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#81 Yves Gibeau
Loriane Posté le : 04/01/2016 18:17
Le 3 janvier 1916 naît Yves Gibeau

à Bouzy Marne et mort le 14 octobre 1994 à Roucy Aisne, est un écrivain français.

Sa vie

Fils de militaire, Yves Gibeau passe une partie de sa jeunesse sous l'uniforme de 1929 à 1939. D'abord enfant de troupe aux Andelys 1929-1934, puis à Tulle 1934-1939, il est mobilisé en 1939 et, en 1940, prisonnier de guerre. Il est rapatrié d'Allemagne en décembre 1941 et gagne ensuite sa vie à l'aide de petits boulots.
Il exerce quelque temps le métier de chansonnier, il est alors très proche de Boris Vian, devient à la Libération journaliste à Combat, puis rédacteur en chef du journal Constellation où il publie régulièrement des mots croisés sous le pseudonyme d'A. Sylvestre nom du héros principal de Le Grand Monôme.
Il conserve de son expérience sous les drapeaux des convictions résolument pacifistes et une haine tenace de la chose militaire. Dans son ouvrage le plus connu, Allons z'enfants..., paru en 1952, il revient sur son passé d'enfant de troupe en décrivant un milieu caractérisé par la bêtise et la brutalité.
Il réside à partir de 1981 dans un ancien presbytère à Roucy.
Fervent amateur de bicyclette et cruciverbiste, il tient pendant plusieurs années et jusqu'à sa mort la rubrique mots croisés du magazine L'Express.
Le prix Yves Gibeau, décerné par un jury composé de collégiens et lycéens volontaires, récompense une œuvre littéraire choisie parmi cinq ouvrages d'auteurs contemporains parus en édition de poche.
Décédé le 14 octobre 1994, Yves Gibeau a tenu à être enterré dans le cimetière de l'Ancien Craonne, sur le Chemin des Dames, village qui a été totalement détruit pendant la Première Guerre mondiale et inspiré la Chanson de Craonne .

Œuvres

Tombe de l'écrivain Yves Gibeau dans l'ancien cimetière de Craonne Aisne.
1946: Cinq ans de prison, éditions Malesherbes ouvrage collectif. Contributions de : Yves Gibeau, Maurice Blézot, Maurice Bruezière, Maurice Gabé, Jean Darlac. Illustrations de Gustave Gautier
1947 : Le Grand Monôme, Calmann-Lévy les premiers chapitres proposent des versions très réécrites des textes parus dans Cinq ans de prison
1950 : ... Et la fête continue, Calmann-Lévy
1952 : Allons z'enfants, Calmann-Lévy adaptation cinématographique : Allons z'enfants par Yves Boisset, film sorti en 1981
1953 : Les Gros Sous, Calmann-Lévy Prix du roman populiste 1953
1956 : La Ligne droite, Calmann-Lévy Grand Prix de Littérature sportive 1957, adapté au cinéma en 1961 par Jacques Gaillard
1961 : La guerre, c'est la guerre, Calmann-Lévy
1984 : Chemin des Dames, Albedo
1988 : Mourir idiot, Calmann-Lévy
2005 : Les Dingues, éditions des Équateurs

Bibliographie

Raymond Queneau, Anthologie des jeunes auteurs, JAR, 1957, p. 141 et suiv.



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#82 Pierre Drieu La Rochelle
Loriane Posté le : 04/01/2016 18:10
Le 3 janvier 1893 naît Pierre Drieu la Rochelle

dans le Xe arrondissement de Paris et mort par suicide dans la même ville le 15 mars 1945, écrivain français de roman, essai, journal. Ses Œuvres principales sont Le Feu follet en 1931, La Comédie de Charleroi en 1934, Gilles en 1939.
Ancien combattant de la Grande guerre, romancier, essayiste et journaliste, dandy et séducteur, européiste avant la lettre, socialisant puis fascisant, il fut de toutes les aventures littéraires et politiques de la première moitié du XXe siècle et s'engagea en faveur de la Collaboration durant l'Occupation de la France par l'Allemagne nazie. Directeur de La Nouvelle Revue française à la demande de Gaston Gallimard, en remplacement de Jean Paulhan qui devient son assistant et son ami, Drieu sauve la vie de plusieurs écrivains prisonniers parmi lesquels Jean-Paul Sartre, dont il aurait facilité la libération selon Gilles et Jean-Robert Ragache, et Jean Paulhan, qu'il aide à s'enfuir. Très séduisant, Drieu connaît auprès des femmes un mal-être qui se manifeste par une sorte d'impuissance à trouver du plaisir. Louis Aragon n'est pas insensible à son charme, malgré leurs opinons politiques qui deviendront opposées par la suite. Il crée même un personnage ayant les caractéristiques de Drieu : Aurélien, qui a la même ambiguïté et qui incarne d'une certaine manière le mal du siècle romantique. Il est, comme le dit Maurizio Serra dans Les Frères séparés, Drieu la Rochelle, Aragon, Malraux, face à l'Histoire, un égaré. Les œuvres de Drieu ont pour thèmes la décadence d'une certaine bourgeoisie, l'expérience de la séduction et l'engagement dans le siècle, tout en alternant l'illusion lyrique avec une lucidité désespérée, portée aux comportements suicidaires. Le Feu Follet 1931, La Comédie de Charleroi 1934 et surtout Gilles 1939 sont généralement considérés comme ses œuvres majeures.

En bref

De l'entre-deux-guerres français, des fastes et misères de sa bourgeoisie, aucun témoin plus intéressant que cet écrivain admirablement intelligent et doué, mais rongé, dès sa naissance, d'une sorte de maladie de vivre incurable qui lui fit entreprendre une série d'expériences promises invariablement à l'échec et le conduisit au suicide.
Né à Paris en 1893 de parents qui ne s'étaient jamais aimés et qui se déchirèrent sans avoir le courage de divorcer, Drieu a raconté dans Rêveuse bourgeoisie (1937), un de ses romans les plus accomplis, tout ce qu'il avait vu de ses yeux d'enfant, l'horreur du spectacle quotidien de l'adultère, de la jalousie, des disputes et des tracas d'argent – et sans doute faut-il voir dans cette traumatisante initiation l'origine de son désenchantement. Drieu, dans son Récit secret, fait remonter à l'âge de sept ans sa première tentative de suicide. Décollé pour ainsi dire de lui-même et cherchant à combler cette béance dans toutes les aventures que lui présentait son siècle, le voilà, sous les apparences viriles qu'il se voulait donner, en réalité la proie des moindres vents, illusions et duperies en cours (y compris les voitures, les comtesses, l'argent, les boîtes).
Il partit pour la guerre de 1914 – où il fut blessé deux fois – avec l'élan du faible qui cherche à se prouver qu'il existe, mais découvrit bientôt l'immense duperie de ce massacre. « Quelle ressemblance entre mes rêves d'enfance où j'étais un chef, un homme libre qui commande et qui ne risque son sang que dans une grande action, et cette réalité de mon état civil qui m'appelait, veau marqué entre dix millions de veaux et de bœufs ? » Dans cette phrase, tirée de La Comédie de Charleroi (1934), tenue en général pour son chef-d'œuvre, on trouve tout Drieu : un homme à la fois trop lucide pour ne pas découvrir ses erreurs et trop inconsistant, ou trop blessé, pour ne pas éprouver le besoin de se travestir en chef, en héros.
Outre la littérature, Drieu s'est donné à deux passions : les femmes, la politique. Marié deux fois, deux fois démarié, nouant et dénouant d'incessantes liaisons, « homme couvert de femmes » selon un de ses titres, il savait à quoi s'en tenir sur sa réputation de don Juan, et il est probable qu'elle ne lui a servi qu'à se désoler davantage sur sa fondamentale impuissance à s'attacher un être, quel qu'il soit. « Pas d'argent, pas d'amis, pas de femme, pas d'enfants, pas de dieu, pas de métier », notait-il dans Le Jeune Européen (1927), un de ses textes où il est le plus difficile de faire la part de l'autobiographie et de l'invention. Peu de livres comme ceux de Drieu reflètent aussi étroitement la destinée de leur auteur : encore doit-on se souvenir que, suivant la pente où l'entraînait son masochisme, il ne prêtait à ses héros que les traits les moins fameux, les plus déplaisants de lui-même.
Cette remarque vaut particulièrement pour Gilles (1939), le grand roman autobiographique où Drieu a raconté, avec le minimum de transposition, plusieurs de ses aventures féminines. Gilles, amateur de prostituées comme tous les hommes marqués précocement par une dissociation entre l'amour et la sexualité, fuit les femmes de son milieu, à moins qu'elles ne satisfassent aux deux conditions suivantes : qu'elles aient de l'argent, beaucoup d'argent, et qu'elles appartiennent à un autre homme. Tant il est vrai que la femme riche mariée est la maîtresse idéale pour un amant faible, doutant de soi et ennemi secret du sexe antagoniste. Certes, il faut faire la part, dans le programme de Gilles, de la provocation cynique. Mais il ne s'agit pas seulement d'un programme : Gilles revendique comme un choix le destin que sa nature lui impose. Hochet aux mains des femmes de luxe, il ne se délecte que plus amèrement de sa radicale insuffisance.

Sa vie

Son père, avocat, est issu d'une vieille famille normande, sa mère Eugénie-Marie Lefèvre est la fille d'un architecte. Installée dans la Cité Malesherbes, la famille est déchirée par les problèmes conjugaux et les questions financières. Il est le neveu de l'artiste et poète Maurice Dumont.
Le père est retourné chez sa vieille maîtresse après avoir dilapidé la dot de sa femme. Le père de madame est le seul refuge affectif de l'enfant.
Nourri par la lecture de Stendhal et de Barrès notamment, il a très tôt le goût de l'écriture. Il entre à l'École libre des sciences politiques et se destine à une carrière dans la diplomatie. Contre toute attente, il échoue à l'examen de sortie et songe à se suicider.
Le garçon a beaucoup de mal à comprendre les dreyfusards et antidreyfusards, et l'antisémitisme virulent de sa grand-mère Lefèvre le fait douter. Il a douze ans lorsqu'éclate le scandale des fiches du général André : le conservatisme de sa famille s'exprime alors très ouvertement.

Le combattant de la Grande guerre

Il est mobilisé dès le début de la Première Guerre mondiale et vit son expérience au front sur un mode nietzschéen il a emporté le Zarathoustra avec lui. Blessé à trois reprises, il s'inspirera de cette expérience pour ses premiers textes comme Fond de cantine et, plus tard, La Comédie de Charleroi, recueil de nouvelles publié en 1934.
Il épouse en 1917 la sœur d'un condisciple d'origine juive, Colette Jéramec 1896-1970, dont il divorcera en 1925. Dans ses carnets d’étudiant, il avait écrit : Deux êtres que je passerai ma vie à découvrir : la femme et le Juif.
D'abord attiré par le pacifisme, il se mêle aux surréalistes dans les années 1920 lorsque sa femme Colette lui présente Louis Aragon avec lequel il se brouillera en 1925 pour une femme. Il inspirera plus tard à Aragon le personnage d'Aurélien. Son admiration pour Aragon le tient à l'écart de toute tentation d'adhésion à l'Action française. Selon Dominique Desanti, ce n'est que beaucoup plus tard que Drieu sera tenté par les théories nationalistes.

L'ami des dadaïstes et des surréalistes

L'épisode de son adhésion au mouvement Dada en compagnie de Louis Aragon, compagnon de route, avec qui il est alors ami, est très mal connu du grand public7. Il assiste aux réunions chaque fois que ses conquêtes féminines lui en laissent l'occasion. En juin 1921, Maurice Martin du Gard brosse un portrait de Drieu qui sait faire une grâce de sa muflerie, dont la tendresse sérieuse est gênante, et qui a une allure de somnambule extralucide. Martin du Gard est fasciné par ce garçon qu'il emmène dans les bars et les boîtes de nuit. Mais Drieu prouve qu'il n'est pas le dilettante que l'on croit.
Lors du procès de Maurice Barrès, il est présent le vendredi 13 mai 1921 dans la salle des Sociétés savantes louée par les Dadas rue Serpente. Une sorte de procès de Barrès est organisé avec André Breton déguisé en président du tribunal, tandis qu'Aragon joue les avocats et Georges Ribemont-Dessaignes le procureur. Très vite, la pagaille éclate dans la salle où Tristan Tzara chante en roumain, le futuriste Giuseppe Ungaretti proteste en vain. Lorsque André Breton lui demande s'il a été voir Barrès, Drieu répond que oui ; pourtant, il refuse la condamnation demandée par Breton. Après les premières réponses évasives de Drieu, un jeu de questions-réponses s'instaure entre Drieu et Breton. Celui qui régnait déjà sur les dadas surréalistes lui dédicace son livre Clair de terre avec cette phrase : À Pierre Drieu la Rochelle. Mais où est Pierre Drieu la Rochelle ?.
Drieu assiste aussi aux réunions du groupe Littérature, une revue à laquelle le jeune auteur collabore. Il est encore au théâtre de l'Œuvre lorsque Breton apparaît sur scène en homme-sandwich avec le Manifeste DaDa et des vers de Picabia. Toutes ces pantalonnades à but littéraire laissent Drieu amer. Il écrit dans son journal que le statut d'écrivain qu'on lui prête est une imposture puisqu'il n'a publié aucun livre.

Le jeune Européen

Pour se connaître et se décrire, Drieu confie à Mauriac son projet d'écrire un livre intitulé Histoire de mon corps. Le projet n'aboutira pas, mais l'aspect autobiographique se retrouvera dans État civil en 1921. Il se fait connaître, en 1922, par un essai remarqué sur l'affaiblissement de la France après la Grande guerre, Mesure de la France. Sans se départir complètement d'un nationalisme classique, il y apparaît comme occidentaliste et philosémite : Je te vois tirant et mourant derrière le tas de briques ; jeune Juif, comme tu donnes bien ton sang à notre patrie.
Il publie en 1925 son premier roman, L'Homme couvert de femmes, qui comporte une forte part d'autobiographie. Sur le plan politique, il esquisse l'année suivante dans La Revue hebdomadaire le programme pour une Jeune Droite qui se veut au-dessus des partis, républicaine et démocratique, Car les hommes ne doivent pas compter sur un homme pour se tirer d'affaire, … il faut que l'élite en France se sauve d'elle-même. Elle se veut aussi anti-militariste, déiste mais anticléricale, unie, mais ennemie de l'intolérance. Ce programme et le mot droite ne choquent pas son ami André Malraux.
Malraux et Drieu se retrouvent souvent chez leur ami commun Daniel Halévy, auquel Drieu avait consacré en 1923 un éloge de son livre sur Vauban. Malraux a déjà publié dans la NRF La Tentation de l'Occident qui semble répondre au jeune européen et à l'ensemble des textes publiés sous le titre Genève ou Moscou, que Drieu publie en 1927 dans les Cahiers verts Grasset dirigés depuis 1921 par Daniel Halévy. En gros, Malraux et Drieu ont une profonde communauté de dessein, même si les divergences politiques restent sous-jacentes. Ce n'est qu'à partir de 1934 que Drieu saura que l'esprit de Genève est perdu. Il croira alors que le socialisme européen ne peut arriver que par le fascisme. Cependant, il mettra un certain temps à abandonner l'idée de regrouper les jeunes gauches qu'il a conçue avec Gaston Bergery, mais qui ne débouche sur rien de concret.
Malgré les avances des membres de l'Action française qui invitent Drieu à se joindre à eux, le jeune écrivain reste en retrait, d'autant qu'Aragon, avec lequel il va bientôt se brouiller pour une question de femme, le prévient : Tu sais que je tiens les gens de l'action française pour des crapules.
Drieu est dans une position impossible, contradictoire, entre l'Action française dont les idées l'attirent d'une certaine manière, le socialisme de Léon Blum, et le conservatisme moderniste de Joseph Caillaux.
En 1924, Drieu est encore très lié avec les surréalistes. À Guéthary où il a loué une maison, séjournent ensemble, ou successivement : Philippe Soupault, Paul Éluard, Aragon, Jacques Rigaut, André Breton, Roger Vitrac, René Crevel, Robert Desnos, Max Ernst. Bien que Drieu ne partage pas leurs opinions, il accueille tout le monde.

L'homme couvert de femmes

Dès 1925, Drieu mène une vie mondaine sans répit. Il fréquente les salons avec sa maîtresse, la comtesse Isabel Datonote 4 et il multiplie les conquêtes féminines. Il assiste d'abord aux dîners NRF auxquels il se rend avec sa maîtresse. Mais en février 1929, il rencontre chez elle la femme de lettres argentine Victoria Ocampo, avec laquelle il a une courte liaison. Ils entretiendront par la suite une longue correspondance en dépit de leurs divergences idéologiques.
Marié deux fois, il divorce aussi deux fois : son mariage d'intérêt contracté en 1917 avec Colette Jéramec, qu'il n'appréciait déjà plus, prend fin en 1925 il la fera néanmoins libérer du camp de Drancy en 1943 ainsi que le fils et le frère de celle-ci, et sa seconde union en 1927 avec la fille d'un banquier Polonais ruiné, Olesia Sienkiewicz 1904-2002, se solde par une séparation dès 1929 et un second divorce en 1933. Au milieu des années 1930, il deviendra l'amant de Christiane Renault, l'épouse de l'industriel Louis Renault, et évoquera cette liaison de manière romancée dans Béloukia. Mais cette soif de séduction cache un problème sexuel et psychologique dont on a peu parlé18, et sur lequel Pierre Assouline donne quelques pistes de réflexion à la lecture des Notes pour un roman sur la sexualité publié chez Gallimard L’homme que l’on disait couvert de femmes était hanté par l’impuissance, le contact charnel, la souillure féminine, les dangers des débordements sensuels, les caresses, la fellation et une homosexualité difficilement refoulée. Agité de tourments du même ordre, Cesare Pavese se donna la mort, lui aussi, mais non sans laisser, lui, un chef d’œuvre intitulé Le Métier de vivre. Parmi ses conquêtes se trouve Suzanne Tezenas qui eut une liaison avec Nicolas de Staël.
Entre 1929 et 1931, toujours en compagnie d'une de ses maîtresses, Drieu assiste aux dîners de la NRF tantôt chez Paulhan, tantôt chez Arland, et il se retrouve avec le gratin du monde littéraire, notamment André Malraux, Jean Guéhenno, François Mauriac, Georges Bernanos et bien d'autres dont les idées ne vont pas développer le fascisme de Drieu, qui n'est d'ailleurs toujours pas très évident.

L'intellectuel qui se cherche

Avant le tournant de 1934, il cultive encore des idées républicaines et progressistes. En 1931, il se moque vigoureusement des théories racistes. La même année, il expose une appréciation positive d'André Gide, plus discrètement, plus profondément, plus raisonnablement français que nos francophiles de France, un philosophe au sens socratique du mot, ou un honnête homme. En juin 1933, Bernard Lecache le salue parmi les personnalités qui, au côté de la LICA, mènent le combat contre l’antisémitisme et le fascisme.
Après un voyage en Argentine, le 6 janvier 1934, où il est accueilli chaleureusement par Jorge Luis Borges, Drieu peut mesurer l'importance de sa réputation littéraire, notamment celle du Feu follet. Tandis qu'en France la critique est mesurée, à Buenos Aires les articles abondent. Avec son ami Emmanuel Berl et Gaston Bergery, il a l'idée d'un parti qui unirait les jeunes gauches, plus toniques que les socialistes, moins inféodés que les communistes. Drieu mettra longtemps à abandonner tous ces groupes. Il participe à des rassemblements du Mouvement pour l'antifascisme, rassemblement dit Amsterdam-Pleyel auquel assistent également des membres de l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires dont Aragon et Malraux sont des membres assidus. À cette époque les hommes de sa génération cherchaient de droite et de gauche un apaisement à leur mauvaise conscience. Bernanos venait de prendre position ouvertement en faveur de l'Espagne républicainenote 5. Ceux du groupe de Drieu et de Bertrand de Jouvenel cherchent à construire une mythologie complexe et irréaliste noblesse, chevalerie, amour courtois…. Il développera plus tard 1941 ces idées dans Notes pour comprendre le siècle, les conversations avec Emmanuel Berl, Bertrand de Jouvenel, Gaston Bergery, Emmanuel d'Astier de La Vigerie.
En 1933, ses amis, Malraux surtout, tentent d'intéresser Drieu au combat contre Hitler qui vient de prendre le pouvoir. L'incendie du Reichstag alimente la légende des terroristes communistes alors que ce sont les SA sections d'assaut qui ont propagé l'incendie allumé par van der Lubbe. Drieu, déjà fasciné par les démonstrations de force hitlériennes, ne s'intéresse pas à ces manipulations de l'opinion.

Le socialiste fasciste

Dans les semaines qui suivent les manifestations du 6 février 1934, il va à Berlin avec son ami Bertrand de Jouvenel, lequel est très engagé dans une amitié franco-allemande, et il souhaite une renaissance nationale et sociale. Drieu est invité par le cercle du Sohlberg ; l'homme qui l'accueille, Otto Abetz, admire ses écrits et lui demande une conférence. À la suite de son voyage à Berlin, Drieu cherche à faire admettre le fascisme à ses amis de la gauche, mais il est violemment rejeté. Une succession de scandales ont contribué à rendre l'atmosphère étouffante : l'affaire Marthe Hanau la banquière des années folles 1928, suivie de l'affaire Stavisky. Les manifestations se sont succédé jusqu'au 6 février 1934. Les jeunes rêveurs Gilles et Aurélien qui faisaient partie de la personnalité de Drieu disparaissent. Drieu se tourne vers les mouvements d'anciens combattants et il se déclare à la fois socialiste et fasciste, voyant dans ce syncrétisme idéologique une solution à ses propres contradictions et un remède à ce qu'il regarde comme la décadence occidentale.
En octobre 1934, il publie l'essai Socialisme fasciste, et se place dans la lignée du premier socialisme français, celui de Saint-Simon, Proudhon et Charles Fourier. Ces textes sont échelonnés de 1933 à 1934. Tout cela le conduit à adhérer en 1936 au Parti populaire français, fondé par Jacques Doriot, et à devenir, jusqu'à sa rupture avec le PPF au début de 1939, éditorialiste de la publication du mouvement, L'Émancipation nationale. Parallèlement, il écrit ses deux romans les plus importants, Rêveuse bourgeoisie et Gilles. Il est membre du Comité de direction de l'Association du Foyer de l’Abbaye de Royaumont. Mais au moment même où les totalitarismes s'affermissent, Drieu imagine que peu à peu, l'État totalitaire se disloque32. Il ne voit plus aucune différence entre mussolinisme, hitlérisme, et stalinisme. Selon Dominique Desanti :
« tout le Drieu de la défaite et de l'Occupation se trouve inclus dans Socialisme fasciste.
Dès 1934, Drieu sait qu'il n'y a pas de salut pour ceux de son espèce :
Nous autres, les conciliateurs, les faiseurs de nœuds, il y a des balles pour nous aussi, et tant d'injures que c'en est une plénitude.
Julien Benda, auteur de La Trahison des clercs, applaudit la noblesse d'âme de Drieu, contredisant ainsi les idées qu'il expose dans son livre.

Le directeur de la NRF

De 1925 à juin 1940, Jean Paulhan dirige la NRF, principale revue littéraire d'Europe, signant un certain nombre d'articles sous le pseudonyme de Jean Guérin. Mais en 1940, les éditons Gallimard sont mises sous scellés, des livres à l'index : il y a trop de juifs, trop de communistes, trop de francs-maçons selon les autorités allemandes. Otto Abetz, ambassadeur allemand ami de Pierre Drieu La Rochelle, propose à Jean Paulhan de continuer à diriger la revue, ce que Paulhan refuse, vu le nombre d'écrivains écartés. Cependant il accepte de collaborer avec Drieu qui sera directeur à sa place. Drieu voit dans la NRF un pis aller. Il prend la direction de la revue avec un contrat confortable et l'assurance de l'appui de Paulhan. Le dandy aux idées nationales socialistes » dresse la liste des écrivains prisonniers, dont Sartre fait partie, et obtient leur libération. Paul Léautaud découvre avec effarement que Paulhan éprouve une vive sympathie pour Drieu qu'il décrit à Gaston Gallimard comme un garçon plutôt timide, très droit, très franc. Il était déjà antisémite avant la guerre. Il n'y aura plus aucun juif dans la revue dit Paulhan. Paulhan se dit anti-pacifiste, anti-démocrate, anti-républicain et il n'a aucun goût pour le libéralisme. Curieusement en ces premiers mois, Paulhan futur fondateur de Lettres Françaises revue clandestine, avec Aragon, semble plus proche de Drieu que des communistes. Le goût du paradoxe chez Paulhan va loin, Drieu le trouve surréaliste.
En attendant, les deux hommes doivent se battre pour former un comité d'écrivains : Louis Aragon refuse de participer, Paul Claudel demande que soit d'abord évincé ce putois de Montherlant… Et pour couronner le tout, Paulhan est dénoncé à la Gestapo : il devra s'enfuir avec l'aide de Drieu. Toutefois, sa réflexion sur le fascisme de Drieu est assez nuancée. Il lui écrit :
J'en conclus que s'il se révélait, du jour au lendemain, une France, - jusqu'ici secrète par force- mais spartiate, mais militaire, mais disciplinée, vous cesseriez aussitôt d'être collaborationniste. Puisque vous ne le restez que faute de cette France-là. Si cette France se prépare, à vrai dire, je n'en sais trop rien. Amicalement

L'égaré désabusé

À partir de 1943, Drieu la Rochelle, revenu de ses illusions qu'il expose d'abord dans L'Homme à cheval - une fable sur les rapports entre l'artiste et le pouvoir - puis dans Les Chiens de paille - où il se représente sous les traits d'un ancien anarchiste nommé Constant -, tourne ses préoccupations vers l'histoire des religions, en particulier les spiritualités orientales. Dans un ultime geste de provocation, il adhère pourtant de nouveau au PPF, tout en confiant à son journal secret son admiration pour le stalinisme qu'il compare au catholicisme. Dans ce même journal, il n'évoque pas certains aspects de sa vie privée comme le fait qu'il soit devenu, à la demande de Josette Clotis, la compagne d'André Malraux, le parrain d'un de leurs deux enfants.
À la Libération, il refuse l'exil ainsi que les cachettes que certains de ses amis, parmi lesquels André Malraux, lui proposent. Il tente de se suicider le 11 août 1944 avec du luminal, puis fait une seconde tentative quatre jours plus tard en s'ouvrant les veines. Après deux suicides manqués, il se donne la mort rue Saint-Ferdinand à Paris le 15 mars 1945 en avalant du gardénal qui est à l'instar du luminal une forme de phénobarbital. Lucien Combelle a été l'un des derniers témoins de son suicide. Drieu est enterré dans le vieux cimetière de Neuilly-sur-Seine.

Drieu et la politique

Raté sexuel, Drieu, s'en étonnera-t-on ? a cherché dans la politique l'ordinaire consolation des mous. Incapable de s'attacher virilement une femme, il se donna fémininement à un parti, le parti qui lui paraissait le plus fort, le plus mâle. C'est après le 6 février 1934 qu'il passa définitivement au fascisme, après avoir hésité longtemps entre le fascisme et le communisme. Le fascisme, il le pratiqua comme un sport, comme un alcool, comme une sorte de remède magique à ses propres contradictions. Il ne souhaita le triomphe de l'homme totalitaire que parce qu'il se sentait lui-même mortellement divisé. Après la défaite de 1940, il se rallia, comme on sait, à la collaboration franco-allemande, mais ce qu'on sait moins, c'est la déception, le dégoût que lui inspirèrent bientôt Hitler, la politique pétainiste, son propre rôle. Directeur de la Nouvelle Revue française sous l'Occupation, il usa de son crédit pour sauver de la mort plusieurs résistants de ses amis. Trop lucide pour ne pas voir la catastrophe vers laquelle il courait, mais dédaignant par élégance de virer de bord quand il eût été encore temps, épris désormais de son seul désastre, il s'empoisonna, au lendemain de la Libération, moins pour échapper à la honte d'un procès que parce que, depuis toujours, le suicide était la seule manière de coïncider avec lui-même.
Décevant et fascinant, fascinant malgré lui et décevant par sa faute, ployant comme une tige trop frêle sous l'abondance même de ses dons, Drieu laisse des livres qui ne sont qu'à moitié réussis. Son chef-d'œuvre, avec La Comédie de Charleroi, est sans doute L'Intermède romain, longue nouvelle (publiée à titre posthume dans les Histoires déplaisantes, 1964) qui tient des mémoires, de l'essai et de la fiction, et place Drieu dans la lignée de Constant, de Baudelaire, des anxieux sauvés par l'analyse, beaucoup plus que dans celle des « chefs », Nietzsche ou Malraux. Indolent, relâché, comme dédaigneux de se parfaire, le style n'en est pas moins d'un grand écrivain. C'est dans cette nouvelle, récit d'une liaison où il se donne, bien entendu, le vilain rôle, qu'il se définit, pour marquer sa froideur, son dandysme en amour, non pas « cœur de pierre » mais « cœur de lièvre ». Un beau lièvre, qui aura vécu et qui sera mort pour rien, sinon pour la volupté de se surprendre en mal, de s'humilier. On réédite ses livres et on continue de publier ses ouvrages posthumes : nul doute que le personnage et son œuvre n'attirent sans cesse de nouveaux fidèles, séduits par le mystère d'un homme qui s'est si mal aimé. Dominique Fernandez

Postérité

Ses œuvres ont été éditées dans la bibliothèque de la Pléiade en avril 2012. Malgré sa réputation sulfureuse qui alimentait les clichés faciles et qui a suscité dans la presse des articles outrés Un collabo au Panthéon, titre un article de Marianne, tandis que d'autres sont plus nuancés, Philippe Sollers se demande s'il faut craindre une réhabilitation de Drieu la Rochelle avec cette édition : ... Faut-il craindre, avec cette Pléiade, on ne sait quelle réhabilitation qui favoriserait le fascisme en France ? Des imbéciles automatiques ne manqueront pas de le dire, mais, à s’en tenir là, on est dans Pavlov, et on sait bien que le silence et la censure ne font qu’aggraver les fantasmes.

Œuvres

Pierre Drieu la Rochelle
Sauf précision contraire, les œuvres de Drieu la Rochelle ont été publiées par Gallimard, à Paris
Interrogation, 1917. recueil de 17 poèmes ; réédition à La Finestra éditrice, Lavis.
Fond de cantine, 1920. recueil de 25 poèmes
État civil, 1921. récit autobiographique
La Valise vide 1921; nouvelle, contenue dans Plainte contre inconnu
Mesure de la France, préface de Daniel Halevy ; Grasset, coll. Les Cahiers verts, 1922. essai
Plainte contre inconnu, 1924. recueil de 4 nouvelles
L'Homme couvert de femmes, 1925. roman
La Suite dans les idées, 1927. essai
Le Jeune Européen, 1927. essai
Genève ou Moscou, 1928. essai
Blèche, 1928. roman
Une femme à sa fenêtre, 1929. roman
L'Europe contre les patries 1931. essa ; réédition à La Finestra éditrice, Lavis
Le Feu follet 1931, réédité en 1964 avec un court texte inédit retrouvé après sa mort : Adieu à Gonzague. roman
Drôle de voyage, 1933. roman
Journal d'un homme trompé 1934. recueil de 12 nouvelles
La Comédie de Charleroi 1934. recueil de 6 nouvelles
Socialisme fasciste, 1934. essai
Béloukia, 1936. roman
Doriot ou la Vie d'un ouvrier français, Éditions du PPF, Saint-Denis, 1936. essai
Avec Doriot, 1937. essai
Rêveuse bourgeoisie, 1937. roman
Gilles, 1939 roman, censuré, la version intégrale paraît en 1942.
Ne plus attendre, Grasset, Paris, 1941. essai
Notes pour comprendre le siècle, 1941. essai
L'Homme à cheval, 1943. roman
Chroniques politiques 1934-1943, 1943. essai, chroniques
Charlotte Corday. Le chef., 1944 théâtre
Les Chiens de paille, 1944 roman, pilonné, reparaît en 1964.
Réédition sous coffret de Une femme à sa fenêtre, Le Feu Follet, suivi de Adieu à Gonzague et de la Valise vide , et Drôle de voyage suivi de La Voix, édité par le Grand Livre du mois 1999

Publications posthumes

Mémoires de Dirk Raspe, 1944
roman inachevé, publié en 1966
Le Français d'Europe, Balzac, 1944
essai, pilonné, réimprimé en 1994
Récit secret, suivi de Journal 1944-1945, et d'Exorde, 1951.
Histoires déplaisantes, 1963
recueil de cinq nouvelles
Sur les écrivains, 1964
essais critiques réunis, préfacés et annotés par Frédéric Grover
Journal. 1939-1945. Publié en 1992 chez Gallimard.
Texte fourni par son frère Jean, mort en 1986
Révolution nationale, Éditions de l'Homme libre, 2004.
articles parus dans Révolution nationale, faisant suite à ceux publiés dans Le Français d'Europe
Notes pour un roman sur la sexualité, suivi de Parc Monceau, Gallimard, 2008.
Textes Politiques 1919-1945, Éditions Krisis, 2009
présentation par Julien Hervier, édition établie et annotée par Jean-Baptiste Bruneau
Lettres d'un amour défunt : Correspondance 1929-1945, Bartillat, 2009,
correspondance avec Victoria Ocampo. Prix Sévigné 201045
Romans, récits, nouvelles, édité par Jean-François Louette, Hélène Baty-Delalande, Julien Hervier et Nathalie Piégay-Gros, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 2012, 1936 pages
Le Jeune Européen et autres textes de jeunesse 1917-1927, Bartillat, 2016,
À paraître le 7 janvier 2016

ouvrages biographiques

Pierre Andreu, Drieu, témoin et visionnaire, Grasset, coll. Les Cahiers verts, Paris, 1952.
Pierre Andreu et Frédéric Grover, Drieu la Rochelle, Hachette, Paris, 1979 ; réédition à la Table ronde, Paris, 1989.
René Ballet, Deux hommes dans le tournant : Roger Vailland et Drieu La Rochelle, Les Cahiers Roger Vailland, 1994.
Marie Balvet, Itinéraire d'un intellectuel vers le fascisme : Drieu La Rochelle, PUF, coll. Perspectives critiques, Paris, 1984.
Jean-Baptiste Bruneau, Le cas Drieu. Drieu la Rochelle entre écriture et engagements. Débats, représentations et interprétations de 1917 à nos jours, Paris, Eurédit, 2011
Cahier de l'Herne spécial Drieu la Rochelle, collectif, Éditions de l'Herne, Paris, 1982.
Dominique Desanti, Drieu La Rochelle ou le séducteur mystifié, Paris, Groupe Flammarion,‎ 1978, 476 p. réédition 1992 sous le titre Drieu La Rochelle, du dandy au nazi.
Pierre du Bois de Dunilac, Drieu La Rochelle. Une vie, Cahiers d'histoire contemporaine, Lausanne, 1978.
Pierre du Bois de Dunilac, « Des causes et de la nature de l'engagement politique de l'écrivain Pierre Drieu La Rochelle », Cadmos cahiers trimestriels de l'Institut universitaire d'études européennes de Genève et du Centre européen de la culture, 1978, p. 39-63.
Dominique Fernandez, Ramon : mon père ce collabo, Paris, Le Livre de poche,‎ 2010, 768
Bernard Frank, La Panoplie littéraire, Julliard, 1958 ; Flammarion, 1980.
Frédéric Grover, Drieu la Rochelle, Gallimard, coll. « Idées », Paris, 1979.
(en) Frédéric J. Grover, Drieu la Rochelle and the fiction of testimony, Berkeley, University of California Press,‎ 1958, 275
Jean Bastier, Pierre Drieu la Rochelle, Soldat de la Grande Guerre 1914-1918, Albatros, 1989.
Arnaud Guyot-Jeannin, Drieu la Rochelle, antimoderne et européen, éd. Remi Perrin, Paris, 1999.
Julien Hervier, Deux individus contre l'histoire : Drieu la Rochelle et Ernst Jünger, Klincksieck, Paris, 1990.
Solange Lebovici, Le Sang et l'Encre : Pierre Drieu la Rochelle, une psychobiographie, Rodopi, Amsterdam, 1994.
Jacques Lecarme, Drieu la Rochelle ou le bal des maudits, PUF, "Perspectives critiques", 2001.
Bernard-Henri Lévy, Les Aventures de la liberté, Grasset, 1991 (deuxième partie : Le temps du mépris.
Jean-Louis Loubet Del Bayle, L'illusion politique au XXe siècle. Des écrivains témoins de leur temps, Economica, Paris, 1999.
Victoria Ocampo, Drieu, préface de Julien Hervier, Paris, Bartillat, Paris, 2
Reck (rima D.), Drieu La Rochelle and the picture gallery novel. French modernism in the interwar years ; Baton rouge, Louisiana State U.P., 1990.
Jacques Cantier, Pierre Drieu la Rochelle, éditions Perrin, collection Biographies, 2011, 315 pages.

Dictionnaires de référence

Dictionnaire des littératures de langues française, vol. 3, t. I, Paris, Bordas,‎ 1984
Dictionnaire des auteurs, vol. 4, t. II, Paris, Laffont-Bompiani,‎ 1000
Dictionnaire des œuvres, vol. 6, t. II, Paris, Laffont-Bompiani,‎ 1990
Dictionnaire des œuvres, vol. 6, t. II, Paris, Laffont-Bompiani,‎1990
Dictionnaire des œuvres, vol. 6, t. I, Paris, Laffont-Bompiani,‎ 1990
Dictionnaire des œuvres, vol. 6, t. II, Paris, Laffont-Bompiani,‎ 1990
Dictionnaire des œuvres, vol. 6, t. III, Paris, Laffont-Bompiani,‎ 1990
Dictionnaire des œuvres, vol. 6, t. V, Paris, Laffont-Bompiani,‎ 1990

Adaptations cinématographiques

Le Feu follet de Louis Malle, 1963.
Une femme à sa fenêtre de Pierre Granier-Deferre, 1976.
La Voix de Pierre Granier-Deferre, 1992.
Oslo, 31 août de Joachim Trier, 2012 inspiré du Feu follet



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#83 J.R.R. Tolkien 1
Loriane Posté le : 04/01/2016 17:35
Le 3 janvier 1892 naît John Ronald Reuel Tolkien

dʒɒn ˈɹʷɒnld ˈɹʷuːəl ˈtʰɒlkiːn, plus connu sous la forme J. R. R. Tolkien, né à Bloemfontein dans l'État libre d’Orange, écrivain, poète, philologue, traducteur et professeur d’université anglais, mort le 2 septembre 1973 à Bournemouth, à 81 ans. Il est principalement connu pour ses romans Le Hobbit et Le Seigneur des anneaux.
Après des études à Birmingham et à Oxford et l’expérience traumatisante de la Première Guerre mondiale, John Ronald Reuel Tolkien devient professeur assistant reader de langue anglaise à l’université de Leeds en 1920, puis professeur de vieil anglais à l’université d’Oxford en 1925 et professeur de langue et de littérature anglaises en 1945, toujours à Oxford. Il prend sa retraite en 1959. Durant sa carrière universitaire, il défend l’apprentissage des langues, surtout germaniques, et bouleverse l’étude du poème anglo-saxon Beowulf avec sa conférence Beowulf : Les Monstres et les Critiques 1936. Son essai Du conte de fées 1939 est également considéré comme un texte crucial dans l’étude de ce genre littéraire. Il reçoit la distinction de commandeur de l’Ordre de l'Empire britannique en 1972
Auteur de langue anglaise britannique, dans les genres littérature d’enfance et de jeunesse, fantasy, traduction, critique, poésie. Ses Œuvres principales sont Le Hobbit en 1937, Du conte de fées en 1947, Le Seigneur des anneaux de 1954 à 1955, Le Silmarillion en 1977, posthume, Les Enfants de Húrin en 2007, posthume, il est membre des Inklings

En bref

John Ronald Reuel Tolkien est né le 3 janvier 1892 en Afrique du Sud, à Bloemfontein, à l'époque capitale de l'État libre d'Orange. Lecteur précoce, passionné par les langues, il va devenir un philologue réputé et surtout un écrivain dont la renommée franchira les frontières grâce à un roman, The Lord of the Rings (1954-55, Le Seigneur des anneaux), qui marque profondément le paysage culturel du XXe siècle, en incluant des éléments mythologiques – empruntés notamment aux sagas nordiques – dans une narration précise et linéaire. Ce mélange de réalisme et de merveilleux a permis l'affirmation d'un genre, la fantasy, promis au plus grand succès.
En 1895, J. R. R. Tolkien quitte l'Afrique pour l'Angleterre avec sa mère et son jeune frère. Après le décès de leur père, la famille s'installe à Sarehole, près de Birmingham. À la mort de sa mère en 1904, l'enfant est pris en charge par un prêtre – la famille était convertie au catholicisme –, puis élevé par sa tante.
Dès sa jeunesse, J. R. R. Tolkien aime écrire des histoires et inventer des langages qu'il se plaît à doter d'une étymologie et d'une grammaire. Il exprime cette passion dans A Secret Vice 1931, repris dans Les Monstres et les critiques et autres essais. À l'université d'Oxford, il étudie la littérature anglaise, plus particulièrement l'anglo-saxon médiéval, et la philologie. Il se marie en 1916 avec Edith Brat et part pour la guerre, deux mois plus tard. Rapatrié sanitaire, c'est en convalescence qu'il commence à rédiger The Book of the Lost Tales qui deviendra The Silmarillion 1977, Le Silmarillion, l'œuvre qu'il ne cessera de remanier tout au long de sa vie, et qui ne sera publiée qu'à titre posthume.
Avant cela, Tolkien écrit The Hobbit, or There and Back Again 1937, Bilbo le Hobbit, qui trouve son inspiration dans une histoire qu'il racontait à ses enfants. Il s'agit de la quête burlesque et passionnante d'un groupe de nains accompagné d'un magicien, Gandalf, qui va chercher à reprendre un trésor volé par un dragon. Ils entraînent avec eux un hobbit, Bilbo, qui ne connaît rien de plus excentrique que de faire des ronds de fumée, ni de plus intéressant qu'un bon repas.
The Lord of the Rings 1954-55, Le Seigneur des anneaux, paraît en trois volumes, La Communauté de l'anneau, Les Deux Tours, Le Retour du roi et connaît un succès qui ira grandissant, surtout lors de sa publication aux États-Unis, en 1966, où il est particulièrement apprécié sur les campus universitaires. Pour être la suite de Bilbo le Hobbit, ce roman n'en est pas moins très différent. Inspiré du Kalevala, chant mythique finnois que Tolkien avait lu dans sa version originale, il n'est plus écrit pour des enfants, mais pour des adultes. Les héros ne partent plus à la chasse au trésor, ils vont sauver le monde du mal – on peut reconnaître ici l'aversion de Tolkien pour la guerre moderne et pour la pollution. Les elfes et les nains sont graves et sages, comme l'est Gandalf, le magicien gris, dont on découvre l'importance réelle dans la cosmogonie créée par Tolkien. Quant aux hobbits, ils apportent une touche d'humour dans cette épopée fantastique et poétique.
J. R. R. Tolkien est décédé à Bournemouth (Royaume-Uni) le 2 septembre 1973, deux ans après son épouse. Après sa mort, l'un de ses fils, Christopher, réunit ses manuscrits et entreprend de publier enfin The Silmarillion. Dans ce livre à nul autre pareil, Tolkien a véritablement conçu un monde, Arda, avec sa mythologie, ses dieux et déesses – les Valar –, ses créatures et sa genèse par la musique. Les légendes de la Terre du Milieu – contrée où les elfes, nains, humains et hobbits vivent la plupart de leurs aventures –, et parmi elles celle des Silmarils, les fabuleux joyaux qui recèlent la lumière du pays des Valar, sont ensuite relatées jusqu'à aboutir aux événements du Seigneur des anneaux. Dans Le Silmarillion, Tolkien donne la pleine mesure de ses talents de conteur et de créateur d'univers et de langages.
Viendront ensuite plusieurs volumes sur l'histoire de la Terre du Milieu dont le dernier, The Children of Húrin 2007, Les Enfants de Húrin, est un véritable puzzle de récits, reconstitué avec minutie par Christopher Tolkien à partir des brouillons de son père.
J. R. R. Tolkien a beaucoup écrit sur des thèmes plus ou moins reliés à la féerie ou à la mythologie. Toutefois, l'originalité de sa création est telle que la Terre du Milieu a influencé ses lecteurs jusque dans leur rapport à l'œuvre, les faisant plonger dans un univers différent, qu'ils s'approprient par le biais du jeu ou de l'étude. Ainsi, le premier jeu de rôle, Donjons & Dragons, créé par E. Gary Gygax et Dave Arneson, aurait été influencé par Le Seigneur des anneaux. D'un autre côté, on peut trouver des cours et des dictionnaires de sindarin ou de quenya, deux des nombreuses langues élaborées par Tolkien.
On connaît peu les aquarelles de Tolkien. Certaines illustrent pourtant les premières éditions de ses ouvrages, et Le Seigneur des anneaux est accompagné d'alphabets cursifs et runiques destinés à la retranscription des langages elfiques ou nains, ainsi que de cartes dessinées par son fils sur ses indications. Cette importance accordée par l'écrivain à l'accompagnement visuel de la fiction a sans doute joué un rôle dans l'essor de l'imagerie fantastique hissée au rang d'un art majeur.
Des diverses adaptations cinématographiques et télévisuelles du Seigneur des anneaux, on retiendra la trilogie de Peter Jackson. Dix ans lui auront été nécessaires pour mener à bien les trois épisodes parus sur les écrans en 2001, 2002 et 2003. Ce film à gros budget, qui a remporté de nombreux prix, restitue parfaitement la magie du roman.
Tolkien a inspiré des peintres, des cinéastes, mais aussi des compositeurs – la musique joue en effet un rôle très important dans ses romans. Si John Howe et Alan Lee sont les dessinateurs les plus connus, pour avoir illustré ses ouvrages et travaillé sur le film de Peter Jackson, ils sont loin d'être les seuls. Les œuvres de Tolkien ont aussi servi de source d'inspiration à de nombreux écrivains, ouvrant la porte à un nouveau courant littéraire. Certains de ces auteurs ont commencé à créer des univers et à écrire des scénarios par le biais du jeu de rôle. D'autres, comme Tolkien lui-même, ont étudié les lettres, ou encore l'histoire, la mythologie et le folklore. Ils se retrouvent dans cette littérature dont le nom, fantasy, signifie littéralement « imagination ».
Les codes de ce nouveau « genre » se définissent par comparaison ou par opposition avec le fantastique et la science-fiction : dans les trois cas, il est question de ce qui n'existe pas. Mais là où la science-fiction imagine que « cela » peut arriver, là où le fantastique décrit l'intrusion brutale du surnaturel dans le quotidien, la fantasy choisit pour décor un univers totalement inventé. Parmi ceux qui le peuplent, on trouve des elfes et des fées, des sorciers, des dieux ou toute autre créature des contes ou des mythologies. Les auteurs, même s'ils ne cherchent pas à être « crus », se soucient de cohérence. Leur univers est étudié, soigneusement façonné, qu'il soit totalement issu de leur imagination ou inspiré de légendes connues.
À l'origine, la fantasy racontait une quête, ses héros partaient sauver le monde, comme on le voit chez Tolkien. Elle s'est depuis épanouie en donnant naissance à de nouveaux courants, riches de potentialités. Du roman historique teinté d'irréalisme à la fantasy urbaine, du Moyen Âge fantasmatique au métro londonien, de la tragédie grecque à la parodie, les héritiers de Tolkien rivalisent d'imagination et d'originalité, tant dans les histoires qu'ils écrivent que dans le style qu'ils emploient. Mais c'est bien Tolkien qui leur a ouvert une porte vers l'inconnu qu'ils explorent, et nombre d'entre eux reconnaissent leur dette à son égard, comme on le voit dans Meditations on Middle-Earth (2001, Méditations sur la Terre du Milieu), recueil de témoignages réuni par Karen Haber. Lucie Chenu

Sa vie

Tolkien commence à écrire pour son plaisir dans les années 1910, élaborant toute une mythologie autour de langues qu’il invente. L’univers ainsi créé, la Terre du Milieu, prend forme au fil des réécritures et compositions. Son ami C. S. Lewis l’encourage dans cette voie, de même que les autres membres de leur cercle littéraire informel, les Inklings. En 1937, la publication du Hobbit fait de Tolkien un auteur pour enfants estimé. Sa suite longtemps attendue, Le Seigneur des anneaux, est d’une tonalité plus sombre. Elle paraît en 1954-1955 et devient un véritable phénomène de société dans les années 1960, notamment sur les campus américains. Tolkien travaille sur sa mythologie jusqu’à sa mort, mais ne parvient pas à donner une forme achevée au Silmarillion. Ce recueil de légendes des premiers âges de la Terre du Milieu est finalement mis en forme et publié à titre posthume en 1977 par son fils et exécuteur littéraire Christopher, en collaboration avec Guy Gavriel Kay. Depuis, Christopher Tolkien publie régulièrement des textes inédits de son père.
De nombreux auteurs ont publié des romans de fantasy avant Tolkien, mais le succès majeur remporté par Le Seigneur des anneaux au moment de sa publication en poche aux États-Unis est à l’origine d’une renaissance populaire du genre. Tolkien est ainsi considéré, pour certains, comme le « père » de la fantasy moderne. Son œuvre a eu une influence majeure sur les auteurs ultérieurs de ce genre, en particulier par la rigueur avec laquelle il a construit son monde secondaire.

Famille Tolkien.

La plupart des aïeux de J. R. R. Tolkien du côté de son père sont des artisans. La famille Tolkien, originaire de Saxe, est établie en Angleterre depuis le xviiie siècle, et les Tolkien y sont devenus « profondément anglais. Leur patronyme est une forme anglicisée de Tollkiehn, un nom dérivé de l’allemand tollkühn signifiant téméraire.
Les ancêtres maternels de Tolkien, les Suffield, sont une famille originaire d’Evesham, dans le Worcestershire. À la fin du xixe siècle, ils vivent principalement à Birmingham, où les grands-parents maternels de Tolkien, John et Emily Jane Suffield, possèdent une mercerie dans un bâtiment appelé « Lamb House », située dans le centre-ville.
John Ronald Reuel Tolkien naît le 3 janvier 1892 à Bloemfontein, dans l’État libre d’Orange, en Afrique du Sud. Il est le premier enfant d’Arthur Reuel Tolkien 1857-1896 et de sa femme Mabel, née Suffield 1870-1904. Tous deux ont quitté l’Angleterre quelques années plus tôt, au moment de la promotion d’Arthur à la tête de l’agence de la Banque d’Afrique à Bloemfontein.
L’enfant porte le prénom John par tradition familiale : chez les Tolkien, le fils aîné du fils aîné s’appelle toujours John. Ronald est le choix de Mabel, qui avait à l’origine choisi Rosalind, s’attendant à avoir une fille. Quant à Reuel, il s’agit, d’après les souvenirs de Tolkien, du nom d’un ami de sa grand-mère, et que l’on croit d’origine française dans la famille, mais qui semble plutôt issu de la Bible Reuel est un autre nom de Jethro, le beau-père de Moïse. Tolkien donne à son tour ce prénom à ses quatre enfants, y compris à sa fille Priscilla.
Le climat de l’Afrique du Sud ne convient pas à Mabel, ni à son fils. En avril 1895, Mabel retourne en Angleterre avec ses enfants un deuxième fils, Hilary Arthur Reuel, est né le 17 février 1894, mais son mari meurt d’un rhumatisme infectieux le 15 février 1896, avant d’avoir pu les rejoindre. Privée de revenus, Mabel s’installe chez ses parents, à Birmingham, puis à Sarehole, un hameau au sud de la ville. Le jeune Tolkien explore les alentours, notamment le moulin de Sarehole, ce qui lui inspirera des scènes de ses futurs ouvrages et un amour profond pour la campagne anglaise du Warwickshire.
Mabel éduque elle-même ses deux fils. Elle enseigne à Ronald la botanique, des rudiments de latin, d’allemand et de français, une langue dont il n’apprécie guère les sonorités9. Il lit également beaucoup : il n’aime pas L’Île au trésor de Stevenson ou Le Joueur de flûte de Hamelin de Browning, mais se prend de passion pour les histoires de Peaux-Rouges et du roi Arthur, ainsi que pour les ouvrages de George MacDonald et les recueils de contes édités par Andrew Lang.
Tolkien entre à la King Edward's School de Birmingham, où son père avait lui-même étudié, en 1900. La même année, sa mère se convertit au catholicisme, malgré de violentes protestations de sa famille anglicane, qui lui coupe les vivres. Elle déménage en 1902 pour s’installer à Edgbaston, non loin de l’oratoire de Birmingham, et envoie ses fils à la St. Philip's School, l’école rattachée à l’oratoire. Ils n’y restent que brièvement : Ronald obtient une bourse et peut retourner à la King Edward’s School dès 1903. Il y apprend le grec ancien, étudie Shakespeare et Chaucer et s’initie en autodidacte au vieil anglais.
Mabel Tolkien meurt de complications dues au diabète le 14 novembre 1904 — le traitement à l’insuline n’existe pas encore. Durant le reste de sa vie, son fils aîné la considère comme une martyre, sentiment qui influence profondément ses propres croyances. Avant sa mort, elle confie la garde de ses deux fils au père Francis Morgan, de l’oratoire de Birmingham.

Études et mariage

Comme le père Morgan ne peut les héberger, Ronald et Hilary s’installent au début de l’année 1905 chez une tante par alliance, Beatrice Suffield, qui habite non loin de l’oratoire. Tolkien poursuit ses études à la King Edward’s School et se lie d’amitié avec d’autres élèves, notamment Christopher Wiseman 1893-1987 et Robert Gilson 1893-1916. Il s’intéresse de plus en plus à la philologie, apprend le vieux norrois pour pouvoir lire dans le texte l’histoire de Sigurd et découvre la langue gotique et le Kalevala. Il joue également au rugby à XV dans l’équipe de son école, avec une telle ardeur qu’il en devient le capitaine.
En 1908, Tolkien rencontre une jeune fille nommée Edith Bratt lorsqu’il s’installe avec son frère dans le même immeuble qu’elle. Malgré leur différence d’âge elle a trois ans de plus que lui, ils ne tardent pas à tomber amoureux, d’autant plus vite que tous deux sont orphelins. Toutefois, le père Morgan s’oppose à cette relation et interdit à Tolkien de continuer à la voir : il craint que son pupille ne néglige ses études. Le protestantisme d’Edith constitue un obstacle supplémentaire. Le jeune garçon obéit à la lettre à cet ordre, sinon à l’esprit, mais lorsque le père Morgan est mis au courant des rencontres accidentelles entre les deux jeunes gens, il menace de mettre un terme aux études de Tolkien si elles ne cessent pas. Son pupille obtempère.
Après un échec fin 1909, Tolkien obtient en décembre 1910 une bourse pour entrer à l’université d’Oxford16. Durant ses derniers mois à la King Edward’s School, il fait partie des élèves qui bordent l’itinéraire durant la parade de couronnement du roi George V, aux portes de Buckingham Palace. Plus important, il fonde, avec ses amis Rob Gilson et Christopher Wiseman, la Tea Club Barrovian Society ou T. C. B. S., une société officieuse dont les membres, bientôt rejoints par Geoffrey Smith 1894-1916 et quelques autres, partagent l’habitude de prendre le thé aux Barrow’s Stores, non loin de l’école et dans la bibliothèque même de l’école, ce qui est normalement interdit par le règlement. Les quatre amis au cœur du T. C. B. S. restent en contact après leur départ de l’école.
Durant l’été 1911, Tolkien part en vacances en Suisse, un voyage qu’il se remémore de façon vivante dans une lettre de 1968 dans laquelle il revient sur la façon dont ce voyage a pu l’inspirer pour l’écriture du Hobbit la dégringolade le long des pierres glissantes jusque dans le bois de pins et du Seigneur des anneaux, appelant le Silberhorn la Corne d’Argent Celebdil de mes rêves.
Exeter College, où Tolkien étudie de 1911 à 1915. Il en devient fellow honoraire en 1958.
En octobre 1911, Tolkien entame ses études classiques à Oxford, à Exeter College ; l’un de ses principaux professeurs est le philologue Joseph Wright, qui a une grande influence sur lui. Il s’intéresse au finnois afin de lire le Kalevala dans le texte, approfondit sa connaissance du gallois et s’implique dans la vie sociale de son collège en continuant à jouer au rugby et en devenant membre de plusieurs clubs étudiants. Cependant, les auteurs grecs et latins l’ennuient, ce qui se ressent dans ses notes : la seule matière où il excelle est son sujet libre, la philologie comparée. En 1913, avec la bénédiction de son tutor, le vice-recteur Farnell, Tolkien change de cursus au profit de la littérature anglaise, et choisit comme spécialité la philologie scandinave. Dès lors, Kenneth Sisam devient son nouveau tutor.
Le jour de sa majorité, en 1913, Tolkien écrit à Edith pour la demander en mariage. La jeune femme s’est entre-temps promise à un autre, mais elle rompt ses fiançailles et se convertit au catholicisme sur l’insistance de Tolkien. Ils célèbrent leurs fiançailles à Warwick en janvier 1914.

Première Guerre mondiale

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, en août 1914, Tolkien est en vacances en Cornouailles ; il rédige peu après le poème Le Voyage d'Éarendel, première graine de la future mythologie du Silmarillion. En rentrant à Oxford, il s’arrange pour s’entraîner dans les Officers' Training Corps, ce qui lui permet de poursuivre en parallèle ses études afin d’obtenir son diplôme avant de devoir partir au front.
En décembre, Tolkien, Gilson, Smith et Wiseman se réunissent à Londres. Malgré l’ombre que la guerre fait peser sur le pays, ils ont foi dans leur potentiel : tous ont des ambitions artistiques et sont persuadés que le T. C. B. S. peut et va changer le monde. De cette rencontre, de ce concile de Londres, découle la vocation poétique de Tolkien. Il rédige de nombreux poèmes en 1915 et réussit brillamment ses examens finaux à Oxford, obtenant les First-class honours.
Tolkien devient sous-lieutenant dans les fusiliers du Lancashire et s’entraîne avec le 13e bataillon de réserve pendant onze mois à Cannock Chase, dans le Staffordshire. Durant cette période, il écrit à Edith : les gentlemen sont rares parmi les officiers, et les êtres humains même sont rares. Sachant son départ pour le front proche, il épouse Edith le 22 mars 1916 à Warwick. Transféré dans le 11e bataillon de services avec le corps expéditionnaire britannique, il arrive en France le 4 juin 1916. Par la suite, il écrit : les officiers subalternes étaient abattus par douzaines. Se séparer de ma femme à ce moment-là … c’était comme mourir.
Tolkien sert comme officier de transmissions pendant la bataille de la Somme, participe à la bataille de la crête de Thiepval et aux attaques subséquentes sur la redoute de Schwaben. Victime de la fièvre des tranchées, une maladie transmise par les poux qui pullulent dans les tranchées, il est renvoyé en Angleterre le 8 novembre 1916. Ses amis Rob Gilson et G. B. Smith n’ont pas autant de chance : le premier est tué au combat le 1er juillet, et le second, grièvement blessé par un obus, meurt le 3 décembre.
Affaibli, Tolkien passe le reste de la guerre entre des hôpitaux et des postes à l’arrière, étant jugé médicalement inapte au service général. Son premier fils, John Francis Reuel, naît le 16 novembre 1917 à Cheltenham. Durant sa convalescence à Great Haywood, dans le Staffordshire, Tolkien entame la rédaction de La Chute de Gondolin, premier des Contes perdus.

Leeds

Lorsque la guerre s’achève, la famille Tolkien s’installe à Oxford. Le premier emploi civil de Tolkien après l’armistice est pour l’Oxford English Dictionary, de janvier 1919 à mai 1920. Il travaille sur l’histoire et l’étymologie des termes d’origine germanique commençant par la lettre W, sous la direction de Henry Bradley, qui loue à plusieurs reprises son travail par la suite. Durant cette période, Tolkien arrondit ses fins de mois en servant de tutor à plusieurs élèves de l’université, principalement des jeunes filles de Lady Margaret Hall, de St Hilda’s, de St Hugh’s et de Somerville.
En 1920, alors que naît son deuxième fils, Michael Hilary Reuel 22 octobre 1920 – 27 février 1984, Tolkien quitte Oxford pour le Nord de l’Angleterre où il devient professeur assistant reader de littérature anglaise à l’université de Leeds, puis professeur en 1924. Durant son séjour à Leeds, il produit le glossaire A Middle English Vocabulary, ainsi qu’une édition définitive du poème moyen anglais Sire Gauvain et le Chevalier vert avec E. V. Gordon, deux livres considérés comme des références académiques pendant les décennies qui suivent. Tolkien continue également à développer son univers de fiction : les Contes perdus sont laissés inachevés, mais il entreprend la rédaction d’une version en vers allitératifs de l’histoire des Enfants de Húrin. C’est également à Leeds que naît son troisième fils, Christopher John Reuel, le 21 novembre 1924.

Oxford

Après cela, pourriez-vous dire, il ne se passa vraiment plus rien. Tolkien rentra à Oxford, fut professeur d’anglo-saxon aux collèges de Rawlinson et de Bosworth sic pendant vingt ans ; fut ensuite élu professeur de langue et de littérature anglaise à Merton ; s’installa dans une banlieue d’Oxford très conventionnelle où il passa le début de sa retraite : déménagea dans une ville quelconque du bord de mer ; retourna à Oxford après la mort de sa femme ; et mourut paisiblement à l’âge de quatre-vingt-un ans.
En 1925, Tolkien retourne à Oxford en tant que professeur de vieil anglais et fellow de Pembroke College, poste qu’il occupe jusqu’en 1945. Durant son passage à Pembroke, il écrit Le Hobbit et les deux premiers volumes du Seigneur des anneaux, principalement au numéro 20 de Northmoor Road, dans le nord d’Oxford. C’est là que naît le dernier enfant du couple Tolkien, leur seule fille, Priscilla Mary Anne Reuel née le 18 juin 1929. Très attaché à ses enfants, Tolkien invente pour eux de nombreux contes, parmi lesquels Roverandom et Le Hobbit. Il leur écrit également chaque année des lettres censées provenir du père Noël.
Tolkien, Tollers pour ses amis, rencontre pour la première fois C. S. Lewis en 1926, à Oxford. Entre eux ne tarde pas à naître une amitié profonde et durable. Ils partagent un goût pour le dialogue et la bière, et Tolkien invite bientôt Lewis aux réunions des Coalbiters, un club dédié à la lecture de sagas islandaises en vieux norrois. Le retour au christianisme de Lewis est en partie le fait de Tolkien, même si ce dernier regrette que son ami ait choisi de revenir à l’anglicanisme, et non de le rejoindre au sein de la confession catholique. Lewis ne cesse d’encourager Tolkien lorsque celui-ci lit des passages de ses livres aux réunions des Inklings, club littéraire informel qui s’assemble dans les années 1930 autour de Tolkien, Lewis, Owen Barfield, Hugo Dyson et d’autres enseignants d’Oxford.
Le Hobbit est publié en septembre 1937, presque par hasard : c’est une ancienne étudiante de Tolkien, Susan Dagnall, enthousiasmée par le manuscrit, qui le met en contact avec la maison d’édition londonienne George Allen & Unwin et le convainc de le faire publier. Le livre rencontre un franc succès, tant critique que commercial, des deux côtés de l’Atlantique, et l’éditeur Stanley Unwin presse Tolkien d’écrire une suite. Ce dernier entreprend alors la rédaction du Seigneur des anneaux, sans se douter qu’il lui faudra plus de dix ans pour l’achever.
En mars 1939, le gouvernement britannique contacte Tolkien et lui propose de rejoindre une équipe de spécialistes consacrée au déchiffrement des codes nazis, située à Bletchley Park. Il refuse l’offre d’un emploi à plein temps payé 500 livres, 50 000 livres de 2009 par an, mais d’après un historien des services secrets britanniques, des documents non encore publiés attesteraient d’une participation suivie et importante de sa part à l’effort de décodage.
Outre une charge de travail supplémentaire qui empêche Tolkien d’avancer aussi vite qu’il l’aimerait dans la rédaction du Seigneur des anneaux, l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale a une conséquence inattendue : l’arrivée de l’écrivain londonien Charles Williams, très admiré par Lewis, à Oxford, où il ne tarde pas à se faire une place parmi les Inklings. S’il entretient des relations tout à fait cordiales avec l’homme, Tolkien n’apprécie guère l’écrivain, dont les romans sont pétris de mysticisme et frôlent parfois la magie noire, ce qui ne peut que faire horreur à un catholique aussi persuadé de l’importance du mal que Tolkien. Celui-ci juge défavorablement l’influence de Williams sur l’œuvre de Lewis. L’amitié de Tolkien et Lewis est également refroidie par le succès grandissant rencontré par Lewis en sa qualité d’apologiste chrétien, notamment grâce à ses émissions pour la BBC, qui font dire à Tolkien vers le milieu des années 1940 que Lewis est devenu trop célèbre pour son goût ou les nôtres.
En 1945, Tolkien devient professeur de langue et de littérature anglaises à Merton, poste qu’il occupe jusqu’à sa retraite. À Pembroke, c’est un autre Inkling qui lui succède comme professeur de vieil anglais : Charles Wrenn. Les réunions du jeudi des Inklings se font de plus en plus rares après la mort de Williams et la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour cesser définitivement en 1949. Les relations entre Tolkien et Lewis sont de plus en plus distantes, et le départ de ce dernier pour Cambridge en 1954, et son mariage avec Joy Davidman, une Américaine divorcée, en 1957, n’arrangent pas les choses49. Tolkien est toutefois très choqué par la mort de C. S. Lewis en 1963, qu’il compare à un coup de hache porté aux racines.
Tolkien achève Le Seigneur des anneaux en 1948, après une décennie de travail. Le livre est publié en trois volumes en 1954-1955 et rencontre un grand succès dès sa publication, faisant l’objet d’une adaptation radiophonique dès 1955. Si le succès de son œuvre le met définitivement à l’abri du besoin, Tolkien reste un homme économe et généreux, ne s’autorisant guère d’excentricités.

Retraite et mort

Tolkien prend sa retraite universitaire en 1959. Dans les années qui suivent, il acquiert une célébrité croissante en tant qu’écrivain. Il écrit tout d’abord des réponses enthousiastes à ses lecteurs, mais devient de plus en plus méfiant devant l’émergence de communautés de fans, notamment au sein du mouvement hippie aux États-Unis, où le livre devient un best-seller après la parution chez Ace Books d’une édition au format poche non autorisée en 1965 ; la querelle judiciaire qui s’ensuit offre encore une publicité supplémentaire au nom de Tolkien53. Dans une lettre de 1972, il déplore être devenu un objet de culte, mais admet que même le nez d’une idole très modeste … ne peut demeurer totalement insensible aux chatouillements de la douce odeur de l’encens ! Toutefois, les lecteurs enthousiastes se font de plus en plus pressants, et en 1968, lui et sa femme déménagent pour plus de tranquillité à Bournemouth, une ville balnéaire de la côte sud de l’Angleterre.
Le travail sur Le Silmarillion occupe en pointillés les deux dernières décennies de la vie de Tolkien, sans qu’il parvienne à l'achever. Les lecteurs du Seigneur des anneaux attendent avec impatience cette suite promise, mais ils doivent se contenter du recueil de poèmes Les Aventures de Tom Bombadil 1962 et du conte Smith de Grand Wootton 1967. Durant la même période, Tolkien participe également à la traduction de la Bible de Jérusalem, publiée en 1966 : outre un travail de relecture, il en traduit le Livre de Jonas.
Edith Tolkien meurt le 29 novembre 1971 à l’âge de 82 ans et est enterrée au cimetière de Wolvercote, dans la banlieue nord d’Oxford. Son mari fait graver sur sa tombe le nom Lúthien, en référence à une histoire de son légendaire qui lui avait été en partie inspirée par la vision d’Edith dansant dans les bois, en 1917.
Après le décès de sa femme, Tolkien revient passer les dernières années de sa vie à Oxford : il est logé gracieusement par son ancien college de Merton dans un appartement sur Merton Street. Le 28 mars 1972, il est fait commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique par la reine Élisabeth II57. Lors d’une visite chez des amis à Bournemouth, fin août 1973, il se sent mal : il meurt à l’hôpital le 2 septembre 1973, à l’âge de 81 ans. Beren est inscrit sous son nom sur la tombe qu’il partage avec Edith.

Opinions Religion

L’oratoire de Birmingham, où Tolkien a été enfant de chœur dans les années 1900.
Après avoir été baptisé au sein de l’Église d’Angleterre, Tolkien est éduqué dans la foi catholique par sa mère après sa conversion en 1900. Sa mort prématurée a une profonde influence sur son fils. Humphrey Carpenter suggère ainsi qu’il a pu trouver dans la religion une sorte de réconfort moral et spirituel. Il reste fidèle à sa foi sa vie durant, et celle-ci joue un rôle important dans la conversion de son ami C. S. Lewis, alors athée, au christianisme — bien qu’il choisisse de retourner à la foi anglicane, au grand désarroi de Tolkien.
Les réformes du Concile Vatican II suscitent en lui des avis partagés. On a pu dire notamment Paul Airiau Actes du Colloque du CRELID de 2007- que Tolkien approuvait les évolutions œcuméniques telles que ce concile introduisit dans l'Eglise, mais ce serait là mal interpréter l'unique lettre lettre 306 -de 1968- dans le recueil The Letters of J.R.R. Tolkien où il use de ce terme, sans aucunement évoquer directement les réformes conciliaires. En effet, si l'on retourne au texte, on remarque rapidement que Tolkien condamne fermement l’œcuménisme inspiré par le besoin supposé d'aggiornamento, et fait plutôt référence à une relation purement personnelle, affirmant qu'il s'agirait, pour les catholiques anglais, si longtemps une minorité persécutée, de faire preuve néanmoins de charité envers les véritables chrétiens dans les autres dénominations, anglicans notamment. Faisant également référence à sa propre formation, il rappelle qu'il peut être profitable, dans un tel état de choses, de côtoyer des non-catholiques pendant sa scolarité, tout en ayant une vie de famille profondément catholique, et qu'il serait désastreux pour l'Eglise militante "d'enfermer tous ses soldats dans une forteresse", prenant l'exemple de la ligne Maginot. Pour résumer, l’œcuménisme de Tolkien est fort traditionnel: il insiste sur les relations personnelles de même que Newman, évoque la situation très particulière du catholicisme anglais, et se veut avant tout apostolique, militant. Malgré sa vague association, au temps de la guerre, avec un éventuel United Christian Council à Oxford, il est ainsi assez loin du nouvel œcuménisme tel que prôné par Vatican II (constitution Lumen Gentium, 8, décret Unitatis Redintegratio notamment: nulle mention d'un véritable "dialogue", mutuellement enrichissant entre communautés chrétiennes Unitatis Redintegratio, pas de référence à la valeur intrinsèque des pratiques des autres confessions chrétiennes Unitatis Redintegratio, 3, aucune vision "panchrétienne" telle que suggérée par Lumen Gentium. À défaut d'éléments plus décisifs, ce que l'on sait de Tolkien -son attitude intransigeante concernant la conversion de sa fiancée, son dédain pour l'Anglicanisme, et son admiration pour le pape Pie X, cf l'analyse de A.R. Bossert dans Mythlore, septembre 2006: Surely you don't disbelieve?, rattachant l'auteur au courant catholique anti-moderniste - en fait un témoin de la loyauté envers et contre tout au catholicisme le plus traditionnel, lettre 306: invitation à prier pour l'Eglise, le Vicaire du Christ et soi-même", après avoir constaté que l'Eglise lui semblait, du refuge spirituel au sein du monde qu'elle était auparavant, être devenue un piège.
Il regrettera ainsi amèrement l’abandon du latin dans la messe, suite aux travaux de réforme liturgique post-conciliaire. Son petit-fils Simon se souvient être allé à l’église avec lui. Il rapporte qu’au milieu des fidèles qui répondaient en anglais, son grand-père mit un point d’honneur à faire quant à lui ses réponses en latin, et très bruyamment61. Clyde Kilby rappelle quant à lui le désarroi de Tolkien constatant, pendant la célébration d'une messe dans le nouveau rite, la diminution drastique du nombre de génuflexions, et son départ dépité de l'église.

Politique Pensée politique

Tolkien est essentiellement conservateur dans ses opinions politiques, au sens où il favorise les conventions établies et l’orthodoxie et non l’innovation et la modernisation. En 1943, il écrit à son fils Christopher : « Mes opinions politiques penchent de plus en plus vers l’Anarchie au sens philosophique, désignant l’abolition du contrôle, non pas des hommes moustachus avec des bombes) — ou vers la Monarchie « non constitutionnelle. En 1956, il explique ne pas être démocrate uniquement parce que l’humilité et l’égalité sont des principes spirituels corrompus par la tentative de les mécaniser et de les formaliser, ce qui a pour conséquence de nous donner, non modestie et humilité universelles, mais grandeur et orgueil universels.
S’il aime l’Angleterre — non la Grande-Bretagne et certainement pas le Commonwealth grr ! —, Tolkien n’est cependant pas un patriote aveugle. Durant la Seconde Guerre mondiale, il fustige la propagande britannique relayée par les journaux, notamment un article appelant solennellement à l’extermination systématique du peuple allemand tout entier comme la seule mesure adéquate après la victoire militaire. Après la fin de la guerre en Europe, il s’inquiète de l’impérialisme britannique ou américain en Extrême-Orient, affirmant : j’ai peur de ne pas être animé par la moindre étincelle de patriotisme dans cette guerre qui se poursuit. Pour elle je ne donnerais pas un penny, encore moins un fils, si j’étais un homme libre.
Durant la guerre d’Espagne, Tolkien exprime en privé son soutien au camp nationaliste en apprenant de Roy Campbell que les escadrons de la mort soviétiques se livrent à des destructions d’églises et au massacre de prêtres et de religieuses. À une époque où de nombreux intellectuels occidentaux admirent Joseph Staline, Tolkien ne cache pas son mépris pour ce vieux meurtrier sanguinaire, ainsi qu’il l’appelle dans une lettre à son fils Christopher en 1944. Il s’oppose néanmoins avec virulence à une interprétation du Seigneur des anneaux comme une parabole anticommuniste, et dans laquelle Sauron correspondrait à Staline : une allégorie de ce genre est totalement étrangère à ma façon de penser, écrit-il.

Réaction face au nazisme

Avant la Seconde Guerre mondiale, Tolkien exprime son opposition à Adolf Hitler et au régime nazi. Dans son roman inachevé La Route perdue, écrit vers 1936-1937, la situation de l’île de Númenor sous le joug de Sauron peu avant sa submersion présente des ressemblances avec la situation en Allemagne à la même époque, comme le souligne Christopher Tolkien : la disparition inexpliquée de gens impopulaires auprès du gouvernement, les informateurs, les prisons, la torture, le secret, la crainte de la nuit ; la propagande sous forme de révisionnisme historique, la prolifération des armes de guerre, à des fins indéterminées mais entrevues.
En 1938, la maison d’édition Rütten & Loening, qui prépare une traduction du Hobbit en allemand, écrit à Tolkien pour lui demander s’il est d’origine aryenne. Outré, celui-ci écrit à son éditeur Stanley Unwin une lettre où il condamne les lois démentes du régime nazi et l’antisémitisme comme une chose totalement pernicieuse et non scientifique ; il se déclare par la suite disposé à laisser en plan toute traduction allemande. Tolkien envoie à Unwin deux réponses possibles à transmettre à Rütten & Loening. Dans celle qui n’a pas été envoyée, il pointe le mauvais usage fait par les nazis du terme aryen linguistique à l’origine et ajoute :
Mais si je suis supposé comprendre que vous voulez savoir si je suis d’origine juive, je ne peux que répondre que je regrette de ne pouvoir apparemment compter parmi mes ancêtres personne de ce peuple si doué. Mon arrière-arrière-grand-père quitta l’Allemagne pour l’Angleterre au XVIIIe siècle : la majeure partie de mon ascendance est donc de souche anglaise, et je suis un sujet anglais — ce qui devrait vous suffire. J’ai été néanmoins habitué à regarder mon nom allemand avec fierté, même tout au long de la dernière et regrettable guerre, au cours de laquelle j’ai servi dans l’armée anglaise. Je ne peux cependant m’empêcher de faire remarquer que si des requêtes de cette sorte, impertinentes et déplacées, doivent devenir la règle en matière de littérature, alors il n’y a pas loin à ce qu’un nom allemand cesse d’être une source de fierté.
En 1941, dans une lettre à son fils Michael, il exprime son ressentiment à l’égard d’Hitler, ce petit ignorant rougeaud … ruinant, pervertissant, détournant et rendant à jamais maudit ce noble esprit du Nord, contribution suprême à l’Europe, que j’ai toujours aimé et essayé de présenter sous son vrai jour. Après la guerre, en 1968, il s’oppose à une description de la Terre du Milieu comme un monde nordique, expliquant qu’il n’aime pas ce mot en raison de son association à des théories racistes.

Accusations de racisme

La question du racisme ou du racialisme supposé de Tolkien lui-même ou de certains éléments de ses œuvres a donné lieu à un débat universitaire75. Christine Chism distingue trois catégories d’accusations de racisme portées à l’encontre de Tolkien ou de son œuvre : un racisme conscient, une tendance eurocentrique inconsciente, et un racisme latent dans ses premiers écrits ayant évolué vers un rejet conscient de la chose dans ses œuvres ultérieures.
La plupart des accusations de racisme portent sur Le Seigneur des anneaux et peuvent se résumer par cette phrase de John Yatt : Les hommes blancs sont bons, les hommes noirs sont mauvais, les orques sont pires que tout. Chris Henning affirme même que tout l’attrait du Seigneur des anneaux réside dans le fait que c’est un ouvrage fondamentalement raciste. Cette idée a été reprise par des auteurs comme Isabelle Smadja dans Le Seigneur des anneaux ou la tentation du mal 2002, un ouvrage critiqué pour son manque de rigueur scientifique et pour n’avoir pas tenu compte du reste de l’œuvre de Tolkien. Plusieurs accusations de racisme à l’encontre du Seigneur des anneaux portent également sur les adaptations de Peter Jackson, où les Suderons sont présentés coiffés de turbans et avec une apparence orientale, ce qui a parfois été considéré tendancieux dans un contexte post-11 Septembre.
En 1944, Tolkien écrit à son fils Christopher, alors en Afrique du Sud avec la Royal Air Force : Quant à ce que tu dis ou laisses entendre de la situation locale, j’en avais entendu parler. Je ne pense pas qu’elle ait beaucoup changé même en pire. J’en entendais régulièrement parler par ma mère, et ai pris depuis ce temps un intérêt particulier pour cette partie du monde. La façon dont sont traités les gens de couleur horrifie pratiquement toujours ceux qui quittent la Grande-Bretagne, et pas seulement en Afrique du Sud. Malheureusement, peu retiennent très longtemps ce sentiment généreux. Il condamne publiquement la politique d’apartheid en Afrique du Sud dans son discours d’adieu à l’université d’Oxford, en 1959.

Nature

Tolkien aime beaucoup la nature : sa correspondance et ses illustrations témoignent du plaisir qu’il tire à contempler les fleurs ou les oiseaux, et surtout les arbres. Sa dernière photographie, prise en août 1973, le montre appuyé au tronc d’un pin noir du jardin botanique de l’université d'Oxford qu’il aime particulièrement. Cet amour de la nature se reflète dans son œuvre, notamment avec les Ents du Seigneur des anneaux, les bergers des arbres qui partent en guerre contre Saroumane, un ennemi aimant la machine, ou les Deux Arbres qui éclairent le Valinor dans Le Silmarillion. Le symbolisme de l’arbre est également au cœur de l’histoire courte Feuille, de Niggle, inspirée par les efforts véhéments et couronnés de succès d’une voisine de Tolkien pour que le vieux peuplier poussant devant chez elle soit abattu.
Les effets de l’industrialisation déplaisent fortement à Tolkien, notamment dans leur invasion des paysages ruraux de l’Angleterre : en 1933, il est bouleversé de ne presque rien reconnaître des lieux de son enfance lorsqu’il passe par l’ancien hameau de Sarehole, rattrapé par la croissance de la zone urbaine de Birmingham. Les brouillons de son essai Du conte de fées contiennent plusieurs passages désapprobateurs à l’égard des aéroplanes et des automobiles. Il ne se coupe pas pour autant du monde moderne : il possède même une voiture dans les années 1930, et s’il finit par l’abandonner, ce n’est que lorsque la Seconde Guerre mondiale entraîne un rationnement de l’essence. Toutefois, dans les années 1950, il s’oppose violemment à un projet de contournement routier d’Oxford qui entraînerait la destruction de nombreux monuments.

Litre lma suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... t_id=10424#forumpost10424
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#84 J..R.R.Tolkien 2
Loriane Posté le : 04/01/2016 17:34

L'écrivain Influences Modernes

L’une des principales influences de Tolkien est l’auteur anglais William Morris, membre du mouvement Arts & Crafts. Dès 1914, Tolkien émet le désir d’imiter ses romances au style archaïsant, entrecoupées de poèmes, et entame la rédaction d’une histoire de Kullervo que son biographe Humphrey Carpenter décrit comme « guère plus qu’un pastiche de Morris». Le roman de Morris The House of the Wolfings, paru en 1888, prend place dans la forêt de Mirkwood, nom d’origine médiévale également repris dans Le Hobbit, et Tolkien avoue la « grande dette » qu’ont les paysages des marais des Morts dans Le Seigneur des anneaux envers The House of the Wolfings et The Roots of the Mountains, paru en 1889.
De nombreux critiques se sont penchés sur les ressemblances entre l’œuvre de Tolkien et les romans d’aventures de H. Rider Haggard, principalement Les Mines du roi Salomon 1885 et Elle 1887. Ce dernier présente une cité en ruine nommée Kôr, un nom repris tel quel par Tolkien dans les premières versions du Silmarillion, et la reine Ayesha, qui donne son titre au roman, évoque plusieurs aspects de Galadriel. Dans Les Mines du roi Salomon, la bataille finale et le personnage de Gagool rappellent la bataille des Cinq Armées et le personnage de Gollum dans Le Hobbit.
Les Hobbits, l’une des créations les plus fameuses de Tolkien, ont été en partie inspirés par les Snergs du roman d’Edward Wyke-Smith The Marvellous Land of the Snergs, paru en 1924. Ce sont des créatures humanoïdes de petite taille, aimant particulièrement la nourriture et les fêtes. Concernant le nom hobbit, Tolkien suggère également une possible influence inconsciente du roman satirique de Sinclair Lewis Babbitt, paru en 1922, dont le héros éponyme possède la même suffisance bourgeoise que les hobbits.

Mythologiques

Une influence majeure de Tolkien est la littérature, la poésie et la mythologie germaniques, notamment anglo-saxonnes, son domaine d’expertise. Parmi ces sources d’inspiration, le poème anglo-saxon Beowulf, les sagas norroises comme la Völsunga saga ou la Hervarar saga, l’Edda en prose et l’Edda poétique, le Nibelungenlied et bien d’autres œuvres liées en sont les principales.
Malgré les ressemblances de son œuvre avec la Völsunga saga et le Nibelungenlied, qui servirent de base à la tétralogie de Richard Wagner, Tolkien refuse toute comparaison directe avec le compositeur allemand, affirmant que Ces deux anneaux l’Anneau unique et l’Anneau des Nibelungen sont ronds, et c’est là leur seule ressemblance. Toutefois, certains critiques estiment que Tolkien doit en fait à Wagner des éléments comme le mal inhérent à l’Anneau et son pouvoir corrupteur, deux éléments absents des légendes originales, mais centraux dans l’opéra de Wagner. D’autres vont plus loin et estiment que Le Seigneur des anneaux se trouve dans l’ombre du plus monumental encore Anneau du Nibelung de Wagner.
Tolkien est formidablement attiré par le Kalevala finnois lorsqu’il le découvre, vers 1910. Quelques années plus tard, l’un de ses premiers écrits est une tentative de réécrire l’histoire de Kullervo88, dont plusieurs caractéristiques se retrouvent par la suite dans le personnage de Túrin, héros malheureux des Enfants de Húrin. Plus généralement, le rôle important de la musique et ses liens avec la magie sont un élément du Kalevala également présent dans l’œuvre de Tolkien.
Tolkien connaît bien le mythe arthurien, notamment le poème moyen anglais du XIVe siècle Sire Gauvain et le Chevalier vert, qu’il a édité, traduit et commenté. Toutefois, il n’apprécie pas ce corps de légendes outre mesure : trop extravagant, fantastique, incohérent, répétitif à son goût pour pouvoir constituer une véritable mythologie de l’Angleterre99 ». Cela n’empêche pas des motifs et échos arthuriens d’apparaître de manière diffuse dans Le Seigneur des anneaux, le plus évident étant la ressemblance entre les tandems Gandalf-Aragorn et Merlin-Arthur. Plus généralement, des parallèles apparaissent entre les mythes celtes et gallois et l’œuvre de Tolkien, par exemple entre l’histoire de Beren et Lúthien et Culhwch ac Olwen, un récit du Mabinogion gallois.

Catholiques

La théologie et l’imagerie catholiques ont participé à l’élaboration des mondes de Tolkien, comme il le reconnaît lui-même :
Le Seigneur des anneaux est bien entendu une œuvre fondamentalement religieuse et catholique ; de manière inconsciente dans un premier temps, puis de manière consciente lorsque je l’ai retravaillée. C’est pour cette raison que je n’ai pratiquement pas ajouté, ou que j’ai supprimé les références à ce qui s’approcherait d’une religion, à des cultes et à des coutumes, dans ce monde imaginaire. Car l’élément religieux est absorbé dans l’histoire et dans le symbolisme.
En particulier, Paul H. Kocher affirme que Tolkien décrit le mal de la façon orthodoxe pour un catholique : comme l’absence de bien. Il cite de nombreux exemples dans Le Seigneur des anneaux, comme l’œil sans paupière de Sauron : la fente noire de la pupille ouvrait sur un puits, fenêtre ne donnant sur rien. Selon Kocher, la source de Tolkien est Thomas d’Aquin, dont il est raisonnable de supposer que Tolkien, médiéviste et catholique, connaissait bien l’œuvre. Tom Shippey défend la même idée, mais, plutôt que Thomas d’Aquin, il estime que Tolkien était familier avec la traduction de la Consolation de la philosophie de Boèce réalisée par Alfred le Grand, également appelée Mètres de Boèce. Shippey soutient que la formulation la plus claire du point de vue chrétien sur le mal est celle de Boèce : le mal n’est rien. Le corollaire selon lequel le mal ne peut créer est à la base de la remarque de Frodon : l’Ombre qui les a produits peut seulement imiter, elle ne peut fabriquer : pas de choses vraiment nouvelles, qui lui soient propres ; Shippey pointe des remarques similaires faites par Sylvebarbe et Elrond et poursuit en affirmant que dans Le Seigneur des anneaux, le mal apparaît parfois comme une force indépendante, non comme la simple absence de bien, et suggère que les ajouts d’Alfred à sa traduction de Boèce sont peut-être à l’origine de ce point de vue. Par ailleurs, Tolkien appréciant beaucoup les Contes de Canterbury de Chaucer, il est possible qu'il ait eu connaissance de la traduction que celui-ci avait faite de La Consolation de Philosophie en moyen anglais.
Certains commentateurs ont également rapproché Tolkien de G. K. Chesterton, autre écrivain anglais catholique utilisant le merveilleux et le monde des fées comme allégories ou symboles de valeurs et de croyances religieuses. Tolkien connaît bien l’œuvre de Chesterton, mais il est difficile de dire s’il a vraiment constitué une de ses influences.
Dans l’essai Du conte de fées, Tolkien explique que les contes de fées ont cette particularité d’être à la fois cohérents en eux-mêmes et avec quelques vérités du monde réel. Le christianisme lui-même suit ce modèle de cohérence interne et de vérité externe. Son amour des mythes et sa foi profonde se rejoignent dans son affirmation selon laquelle les mythologies sont un écho de la Vérité divine, point de vue développé dans le poème Mythopoeia.

Œuvres Poèmes

Tolkien commence à rédiger des poèmes dans les années 1910. Il s’agit alors de sa principale forme d’expression, loin devant la prose. Ses vers sont le plus souvent inspirés par la nature, ou bien par des ouvrages qu’il étudie et apprécie, comme les Contes de Canterbury de Geoffrey Chaucer ou Piers Plowman de William Langland. Un trait caractéristique de ses poèmes de jeunesse est leur représentation des fées, d’inspiration victorienne : de petits êtres ailés vivant dans les prés et les bois. Par la suite, Tolkien renie cette image traditionnelle de la fée, et ses Elfes s’en détachent. Néanmoins, le poème Goblin Feet publié en 1915 connaît un succès honorable et est réédité dans plusieurs anthologies, au grand désespoir de son auteur pour qui il symbolise tout ce qu’il en est venu à détester au sujet des elfes. Encouragé par ses amis du T.C.B.S., notamment par le concile de Londres de 1914, Tolkien envoie en 1916 un recueil de poèmes intitulé The Trumpets of Faery à la maison d’édition londonienne Sidgwick & Jackson, mais il est refusé.
Après son retour de la guerre, Tolkien délaisse quelque peu les vers pour se consacrer à la rédaction des Contes perdus, en prose. Il continue toutefois à publier des poèmes dans diverses revues au cours des années 1920 et 1930. Durant son séjour à Leeds, il entreprend de relater en vers allitératifs l’histoire de Túrin Turambar. Cet effort reste inachevé : Tolkien l’abandonne en 1925, après avoir rédigé un peu plus de 800 vers, pour se consacrer au Lai de Leithian, qui relate l’histoire d’amour de Beren et Lúthien en distiques octosyllabiques. Tolkien travaille sur le Lai pendant sept ans avant de l’abandonner à son tour en 1931, au vers 4 175, malgré les commentaires approbateurs de son ami C. S. Lewis. Les années 1930 le voient s’essayer à de longs poèmes sur la mythologie nordique les deux lais publiés en 2009 sous le titre La Légende de Sigurd et Gudrún ou la légende arthurienne l’inachevé La Chute d'Arthur, publié en 2013.
Les œuvres les plus connues de Tolkien, Le Hobbit et Le Seigneur des anneaux, contiennent de nombreux poèmes, décrits par Tolkien comme « partie intégrante du récit et de la représentation des personnages, mais qui laissent souvent les critiques circonspects. Le recueil de poèmes Les Aventures de Tom Bombadil 1962, composé en grande partie de versions remaniées de poèmes écrits et publiés dans les années 1920-1930, n’attire guère l’attention, mais il est dans l’ensemble bien accueilli par la presse et par le public.

Livres pour enfants

Dans les années 1920, Tolkien commence à inventer des histoires pour distraire ses enfants. Bon nombre d’entre elles, comme celles du bandit Bill Stickers littéralement colleurs d’affiches et son ennemi juré, le Major Road Ahead littéralement croisement avec une grande route, dont les noms s’inspirent de panneaux croisés dans la rue, ne sont cependant jamais couchées sur le papier. D’autres le sont, notamment Roverandom, écrit pour consoler le petit Michael qui avait perdu son jouet préféré, Monsieur Merveille, qui relate les mésaventures du héros éponyme avec son automobile, ou Le Fermier Gilles de Ham, qui acquiert toutefois un ton plus adulte au fil des relectures117. En outre, Tolkien écrit chaque année entre 1920 et 1942 une lettre illustrée censée venir du père Noël à ses enfants ; un recueil de ces Lettres du Père Noël a été édité en 1976.
Le plus célèbre des livres pour la jeunesse de Tolkien, Le Hobbit, est également issu d’un conte imaginé par Tolkien pour ses enfants. À sa publication, en 1937, il reçoit un excellent accueil de la critique comme du public, est nommé pour la Carnegie Medal et remporte un prix décerné par le New York Herald Tribune. Il est toujours considéré comme un classique de la littérature enfantine. Toutefois, quelques années plus tard, Tolkien pose un regard critique sur son livre, regrettant de s’être parfois laissé aller à un ton trop puéril. Les enfants intelligents possédant un goût sûr il semble y en avoir un certain nombre ont toujours distingué comme des faiblesses, je suis heureux de le dire, les moments où le récit s’adresse directement aux enfants.

Le Seigneur des anneaux et Le Silmarillion

Après le succès du Hobbit, l’éditeur de Tolkien, Stanley Unwin, le presse d’écrire une suite. Incertain, Tolkien commence par lui proposer un ouvrage très différent : Le Silmarillion, un recueil de légendes mythologiques imaginaires sur lequel il travaille depuis près de vingt ans.
En effet, c’est vers 1916-1917 que débute la rédaction de la première mouture des légendes du Silmarillion, Le Livre des contes perdus. Il s’agit alors d’un ensemble d’histoires racontées à Eriol, un marin danois du Ve siècle de notre ère, par les elfes de l’île de Tol Eressëa, située loin à l’Ouest. L’idée de Tolkien est alors de créer une mythologie pour l’Angleterre : la fin des Contes perdus, jamais rédigée, devait voir l’île de Tol Eressëa, brisée en deux, devenir la Grande-Bretagne et l’Irlande. Les elfes auraient progressivement disparu de leur ancien pays, et les chefs semi-légendaires Hengist et Horsa se seraient avérés être les fils d’Eriol. Tolkien abandonne assez tôt ce projet ambitieux de mythologie anglaise, mais il retient l’idée du marin humain servant de moyen de transmission des légendes elfiques : ce rôle est par la suite attribué à Ælfwine, un marin anglo-saxon du XIe siècle.
Dans les années 1920, les légendes du Silmarillion sont délaissées au profit du Lai des Enfants de Húrin, puis du Lai de Leithian. Tolkien retourne à la prose dans les années 1930 et rédige plusieurs textes liés : le mythe cosmogonique de l’Ainulindalë, deux ensembles d’annales, des précis sur l’histoire des langues Lhammas et la géographie du monde Ambarkanta. Au cœur de l’ensemble se trouve la Quenta Noldorinwa ou Histoire des Noldoli, qui prend ensuite le nom de Quenta Silmarillion.
Cet ensemble de textes reçoit un accueil pour le moins circonspect de la part d’Allen & Unwin, et dès décembre 1937, Tolkien entreprend la rédaction d’une suite au Hobbit. Il lui faut près de douze années pour terminer Le Seigneur des anneaux, un roman qui a presque totalement perdu le ton enfantin de son prédécesseur en se rapprochant davantage du monde ancien et noble du Silmarillion. À sa publication, en 1954-1955, le roman reçoit un accueil varié de la part de la critique, mais le public le plébiscite, notamment aux États-Unis après sa parution au format poche dans les années 1960. Sa popularité n’a jamais failli depuis : traduit dans une quarantaine de langues, il a été le sujet d’innombrables articles et ouvrages d’analyse et est sorti vainqueur de nombreux sondages réalisés auprès du public.
Le succès du Seigneur des anneaux assure à Tolkien que son Silmarillion, désormais très attendu, sera publié ; mais reste encore à l’achever. L’auteur passe les vingt dernières années de sa vie à travailler en ce sens, mais la tâche se révèle ardue et il ne parvient pas à l’accomplir, victime de ses hésitations et de la simple quantité de travail de réécriture et de correction à fournir pour le rendre cohérent avec les profondes modifications apportées par Le Seigneur des anneaux. Qui plus est, il se laisse fréquemment distraire en rédigeant des textes sur des points de détail en négligeant la trame principale : La sous-création en elle-même était devenue un passe-temps qui apportait sa propre récompense, indépendamment du désir d’être édité.

Publications posthumes

Le Silmarillion est toujours inachevé à la mort de Tolkien, en 1973. Il a fait de son troisième fils, Christopher, son exécuteur littéraire : il lui revient de procéder à l’édition de cet ouvrage. Il y travaille pendant près de quatre ans, avec l’aide de Guy Gavriel Kay, et réorganise les écrits hétéroclites et parfois divergents de son père sous la forme d’un texte continu, sans narrateur externe. Le Silmarillion paraît en 1977 et reçoit des critiques très variées : beaucoup jugent négativement son style archaïsant, son absence d’intrigue continue et son grand nombre de personnages.
Christopher Tolkien a poursuivi sa tâche éditoriale dans les années qui suivent, tout d’abord avec Contes et légendes inachevés 1980, une compilation de divers textes postérieurs au Seigneur des anneaux, de nature essentiellement narrative, puis avec les douze volumes de l’Histoire de la Terre du Milieu 1983-1996, une étude longitudinale des textes de son père ayant servi à l’élaboration du Silmarillion, ainsi que des brouillons du Seigneur des anneaux et d’autres écrits inédits. Les brouillons du Hobbit, laissés volontairement de côté par Christopher Tolkien durant l’élaboration de l’Histoire de la Terre du Milieu, ont été publiés à leur tour en 2007 par John D. Rateliff dans les deux volumes de The History of The Hobbit.
Dans les années 2000, Christopher Tolkien a édité deux ouvrages supplémentaires de son père : Les Enfants de Húrin 2007, une version indépendante, à part entière de l’histoire de Túrin, déjà relatée dans Le Silmarillion et Contes et légendes inachevés, puis La Légende de Sigurd et Gudrún, 2009, deux longs poèmes inspirés de la mythologie nordique. Ont suivi La Chute d'Arthur 2013, une relecture du mythe arthurien, et L'Histoire de Kullervo, reprise d'un épisode du Kalevala 2015.

Illustrations

Tolkien commence à dessiner et à peindre des aquarelles dans son enfance, une activité qu’il ne délaisse jamais totalement, bien que ses autres obligations ne lui laissent guère le loisir de s’y consacrer et qu’il se considère lui-même comme un artiste médiocre. Dessiner des personnages n’est pas son point fort, et la plupart de ses œuvres représentent donc des paysages, réels ou à partir des années 1920 imaginaires, inspirés par ses lectures le Kalevala, Beowulf ou la mythologie naissante du Silmarillion. En vieillissant, il délaisse en partie l’art figuratif au profit de motifs ornementaux, où l’on retrouve fréquemment la figure de l’arbre, qu’il griffonne sur des enveloppes ou des journaux.
Les récits qu’il imagine pour ses enfants sont également abondamment illustrés, qu’il s’agisse des Lettres du Père Noël, de Roverandom ou du Hobbit. Lorsque ce dernier est publié, il inclut quinze illustrations en noir et blanc de Tolkien dont deux cartes, qui réalise également la jaquette du livre. L’édition américaine comprend cinq illustrations supplémentaires en couleur. En revanche, Le Seigneur des anneaux, livre coûteux à produire, n’inclut aucune illustration de Tolkien. Trois recueils d’illustrations de Tolkien ont été publiés après sa mort : Peintures et aquarelles de J. R. R. Tolkien 1979, édité par Christopher Tolkien ; J. R. R. Tolkien : artiste et illustrateur 1995, plus complet, édité par Wayne G. Hammond et Christina Scull ; et enfin The Art of the Hobbit 2011, reprenant des illustrations relatives au Hobbit déjà publiées dans les deux ouvrages précédents, ainsi que plusieurs dessins et esquisses inédits.

Postérité

Tolkien a redonné vie à la fantasy ; il l’a rendue respectable ; il a fait naître un goût pour elle chez les lecteurs comme chez les éditeurs ; il a ramené les contes de fées et les mythes des marges de la littérature ; il a élevé le niveau » pour les auteurs de fantasy. Son influence est si puissante et omniprésente que pour bien des auteurs, la difficulté n’a pas été de le suivre, mais de s’en dégager, de trouver leur propre voix … Le monde de la Terre du Milieu, comme celui des contes de fées des frères Grimm au siècle précédent, est entré dans le mobilier mental du monde occidental.
Tom Shippey résume l’influence de Tolkien sur la littérature en disant qu’il a fondé le genre de l’heroic fantasy sérieuse : s’il n’est pas le premier auteur moderne du genre, il a marqué de son empreinte l’histoire de la fantasy grâce au succès commercial du Seigneur des anneaux, inégalé à l’époque. Ce succès donne lieu à l’émergence d’un nouveau marché dans lequel les éditeurs ne tardent pas à s’engouffrer, notamment l’Américain Ballantine Books qui édite également Tolkien en poche aux États-Unis. Plusieurs cycles de fantasy publiés dans les années 1970 témoignent d’une forte influence de Tolkien, par exemple L’Épée de Shannara de Terry Brooks 1977, dont l’histoire est très proche de celle du Seigneur des anneaux, ou Les Chroniques de Thomas Covenant de Stephen R. Donaldson, dont l’univers de fiction rappelle la Terre du Milieu. À l’inverse, d’autres auteurs se définissent par opposition à Tolkien et aux idées qu’il leur semble véhiculer, comme Michael Moorcock qui le fustige dans son article Epic Pooh ou Philip Pullman, mais comme le souligne Shippey, ils doivent eux aussi leur succès à celui rencontré par Tolkien.
En 2008, le Times classe Tolkien en sixième position d’une liste des 50 plus grands écrivains britanniques depuis 1945
En 2012, les archives de l'Académie suédoise révèlent que Tolkien faisait partie de la cinquantaine d'auteurs en lice pour le Prix Nobel de littérature en 1961. La candidature de Tolkien, proposée par son ami C. S. Lewis, est rejetée par le comité des Nobel : l'académicien Anders Österling écrit que Le Seigneur des anneaux n'est en aucun cas de la grande littérature. Le prix revient au Yougoslave Ivo Andrić.

Le philologue Carrière académique

La carrière académique de Tolkien, de même que sa production littéraire, sont inséparables de son amour des langues et de la philologie. À l’université, il se spécialise dans ce domaine et obtient son diplôme en 1915 avec le vieux norrois comme spécialité. Entre 1918 et 1920, il travaille pour l’Oxford English Dictionary et contribue à plusieurs entrées commençant par la lettre W ; par la suite, il déclare avoir appris davantage au cours de ces deux années que durant aucune autre période équivalente de son existence. En 1920, il devient professeur assistant reader de langue anglaise à l’université de Leeds, et se félicite d’y avoir fait passer le nombre d’étudiants en linguistique de cinq à vingt, soit davantage proportionnellement qu’à Oxford à la même date, soulignant que la philologie semble avoir perdu pour ces étudiants sa connotation de terreur, sinon celle de mystère. Il y donne des cours sur les poèmes héroïques en vieil-anglais, sur l’histoire de l’anglais, et sur divers textes en vieil et moyen anglais, ainsi que des introductions à la philologie germanique, au gotique, au vieux norrois et au gallois médiéval.
Après son arrivée à Oxford, Tolkien s’implique dans la querelle séculaire opposant, au sein de la faculté d’anglais, linguistes, Lang et littéraire, Lit. Il se désole de la situation qu’elle entraîne concernant les programmes : en effet, les règles phonologiques que doivent apprendre les étudiants en linguistique ne s’appuient pas sur l’étude même des textes en vieil et moyen anglais, dont la lecture n’est pas au programme, ce que Tolkien juge absurde. Il propose une refonte des programmes rendant optionnelle l’étude des écrivains du XIXe siècle, afin de laisser la place aux textes médiévaux. Cette réforme des programmes fait l’objet de violentes oppositions, dont celle de C. S. Lewis lui-même au début, mais est finalement adoptée en 1931. Malgré une opposition croissante après 1945, les programmes conçus par Tolkien restent en vigueur jusqu’à sa retraite.
Parmi ses travaux académiques, la conférence de 1936 Beowulf : Les Monstres et les Critiques a une influence déterminante sur l’étude du poème Beowulf. Tolkien est parmi les premiers à considérer le texte comme une œuvre d’art en soi, digne d’être lue et étudiée en tant que telle, et non comme une simple mine d’informations historiques ou linguistiques à exploiter. Le consensus de l’époque rabaisse Beowulf en raison des combats contre des monstres qu’il met en scène et regrette que le poète ne parle pas des véritables conflits tribaux de l’époque ; pour Tolkien, l’auteur de Beowulf cherche à évoquer le destin de l’humanité tout entière, au-delà des luttes tribales, ce qui rend les monstres essentiels.
En privé, Tolkien est attiré par les faits possédant une signification raciale ou linguistique, et dans sa conférence de 1955 L’Anglais et le Gallois, qui illustre sa vision des concepts de langue et de race, il développe des notions de préférences linguistiques inhérentes, opposant la première langue apprise, la langue de la coutume à la langue natale. Dans son cas, il considère le dialecte moyen anglais des West Midlands comme sa langue natale, et comme il l’écrit à W. H. Auden : Je suis des West Midlands par mon sang et j’ai pris goût au haut moyen anglais des West Midlands comme langue connue dès que je l’ai vu.
Tolkien apprend dans son enfance le latin, le français et l’allemand, que lui enseigne sa mère. Durant sa scolarité, il apprend le latin et le grec, le vieil et le moyen anglais, et se passionne pour le gotique, le vieux norrois, le gallois, qu’il découvre dans son enfance à travers des noms inscrits à la craie sur les trains qui passent non loin de sa maison à Birmingham, ainsi que le finnois. Ses contributions à l’Oxford English Dictionary et les instructions laissées aux traducteurs du Seigneur des anneaux témoignent de connaissances plus ou moins étendues en danois, en lituanien, en moyen néerlandais et en néerlandais moderne, en norvégien, en vieux-slave, en russe, en proto-germanique, en vieux saxon, en vieux haut-allemand et en moyen bas allemand.
Tolkien s’intéresse également à l’espéranto, alors jeune langue internationale, née peu avant lui. Il déclare en 1932 : J’ai de la sympathie en particulier pour les revendications de l’espéranto […] mais la principale raison de le soutenir me semble reposer sur le fait qu’il a déjà acquis la première place, qu’il a reçu le plus large accueil. Cependant, il nuance ultérieurement son propos dans une lettre de 1956 ; selon lui, le volapük, l’espéranto, le novial, etc., sont des langues mortes, bien plus mortes que des langues anciennes que l’on ne parle plus, parce que leurs auteurs n’ont jamais inventé aucune légende espéranto.

Langues construites

A Elbereth Gilthoniel, un poème sindarin écrit en tengwar publié dans Le Seigneur des anneaux et The Road Goes Ever On.
En parallèle à ses travaux professionnels, et parfois même à leur détriment au point que ses publications académiques restent assez peu nombreuses, Tolkien se passionne pour les langues construites. Amoureux des mots au-delà de son métier, il a une passion qu’il appelle son vice secret : la construction pure et simple de tout un vocabulaire imaginaire, avec son lot de notes étymologiques et de grammaires fictives. Pas moins d’une dizaine de langues construites figurent dans Le Seigneur des anneaux, au travers des toponymes ou des noms des personnages, de brèves allusions discursives ou de chants et de poèmes. L’ensemble participe à la vraisemblance du récit, chacun des peuples de la Terre du Milieu ayant ses traditions, son histoire et ses langues.
Tolkien aborde sa conception personnelle des langues construites dans son essai Un vice secret, issu d’une conférence donnée en 1931. La composition d’une langue, pour lui, relève d’un désir esthétique et euphonique, participant d’une satisfaction intellectuelle et d’une symphonie intime. Il dit avoir commencé à inventer ses propres langues vers l’âge de 15 ans, et son métier de philologue n’est qu’un des reflets de sa passion profonde pour les langues. S’il considère avant tout l’invention d’une langue comme une forme d’art à part entière, il ne conçoit pas qu’elle puisse exister sans avoir une mythologie propre, à savoir un ensemble d’histoires et de légendes accompagnant son évolution, comme le montre sa remarque sur l’espéranto. Il commence à concevoir ses langues avant la rédaction des premières légendes. Considérant qu’il existe un lien fondamental entre une langue et la tradition qu’elle exprime, il est naturellement amené à concevoir son propre legendarium dans lequel s’inscrivent ses langues : il affirme ironiquement n’avoir écrit Le Seigneur des anneaux que dans le but d’avoir un cadre rendant naturelle une formule de salutation elfique de sa composition.
Tolkien travaille durant toute sa vie sur ses langues construites sans jamais véritablement les achever. Son plaisir se trouve davantage dans la création linguistique que dans le but d’en faire des langues utilisables. Si deux d’entre elles le quenya et le sindarin sont relativement développées, avec un vocabulaire de plus de 2 000 mots et une grammaire plus ou moins définie, beaucoup d’autres auxquelles il fait allusion dans ses écrits sont tout juste esquissées. Ces diverses langues sont néanmoins construites sur des bases linguistiques sérieuses, avec une volonté de respecter le modèle des langues naturelles. Par exemple, le khuzdul, langue des Nains, et l’adûnaic, langue des hommes de Númenor, ressemblent par certains aspects aux langues sémitiques, en particulier dans leur structure trilitère ou dans la présence de procédés comme la mimation. Si le quenya des Hauts-Elfes est une langue à flexions comme le grec et le latin, son vocabulaire et sa phonologie sont conçus sur un modèle proche du finnois. Quant à la langue sindarine des Elfes Gris, elle s’inspire très librement du gallois dans certains de ses aspects phonologiques, comme les mutations de consonnes initiales ou lénitions. Les langues de Tolkien ne sont pas pour autant de simples copies des langues naturelles et elles ont leurs propres spécificités.
Tolkien imagine aussi plusieurs systèmes d’écriture pour ses langues : une écriture cursive les Tengwar de Fëanor et un alphabet de type runique les Cirth de Daeron sont illustrés dans le corps du Seigneur des anneaux. Un troisième système, les sarati de Rúmil, apparaît dans le cadre de la Terre du Milieu, mais Tolkien l’utilise également, à la fin des années 1910, pour écrire son journal.

Liste simplifiée des œuvres

Articles détaillés : Liste d'œuvres de J. R. R. Tolkien et Études sur J. R. R. Tolkien.
1936 : Beowulf : Les Monstres et les Critiques, essai
1937 : Le Hobbit, roman
1945 : Feuille, de Niggle, nouvelle
1947 : Du conte de fées, essai
1949 : Le Fermier Gilles de Ham, conte
1954-1955 : Le Seigneur des anneaux, roman
1954 : La Fraternité de l’anneau ancienne traduction : La Communauté de l’anneau
1954 : Les Deux Tours
1955 : Le Retour du roi
1962 : Les Aventures de Tom Bombadil, recueil de poèmes
1967 : Smith de Grand Wootton, conte
À titre posthume, ouvrages édités par Christopher Tolkien et d’autres :
1975 : Sir Gawain and the Green Knight, Pearl and Sir Orfeo, traduction de poèmes médiévaux
1977 : Le Silmarillion, roman
1980 : Contes et légendes inachevés, recueil de textes sur la Terre du Milieu
1982 : Monsieur Merveille, conte
1983 : Les Monstres et les Critiques et autres essais, recueil d'articles et de conférences
1983-1996 : Histoire de la Terre du Milieu 12 volumes, recueil de textes sur la Terre du Milieu
1998 : Roverandom, conte édité par Wayne G. Hammond et Christina Scull
2007 : Les Enfants de Húrin, roman
2007 : The History of The Hobbit édité par John D. Rateliff
2009 : La Légende de Sigurd et Gudrún, poèmes
2013 : La Chute d'Arthur, poème
2015 : L'Histoire de Kullervo, récit
En complément de l’Histoire de la Terre du Milieu et sous l’égide de Christopher Tolkien et du Tolkien Estate, les fanzines américains Vinyar Tengwar et Parma Eldalamberon et la revue universitaire Tolkien Studies publient régulièrement des textes inédits de J. R. R. Tolkien





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#85 Pierre Larousse
Loriane Posté le : 04/01/2016 16:28
Le 3 janvier 1875 à Paris meurt Pierre Larousse

né le 23 octobre 1817 à Toucy dans l'Yonne et mort le 3 janvier 1875 à Paris, est un pédagogue, encyclopédiste, lexicographe et éditeur français. Il est surtout connu pour les dictionnaires qui portent son nom, dont Le Petit Larousse.

En bref

D'abord instituteur, puis directeur de l'école primaire supérieure de Toucy Yonne où il est né, Pierre Larousse vient en 1840 à Paris dans le but d'approfondir ses connaissances en pédagogie et en lexicologie. En 1852, il crée avec Augustin Boyer 1821-1896 une maison d'édition, la Librairie Larousse et Boyer, qui publie une collection de manuels pédagogiques conçus en grande partie par Larousse lui-même et qui visent à améliorer l'enseignement de la grammaire Traité complet d'analyse et de synthèse logique, 1852 ; Grammaire complète syntaxique et littéraire, 1868, etc.. Il crée également deux périodiques, L'École normale 1858-1865 et L'Émulation 1862-1864. Sa passion de la lexicologie l'amène en 1856 à publier un Nouveau Dictionnaire de la langue française, qui deviendra plus tard le Petit Larousse. Dans cet ouvrage qui se veut facilement consultable, l'association de notices à caractère lexicologique et encyclopédique prépare ce qui sera son grand œuvre : le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, qui va s'efforcer de présenter de manière organique les connaissances de son temps. L'ouvrage paraît entre 1864 et 1876, sous forme de fascicules à 1 franc, et connaît un énorme succès. Malgré l'épuisement et la maladie, Pierre Larousse va mener à bien son grandiose projet, où l'ampleur des domaines abordés va de pair avec une grande liberté de ton ainsi qu'un constant souci de didactisme et d'humanisme, très en phase avec les conceptions de l'école laïque de Jules Ferry. Dans sa composition, ses choix et son écriture, Pierre Larousse est aussi l'auteur de nombreux articles, notamment dans le domaine littéraire, le Grand Dictionnaire universel constitue un document indispensable pour qui veut approcher l'histoire culturelle du milieu du XIXe siècle.
Sa vie

Né dans la petite ville de Toucy dans l'Yonne en 1817 de Edmé Athanase Larousse (1793-1877) charron-forgeron et de Louise Guillemot (1795-1871) cabaretière, il est un brillant élève déjà désireux de devenir encyclopédiste comme Diderot et obtient à 16 ans une bourse de l’université pour compléter sa formation à Versailles. De retour à Toucy, il devient, à 20 ans à peine, instituteur à l’école primaire supérieure. Pendant trois ans il cherche à renouveler la pédagogie en faisant appel à la curiosité des enfants avant de rejoindre Paris en 1840.
Pendant huit années, il suit les cours gratuits de la Sorbonne, étudie au Conservatoire national des arts et métiers, au Muséum national d'histoire naturelle et au Collège de France et fréquente de grandes bibliothèques. Il étudie le latin, le grec, la linguistique, le sanskrit, le chinois, les littératures française et étrangère, l'histoire, la philosophie, la mécanique et l'astronomie. En 1848, il entre à l'Institution Jauffret comme répétiteur ; il y restera trois ans.
Larousse acquiert une propriété à Toucy où son désir secret de Bourguignon attaché à la terre est de cultiver la vigne. La Lexicologie des écoles primaires paraît en 1849. Une nouvelle édition de cet ouvrage est publiée en 1852 sous le titre Grammaire élémentaire lexicologique. C'est la première pierre d'un édifice monumental en gestation.
Il fonde en 1852 une maison d'édition avec Augustin Boyer, la Librairie Larousse, qui se développe rapidement. C'est le 1er mars 1852 que Pierre Larousse demande officiellement un brevet de libraire-éditeur. Le 23 octobre 1852, il reçoit l'autorisation d'exercer. Il a derrière lui plusieurs années de travail acharné. Son objectif est de tout savoir dans tous les domaines. Son autre souhait est aussi de préparer l'édition de manuels scolaires destinés aux écoles primaires, comme le Traité complet des analyses médicales.
En 1856, est publié avec l’aide de François Pillon le Nouveau Dictionnaire de la langue française, l’ancêtre du Petit Larousse. Il est condamné par l’Église et mis à l’Index des Livres Interdits par le Saint-Office de l’Inquisition romaine.

Son œuvre majeure fut le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle. D’abord publié en fascicules entre 1864 et 1866, il les regroupe en 17 volumes de 1866 à 1876 et mit onze ans jusqu’à sa mort pour écrire ce dictionnaire de 22 700 pages.

Mariage, décès et succession

Tombe de Pierre Larousse au cimetière du Montparnasse
Après vingt-cinq ans de vie en concubinage avec Pauline Suzanne Caubel, le libertaire Pierre Larousse qui avait subi une attaque vasculaire-cérébrale et se savait proche du terme de sa vie, l'épouse sous le régime de la communauté de biens devant le maire du 5e arrondissement le 13 janvier 1872, avec notamment pour témoins Prudence Boissière et Pierre-Augustin Boyer mais en l'absence de sa famille. Agissant de la sorte, Larousse confie en priorité la gestion de ses bien à sa compagne, tout en marquant son amitié à son ex-associé, sans toutefois que son affection pour son neveu Julien Hollier ne soit à remettre en question1. Celui-ci demeure d'ailleurs son héritier avec celle qui est désormais sa tante.
Pierre Larousse meurt de congestion cérébrale à Paris en 1875, l'année de la fondation de la société Larousse. Conformément à ses volontés, il est enterré civilement au cimetière Montparnasse 14e division.
La succession Larousse donnera lieu à d'âpres différends après le décès en 1890 de Pauline Larousse, qui avait bénéficié de l'usufruit de la moitié du ménage Larousse et qui s'était mise en ménage avec le peintre Constant Noleau. Mais l’œuvre du lexicographe sera poursuivie et achevée par son neveu Julien Hollier 1842-1909. Jules Hollier deviendra administrateur du grand dictionnaire universel et directeur de la librairie Larousse. Par décret du 19 janvier 1885, il est autorisé à ajouter à son nom celui de sa mère il est donc Julien Hollier-Larousse. De son mariage avec Louise Jozwick 1854-1920, il a quatre enfants : Pierre 1878-1959, Jules 1879-1970, Jeanne 1880-1954 et Louise Hollier-Larousse 1882-1951.
Aujourd’hui, le patronyme de Larousse est devenu un nom commun et l’activité de la Librairie Larousse a pris un essor considérable depuis les premiers pas lors de l’installation à Paris, rue Pierre-Sarrazin puis rue Saint-André-des-Arts.

Hommages

Monument à Pierre Larouse à Toucy début du XXe siècle.
Il existe une rue Pierre-Larousse à Paris 14e arrondissement depuis 1890, ainsi qu'une école élémentaire éponyme au numéro 28 et une rue à Rosières-prés-Troyes dans l'Aube, ainsi qu'à Yerres (91), où il vécut.

Œuvres

Ouvrage principales
Grand dictionnaire universel du XIXe siècle 1866-1877, 17 volumes dont deux suppléments.

Nouveau Larousse illustré

Le Nouveau Larousse Illustré en sept volumes constitue le fleuron de la librairie Larousse au tout début du xxe siècle. En effet, la rigueur de son contenu, illustré de nombreux exemples et développements encyclopédiques, et, pour la première fois, l'introduction d'une iconographie riche au service du texte constituent une avant-première dans le domaine de l'édition. Vendu à plus de 250 000 exemplaires, ce chef-d'œuvre de l'édition française, dirigé par le lexicographe Claude Augé, rend à travers son titre un vibrant hommage au travail de Pierre Larousse. Cet ouvrage prestigieux est désormais très recherché des collectionneurs. Il a également servi de modèle à la conception du Petit Larousse Illustré qui résume en un volume ce que le Nouveau Larousse illustré développait considérablement dans ses sept volumes.

Autres ouvrages

Traité complet d'analyse grammaticale, 1850,
Jardin des racines grecques, 1858,
Jardin des racines latines, 1860,
Flore latine des dames et des gens du monde, ou clef des citations latines que l'on rencontre fréquemment dans les ouvrages des écrivains français, avec une préface de M. J. Janin, Larousse et Boyer, 1861,
Fleurs historiques des dames et des gens du monde, clef des allusions aux faits et aux mots célèbres que l'on rencontre fréquemment dans les ouvrages des écrivains français, Administration du Grand Dictionnaire, 1862,
Nouveau dictionnaire, illustré
Dictionnaire complet, illustré
L'École normale, journal d'éducation et d'instruction, collection complète formant treize volumes qui peuvent être considérés comme la bibliothèque de l'enseignement pratique dans l'école et dans la famille,
Méthode lexicologique de lecture, avec 31 vignettes caractéristiques,
Petite encyclopédie du jeune âge,
Petite grammaire lexicologique du premier âge,
La Lexicologie des écoles, cours complet de langue française et de style divisé en trois années :
Première année : Grammaire élémentaire lexicologique,
Deuxième année : Grammaire complète, syntaxique et littéraire,
Troisième année : Grammaire supérieure,
Exercices d'orthographe et de syntaxe,
Le Livre des permutations,
Dictées sur l'Histoire de France,
Traité complet d'analyse et de synthèse logiques,
ABC du style et de la composition,
Miettes lexicologiques,
Cours lexicologique de style,
Art d'écrire,
Nouveau Traité de versification française,
Grammaire littéraire,
Petite Flore latine,
La Femme sous tous ses aspects,
Monographie du chien,
Les Jeudis de l'institutrice, avec A. Deberle,
Trésor poétique, avec Boyer,
Félix Clément et Pierre Larousse, Dictionnaire des opéras : Dictionnaire lyrique, Paris, Administration du grand dictionnaire universel,‎ 1881 (lire en ligne), disponible sur Gallica, contenant l'analyse et la nomenclature de tous les Opéras et Opéras-comiques représentés en France et à l'étranger, depuis l'origine de ce genre d'ouvrages jusqu'à nos jours, avec Félix Clément.

Controverses

On lui doit plusieurs définitions célèbres dont certaines pourraient choquer aujourd'hui mais qu'il faut remettre dans le contexte et les mentalités de l'époque :
« BONAPARTE, - le nom le plus grand, le plus glorieux, le plus éclatant de l'histoire, sans excepter celui de Napoléon, général de la République française, né à Ajaccio île de la Corse, le 15 août 1769, mort au château de Saint-Cloud près de Paris, le 18 brumaire, an VIII de la République française, une et indivisible 9 novembre 1799. » et il rajoute, dans la droite ligne des encyclopédistes : « Ce début, qui va faire dresser plus d'une oreille, montre tout simplement qu'en toutes choses nous aimons les situations tracées ; et les oreilles reviendront à leur état normal quand nous aurons dit que nous voyons deux hommes, aussi bien que deux noms, en Napoléon Bonaparte : Bonaparte et Napoléon ; le général républicain, l'écolier de Brienne, le brillant officier de Toulon, le convive républicain du Souper de Beaucaire, le vainqueur d'Arcole, etc. ; puis le colosse d'Austerlitz, le maître de l'Europe, le vaincu de Waterloo, le prisonnier de Sainte-Hélène. Oui, il y a deux hommes en cette personnalité, en cet être si singulièrement doué, dont le double nom et le double visage, d'un caractère tout particulier, se sont trouvés admirablement appropriés au double rôle qu'il a joué dans le monde. Auguste a beau s'appeler Octave ; Octave a beau se nommer Auguste ; c'est toujours le même homme, rusé, timide, hypocrite, astucieux, reniant ses amis quand son intérêt lui commande de les sacrifier. Ici, nous le répétons, nous avons deux hommes distincts, en même temps que deux noms séparés. »
Napoléon Bonaparte n'est pas mort le 9 novembre 1799, mais le 5 mai 1821, cet article a fait un scandale à l'époque et Pierre Larousse à reconnu lui même avoir volontairement changé sa date de décès pour des raisons politiques. Il est également à l'origine du terme « faits divers » et de son utilisation pour divertir l'opinion des problèmes politiques de son époque6.
« NÈGRE, - C'est en vain que quelques philanthropes ont essayé de prouver que l'espèce nègre est aussi intelligente que l'espèce blanche. Un fait incontestable et qui domine tous les autres, c'est qu'ils ont le cerveau plus rétréci, plus léger et moins volumineux que celui de l'espèce blanche. Mais cette supériorité intellectuelle qui selon nous ne peut être révoquée en doute, donne-t-elle aux blancs le droit de réduire en esclavage la race inférieure ? Non, mille fois non. Si les nègres se rapprochent de certaines espèces animales par leurs formes anatomiques, par leurs instincts grossiers, ils en diffèrent et se rapprochent des hommes blancs sous d'autres rapports dont nous devons tenir grand compte. Ils sont doués de la parole, et par la parole nous pouvons nouer avec eux des relations intellectuelles et morales, nous pouvons essayer de les élever jusqu'à nous, certains d'y réussir dans une certaine limite. Du reste, un fait plus sociologique que nous ne devons jamais oublier, c'est que leur race est susceptible de se mêler à la nôtre, signe sensible et frappant de notre commune nature. Leur infériorité intellectuelle, loin de nous conférer le droit d'abuser de leur faiblesse, nous impose le devoir de les aider et de les protéger. » 7
Jeanne d'Arc a fait les frais de diverses tentatives de récupérations politiques et religieuses. Larousse en a donné une définition apolitique et non-religieuse, et que l'on retrouve dans l'article Jeanne d'Arc : naissance d'un mythe.



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#86 Pierre de Ronsart
Loriane Posté le : 27/12/2015 19:48
Le 27 décembre 1585 à 61 ans meurt Pierre de Ronsard

au Prieuré de Saint-Cosme en Touraine, né le 11 septembre 1524 au château de la Possonnière, près du village de Couture-sur-Loir en Vendômois Royaume de France, poètes français les plus importants du XVIe siècle.
Prince des poètes et poète des princes, Pierre de Ronsard est une figure majeure de la littérature poétique de la Renaissance. Auteur d’une œuvre vaste qui, en plus de trente ans, s'est porté aussi bien sur la poésie engagée et officielle dans le contexte des guerres de religions avec Les Hymnes et les Discours 1555-1564, que sur l’épopée avec La Franciade 1572 ou la poésie lyrique avec les recueils Les Odes 1550-1552 et des Amours Les Amours de Cassandre, 1552 ; Les Amours de Marie, 1555 ; Sonnets pour Hélène, 1578.
Imitant les auteurs antiques, Ronsard emploie d'abord les formes de l'ode Mignonne, allons voir si la rose et de l'hymne, considérées comme des formes majeures, mais il utilisera de plus en plus le sonnet transplanté en France par Clément Marot en 1536 en employant le décasyllabe Mon dieu, mon dieu, que ma maistresse est belle! , Les Amours, ou Je vous envoye un bouquet…, Continuation des Amours comme le mètre moderne de l'alexandrin Comme on voit sur la branche… Second livre des Amours, ou Quand vous serez bien vieille…, Sonnets pour Hélène.

En bref

C'est plus grand que Virgile et ça vaut Goethe, disait Flaubert de l'œuvre de Ronsard. Précisons qu'il la lisait dans une édition des Œuvres complètes – ce que nos contemporains font rarement –, après s'être aperçu que les anthologies vous privaient du meilleur : Les plus belles choses en sont absentes. Depuis cette époque, rien n'a changé. Ronsard est toujours sous le coup des contre-sélections qui le réduisent aux joliesses qui enchantaient Sainte-Beuve et Théodore de Banville. Pour découvrir l'émule de Virgile et de Goethe, il faut se faire explorateur. On se trouve alors en présence d'une œuvre extraordinairement complexe et foisonnante, bien faite pour dérouter les goûts néo-classiques et les simplifications scolaires, l'œuvre d'un écrivain de transition à mi-chemin entre la Renaissance et l'âge du baroque.
Né dans une gentilhommière de la campagne vendômoise l'année où le roi François est au comble de la gloire, mais à la veille du désastre de Pavie, Ronsard appartient à la génération des fils de combattants des guerres d'Italie. Quand son père meurt, il a vingt ans et il suit avec Jean Antoine de Baïf les leçons de grec de Jean Daurat. C'est aussi l'année de la mort de Clément Marot et de la publication de la Délie de Maurice Scève. Trois ans plus tard, en 1547, l'année de la mort de François Ier et de l'avènement de Henri II, il a déjà écrit sa première ode, au collège Coqueret où Joachim du Bellay l'a rejoint. Il publie le premier livre des Amours, au moment où Henri II venge son père en reprenant Toul et Verdun aux impériaux 1552, et les Hymnes l'année de la paix d'Augsbourg et des mauvais présages des Prophéties de Nostradamus 1555. Il publie la première édition de ses Œuvres l'année de la mort de Du Bellay et de Scève, au moment de la conjuration d'Amboise et des états généraux d'Orléans 1560. Malgré le déchaînement des guerres civiles, il est, à quarante ans, au comble de la gloire. Poète officiel de la cour de Charles IX, organisateur et metteur en scène des fêtes, propagandiste de la politique royale, à l'heure où le concile de Trente va s'achever, où Calvin et Michel-Ange viennent de mourir, il se pose en porte-parole de la Contre-Réforme sans toujours bien comprendre ce qu'elle implique ni prévoir les prises de position qu'elle va susciter. Ronsard est en effet resté un homme de la pré-Réforme, plus proche des humanistes néo-platoniciens du début du siècle que des hommes nouveaux qui préparent les futurs combats entre théologiens jésuites et jansénistes.
Malgré la force des courants contraires, la civilisation humaniste de la Renaissance se survit encore quelque temps autour des Valois. Au début des années 1570, c'est la fondation de l'Académie de poésie et de musique, les premiers sonnets à Hélène de Surgères, la rencontre avec le Tasse et Roland de Lassus, fêtés par le roi et la cour lors de leur passage à Paris, à l'heure où la victoire de Lépante libère la Méditerranée du péril turc. Mais les jours de Charles IX sont comptés. Avec lui, Ronsard perd tout en 1574. À cinquante ans, c'est une quasi-retraite du courtisan, car le plaisant et facile Philippe Desportes joue auprès de Henri III le rôle de poète favori – retraite mélancolique mais confortable d'un grand homme entouré de respect et comblé de bénéfices ecclésiastiques grâce auxquels il vieillit sans rigueurs, tout en écrivant ses recueils de sonnets à Astrée, à Hélène, et ses admirables derniers vers qui font d'un ancien poète de cour sur son lit de mort l'ultime héritier de Villon. Il meurt à Saint-Cosme, l'année même où le pire de ses futurs détracteurs, Malherbe, fait son entrée dans la république des lettres.Gilbert Gadoffre

Sa vie

Pierre de Ronsard est le quatrième enfant de Loys de Ronsard, Chevalier de la Possonnière, maître d'hôtel du Dauphin et de Jeanne Chaudrier, veuve des Roches. Il a une sœur, Louise, et deux frères, Claude et Charles. Son père, chevalier à 21 ans, ayant participé aux guerres d'Italie est un homme féru de poésie et admirateur de Bayard. Selon Ronsard, sa famille serait originaire d'Europe de l'Est près du Danube. Ce fait rapporté par ses premiers biographes est aujourd'hui contesté.
Pierre de Ronsard nait au château de la Possonnière en 1524. Il passe son enfance au château, privé de son père de l'âge de deux ans à celui de six ans, car de 1526 à 1530, Loys de Ronsard est en Espagne avec les enfants de François 1er otages de Charles Quint. Dès l'âge de cinq ans, Pierre de Ronsard est confié à un précepteur, peut-être son oncle, l'archidiacre de Navarre, Jean Ronsard, qui l'initie aux auteurs latins et lui léguera à sa mort 1535-1536 sa bibliothèque. Son père le destine à la carrière de robe et l'envoie étudier, en octobre 1533, au collège de Navarre où il ne restera que 6 mois.
Son père tente alors de l'introduire à la cour, d'abord en tant que page auprès du dauphin François, puis à la mort de celui-ci en août 1536, auprès de son frère Charles, duc d’Orléans. Quand Madeleine de France épouse le roi Jacques V d'Écosse, en 1537, Ronsard est attaché au service de Madeleine, puis au service du roi Jacques à la mort de celle-ci et passe trois années tantôt en Écosse, tantôt à Londres, tantôt en France tantôt en Flandre, dans la suite de l'ambassadeur Claude d'Humières, Seigneur de Lassigny. C'est durant cette période qu'il commence à s'intéresser à la poésie, encouragé par un écuyer Paul Duc, qui lui fait découvrir des poètes latins comme Virgile, Horace, etc. En 1539, il est de retour en France au service du duc d’Orléans. C'est probablement pour servir d'yeux et d'oreilles à Charles qu'il suit Lazare de Baïf, le père de son futur collègue de Pléiade et compagnon à cette occasion, Jean-Antoine de Baïf, lors de son ambassade auprès des princes allemands.
Cette carrière diplomatique prometteuse est cependant subitement interrompue. Une maladie, suivie d'une longue convalescence à la Possonnière, le laisse à moitié sourd. Pierre de Ronsard décide alors de se consacrer à l’étude. Une carrière de robe est à nouveau envisagée et, en mars 1543, Ronsard est tonsuré par l'évêque du Mans mais reste au service de Charles d'Orléans, puis, à la mort de celui-ci, au service du dauphin Henri.
Durant sa convalescence déjà, Ronsard a complété sa formation par la lecture des auteurs français Jean Lemaire de Belges, Guillaume Coquillard et Clément Marot18 et commet quelques odes horaciques qu'il présente à Jacques Peletier. Son père meurt le 6 juin 1544 et c'est sous la houlette de l’helléniste Jean Dorat, précepteur de Jean-Antoine de Baïf, qu'il se familiarise avec les auteurs grecs, quand ses obligations de cour le lui permettent. Soit au collège de Coqueret soit directement auprès de Dorat, il étudie également les procédés littéraires, la littérature italienne Dante, Pétrarque, Boccace, se forme à l'alexandrin, à la mythologie et développe un goût pour l'érudition qui lui fait considérer l'école marotique comme vulgaire.

Naissance de la Pléiade XVIe siècle.

Au Collège de Coqueret ou dans les maisons de Nicolas Ellain ou Jean Brinon se regroupent les futurs poètes qui vont constituer la Brigade, plus tard appelée Pléiade. La rencontre entre Ronsard et Joachim du Bellay date de 1547. Cette même année, Ronsard voit une de ses odes horaciques publiée dans les Œuvres poétiques de Jacques Peletier. Autour de Ronsard, du Bellay, du Baïf et Dorat se rassemblent entre autres, Jean Martin, Jacques Peletier, Claude de Lignery, Pierre des Mireurs, Julien Peccate, Bertrand Bergier, Pontus de Tyard, Guillaume des Autels, Étienne Jodelle, Jean de la Péruse, puis Rémy Belleau. Ce nouveau mouvement littéraire a pour ambition d'imiter et surpasser les Italiens Pétrarque, Dante, Bembo en créant une littérature en langue française capable d'égaler les poètes latins ou grecs.
En 1548, la publication par Thomas Sébillet de son Art poétique jugé insuffisamment novateur par les poètes de la Brigade, précipite la publication de leur manifeste. Joachim Du Bellay publie en 1549 Défense et illustration de la langue française dans lequel il expose les principes de la Pléiade et éreinte les poètes alors en vogue, Marot, Sebillet et surtout Saint-Gelais.

Les Odes et début de la gloire

En 1549, Ronsard publie quelques plaquettes dont Hymne de France mais sa première grande œuvre sont ses Odes, dont les quatre premiers livres paraissent en 1550 et dont la préface est une attaque virulente de ceux qu'il qualifie de poétastres et sciamaches. Son recueil est mal perçu à la cour où domine l'école marotique mais reçoit des critiques enthousiastes de ses admirateurs qui le qualifient de Pindare français. En 1552 la parution des Amours de Cassandre confirme les talents du jeune poète même si la cour reste encore réticente et si certains lui reprochent son abandon du style de Pindare pour celui de Pétrarque. En 1553, Ronsard se lance dans le style grivois avec la publication des Folastreries, qui sont brûlées sur ordre du Parlement pour leur teneur licencieuse. À cette époque, Ronsard est considéré comme le maître à penser des jeunes poètes qui lui donnent le titre de «Prince des poètes.
Dès 1554, l’Académie des Jeux floraux de Toulouse le récompense d'une Églantine pour son excellence et rare savoir et pour l'honneur et ornement qu'il avait procuré à la poésie française et l'année suivante, ce prix est transformé en une Minerve d'argent d'un grand prix.
En 1555, Ronsard sort une Continuation des amours suivi l'année suivante d'une Nouvelle Continuation des Amours. Pour remercier Jean II Brinon, son mécène, Ronsard en fait le héros des Meslanges de 1555 qu'il lui dédicace. Puis il se lance dans les Hymnes dont l’Hymme de l’Hercule chrestien adressé au cardinal de Chatillon, archevêque de Toulouse qui l'a toujours encouragé.

Le poète de cour

Ses succès littéraires lui apportent la gloire mais il lui faut aussi trouver de quoi survivre. Ronsard dépense une partie de son énergie à tenter d'acquérir des prieurés et des cures dont les bénéfices lui assureraient un revenu décent et à trouver des protecteurs. En 1554, il est soutenu par le roi Henri II dans son projet de la Franciade. La mort de Saint-Gelais en 1558 et de Du Bellay en 1560 le place au premier rang à la cour malgré un momentané rejet dans l'ombre à la mort d'Henri II et durant le court règne de François II. À l'accession au trône de Charles IX, il occupe la place privilégiée de poète et aumônier du roi. La publication d'une édition collective de ses Œuvres en 1560 le consacre dans sa gloire. Il écrit pour le jeune prince une Institution pour l'adolescence de Charles IX, poème didactique, rédige des Discours, organise les fêtes, écrit des élégies, des poèmes de circonstances.
Lorsque les guerres de religions éclatent, il prend le parti du roi et de l'église catholique s'éloignant de ses anciens amis de sympathie protestante Odet de Châtillon, Théodore de Bèze, Rémi Belleau. Il écrit Discours des misères de ce temps 1562, suivi de Continuation des discours des misères de ce temps et Remontrance au peuple de France 1563 puis une Réponse aux injures et calomnies de je ne sais quels prédicants et ministres de Genève, qui l'avaient attaqué pour sa défense du catholicisme et enfin Nouvelles poésies dans lequel Ronsard règle ses comptes avec ses détracteurs protestants. La grande tournée de réconciliation de Charles IX en 1564 est l'occasion de grandes fêtes dont Ronsard est l'auteur. Ses textes font l'objet d'un recueil Élégies, mascarades et bergeries publié en 1565.
En 1565, en récompense de ses services, Charles IX lui offre le prieuré de Saint-Cosme puis celui de Croixval à Ternay en 1566. Ronsard, à l'abri du besoin et lassé de son rôle de courtisan peut enfin s'éloigner un peu de la cour mais reste aumônier du roi jusqu'en 1571. Il s'adonne au jardinage, travaille à la publication et la correction de ses œuvres, publie son Abrégé de l'art poétique français et continue son travail sur la Franciade. La publication de cette longue fresque en 1572 est un échec. Écrit en décasyllabes, selon le désir de Charles IX, ce récit, davantage de l'ordre de la mythologie que de l'histoire, n'est plus au goût du jour.
À la mort de Charles IX, en 1575, Ronsard a déjà pris quelques distances mais Henri III, qui réunit un groupe d'intellectuels autour de lui, le rappelle. Ronsard a changé de statut : de poète il passe moralisateur et philosophe et assiste à l'ascension de son rival Philippe Desportes.

Dernières années

Ses dernières années sont marquées par la perte de nombre de ses amis Rémi Belleau, Christophe de Thou, François d'Alençon et par la maladie. Il publie ses Sonnets pour Hélène, ainsi que des pièces à l'intention du roi réunies dans le Bocage royal. Il continue la publication de ses œuvres 5e édition en 1577, 6e édition en 1578, 7e édition en 1584 qu'il prend soin de retravailler en élaguant et corrigeant le style recherchant plus la simplicité et la clarté que l'emphase et l'érudition. Les crises de goutte se font de plus en plus invalidantes et il s'éteint dans la nuit du 27 au 28 décembre 1585 entouré de ses amis Jean Galland, Claude Binet et Jacques Davy du Perron dans son prieuré de Saint-Cosme. Il y est enseveli dans la crypte de l’église, aujourd’hui en ruine.
Deux mois plus tard, il reçoit un hommage officiel, à Paris, au collège de Boncourt où ses funérailles solennelles sont célébrées, le 24 février 1586, date anniversaire de la bataille de Pavie. Toute la cour s’y presse, à telle enseigne que plusieurs dignitaires devront renoncer à y assister. L’oraison est prononcée par son ami Jacques Du Perron et un Requiem de Jacques Mauduit est exécuté pour la première fois à cette occasion. En 1586 parait le Discours sur la vie de Ronsard, œuvre de son premier biographe Claude Binet.

Les mots du bonheur

Ce que Malherbe et les hommes de sa génération ne parviendront jamais à comprendre, c'est que la poésie puisse être avant tout un message de joie. L'étude des lettres, avait écrit Ronsard en homme de la Renaissance, dans sa préface de 1550, est l'heureuse félicité de la vie, sans laquelle on doit désespérer de pouvoir jamais atteindre au comble du parfait contentement. C'est au poète qu'il revient de susciter un état de bonheur par les mots. Par les mots, et pas nécessairement par l'évocation du plaisir. La mélancolie amoureuse, la frustration, la hantise de la mort, des forces invisibles et du destin occupent une place beaucoup plus grande, dans les Œuvres complètes, que les galanteries. Les Amours eux-mêmes rendent un son plus riche dès qu'on renonce à y voir une autobiographie anecdotique et, d'ailleurs, bien trompeuse, car comment faire le départ entre l'anecdote, les stéréotypes italiens, la stylisation poétique, les trouvailles du langage ? Les larmes versées sur la mort de Marie sont-elles véritables ou sont-elles des larmes d'emprunt versées pour le compte du roi à l'occasion de la mort de Marie de Clèves ? Y a-t-il même dans l'idylle avec Marie autre chose qu'un vieux thème de la littérature courtoise médiévale : la jeune paysanne courtisée par un seigneur ? On ne le saura sans doute jamais, et peu importe, car l'émotion ne cesse d'être un état passif que dans la mesure où la médiation du langage l'élève à un timbre de sensibilité sans commune mesure avec ses origines.
Il serait aussi vain de chercher dans les Amours un art d'aimer ou une inspiration érotique, car non seulement les codes ont changé, mais nous ne sommes pas même en mesure d'établir un système de relations précis entre celui que Ronsard nous présente et ceux qui avaient cours dans la vie réelle de ses contemporains. Ce qu'il nous offre n'est pas une copie du quotidien, mais un univers reconstruit. Avec des éléments empruntés aux thèmes de la tradition courtoise et à la vie d'un gentilhomme français du XVIe siècle, il a su reconstituer par le langage un univers du bonheur, comme Fra Angelico et Van Eyck avaient peint le Paradis avec des champs en fleurs, des fontaines et des bosquets. Pour ceux qui savent lire, la magie opère toujours. Ce matin à une heure et demie, écrivait Flaubert à Louise Colet, trois cents ans après la publication des Odes 1550 et 1552, je lisais tout haut une pièce qui me faisait presque mal nerveusement, tant elle me faisait plaisir. C'était comme si on m'eût chatouillé la plante des pieds ; nous sommes bons à voir, nous écumons et nous méprisons tout ce qui ne lit pas Ronsard sur la terre.

La création subjuguée par la poésie

S'il avait pu prévoir ce commentaire tardif, Ronsard y aurait vu la confirmation de la théorie néo-platonicienne des fureurs telle qu'il la résumait dans l'Ode à Michel de l'Hospital, l'année même où son ami Pontus de Tyard la développait dans le Solitaire premier 1552. La fureur poétique passe des Muses au poète et du poète au lecteur, à la manière des forces de l'aimant :
Comme l'aimant sa force inspire   Au fer qui le touche de près,   Puis soudain ce fer tiré, tire   Un autre qui en tire après...
Les Muses ne sont pas seules en cause : elles ne sont que le premier stade dans la série des quatre fureurs. Elles savent rétablir, au niveau de la Nature, l'harmonie dans le chaos, mais elles peuvent, de là, vous conduire jusqu'à la fureur dionysiaque, placée sous l'égide du dieu des mystères et des initiations, qui, à son tour, peut vous hausser jusqu'à la fureur prophétique sous le signe d'Apollon, puis jusqu'à la fureur vénusienne qui restaure l'entendement angélique, perdu dès la naissance par l'internement des âmes dans des corps :
Donne-nous encore la puissance  D'arracher les âmes dehors  Le sale bourbier de leurs corps  Pour les rejoindre à leur naissance.
Ronsard n'est certes pas un philosophe, mais il a été formé par des cercles humanistes qui lui ont donné, à défaut d'un corps de doctrine, un certain nombre de jalons de l'univers mental des néo-platoniciens. Entre la théologie judéo-chrétienne et la religion des Anciens, il n'y a, pour eux, que des différences de formulation et des malentendus historiques. Ronsard ne fait que se conformer à une tradition déjà ancienne et systématisée par Marsile Ficin quand il déclare dans l'Abbrégé de l'Art poétique françois de 1565 : Les Muses, Apollon, Mercure, Pallas, Vénus et autres telles déités ne nous représentent autre chose que les puissances de Dieu, auquel les premiers hommes avaient donné plusieurs noms pour les divers effets de son incompréhensible majesté. La mythologie fait ainsi figure de système de représentation complémentaire qui rend possible une vision plus large des dimensions cosmiques de la pensée religieuse.
Posé sur le champ magnétique des fureurs, le poète se sent donc au carrefour du visible et de l'invisible, soustrait aux limitations de l'espace et du temps. Chacune de ses joies et de ses frayeurs se répercute jusqu'aux extrémités du cosmos. L'amour lui-même est un élan biologique commun à la végétation, aux êtres et aux astres, chaque nuance du désir dans les Amours se trouve un équivalent dans les forces de germination de la Nature, de même que dans les Hymnes 1555 le déroulement des saisons a une double portée, cosmique et érotique.
C'est peut-être là que Ronsard se situe le plus loin de Pétrarque, même quand il croit l'imiter. Chez l'un comme chez l'autre, la Nature joue un rôle important, mais, alors que le poète médiéval regarde la Nature à travers Laure, qui reste distincte d'elle comme la vierge Marie au milieu d'un décor d'étoiles, la Nature de Ronsard absorbe avidement les femmes successives dont les pâles silhouettes se retrouvent sous le vocable de Cassandre, de même que les pulsions de l'érotisme du poète se confondent avec les forces élémentaires, avec le vent, la germination, le soleil et la foudre.
Or' que Jupin époint de sa semence Hume à longs traits les feux accoutumés, Et que du chaud de ses reins allumés L'humide sein de Junon ensemence, Or' que la mer, or' que la véhémence Des vents fait place aux grands vaisseaux armés, Et que l'oiseau parmi les bois ramés Du Thracien les tançons recommence...
Ici l'attaque brutalement érotique d'un début de sonnet de printemps est pourvue d'une amplification cosmique d'une telle puissance qu'elle en acquiert une sorte de grandeur religieuse.
Le contraste entre poète courtois et poète cosmique se traduit d'ailleurs dans le langage : là où il y a, chez Pétrarque, invocation, prière à la Nature, il y a chez Ronsard incantation, force des mots martelés imposant aux choses le poids d'une volonté humaine. Les effets de répétition et d'accumulation si fréquents dans les sonnets à Cassandre ne peuvent se comprendre que dans le contexte des odes magiques à Denise, sorcière du livre des Odes, bien loin de l'harmonieuse mélancolie des élégiaques italiens. Les thèmes et les images peuvent être semblables, mais il n'y a pas de commune mesure entre le climat psychologique des pétrarquistes et l'univers panthéiste, la volonté de puissance et les saillies baroques de Ronsard qui ont si longtemps dérouté les goûts néo-classiques des critiques français.
Cette familiarité avec le cosmos – qu'on ne retrouvera plus dans la poésie française avant Claudel – est chez Ronsard étroitement associée à une vision du monde qui est celle des hommes du XVIe siècle. Le parallélisme entre le microcosme et le macrocosme ne se présente pas comme une série de métaphores littéraires, mais comme l'expression d'un ordre cosmique auquel on nous fait participer par l'image. Quand l'œil de Cassandre est comparé au soleil, quand les coteaux et les rives du Loir sont qualifiés de chevelus et de barbues, il ne s'agit pas d'artifices de style, mais de référence à un ordre analogique universellement accepté. L'un des esprits les plus modernes de son époque, Ambroise Paré, ouvrait son étude sur l'étiologie de la petite vérole par cette déclaration : « Tout ainsi qu'au grand monde il y a deux grands luminaires, savoir le soleil et la lune, aussi au corps humain il y a deux yeux qui l'illuminent, lequel est appelé Microcosme, ou petit portrait du grand monde accourci, qui est composé de quatre éléments comme le grand monde. De son côté, Léonard de Vinci, non content de comparer la terre à un être vivant dont les rochers seraient les os, les forêts la chevelure, les fleuves les veines, et le flux des marées la respiration, analysait le microcosme humain avec le même ordre que suivait Ptolémée dans sa Cosmographie, et divisait le corps humain en membres comme il divise les provinces.
Cet univers mental préscientifique s'interposerait entre Ronsard et l'homme du XXe siècle si le langage ne lui conférait pas une sorte de réalité supérieure. Car Ronsard ne décrit pas la Nature, il la manifeste, il impose au lecteur la sensation physique de sa parenté occulte avec elle. Son soleil n'est pas le brillant soleil des poètes précieux, mais un dieu dévorant :
Non la chaleur de la terre qui fumeAux jours d'été lui crevassant le front ;Non l'Avant-Chien, qui tarit jusqu'au fondLes tièdes eaux, qu'ardent de soif il hume ;Non ce flambeau qui tout ce monde allume. D'un bluetter qui lentement se fond...
Le retrait du soleil et l'horreur de l'hiver nous laissent frissonnants, comme sous le coup d'une angoisse de l'esprit et du cœur :
Or que le ciel, or' que la terre est pleine De glas, de grêle éparse en tous endroits, Et que l'horreur des plus froidureux mois Fait hérisser les cheveux de la plaine...
La fonte des neiges s'insinue en nous comme une caresse, grâce au miracle des phonèmes qui donnent aux mots la fluidité d'une source :
Sur le printemps la froide neige fond En eau qui fuit sur les rochers coulante...
Devant cette Nature en état de perpétuelle effervescence, que la poésie rend comestible tout en lui conservant ses pouvoirs de menace, on ne peut que redire après Claudel : La création sous nos yeux n'était qu'un fait. La voici qui, subjuguée par la poésie, est devenue le paradis de la nécessité.
C'est de Virgile que parlait Claudel, non de Ronsard. Mais il est significatif que les rôles soient ainsi interchangeables. Car Ronsard, comme Virgile, ne se contente pas de trouvailles verbales : il les sertit dans des ensembles. L'incandescence des images n'est pas, chez lui, ornementale mais structurelle, dans la mesure où elle introduit entre les mots des systèmes de rapport autres que ceux de la syntaxe et de la prosodie. À l'intérieur des structures formelles héritées de Pétrarque, des Anciens ou des rhétoriqueurs, les relais visuels, phonétiques et rythmiques se propagent en ondes concentriques et créent des structures parallèles qui donnent au langage poétique sa pulpe, sa profondeur de champ. C'est ce que n'avaient pas fait ses émules qui, partis des mêmes modèles, n'avaient retenu qu'un répertoire de formes prosodiques et de thèmes, et passaient le reste de leur vie, dès qu'ils avaient trouvé leur formule, à s'imiter. Ronsard casse le moule, au contraire, dès qu'il a fini un ouvrage, quitte à décevoir ses amis. Aux Odes pindariques succèdent les sonnets chantés, puis les sonnets parlés, puis les Hymnes, l'épopée en décasyllabes de La Franciade, les grandes laisses d'alexandrins des Élégies et des Discours en vers, les épitaphes, pour en arriver, à la fin de sa vie, à un type de sonnet qui n'a que de lointains rapports avec les sonnets à Cassandre. Aucun essai ne rebute son génie aventurier et méthodique. La diversité des expériences, les spectaculaires changements de manière, les remaniements de textes à chaque réédition des Œuvres, tout porte témoignage d'un corps à corps interminable avec le monde des formes qui ne prendra fin qu'avec la mort du poète. De sorte que plus on se familiarise avec Ronsard, plus l'image de l'épicurien couronné de roses, transmise par la tradition scolaire, s'efface devant une autre image : celle d'un intellectuel anxieux et perpétuellement insatisfait, en dépit de ses airs fanfarons, angoissé par le destin de son pays et de son Église, et dont les appels au soleil, aux forces de la vie, aux astres, à l'amour, à l'été brûlant, à la musique sont autant d'efforts de conjuration par la lumière des menaces et des forces de l'ombre. Gilbert Gadoffre

Regards sur l'œuvre

Ronsard a tout au long de sa vie goûté à tous les genres, de Pindare à Pétrarque en passant par Anacréon et Horace avec quelques touches d'épicurisme. Il a abordé de nombreux thèmes : champêtres, amoureux, philosophiques, politiques. Ses poèmes lyriques qui développent les thèmes de la nature et de l’amour, associés aux références de l’Antiquité gréco-latine et à la forme du sonnet, constituent la partie vivante de l’œuvre de l’animateur du renouveau poétique que fut Pierre de Ronsard avec ses compagnons de la Pléiade et son ami Joachim Du Bellay. Il a contribué à étendre largement le domaine de la poésie, lui offrant une langue plus riche par la création de néologismes et l'introduction du langage populaire dans le français littéraire, et mettant en place des règles de versification qui ont perduré plusieurs siècles. Jusqu'au début de XVIIe siècle, il est reconnu par ses pairs comme celui qui a coupé le filet que la France avait sous la langue. Cependant, son œuvre parfois inégale, non dépourvue de maniérisme et de pédantisme, est dépréciée par François de Malherbe et boudée pendant toute la période classique : aucune édition de ses œuvres n'est publiée de 1630 à 1828, date de la publication de Sainte Beuve. Il faut attendre l'époque des romantiques, des parnassiens et des symbolistes pour que sa poésie soit de nouveau appréciée.

Les Odes 1550-1552

Les quatre premiers livres des Odes paraissent en 1550 et le cinquième en 1552 mais Ronsard les travaillera, en les corrigeant et les complétant, tout au long de sa vie. Le premier livre des Odes est un hommage à Pindare. À l'imitation de ce poète, qui célébrait dans ses odes les athlètes grecs, Ronsard crée des poèmes lyriques construits en triades strophe, antistrophe, épode. Il lui emprunte l'usage des beaux mythes et des qualificatifs éloquents pour célébrer les protecteurs de son temps. Mais on trouve dans ses odes bien d'autres influences. Celle d'Horace est perceptible quand il célèbre la nature et son vendômois natal ou lorsqu'il professe un épicurisme très proche de ses sentiments profonds. Il y chante la joie d'aimer et la vision du temps qui passe comme dans son Mignonne, allons voir si la rose... publié en 1553. On y retrouve également les thèmes d'Anacréon dans ses odelettes dont le héros est le dieu Amour L'Amour mouillé - l'Amour piqué par une abeille - 1553. On retrouve également Michel Marulle dans sa capacité à se raconter et à décrire des sentiments tout simples.

Les Amours

De 1552 premier livre des Amours à 1578 Sonnets pour Hélène, Ronsard n'a jamais cessé de chanter l'amour. Dédiant ses écrits à trois femmes, Cassandre, Marie et Hélène, il parle en fait de sentiments éprouvés lors de multiples rencontres amoureuses66 parmi lesquelles on peut citer Marguerite, Jeanne, Madeleine, Rose, Sinope, Genèvre, Isabeau...

Cassandre : Les Amours 1552 - Continuation des amours

Les Amours de Cassandre est un recueil de poèmes en décasyllabes de Pierre de Ronsard de 1552. Il porte sur Cassandre Salviati 1530-1607, fille de Bernardo Salviati, un des banquiers de François Ier. Cassandre est une jeune fille italienne rencontrée par le poète le 21 avril 1545 à Blois à un bal de la cour. Elle n'a que quinze ans et lui vingt et un. Ronsard ne pouvait épouser la jeune fille, car il était clerc tonsuré. Cassandre épousa Jean Peigné, seigneur de Pray l'année suivante. À l'imitation de Pétrarque, qui chantait son amoureuse Laure, il fait de Cassandre son égérie, célébrant un amour tout imaginaire dans un style précieux avec comparaisons mythologiques et mignardises.
C'est dans Les Amours que Ronsard fixe les règles du sonnet : deux quatrains où alternent rimes masculines et rimes féminines suivis de deux tercets dont les rimes sont disposées de manière conventionnelle CCD EED ou CCD EDE.
Le second livre est en partie dédié à Cassandre et en partie à Marie.

Marie : Nouvelle continuation des Amours 1556 - Sur la mort de Marie 1578

On sait peu de chose sur Marie. C'est une jeune fille de condition modeste que Ronsard rencontre en avril 1555. Elle est parfois appelée Marie Dupin et serait originaire de Bourgueil. Sa relation avec Ronsard est loin d'être platonique. La présence d'un rival est attestée et Ronsard reste fidèle à la dame seulement quelques années : dès 1560, plusieurs pièces sont dédiées à une certaine Sinope . Pour célébrer ses amours, Ronsard s'éloigne du style de Pétrarque, gagnant en simplicité et en fraîcheur. La grande majorité des pièces sont écrites en alexandrins. C'est la mise en place de ce que Ronsard appelle son style bas
Les pièces Sur la mort de Marie font référence à la mort de Marie de Clèves, favorite d'Henri III morte en 1574, mais il est probable que Ronsard ait réuni la mort de ces deux Maries la date de la mort de Marie Dupin est inconnue et située selon les auteurs entre 1560 et 1574 dans ses poèmes. Dans un style pétrarquisant, Ronsard chante avec sincérité et émotion le regret de celui qui a perdu un être cher. Malgré le ton grave de la mort, c'est la joie d'aimer et l'allégresse qui l'emporte.

Hélène : Sonnets pour Hélène 1578

Les Sonnets pour Hélène sont publiés en 1578 dans une nouvelle édition des Amours. Hélène de Surgères est une jeune suivante de Catherine de Médicis. Une grande différence d'âge sépare Hélène de Ronsard qui est âgé de près de 45 ans lorsqu'ils se rencontrent. C'est la reine qui encourage Ronsard à courtiser Hélène par vers interposés. Cette œuvre de commande est une œuvre de maturité qui célèbre un amour platonique pour une belle qui reste indifférente. Ronsard retrouve dans ces sonnets l'influence de Pétrarque et Hélène de Troie est très souvent évoquée aux côtés d'Hélène de Surgères. Les sonnets les plus connus sont Quand vous serez bien vieille... et Te regardant assise....

Les Hymnes 1555 - 1556

Ronsard s'est également essayé aux hymnes, traitant d'un grand sujet. Ils sont parfois moins prisés que des écrits plus frais comme les odes ou les sonnets car très érudits et chargés d'allégories. Ils sont cependant l'occasion de mettre en place l'alexandrin et ses rimes plates. Ronsard utilise ses hymnes pour chanter les louanges d'un haut personnage comme dans l’Hymne à Henri II ou l’Hymne au cardinal de Lorraine où l'usage de l'hyperbole est de mise l'un est comparé à Jupiter et l'autre à Hercule. Ces pièces lui permettent également de philosopher sur la mort, la poésie ou la religion comme dans l’Hymne de la mort, l’Hymne de l'automne ou l’Hymne à Saint Blaise. On trouve également des fragments d'épopée comme dans l’Hymne de Pollux et Castor.

Les Discours 1562 - 1563

Poète de roi, Ronsard se sent investi d'une responsabilité envers la France, ses intérêts et son unité qu'il défend avec éloquence dans une série de discours principalement écrits à l'accession de Charles IX au trône et durant les guerres de religion. Il choisit, pour écrire son Institution pour l'adolescence du roi très chrétien, ses Remontrances et ses Misères, l'alexandrin dont le rythme long convient bien à ces élans patriotiques, le ton est volontiers passionné, les apostrophes nombreuses et le souffle oratoire puissant. Il y condamne le protestantisme, fantaisie qui contribue à diviser la France, lui reproche son intégrisme, et l'accuse d'être à l'origine des massacres qui, à la suite de celui de Vassy, ont ensanglanté la France et de livrer celle-ci à l'Angleterre. La réponse des protestants est violente : par le biais de libelles et de pamphlets, ils s'attaquent à l'homme, critiquant ses débauches et son âpreté au gain. Cette série d'attaques conduit Ronsard à leur répondre dans sa Réponse aux injures et calomnies..., précieux témoignage autobiographique. Le style se fait davantage guerrier et revanchard dans les discours de 1569 Hymne à la victoire de Jarnac ou L'Hydre défait. Vers la fin de sa vie, on retrouve Ronsard du côté des politiques c'est-à-dire ceux qui regrettent la violence des ligueurs et pensent qu'une négociation est envisageable avec les protestants.

La Franciade 1572

La Franciade est un vieux projet de Ronsard qu'il présente à Henri II dès 1560 et que Charles IX soutiendra durant tout son règne. Il s'agit d'écrire une épopée à la gloire de la France. Rédigée en décasyllabes, elle a pour thème l'histoire de ce Francien ou Francus, prétendu fils d'Hector, échappé de la prise de Troie, qui aurait été à l'origine de la nation française. Ronsard a pour projet de raconter ses aventures et l'histoire des rois de France de Charles Martel jusqu'au roi actuel. Cependant, Ronsard s'épuise à cette tâche. Il n'arrive pas à donner corps à cette épopée qui, plus le siècle avance, semble superficielle. Le choix du décasyllabe, plutôt que l'alexandrin, imposé par Charles IX n'est pas étranger à l'échec de l’œuvre. La date de parution également : en 1572, la France est plus préoccupée par la résolution du conflit entre protestants et catholiques que par la glorification de ses ancêtres. Ronsard prévoyait vingt-quatre chants mais ne publiera finalement que les quatre premiers livres jusqu'à Pépin le Bref.

Poèmes posthumes 1586

Les amis de Ronsard publieront, l'année de sa mort, quelques poèmes de sa fin de vie qui racontent la souffrance d'un homme qui se sent âgé et qui voit la mort se profiler à l'horizon Je n'ai plus que les os ou Ah! longues nuits d'hivers...

Honneurs et commémorations

Timbre Ronsard de 1924
Pour commémorer le quatrième centenaire de la naissance du poète Pierre de Ronsard, la poste française émet un timbre à son effigie le 6 octobre 1924.

Épitaphe

Voici l'épitaphe que Ronsard a proposé au poète savoisien Marc-Claude de Buttet de graver sur sa tombe.

CELUY QUI GIST SOUS CETTE TOMBE ICY
AIMA PREMIERE UNE BELLE CASSANDRE
AIMA SECONDE UNE MARIE AUSSY,
TANT EN AMOUR IL FUT FACILE A PRENDRE.
DE LA PREMIERE IL EUT LE CŒUR TRANSY,
DE LA SECONDE IL EUT LE CŒUR EN CENDRE,
ET SI DES DEUX IL N'EUT ONCQUES MERCY"
Deuxième livre des Amours.

Iconographie

Une médaille à l'effigie de Pierre de Ronsard a été réalisée en 1924 par le graveur Pierre Dautel. Un exemplaire en est conservé au musée Carnavalet ND 5161.

Botanique

La Pierre de Ronsard est une variété de rose créée en 1986 par Francis Meilland. Elle présente de gros boutons de pétales blancs et roses et a l’allure d’une pivoine. Très prisée des décorateurs, elle a été récompensée, en 2006, par la Fédération mondiale des sociétés de roses.



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#87 Serge Essénine
Loriane Posté le : 23/12/2015 22:13
Le 27 Décembre 1925 se suicide Serge Essénine

en russe : Сергей Александрович Есенин, Sergueï Aleksandrovitch Essenine, à Léningrad en Urss, aujourd'hui Saint-Pétersbourg, il a alors 30 ans, poète marquant de la Russie du XXe siècle. Né le 3 octobre, 21 septembre 1895.
La Russie était un pays de civilisation paysanne. Essenine a exprimé la réaction de cette civilisation aux premières phases de la révolution. Il l'a fait avec un naturel et une chaleur, avec une science de la forme poétique qui ont enchanté, à l'époque, la jeunesse. Le meilleur de son œuvre lyrique demeure encore vivant.

En bref

Une enfance pastorale. Essenine est né dans un gros bourg de la province de Riazan ; il s'est pendu à Leningrad dans la nuit du 27 au 28 décembre 1925. Il a produit pendant une dizaine d'années.
Le petit Serge, blond comme les blés, eut une belle enfance chez son grand-père. Celui-ci, meunier, était aisé ; vieux-croyant, il aimait lire à haute voix la Bible et les vies des saints. La grand-mère recevait moines quêteurs, errants, diseurs de légendes, d'énigmes et de vers spirituels. L'enfant écoutait. Il goûtait les charmes d'une campagne amène : plongeons dans l'Oka, chevauchées, grimpades, cueillette des fruits et des baies, la compagnie des bêtes, les batailles entre gamins et le ciel étoilé. À l'école il apprenait facilement. Ces impressions d'enfance l'ont inspiré pour toute sa vie. Déjà à huit-neuf ans, il les énonçait en vers. Son village lui sera tour à tour joie, havre, regret ou désespoir.
Mais le voici, de quatorze à dix-sept ans, interne dans une école normale pour être instituteur : il étudie la littérature classique, s'éprend de Pouchkine, lit et rime passionnément. En 1913, il travaille comme correcteur à Moscou et fréquente l'excellente université populaire Chaniavski. Ainsi, Essenine n'est pas l'autodidacte que l'on s'est longtemps figuré.
En 1915, il fait son entrée dans la capitale Petrograd. Alexandre Blok, le prince des poètes, le reçoit ; Kliouev, poète paysan en renom, se fait son protecteur. En 1916 paraît un premier recueil : un choix de ses trente-trois pièces préférées.

Sa vie

Sergueï Essenine, né en Russie centrale, dans le bourg de Konstantinovo, gouvernement de Riazan, était le troisième enfant du couple Essenine, dont les deux filles aînées étaient mortes en bas âge. Alexandre Essenine, son père, travaillant comme garçon boucher à Moscou, et sa mère, Tatiana Titov, étant occupée à Riazan, il passa la majeure partie de sa petite enfance à Konstantinovo au domicile de ses grands-parents. Admis à l'école primaire en 1904, il la quitte en 1909, pour être placé, en septembre de cette année-là, comme interne à l'école religieuse de Spas-Kliopiki. Ses premiers vers connus remontent à cette période, écrits dès 1909. Il avait alors 14 ans.
À l'été 1912, ayant achevé sa scolarité à l'école paroissiale, il rejoint son père à Moscou et travaille un mois dans la même boutique que lui avant de se faire embaucher dans une maison d'édition. Il y reste jusqu'au printemps 1913. Prenant conscience de ses dons de poète, il commence également à fréquenter les milieux artistiques moscovites. Au printemps 1913, il entre comme correcteur dans une des imprimerie les plus importantes de Moscou et noue ses premiers contacts avec les milieux révolutionnaires sociaux-démocrates ouvriers dont il distribue les journaux, ce qui lui vaut d'être fiché par la police.
En septembre 1913, il s'inscrit à l'université populaire Chaniavski pour y suivre des cours d'histoire et de littérature et en janvier 1914, il se met en ménage avec une de ses collègues de travail, correctrice comme lui, Anna Izriadnova, tandis que ses premiers poèmes commencent à paraître en revues et dans les colonnes de La Voie de la Vérité, ancêtre de la Pravda.
La déclaration de guerre de l'Allemagne en juillet 1914, le surprend en Crimée. Début août, il est rentré à Moscou et reprend un travail à l'imprimerie Tchernychev, qu'il quitte très vite pour se consacrer à l'écriture, abandonnant également sa compagne Izriadnova qui vient de lui donner son premier enfant.
Il passe une grande partie de l'année 1915 à Pétrograd, qu'il considère comme le noyau de la vie culturelle russe, où Alexandre Blok, grand poète du moment, l'introduit dans les milieux littéraires. Il s'y lie d'amitié avec Nikolaï Kliouïev, rencontre Anna Akhmatova, Vladimir Maïakovski, Nikolaï Goumiliov, Marina Tsvetaïeva, qui apprécient ses vers. Commence alors pour lui une longue série de lectures et de récitals qui perdurent jusqu'à sa mort.
L'année 1916 voit paraître son premier recueil Radounitsa. C'est aussi l'année de sa rencontre avec le poète symboliste Andreï Biély, chef du groupe des Scythes, proche des socialistes-révolutionnaires, et celle de sa mobilisation dans le train sanitaire no 143, affectation qu'il obtient grâce à des protections auprès de cercles proches de l'impératrice Alexandra Féodorovna qui ont entendu ses récitals. Plus enclin à la poésie qu'à la guerre, il écope en août de vingt jours d'arrêt pour retard lors d'un retour de permission. Il déserte au printemps de 1917 d'une armée en perdition après le déclenchement de la Révolution et l'abdication de l'empereur Nicolas II. Et c'est débordant d'enthousiasme qu'il prend parti pour la révolution, participant activement à des meetings, écrivant dans les journaux. En juillet, il épouse Zinaïda Raïkh, secrétaire à La Cause du Peuple, avec laquelle il a deux enfants, un garçon Constantin, né en 1920 et une fille avant leur divorce en 1921. Ils passent ensemble la fin de l'année à voyager dans le Nord de la Russie. Pendant la Révolution bolchévique d'Octobre, ils sont à Pétrograd et, dans les mois qui suivent, le poète écrit deux longs poèmes : Transfiguration et Inonia où s'exprime son rêve mystique et révolutionnaire d'une autre Russie.
Au printemps 1918, le poète s'installe à Moscou, où paraît Golouben, son second recueil, et il reprend du service dans une maison d'édition. Fin 1918, il exprime sa conception de la poésie à travers un essai : Les Clés de Marie, fonde le mouvement imaginiste avec les poètes Marienhof, Cherchenevitch et Ivnev, et ils organisent des événements ponctuels dans des villes (en particulier Moscou, comme par exemple revêtir de poèmes les murs du monastère de la Passion. Il demande à adhérer au parti communiste bolchévique, mais il est refusé pour son manque de discipline et son individualisme.
L'année 1919 est marquée de nombreux récitals, de manifestations et de publications imaginistes, l'ouverture de leur librairie, mais aussi par les rivalités politiques à la tête de l'État, l'apparition de disettes dans une économie de guerre, un spectacle de désolation qui lui inspire son poème Les juments-épaves. C'est la prise de conscience pour Essenine que la Révolution ne peut répondre aux attentes de ses rêves.
Essenine et Marienhof voyagent ensemble à travers la Russie une bonne partie de l'année 1920, donnant des récitals en Ukraine, à Moscou et dans plusieurs villes du Caucase. Leur passage est aussi marqué très souvent de scandales et de rixes liés aux beuveries d'Essenine qui se trouve exclu de l'Union panrusse des poètes en mai à la suite d’une rixe avec le poète Ivan Sokolov, et incarcéré une semaine à Moscou à la mi-septembre. Trois recueils paraissent cette année-là : Treridnitsa, Triptyque, Transfiguration, un quatrième Confession d'un voyou en janvier 1921, et son grand poème dramatique Pougatchev en décembre.
Au printemps 1921, Essenine voyage au Turkestan. Il passe l'été à Moscou toujours aussi agité par les rivalités politiques : Maxime Gorki quitte la Russie ; le poète Nikolaï Goumiliov est fusillé. Début octobre, il rencontre Isadora Duncan, de dix-huit ans son aînée, invitée par le gouvernement soviétique. Il l'épouse le 2 mai 1922, avant de partir avec elle pour l'Europe et pour l'Amérique où l'impresario d'Isadora Duncan lui a aménagé une tournée.
Il publie deux nouveaux recueils et surtout la Confession d’un voyou en 1921. Bien qu’il ait une vie sociale très intense, il ressent une certaine solitude et écrit que, d’une façon générale, un poète lyrique ne devrait pas vivre très longtemps. Duncan et Essenine voyagent tous les deux en Europe occidentale et c’est durant cette période qu'Essenine connaît une grave dépression nerveuse. Sa santé physique et mentale décline et il commence à parler de suicide. Lors de son séjour à Paris, il est sujet à une grave crise due à l’alcool. Il est admis dans un hôpital psychiatrique. En 1923, il retourne à Moscou et quitte Isadora. Écœuré de tout et très déprimé, souffrant d’hallucinations et miné par l’alcoolisme, il ne peut trouver aucun secours dans la religion, en revanche, quand il écrit, il est sobre. Il ressent de plus en plus une incapacité à écrire comme un vrai poète : Je n’écris plus de poésie, je ne fais que des vers. En 1923, il publie Poèmes d’un faiseur de scandales. Il entre en clinique en 1925, la quitte un mois plus tard et recommence à boire puis repart pour Léningrad. C’est dans cette ville qu’il se pend à un tuyau dans la chambre nº 5 de l'hôtel d'Angleterre le 28 décembre 1925.

Il laissa un poème écrit avec son propre sang :

До свиданья, друг мой, до свиданья.
Милый мой, ты у меня в груди.
Предназначенное расставанье
Обещает встречу впереди.
До свиданья, друг мой, без руки, без слова,
Не грусти и не печаль бровей,-
В этой жизни умирать не ново,
Но и жить, конечно, не новей.
Au revoir, mon ami, au revoir,
Mon tendre ami que je garde en mon cœur.
Cette séparation prédestinée
Est promesse d’un revoir prochain.
Au revoir, mon ami, sans geste, sans mot,
Ne sois ni triste, ni en chagrin.
Mourir en cette vie n'est pas nouveau,
Mais vivre, bien sûr n'y est pas plus nouveau.

Cette version — officielle — de la mort d'Essenine a cependant été mise à mal par plusieurs de ses proches et ne peut être prise comme l'expression de la pure vérité. La publication, le lendemain de sa mort, des deux strophes écrites par Essenine avec son sang se marie parfaitement avec l'image que l'on veut alors donner de la folie et du suicide prémédité du poète, mais il faut savoir que cette pratique curieuse d'utiliser son sang pour écrire n'était pas une nouveauté chez lui et qu'il trouvait commode de procéder ainsi quand il n'avait plus d'encre. L'hypothèse de l'assassinat a été avancée par ses amis et des chercheurs produisant un certain nombre d'indices pour le moins troublants : une enquête et une expertise médicale bâclées concluant trop rapidement au suicide, une heure de décès non établie, l'une fixée le 27 en fin de soirée, une autre contradictoire, au petit matin du 28, des traces de coups sur le visage du poète, la présence d'agents du gouvernement cette nuit-là à l'Hôtel d'Angleterre, la disparition des témoins ayant attesté son suicide, l'assassinat d'une de ses épouses, Zinaïda Raïkh, en 1939 alors qu'elle prétendait tout dire à Staline sur la mort d'Essenine et d'autres encore comme le fait que les fameux vers écrits du sang de la victime ne se trouvaient pas dans la chambre du suicidé mais avaient été remis à son ami poète Wolf Erlich dans la matinée du 27. Le mystère de la mort du poète reste entier. Dans ces temps troublés où les artistes qui n'étaient plus en accord avec le régime se suicidaient un peu trop facilement, quand ils n'étaient pas fusillés ou envoyés en camps de concentration, Essenine s'est-il réellement donné la mort ou bien l'a-t-on assassiné, nous ne le saurons vraisemblablement jamais. Ce qui par contre est bien démontré, c'est la vague de suicides que l'annonce de sa mort suscita chez ses admirateurs qui étaient déjà nombreux à l'époque.
Dans les livres des années 1990 consacrés à cette mort mystérieuse, d'autres faits viennent troubler l'hypothèse du suicide : tout d'abord, le tuyau sur lequel s'est pendu Essenine était vertical, ce qui n'était pas du tout pratique pour commettre le suicide et puis, l'élément le plus troublant issu de son dossier : les mains du poète portaient les marques apparentes, comme s'il était ligoté…

En 2005, le studio russe Pro-Cinema Production produisit une mini-série télévisée intitulée Yesenin sur la vie du poète ; sa mort y est décrite comme un homicide involontaire lors d’une bagarre avec des agents du NKVD s’étant introduits par effraction chez lui, ces derniers maquillant ensuite cela en suicide.

L'amour du paysage natal est là comme une religion :

Je prie les aubes pourpres,
Je communie au ruisseau.
Saint Nicolas chemine sur terre, et Dieu, de sa fenêtre au ciel, lui répond. La forêt est l'église où s'attarde Jésus.

Si la troupe des saints me crie :
Viens au ciel, laisse la Russie ?
Je dirai : « Du ciel ne veux mie,
Donnez-moi ma patrie !
La tonalité générale est joyeuse, malgré de curieux pressentiments de mort.

La révolution des enthousiastes

La révolution éclate. Pour les poètes, ce n'est pas la chute d'un trône, c'est une apocalypse, le royaume de Dieu, un nouvel univers, un christianisme régénéré. Essenine accueille Février par un Appel chantant Un nouveau Nazareth est sous vos yeux ! Après Octobre, il se fait l'Isaïe de l'autre univers dans un poème Inonia 1918 inoî signifie autre où, plus hardiment encore que naguère, le terrestre et le céleste, les cosmogonies paysannes, les idées révolutionnaires et la théologie chrétienne s'amalgament, engendrant des images que seuls peuvent éclaircir d'incongrus syllogismes : la révolution est le Christ et la Russie qu'elle enfante est le paradis ; or le Christ est fils de Dieu, qui est le ciel, et de la Vierge, qui est la terre ; d'autre part, la terre nourricière se résume dans la vache ; donc la Vierge est aussi la vache et, par suite, le Christ est veau. D'où l'apostrophe du poète à Dieu le Père : Ô Seigneur, mets bas ton veau !, ce qui signifie : Fais triompher la révolution ! Cela n'empêche pas Essenine d'évoquer très simplement sa vieille mère qui, sur le perron,

De ses doigts peine à retenir
Le rayon doré du couchant.
Cette période cosmique déborde d'optimisme et d'enthousiasme.

Troubles lendemains

Vient alors pour le poète une période de désarroi : la révolution n'a causé que guerre civile, misère, dictature. En 1921, la N.E.P. nouvelle politique économique, retour du bourgeois, abat les dernières illusions. Revenir au passé ? Le passé est condamné. Blok se laisse mourir. Essenine exhale son désespoir dans les cabarets la Stalle de Pégase, par exemple avec les imagistes, à qui il s'est joint sans avoir rien à en apprendre, puisqu'il a lui-même écrit son traité des images, Les Clés de Marie. Il boit, fait esclandre sur esclandre, ruine sa santé. Mais il garde la fierté de son talent, il travaille, il produit des chefs-d'œuvre. Ainsi, dans La Confession d'un voyou, ce cri à l'adresse de ses parents :

Pauvres, pauvres paysans !
Ah, si vous compreniez ceci
Que votre fils est en Russie
Le plus excellent des poètes !
Dans La Quarantaine des morts, à propos d'un poulain qui voulait rivaliser de vitesse avec le train :

Cher insensé, cher ridicule !...
Ne sait-il pas que les coursiers vivants
Sont maintenant vaincus par les chevaux d'acier ?
Dans Pougatchev 1920, drame d'un lyrisme puissant, cette soif éperdue de vivre... pour voir les souris sauter de joie dans l'eau, entendre les grenouilles chanter d'enthousiasme dans le puits.

En 1922, Essenine court les palaces d'Europe et d'Amérique avec Isadora Duncan. Cette tournée scandaleuse l'amuse, mais ne lui rend pas le bonheur.

Remontée, apogée, catastrophe

À son retour de Paris, Essenine publie " Moscou des cabarets 1923 ":

Je lis mes vers à des prostituées,
Avec des bandits me gorge d'alcool.
Le découragement est complet. L'Occident est pourri. À quoi s'accrocher ?

J'ai honte d'avoir cru en Dieu
Et je souffre de n'y plus croire !
Alors Essenine décide d'accepter la Russie soviétique. Il va chanter dans de longs poèmes les fastes révolutionnaires, la guerre civile, les vingt-six commissaires fusillés à Bakou par les Anglais, les trente-six déportés de 1905 en Sibérie, la transformation des campagnes. Nul ne lui en sut gré. D'ailleurs, c'était le passé. Au présent il n'arrivait pas à accorder sa lyre. Quand il retourne dans son village, il sourit aux labours et aux bois, mais sa sœur « ouvre comme une Bible le ventru Capital. Une vache éclaterait en sanglots En voyant ce pauvre coin dévasté... où Lénine a remplacé l'icône.

Il écrit beaucoup : dans ses trois dernières années, il composera deux fois plus de vers que de 1916 à 1922. Ce sont des vers graves et dépouillés, presque sans images : une manière nouvelle où dominent les mètres iambiques pouchkiniens et d'où ont disparu les vers purement toniques. Dans les pièces où s'épanchent avec simplicité ses regrets, sa mélancolie, son perpétuel amour de la nature, Essenine est parvenu à l'apogée de son talent. La Lettre à ma mère a fait couler bien des larmes, elle est toujours chantée :

Tu vis encore, ma chère bonne vieille...
Je suis toujours le même tendre enfant...
Vite quitter cet ennui désolant !...
Je reviendrai quand notre blanc verger
Pour le printemps épandra ses rameaux...
Alors qu'il voudrait se ranger, il cherche à se fuir en voyageant. Le Caucase lui inspire de beaux Motifs persans. Mais son mal est trop invétéré. Les Poèmes d'amour à Sophie Tolstoï, qu'il a épousée en juin 1925, sont glacés par l'amertume. Il n'arrête plus de boire. Il a des hallucinations, comme celle qu'il évoque dans son génial et tragique Homme noir. Il touche à la folie. Et ce sera la catastrophe. Pierre Pascal

Œuvres principales

Radounitsa 1916
Golouben 1918
Inonia 1918
Les Clés de Marie 1919
Les Juments-épaves 1919
Treriadnitsa 1920
Tranfiguration 1920
Confession d'un voyou 1921
Pougatchev 1921
Moscou des cabarets 1924
L'Homme noir 1925
La Ravine
Culture populaire


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#88 Julius Tuwin
Loriane Posté le : 23/12/2015 20:58
Le 27 décembre 1953 meurt Julian Tuwim à Zakopane

né à Łódź le 13 septembre 1894 poète polonais. Il fit ses études de droit et de philosophie à Łódź et à l'université de Varsovie. En 1919 Tuwim fut, avec Antoni Słonimski, Jarosław Iwaszkiewicz, Jan Lechoń et Kazimierz Wierzyński, cofondateur du groupe Skamander qui postulait la rupture avec la poésie symboliste et professait le vitalisme et l'activisme. Figure importante de la littérature polonaise, connue aussi pour sa contribution à la littérature pour l'enfance et la jeunesse il était également grand traducteur de la poésie russe, française, américaine et latine ainsi qu'éditeur et collectionneur de curiosités littéraires: Czary i czarty polskie Diables et sortilèges polonais, Polski slownik pijacki Dictionnaire de soûlographie polonaise, Antologia bachiczna Anthologie bachique, Cicer cum caule czyli groch z kapusta Cicer cum caule ou pêle-mêle. Il a publié également: l'Anthologie de la nouvelle fantastique polonaise, Quatre siècles d'épigrammes polonais et Le livre de poèmes polonais du XIXe siècle.

En bref

Un groupe de poètes moins féconds en théories connut un grand succès. Il se nomme Skamander Le Scamandre, du nom de leur revue 1920-1928 et 1936-1939. Ils surent mettre la littérature à la portée du public cultivé grâce à la revue Wiadomości literackie Les Nouvelles littéraires où publiait le critique et feuilletoniste plein d'esprit Tadeusz Boy-Żeleński 1874-1941, talentueux et prolixe traducteur de la littérature française. Les Scamandrites n'étaient pas animés d'un désir de révolutionner le langage poétique comme leurs émules de l'Avant-garde, ils s'accommodaient des formes classiques en poésie mais la renouvelèrent cependant par leur sensualisme, leur goût du concret, leur élan vital frénétique. Ces poètes, qui se retrouvaient dans des cabarets littéraires, avaient aussi comme Konstanty Ildefons Gałczyński, 1905-1953 une activité de satiristes. Les Scamandrites touchèrent les contemporains dès leurs premiers recueils : Jan Lechoń, Kazimierz Wierzyński 1894-1969, Antoni Słonimski 1895-1976. Le plus fécond et le plus virtuose était Julian Tuwim 1894-1953, fasciné par la musique de la langue, à la recherche du contenu spirituel enfoui dans ses sonorités. Il excellait aussi dans la poésie pour enfants et dans la satire. Proche des Scamandrites, la poétesse Maria Pawlikowska 1894-1945, par son humour et son style discret, son approche réaliste de la psychologie féminine, rompt avec le ton pathétique de l'époque décadente.

Sa vie

Au départ, la poésie de Tuwim, comme celle d'autres skamandrites, a représenté une pause décisive avec le maniérisme du tournant des xixe siècle et xxe siècles et la langue décadente ; une expression de vitalité, d'optimisme et de glorification de la vie urbaine ; la vie quotidienne dans une ville, avec son caractère futile. Dans ses poèmes, Tuwim utilisait souvent la langue « régulière » aussi bien que le dialogue. La caractéristique de cette période est une série de recueils, comme Czyhanie na Boga Le guetteur de Dieu, 1918, Sokrates tańczący Socrate dansant, 1920, Siódma jesień Le Septième Automne, 1922 et Wierszy tom czwarty Poèmes, volume 4, 1923.
Dans ses derniers recueils Słowa we krwi, Les Mots dans le Sang, 1926 ; Rzecz czarnoleska, La chose de Czarnolas, 1929 ; Biblia cygańska, Bible bohémienne, 1933 ; Treść gorejąca, Essence ardente, 1933, Tuwim devient agité et amer et écrit avec la ferveur et la véhémence du vide d'existence urbaine. Il tire aussi avantage des traditions classiques et romantiques, s'inspirant de Kochanowski, des grands romantiques, de Norwid, pour perfectionner sa forme et son style et devenir un virtuose de la parole et de la langue poétiques.
Dès le tout début et au cours de sa carrière artistique, Tuwim s'est fait remarquer par sa veine satirique. Il contribua à l'humour juif avec les szmonces, sketches humoristiques joués dans les cabarets. Il a fourni des textes et des monologues à de nombreux cabarets. Dans sa poésie il a ridiculisé l'obscurantisme et la bureaucratie aussi bien que les tendances militaristes et nationalistes dans la politique. Son meilleur poème satirique et burlesque est Le bal à l'Opéra Bal w operze, 1936.
En 1918 Tuwim est un des fondateurs du cabaret le Picador, où il travaille comme auteur ou directeur artistique ainsi que dans d'autres cabarets comme Czarny kot le Chat Noir 1917–1919, Qui Pro Quo 1919–1932, Banda, le Gang et Stara Banda, le Vieux Gang 1932–1935 et finalement Cyrulik Warszawski le Barbier de Varsovie 1935–1939. Depuis 1924 Tuwim était le journaliste attitré de Wiadomości Literackie, les Nouvelles Littéraires où il a écrit Obscura à l'appareil de photo de colonne hebdomadaire aussi bien que pour les magazines satiriques : Cyrulik Warszawski le Barbier de Varsovie et Szpilki.

Seconde Guerre mondiale et après

En 1939, au début de la Seconde Guerre mondiale et à la suite de l'occupation allemande nazie de la Pologne, Tuwim émigre d'abord, par la Roumanie, en France puis après le capitulation de la France, au Brésil, par voie du Portugal et finalement aux États-Unis, où il s'installe en 1942. Pendant ce temps il écrit Kwiaty polskie les Fleurs polonaises, un poème épique exceptionnel dans lequel il se souvient avec la nostalgie, de sa première enfance à Łódź. En avril de 1944 il publie un manifeste My, Żydzi polscy Nous, les Juifs polonais qui exprime la grande colère du poète.

Tuwim revient en Pologne après la guerre, en 1946.

Les autres travaux de Tuwim incluent une collection de poèmes pour les enfants Lokomotywa La Locomotive 1938, tr. 1940 - Julian Tuwim et Jan Brzechwa sont les deux auteurs les plus réputés de poèmes pour les enfants en Pologne — et de traductions brillantes de Pouchkine et d'autres poètes russes. Le poète soviétique russe Élisabeth Tarakhovskaya a traduit la plupart des poèmes pour enfants de Tuwim en russe.
Bien que Tuwim reste connu aujourd'hui surtout par sa poésie pour les enfants et ses poèmes satiriques, il a aussi écrit souvent des poèmes "engagés". Sans doute l'exemple le plus important est Do prostego człowieka À l'homme ordinaire poème écrit vers 1929 dix ans avant la Seconde Guerre mondiale. D'abord publié le 7 octobre 1929 dans "Robotnik" "L'Ouvrier", il a déclenché une tempête d'attaques personnelles contre Tuwim, surtout des disciples antisémites de la droite polonaise critiquant les vues pacifistes de Tuwim.
À la fin de sa vie, il s'engage du côté du communisme et écrit quelques textes à la gloire de Joseph Staline et de l'Union soviétique.

Poésie

Le guetteur de Dieu, 1918
Socrate dansant, 1920
Le Septième Automne, 1922
Poèmes, volume 4, 1923
Les Mots dans le sang, 1926
La foire aux rimes, 1934
Autres écrits
Le Bal à l'Opéra, 1936
Fleurs polonaises, 1949

Récompenses et distinctions

Décoré dans l'Ordre de la Bannière du Travail
Grand-croix dans l'Ordre Polonia Restituta
Palmes d'or académiques



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#89 John Steinbeck
Loriane Posté le : 19/12/2015 14:53
Le 20 décembre 1968 à New York meurt John Ernest Steinbeck JR

à 66 ans, né le 27 février 1902 à Salinas en Californie aux états-unis, écrivain Romancier, nouvelliste, correspondant de guerre américain du milieu du XXe siècle, dont les romans décrivent fréquemment sa Californie natale. Il a reçu le Prix Pulitzer en 1940, le prix Nobel de littérature en 1962, la médaille présidentielle de la Liberté en 1964. Il appartient au mouvement " Génération perdue "
Ses Œuvres principales sont Tortilla Flat, En un combat douteux, Des souris et des hommes, Les Raisins de la colère, La Perle, À l'est d'Eden, Voyage avec Charley

En bref

Steinbeck est avant tout l'écrivain de la générosité. Son œuvre fut une constante dénonciation de la misère des hommes au nom d'une confiance presque mystique en leur inépuisable possibilité de perfectionnement. Il est par là spécifiquement américain et trouve tout naturellement sa place dans une tradition qui remonte à Emerson ou Whitman. La diversité même de son inspiration, qui le mène du roman à la nouvelle, au reportage ou au théâtre, et qui est tour à tour passionnée et humoristique, naturaliste et fantastique, scientifique et poétique, dit bien essentiellement un amour profond de la richesse multiple de la vie qu'il faut savoir saisir sous des formes sans cesse renouvelées. Rien donc ne saurait étouffer pour Steinbeck, malgré les tragédies d'une époque difficile, le jaillissement d'un optimisme qui le pousse continuellement à rechercher le véritable dialogue humain, celui que l'on poursuit avec soi comme avec autrui dans la générosité retrouvée de la vie elle-même lorsque celle-ci est redevenue libre et naturelle. L'innocence d'un paradis perdu, lieu du dialogue originel avec la vie, voilà au fond ce dont, en bon Américain, Steinbeck ne cesse de ressentir la nostalgie.
John Steinbeck est né à Salinas en Californie, d'un père trésorier municipal et d'une mère institutrice, et il vécut en Californie toute son enfance et son adolescence. Ce fut là une circonstance décisive. Terre de soleil riche de vergers, la Californie est aussi terre de rencontre où les traditions venues d'Europe ou d'Orient se mêlent aux traditions des Indiens autochtones, terre neuve donc et à la fois ancienne. En outre, elle représente, pour de nombreux Américains, la dernière « frontière , le rêve américain d'une Terre promise étirée au long du Pacifique. Mais surtout, pour Steinbeck enfant et adolescent, la Californie et plus particulièrement la Grande Vallée » de Salinas, région encore exclusivement rurale à l'époque, fut le lieu du premier contact avec la terre immémoriale. Ne disait-il pas lui-même que ce qui avait le plus marqué son enfance, c'étaient des événements apparemment aussi insignifiants que la naissance d'un poulain ou la manière dont les moineaux au printemps sautillaient sur les chemins de terre. Cycle des saisons donc mais aussi terre des civilisations d'avant l'homme blanc dont les vestiges subsistent dans les clairières sacrées, ou terre d'avant l'homme puisque dans les profondeurs de la vallée on retrouve les coquillages et le sable qui témoignent de l'époque où le pays était recouvert par la mer, et, plus profondément encore, les vestiges pétrifiés des immenses forêts de séquoias que l'Océan a jadis englouties. C'est dans ces profondeurs que l'homme steinbeckien plonge ses racines. Le Nouveau Monde qu'est l'Amérique retrouve ainsi une histoire plus vaste que la simple histoire des hommes, et c'est par elle qu'il va essayer de se redéfinir, sa nouveauté n'étant que le signe de ses retrouvailles avec l'immémorial.
Le déracinement que symbolise le voyage constitue l'autre volet de l'œuvre. Le monde du XXe siècle arrache l'homme à la terre et le lance à la poursuite d'un nouveau rêve. Ce thème du voyage, lui aussi profondément américain, illustre alors l'inquiétude de l'homme moderne. Mais, chez Steinbeck, il se situe autant dans le temps que dans l'espace. Il trouve alors un sens car il est aussi retour aux sources, manière de retrouver le cycle éternellement recommencé de la vie par la référence à un passé mythique sans cesse répété, que ce soit par exemple l'Exode biblique et la quête de la Californie promise des Raisins de la colère, ou la chute et la recherche du paradis de À l'est d'Éden. La terre et le voyage, loin d'être opposés, sont ainsi intimement liés dans un éternel recommencement.
On voit donc comment, au-delà du réalisme steinbeckien, se dessine toujours un horizon mythique. Romancier social et naturaliste, romancier tellurique, Steinbeck est aussi le romancier d'une libération de l'imagination. La fantaisie, l'humour, le fantastique donnent à sa description du monde américain moderne des résonances symboliques qui y font constamment passer le souvenir de récits légendaires.

Sa vie

Il naît en Californie, à Salinas, le 27 février 1902. John Steinbeck Senior, son père, est trésorier, et sa mère, Olive Steinbeck, est enseignante. Il a trois sœurs : Elizabeth 1894-1992, Esther 1892-1986 et Mary 1905-1965. Son grand-père paternel, Johann Adolf Großsteinbeck était un allemand originaire de Heiligenhaus. Après le lycée à Salinas, il étudie à Stanford, mais abandonne ses études, et en 1925 il part à New York, où il occupe divers emplois reporter, apprenti peintre, maçon, ouvrier et chimiste. Il y travaille brièvement au New York American, mais rentre à Salinas dès 1926.
Il publie en 1929 un premier roman, La Coupe d'or Cup of Gold: A Life of Sir Henry Morgan, Buccaneer, With Occasional Reference to History, une fiction historique basée sur la vie de Henry Morgan, qui ne rencontre pas le succès. En 1930, il épouse Carol Henning et déménage à Pacific Grove. Il y rencontre Ed Ricketts, un biologiste avec qui il se lie d'amitié.
En 1932, il publie Les Pâturages du ciel The Pastures of Heaven, un recueil de nouvelles se situant dans la ville de Monterey. En 1933, il publie Le Poney rouge The Red Pony et Au dieu inconnu To a God Unknown. Il reste ensuite au chevet de sa mère qui meurt en 1934. Il commence à recueillir des informations sur les syndicats fermiers. Son père meurt en 1935.
Tortilla Flat, écrit en 1935, lui vaut son premier prix littéraire, la médaille d'or du meilleur roman écrit par un Californien décernée par le Commonwealth Club of California. Cette histoire humoristique lui assure le succès. Il devient ami avec son éditeur, Pascal Covici.
Avec Des souris et des hommes Of Mice and Men et En un combat douteux In Dubious Battle, publiés en 1936, ses œuvres deviennent plus sérieuses. Dans une lettre à un ami, il se désole : Il y a des émeutes dans Salinas et des meurtres dans les rues de cette chère petite ville où je suis né. Il reçoit le New York Drama Critics Award pour sa pièce.
Après La Grande Vallée The Long Valley en 1937 et Les Bohémiens des vendanges série de sept articles écrits en 1936 pour le San Francisco News intitulés The Harvest Gypsies et publié, sous forme de pamphlet, avec pour nouveau titre Their Blood Is Strong, un reportage sur les travailleurs immigrants, en 1938, il publie Les Raisins de la colère The Grapes of Wrath en 1939, qu'il considère comme sa meilleure œuvre. Néanmoins, estimant que son écrit est trop révolutionnaire pour connaître le succès, il conseille à son éditeur un petit tirage… Le livre connaît le succès. On lui reproche néanmoins le langage utilisé et les idées développées. Le livre est interdit dans plusieurs villes de Californie. En 1940, lorsque le roman est adapté au cinéma par John Ford sous le même titre The Grapes of Wrath, il reçoit le prix Pulitzer.
En 1941, il lance une expédition marine avec Ricketts, publie Dans la mer de Cortez Sea of Cortez, écrit en collaboration avec son ami. Puis Steinbeck publie Lune noire The Moon Is Down, traduit aussi sous le titre Nuits noires, en 1942. Cette même année, il divorce et épouse Gwyndolyn Conger en 1943. Lifeboat, dont il a écrit le script, sort au cinéma en 1944. La même année, il déménage à Monterey, mais y est mal accueilli par les habitants. Il déménage à New York. Il a un premier fils, Thom qui sera l'oncle du chanteur Johnny Irion.
Après avoir écrit Rue de la sardine Cannery Row en 1945, il déménage à Pacific Grove en 1948. Il commence ses recherches pour l'écriture de À l'est d'Éden East of Eden. En 1946, son second fils, John IV, vient au monde. Il essaye d'acheter le ranch où se déroulent les aventures du Poney rouge, mais il échoue. Les personnages de Rue de la sardine se retrouvent dans un autre roman, Tendre jeudi Sweet Thursday.
En 1947, il publie La Perle The Pearl et part en URSS, accompagné du photographe Robert Capa, pour le New York Herald Tribune. Il en tire Journal russe Russian Journal en 1948. Ricketts meurt dans un accident de voiture. Il divorce.
Il rencontre Elaine Anderson Scott en 1949 et l'épouse en 1950. En 1952, il participe au film de Elia Kazan, Viva Zapata! et publie À l'est d'Éden.
Il publie en 1954 Tendre jeudi Sweet Thursday. Une comédie musicale, Pipe Dream, en est tirée en 1955. Il déménage à Sag Harbor, dans l'État de New York. En 1957, la ville de Salinas propose de donner son nom à un lycée. Il refuse.
En 1958 est publié Il était une fois une guerre Once There Was a War, recueil de ses reportages durant la Seconde Guerre mondiale. Il a une attaque en 1959, ce qui l'encourage à voyager en Angleterre et au Pays de Galles, puis à parcourir l'Amérique en 1960.
En 1961, il publie L'Hiver de notre mécontentement The Winter of Our Discontent son dernier roman, traduit par la suite sous le titre Une saison amère, en espérant revenir en arrière de presque quinze ans et recommencer à l'intersection où il avait mal tourné. Il est alors déprimé, et estime que la célébrité l'a détourné des vraies choses.
Les premières critiques sur le livre sont mitigées, mais il reçoit néanmoins le Prix Nobel de littérature en 1962. Après un autre voyage en Europe en 1963 avec Edward Albee, il reçoit la médaille présidentielle de la Liberté en 1964.
En 1966 est publié son ultime livre, Un artiste engagé America and Americans, un recueil de reportages, de chroniques et d'essais politiques. Il meurt le 20 décembre 1968 à New York d'artériosclérose.

Son œuvre

On retrouve plusieurs dominantes dans l'œuvre de Steinbeck, avec d'abord la Californie en général, et en particulier les villes où il a vécu. Il met souvent en scène des personnages communs, de classe ouvrière, confrontés au Dust Bowl et à la Grande Dépression.
Tout au long de sa vie, John Steinbeck aime se comparer à Pigasus de pig, cochon en anglais et Pegasus, un cochon volant, attaché à la terre mais aspirant à voler. Elaine Steinbeck explique ce symbole dans une lettre en parlant d'une âme lourde mais essayant de voler.
The Moon Is Down est paru en 1942. Il en existe une version française publiée à Lausanne sous le titre Nuits sans Lune en 1943. Cette version comporte, par rapport au texte original certaines coupures et certaines altérations, et ce pour des raisons faciles à comprendre. En effet, si à aucun moment de son récit, Steinbeck n'a explicitement désigné l'armée d'invasion comme étant allemande, de nombreuses mentions y sont faites de l'Angleterre, de la guerre de Russie, de l'occupation de la Belgique vingt années auparavant, qui ne laissent subsister aucun doute, et avaient donc dû être suppri­mées dans l'édition de Lausanne. La traduction française intégrale est parue en 1994 sous le titre Lune noire.

Les premières œuvres : réalisme et fantaisie

Inscrit à l'université de Stanford où il étudie la biologie, le jeune Steinbeck supporte mal la vie universitaire. Il tâte alors un peu de tous les métiers ; il est ouvrier agricole, matelot, puis travaille sur le chantier du Madison Square Garden à New York. Il devient un moment journaliste, mais sans succès. Congédié, il retourne en Californie où il trouve un poste de gardien dans les montagnes près du lac Tahoe. C'est là qu'il écrit son premier roman, Coupe d'or Cup of Gold, 1929, récit d'aventures mettant en scène un boucanier gallois du XVIIe siècle, à la recherche à la fois de la femme idéale et du trésor de Panama. En 1930, il se marie et s'installe à Pacific Grove où il rencontre un biologiste, Edward Ricketts, qui aura une très grande influence sur sa pensée et deviendra dans son œuvre le prototype de l'homme de science ouvert à la vie. En 1932 paraissent Les Pâturages du ciel The Pastures of Heaven et en 1933 Au Dieu inconnu To a God Unknown, hymne panthéiste à la vie dont l'épigraphe est un extrait du Rigveda.
C'est seulement avec Tortilla Flat 1935 que Steinbeck connaît une certaine renommée. On y trouve une fantaisie faite d'humour et de mélancolie qui en assurent le succès. Le roman décrit à Monterey, petit port de pêche californien, la vie de Danny et de ses copains, des paisanos nés d'un assortiment de sang espagnol, indien, mexicain et caucasien. Gais, insouciants, totalement réfractaires à tout travail, aimant avant tout les femmes, le vin et la ripaille, ils vivent en marge de la société et deviennent, dans l'imagerie steinbeckienne, de modernes chevaliers de la Table ronde dont les aventures rocambolesques ont pour but de distraire et de faire rêver, sans trop y croire, d'un monde où tout serait plus simple.
Dans la veine de ces premiers romans, on voit se dégager les éléments de l'inspiration de Steinbeck, le réalisme des êtres simples croqués sur le vif, mais aussi la fantaisie qui sait dégager chez eux une manière de prendre la vie qui fait que l'échec n'est jamais complet puisqu'il est racheté par le rêve.
Dans Des souris et des hommes Of Mice and Men, 1937, l'inspiration s'élargit. C'est la peinture du monde des journaliers agricoles de l'Ouest, et on sent passer comme un lointain écho de la conception marxiste de la lutte des classes dans la structure dialectique du livre partagé entre les deux personnages principaux comme entre le monde des propriétaires et celui des ouvriers itinérants. Là aussi, le réalisme social et économique est métamorphosé par l'allégorie. Dans ce roman, il s'agit avant tout de l'innocence impossible, et on n'est pas sans remarquer ici des résurgences puritaines. Dans la condamnation de l'innocence de Lennie tenté par la femme, on reconnaît un thème biblique ; mais, dans le portrait de ce retardé mental qui ne peut aimer sans détruire, c'est l'innocence de la nature elle-même qui est mise en cause. On voit ainsi s'introduire un doute dans l'optimisme naturel de Steinbeck, qui réapparaîtra dans À l'est d'Éden.

Les grands romans sociaux

Si le doute s'insinuait dans Des souris et des hommes, le grand souffle épique de la révolte le dissimule dans Les Raisins de la colère The Grapes of Wrath, 1939 qui relate l'exode vers la Californie de fermiers endettés de l'Oklahoma, chassés par les grandes banques. La générosité de l'inspiration steinbeckienne, nourrie ici d'indignation autant que l'espoir, fait vibrer le style et exploser l'imagination en une multiplicité de références mythiques, l'Exode biblique, le sacrifice du Christ, la Vierge déesse mère nourricière, qui tentent de donner un sens à la tragédie des Okies. En fait, l'excessive abondance de ces justifications mythiques tend à dénaturer la vérité du sentiment en plaquant l'espoir théorique sur la réalité de la souffrance. En même temps, cela aboutit à une simplification des caractères et des problèmes posés. Mais on voit aussi se développer de nouveaux thèmes, celui en particulier du « groupe » et, au-delà, de la fraternité humaine des masses par opposition à un individualisme étriqué. Et c'est surtout la puissance des images, les descriptions de paysages, des forces élémentaires, qu'elles soient celles de la nature ou de masses d'hommes empoignés par la peur ou la colère, qui frappe. Un nouveau type de roman apparaît, le roman de masse – masse amorphe de chômeurs se mettant lentement et lourdement en marche –, roman brut, lui-même massif, tout d'une pièce et d'un seul mouvement. La référence au Déluge qu'on trouve à la fin dit bien la puissance grandissante, à la fois terrible et exaltante, de cette masse où se dessinent les premiers signes du mouvement.
Autres romans sociaux : En un combat douteux In Dubious Battle, paru en 1936, a pour thème les grèves des saisonniers californiens, et, de moindre envergure, Nuits noires The Moon is Down, 1942, qui se situe en Europe pendant l'occupation allemande, fait réapparaître la question du bien et du mal déjà posée dans Des souris et des hommes. On s'aperçoit alors qu'il y avait toujours eu, chez Steinbeck, sous l'apparente simplicité, une complexité morale. En fait, son imagination s'était constamment nourrie de contradictions internes. Elle va chercher maintenant à leur trouver une unité.

La recherche d'un humanisme

À l'est d'Éden East of Eden, 1952 illustre le mieux cette nouvelle étape. On y retourne dans la vallée de Salinas qui n'est plus maintenant paradis, mais jardin à l'est d'Éden où Adam et Ève vivent après la chute. C'est l'histoire, à peine déguisée, de Caïn et d'Abel, entremêlée de réflexions philosophiques où l'ancienne inspiration « panique » se conjugue difficilement avec le nouveau soupçon à l'égard de la nature humaine. Le dernier mot reste à Lee, vieux domestique chinois plein de sagesse, qui, en reprenant le mot biblique « timshel », qu'il traduit par « tu peux », réaffirme le libre choix humain. Steinbeck aboutit, en fin de compte, à un humanisme difficile, déchiré entre la possibilité du bien et celle du mal. Il y a beaucoup de banalités dans tout cela, même si la pensée se fait plus complexe, et le parallélisme exact avec l'histoire biblique impose au récit un cadre trop rigide pour que l'imagination s'y déploie à l'aise et pour que les personnages y vivent de leur vie propre. Mais il y avait dans ce livre, le dernier grand livre de Steinbeck, une ambition d'allégorie morale dans la tradition américaine qui méritait mieux que cette demi-réussite.
Steinbeck connaît alors une fin de carrière décevante que ne rachète pas le prix Nobel contesté qu'il reçoit en 1962. Son dernier roman, L'Hiver de notre mécontentement The Winter of Our Discontent, 1961, marque un désenchantement de l'auteur en même temps qu'un déclin. Steinbeck meurt à New York. Son œuvre, prise dans son ensemble, révèle un talent puissant mais parfois brouillon, plus complexe qu'il n'y paraît à première vue. Bien qu'aisément tenté par un sentimentalisme facile et un symbolisme excessif et mal contrôlé, d'une psychologie trop stéréotypée, il est souvent illuminé par la fraîcheur spontanée de l'imagination et la générosité passionnée qui l'inspire. Robert Rougé

Attribution du prix Nobel

Lorsqu'en 2012, la Fondation Nobel rend publiques les archives des délibérations vieilles de cinquante ans comme le stipule le règlement, elle révèle que John Steinbeck fut récompensé par défaut. Les quatre autres auteurs retenus dans la sélection finale de 1962 étaient la Danoise Karen Blixen, le Français Jean Anouilh puis les Britanniques Lawrence Durrell et Robert Graves. Il fut d'emblée décidé que Durell serait écarté. Blixen mourut un mois avant l'élection du gagnant et Anouilh fut évincé car sa victoire aurait été trop proche de celle Saint-John Perse, le dernier lauréat français. Graves, quant à lui, était connu comme poète bien qu'il ait publié quelques romans. Mais pour Anders Österling, secrétaire perpétuel d'alors de l'Académie suédoise, personne dans la poésie anglophone n'égalait le talent d'Ezra Pound dont il fut décidé qu'il serait privé de la récompense à cause de ses positions politiques. Steinbeck obtint finalement le prix. L'annonce de son couronnement fut mal reçue par la presse suédoise et américaine pour qui il était un auteur du passé. En effet, l'écrivain américain n'avait rien publié de marquant depuis longtemps et ses grands romans Les Raisins de la colère, Des souris et des hommes et À l'est d'Eden étaient derrière lui. Quand il répondit à un journaliste lui demandant s'il méritait la distinction, Steinbeck, lui-même surpris par sa victoire, répondit : Franchement, non.

Œuvres

Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Œuvre de John Steinbeck.
La liste ne répertorie que la première édition en français.

Romans

Cup of Gold 1929
Publié en français sous le titre La Coupe d'or, traduit par Jacques Papy, Paris, Gallimard, « Du monde entier », 1952
To a God Unknown 1933
Publié en français sous le titre Au dieu inconnu, traduit par Jeanne Witta-Montrobert, Paris, Gallimard, « Du monde entier », 1950
Tortilla Flat 1935
Publié en français sous le titre Tortilla Flat, traduit par Brigitte V. Barbey, Lausanne, Marguerat, « La Caravelle » no 7, 1944
In Dubious Battle 1936
Publié en français sous le titre En un combat douteux, traduit par Edmond Michel-Tyl, Paris, Gallimard, « Du monde entier », 1940
Of Mice and Men 1937
Publié en français sous le titre Des souris et des hommes, traduit par Maurice-Edgar Coindreau, Paris, Gallimard, 1939
The Grapes of Wrath 1939
Publié en français sous le titre Les Raisins de la colère, traduit par Marcel Duhamel et Maurice-Edgar Coindreau, Paris, Gallimard, 1947
The Moon Is Down 1942
Publié en français sous le titre Lune noire, traduit par Jean Pavans, Paris, J.-C. Lattès, 1994
Cannery Row 1945
Publié en français sous le titre Rue de la sardine, traduit par Magdeleine Paz, Paris, Gallimard, « Du monde entier », 1947
The Wayward Bus 1947
Publié en français sous le titre Les Naufragés de l'autocar, traduit par Renée Vavasseur et Marcel Duhamel, Paris, Gallimard, 1949
East of Eden 1952
Publié en français sous le titre À l'est d'Éden, traduit par J.-C. Bonnardot, Paris, Del Duca, 1956
Sweet Thursday 1954
Publié en français sous le titre Tendre Jeudi, traduit par J.-C. Bonnardot, Paris, Éditions Mondiales, 1956
The Short Reign of Pippin IV 1957
Publié en français sous le titre Le Règne éphémère de Pépin IV, traduit par Rose Celli, Paris, Del Duca, 1957
The Winter of Our Discontent 1961
Publié en français sous le titre L'Hiver de notre mécontentement, traduit par Monique Thiès, Paris, Del Duca, 1961

Courts romans

The Red Pony 1933
Publié en français sous le titre Le Poney rouge, dans La Grande Vallée, traduit par Marcel Duhamel et Max Morise, Du monde entier, 1946
The Pearl 1947
Publié en français sous le titre La Perle, traduit par Renée Vavasseur et Marcel Duhamel, Paris, Gallimard, Du monde entier, 1950
Burning Bright 1950
Publié en français sous le titre La Flamme, traduit par Henri Thiès, Paris, Del Duca, 1951

Recueils de nouvelles

The Pastures of Heaven 1932
Publié en français sous le titre Les Pâturages du ciel, traduit par Louis Guilloux, Paris, Gallimard, 1948
The Long Valley 1938
Publié en français sous le titre La Grande Vallée, traduit par Marcel Duhamel et Max Morise, Du monde entier, 1946

Récits, reportages et mémoires

The Harvest Gypsies ou Their Blood Is Strong 1938, recueil d'articles
Publié en français sous le titre Les Bohémiens des vendanges, traduit par Jean-François Chaix, Paris, Éditions Mille et une nuits, « Petite collection » no 254, 2000
The Log from the Sea of Cortez 1941-1951
Publié en français sous le titre La Mer de Cortèz, traduit par Rosine Fitzgerald, Paris, Éditions maritimes et d'outre-mer, 1979 ; réédition de la même traduction sous le titre Dans la mer de Cortez, Arles, Actes Sud, 1989
Bombs Away: The Story of a Bomber Team 1942
A Russian Journal 1948
Publié en français sous le titre Journal russe, traduit par Marcel Duhamel, Paris, Gallimard, 1949
Once There Was A War 1958
Publié en français sous le titre Il était une fois une guerre, traduit par Henri Thiès, Paris, Del Duca, 1960
Travels with Charley: In Search of America 1962
Publié en français sous le titre Mon caniche, l'Amérique et moi, traduit par Monique Thiès, Paris, Del Duca, 1962 ; réédition de la même traduction sous le titre Voyage avec Charley, Arles, Actes Sud, 1997
America and Americans 1966

Écrits posthumes

Journal of a Novel: The East of Eden Letters 1969
Viva Zapata! 1975, scénario du film d'Elia Kazan
Publié en français sous le titre Zapata, suivi de Viva Zapata !, traduit par Christine Rucklin, Paris, Gallimard, Du monde entier, 2003
The Acts of King Arthur and His Noble Knights 1976
Publié en français sous le titre Le Roi Arthur et ses preux chevaliers, traduit par Patrick et Françoise Reumaux, Paris, J.-C. Godefroy, 1982
Working Days: The Journals of The Grapes of Wrath 1982
Steinbeck in Vietnam: Dispatches from the War 2012


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#90 Friedrich Hebbel
Loriane Posté le : 13/12/2015 16:25
Le 13 décembre 1863 meurt à 50 ans Christian Friedrich Hebbel

à Vienne, né le 18 mars 1813 à Wesselburen Dithmarse,il a pour pseudonyme Dr. J. F. Franz, poète,n écrivain et un dramaturge allemand, marié à Christine Enghaus, il reçoit pour distinction le prix Schiller 1863.
Hebbel, dramaturge, poète, nouvelliste, compte parmi les grands écrivains d'Allemagne qui n'ont conquis que lentement la gloire dans leur pays et qui restent très peu connus hors des frontières nationales. Certes, ce fils de maçon né à Wesselburen dans le Holstein, qui traversera toute l'Allemagne à pied sans presque manger pour trouver à Munich ou à Vienne des hommes qui sachent le comprendre, cet autodidacte qui puise une vision pessimiste du monde dans une longue expérience de la pauvreté, ce fils de prolétaire qui affiche une philosophie d'apparence conservatrice, ce grand naturaliste avant la lettre aura lutté toute sa vie, et la lutte entre l'individu isolé et le monde sera la substance même de son œuvre. Depuis quelques décennies cependant, l'Europe découvre la richesse de sa réflexion.

Sa vie

Allemand du Holstein qui était un territoire peuplé d'Allemands, et un domaine personnel du roi du Danemark bien que n'appartenant pas au Danemark lui-même de 1559 jusqu'en 1864, Hebbel était fils d'un maçon sans fortune, il montra très tôt un talent pour la poésie et parvint à faire publier ses vers au Hamburg Modezeitung, grâce à l'appui d'Amalie Schoppe (1791-1858), journaliste populaire et auteur de contes de nourrices à qui il les avait envoyés. Celle-ci lui permit, en outre, d'entrer en 1836 à l'université de Hambourg. Un an après, il partit à Heidelberg étudier le droit, puis à Munich, où il se consacra à la philosophie, à l'histoire et à la littérature. En 1839, il retourna à Hambourg, où il retrouva Elise Lensing, qui l'avait soutenu, lors de ses crises de dépression, dans la capitale bavaroise et qui devaient l'inspirer dans ses poèmes et ses tragédies. La même année, il écrivit sa première tragédie, Judith (éditée en 1841). Jouée l'année suivante à Hambourg et à Berlin, cette pièce le fit connaître dans l'ensemble de l'Allemagne. En 1840, il écrivit la tragédie Genoveva et finit, en 1841, la comédie Le Diamant qu'il avait commencée à Munich.

En 1842, il se rendit à Copenhague, où le roi Christian VIII de Danemark lui accorda une bourse, qui lui permit de visiter Paris et de passer deux ans (1844-1846) en Italie. À Paris, il écrivit sa tragédie Maria-Magdalena et Tragédie de la vie courante (1844). À son retour d'Italie, Hebbel rejoignit Vienne, où deux frères bolonais, les Zerboni di Sposetti, enthousiasmés par son génie, l'avaient invité à séjourner. Il ne devait plus quitter la capitale autrichienne. En 1846, il épousa la belle et riche actrice Christine Enghaus, abandonnant Elise Lensing (qui lui resta fidèle jusqu'à sa mort. En 1849, il devint rédacteur de page littéraire. Ses œuvres complètes ont été éditées pour la première fois en douze volumes par E. Kuh à Hambourg en 1866-1868.

Toute vie est un combat entre l'individu et l'univers.

Le drame moderne, si du moins celui-ci doit enfin prendre naissance, se distinguera du drame shakespearien (dont il faut de toute manière partir en ceci que la dialectique dramatique se situera non seulement dans les caractères, mais dans l'idée elle-même. Le drame sera non seulement celui de l'homme dans ses rapports avec l'Idée, mais la justification même de l'Idée, Journal intime.
Pareille optique explique à la fois la force et la faiblesse de l'œuvre. Sa force, car Hebbel ouvre la voie à un nouveau théâtre européen que l'on pourrait appeler drame du dévoilement, de la démystification de l'être. Cette nouvelle forme inspirera Ibsen, Gerhart Hauptmann, Strindberg, Georg Kaiser et Jean-Paul Sartre jusque dans les années 1950. Sa faiblesse en même temps, car l'œuvre de Hebbel est souvent surchargée d'intentions qui risquent de transformer les personnages en illustrations de théorèmes et qui écartèrent de lui un bon nombre de lecteurs et de spectateurs.
Deux aspects essentiels traduisent dans l'œuvre la nouvelle conception du tragique. Le premier véritablement révolutionnaire par rapport au théâtre classique de Gœthe et de Schiller est une nouvelle conception de la faute. Le drame allemand avait repris le modèle traditionnel grec : la faute tragique naît de la démesure, de l'hybris qui entraîne l'homme à empiéter sur le domaine du divin (Prométhée, Œdipe, etc.). Chez Hebbel, le tragique ne découle pas de tel ou tel acte d'un être, mais de son existence même au sein du monde, de son Dasein au sens heidéggerien. On le trouve exprimé tout entier dans certains passages du drame d'Agnès Bernauer (1852). Agnès, fille d'un barbier de la ville, séduit par sa seule beauté et son innocence, sans aucun calcul (contrairement à ce que fut peut-être son prototype historique), Albert, fils du duc régnant de Bavière. Le duc, héritier d'une Bavière amoindrie, épouse la jeune bourgeoise. Leurs enfants, nés d'une mésalliance, ne peuvent régner, et les États voisins en prennent prétexte pour déclencher la guerre civile et conquérir la Bavière. Devant cet avenir dramatique, le vieux duc Ernest préfère se heurter directement à son fils, faire précipiter Agnès dans le fleuve pour que son fils accepte enfin sa notion conservatrice de l'État. Il choisit l'injustice de préférence au désordre. Agnès déclare au chancelier Preising : « Et qu'ai-je donc commis ? » et celui-ci de répondre : « Troublé l'ordre du monde, divisé père et fils, détourné le prince de son peuple, provoqué une situation dans laquelle il ne saurait plus être question de culpabilité ou d'innocence mais seulement de cause et d'effet. » Le duc Ernest avoue souffrir de cet acte barbare, mais il déclare à son fils : « Si toi, tu te révoltes contre l'ordre divin et humain, moi, je suis là pour le maintenir et ne dois pas demander ce qu'il en coûte. » Ernest sait Agnès innocente, il sait que sa seule présence, sa beauté dont elle ne saurait être jugée responsable, ont déclenché le drame, mais il considère aussi comme juste que la cause du désordre soit brisée.
Le tragique hebbelien résulte donc du conflit inévitable dans lequel se trouve engagé tout être en contact avec la société dont il ne peut cependant se passer. Hebbel a toujours ressenti cette opposition entre le moi et le monde non seulement comme inévitable, mais aussi comme indispensable à la vie intellectuelle et spirituelle de chaque individu. Le principium individuationis, maudit des romantiques qui tentent par tous les moyens d'y échapper (l'Empédocle de Hölderlin qui se précipite dans l'Etna), se révèle ici source de tragique, c'est-à-dire de vie. Le moi ne peut s'isoler du monde sans perdre son équilibre, et le monde ne peut se passer de l'existence individuelle de chacun afin d'exister en tant que tel. Mais ce monde n'aspire qu'à anéantir l'individualité puisque, en tant que totalité, il se trouve en conflit permanent avec l'individu ; c'est la situation de Meister Anton dans Marie-Madeleine (Maria Magdalena, 1846), d'Holopherne dans Judith (1840), de Candaule dans Gygès et son anneau (Gyges und sein Ring, 1854). Ce principe de lutte, de déséquilibre facteur de nouveaux équilibres se retrouve à tous les niveaux dans la vie et dans l'œuvre du poète, notamment sous l'aspect de la guerre des sexes.

Le monde et l'homme

Cette même opposition se trouve encore dans les rapports entre Dieu et les hommes. Selon Hebbel, l'homme est un mal en Dieu comme Dieu est un mal en l'homme. Dieu a besoin de l'homme pour exister. Hebbel retourne donc le paradoxe chrétien d'un Dieu sacrifié sur la croix pour sauver l'homme et lui donner la vie éternelle. Désormais, c'est l'homme qui se sacrifie non pour se sauver lui-même mais pour sauver Dieu.
Ainsi donc l'ultime « purification » d'Albert se soumettant à son père qui a fait assassiner sa femme Agnès est beaucoup plus qu'un acte de conservatisme social : il est parvenu à comprendre ce qu'il y a de nécessaire dans les rapports entre l'homme et l'univers. Lorsque l'homme atteint ce but, il cesse d'être un individu, car il atteint à ce qu'il y a d'universel dans l'être qui comprend que Dieu n'existe que dans et par les contradictions mêmes du monde : « Il n'existe qu'une seule nécessité : que le monde existe. Comment l'individu s'en accommode importe peu. »
La critique allemande souligne à plaisir que le théâtre de Schiller est celui de la liberté, celui de Hebbel le drame de la nécessité. Sans doute, mais il n'est pas certain pour autant que l'on puisse conclure, comme on l'a fait si souvent, au nihilisme de Hebbel. Certes, la vision idéaliste du monde se révèle ici être le produit du mensonge humain, mais l'acceptation suprême du monde emporte le héros hebbelien bien au-delà du nihilisme dont le préserve toujours par ailleurs le sentiment du devoir moral d'exister.

Hebbel et l'histoire

Hebbel a longtemps réfléchi à la nature du drame dans son Journal intime, dans la préface de son drame Marie-Madeleine, dans le texte théorique Ein Wort über das Drama (Mon opinion sur le drame), 1843. Sa conception du drame, et plus précisément du drame historique, est aussi différente de celle de ses contemporains que sa conception du tragique. Loin de chercher dans l'histoire un refuge comme le firent souvent les romantiques, un moyen de se rattacher à une communauté nationale comme Franz Grillparzer, Hebbel ne voit dans l'histoire qu'une mine de situations propres à illustrer des idées qui ont à ses yeux une valeur intemporelle. Ses sujets sont empruntés indifféremment à l'Antiquité (Herodes und Mariamne, Judith, Demetrius, Gygès et son anneau), au Moyen Âge (il fait revivre notamment sur scène tout le chant des Nibelungen) et aux temps modernes (Marie-Madeleine). Son attitude reste en effet invariable : la situation du poète l'apparente à la fois au monde ancien et au monde moderne, et son rôle est de faire prendre conscience aux masses de la nécessité du changement, de concevoir les temps nouveaux que son époque contient en germe.
Hebbel n'est donc qu'en apparence un « auteur de drames historiques » : le costume n'y est qu'un déguisement à travers lequel s'affirme le tragique permanent d'une vie douloureuse dans une époque de transition. Le temps historique joue peu de rôle dans son œuvre où il ne fait que relier en apparence des conflits éternellement semblables, ceux inhérents à la présence de l'homme dans le monde. Même si Hebbel a partiellement puisé, comme nombre de ses contemporains, son inspiration dans l'œuvre de Hegel, il se détache toujours plus nettement de ceux-ci par son originalité. Il ouvre en Allemagne et en Europe une nouvelle époque du théâtre beaucoup plus encore qu'il ne clôt la précédente. Michel-François Demet

Richard Wagner utilisa ses travaux pour créer sa gigantesque tétralogie de L'Anneau de Nibelung.

Tragédies

Friedrich Hebbel „Die Nibelungen“ Schulausgabe um 1900, Wien/Brünn
Judith 1841
Hérode et Mariamne 1850
Michel Angelo 1850, en deux actes
Julia 1851
Agnès Bernauer 1855
Gygès et son anneau 1856
Les Nibelungen, trilogie 1862
Demetrius 1864

Comédies

Une Tragédie en Sicicle 1845
Le Diamant 1847
Le Rubis 1850

Poésie

Mère et enfant 1859



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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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