son interprétation de Katharine Hepburn, puis Les Infiltrés, en 2006, porté par une distribution de premier ordre : Jack Nicholson, Matt Damon, Mark Wahlberg, Alec Baldwin ou encore Vera Farmiga. Grâce à ce dernier film, remake du film hongkongais Infernal Affairs réalisé par Andrew Lau et Alan Mak, il obtient le plus grand succès public de sa carrière et remporte le Golden Globe du meilleur réalisateur avant de triompher aux Oscars du cinéma. Les Infiltrés gagne en effet quatre statuettes en 2007 : Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleur scénario adapté (William Monahan, d'après Infernal Affairs de Siu Fai Mak et Felix Chong) et Meilleur montage (Thelma Schoonmaker dont c'est le troisième trophée remporté grâce à un film de Scorsese, après Raging Bull et Aviator. L'année suivante, sort son documentaire très personnel sur les Rolling Stones, axé sur la captation d'un spectacle du mythique groupe de rock britannique : Shine a Light.

2010 : Shutter Island et la Fondation David Lynch

En 2010, il retrouve pour la quatrième fois l'acteur Leonardo DiCaprio dans Shutter Island, adaptation du thriller du même nom de Dennis Lehane.
Le 13 décembre 2010, Martin Scorsese participe à un gala de bienfaisance en faveur de la Fondation David Lynch au Metropolitan Museum of Art à New York, il parle par vidéo de son expérience de la méditation transcendantale qu'il pratique depuis plusieurs années : Il est difficile de décrire l'effet que cela a eu sur ma vie. Je ne peux que citer quelques mots : Calme, clarté, équilibre, et, parfois, une reconnaissance. .
Scorsese dit qu'il ne lui est pas possible d'imaginer le genre de stress qui affecte les anciens combattants qui sont victimes de trouble de stress post-traumatique et il demande au public de soutenir la Fondation David Lynch.

2011 : George Harrison: Living in the Material World

Living in the Material World est un documentaire sur la vie de George Harrison. Scorsese et Harrison sont liés par la musique et la spiritualité, pratiquant tous deux la méditation transcendantale. Le nom du film Living in the Material World (Vivre dans le monde matériel) est emprunté au titre de l'album studio de l'ex-Beatles George Harrison. Olivia Harrison participe activement à l'élaboration à ce film en fournissant notamment de nombreux documents personnels.
Martin Scorsese et Olivia Harrison choisissent symboliquement pour la première du film, le théâtre de la petite ville de Fairfield, dans l'État américain de l'Iowa, qui est le siège d'une université fondée par Maharishi Mahesh Yogi (que George harrison avait rencontré en 1967 et suivi en Inde en 1968), le public était composé de cinq cent méditants.
Cette projection exclusive est offerte en soutien à la Fondation David Lynch dans son entreprise à enseigner la méditation transcendantale aux écoliers des quartiers difficiles, aux détenus des prisons, aux anciens combattants, aux sans-abris, aux Amérindiens et aux autres populations à risque.

2011 : Hugo Cabrel

Scorsese tourne à Paris Hugo Cabret qui sort en salles en décembre 2011. Le film est une adaptation libre du roman L'Invention de Hugo Cabret de Brian Selznick qui évoque la vie de Georges Méliès, et lui rend hommage. Georges Méliès y est interprété par Ben Kingsley. C'est la première fois qu'il tourne un film pour enfants, et que Scorsese utilise la technologie 3D. Succès critique et public, Hugo Cabret vaut au cinéaste un nouveau Golden Globe et gagne ensuite cinq Oscars lors de la 84e cérémonie, en 2012.

2013 : Le Loup de Wall Street et présidence du Festival de Marrakech 2013

En août 2012, il entame le tournage de Le Loup de Wall Street (The Wolf of Wall Street), d'après les mémoires du courtier en bourse Jordan Belfort, incarné par Leonardo DiCaprio, pour sa 5e collaboration avec le réalisateur. Le film sortira en 2013.
En 2013, il est également l'un des producteurs délégués du film franco-américain Malavita de Luc Besson.
Fin 2013 il préside le jury du 13e Festival international du film de Marrakech.

Acteurs fétiches et collaborateurs réguliers

Au fil du temps, Martin Scorsese s'est entouré de nombreux acteurs avec lesquels il a pu travailler à plusieurs reprises. Robert De Niro a tourné dans 8 de ses films et dans Mad Dog and Glory produit par Scorsese.
Harvey Keitel est considéré comme le premier acteur fétiche du réalisateur, puisqu'il a tourné 5 fois sous sa direction dont leur premier film respectif Who's That Knocking at My Door en 1969.
Leonardo DiCaprio tient également le rôle principal dans 5 de ses films : Gangs of New York, Aviator, Les Infiltrés, Shutter Island et The Wolf of Wall Street. Cela lui a permis d'avoir gagné le Golden Globe du meilleur acteur dans un film dramatique pour son interprétation d'Howard Hughes dans Aviator et d'être nommé à l'Oscar du meilleur acteur pour ce même film.
Joe Pesci et Frank Vincent sont tous deux présents au casting de Raging Bull, Les Affranchis et Casino.
Pour ses scénarios, il collabore avec Paul Schrader qui a écrit Taxi Driver, Raging Bull, La Dernière Tentation du Christ et À tombeau ouvert.
Thelma Schoonmaker est sa monteuse attitrée puisqu'elle s'est occupée du montage de la plupart de ses films et documentaires.
Barbara De Fina, son ex-femme, a produit tous ses films à partir de La Couleur de l'argent jusqu'à À tombeau ouvert.
Pour la musique de ses films, Scorsese utilise fréquemment des musiques pré-existantes, avec l'aide de son ami et superviseur musical Robbie Robertson. En revanche, pour les musiques originales, il a souvent fait appel à Elmer Bernstein (3 films) et Howard Shore (5 films à ce jour).
Enfin, les directeurs de la photographie Robert Richardson et Michael Ballhaus ont éclairé la majorité de ses films.

Box-office américain

Alice n'est plus ici : 18 600 000 dollars
Taxi Driver : 28 262 574 dollars
New York, New York : 16 400 000 dollars
Raging Bull : 23 383 987 dollars
La valse des pantins : 2 536 242 dollars
After Hours : 10 609 321 dollars
La Couleur de l'argent : 52 293 982 dollars
La Dernière Tentation du Christ : 8 373 585 dollars
Les Affranchis : 46 836 394 dollars
Les Nerfs à vif : 79 091 969 dollars
Le Temps de l'innocence : 32 255 440 dollars
Casino : 42 512 375 dollars
Kundun : 5 684 789 dollars
À tombeau ouvert : 16 797 191 dollars
Gangs of New York : 77 812 000 dollars
Aviator : 102 610 330 dollars
Les Infiltrés : 132 384 315 dollars
Shine a Light : 5 505 267 dollars
Shutter Island : 125 214 018 dollars
Hugo Cabret : 73 820 094 dollars

Box-office français

Alice n'est plus ici : 130 450 entrées
Taxi Driver : 2 701 755 entrées
New York, New York : 581 358 entrées
Raging Bull : 444 000 entrées
La valse des pantins : 193 810 entrées
After Hours : 1 036 634 entrées
La Couleur de l'argent : 1 167 887 entrées
La Dernière tentation du Christ : 347 978 entrées
Les Affranchis : 976 346 entrées
Les nerfs à vif : 1 376 234 entrées
Le Temps de l'innocence : 560 455 entrées
Casino : 1 657 908 entrées
Kundun : 536 497 entrées
À tombeau ouvert : 638 483 entrées
Gangs of New York : 2 269 039 entrées
Aviator : 1 783 958 entrées
Les Infiltrés : 1 875 783 entres
Shine a Light : 139 186 entrées
Shutter Island : 3 113 153 entrées
Hugo Cabret : 1 283 829 entrées

Réalisateur

Courts et moyens métrages
1963 : What's a nice girl like you doing in a place like this?, 9 min
1964 : It's not just you, Murray!, 15 min
1967 : The Big Shave, 5 min
1974 : Italianamerican, 48 min
1978 : American Boy : A profile of Steven Prince, 53 min
1986 : Mirror, mirror, épisode de la série Amazing Stories, 24 min
1989 : New York Stories - segment Life Lesson
1990 : Made in Milan, 27 min

Longs métrages

1969 : Who's That Knocking at My Door (également connu sous le titre I Call First ainsi que d'autres titres)
1972 : Bertha Boxcar (Boxcar Bertha)
1973 : Mean Streets
1974 : Alice n'est plus ici (Alice Doesn't Live Here Anymore)
1976 : Taxi Driver
1977 : New York, New York
1978 : La Dernière valse (The Last Waltz)
1980 : Raging Bull
1983 : La Valse des pantins (The King of Comedy)
1985 : After Hours
1986 : La Couleur de l'argent (The Color of Money)
1988 : La Dernière Tentation du Christ (The Last Temptation of Christ)
1990 : Les Affranchis (Goodfellas)
1991 : Les Nerfs à vif (Cape Fear)
1993 : Le Temps de l'innocence (The Age of Innocence)
1995 : Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain (A Personal Journey with Martin Scorsese through American Movies), documentaire
1995 : Casino
1997 : Kundun
1999 : Mon voyage en Italie (My Voyage to Italy), documentaire
1999 : À tombeau ouvert (Bringing Out the Dead)
2002 : Gangs of New York
2003 : Du Mali au Mississippi (Feel Like Going Home), Série Martin Scorsese Presents the Blues - A Musical Journey, documentaire
2004 : Aviator (The Aviator)
2005 : No Direction Home : Bob Dylan, documentaire
2006 : Les Infiltrés (The Departed)
2008 : Shine a Light, captation d'un concert new yorkais des Rolling Stones
2010 : Shutter Island
2010 : A Letter to Elia, documentaire coréalisé par Kent Jones
2010 : Public Speaking, documentaire
2011 : George Harrison: Living in the Material World, documentaire
2011 : Hugo Cabret (Hugo)
2013 : Le Loup de Wall Street The Wolf of Wall Street

Télévision

2011 : Boardwalk Empire - Saison 1, épisode 1

Publicité

1986 : Armani 1
1988 : Armani 2
2007 : The Key to Reserva (film publicitaire pour Freixenet, une marque d'alcool catalane, inspiré par un script inachevé écrit par Alfred Hitchcock[réf. souhaitée])
2010 : "Bleu" de Chanel
2012 : Siri (logiciel) (Pub pour Apple)

Clip vidéo

1987 : Bad, de Michael Jackson, 18 min
1988 : Somewere Down the Crazy River, de Robbie Robertson
Acteur[modifier | modifier le code]
1969 : Who's That Knocking at My Door
1973 : Mean Streets
1976 : Cannonball !, de Paul Bartel
1976 : Taxi Driver
1978 : La Dernière Valse (The Last Waltz)
1980 : Raging Bull
1983 : Anna Pavlova de Emil Loteanu
1983 : La Valse des pantins (The King of Comedy)
1985 : After Hours
1985 : Autour de minuit (Round Midnight) de Bertrand Tavernier
1990 : Les Arnaqueurs (The Grifters) de Stephen Frears
1990 : Rêves (Akira Kurosawa's Dreams) de Akira Kurosawa
1990 : La Liste noire (Guilty by Suspicion) de Irwin Winkler
1993 : Le Temps de l'innocence (The Age of Innocence)
1993 : Boxing Helena de Jennifer Chambers Lynch
1994 : Quiz Show de Robert Redford
1995 : Un Voyage de Martin Scorsese à travers le cinéma américain (A Personal journey with Martin Scorsese through American movies)
1995 : Search and Destroy de David Salle
1998 : À la recherche de Kundun avec Martin Scorsese (In Search of Kundun with Martin Scorsese) de Michael Wilson
1999 : La Muse (The Muse) de Albert Brooks
1999 : À tombeau ouvert (Bringing Out the Dead)
1999 : A Conversation with Gregory Peck de Barbara Kopple
2002 : Gangs of New York de lui-même
2002 : Curb your enthusiasm (saison 3 épisodes 6&8) : lui-même
2003 : Sharkslayer de Eric Bergeron et Vicky Jenson
2003 : Charlie : the life and art of Charlie Chaplin de Richard Schickel
2005 : Aviator (The Aviator)
2008 : Shine a Light : lui-même
2008 : Entourage (saison 5 épisode 12) : lui-même
2009 : 30 Rock (saison 4 épisode 4) : lui-même
2011 : Hugo Cabret : un réalisateur

Scénariste

1969 : Who's That Knocking at My Door
1973 : Mean Streets
1990 : Les Affranchis (Goodfellas)
1993 : Le Temps de l'innocence (The Age of Innocence)
1995 : Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain (A Personal Journey with Martin Scorsese through American Movies)
1995 : Casino

Producteur

1973 : Mean Streets
1990 : Les Arnaqueurs (The Grifters) de Stephen Frears
1992 : Mad Dog and Glory de John McNaughton
1995 : Clockers de Spike Lee
1998 : The Hi-Lo Country de Stephen Frears
2002 : Gangs of New York
2003 : The Soul of a Man de Wim Wenders
2004 : Les Mariées de Pandelis Voulgaris
2005 : No Direction Home : Bob Dylan
2009 : Victoria : Les Jeunes Années d'une reine de Jean-Marc Vallée
2009 : Shutter Island
2011 : Hugo Cabret
2013 : Le Loup de Wall Street (The Wolf of Wall Street

Producteur délégué

1995 : Search and Destroy de David Salle
1996 : Grace of My Heart d'Allison Anders
2000 : Tu peux compter sur moi (You Can Count on Me) de Kenneth Lonergan
2002 : Cloudsplitter de Raoul Peck
2002 : Frankenstein de Marcus Nispel
2003 : Aviator
2013 : Malavita de Luc Besson

Assistant réalisateur

1970 : Woodstock de Michael Wadleig

Distinctions Récompenses

Oscars du cinéma
2007 : Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur - Les Infiltrés
Golden Globes
2003 : Golden Globe du meilleur réalisateur - Gangs of New York
2007 : Golden Globe du meilleur réalisateur - Les Infiltrés
2010 : Cecil B. DeMille Award
2012 : Golden Globe du meilleur réalisateur - Hugo Cabret
BAFTA Awards
1991 : BAFTA du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario adapté - Les Affranchis
2012 : Fellowship Award
Directors Guild of America Awards
2007 : DGA Award du meilleur réalisateur - Les Infiltrés
American Film Institute
2011 : AFI du Film de l'année - Hugo Cabret
2010 : AFI du Programme TV de l'année - Boardwalk Empire
César du cinéma
2000 : César d'honneur
Festival de Cannes
1976 : Palme d'or - Taxi Driver11
1986 : Prix de la mise en scène - After Hours
Festival de Venise
1988 : Prix "Bastone Bianco" de la critique - La Dernière Tentation du Christ
1990 : Lion d'argent du meilleur réalisateur, prix du public et prix "Bastone Bianco" de la critique - Les Affranchis
1993 : Prix "Elvira Notari" - Le Temps de l'innocence
1995 : Lion d'or pour la carrière

Divers

1991 : Lauréat de l'American Cinematheque Gala Tribute
1995 : Lauréat de l'American Society of Cinematographers, USA par le Conseil d'administration des prix
1997 : Lauréat de l'American Film Institute, USA
En 1998, le Dalaï Lama lui a remis, ainsi qu'à la scénariste américaine Melissa Mathison, le Prix Lumière de la vérité pour son film Kundun.

Nominations

Oscars du cinéma
1981 : nomination à l'Oscar du meilleur réalisateur - Raging Bull
1989 : nomination à l'Oscar du meilleur réalisateur - La Dernière Tentation du Christ
1991 : nomination à l'Oscar du meilleur scénario adapté et du meilleur réalisateur - Les Affranchis
1994 : nomination à l'Oscar du meilleur scénario adapté - Le Temps De L'innocence
2003 : nomination à l'Oscar du meilleur réalisateur - Gangs of New York
2005 : nomination à l'Oscar du meilleur réalisateur - Aviator
2007 : nomination à l'Oscar du meilleur réalisateur - Les infiltrés
2012 : nomination à l'Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur - Hugo Cabret
Golden Globes
1981 : nomination au Golden Globe du meilleur réalisateur - Raging Bull
1991 : nomination au Golden Globe du meilleur réalisateur et du meilleur scénario - Les Affranchis
1994 : nomination au Golden Globe du meilleur réalisateur - Le Temps De L'innocence
1996 : nomination au Golden Globe du meilleur réalisateur - Casino
2005 : nomination au Golden Globe du meilleur réalisateur - Aviator
BAFTA Awards
1976 : nomination au BAFTA du meilleur réalisateur - Alice n'est plus ici
1977 : nomination au BAFTA du meilleur réalisateur - Taxi Driver
1984 : nomination au BAFTA du meilleur réalisateur - La Valse des pantins
2003 : nomination au BAFTA du meilleur réalisateur - Gangs of New York
2005 : nomination au BAFTA du meilleur réalisateur - Aviator
2007 : nomination au BAFTA du meilleur réalisateur - Les Infiltrés
2012 : nomination au BAFTA du meilleur réalisateur - Hugo Cabret
2012 : nomination au BAFTA du meilleur documentaire - George Harrison: Living in the Material World
César du cinéma
1987 : nomination au César du meilleur film étranger - After Hours
1991 : nomination au César du meilleur film étranger - Les Affranchis
2004 : nomination au César du meilleur film étranger - Gangs of New York
Festival de Cannes
1974 : en compétition pour la Palme d'or - Alice n'est plus ici
1983 : en compétition pour la Palme d'or - La Valse des pantins
1986 : en compétition pour la Palme d'or - After Hours
Festival de Venise
1988 : en compétition pour le Lion d'or - La Dernière Tentation du Christ
1990 : en compétition pour le Lion d'or - Les Affranchis
1993 : en compétition pour le Lion d'or - Le Temps de l'innocence
Festival de Berlin
1992 : en compétition pour l'Ours d'or - Les Nerfs à vif
Academy of Motion Picture Arts and Sciences of Argentina
2012 : nomination à l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences of Argentina du meilleur film étranger - Hugo Cabret
Academy of Science Fiction, Fantasy & Horror Films, USA
2011 : Academy of Science Fiction, Fantasy & Horror Films du meilleur réalisateur - Shutter Island
2012 : Academy of Science Fiction, Fantasy & Horror Films du meilleur réalisateur - Hugo Cabret
Amanda Awards, Norway
2012 : Amanda Awards, Norway du meilleur film - Hugo Cabret
American Film Institute
2011 : American Film Institute Awards du meilleur Film de l'année - Hugo Cabret
2011 : American Film Institute Awards du meilleur réalisateur - Hugo Cabret
1998 : American Film Institute Awards du meilleur Film étrangerde l'année - Kundun


Liens
http://youtu.be/YbbzaS8rcak palme d'Or pour Martin Scorsese
http://youtu.be/nZLG87hyIqo portrait de Martin Scorsese
http://youtu.be/1QaFZaYTUbM Interview de scorsese
http://youtu.be/IL9uFwB6yjc Les infiltrés bande annonce



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#227 Abel Gance
Loriane Posté le : 09/11/2013 20:11
Le 10 Novembre 1981 à Paris 16 éme, meurt Abel Gance

réalisateur français, scénariste et producteur de cinéma, né Abel Eugène Alexandre Perthon, le 25 octobre 1889 à Paris 18e. Abel Gance est l'un des pères du langage moderne dans le cinéma et compte parmi les plus importants pionniers de son histoire, avec D. W. Griffith aux États-Unis et Sergueï Eisenstein pour l'URSS.


Dès 1909, Abel Gance commence à écrire ses premiers scénarios, d'abord pour la Gaumont, puis pour la S.C.A.G.L.
À cette époque, il hésite encore sur sa vocation : il se sent attiré à la fois par la poésie, il écrit un recueil : Un doigt sur le clavier, le théâtre, parmi ses essais, une pièce en cinq actes et en vers, la Victoire de Samothrace, plaira beaucoup à Sarah Bernhardt, et le cinéma, il interprète un rôle important dans le Molière de Léonce Perret 1909. Mais l'envie de réaliser des films l'emporte bientôt.

Grande figure du cinéma français muet, Abel Gance impose pendant la Première Guerre mondiale un lyrisme exacerbé, un imaginaire déchaîné, un sens des éclairages qui tranchent sur la grisaille d'un cinéma national qui ne s'est pas relevé du choc d'août 1914.
Il va être, dans les années 1920, l'homme d'un cinéma épique, visionnaire et démesuré qui culmine avec le Napoléon inachevé de 1927.
Le passage au cinéma parlant, deux ans plus tard, lui est fatal. Gance a passé le reste de sa longue vie à tenter de convaincre les maîtres de l'industrie et les pouvoirs publics, tous régimes confondus, de mettre à sa disposition les moyens nécessaires à la réalisation des projets pharaoniques nés de son imagination de poète, qui assurait porter en lui le génie d'Eschyle, de Dante et de Victor Hugo.

Sa vie

Né à Paris, Abel Gance avait par sa mère, Françoise Perthon, une origine bourbonnaise.
Il passa une partie de sa petite enfance à Commentry dans l'Allier chez ses grands-parents.
Il commença des études de droit, les abandonna pour se consacrer au théâtre et à la poésie, puis au cinéma vers 1909.
Il s'affirme dès 1918 comme un cinéaste novateur, dont le style empreint de lyrisme tranche sur la production de l'époque.
J'accuse et La Roue font de lui un réalisateur vedette, tandis que Napoléon est l'un des derniers grands succès français du cinéma muet.
Mais le grave échec financier de La Fin du monde brise sa carrière.
Il est amené à tourner des films moins personnels et, bien que sa carrière compte des succès commerciaux comme Lucrèce Borgia ou La Tour de Nesle ou Austerlitz en 1960, il ne retrouvera jamais le prestige qui était le sien.
En 1974, il a reçu le prix national du Cinéma et, en 1981, un hommage à la cérémonie des César, quelques mois avant sa mort, qui survient le 10 novembre de la même année. Kurosawa et Coppola n'ont jamais caché leur admiration pour Gance. Il a eu comme secrétaire et assistante Nelly Kaplan.
La rue Abel-Gance à Paris porte son nom en hommage. Il est inhumé au cimetière d'Auteuil, à Paris.

État civil

Le père d'Abel ne le reconnaît pas à sa naissance, il est donc inscrit à l'état-civil par un tiers sous le nom de sa mère, selon l'usage de l'époque.
25 septembre 1895 : Françoise Perthon reconnaît Abel pour son fils, toujours selon l'usage en vigueur, suivant acte passé à la mairie du 18e arrondissement de Paris.
5 juin 1897 : Françoise Perthon épouse Adolphe Gance à la mairie de Saint-Leu-Taverny, Seine-et-Oise, aujourd'hui, Saint-Leu-La-Forêt, Val d'Oise.
Par leur mariage, ils légitiment Abel, qui portera désormais le patronyme de Gance.
9 novembre 1912 : il épouse en premières noces Mathilde Angèle Thizeau à Paris 16e.
7 novembre 1922 : il épouse en secondes noces Marguerite Danis à Neuilly-sur-Seine.
7 octobre 1933 : il épouse en troisièmes noces l'actrice Odette Marie Vérité 1902 - 1978 à Paris 16e, dont il aura une fille, Clarisse.

Le cinéma, musique visuelle

Abel Gance est né le 25 octobre 1889 dans un quartier populaire de Paris. Fils naturel d'un médecin qui subviendra à ses études secondaires, il est reconnu en 1892 par le compagnon de sa mère, Adolphe Gance, chauffeur mécanicien.
Sa petite enfance se passe chez ses grands-parents à Commentry, alors cité minière de l'Allier. Revenu à Paris, on l'inscrit dans un collège catholique puis au lycée Chaptal, qu'il quitte pour travailler chez un huissier. Passionné de poésie, il dit s'être enfermé des jours entiers à la Bibliothèque nationale.
C'est alors le théâtre qui l'attire. Dès 1906, il monte sur les planches, sans grand succès. Il écrit des poèmes, puis des pièces exaltées.
Il fréquente la bohème, veut s'affirmer, aller plus loin que les autres.
À partir de 1910, il gagne sa vie en vendant des scénarios à différentes maisons de production. En mars 1912, il publie un manifeste qu'il a intitulé : Qu'est-ce que le cinématographe ? Un Sixième Art .

Au début de 1912, Abel Gance réalise quatre petits films, aujourd'hui perdus.
En 1915, il signe un contrat avec une filiale de Pathé pour laquelle il tourne en quelques mois dix films courts, dont La Folie du docteur Tube, une pochade fondée sur la déformation de l'image obtenue par des jeux de miroirs.
En 1916, il aborde le long-métrage et s'oriente vers le drame mondain avec Le Droit à la vie, Mater dolorosa, puis La Dixième Symphonie. C'est le moment où une critique sérieuse commence à prêter attention au cinéma.
Émile Vuillermoz en fait partie, qui s'enthousiasme pour cette Symphonie :
"On pourra un jour photographier la musique jusqu'à l'âme, fixer sur l'écran, en reflets rythmés, son visage changeant : les frontières de l'art muet sont reculées, des lueurs grandissent et des fenêtres s'ouvrent" .

J'accuse, qu'il tourne à l'automne de 1918 et qui sort en mars 1919 en trois épisodes, va atteindre le grand public. Le film convoque à l'écran les morts de la guerre qui vient de se terminer pour hurler l'horreur de ses carnages.
En 1922, Gance réduira ce J'accuse à un seul très long-métrage, gommant l'outrance nationaliste et accentuant la dimension pacifiste et universelle de l'œuvre.

Dans cet après-guerre où le cinéma hollywoodien occupe les trois quarts des écrans français, Gance est, avec Louis Delluc, Jean Epstein et quelques autres, un phare de cette avant-garde qui théorise et réalise une première vague de cinéma d'auteur. De 1919 à 1922, il tourne dans les Alpes et à Nice un premier film hors norme, La Roue, dont le héros est un conducteur de locomotive qu'il a appelé Sisif.
Gance en a travaillé durant un an le montage rythmique : il segmente les scènes d'action en plans brefs, heurtés, qui composent ce qu'il appelle une musique visuelle. À sa sortie dans une version très longue, le film est mal accueilli par une grande partie de la critique.
Ainsi de René Clair :
" Ah ! si M. Abel Gance voulait renoncer à faire dire „oui“ ou „non“ à des locomotives, à prêter à un mécanicien les pensées d'un héros antique, à citer ses héros favoris ! Ah, s'il voulait renoncer à la littérature et faire confiance au cinéma !".
Gance réduit alors son film de 10 200 mètres à 9 200 puis à 4 200 mètres. C'est cette dernière version qui a été restaurée par la Cinémathèque française en 1985. Si l'histoire de Sisif demeure d'une naïveté consternante, certaines scènes d'action, d'acier et de fumées sont fascinantes.

Gance et la technique

Abel Gance élabore en 1925 avec André Debrie, 40 ans avant le cinérama, un procédé de film avec trois caméras par juxtaposition qui donne une largeur d'image trois fois supérieure au format traditionnel et permet aussi un récit en trois images différentes, la polyvision.
Voir Napoléon en 1927.
En 1929/1932, il dépose, avec André Debrie, un brevet sur la perspective sonore, ancêtre de la stéréophonie.
En 1934, il sonorisa son film Napoléon, avec ce procédé.
Il met au point à partir de 1937, avec l'opticien Pierre Angénieux, le pictographe, appareil optique pour remplacer les décors par de simples maquettes ou photographies, et qui est à l'origine de l'incrustation télé d'aujourd'hui.
Ses derniers travaux avant sa mort portaient sur l'image virtuelle.

Napoléon Bonaparte

En septembre 1923, Abel Gance présente le projet d'un film épique sur Napoléon, en huit épisodes de 2 000 mètres chacun.
Projet démesuré, qui implique un financement européen.
Gance l'obtient en 1924 auprès de deux financiers, le Russe émigré Vladimir Wengeroff et l'Allemand Hugo Stinnes, qui ont créé une entreprise de production, la Westi Film Gmbh, qui s'est associée à d'autres producteurs, dont Pathé. Le tournage de Napoléon commence en janvier 1925. Interrompu par la mort de Stinnes et l'effondrement de son empire, il reprend de janvier à août 1926 avec une ambition réduite.
Abel Gance avait mis au point une technique permettant de coordonner trois projecteurs et donc trois écrans qui proposaient trois scènes complémentaires, voire une image unique, comme l'aigle impérial déployant ses ailes sur un écran plus large que ne sera celui du Cinémascope.
Il a d'emblée monté plusieurs versions du Napoléon – l'une de six heures découpée en trois épisodes pour la diffusion en salle, et une autre de 3 heures 15 minutes, avec les triptyques, présentée le 7 avril 1927 à l'Opéra de Paris devant un public d'invités qui fit de cette première un triomphe.
L'accueil du grand public, qui voyait le film en plusieurs fois, et sans l'attraction du triple écran, fut moins chaleureux. Bientôt, l'apparition du parlant rejeta cruellement Napoléon au magasin des vieilleries.

Les copies de 1927 ont disparu.

En 1935, Abel Gance en a tiré une version sonorisée sous le titre Napoléon Bonaparte. Les triptyques ont alors disparu, quelques scènes en son direct ont été ajoutées, de nombreuses scènes muettes écourtées.
En 1955, Gance a revu cette version à l'occasion d'une projection au Studio 28 à Paris.
Le montage a été resserré, et Gance a réinséré le triptyque final. En 1970, Claude Lelouch, qui a racheté les droits du film, en tire avec l'aval de Gance une version intitulée Bonaparte et la Révolution. Il ajoute quelques scènes, en mutile d'autres et refait le son.
Cette version a été exploitée, sans triptyques, pendant quelques années. Depuis les années 1960, l'historien britannique Kevin Brownlow avait commencé une restauration rigoureuse, cherchant dans les archives du monde entier des copies ou des fragments du chef-d'œuvre vandalisé. La version Brownlow est projetée en l'état de sa recherche en 1979, au festival américain de Telluride.
Francis Ford Coppola finance une sonorisation du film dont il fait aussi retoucher le montage. Brownlow continue sa reconstruction, et peut proposer à Londres en 1980, et pour la première fois en France au Havre en 1982 une version presque complète, il manque encore quelques scènes et deux triptyques du Napoléon de 1927.

C'est une redécouverte majeure.

Trois générations de cinéphiles, qui pendant un demi-siècle avaient été plus ou moins déçus par des copies défigurées, ont enfin pu sentir le souffle unique du chef-d'œuvre que Gance n'avait pas su préserver.
L'inventivité, le lyrisme, une ampleur effectivement hugolienne, la folie à l'occasion, déployés par Gance, tant au tournage qu'au montage font passer les à-peu-près historiques. Les scories du scénario sont emportées par la puissance tellurique de la mise en scène, et par l'interprétation hallucinée d'Albert Dieudonné.

Et après ? La Fin du monde, conçu en 1929, qui est tourné pour partie en muet, pour partie en sonore à Joinville, est maltraité par des montages successifs. Le film, qui se veut porteur d'un message gancien, un illuminé se bat pour sauver la planète est en 1931 un échec artistique et commercial.
Gance tourne ensuite un remake ambitieux de sa Mater dolorosa, puis s'aligne sur la médiocrité du cinéma de petits producteurs à laquelle peu échappent dans les années trente du cinéma français.
Neuf films jusqu'à La Vénus aveugle, un lourd mélodrame qu'il dédie en 1941 au maréchal Pétain.
Entre 1943 et 1945, Gance cherche des fonds dans l'Espagne de Franco. Après la guerre, il prolonge, avec l'aide de Nelly Kaplan, ses recherches sur la lumière et les formats, et tourne encore trois films étouffés par des budgets défaillants, tout en cherchant auprès des vrais maîtres du monde, en 1964, il s'adresse à Mao Zedong et à de Gaulle l'appui qui lui permettrait de réaliser les monuments qu'il dit porter en lui. Abel Gance est mort le 10 novembre 1981.

Filmographie

1911 : La Digue
1912 : Il y a des pieds au plafond
1912 : La Pierre philosophe
1912 : Le Masque d'horreur
1912 : Le Nègre blanc
1915 : La Fleur des ruines
1915 : La Folie du docteur Tube
1915 : L'Énigme de dix heures
1915 : L'Héroïsme de Paddy
1915 : Strass et Compagnie
1915 : Un drame au château d'Acre
1916 : Ce que les flots racontent
1916 : Fioritures
1916 : Le Fou de la falaise
1916 : Le Périscope
1916 : Les Gaz mortels
1917 : Barbe rousse
1917 : La Zone de la mort
1917 : Le Droit à la vie
1917 : Mater Dolorosa
1918 : Ecce Homo inachevé
1918 : La Dixième Symphonie
1919 : J'accuse
1923 : La Roue
1924 : Au secours !
1927 : Napoléon
1928 : Marines et cristaux court-métrage
1931 : La Fin du monde
1932 : Mater Dolorosa
1933 : Le Maître de forges avec Fernand Rivers scénario et production
1934 : La Dame aux camélias avec Fernand Rivers scénario et production
1934 : Poliche
1935 : Jérôme Perreau héros des barricades
1935 : Le Roman d'un jeune homme pauvre
1935 : Lucrèce Borgia
1935 : Napoléon Bonaparte
1937 : Un grand amour de Beethoven
1938 : J'accuse
1938 : Le Voleur de femmes
1939 : Louise
1940 : Paradis perdu
1941 : Vénus aveugle
1943 : Le Capitaine Fracasse
1953 : Lumière et l'invention du cinématographe de Paul Paviot, seulement auteur du commentaire et interprète
1953 : Quatorze juillet documentaire
1955 : La Tour de Nesle
1956 : Magirama suite de courts-métrages : Auprès de ma blonde, Fête foraine, Begone Dull Care, Le Départ de l’armée d’Italie, Châteaux de nuages
1960 : Austerlitz
1964 : Cyrano et d'Artagnan
1966 : Marie Tudor film TV
1967 : Valmy téléfilm terminé par Jean Chérasse
1971 : Bonaparte et la Révolution

Metteur en scène

1958 : La Cathédrale de cendres de Berta Dominguez D., distr.: Tania Balachova, Antoine Balpêtré, Giani Esposito, Tony Taffin, Roque Carbajo, Théâtre de l'Alliance française

Hommages

En 1993, la Rue Abel-Gance dans le 13e arrondissement de Paris prend son nom en souvenir.
En 2010, Philippe Starck utilise des citations d'Abel Gance dans le design de la salle de cinéma numérique du palace parisien Le Royal Monceau, Le Cinéma des Lumières , avenue Hoche, Paris.

Napoléon, film de Abel Gance


Faut-il le préciser, Napoléon d'Abel Gance 1889-1981, le seul film français muet connu aujourd'hui aux États-Unis, est un monument de l'histoire du cinéma.
Il est l'équivalent hexagonal, et même corse de Naissance d'une nation en 1915, le célèbre film fondateur des États-Unis de D. W. Griffith. La démesure des moyens plus de cent mille mètres de pellicule enregistrée, un millier de figurants, trois caméras enregistrant des images distinctes ou combinées, la durée de réalisation du film, qui s'étale de 1925 à 1926, son montage final présenté le 7 avril 1927 à l'Opéra de Paris attestent du caractère hors norme de cette œuvre protéiforme.
Quand le cinéaste se lance dans cette épopée, il a déjà une dizaine d'années d'expérience, mais il n'a pu s'exprimer librement qu'avec La Roue, autre film fleuve de 1921, distribué après de multiples péripéties en 1923.
Il écrit alors une série de six, puis huit scénarios consacrés à l'empereur dont il ne réalisera que les premiers épisodes.
Le triomphe de Napoléon suscitera de nombreuses polémiques, Un Bonaparte pour apprentis fascistes, commente en 1927 Léon Moussinac, le critique de cinéma de L'Humanité, mais offrira à Abel Gance l'admiration de D. W. Griffith et de Charlie Chaplin.

Une œuvre irréalisable

Du scénario fleuve initial en huit parties, allant de l'école militaire de Brienne au rocher de Sainte-Hélène, Abel Gance n'a réalisé que les trois premières, décomposées en six périodes :

– La jeunesse de Bonaparte à Brienne où le jeune Corse fait preuve de ses talents de tacticien lors d'une bataille de boules de neige entre collégiens.
La jeune Violine, fille du cuisinier, est amoureuse de lui.
– Neuf ans plus tard, au club des Cordeliers, Rouget de Lisle interprète La Marseillaise, reprise en chœur par l'assemblée. Bonaparte le remercie pour la France.
– Bonaparte retourne en Corse. Il est poursuivi par les troupes de Paoli, allié des Anglais. Il s'échappe en affrontant une tempête pendant qu'une autre tempête se déchaîne à la Convention. Les Girondins sont envoyés à l'échafaud.
– Nommé capitaine, Bonaparte prépare le siège de Toulon insurgé et s'empare du fort.
– Les épisodes suivants décrivent la Terreur, la rencontre avec Joséphine de Beauharnais, l'assassinat de Marat par Charlotte Corday. Nommé général d'infanterie, Bonaparte sauve les dirigeants révolutionnaires menacés par la foule affamée. Le « général Vendémiaire » assiste au bal des Victimes où il retrouve Joséphine.
Il fait ses adieux à la Révolution dans l'enceinte de la Convention, où les fantômes de Robespierre, Danton, Saint-Just, Marat lui apparaissent.
– Bonaparte réorganise l'armée en Italie du Nord en s'imposant à l'état-major d'Augereau et de Masséna. L'armée des révolutionnaires en haillons devient la Grande Armée et entre dans l'épopée.

Une œuvre d'une grande virtuosité poétique et technique

Le scénario reprend les épisodes de la légende napoléonienne telle qu'elle a été vulgarisée au XIXe siècle. Abel Gance n'évite aucune image d'Épinal, ni aucune réplique historique. Mais son écriture cinématographique, d'une extrême audace pour le cinéma des années 1920, métamorphose cette accumulation de stéréotypes en s'appuyant sur des figures de style radicales.
Il y a d'abord la sinuosité du récit et ses excroissances feuilletonesques qui ne cessent d'entremêler avec ironie la « Grande Histoire » et l'anecdote sentimentale. Ces digressions servent à mettre en place des figures métaphoriques, certes conventionnelles l'aigle qui vient se poser sur le canon, à la fin de l'épisode de Brienne, le drapeau transformé en voile, etc., mais d'une extraordinaire virtuosité plastique.
Les métaphores sont démultipliées par les surimpressions, très nombreuses et multiples, jusqu'à 16 images superposées, lors de la déclamation de La Marseillaise, de la chevauchée en Corse, des débats houleux à la Convention, etc.

Napoléon est certes un film à grand spectacle, mais c'est aussi un film expérimental.
Ces expériences rhétoriques culminent dans le montage de plus en plus rapide dans toutes les séquences d'action. Abel Gance va jusqu'à monter des plans d'une à deux images seulement, quasi imperceptibles, mais productrices d'effets rythmiques vertigineux.
À cela s'ajoute le célèbre triptyque, ou polyvision qui démultiplie l'écran en trois parties, avec une image centrale et deux images latérales, parfois inversées, parfois continues, lors de la représentation de l'armée d'Italie.
Enfin, il faut mentionner le choix des acteurs, leur jeu survolté, la caricature délibérée des silhouettes et des visages.
Antonin Artaud compose un Marat halluciné, les yeux injectés de sang, Van Daële est un Robespierre machiavélique, froid, pâle, avec les lèvres minces et le regard glacé, le russe Koubitzky est un Danton crinière en bataille, brailleur et débraillé Abel Gance.
Les tricoteuses et les sans-culottes semblent sortir de la cour des Miracles, avec leurs trognes de mégères bestiales et avinées, les colosses, torse nu et aux bras rouges de sang : tous s'opposent à l'élégant Albert Dieudonné qui s'est totalement identifié au jeune Bonaparte des tableaux de la légende.
Comme l'a indiqué le restaurateur du film, Kevin Brownlow, voir Napoléon vu par Abel Gance, c'est se retrouver devant des actualités cinématographiques des années 1790, un siècle avant l'invention du cinéma.



Liens

http://youtu.be/l2ViW4lxmD0 La roue film noir et blanc muet
http://youtu.be/aW1p05MGePE Austerlitz
http://youtu.be/4BPrEPwOiz4 Austerlitz
http://youtu.be/YlXz3NJdRXk Austerlitz Abev Gance
http://youtu.be/2HObklmR_ZQ Napoléon (fin)
http://youtu.be/wPr-TwPh9sk J'accuse Abel gance


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#228 Henri Matisse
Loriane Posté le : 03/11/2013 00:34
Le 3 novembre 1954, à Nice, meurt Henri Matisse, artiste-peintre, dessinateur et sculpteur français.


Il fut le chef de file du fauvisme ; Pablo Picasso, son ami, le considérait comme son grand rival


Face à la vie et à l'œuvre d'Henri Matisse, l'histoire de l'art a forgé le cliché durable d'un artiste ambivalent.
D'abord, au début du XXe siècle, le révolutionnaire, instigateur du fauvisme, initialement méprisé en France ; ensuite, le peintre d'un bonheur de vivre douceâtre servant, après les premières avant-gardes abstraites des années 1910, l'exigence dominante d'un retour à des valeurs académiques.

Or son œuvre même a pour fondements la perméabilité des espaces, leur communication et, par l'épanchement de la couleur, la transgression des limites sur lesquelles repose le système de représentation classique.
À ce titre, la peinture de Matisse entretient une relation ambiguë avec l'abstraction, vers laquelle elle tend et à laquelle elle résiste. La défiance que suscite toujours sa peinture souligne, en outre, la persistance des interrogations que pose son art, dont la portée dépasse le cadre hagiographique traditionnel.
Il faut s'aventurer dans une suite d'anecdotes chronologiquement ordonnées de sa naissance au Cateau-Cambrésis Nord en 1869 à sa mort, à Nice, en 1954, et miraculeusement superposées aux multiples facettes d'une œuvre qui traverse un demi-siècle.
Il faut, pour justifier la prédominance de la couleur dans son art, dénombrer ses fréquents séjours au bord de la Méditerranée et s'intéresser à l'influence de Collioure où il passe notamment l'été de 1905 en compagnie de Derain, ou à celle de Tanger, qu'il visite en 1911-1912 et en 1912-1913 ?
Faut-il enfin décrire le Matisse avant-gardiste du début du XXe siècle, longtemps exécré, ou le peintre du retour à l'ordre qui fut, dès après la Première Guerre mondiale, récupéré par une France qui réagit aux excès de l'art moderne ? Sont-ils incompatibles ?
La vie et l'œuvre du peintre racontent aussi l'histoire des regards qui s'y posent ou s'en détournent.
À sa mort, un seul ouvrage d'importance avait été publié sur l'artiste, en 1951, par le directeur du Museum of Modern Art de New York, Alfred H. Barr, qui citait ironiquement cette remarque d'un critique français en 1910 :
"Estimons-nous heureux de ne voir parmi les disciples et admirateurs agissants de Matisse, que Russes, Polonais et Américains."
Un ouvrage qui ne sera jamais traduit en français comme le prophétise avec une certaine lucidité la préface d'un colloque consacré à l'artiste, à Nice, en 1987. Quarante ans avant ces honneurs posthumes, le premier directeur du Musée national d'art moderne de Paris, Jean Cassou, ne pouvait que
"combler les lacunes qui existaient encore, en particulier en ce qui concerne quelques-uns des maîtres de l'école moderne. Bonnard, Vuillard se trouvaient déjà fort bien représentés au musée. ... Mais l'effort principal, soulignait-il, a dû porter sur Matisse, qui n'y était représenté que par trois peintures, Braque qui ne l'était que par trois, Rouault par deux" .

Sa vie

Henri Matisse est né le 31 décembre 1869 au Cateau-Cambrésis en France, fils d’un marchand de grains.
Sa mère était peintre amateur. Après la guerre franco-allemande, en 1871, la famille déménage à Bohain-en-Vermandois où Matisse passe sa jeunesse. Il commence sa vie professionnelle comme clerc de maître du conseil à Saint-Quentin.
À 20 ans, à la suite d'une crise d'appendicite, il est contraint de rester alité pendant de longues semaines.
Léon Bouvier qui a épousé la sœur de son ami, voisin de son domicile, Léon Vassaux peint à ses heures, et présente à Matisse ses premières œuvres, plus particulièrement un Chalet suisse, chromo reproduit dans les boîtes de peinture en vente à l'époque. Henri Matisse en peindra une copie, qu'il signera Essitam. Parce qu'il est séduit par la peinture, sa mère lui offre une boîte de peinture.
Il découvre alors le plaisir de peindre.
Dès son rétablissement, tout en réintégrant l'étude, il s'inscrit au cours de dessin de l'école Quentin-de-La Tour destinée aux dessinateurs en textile de l'industrie locale.
Il peint son premier tableau Nature morte avec des livres en juin 1890
.
Carrière

En 1896, Matisse expose pour la première fois au Salon des Cent et au Salon de la Société nationale des beaux-arts dont il devient membre associé sur proposition de Pierre Puvis de Chavannes.
Cette fonction lui permet notamment d'exposer sans passer par un jury.
Il passe l'été à Belle-Île-en-Mer et rencontre l'australien John Peter Russell qui l'introduit auprès d'Auguste Rodin et Camille Pissarro. Il commence à s'intéresser à la peinture impressionniste qu'il découvre en 1897 au musée du Luxembourg.
En 1894, naît sa fille Marguerite, d'un de ses modèles nommé Caroline Joblau. C'est à l'occasion de son voyage de noces que Matisse débarque en Corse le 8 février 1898 accompagné de sa jeune épouse Amélie Parayre ; née en 1872, elle est âgée de 25 ans ; ils auront deux enfants, Jean en 1899 et Pierre en 1900.
Au cours de son séjour à Ajaccio qui dure jusqu'en juillet, il habite dans une villa dont il a loué le dernier étage meublé à un certain de la Rocca.
Henri Matisse peint à Ajaccio une cinquantaine de toiles dont "le mur rose" qui représente l'arrière de l'hospice Eugénie vu depuis la villa "de la Rocca".
Il passe une semaine à Londres où, sur les conseils de Pissarro, il découvre la peinture de Joseph Mallord William Turner.
En séjour à Toulouse, il expérimente la méthode de Turner.
À partir de 1900, Matisse travaille à l'Académie de la Grande Chaumière sous la direction d'Antoine Bourdelle et fréquente également l'atelier d'Eugène Carrière.
Il y fait la connaissance d'André Derain et de Jean Puy. Derain qui lui présente Maurice de Vlaminck. Il expose au Salon des indépendants 1901 et participe à la première édition du Salon d'automne 1903. Il expose en 1904 chez Ambroise Vollard.
Au début de 1905, il présente une importante exposition particulière chez Bernheim-Jeune et participe au Salon des indépendants. L'été de 1905, il séjourne à Collioure en compagnie de Derain.
Au Salon d'automne de 1905, l'accrochage des œuvres de Matisse, Albert Marquet, Vlaminck, Derain et Kees van Dongen provoque un scandale par les couleurs pures et violentes posées en aplat sur leurs toiles. À la vue de ces tableaux regroupés dans une même salle, le critique Louis Vauxcelles compare l'endroit à une "cage aux fauves". L'appellation de "fauve" est aussitôt adoptée et revendiquée par les peintres eux-mêmes.
Cette période marque également la reconnaissance de son travail, lui permettant enfin une relative aisance matérielle. Matisse devient le chef de file du fauvisme. La même année, il rencontre Edmond-Marie Poullain.
Il entreprend de nombreux voyages qui seront autant de sources d'inspiration : Algérie, Italie, Allemagne, Maroc, Russie, Espagne, États-Unis et Tahiti.
En 1908, Matisse ouvre une académie libre au couvent des Oiseaux, puis à l'hôtel de Biron où se pressent les étudiants étrangers.
L'académie ferme en 1911.
Entre 1908 et 1912, ses œuvres sont exposées à Moscou, Berlin, Munich et Londres ; Matisse et Amélie reviendront à Ajaccio en décembre 1912. En 1913, Matisse est exposé à l’Armory Show de New York à côté d'œuvres de Marcel Duchamp et Francis Picabia, comme autant de représentants de l'art le plus moderne qui soit.

Dès le déclenchement de la Première Guerre mondiale, il quitte Collioure qu'il fréquentait régulièrement depuis 1905.
Après avoir passé une partie de l'hiver 1916-1917 à Nice, Matisse décide de rester plus longuement sur la Côte d'Azur, qu'il considère comme un paradis, et dont il recherche la transcription dans ses toiles.
Durant cette période, Matisse rencontre le peintre japonais Yoshio Aoyama, qui vivait aussi à Nice, dans le quartier de Cimiez, et qui devient son disciple.
Selon Matisse, Aoyama était un maître de la couleur, créant le terme Aoyama blue. En 1919, il reçoit la commande d'Igor Stravinski et Serge Diaghilev pour dessiner les costumes et les décors du ballet Le Chant du rossignol présenté à Londres.

À partir de 1917, Matisse passe l'hiver à Nice, se préoccupant quelque temps de recherches plus abstraites sur l'espace et la musicalité : la Leçon de piano 1916 ou 1917, musée d'Art moderne, de New York semble ainsi éterniser le tempo d'un "moderato cantabile".
Après la guerre, son style montre une détente, un retour aux délices ornementales auxquels ses conversations avec Renoir en 1918 ne sont pas étrangères.
Peintures d'intimité où l'éclat des fleurs et des fruits concurrence celui des chairs féminines, les diverses Odalisques doivent beaucoup aux aquarelles des Femmes d'Alger, car Delacroix, de même qu'Ingres, est l'un des maîtres auxquels Matisse aime se référer.
La Légion d'honneur en 1925, le prix Carnegie en 1927 consacrent le succès du peintre.
Celui-ci revient à plus de rigueur par l'intermédiaire des découpages coloriés, qui lui servent à la préparation des grands panneaux de la Danse 1931-1933 commandés par le Dr Barnes. La sobriété s'accentue dans "le Nu rose" 1935, musée d'Art de Baltimore.
Un incessant souci de l'interpénétration sans modelé des figures dans l'espace, du jeu sans épaisseur des couleurs et du contour aboutit aux différentes versions de la Robe rayée et de la Blouse roumaine.

En 1925, Matisse est nommé chevalier de la Légion d'honneur.

À New York, on organise une rétrospective 1929. Pendant son séjour aux États-Unis, Albert Barnes, le collectionneur, lui commande une œuvre monumentale pour sa fondation à Philadelphie.
À son retour à Nice, dans l'atelier de la rue Désiré Niel loué spécialement pour cette réalisation, Matisse s'attellera à la Danse dont il réalisera de 1930 à 1933, trois versions en raison d'erreurs de gabarit.
La première version inachevée a été retrouvée après sa mort dans son appartement à Nice. Elle est exposée en présentation définitive avec la deuxième version, la Danse de Paris, 1037 × 450 cm, dans la salle Matisse du musée d'art moderne de la ville de Paris.
La dernière version dite la Danse de Mérion a été installée par Matisse lui-même, en mai 1933, à la fondation Barnes de Philadelphie. C'est au décours de ce travail que Matisse inventa les gouaches découpées.
Il travaille à l'illustration du roman de James Joyce, Ulysse, et aux décors et aux costumes de Rouge et noir pour les Ballets russes de Monte-Carlo 1934-1938.
En 1941, atteint d'un cancer, il est hospitalisé à la clinique du Parc de Lyon. Ses médecins lui donnent six mois à vivre.
S'il ne peut plus voyager, il utilise alors les étoffes ramenées de ses voyages pour habiller ses modèles originaires du monde entier.
Son infirmière, Monique Bourgeois accepte d'être son modèle. Matisse utilise la technique des gouaches découpées et commence la série Jazz.
Il s'installe à Vence et renoue une amitié épistolaire assidue avec le dessinateur et écrivain André Rouveyre, connu à l'atelier de Gustave Moreau.
En avril 1944, Marguerite Matisse, sa fille, ainsi qu’Amélie son épouse, sont arrêtées par la Gestapo, pour faits de résistance.
Madame Amélie Matisse reste six mois en prison, tandis que Marguerite Matisse, fille du peintre, parvient à s'enfuir à Belfort du train de déportation qui l'emmenait dans un camp.
Elle est recueillie dans un premier temps par la famille de Léon Delarbre, peintre résistant et déporté, connu pour avoir réussi à ramener avec lui des dessins réalisés dans les camps d'extermination, musée de la Résistance à Besançon.
Marguerite Matisse est ensuite prise en charge par la Croix-Rouge qui la cache au sein de la famille Bruno de Giromagny, et libérée le 6 octobre 1945. Sous le coup d'une émotion intense, Henri Matisse dessine de nombreux portraits de sa fille dont le dernier de la série montre un visage enfin apaisé.

En 1945, une grande rétrospective est organisée au Salon d'Automne. Il réalise les cartons de tapisserie Polynésie, le Ciel et Polynésie, la Mer 1946 et commence à travailler à partir de 1949 au décor de la chapelle du Rosaire de Vence.
En 1952 a lieu l'inauguration du musée Matisse du Cateau-Cambrésis, sa ville natale.
Il réalise la gouache découpée La Tristesse du roi, tableau plus proche même de la peinture classique que Matisse ne l'a jamais été..., son dernier autoportrait..., le portrait d'un vieillard.

Écrits et dernières inventions

Malgré la guerre, la vieillesse, la maladie, le sens de l'invention plastique demeure intact chez Matisse, s'inspire des courbes d'un fauteuil rocaille, renoue dans les grands Intérieurs de 1946-1948 avec les paroxysmes colorés du fauvisme, cherche la symbiose de tous les arts dans l'ensemble décoratif de la chapelle du Rosaire des Dominicaines à Vence 1951.
C'est toutefois à travers les grandes gouaches découpées follement évocatrices de la danse ou du repos, de la femme, de l'arbre ou de la fleur que Matisse atteint à la fin de sa "vie encore plus d'abstraction, encore plus d'unité".
Les mêmes préoccupations apparaissent dans ses sculptures, soixante-dix bronzes environ qui, eux, toutefois, s'attaquent de front aux problèmes de l'expression volumétrique ainsi avec la série des bustes de Jeannette, 1910-1913.
De même dans ses dessins et ses gravures fort nombreux, ses illustrations de livres : dix-sept en tout, parmi lesquelles les Poésies de Mallarmé 1932 les Lettres de la religieuse portugaise 1946 et le texte intitulé Jazz, magistralement accompagné de papiers découpés 1947.
Outre les réflexions incluses dans ce dernier album, Matisse a donné différents textes, repris dans le recueil Écrits et propos sur l'art édité en 1972.
Tout au long de sa carrière, les mêmes thèmes s'imposent : fenêtres ouvertes, femmes indolentes, univers de paresse totalement antithétique de son créateur et, avant tout, prétexte à la prospection du champ artistique.
Le travail guérit de tout disait Matisse. L'œuvre du peintre, d'une apparente simplicité, "ce fruit de lumière éclatante" aimé d'Apollinaire, naît d'un labeur acharné, qui toujours cherche à témoigner de l'indicible sensation dont l'un de ses derniers tableaux porte le titre : le Silence habité des maisons.

Henri Matisse meurt le 3 novembre 1954 à Nice et est enterré dans cette ville, au cimetière de Cimiez.

Son fils, Pierre Matisse fut un important et influent marchand d'art installé au Fuller Building de New York.
En 1963, le musée Matisse de Nice ouvre ses portes à son tour.
Connu et reconnu de son vivant, la cote de Matisse n'a cessé depuis de monter ainsi que le montre en 2009 la valeur historique de 32 millions d'euros atteinte par Les Coucous, tapis bleu et rose, œuvre mise en vente dans le cadre de la vente Bergé/Yves Saint Laurent à Paris.

Peintres autour de Matisse

Jackson Pollock, Mark Rothko, Barnett Newman, Marg Moll, Oskar Moll, Hans Purrmann, ... Tous ont partagé une même vénération pour Matisse.
La confrontation des collections du musée de sa ville natale avec des œuvres de ces génies de l'abstraction met en valeur cette filiation.
Tout au long de son œuvre Matisse travaille la sculpture afin de perfectionner son approche de la ligne.
Avec la série des Nus de dos qui s'étend de 1909 à 1930, il affronte tour à tour les problèmes picturaux qu'il rencontre : le tracé des figures monumentales : la réalisation de Nu de dos I, 1909, est contemporaine de celle des grandes compositions La Musique et La Danse, le rapport forme et fond : les fresques destinées à la Fondation Barnes sont réalisées en 1930 comme Nu de dos IV.
Toutefois, bien que la série ne semble pas avoir été conçue pour être présentée en une seule entité : la fonte des pièces en bronze n'a été faite qu'après la mort de Matisse, ces quatre sculptures constituent un ensemble plastique.
"Matisse était un artiste au sens médiéval du terme. Par un travail très simple, il cherchait à exprimer ce qu'il sentait au-dedans de lui. C'était un travailleur acharné. J'ai vu des cahiers entiers, des centaines de pages sur lesquelles il avait simplement dessiné une feuille de chêne. … Finalement, quelques traits signifient la feuille de manière évidente. Elle est reconnaissable par tous, mais elle est l'aboutissement d'heures et d'heures de travail."
La sculpture "Nu de dos IV" a été vendue aux enchères chez Christie's à New York pour près de 49 millions $ soit environ 35 millions € , elle devient ainsi la 4e sculpture la plus chère vendue aux enchères, après Alberto Giacometti et Amedeo Modigliani

L' homme

La représentation désastreuse dans les collections françaises des peintures réalisées par Matisse au cours des années 1904-1917 nous ramène d'abord à la réception mouvementée des peintres dits "fauves" : Matisse, Derain, Vlaminck, et d'autres anciens élèves de Gustave Moreau – lors du Salon d'automne de 1905.
L'œuvre de Matisse, lisait-on dans La Grande Revue en 1908, "excite trop de mépris, de colère ou d'admiration pour que l'os'en tienne à l'appréciation forcément rapide qu'ont dû en donner jusqu'à présent les critiques... . Il fallait donc que le peintre lui-même s'exprime sur ces passions excessives.
Ce qu'il fit dès 1908, en des termes désormais célèbres :
"Ce que je rêve, c'est un art d'équilibre, de pureté, de tranquillité, sans sujet inquiétant ou préoccupant, qui soit, pour tout travailleur cérébral, pour l'homme d'affaires aussi bien que pour l'artiste des lettres, par exemple, un lénifiant, un calmant cérébral, quelque chose d'analogue à un bon fauteuil qui délasse de ses fatigues physiques."
Comme le note Jack Flam dans les actes du colloque "Matisse aujourd'hui", il semble évident, en regard de certaines avant-gardes du début du siècle, que l'art de Matisse ne répond à aucun programme idéologique spécifique.
L'artiste lui-même, fils de la bourgeoisie de province, qui avait débuté une carrière comme clerc d'avoué avant d'être "poussé par je ne sais quoi, une force" vers la peinture en 1890, se présentait comme un modèle d'homme "normal".
Mari et père dévoué, allant au théâtre, montant à cheval, possédant une maison confortable, un beau jardin : "comme n'importe quel homme", tenait-il à préciser. L'apparente absence d'angoisse existentielle de ses sujets finit toutefois par se retourner contre les valeurs qu'elle devrait conforter.
Dès Luxe, calme et volupté 1904, dont le titre servira souvent l'interprétation d'un art lénifiant, l'œuvre de Matisse exalte l'oisiveté, la contemplation, la promesse d'un retour au paradis perdu.
Elle se développe ainsi comme une rêverie lente et décalée, fruit d'un intense délire qui se lit, par exemple, dans le regard éthéré de la Femme devant un aquarium de 1921 – année à partir de laquelle il partage sa vie entre Nice et Paris –, un tableau typique de sa période néo-classique dite niçoise.
Perdues dans un autre temps et un autre espace, ses pensées rejoignent celles des Marocains fumeurs de narguilé,
"ces grands diables qui restent des heures contemplatifs, devant une fleur et des poissons rouges", que Matisse, après les avoir observés lors de ses voyages en 1912-1913, dépeignait dans Le Café arabe 1913.

Le peintre


Une esthétique de l'échange

Cette communication subreptice entre deux espaces esthétiques et culturels antinomiques – celui de la tradition occidentale et celui d'un Orient d'où vient la révélation – est caractéristique de son esthétique de l'échange et de la fusion.
Certes, Matisse n'est pas, selon ses propres termes, un révolutionnaire par principe mais, dès le début de sa carrière, sa fréquentation de l'Académie des beaux-arts, à Paris, l'incite à se méfier des principes.
De Gustave Moreau, dont il fréquente l'atelier de 1895 à 1898, il garde ainsi le souvenir,
"d' un homme cultivé, qui incitait ses élèves à considérer toutes les sortes de peintures, tandis que les autres professeurs n'avaient en tête qu'une période, qu'un seul style – celui de l'académisme contemporain – c'est-à-dire le leur, résidu de toutes les conventions".
Parallèlement à cet enseignement en marge des dogmes officiels, Matisse débute comme copiste au Louvre. Or, estimera-t-il rétrospectivement, c'est précisément la renommée qu'il acquiert alors qui l'incite à opérer une rupture :
"Au Louvre, quand je fréquentais et y copiais, tout en travaillant des choses personnelles dans mon atelier, je faisais facilement l'image ou je croyais la faire. Mais c'était l'image des autres, l'image transmise par mes prédécesseurs. J'étais extrêmement peu dedans ou même pas du tout. ... C'est le succès qui m'a fait réagir, car il ne me paraissait pas mérité. "
Ainsi, au-delà de la morale qui justifie sa réaction, l'imitation au carré de la réalité par l'art, et de l'art par l'art à laquelle se confronte le copiste a, semble-t-il, conduit le peintre à douter de l'un des fondements du système de représentation classique : l'exclusion mutuelle de l'espace de la réalité la sienne, celle du modèle et de l'espace de l'art.

La peinture mise en scène

La peinture de Matisse met en scène la peinture elle-même et ses éléments constitutifs ; elle expose, interroge et dérègle méthodiquement ses conventions. En 1907, le critique Louis Vauxcelles saisissait parfaitement devant le Nu bleu "souvenir de Biskra", un jeu d'influences réciproques qu'il redoutait entre les lois internes du tableau, la réalité observée et la représentation :
"Je ne voudrais, en quoi que ce fût, froisser un artiste dont je sais l'ardeur, la conviction ; mais le dessin m'apparaît ici rudimentaire et le coloris cruel ; ... le hanchement du corps déformé détermine une arabesque de feuillage à moins que ce ne soit l'incurvation du feuillage qui motive la courbe de la femme."
Cette rime plastique entre la palme et la hanche est caractéristique de la soumission de la nature à "l'esprit du tableau" auquel aboutit Matisse.
Sa peinture repose, en partie, sur un aller et retour entre le motif, le peintre et le tableau.
Tout près de son modèle, quel qu'il soit, et comme "en lui-même", l'attitude de Matisse engendre d'abord une forme d'identification violente pour se tenir, selon ses propres termes « en émotion, en état d'une sorte de flirt qui finit par aboutir à un viol "

À ces deux termes qui n'en font plus qu'un s'incorpore un troisième, le tableau, qui impose ses propres lois :
"Dans la "Nature morte au magnolia" 1941, expliquait ainsi Matisse, j'ai rendu par du rouge une table de marbre vert ; ailleurs il m'a fallu une tache noire pour évoquer le miroitement du soleil sur la mer ; toutes ces transpositions n'étaient nullement l'effet du hasard ou d'on ne sait quelle fantaisie, mais bien d'une série de recherches à la suite desquelles ces teintes m'apparaissaient nécessaires, étant donné leur rapport avec le reste de la composition, pour rendre l'impression voulue."
En un sens, Matisse se situe précisément entre la convention classique qui veut que l'artiste donne un coup d'œil sur la toile, un demi sur la palette et dix sur le modèle, et celle de l'abstraction qui, selon la formule de Kandinsky en 1913, impose "dix coups d'œil sur la toile, un sur la palette, un demi sur la nature".
De bout en bout, son art accélère, aggrave certaines tensions inhérentes au système de la représentation. Celles, par exemple, qu'induit le cadre que l'on voit mis en abyme dans l'espace de l'Intérieur aux aubergines 1911 – dont l'état original comprenait un cadre peint –, transgressé par les figures en expansion de La Danse de la fondation Barnes 1932-1933, dont il avait accepté la commande lors de son second séjour aux États-Unis, à la fin de l'année 1930.
Cette limite physique entre l'art et la réalité est perturbée par la réinjection de sa propre peinture dans l'espace des deux versions de Capucines à "La Danse" 1912, ou dans celui de l'Atelier rouge 1911 dans lequel on dénombre une dizaine d'œuvres de Matisse représentées. Cette frontière se trouve même totalement niée par certaines photographies, comme celles de l'appartement du peintre en 1946 envahi par les figures composant Océanie : le ciel.

Émancipation de la couleur

Matisse concevait lui-même son art dans la continuité d'une tradition transgressive : " De Delacroix à Van Gogh et principalement à Gauguin en passant par les impressionnistes qui font du déblaiement et par Cézanne qui donne l'impulsion définitive et introduit les volumes colorés, on peut suivre cette réhabilitation du rôle de la couleur, la restitution de son pouvoir émotif."
À cette fin, comme le souligne Jean-Claude Lebensztejn, le fauvisme tendait à renverser une hiérarchie d'ordre éthico-religieux qui règle le rapport du dessin et de la couleur. Le dessin est l'âme, la morale de la peinture
"la probité de l'art" écrivait Ingres ; la couleur en est la physique, le corps. ... La suspicion où est tenue la couleur relève de l'interdit jeté sur le corps, c'est-à-dire, en dernière instance sur le sexe".
Cependant, précisait Matisse, l'avalanche de couleurs seule de La Danse 1909-1910 ou du Rideau jaune 1915 reste sans force.
Dans la spectrale Vue de Notre-Dame 1914 ou dans Le Coup de soleil dans l'allée de Trivaux 1917, l'émancipation de la couleur ne peut se réaliser sans s'arroger la fonction constructive du dessin car, explique Matisse, "la couleur n'atteint sa pleine expression que lorsqu'elle est organisée, lorsqu'elle correspond à l'intensité de l'émotion de l'artiste ".

Dessiner dans la couleur

Tardivement, tandis qu'il s'installe à Vence, la pratique du papier découpé, inaugurée en 1943 avec la conception de Jazz, dont le titre original devait être Le Cirque, relance le travail de Matisse sur les relations qu'entretiennent la ligne et la surface colorée, travail qui culmine dans le projet décoratif de la chapelle Notre-Dame-du-Rosaire, achevé en 1951.
Il ne s'agit plus seulement de contredire l'ordre classique réclamant la primauté du dessin sur la couleur.
Dès le Bonheur de vivre en 1905-1906, Matisse avait renversé cette convention en colorant le cerne prononcé de certains personnages.
Cette fois, il s'agit de fondre ces deux pôles traditionnellement séparés :
"Au lieu de dessiner le contour et d'y installer la couleur – l'un modifiant l'autre – je dessine directement dans la couleur, qui est d'autant plus mesurée qu'elle n'est pas transposée."
Cette simplification, concluait le peintre, "garantit une précision dans la réunion des deux moyens qui ne font plus qu'un". Prolongeant un procédé de gravure de la ligne dans la couleur que certaines toiles permettent d'observer et qui rappelle les dernières œuvres de Gustave Moreau, la découpe pénètre physiquement, et directement dans la masse colorée.
Dans Nu bleu III 1952, par exemple, cette découpe agit avec une ambivalence telle qu'il devient difficile de dissocier le fond et la forme, l'un et l'autre s'égarant dans les glissements extrêmement fluides entre le blanc comme support et son activation comme contour.

Une fenêtre sur l'abstraction

La fusion de ces deux instances n'élude pas, dans la peinture de Matisse, un mode de compensation de la couleur par le dessin qui, tout en permettant la reconnaissance des figures, maintient son art au bord de l'abstraction. Porte-fenêtre à Collioure 1914 est devenu l'emblème de ce seuil infranchissable que la fenêtre ouverte, ne donnant plus sur un espace illusionniste, vient matérialiser.
Cette même oeuvre confronte l'observateur à un principe de transposition coloré qui conduit le peintre, tenant compte des exigences internes de l'espace de la toile, à utiliser un noir profond pour restituer en termes purement picturaux une luminosité aveuglante : « Les Orientaux se sont servis du noir comme couleur, notamment les Japonais dans les estampes.
Plus près de nous, poursuivait Matisse, d'un certain tableau de Manet il me revient que le veston de velours noir du jeune homme au chapeau de paille "dans Le Déjeuner, 1868, sans doute est d'un noir franc et de lumière."
Matisse ne situait cependant cette découverte dans sa peinture qu'avec Les Marocains, réalisé de 1915 à 1917. Un tableau, comme en témoigne sa correspondance avec Charles Camoin, auquel il pensait sans doute depuis son retour de Tanger en février 1913 :
" ... C'est un souvenir du Maroc, c'est la terrasse du petit café avec les fainéants alanguis devisant vers la fin du jour. On aperçoit le petit marabout blanc du bas, le mauvais croquis ne te dira pas grand-chose. Ce ballot représente un Arabe couché de côté sur son burnous, les deux crochets sont les jambes."

Un art du futur

Dans les années 1970, la résistance du peintre américain Brice Marden devant Les Marocains était révélatrice des problèmes que ne cesse de poser un tel tableau :
"Je n'ai jamais pu comprendre Les Marocains – avouait-il. Je trouve que c'est une peinture effroyable. ... Ça ne fonctionne pas spatialement ; la composition ne fonctionne pas dans la structure d'ensemble du tableau."
On pourrait, en effet, affirmer que la composition et l'espace du tableau ne fonctionnent pas en termes purement formels.
Mais, chez Matisse, ces exigences formelles sont infléchies par le travail du souvenir et réciproquement. La difficulté que nous avons à articuler entre elles les parties distinctes de l'espace le café et les personnages, les pastèques et les coloquintes, la casbah, les différents registres d'abstraction qui rendent leur reconnaissance douteuse, l'ambivalence entre la profondeur et le plan, la temporalité qui affecte l'espace : tout cela rend, en effet, le tableau de Matisse incompréhensible.
Son étrangeté est intolérable.
Il faudrait admettre, avec Roger Fry qui reconnaissait indéniablement dans les pastèques et les coloquintes des musulmans enturbannés prosternés sur un tapis de prière, que Matisse a bien trop de sérieux pour se complaire aux sottes mystifications. Pour sa part, ce peintre qui disait bien vouloir plaire, n'hésitait pas à déclarer sur un ton messianique, quelque peu étranger à la normalité à laquelle on l'a réduit :
"Je sais bien que c'est bien plus tard qu'on se rendra compte combien ce que je fais aujourd'hui était en accord avec le futur".

Ses principales œuvres

La Chapelle du Rosaire de Vence
Nature morte au pichet, vers 1896-1897, musée Malraux, Le Havre
Le Mur rose (de l'hôpital d'Ajaccio), 1897-1898, Centre Pompidou MNR, Paris. Ce tableau, disparu en 1914, a été retrouvé en 1948 dans une cache de l'ancien SS Kurt Gerstein, près de Tübingen10.
Luxe, Calme et Volupté, 1904, musée d'Orsay, Paris
La Femme au chapeau, 1905, Museum of Modern Art, San Francisco
Le Bonheur de vivre, 1905-1906, Barnes Fondation, philadelphie
Vue de Collioure, 1906, musée de l'Ermitage.
Portrait de Madame Matisse, dit La Raie verte, 1905, Statens Museum for Kunst, Copenhague
"Nu bleu, Souvenir de Biskra", 1907, Baltimore Museum of Art, Baltimore
La Desserte rouge, 1908, sa version originelle était en bleue mais fut livrée en rouge au collectionneur moscovite Sergueï Chtchoukine
La Joie de vivre, 1908
La Danse et La Musique, pour le collectionneur moscovite Sergei Shchukin, 1909-1910, musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
Nature morte au géranium, 1910, Pinakothek der Moderne, Munich
L'Intérieur aux aubergines, 1911, musée de Grenoble,grenoble
L'Atelier rouge, 1911, New York, MOMA
La Porte de la casbah, 1912, musée Pouchkine, Moscou, 116×90 cm
Porte-fenêtre à Collioure, 1914, Centre Georges Pompidou, Paris
La Fenêtre, 1916, Institute of Arts, Détroit
Les Demoiselles à la rivière, 1916-1917, Art Institute of Chicago, Chicago
Portrait d'Auguste Pellerin, 1917, musée national d'art moderne, Paris
La Fenêtre ouverte à Nice, 1919, musée Albert-André, Bagnols-sur-Cèze
Intérieur à la boîte à violon, 1919, musée d'art moderne, New York
Paysage ou Rue dans le Midi, 1919, musée des beaux-arts André-Malraux, Le Havre
Femme assise, le dos tourné vers la fenêtre ouverte vers 1922, huile sur toile, musée des beaux-arts de Montréal, Montréal
Odalisque au tambourin, 1926
Figure décorative sur fond ornemental, 1927, Centre Georges Pompidou, Paris
la Danse de Mérion (dite) 1933 triptyque 1037 × 450 cm. Deux versions exposées en permanence au musée d'art moderne de la ville de Paris, la version finale est installée à Mérion dans la Fondation Barnes (Philadelphie) aux États-Unis
Tahiti II, 1935-1936, musée Matisse - Le Cateau-Cambrésis
Grand nu couché 1935 Huile sur toile, 66x93 cm. Baltimore Museum of art, baltimore
Deux jeunes filles, robe jaune, robe écossaise, 1941, musée Matisse - Le Cateau-Cambrésis
L'Asie, 1946, Kimbell Art Museum, Fort Worth
Nu bleu II, 1952, Fondation Beyeler, Bâle
La Tristesse du roi, Centre Georges Pompidou, Paris
Vigne, 1953, musée Matisse - Le Cateau-Cambrésis
Odalisque gris et jaune vendu 14,7M$ en 2007
Danseuse dans le fauteuil, sol en damier mise aux enchères en juin 2007.
« Nous étions alors (durant l'été 1905,à Collioure avec Derain) devant la nature comme des enfants et laissions parler notre tempérament, quitte à peindre de chic quand on ne se servait pas de la nature elle-même. J'abîmais tout par principe et travaillais comme je sentais, rien que par la couleur » Henri Matisse.[réf. nécessaire]
La chapelle du Rosaire de Vence, qui est une œuvre architecturale qu'il considérait comme son chef-d’œuvre, réalisé sur la fin de sa vie et synthétisant toute sa recherche artistique.
L'œuvre comprend également d'importantes séries de sculptures tirées en bronze (bustes de Jeannette, 1910-1913 ; quatre Nus de dos, bas reliefs, 1909-1930), près de 500 pièces gravées (eaux-fortes, bois, lithographies), des illustrations de livres : Poésies de Mallarmé (1932), Lettres de la religieuse portugaise (1946), Florilège des Amours de Ronsard (1948).

Liens

http://youtu.be/88U-ve7yCfA Voyage en peinture 1
http://youtu.be/hOFhXgOMjzI Voyage en peinture 2
http://youtu.be/l3L8tNBYUIE Ses Peintures
http://youtu.be/AXV8BBUuT8c ses peintures
http://youtu.be/l3L8tNBYUIE 1H 22 de peintures
http://youtu.be/ZrC2syYS16c Les voies de l'abstrait


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#229 Benvenuto Cellini
Loriane Posté le : 02/11/2013 23:57
Le 3 Novembre 1500 naît à Florence Benvenutto Cellini,

artiste de la Renaissance italienne, dessinateur, orfèvre, fondeur, médailleur et sculpteur qui appliqua les techniques et la précision de l'orfèvrerie à son travail de sculpteur. Il meurt le 13 février 1571 dans la même ville


Premier artiste à avoir laissé une autobiographie, Benvenuto Cellini, orfèvre florentin apprécié dans toute l'Europe, médailleur virtuose tardivement devenu sculpteur, entendait laisser de lui l'image d'un génie qui surpassait Michel-Ange et traitait d'égal à égal avec François Ier, Côme de Médicis, Clément VII ou Paul III.
La fortune romantique de son texte, que traduisit Goethe et qui inspira Berlioz, rend difficile l'appréciation de son œuvre telle qu'elle pouvait apparaître à ses contemporains des dernières années de la Renaissance.
Cellini a eu une vie extrêmement agitée, alternant périodes de gloire et disgrâces auprès des grands de son temps.
Ses Mémoires, qu'il dicta à un de ses élèves et qui ne seront publiés qu'en 1728, ont fait connaître cette vie aventureuse, qu'il mena à Rome, à la cour de France et à Florence.
Dans cette œuvre emplie de détails réalistes et burlesques sur le milieu artistique en Italie et en France, s'exprime à la fois l'exigence artistique et l'ambition de la réussite matérielle de Cellini.
Ce récit eut beaucoup de succès en Europe – Goethe en donna une traduction en allemand. On peut le considérer comme la première autobiographie moderne, en ce sens qu'il accorde une part importante à l'expérience individuelle et à l'apprentissage de l'artiste.
La Nymphe de Fontainebleau haut-relief en bronze, vers 1543, château d'Anet, puis Louvre marque les débuts de Cellini dans la sculpture de grand format, dont il sera l'un des meilleurs représentants maniéristes en Italie. On retiendra aussi son Persée de la loggia dei Lanzi, à Florence 1545-1553.

Sa vie

Benvenuto Cellini est né à Florence. Son père, Giovanni Cellini, fils d'un maçon, est musicien et facteur d'instruments.
Il épouse Maria Lisabetta Granacci, dont il a plusieurs enfants, Benvenuto étant le second, ainsi nommé parce que son père s'attendait à avoir une fille.
Son père tenta de l'orienter initialement vers une carrière musicale, le jeune Benvenuto montrant des prédispositions pour la flûte et le chant.

Les débuts

À quatorze ans, Benvenuto est admis comme apprenti dans l'atelier d'orfèvrerie de Michelangelo Brandini, père du sculpteur Baccio Bandinelli qui deviendra le rival de Cellini, puis dans celui de Marconi.
Après quelques années, le Conseil des Huit de Florence décide de l'exiler pour son implication dans différentes altercations.
Il vagabonde à Bologne, Pise, Rome et étudie chez différents orfèvres, avant de se retrouver à Rome, à l'âge de vingt-deux ans.

Les années à Rome

Clément VII le remarque et le fait venir à ses côtés.
Cellini reçoit plusieurs commandes pour des vases en argent, des chandeliers et des aiguières qu'il fabrique avec un soin qui lui attire les éloges.
Cette période prospère prend brutalement fin avec l'invasion des troupes impériales de Charles Quint.
Cellini se signale par sa bravoure, pendant le sac de Rome 1527, en défendant le château Saint-Ange assiégé par le connétable de Bourbon Charles III, qu'il tua, dit-il, lui-même d'un coup d'arquebuse; d'autres historiens évoquent le geste d'un prêtre dénommé Brantôme.
Après la reddition, Cellini doit retourner à Florence, mais il revient bientôt, appelé par le pape Clément VII qui lui commande un important travail, un fermail pour sa chape. Ce magnifique bijou en or, serti de pierres précieuses, sera fondu en 1797 dans le cadre du traité de Tolentino afin de défrayer une partie des indemnités dues par le pape Pie VI à Napoléon.
La commande du fermail lui attire cependant l'inimitié d’un autre orfèvre, Pompeo de’ Capitanis, jaloux du succès de Cellini.
L'animosité entre les deux hommes augmente au point où Cellini cède à ses instincts et assassine Pompeo en pleine rue.
Protégé un temps par le nouveau pape, Paul III, Cellini est finalement accusé d'avoir volé des pierres précieuses appartenant au trésor papal durant le siège de Rome. Emprisonné, mais s'estimant victime d’une injustice, Cellini réussit à s'échapper.
Il se fracture cependant la jambe, est de nouveau arrêté et enfermé au château Saint-Ange. Il n'en sortira que plusieurs mois plus tard, grâce au cardinal de Ferrare qui intercède auprès de Paul III.
Ma vie de gloire et prouesses sans nombre
En 1531, quand il ouvre son atelier bottega à Rome, Cellini est considéré comme le premier orfèvre de son temps.
Rien de plus : quelques réalisations prestigieuses outre, le famaux fermail de Clément VII en 1530, sa nomination comme maître de la monnaie pontificale en 1529 avaient consacré son habileté – comme artiste, comme courtisan et aussi comme défenseur de la cité, lors du Sac, deux ans plus tôt. Pour qui a commencé en réalisant, à la perfection, ces médailles à chapeau, ornements indispensables à la mode masculine dans les années 1525, c'est un beau début.

À la cour de François Ier

À sa libération, en 1540, Cellini se rend en compagnie du cardinal à la cour du roi François Ier de France qui souhaite le prendre à son service.
Le roi lui commande une série de douze porte-flambeaux, grandeur nature, destinés à éclairer sa table.
Soucieux de bien faire et de prouver sa valeur, Cellini se disperse dans plusieurs réalisations. Seul le porte-flambeau en argent à l’effigie de Jupiter, aujourd’hui perdu, verra le jour.
Cellini profitera de ses installations pour expérimenter la technique de la fonte en bronze. Il réalise un buste de Jules César, ainsi que la célèbre Nymphe de Fontainebleau, aujourd'hui au Louvre.
Ce relief de quatre mètres de large était destiné au tympan de la Porte dorée du château de Fontainebleau et devait s'inscrire dans un ambitieux projet de recomposition de la principale entrée de la résidence royale.
Cellini n'eut cependant pas le temps de terminer la fonte des piédroits, qui devaient prendre la forme de deux satyres, et la Nymphe ne fut jamais posée à Fontainebleau.
Il signe également son chef-d’œuvre d’orfèvrerie, la salière représentant Cybèle, déesse de la terre et Neptune, dieu de la mer.
Entre les deux, un récipient en forme de barque est prévu pour le sel, rencontre de la mer et de la terre.
Des boules d’ivoire encastrées sous le socle permettent de déplacer la salière sur la table, au gré des convives. La salière, qui mesure trente-cinq centimètres de large par vingt-cinq de haut, constitue l’unique objet d’orfèvrerie de Cellini qui n’a pas été perdu.
Quand Cellini, à quarante-cinq ans, met en chantier son Persée, il lance un défi d'une autre ampleur. À Florence, sa ville natale, il n'est reconnu que comme orfèvre ; Éléonore de Tolède, femme de Côme Ier, lui commande encore des bagues, qu'il répugne à exécuter.
En France, où il a séjourné de 1540 à 1545, il a goûté à la vraie gloire.
François Ier lui a offert un château, le Petit-Nesle, l'a appelé son ami, mots sidérants dans la bouche d'un roi, et surtout lui a commandé des sculptures.
La Nymphe de Fontainebleau 1542-1545, Louvre lui a ouvert la carrière dont il rêvait.
En France, il s'intègre à cette cour de Fontainebleau ouverte à l'Italie : jeu d'influences réciproques qui marquèrent la fin de sa carrière et le maniérisme français.
Du point de vue technique, il est possible que Cellini ait eu alors connaissance de certains textes théoriques de Léonard de Vinci, comme les études sur la fonte des bronzes de grandes dimensions faites quand celui-ci, à Milan, travaillait au cavalier Sforza.

Le retour à Florence et le Persée


Mais bientôt, soumis à des intrigues et impliqué dans des poursuites, Cellini tombe en disgrâce. En 1545, il se résout à retourner à Florence où Cosme Ier de Toscane le prend à son service.
Il lui commande une statue à ajouter aux chefs-d’œuvre, dont le David de Michel-Ange, qui ornent déjà la Piazza della Signoria.
Le sujet choisi est Persée, personnage mythologique de la Grèce antique.
Plusieurs thèmes sont juxtaposés dans ce mythe antique : les exploits d’un héros, le destin inévitable, la malédiction, le triomphe sur le mal et bien d’autres. Par cette commande, Cosme Ier voulait marquer la Loggia de son empreinte.
Il avait demandé que la tête de Méduse soit brandie dans les airs par Persée, pose destinée à illustrer le triomphe du bien et de la vertu. Mais plus subtilement, le duc cherchait à symboliser la victoire des Médicis sur les républicains de Florence qui les avaient expulsés de la ville en 1494.
Le défi était de taille.
En raison des éléments trop fragiles ailes des sandales et du casque, sabre à la lame recourbée, bras tendu tenant la tête de Méduse, etc. pour les sculpter dans le marbre, Cellini décide de recourir au bronze, en dépit de la hauteur projetée de six mètres.
La technique de fonte des bronzes de grande taille était cependant perdue depuis l'Antiquité. Des bronzes équestres comme le Marc Aurèle étaient devenus des énigmes techniques.
Aussi, pour faciliter la réalisation, ainsi que pour des raisons esthétiques, il coupe en deux la hauteur totale de la statue. Du pied droit de Persée à la tête de Méduse, la hauteur retenue est de 3,15 mètres, le reste étant dédié à un socle en marbre de 3 mètres pour la statue.
De plus, comme la statue devait être placée sous une arcade, et non dos à un mur, il devait s'assurer que la statue soit harmonieuse de tous les points de vue possibles.
Après neuf ans d'efforts, d'obstacles et de tensions de toutes sortes, l'œuvre est enfin dévoilée au public le 27 avril 1554.
Le Persée vaudra à Cellini l'admiration unanime. Mais malgré ce succès, la tension avec le duc demeure vive. De fait, Cellini ne recevra plus aucune commande d'importance.
Le succès du Persée, placé en 1554 sous la Loggia dei Lanzi entre la Judith de Donatello et le David de Michel-Ange, lui procure un triomphe dont il sent vite toute la vanité.

Le personnage

En prison en 1556 – pour meurtre, l'année suivante pour sodomie –, disgracié, il ne reçoit plus de grandes commandes.
En butte aux rivalités, aux intrigues de cour – ses rivaux, Baccio Bandinelli, Bartolomeo Ammannati triomphent –, il se mure dans une arrogance qui rappelle sciemment celle de Michel-Ange, réalise encore le Crucifix tourmenté de l'Escorial 1556-1562, et se venge du monde en écrivant sa Vie.
L'idée que Benvenuto se fait de lui est très représentative de l'image que les artistes du temps entendaient donner d'eux.
Artisan, il l'est resté le moins possible : son Traité de l'orfèvrerie montre comment les matières précieuses qui passèrent par ses mains n'eurent de prix que grâce à son art. Humaniste, il veut l'être, à la manière de Vinci qui ne savait pas le latin : il fait relire sa Vie par l'historien Varchi, ses Traités sont remis en forme sans doute par l'éditeur Gherardo Spini.
Il laisse un buste de Bindo Altoviti, marchand romain passionné d'art, pour qui travailla Raphaël, vers 1550, Gardner Museum, Boston. Enfin, il a compris qu'il pouvait encore accéder à une renommée plus haute.
Il sculpte en 1556-1557 sa dernière œuvre majeure, le Crucifix de marbre qu'il destine à l'origine à son propre tombeau.
Le crucifix est composé de deux blocs, un en marbre noir de Carrare, l'autre en marbre blanc à grain très fin. Le bloc noir servit à tailler la croix; le blanc, le Christ, grandeur nature.
Le Christ est représenté entièrement nu, dans une position douloureuse et très expressive, et dans la veine maniériste de l’époque.
Le duc Cosme Ier, impressionné par le résultat, l’acheta à Cellini. Le duc François Ier de Médicis le fera ensuite installer en 1565 au Palais Pitti, avant de l'offrir au roi Philippe II d'Espagne. Il est aujourd'hui exposé à l'Escurial.

Surpasser Michel-Ange

Irascible, il cultive la morgue et l'ironie : un ton de grand seigneur qui lui permet de discourir familièrement avec ses commanditaires.
Seul le génie de Michel-Ange permettait, il le sent bien, ses fameuses colères contre Jules II.
Le vieux Cellini, dans une Florence qui lui paraît mesquine, dut ciseler cette formule qu'il met dans la bouche de François Ier : Je ne sais qui est le plus heureux, du prince qui trouve un homme selon son cœur ou de l'artiste de talent à qui un prince fournit tous les moyens d'exprimer les vastes conceptions de son esprit.

Cellini cultive le goût maniériste de la prouesse, de l'exploit : faire tenir trois personnages sur une médaille minuscule, figurer toute une Ascension d'inspiration raphaélesque sur le sceau du cardinal Hercule de Gonzague 1528, traduire la monumentalité des figures allongées des tombeaux médicéens de Michel-Ange aux dimensions d'une salière, Vienne, achevée en 1543 ou, inversement, polir et reparer son Persée pour lui donner, sur la place de la Seigneurie, le fini d'un bibelot.
Transformer ses œuvres en descriptions ornées, c'est pratiquer de même la transposition d'art, tour rhétorique qui confère à ses productions la splendeur mythique du bouclier d'Achille chez Homère.
Transgresser les règles de la morale, c'est encore se situer dans ce domaine du génie où l'avait précédé son divin Michel-Ange – avec l'étrange espérance mystique, chez cet aventurier sans scrupules, d'accéder, malgré tout, à la sainteté.
Il note La Vie, I, 128 que, depuis son emprisonnement de 1538-1539, il a vécu le plus merveilleux des miracles qui soit arrivé à un homme, sa tête est ceinte d'une auréole. À ses amis italiens qui s'étonnaient qu'un tel prodige ne fût pas visible, il expliquait qu'à Paris [...] on la voyait beaucoup mieux qu'en Italie ; le ciel a ici trop d'éclat.
Cellini, délibérément, s'est voulu solitaire, saturnien, en marge de son époque.
Il en exprimait ainsi paradoxalement l'esprit : difficulté à sculpter après Michel-Ange, à composer des textes théoriques après Léonard de Vinci, « rage » d'écrire en concurrence avec Vasari.
Le risque, pour la génération maniériste, à Fontainebleau, Rome ou Florence, quand tout est dit, que l'on vient trop tard, c'est de se contenter de l'apparence, de l'ornement : se comporter à la manière d'un maître, d'un prince, d'un homme de science, à défaut de se ranger véritablement au nombre des « génies ».

Les dernières années

Durant ses dernières années, Cellini écrit ses Mémoires sous le titre Vie de Benvenuto Cellini par lui même. Ils furent rédigés de 1558 à 1567, puis il les interrompt pour publier, à Florence en 1568, le Traité sur la sculpture et la manière de travailler l'or.
Son autobiographie est un récit vivant et coloré, parfois rocambolesque, des multiples péripéties de son existence. Elle reste l'une des autobiographies les plus célèbres de la Renaissance.
Écrire sa vie, pour décrire son œuvre
Benvenuto Cellini est un artiste qui sans cesse prend la pose : à le lire – sa Vie est un roman, où à chaque page il se donne le beau rôle –, on est naturellement enclin à mettre en doute la valeur artistique de ses œuvres. Quand il réplique à un rival, sous le coup de la colère il est vrai, d'égal à moi, peut-être n'y en a-t-il pas un seul dans le monde entier , comment le croire ?
Même si l'autobiographie qui assura sa gloire posthume ne fut connue qu'en 1728, l'esprit qui l'anime perçait dans les Traités de l'orfèvrerie et de la sculpture qu'il avait publiés ensemble en 1568. La même année, Vasari, qu'il détestait, donnait la deuxième édition de ses Vies : avec ses Traités, Cellini s'octroie lui-même la place que le biographe ne lui accorde pas dans son panthéon des artistes.
Sous couvert d'objectivité technique, feignant d'expliquer comment fondre un bronze à la dimension d'une statue, c'est à la sienne en réalité qu'il travaille, monument de mots qu'il édifie pour la postérité. Certaines pages de La Vie ont le rythme des récits picaresques : voyages entre Rome et Mantoue, Paris et Florence, rixes, assassinats, empoisonnements à la poudre de diamant, évocation de la cour pontificale, des ateliers d'artistes, épisode de l'évasion du château Saint-Ange – un climat propre à éveiller l'imagination romantique.
Au-delà de ses rodomontades, de ses accès de violence, de ses traits d'esprit, il faut lire entre les lignes les raisons qui le poussent à écrire.
Découvrir que ce sont celles qui animent sa carrière d'artiste n'a pu surprendre que les critiques qui voulaient opposer l'écrivain au créateur – déçus, par exemple, de ne pas retrouver dans la salière de François Ier l'écho de ses descriptions de la cour de France.


Benvenuto Cellini meurt le 13 février 1571 et il est enterré dans l'église de Santissima Annunziata.

Benvenuto Cellini dans la culture


Il est le premier artiste à écrire son autobiographie "Vita", impertinente et irrévérencieuse, éditée pour la première fois en 1728, traduite par Goethe en 1803, adaptée à l'opéra par Berlioz en 1834. Alexandre Dumas le fait héros de Ascanio en 1843 et Giorgio Vasari écrit à l'égard de Cellini
"qui a été en tout audacieux, fier, vivace, rapide, terrible, capable de dire leur fait aux princes autant que d'employer son esprit et sa main aux œuvres d'art".
Cellini apparaît dans le roman d'Alexandre Dumas Ascanio, ou L'Orfèvre du Roi, en 1843.
Ce roman s'inspire très librement des Mémoires de Cellini.
Benvenuto Cellini de Paul Meurice, drame en 5 actes et 8 tableaux, 1852, est inspiré du roman de Dumas.
Ascanio, 1890, opéra de Saint-Saëns sur un livret de Louis Gallet, est tiré de la pièce de Paul Meurice.
Benvenuto Cellini, 1890, opéra d'Eugène-Emile Diaz de la Pena, contient l'air "De l'art splendeur immortelle".
Un roman a été consacré à Benvenuto Cellini : Messire Benvenuto10.
Cellini apparaît dans le tome 4: Les clefs de Saint Pierre de la bande dessinée l'Histoire secrète publiée aux Éditions Delcourt.
Hector Berlioz, composa en 1838 un opéra du même nom : Benvenuto Cellini.
Benvenuto Cellini est un opéra en deux actes d'Hector Berlioz, sur un livret de Léon de Wailly et Auguste Barbier, retraçant un épisode romancé du sculpteur et orfèvre florentin Benvenuto Cellini (1500-1571).
Composé entre 1834 et 1837, il fut créé à l'opéra de Paris le 3 septembre 1838 avec Gilbert Duprez dans le rôle-titre, mais n'eut aucun succès et fut retiré de l'affiche après trois représentations.
Étienne Mélingue, acteur ayant interprété Cellini dans le drame de Paul Meurice.
Georges Meliès réalise en 1904 un court métrage Benvenuto Cellini ou Une curieuse évasion.
1945 : The Firebrand of Florence, L'incendie de Florence, musical de Kurt Weill, livret de Edwin Justus Meyer et Ira Gershwin.
Un épisode de la série télévisée Les Évasions célèbres lui est consacré.
Un film italien Una vita scellerata, titre français : Cellini, l'or et le sang, de 1990 par Giacomo Battiato.

Œuvres

Sculpture

Persée tenant la tête de Méduse, 1554, Florence, Loggia dei Lanzi.
Nymphe de Fontainebleau, bronze, musée du Louvre, Paris.
Narcisse, marbre, Musée national du Bargello, Florence.
Cosimo I de Medici, 1545-1547, bronze, Musée du Bargello, Florence.
Ganymède et l'Aigle, v.1548, marbre, Musée du Bargello, Florence. Il s'agit de la restauration d'un torse antique par Cellini.
L'enlèvement de Ganymède, bronze, Musée du Bargello, Florence.
Apollon et Hyacinthe, marbre, Musée du Bargello, Florence.
Satyre, 1542, bronze, J. Paul Getty Museum, Los Angeles.
Crucifix de marbre (1556-1557), conservé à l'Escurial.
Un Christ en ivoire de 93 centimètres qui lui est attribué a été exposé de 1968 à 1995 année où il fut volé, en la collégiale Notre-Dame-de-Grâce de Sérignan dans l'Hérault. Don du pape Pie VII au cardinal Isoard de Vauvenargues, cette œuvre est classée au patrimoine historique.
National Gallery of Art, Washington D.C. :
Alessandro de' Medici, 1510-1537, premier duc de Florence 1532, 1500-1571,
Pégase sur la Fountaine Hippocrene, 1537/1547.
Saints Côme et Damien, 1500/1571.
Flacon, vers 1550, en fer damasquiné en or et en argent, hauteur 33 cm, Novara - Italie, Urbano Quinto Collection.
Clé du secrète du coffre, 1550-1555, fer sculpté dans une seule pièce, ciselé, gravé et ajouré, hauteur 11 cm, Novara - Italie, Urbano Quinto Collection.

Orfèvrerie

Neptune et Amphitrite, salière en ébène et or en partie émaillé. Vienne, Kunsthistorisches Museum. Elle fut réalisée pour François Ier, roi de France. Estimée entre 35 et 50 millions d'euros en 2006, elle avait été volée par un voleur amateur sans préparation en mai 2003 et récupérée en 2006 peu abîmée (photo).

Galerie

Un des satyres prévus pour la porte de Fontainebleau
Un des satyres prévus pour la porte de Fontainebleau
Buste du duc Cosme Ier


Liens

http://youtu.be/LO6XoSB0xHA Ses plus belles oeuvres
http://youtu.be/ecsBoGL-D2c
Roberto Alagna - Berlioz "Sur les monts les plus sauvages" Benvenuto Cellini

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#230 Jean-Michel Folon I
Loriane Posté le : 19/10/2013 16:53
Le 20 Octobre 2005 meurt Jean-Michel Folon

Jean-Michel Folon est un artiste belge, né le 1er mars 1934 à Uccle et mort le 20 octobre 2005 à 71 ans à Monaco des suites d'une leucémie. Il a travaillé sur de nombreux matériaux et créé sous diverses formes : aquarelle, gravure, sculpture, tapisserie, peinture, timbres-poste, décors de théâtre


Biographie

D’une formation initiale d’architecte, il abandonne ses études à l’École Saint-Luc au milieu des années 1960 le jour de ses 21 ans et s’installe à Paris. Il se distingue bientôt dans le domaine de l'illustration par plusieurs styles assumant une certaine filiation avec Saul Steinberg caractérisé par de larges dégradés à l'aquarelle et l'utilisation récurrente de personnages au contour volontairement schématique.
Leur expression égarée, leur errance en apesanteur dans de vastes paysages dénudés ou au contraire dans des espaces urbains oppressants et énigmatiques, parfaitement en phase avec les interrogations de la société occidentale de l'après mai 68 constituent sans doute le meilleur aspect de son œuvre.
Il épouse Colette Portal puis Paola Ghiringhelli en deuxièmes noces, décédée le 29 avril 2012, d'une rupture d'anévrisme.
Ses détracteurs le taxent de mièvrerie, voient chez lui un dessin au style élémentaire et surtout la réutilisation constante des recettes ayant assuré son succès commercial.
Il participe au premier film de Maurice Dugowson Lily aime-moi, un film de copains, comédie dans laquelle il joue les premiers rôles aux côtés de Patrick Dewaere et Rufus. Attiré par le métier d'acteur, il abandonne le cinéma suite à une réflexion de Gérard Depardieu qui le voit plus comme un créateur d'univers que comme un interprète[réf. nécessaire].
Il dessine le générique de l'émission Italiques, produite et animée par Marc Gilbert, avec la musique du film À l'aube du cinquième jour, composée par Ennio Morricone et diffusée de 1971 à 1974. Il crée, en collaboration avec le compositeur Michel Colombier, le générique d'ouverture et fermeture d'antenne d’Antenne 2, diffusé entre 1975 et 1983, où ses bonshommes bleus s'envolent sur une très mélancolique cantilène pour hautbois et orchestre. C'est probablement son œuvre pour la télévision la plus connue.
En 1980, la chanteuse Sheila fait référence à son œuvre dans Les sommets blancs de Wolfgang, deuxième 45 tours extrait de son album Pilote sur les ondes.
En 1985, une chanson titrée Comme dans les dessins de Folon figure dans l'album La langue de chez nous de l'auteur-compositeur-interprète Yves Duteil.
1989 marque son succès philatélique et public en France : il conçoit le logo de l’exposition internationale philatélique de Paris Philexfrance et le logo des oiseaux qui ont été le symbole de la commémoration de la Révolution française sur de nombreux timbres et objets commémoratifs dans le monde.
Jean-Michel Folon est aussi un ardent défenseur des droits de l'homme, il a notamment illustré diverses campagnes pour Amnesty International.

Fondation Folon

L'artiste possède son propre musée, la « Fondation Folon », qu'il a lui même créée le 28 octobre 2000. Celle-ci est située dans le parc du domaine Solvay à La Hulpe. Dans la ferme du château de La Hulpe conçue par l'architecte Jean-Pierre Cluysenaar, quinze salles d'exposition permettent au visiteur de découvrir plus de trois cents œuvres de l'artiste aquarelles, peintures, sculptures, gravures, objets, affiches et illustrations, qu'il réalisa avec ses amis tels les sculpteurs César, Botero, Adami, Kiti, Arman…
À l'occasion du 10e anniversaire de la Fondation Folon, la Poste belge a mis en vente le 16 octobre 2010 un carnet de dix timbres-poste Folon.

Liste des principales œuvres

Aquarelle
La Toscane
Un navire, 1987
La Mer, 1998-1999
L'Aube, 1984

Vitraux

Les vitraux de l'église Saint-Étienne de Waha

Fresque

Décoration de la station Montgomery du métro de Bruxelles.

Tapisserie

Une tapisserie tissée à Aubusson et exposée au centre des congrès de Monaco.

Sculpture

100e anniversaire du Rotary : don de L'Uomo della Page de Jean-Michel Folon à la ville de Florence
Quelqu'un, statue située dans les jardins de l'Élysette, côté Meuse, siège de la présidence du Gouvernement wallon à Jambes à Namur
La Fontaine aux oiseaux, Watermael-Boitsfort
L'Homme aux Poissons, Revel
L'Homme au parapluie
L'Uomo della page, Florence don du Rotary à la ville de Florence, à l'occasion de son centenaire
Giardino delle Rose, Florence depuis le 30 septembre 2011 :
Un oiseau, 1993
Chat-oiseau, 1994
Chat, 1996
Vingt-cinquième pensée, 2001
Méditerranée, 2001
Panthère, 2003
Walking, 2003
Je me souviens, 2003
Partir, 2005
L’Envol, 2005.
L'Équilibre

Affiches

L'Arbre orange
Sur la terre comme au ciel 1992
September (1987)
La rose pourpre du Caire (1985)
Internationaux de France de tennis 1982
Internationaux de France de tennis 1981
L'amour nu (1981)
Du beurre dans les tartines (1980)
Stalker (1979)
Festival de Cannes 1979
Festival de Cannes 1978
Un type comme moi ne devrait jamais mourir (1976)
F comme Fairbanks (1976)
La spirale (1976)
Lily, aime-moi (1975)
La première année (1973)
Quoi? (1972)
Quelque part quelqu'un (1972)
Cacharel (1968)
Paris vu par... (1965)

Timbres-poste

Philexfrance : La Poste et les hommes et La Poste et les techniques, timbres de France, 1982.
Logo de Philexfrance .
Les Oiseaux, bicentenaire de la Révolution française, timbre français, janvier 1989.
Série Europa, quatre timbres en deux diptyques britanniques, 1991.
Ves Jeux paralympiques de Tignes, timbre français, 1992 reprenant le thème des oiseaux.
50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, timbres des Administration postale des Nations unies (bureaux de New York, Genève et Vienne), 1998.
timbre d'Italie, 1998, reprise d'un des motifs des timbres de l'ONU thème des oiseaux

Divers


Décor de la Chapelle des Pénitents blancs à Saint-Paul-de-Vence
Les Oiseaux, bicentenaire de la Révolution française, carte téléphonique de France Télécom, 50 unités, janvier 1989 (?).

Liens

http://youtu.be/bPkxR7uIzgo générique antenne 2
http://youtu.be/hxtVUmR-MDE expo Folon
http://youtu.be/oOS5Ry6UmKY JM. Folon
http://youtu.be/fDNrNjZ6Y2A Générique de "Italiques"
http://youtu.be/cDqATF08ePk Comme dans les dessins de Folon Yves Duteil
http://youtu.be/fOKwWu6VCGw Fermeture de l'antenne J.M.Folon
http://youtu.be/VOCo69GudMw Publicité par J.M.Folon
http://www.youtube.com/watch?v=322Q58 ... e&list=PLBD1295AD4E0591BB Fondation J.M.Folon 15 films.


La suite le graphisme --> http://www.loree-des-reves.com/module ... php?topic_id=1515&forum=5



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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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