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#71 Anne Brontë
Loriane Posté le : 16/01/2016 19:04
Le 17 janvier 1820 naît Anne Brontë

à Thornton dans le Yorkshire, morte le 28 mai 1849 à 29 ans à Scarborough, Yorkshire, femme de lettres de langue anglaise, écrivain britannique de romans, tout comme ses sœurs Emily Brontë et Charlotte Brontë, une femme de lettres britannique.
Elle est fortement marquée par son expérience de gouvernante, qu'elle décrit en particulier dans Agnes Grey avec un fort souci de véracité, en soulignant la lourde responsabilité des parents dans le manque de rectitude morale chez les enfants de certaines familles riches.
Son second roman, The Tenant of Wildfell Hall La Recluse de Wildfell Hall, est marqué par la déchéance de son frère Branwell.
Très proche de sa sœur Emily, au point qu'on les a comparées à des jumelles, elle participe avec elle au cycle de Gondal.

Les Brontë.
L'expérience prématurée de la mort.

Anne naît dans le village de Thornton, dans le Yorkshire, dernière de six frère et sœurs, destinés à être l'une des plus célèbres familles littéraires de Grande-Bretagne, la famille Brontë.
Sa mère, Maria Branwell Brontë, meurt d'un cancer un an plus tard, en 1821, après l'installation de la famille à Haworth, où leur père, Patrick Brontë, a été nommé vicaire perpétuel. Dans sa petite enfance, ses deux sœurs aînées, Maria et Elizabeth, meurent de la tuberculose beaucoup de choses ont été écrites sur l'influence de ces décès sur les enfants et sur leurs futurs écrits.
Leur père, Patrick Brontë, et leur tante maternelle, Elizabeth Branwell, décident de laisser aux enfants une grande liberté.

Les royaumes imaginaires de Glass Town, puis de Gondal

Glass Town et Gondal royaume imaginaire.
Un cadeau, offert par leur père à Branwell douze soldats de bois, en juin 1826, stimule leur imagination : à partir de décembre 1827, Charlotte, Emily, Anne et leur frère Branwell commencent à créer des mondes imaginaires, avec la « confédération de Glass Town », qu'ils mettent en scène dans des récits, des poèmes, des articles de journaux, des pièces de théâtre.
En 1831, Charlotte les quitte pour poursuivre ses études chez Miss Wooler à Roe Head. Emily et Anne font alors sécession et créent le pays de Gondal, plus rude et plus austère qu'Angria, et dirigé par une femme, Augusta Geraldine Almeda. Le nouveau cycle est mené parallèlement par Emily et par Anne, malgré leurs séparations fréquentes. Anne, en effet, est longtemps gouvernante dans plusieurs familles. C'est dans la cadre de Gondal que la plupart de leurs poèmes sont élaborés.
Les sœurs d'Anne Brontë, Charlotte et Emily, sont aussi auteurs et poètes. Les poèmes d'Anne sont publiés, en même temps que les leurs, en 1846, sous le pseudonyme d'« Acton Bell ».

Gouvernante

Gouvernante à moins de 19 ans, elle est remerciée de son premier emploi au bout de deux trimestres. Puis elle trouve une place chez le révérend Edmund Robinson, qui a trois filles et un fils de neuf ans, chez lequel elle demeure quatre ans. Peu après la mort de son frère Branwell et de sa sœur Emily en septembre et décembre 1848, Anne Brontë meurt en mai 1849, de la tuberculose comme son frère et ses quatre sœurs, dans la station balnéaire de Scarborough, dans le Yorkshire, où elle s'est rendue, accompagnée de sa sœur Charlotte et de Ellen Nussey, avec l'espoir que l'air marin lui ferait du bien. Elle a été enterrée dans le cimetière de St Mary's à Scarborough.
D'après sa sœur Charlotte, Anne avait un esprit empreint de religiosité, une nature sensible, habitée d'une certaine mélancolie. Plutôt réservée, elle masquait ses pensées et ses sentiments sous une sorte de voile de nonne rarement soulevé.

Inspiration

Les influences littéraires révélées par Agnes Grey et The Tenant of Wildfell Hall sont beaucoup moins nettes que dans les œuvres de ses sœurs : ses deux romans sont largement fondés sur son expérience de gouvernante pour le premier et sur le spectacle de la déchéance de son frère Branwell Brontë pour le second. De plus, ils s'appuient sur un certain réalisme et tentent de présenter les faits racontés sans travestissement. Anne est, en effet, habitée par la conviction, héritée de son père et de son enseignement biblique, qu'un livre doit offrir une leçon morale exemplaire.
Outre l'éducation donnée par Patrick Brontë, Anne subit aussi l'influence de sa tante, Elizabeth Branwell qui est une ardente Méthodiste2. Sa rigueur morale, son sens très Wesleyien de l'amélioration personnelle par l'effort et l'étude sont transmis à tous les membres de la famille et trouvent un écho particulier chez la plus jeune des sœurs.
L'œuvre d'Anne laisse également transparaître l'influence de Walter Scott et des romans gothiques d'Ann Radcliffe, d'Horace Walpole, de Gregory Monk Lewis ou de Charles Maturin, mais de façon beaucoup moins nette que chez Charlotte et Emily.

Œuvres

Poèmes par Currer, Ellis et Acton Bell, 1846
Agnes Grey, 1847
La Recluse de Wildfell Hall The Tenant of Wildfell Hall, 1848

Romans

Moins célèbre que ses deux aînées, elle est l'auteur de deux romans didactiques. Agnès Grey 1847, livre largement autobiographique écrit à la première personne où elle raconte l'histoire de la fille cadette d'un pasteur qui doit gagner sa vie comme gouvernante, traite du problème, assez commun, à l'époque, de ces femmes des classes bourgeoises les moins fortunées qui ne pouvaient espérer un mariage convenable et ne pouvaient compter que sur une place de gouvernante pour subvenir à leurs besoins. L'intrigue est de construction simple, mais révèle déjà une satiriste de premier ordre. Dans la lignée de Jane Austen, et comme sa sœur Charlotte Brontë, Anne Brontë aura été parmi les premiers romanciers à mettre en scène une héroïne sans beauté.
La Recluse de Wildfell Hall The Tenant of Wildfell Hall, 1848 est un ouvrage de structure plus complexe, où se mêlent d'une part le récit, par Gilbert Markham sous la forme d'une lettre à un ami, de ses amours avec Helen Graham de Wildfell Hall et d'autre part, inséré dans le premier sous la forme d'un journal intime, le calvaire d'Helen, devenue Huntingdon, épouse d'un mari débauché et alcoolique. C'est un best-seller, qui fait scandale à cause de son réalisme et de la rébellion d'Helen, celle-ci refusant à son mari l'accès à sa chambre à coucher avant de prendre la fuite avec leur enfant, ce qui à l'époque est tout à fait illégal. On peut y voir une sorte de réplique aux romans de ses sœurs, où la présentation du "vice" est plus romanesque ; dans sa préface à la seconde édition, Anne déclare : "si je puis attirer l'attention du public de quelque façon que ce soit, j'aime mieux lui chuchoter quelques saines vérités que d'innombrables fadaises".

Poèmes

Ses poèmes sont essentiellement lyriques ; elle y exprime l'ennui et la nostalgie qu'elle ressent loin de Haworth, et une bonne partie d'entre eux sont d'inspiration religieuse.

Un poème d'Anne
le dernier qu'elle ait écri)

Last Lines
A dreadful darkness closes in
On my bewildered mind;
O let me suffer and not sin,
Be tortured yet resigned.

Through all this world of blinding mist
Still let me look to thee,
And give me courage to resist
The Tempter, till he flee.

Weary I am — O give me strength,
And leave me not to faint:
Say thou wilt comfort me at length
And pity my complaint.

If thou shouldst bring me back to life,
More humbled I should be,
More wise, more strengthened for the strife,
More apt to lean on thee.

Should Death be standing at the gate,
Thus should I keep my vow;
But hard whate'er my future fate,
So let me serve thee nowN 1.

« Derniers vers »5 : strophes 1, 2, 3 et 16, 17
Une ombre effrayante enserre
Mon esprit tout effaré
Ô que je puisse souffrir sans pécher,
Endurer la torture et me résigner

À travers ce vaste monde de brumes aveuglantes
Encore vers toi, fais que je porte mon regard,
Et accorde-moi le courage de résister
Au Tentateur, pour qu'enfin il s'enfuie.

Lasse est mon âme - Ô accorde-moi
La force de ne point défaillir :
Dis-moi qu'enfin ton réconfort je recevrai,
Et qu'aussi ta pitié écoutera ma plainte.

Si tu devais me ramener à la vie,
Encore plus humble je serais,
Plus sage, et plus forte pour faire front,
Et plus à même de m'appuyer sur toi.

Si la Mort devait à la porte m'attendre,
Ainsi respecterais-je mon vœu ;
Mais si dur que soit le destin qui m'attend,
Fais que je puisse dès à présent te servir

Famille Brontë
Emily Brontë
Charlotte Brontë
Branwell Brontë
Patrick Brontë

LES BRONTË


L'œuvre des sœurs Brontë offre le fascinant exemple d'un texte littéraire voué à la méconnaissance par la puissance même de la mythologie qui a fait sa célébrité. Il est peu de sujets que la critique anglo-saxonne ait abordés depuis un siècle avec un tel luxe d'érudition, d'amour et de curiosité ; il n'en est pas dont elle ait obscurci pareillement le sens. On en jugera d'après le seul fait qu'il n'existe aujourd'hui en langue anglaise aucune édition intégrale d'une œuvre entre toutes commentée, qui compte, comme celles de Dickens, Scott ou Byron, parmi les classiques de la langue et de la sensibilité nationales.

Un refoulement culturel

Cette situation paradoxale s'explique par un phénomène tout à fait remarquable de « refoulement culturel » : la critique anglo-saxonne refuse, en effet, de considérer à la place logique qui leur revient de droit l'ensemble des textes élaborés en commun depuis l'enfance par Charlotte, Patrick Branwell, Anne et Emily Brontë. Ces textes, qui excèdent en volume l'ensemble de l'œuvre romanesque des trois sœurs, constituent un témoignage absolument unique : ils permettent en effet de saisir à sa source la démarche de l'imagination créatrice à travers l'enfance et l'adolescence ; ils éclairent d'autre part l'œuvre publiée qui s'y réfléchit tout entière. Les commentaires qui exaltent cette image de la création enfantine dans la famille d'écrivains la plus extraordinaire de l'histoire littéraire refusent cependant d'en reconnaître tous les signes à leur juste valeur.
Ce refus demande à être analysé comme un symptôme : il répond parfaitement à l'idée romantique et bourgeoise de la littérature, qui trouve dans les illusions du réalisme biographique et son corollaire idéaliste du « mystère de l'œuvre » la raison de ses limites comme de ses répétitions. On comprendra que la critique traditionnelle redouble ses effets devant une œuvre où se révèlent de façon privilégiée les mécanismes logiques de la création littéraire, sitôt qu'on accepte de la lire comme un seul texte à plusieurs voix, dans les perspectives ouvertes par l'analyse structurale, freudienne et linguistique. En fait, l'idéalisme critique garantit ainsi le capital intellectuel et sentimental investi depuis plus d'un siècle dans la somme fabuleuse de ses commentaires, qui tournent tous autour du mythe sans jamais l'affronter résolument. C'est pourquoi toute évocation exacte de l'œuvre des quatre enfants Brontë doit commencer par la destruction d'une image culturelle où la puissance de l'idéologie se mesure à celle de l'autocensure implicite qui pèse sur la diffusion d'une très grande part des textes et limite ainsi l'interprétation qui demande à les saisir tous d'un seul tenant.

[size=SIZE]L'enfance
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Charlotte, Patrick Branwell, Emily Jane et Anne Brontë naissent respectivement les 21 avril 1816, 26 juin 1817, 30 juillet 1818 et 17 janvier 1820, à Thornton, petit village du Yorkshire. La famille compte déjà deux sœurs, Maria et Elizabeth. Le père, Patrick Brontë, né le 17 mars 1777 en Irlande, est l'aîné de neuf enfants. Il entre en 1802, étudiant pauvre mais brillant, au St. John's College de Cambridge, d'où il sort prêtre en 1806. La mère, Maria Branwell, de huit ans sa cadette, originaire de Penzance, en Cornouailles, est la cinquième fille d'une famille de onze enfants où l'on pratique un fervent méthodisme.
C'est en 1820 que la famille s'établit à Haworth, dans le presbytère qui est aujourd'hui un des hauts lieux de pèlerinage pour les fervents des lettres anglaises. Maria Brontë y meurt un an plus tard, atteinte d'un cancer. Sa sœur aînée, Elizabeth Branwell, vient de Penzance pour tenir lieu de mère aux six enfants. Trois ans plus tard, Maria, Elizabeth, Charlotte et Emily partent pour l'école de Cowan Bridge, institution religieuse destinée aux enfants pauvres du clergé anglican. Charlotte a évoqué dans Jane Eyre l'histoire douloureuse de cette année tragique. Les deux sœurs aînées, atteintes de tuberculose, meurent en quelques mois ; Charlotte et Emily, aussitôt rappelées au presbytère, ont vraisemblablement contracté les germes de la maladie qui les emportera toutes.
On peut dater de cette époque le premier témoignage sur la vie littéraire des enfants. Il vient du père, soucieux, bien des années plus tard, de donner à Mrs. Gaskell, la célèbre biographe de Charlotte, des indices précieux sur le génie précoce de sa fille. On en mesurera la valeur à la personne même de ce père qui sut très tôt éveiller la curiosité de ses enfants et leur communiquer cette double passion de la réalité et de l'imaginaire qui se manifeste de façon si naïve dans ses propres écrits, nouvelles morales et poèmes, tous publiés ces années-là.
« Dès leur plus tendre enfance, aussitôt qu'ils surent lire et écrire, Charlotte et ses frère et sœurs inventaient et jouaient de petites pièces dans lesquelles le duc de Wellington, le héros favori de ma fille Charlotte, finissait toujours par être le vainqueur – encore qu'une discussion s'élevât fréquemment au sujet des mérites comparés de celui-ci et de Bonaparte, Hannibal et César. Lorsque la dispute s'envenimait et arrivait à son paroxysme, il me fallait parfois, leur mère étant déjà morte à l'époque, intervenir comme arbitre pour régler la querelle au mieux de mon jugement. Bien souvent, dans le règlement de ces discussions, j'ai cru discerner la naissance de talents tels que j'en avais rarement ou même jamais observé chez des enfants de leur âge. Comme ils avaient peu d'occasions de se trouver en compagnie de gens instruits ou policés, dans leur campagne retirée, ils formaient entre eux une petite société – ce dont ils semblaient être satisfaits et heureux [...]. À l'époque dont je vous parle, lorsque mes enfants composaient et jouaient de petites pièces, Maria avait onze ans, Elizabeth dix, Charlotte huit, mon fils Branwell sept et Anne six (sic). Mais ils poursuivirent cette activité pendant plusieurs années, dès qu'une occasion se présentait. Parfois aussi ils écrivaient de petites œuvres de fiction qu'ils appelaient des romans miniatures. »

Une mythologie privée

Le premier caractère de ces écrits d'enfance, puis d'adolescence, est d'être d'autant plus intensément mimétiques qu'ils sont plus personnels. Ils prennent appui sur un jeu oral dont on ignore tout, qui se redouble dans le jeu plus savant de l'écriture. Ils se présentent comme un vaste système de transformations qui assume la singularité d'une structure familiale en utilisant comme langue un ensemble mouvant de moyens culturels. On se trouve devant une sorte de mythologie privée qui mêle librement l'histoire et la littérature, les religions et les légendes, l'art et la politique, pour répondre à la réalité d'une situation où le désir de chaque enfant trouve ainsi à s'exprimer dans un dialogue collectif. Cette activité littéraire est strictement privée, d'autant moins destinée à la publication qu'elle en assure la fonction à l'intérieur de son propre univers par un ensemble de journaux, d'auteurs, éditeurs et libraires. Le presbytère de Haworth est une société close qui célèbre ses dieux et conjure ses démons par le plus moderne des rites : l'écriture.
Cet ensemble fabuleux est représenté aujourd'hui par quatre à cinq mille pages, prose ou poèmes, qui sont essentiellement l'œuvre de Charlotte et Branwell. Il ne reste en effet presque plus rien des nombreux textes cités par Emily et Anne dans leurs rares journaux ; seuls des poèmes consignés sur des carnets témoignent, fragments erratiques, de la geste perdue.

La division par couples

Les quatre enfants assumeront diversement ce jeu grave et collectif qui est le centre de leur vie. Il semble qu'il faille situer assez tôt la division par couples, Charlotte et Branwell d'une part, Emily et Anne de l'autre. Mais on ne peut situer précisément le moment où les deux cadettes organisent leur propre jeu écrit. La rareté des indices invite d'autant plus à le comprendre par comparaison. Il transforme visiblement celui de leurs aînés, tant sur le plan des personnages que de la situation historique, géographique et politique. Les noms et les actions laissent pressentir un monde moins culturel, plus autonome, qui montre sur ce point avec les écrits des aînés une différence quelque peu similaire à celle qui paraît entre les romans de Charlotte et Wuthering Heights (Les Hauts de Hurlevent). Les « notes d'anniversaire » échangées entre les deux sœurs témoignent qu'Anne, avec la timidité qui lui est propre, Emily, avec cette autonomie qui la rend incomparable, joueront jusqu'à la fin, avec une discrétion qui confine au secret, le jeu de la première enfance.
Les textes de Charlotte et Branwell s'enchaînent l'un à l'autre comme des anneaux, ce qui rend tout à fait impossible de les lire isolément. Ils dessinent une trame d'une complexité extrême, qui transpose les données historiques de la Révolution française et des guerres napoléoniennes au cœur d'une Afrique découpée selon un ensemble de besoins logiques et sémantiques, dans une très grande liberté morale qui emprunte à Byron l'essentiel de ses formes. Branwell qui semble, seul garçon, avoir été l'initiateur du jeu, ne sortira jamais des pièges de cet imaginaire qui viendra se briser sur la réalité du monde. Quand il meurt à vingt-sept ans, terrassé par l'opium, la boisson, le délire et la fièvre, il tente encore d'accommoder les deux images et d'imposer vainement par la publication, tel quel, le rêve de l'enfance à l'objectivité de la littérature. Charlotte attendra d'avoir vingt-quatre ans pour échapper à la fascination exclusive de cet univers captateur. Elle pressent le mal et les germes d'une folie mortelle dans cette activité secrète offerte trop visiblement au désir infantile. La rupture est longue et difficile : entre 1840 et 1846, elle passe du refus de ses premiers écrits au masque salutaire de la publication.

La publication

La publication des Poèmes de Currer, Ellis et Acton Bell, en 1846, consacre la rupture avec Branwell et annonce l'image énigmatique des trois sœurs. Un an plus tard, le succès inouï de Jane Eyre, la publication simultanée de Wuthering Heights et d'Agnes Grey fascinent l'Angleterre qui s'interroge sur l'identité de ces mystérieux auteurs et les motivations secrètes de leurs livres.
Anne publie encore The Tenant of Wildfell Hall (Le Locataire de Wildfell Hall) avant la mort de son frère (24 septembre 1848) et celle d'Emily (19 décembre 1848). Elle s'éteindra à son tour le 28 mai 1849 à l'âge de vingt-neuf ans. La publication de Shirley (1849) complique encore l'énigme. Charlotte, qui vit désormais seule au presbytère entre son père et les servantes, lèvera partiellement un secret désormais sans objet dans l'admirable notice biographique qu'elle écrit pour préfacer les œuvres de ses sœurs (1850).
La publication de Villette (1852) met le comble à sa gloire. Quand Charlotte Brontë meurt, le 31 mars 1855, moins d'un an après son mariage avec Arthur Bell Nicholls, vicaire de son père, ses livres comptent déjà parmi les classiques de la littérature anglaise. Deux ans plus tard, la romancière Elizabeth Gaskell assouvit la curiosité générale en consacrant à Currer Bell sa célèbre Vie de Charlotte Brontë.
Mais cette « indiscrétion », qu'elle commet sous la forme de la vérité biographique, est en un sens strictement garantie par la discrétion de Charlotte. Sans doute ses lettres, les confidences qu'elle a faites à son amie, les témoignages de ses proches forment-ils un ensemble saisissant de révélations. Mais il y manque cette vérité première que Charlotte ne partageait avec personne si ce n'est avec son frère et ses deux sœurs : le « monde infernal » dont ses romans qui ont ravi et choqué l'Angleterre ne sont pourtant que la doublure victorienne. Elizabeth Gaskell, la première, ouvre le mouvement de « refoulement culturel » imposé par Charlotte. Elle a pourtant accès aux manuscrits couverts de l'écriture microscopique des enfants ; mais elle n'en retranscrit que d'infimes fragments pour faire image et les rend au silence dont ils ne sortiront que cinquante ans plus tard pour demeurer dans le semi-silence des éditions partielles, bien plus étrange encore.

L'énigme et sa réalité

Aussi Fannie Ratchford a-t-elle mille fois raison lorsque, dans la préface de son livre consacré aux écrits d'enfance, elle renvoie dos à dos avec une audace tranquille l'ensemble des interprétations que leur méconnaissance inconcevable de la réalité du texte frappe de nullité et la masse à proprement parler fantastique de livres consacrés depuis un siècle à exalter le moindre fait de la vie des Brontë, le moindre caractère du village, du Yorkshire tout entier qu'ils ont rendu fameux, sans pouvoir ajouter beaucoup au livre original dont ils procèdent tous, la biographie d'Elizabeth Gaskell.
Après C. W. Hatfield, admirable érudit qui a consacré le plus clair de sa vie à déchiffrer l'ensemble des manuscrits des quatre enfants et à qui l'on doit en particulier une édition définitive des poèmes d'Emily, Fannie Ratchford est la première à avoir tenté un saut décisif, même si ses travaux restent fort discutables. Elle a cherché, d'une part, à établir un réseau de relations entre les écrits de jeunesse et les romans qui les redoublent et, d'autre part, à rétablir l'intrigue narrative qui organisait originellement les poèmes d'Emily.
Car la position si singulière d'Emily dans l'ensemble de l'œuvre familiale doit beaucoup à la disparition de la totalité des manuscrits où ces poèmes avaient leur place. Il ne fait aucun doute que, si l'on possédait ses manuscrits et ceux d'Anne, Wuthering Heights, loin d'être ce livre clos et solitaire qui reste l'instrument majeur de l'abstraction trompeuse où l'on tient Emily, retrouverait sa place naturelle, comme les romans d'Anne auraient la leur, comme ceux de Charlotte ne s'éclairent que si on les réintroduit dans le cycle ouvert par ses premiers écrits et ceux de Branwell. Ainsi s'impose, autour d'une absence centrale, l'idée indiscutable d'un texte unique qui rassemble tous les écrits des quatre enfants et constitue l'« œuvre complète » où Charlotte a le privilège opposé de couvrir tout le champ. Car si l'on peut s'enchanter isolément de tel roman, de tel poème, la tentation de la juste lecture doit se payer au prix de la totalité du texte. Raymond Bellour


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#72 Anton Tchekhov 3
Loriane Posté le : 16/01/2016 18:31
Réception

Bon nombre des dernières œuvres de Tchekhov furent traduites en diverses langues du vivant de l'auteur et acquirent rapidement une renommée internationale. Alors qu'en France et en Allemagne, où la littérature russe était traditionnellement associée à des romanciers comme Tolstoï et Dostoïevski, Tchekhov fut d'abord connu par son œuvre dramatique alors que son œuvre romanesque connaît dès le début du XXe siècle une grande popularité dans le monde anglo-saxon, où son style narratif caractéristique de la nouvelle rejoint la tradition déjà bien établie de la short story, dont un des chefs de file est Edgar Allan Poe.

Chez les francophones

Les pièces de Tchekhov ont d'abord été montées pour le public francophone par Georges et Ludmilla Pitoëff en France et en Suisse entre 1915 et 1939. La première pièce à être entrée dans le répertoire de la Comédie-Française est L'Ours en 1957, dont la première avait eu lieu le 28 novembre 1944. Il faut cependant attendre la fin de la décennie 1950 pour que Tchekhov soit régulièrement joué en France, en particulier dans les traductions et les mises en scène d'André Barsacq au Théâtre de l'Atelier. Ainsi d'Oncle Vania mis en scène par Jacques Mauclair dans une adaptation d'Elsa Triolet, en 1961. Les Trois Sœurs mises en scène par André Barsacq sont jouées au Théâtre Hébertot en 1966 et La Cerisaie mise en scène par Peter Brook au théâtre des Bouffes du Nord en 1981 ont fait date.

Chez les germanophones

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Les récits de Franz Kafka furent parfois aussi comparés à ceux de Tchekhov. Ils partagent dans le style un penchant pour la simplicité la plus grande possible et le choix précis des détails, dans les thèmes un attrait pour selon les mots de Tchekhov l’essentiel et l’intemporel ainsi qu'un intérêt commun pour la fatalité des problèmes de l’existence humaine. Cependant il n'y a aucun indice, comme quoi Kafka connaissait les œuvres de Tchekhov.

Chez les anglophones

L'œuvre de Tchekhov a influencé directement bon nombre d'écrivains et nouvellistes de renom du xxe siècle.
James Joyce déclara qu’il préférait Tchekhov aux autres écrivains russes de son temps.
Il indique que ses drames sont d’une dramaturgie révolutionnaire dans leur renoncement aux intrigues à suspense et dans l'éclatement des conventions classiques.
Pour la première fois dans l'histoire du théâtre, il voit se réaliser, dans les personnages de Tchekhov, des individus qui, de son point de vue, n'arrivent pas à quitter leur propre monde et entrer en contact mutuellement.
Pour Joyce, Tchekhov est de ce fait le premier dramaturge à saisir une solitude existentielle, qui finalement s’intéresse plus à la vie en tant que tel qu’aux caractères individuels.
Ces propos sur l'influence de Tchekhov sur Joyce ont fait l’objet de différentes études aussi bien du côté anglais que du côté slave.

James Atherton

signale plusieurs références à Tchekhov dans Finnegans Wake.

D'autres critiques, comme Richard Ellmann ou Patrick Parrinder, montrent des parallèles de style entre les récits de Tchekhov et le Joyce des débuts. Cependant, aucun d’eux n’a trouvé d’indication, comme quoi Joyce ait eu connaissance des récits de Tchekhov au contraire de ses drames ; ce qu’il niait explicitement selon son biographe Herbert Gorman.
En raison de tout cela, l'influence de Tchekhov sur Joyce est toujours considérée comme fondée, bien qu’elle soit difficile à établir.
Une autre romancière anglophone, considérée comme fortement influencée par Tchekhov est Katherine Mansfield, qui le décrivait comme son maître et qu’elle aborda théoriquement dans plusieurs de ses lettres et écrits. De nombreux débats sur l'influence de Tchekhov sur Mansfield proviennent de son récit L'Enfant qui était fatigué, une adaptation du récit de Tchekhov L'Envie de dormir. Mansfield y reprend l'action de Tchekhov d'une manière indubitable, ne modifiant que quelques détails importants. Les opinions divergent sur la façon d’interpréter cette ressemblance : Elisabeth Schneider pense que l'histoire de Mansfield est une traduction libre en anglais, tandis que Ronald Sutherland y voit une œuvre propre. À l'opposé, le biographe de Mansfield Antony Alpers fait mention de reproches de plagiat. Il est certain que Mansfield lut Tchekhov pour la première fois dans une traduction allemande lors de son séjour à Bad Wörishofen. Selon le point de vue de plusieurs critiques, le recueil qu’elle écrivit à la suite de ce séjour Dans une pension allemande demeure sous son influence stylistique. À la différence de Tchekhov, Mansfield reste cependant souvent beaucoup plus proche de ses personnages que ne l'était Tchekhov.
Le dramaturge irlandais et lauréat du prix Nobel de littérature George Bernard Shaw indique dans la préface de sa pièce La Maison des cœurs brisés des liens avec les études humaines de Tchekhov dans La Cerisaie, Oncle Vania et La Mouette. L'influence de Tchekhov se retrouve également dans les styles d'écrivains anglophones comme Katherine Anne Porter, Sherwood Anderson, Ernest Hemingway, Bernard Malamud et Raymond Carver (qui a notamment recréé la mort de Tchekhov dans sa nouvelle Les Trois Roses jaunes Errand.

Chez les russophones

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En Russie, à l'occasion du jubilé des cent cinquante ans de Tchekhov, Frank Castorf met en scène la pièce À Moscou ! À Moscou ! dont la première eut lieu fin mai 2010 lors du festival international du théâtre Tchekhov à Moscou et qui repose sur deux œuvres de Tchekhov : la pièce Les Trois Sœurs et le récit Les Moujiks.

Œuvres Pièces de théâtre

v. 1878 : Platonov ; drame en quatre actes russe : Безотцовщина, Sans Père
1884 : Sur la grand-route ; étude dramatique en un acte russe : На большой дороге
1886, 1902 : Les Méfaits du tabac ; scène-monologue en un acte russe : О вреде табака
1886 : Le Chant du cygne ; étude dramatique en un acte russe : Лебединая песня
1887 : Ivanov ; drame en quatre actes russe : Иванов
1888 : L'Ours ; farce en un acte russe : Медведь
1888-1889 : Une demande en mariage ; farce en un acte russe : Предложение
1889 : Tatiana Repina ; drame en un acte russe : Татьяна Репина
1889 : Le Sauvage ou L'Homme des bois ou Le Génie des forêts ou Le Sylvain ; comédie en quatre actes russe : Леший
1889-1890 : Le Tragédien malgré lui ; farce en un acte russe : Трагик поневоле
1889-1890 : La Noce ; farce en un acte russe : Свадьба
1891 : Le Jubilé ; farce en un acte russe : Юбилей
1895-1896 : La Mouette ; comédie en quatre actes russe : Чайка
1897 : Oncle Vania ; scènes de la vie de campagne en quatre actes russe : Дядя Ваня
1901 : Les Trois Sœurs ; drame en quatre actes russe : Три сестры
1904 : La Cerisaie ; comédie en quatre actes russe : Вишнёвый сад

Nouvelles Liste des nouvelles d'Anton Tchekhov.

Recueils

Les Contes du Melpomène 1884, contient les nouvelles Femmes d'artistes, Il et Elle, Deux scandales, Le Baron, La Vengeance
Récits bariolés 1886
Dans le crépuscule ou autre traduction Dans les ténèbres 1887, a reçu le prix Pouchkine en 1888
Innocentes Paroles 1887
Nouvelles et Récits 1894

Autres genres

1884-1885 : Drame de Chasse ; roman policier publié en feuilleton russe : Драма на охоте
1890 : Notes de Sibérie ; notes russe : Из Сибири
1893 : L'Île de Sakhaline ; carnets de voyage russe : Остров Сахалин

Adaptations

Adaptations cinématographiques

1926 : Les hommes superflus en allemand : Überflüssige Menschen – Réalisateur : Alexandre Razoumni – Sources : onze nouvelles
1939 : Le Rond-de-cuir Čelovek v futljare – Réalisateur : Isidore Annenski – Source : Récit L’homme à l'étui
1944 : Une noce Svadba – Réalisateur : Isidore Annenski
1944 : L‘Aveu Summer storm – Réalisateur : Douglas Sirk – Source : Drame de chasse
1954 : Anne au cou Anna na cheïe – Réalisateur : Isidore Annenski
1954 : L’allumette suédoise Schvedskaïa spitchka – Réalisateur : Konstantin Ioudine
1955 : La Cigale Poprygounia – Réalisateur : Samson Samsonov
1960 : La Dame au petit chien Dama s sobatchkoï – Réalisateur : Iossif Kheifitz
1961 : La Steppe La steppa – Réalisateur : Alberto Lattuada
1962 : La Contrebasse – Réalisateur : Maurice Fasquel – court-métrage
1963 : Les Trois Visages de la peur I tre volti della paura – Réalisateur : Mario Bava – Source du troisième épisode : une nouvelle de Tchekhov
1966 : De l'amour Douchetchka – Réalisateur : Sergueï Kolossov
1966 : Dans la ville de S. V gorode S. – Réalisateur : Iossif Kheifitz
1968 : La Mouette The seagull – Réalisateur : Sidney Lumet
1969 : Le témoin capital Glavny svidetel – Réalisatrice : Aïda Mansareva
1970 : La mouette Tchaïka – Réalisateur : Iouli Karassik
1970 : Oncle Vania Diadia Vania – Réalisateur : Andreï Kontchalovski
1973 : Ces visages différents, différents, différents Eti rasnye, rasnye, rasnye litsa – Réalisateur : Youri Saakov – Source : divers récits
1973 : Un mauvais, bon homme Plokhoï khorochi tchelovek – Réalisateur : Iossif Kheifitz – Source : Récit Le Duel
1974 : Le roman d’une contrebasse Romance with a Double Bass – Réalisateur : Robert William Young – court-métrage
1975 : Kachtanka – Réalisateur : Roman Balaïan
1977 : La Mouette Il Gabbiano - Réalisateur : Marco Bellochio
1977 : Partition inachevée pour piano mécanique Neokontchennaïa piessa dlia mekhanitcheskovo pianino – Réalisateur : Nikita Mikhalkov – Source : Pièce Platonov
1977 : Drôles de gens Smechnye lioudi– Réalisateur : Mikhaïl Schweizer
1978 : La steppe Step – Réalisateur : Serge Bondartchouk
1978 : Drame de chasse Drama a vadaszoton – Réalisateur : Károly Esztergályos
1978 : Mon doux et affectueux animal Moï laskovy i nejny zver – Réalisateur : Emil Lotjanu – Source : Récit Drame de chasse
1979 : L'héritière The beneficiary – Réalisateur : Carlo Gebler
1980 : Récits d’un inconnu Rasskaz niéïsvestnovo tcheloveka – Réalisateur : Vytautas Žalakevičius
1983 : Trois sœurs Drei Schwestern – Réalisateur : Thomas anghoff
1984 : Le saule Der Weidenbaum – Réalisateur : Sohrab Shahid Saless
1984 : L’ours – Réalisateur : Don Askarjan
1987 : Les Yeux noirs Otchi tchiornye – Réalisateur : Nikita Mikhalkov – Motif d’après le récit La Dame au petit chien
1987 : Le Moine noir Tchiorny monakh – Réalisateur : Ivan Dykhovitchny
1988 : Trois sœurs Paura e amore – Réalisatrice : Margarethe von Trotta
1994 : Vanya, 42e rue Vanya 42d street – Réalisateur : Louis Malle – Source : pièce Oncle Vania
1994 : Un amour en Australie Country life – Réalisateur : Michael Blakemore – Source : Pièce Oncle Vania
1995 : August – Réalisateur : Anthony Hopkins – Source : pièce Oncle Vania
2003 : La Petite Lili – Réalisateur : Claude Miller – Source : Pièce La Mouette
2003 : Le domaine Wekande Walauwa – Réalisateur : Lester James Peries – Source : Pièce La Cerisaie
2005 : Les sœurs The Sisters – Réalisateur : Arthur Allan Seidelman – Source : Pièce Trois Sœurs
2007 : Nachmittag – Réalisatrice : Angela Schanelec – d'après La Mouette
2009 : Le duel The Duel – Réalisateur : Dover Koshashvili
2009 : Salle no 6 Tchekhov Палата № 6 – Réalisateur : Karen Chakhnazarov2009 : Salle no 6 Tchekhov Палата № 6 – Réalisateur : Karen Chakhnazarov
2015 : Journal d'un vieil homme - Réalisateur: Bernard Émond - d'après Une banale histoire

Films sur Tchekhov

1969 : Lika, le grand amour de Tchekhov (ou Brève histoire d’un petit récit Sioujet dlia niebolchevo raskaza – Réalisateur : Sergueï Ioutkevitch – Source : le motif en est l’échec de la première de la pièce La Mouette
1984 : Tchekhov dans ma vie (Tschechow in meinem Leben – Réalisateur : Vadim Glowna – Documentaire
2012 : L'admiratrice (Poklonnitsa) - Réalisateur : Vitaly Melnikov - Fiction118
2015 : Anton Tchekhov - 1890 – Réalisateur : René Féret – Fiction

Adaptations musicales

Le violon de Rothschild Skripka Rotshilda. Opéra inachevé de Benjamin Fleischmann, complété et orchestré par son professeur Dmitri Chostakovitch. Achevé en 1944. Première concertante en 1960 à Moscou. Première scénique en 1968 à Leningrad sous la direction de Maxime Chostakovitch.
Une demande en mariage Una domanda di matrimonio. Opéra en un acte. Livret : Claudio Fino et Saverio Vertone. Musique : Luciano Chailly. Première le 22 mai 1957 à Milan.
L’ours The Bear. Extravagance en un acte. Livret : Paul Dehn. Musique : William Walton. Première le 3 juin 1967 à Aldeburgh.
La cerisaie Der Kirschgarten. Opéra en quatre actes. Livret et Musique : Rudolf Kelterborn. Première le 4 décembre 1984 à Zurich.
Trois sœurs Tri sestri. Opéra en trois séquences. Livret : Claus H. Henneberg et Peter Eötvös. Musique : Peter Eötvös. Première le 13 mars 1998 à Lyon.
Tatjana. Drame lyrique en un acte. Adaptation de Tatiana Repina. Livret et Musique : Azio Corghi. Première le 20 octobre 2000 à Milan.
Senja. Opéra. Adaptation de Sur la grand-route. Livret et musique : Azio Corghi. Première le 7 mars 2003 à Münster.

Adaptations théâtrales

Mandé Mayé gcftitre original : Une demande en mariage. Adaptation de Sylviane Telchid, mise en scène par Patrick Mishino, 2001.

Bibliographie

Notices d'autorité : Fichier d'autorité international virtuel • International Standard Name Identifier • Bibliothèque nationale de France • Système universitaire de documentation • Bibliothèque du Congrès • Gemeinsame Normdatei • Institut central pour le registre unique • Bibliothèque nationale de la Diète • Bibliothèque nationale d'Espagne • WorldCat
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.



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#73 Anton Tchekhov 2
Loriane Posté le : 16/01/2016 18:26
Maria Iermolova

L'actrice Maria Iermolova 1853-1928, qui fut l'actrice la plus connue de son temps de la troupe du théâtre Maly de Moscou, fit l'admiration de Tchekhov dès sa jeunesse. Il est connu, que sa première pièce de théâtre Sans Père Platonov fut écrite pour elle dans l'espoir qu'elle soit mise en scène au théâtre Maly avec Iermolova dans le rôle principal. Depuis, un brouillon de lettre trouvé en 1920 parmi les manuscrits de ses pièces indique que l'étudiant Tchekhov appréciait déjà Iermolova. Tchekhov et Iermolova se rencontrèrent pour la première fois en 1890. Après le déjeuner avec la star, ma tête resta pendant deux jours baignée par la lumière des étoiles écrira-t-il le 15 février. Iermolova qui n'avait pas encore joué dans une pièce de Tchekhov, pris un plaisir véritable à la création des Trois Sœurs ; à propos de quoi Tchekhov écrira à sa sœur Maria le 17 février 1903 : Iermolova était en coulisses, fit un éloge enthousiaste du jeu, dit qu'elle avait ressenti là pour la première fois ce qu'était notre théâtre.

Léon Tolstoï

Parmi les personnalités de la littérature russe Léon Tolstoï 1828-1910 est sans conteste le contemporain de Tchekhov le plus important. Dès 1892, il fait l’éloge, dans une lettre, du nouveau récit de Tchekhov La Salle n° 675, qui fut pour Tchekhov un jugement des plus flatteurs qu'il puisse recevoir, d’autant que Tolstoï était en général très critique vis-à-vis des nouveaux auteurs. En mars 1899, la fille de Tolstoï, Tatiana, écrit à Tchekhov : Votre récit De l'amour est ravissant ! Père l’a lu quatre soirs de suite et a dit que cette œuvre l'avait rendu plus prudent. Tolstoï dira par la suite de Tchekhov qu’il est un des rares écrivains, que l’on peut, à l'image d'un Dickens ou d’un Pouchkine, lire et relire de manière toujours différente, par contre, il n’appréciera pas ses pièces de théâtre. Les deux auteurs se rencontrent pour la première fois en août 1895, lorsque Tchekhov est invité dans la propriété de Tolstoï de Iasnaïa Poliana. Je me sens aussi serein qu’à la maison, et les discussions avec Lev Nikolaïevitch sont agréables écrira Tchekhov deux mois plus tard. Ils se rencontreront de nouveau entre autres en 1897 quand Tolstoï rend visite à l’hôpital de Moscou à Tchekhov luttant contre la tuberculose, ainsi qu'en 1901 lors d'un séjour de Tolstoï à Yalta.
Tchekhov lui aussi admira l'auteur Tolstoï et loua à plusieurs reprises ses œuvres les plus connues comme Anna Karenine ou le roman historique Guerre et Paix. Tchekhov écrivit ainsi, alors que Tolstoï était gravement malade en janvier 1900 :
Je crains la mort de Tolstoï … Tant que dans la littérature il y a un Tolstoï, cela est facile et agréable d'être un littérateur ; même la conscience de n’avoir rien fait ou de ne rien faire n’est pas si terrible, car Tolstoï fait pour tous. Son travail est l’accomplissement de tous les espoirs et de toutes les attentes, que l'on peut placer dans la littérature.
Indépendamment du respect dont témoigne Tchekhov pour Tolstoï en tant qu'auteur, il prend soin à partir des années 1890 de dénoncer toujours plus la philosophie de Tolstoï avec ses idées d'amour universel, de soumission fataliste comme du romanesque exagéré de sa description de la paysannerie russe, contre quoi il s'opposa sans relâche. Sa fameuse lettre adressée à son éditeur Souvorine en 1894 témoigne de ce rapport, où il est dit:
La morale tolstoïenne a cessé de me toucher et du fond de mon âme je lui suis hostile … Dans mes veines coule du sang de moujik, et ce n’est pas avec des vertus de moujik qu’on peut m’étonner. Depuis l’enfance, je crois au progrès et je ne peux pas ne pas y croire, car la différence entre l’époque où l’on me battait et celle où l’on a cessé de me battre a été terrible … La raison et la justice me disent que dans l'électricité et la valeur il y a plus d'amour de l’homme que dans la chasteté et l’abstinence.
Ainsi la nouvelle Les Moujiks, qui paraît en 1897, avec sa description mesurée et sombre de la vie quotidienne d'un village russe passe pour être une réponse à un récit de Tolstoï, dans lequel celui-ci voit que les paysans ne sont nullement les principaux responsables des désordres sociaux du pays au contraire de la haute société.

Ivan Bounine

Le futur lauréat du prix Nobel de littérature Ivan Bounine 1870-1953, désigna à plusieurs reprises Tchekhov comme l’un de ses modèles littéraires, ce qu'il reconnaîtra dans une lettre adressée à Tchekhov en janvier 1891 … Vous êtes mon auteur préféré parmi les écrivains contemporains. Il rencontra Tchekhov à Moscou à la fin 1895 puis fut un des visiteurs les plus réguliers de sa résidence de Yalta. En 1904, Bounine entreprit de rédiger une biographie de Tchekhov, qu’il laissa inachevée.

Maxime Gorki

L'écrivain Maxime Gorki 1868-1936 se lia d'amitié avec Tchekhov dès leur première rencontre en 1899 à Yalta. Gorki est connu pour avoir indiqué son admiration envers le talent de Tchekhov dans plusieurs lettres et persistera dans ce sens dans son ouvrage publié en 1905. De son côté, Tchekhov apprécie certaines œuvres de Gorki il écrit ainsi à propos des Bas-fonds : Cette pièce est novatrice et incontestablement bonne, bien qu'il y ait de grosses différences de style entre les deux auteurs, différences que l'on ne peut pas ne pas remarquer dans les propos de Tchekhov. Ainsi dans une lettre de fin 1898, il décrit Gorki comme un vrai, un grand talent, mais ajoute également : Je commence par cela, que d'après moi vous manquez de retenue. Vous êtes comme un spectateur au théâtre, qui exprime son enthousiasme avec si peu de retenue qu’il empêche d’écouter les autres et lui-même..
Dans les dernières années de Tchekhov, à plusieurs reprises, Gorki incitera Tchekhov à dénoncer ou au moins à renégocier le contrat qui le liait avec l'éditeur Marx depuis 1899, par lequel il cédait ses droits sur son œuvre contre 75 000 roubles, ce qui paraissait désavantageux du point de vue de l'auteur. Ce qui fut rejeté à chaque fois par Tchekhov.
Il est à noter, que malgré ses bonnes relations avec Gorki, Tchekhov ne partageait pas avec celui-ci ses idées révolutionnaires. Durant toute sa vie, il refusa toute forme de violence, et voyait dans le travail acharné et les l’exploitation du progrès technique la seule et unique porte de sortie à la misère sociale et non par le recours à une mutation sociale brutale. La citation suivante d'une lettre de Tchekhov en est une illustration :
Je ne crois pas en notre intelligentsia, qui est fourbe, fausse, hystérique, idiote et pourrie, je ne la crois pas non plus, quand elle souffre et qu’elle se plaint, car son oppresseur provient de ses propres rangs. Je crois dans les individus séparés, je vois le salut dans les personnalités individuelles, dispersées çà et là à travers la Russie – qu’ils soient de l’intelligentsia ou paysans – c’est en eux qu’est la vraie force, bien qu’ils soient peu. … La science ne cesse d’aller de l'avant, la prise de conscience de la société grandit, les questions de morale commencent à nous préoccuper et tant et plus – et tout cela se passe sans se soucier qui des fonctionnaires, qui des ingénieurs, qui des gouverneurs, sans se soucier de l'intelligence massivement et en dépit de tout.

Émile Zola

Dans une lettre à Souvorine de janvier 1898, il est dit entre autres L'affaire Dreyfus a repris et s'amplifie toujours, mais elle n'est toujours pas réglée. Zola en est une des bonnes âmes, et je […] suis en accord avec son coup de colère. La France est un beau pays, et elle a de magnifiques écrivains. Sous cette remarque concernant Émile Zola 1840-1902, que Tchekhov ne connaissait pas personnellement, il y a l'Affaire Dreyfus, qui atteint son sommet alors que Tchekhov passe l'hiver 1897/1898 à Nice. Tchekhov, qui dans ses dernières années montra un intérêt croissant pour les événements politiques de l'époque, étudia à Nice la presse française et rencontra en avril 1898 le journaliste anarchiste Bernard Lazare qui le renseigna sur la condamnation injuste d'Alfred Dreyfus. Tchekhov fut impressionné par l'article J'accuse…! dans lequel Zola prend le parti de Dreyfus. Cela trouve des échos dans ses lettres de cette époque, qui apportent aussi des éclaircissements, sur la nécessité selon Tchekhov - qui ne prit jamais de position claire sur la scène politique - de séparer l'œuvre d'écrivain de la politique :
« À supposer que Dreyfus soit coupable – Zola aurait tout de même raison, car c’est le devoir d’un écrivain, que ne de pas accuser ou de ne pas poursuivre, mais de se battre pour les accusés, même s’ils sont déjà condamnés ou si leur peine est prononcée. On doit se demander : Qu’en est-il de la politique ? Des raisons d’État ? Mais les grands écrivains et artistes doivent se mêler pour autant de politique, comme ils doivent s’en préserver. Il ne manque pas de procureurs, fonctionnaires, gendarmes […].

Le voyage à Sakhaline

La renommée littéraire de Tchekhov croît sans cesse. Il vit dans la confortable « commode » (surnom donné à sa maison) moscovite, entouré de soins, d'affection, d'amitié. Mais il traverse une sorte de crise morale, prend de plus en plus conscience de ce que doit être le rôle d'un écrivain digne de ce nom : rappeler aux hommes certaines vérités fondamentales, éveiller leur conscience, leur montrer que « le bonheur et la joie de la vie ne sont ni dans l'argent, ni dans l'amour, mais dans la vérité ». Il fait alors le procès de ce qu'on appelle le bonheur dans une étonnante nouvelle, Groseilles à maquereau (Kryžovnik, 1898) : « Nous ne voyons pas, nous n'entendons pas ceux qui souffrent, et tout ce qu'il y a d'effrayant dans la vie se déroule quelque part dans les coulisses. C'est une hypnose générale. En réalité, il n'y a pas de bonheur et il ne doit pas y en avoir. Mais si notre vie a un sens et un but, ce sens et ce but ne sont pas notre bonheur personnel, mais quelque chose de plus sage et de plus grand. » Rejetant cette « hypnose » générale, il veut se rendre compte par lui-même de la condition des plus misérables d'entre les hommes : les millions de condamnés déportés dans les bagnes de Sakhaline ; à la surprise de tous ses amis, Tchekhov décide de visiter l'île maudite. Il ne se laisse pas détourner de son projet. Et cependant, il est malade. Entre 1884 et 1889, il a eu onze crachements de sang. Les crises se produisaient deux ou trois fois par an et allaient en s'aggravant. En décembre 1889, Tchekhov décline l'invitation de Souvorine qui lui demande de venir à Saint-Pétersbourg : il a peur des secousses du train qui pourraient provoquer une nouvelle hémorragie. Pourtant, le 2 avril 1890, il s'embarque pour un voyage qui dura cinquante jours. Aux observations de Souvorine, il répond : « Vous dites que personne n'a besoin de Sakhaline et que cette île n'intéresse personne. Est-ce juste ? Nous avons chassé des hommes enchaînés, dans le froid, pendant des dizaines de milliers de verstes, nous les avons rendus syphilitiques, nous les avons dépravés, nous avons procréé des criminels... Nous avons fait pourrir en prison des millions d'hommes, fait pourrir inutilement, sans raison d'une manière barbare, en rejetant la responsabilité de tout cela sur les surveillants de prison aux nez rouges d'ivrognes. Non, je vous assure, aller à Sakhaline est nécessaire et intéressant, et on ne peut que regretter que ce soit moi qui y aille et non quelqu'un d'autre, plus qualifié et plus capable d'émouvoir l'opinion » (9 mars 1890).
Tchekhov passe trois mois dans l'île. Il en étudie tous les aspects : « J'ai tout vu. Il n'y a pas à Sakhaline un seul forçat ou déporté à qui je n'aie parlé » (Lettre à Souvorine, 11 septembre 1890). En effet, il fut le premier à recenser la population de Sakhaline. Fiches en main, il visite chaque isba, chaque casernement, chaque mine, chaque lieu de déportation. Il voit chacun des dix mille habitants de l'île et remplit de sa main dix mille fiches. Les conclusions qu'il tire de cet immense travail sont terribles. L'abaissement, l'avilissement, le mépris de la personne humaine, il les relate, avec la sécheresse bouleversante d'un compte rendu, dans L'Île de Sakhaline (Ostrov Sakhalin, 1894).
Après son retour de Sakhaline, dans une longue nouvelle intitulée Récit d'un inconnu (Rasskaz neizvestnogo čeloveka, 1893), Tchekhov fit une importante profession de foi : « J'ai maintenant fermement compris que la destination de l'homme, ou bien n'existe pas du tout, ou bien n'existe que dans une seule chose : un amour plein d'abnégation pour son prochain. » Ce thème apparaîtra désormais en filigrane dans ses nouvelles et dans ses pièces.
Trois mois plus tard, en mars 1891, il fuit Moscou, sa table de travail et ses souvenirs et part avec Alexis Souvorine pour un premier voyage en Europe. Il en fera cinq, entre 1891 et 1904, en Italie, en France, en Allemagne et en Autriche. Enthousiasmé par l'Italie, il écrit de Florence : « Tout est merveilleux ici. Celui qui n'a pas vu l'Italie n'a pas vécu » (lettre à Olga Knipper, 19 janvier 1901). Mais cet enthousiasme est intermittent. Le 15 avril 1891, il écrivait à son frère Michel : « De tous les endroits que j'ai visités, c'est Venise qui m'a laissé l'impression la plus lumineuse. Rome ressemble, somme toute, à Kharkov, et Naples est sale. »
En fait, Tchekhov se languit toujours à l'étranger. À une période d'exaltation et de fièvre succèdent très vite l'ennui et le désenchantement. Loin de chez lui, loin de Moscou et des paysages moscovites, il se sent incapable de travailler, donc de vivre. Les plus beaux paysages de France ou d'Italie ne l'inspirent pas ; il apparaît avec évidence que l'Occident lui a laissé peu de souvenirs : quelques pages sur Venise et Nice dans le Récit d'un inconnu (1893), sur Abazzia et l'Italie dans Ariadna (1895) ; juste quelques lignes dans ce chef-d'œuvre de lyrisme qu'est L'Évêque (Arkhierej, 1902). Mais qui sait si, par un travail inconscient et invisible, les expériences vécues, les paysages et les êtres admirés ou simplement entrevus n'ont pas contribué à l'élaboration de ce composé subtil qu'est l'art poétique de Tchekhov ?

L'amour, le théâtre et la mort

À son retour, Tchekhov se rend compte que Moscou devient invivable. Sa notoriété grandit : amis, admirateurs, curieux assiègent sa demeure. Une « mauvaise grippe » ne le quitte plus. Il tousse, maigrit, « ressemble à un noyé ». En février 1892, il trouve enfin la propriété de ses rêves et, le 5 mars, Tchekhov et ses parents, sa sœur et son frère cadet Michel s'installent dans un village, à Melikhovo, à une vingtaine de kilomètres de Moscou.
Il avait fait construire un minuscule pavillon de bois au fond du verger, c'est là qu'il écrivit notamment La Salle no 6 (Palata no 6, 1892), Les Moujiks (Mužiki, 1897), Le Récit d'un inconnu (1893), Le Moine noir (Černyj monakh, 1891), Trois Années (Tri goda, 1895), Ariadna (1895) et enfin La Mouette (Čajka).
Durant les six années passées à Melikhovo, Tchekhov écrit plusieurs de ses plus belles œuvres et prend également part à la vie locale. Avec son habituelle efficacité, il lutte contre la misère et l'ignorance, procède au recensement de la population du district de Melikhovo, soigne des centaines de malades (surtout pendant l'épidémie de choléra de 1892-1893). N'ayant pas les moyens de « prendre l'année de repos nécessaire », il dépense néanmoins dix mille roubles pour faire bâtir trois écoles.
Cette double activité, sociale et littéraire, a un effet désastreux sur sa santé. Dans la nuit du 21 au 22 mars 1897, il a une forte hémoptysie. Pour la première fois, il se laisse ausculter par des médecins (exactement douze ans et trois mois après sa première hémoptysie), avoue à son ami Souvorine : « Mes collègues me disent à moi, médecin, que c'est une hémorragie intestinale ! Je sais pourtant bien que c'est la phtisie ! »
Il passa l'hiver 1897 à Nice pour rentrer à Melikhovo en mai 1898. Sa santé est à peine meilleure. Les médecins insistent pour qu'il passe les hivers en Crimée. Il doit abandonner Melikhovo, qui semble vide et mélancolique après la mort de son père (1898). Tchekhov écrit à Souvorine : « Au point de vue littéraire, Melikhovo s'est épuisé pour moi après Les Moujiks et a perdu toute valeur » (lettre du 26 juin 1899). Tchekhov considérait Les Moujiks comme une somme de ses expériences paysannes et comme un adieu à sa vie parmi eux.
Sur la côte sud de la Crimée, à la porte de Yalta, Tchekhov achète un terrain caillouteux et aride où il décide de bâtir. En septembre 1899, il s'y installe avec les siens. Ce sera sa dernière demeure. Convertie en musée, elle fut, entre 1919 et 1957, confiée à sa sœur Maria Pavlovna et devint un véritable lieu de pèlerinage.
En 1899, l'année même de son installation en Crimée, la famine se déclare dans la région de la basse et moyenne Volga. Malgré un état de santé de plus en plus précaire, Tchekhov s'emploie activement à rassembler des fonds, écrit des appels et des articles dans les journaux. Il s'efforce en même temps de venir en aide aux tuberculeux. Il parvient à rassembler quarante mille roubles, en ajoute cinq mille et fait construire (en 1902) un sanatorium qui porte son nom.
Pendant les dernières années de sa vie, Tchekhov a cruellement souffert. Sa tuberculose pulmonaire s'est compliquée d'une tuberculose intestinale (qu'il appelle dans ses lettres « catarrhe »).
Très malade, exilé dans ce Sud qu'il ne peut pas aimer, dont la végétation lui semble « découpée dans de la tôle », il se sent irrémédiablement seul. « Comme je serai couché seul dans ma tombe, de même toute ma vie j'ai vécu seul », écrit-il dans ses Carnets.
Pourtant, depuis 1898, il y a dans sa vie une femme qu'il aime tendrement et qu'il épouse en mai 1901. Olga Leonardovna Knipper est une jeune actrice du théâtre d'Art de Moscou fondé en 1897 et dirigé par Constantin Stanislavski et Vladimir Nemirovitch-Dantchenko. Le 17 octobre 1898, La Mouette, qui deux ans plus tôt avait subi un échec retentissant au théâtre Alexandre de Saint-Pétersbourg, remporte un triomphe au théâtre d'Art. Durant les six dernières années de sa vie, Tchekhov fut en contact constant et étroit avec cette jeune troupe d'avant-garde pour laquelle il écrivit ses pièces les plus célèbres : Oncle Vania (Djadja Vanja, 1899), Les Trois Sœurs (Tri sestry, 1901), La Cerisaie (Višněvyj sad, 1903). Mais le théâtre d'Art est loin, et Olga Knipper retenue par son métier à Moscou. Tchekhov est seul avec sa mère dans la maison silencieuse. C'est dans ce modeste bureau de Yalta que cet homme qui se voyait mourir écrit des chefs-d'œuvre tels que Dans le ravin (V ovrage, 1900), La Dame au petit chien (Dama s sobačkoj, 1899), L'Évêque, ainsi que ses trois grandes pièces.
Élu à l'Académie des sciences de Russie (section belles-lettres) en janvier 1900, il renonce, en 1902, au titre d'académicien pour protester contre l'exclusion de Maxime Gorki. Anobli par Nicolas II (« noblesse héréditaire »), décoré, il n'en fit jamais mention.
Sa maladie progresse et les souffrances augmentent. Cependant l'amour est là, profond, tendre, désespéré, comme il se doit quand on est Tchekhov, hypersensible et supralucide, et qu'on aime une femme brillante, célèbre, coquette, lointaine.
Le dialogue avec le public, sous la forme du théâtre, est un ultime recours, le seul moyen de s'exprimer, de s'épancher, de partager tout ce qu'on pense, tout ce qu'on a appris pendant ces longs mois de tête-à-tête avec la solitude et la mort.
Le dernier hiver de sa vie, Tchekhov le passe à Moscou et assiste le 17 janvier 1904 à la première de La Cerisaie. En mai, il part avec sa femme pour Berlin et la Forêt-Noire (« je m'en vais pour crever », dit-il à Bounine). Il meurt à Badenweiler ; son corps est ramené à Moscou et inhumé au cimetière Novodevitchiï.

Un art très personnel

L'art de Tchekhov, allusif, riche de résonances cachées, est le plus elliptique, le plus concentré qu'il y ait eu dans les lettres russes. « Plus c'est court, mieux ça vaut... La brièveté est sœur du talent », dit Tchekhov. Simple, quotidienne, banale en apparence, telle est souvent l'anecdote qui sert de support à ses nouvelles. Mais elle n'apparaît ainsi qu'au regard superficiel qui ne sait pas discerner le grand et le profond dissimulés dans les petits faits de la vie courante (« meloči žizni »). Tchekhov réussit ce tour de force d'attacher et de passionner le lecteur ou le spectateur par des récits et des drames dénués d'affabulation romanesque, de toute péripétie, de toute concession à la facilité quelle qu'elle soit. « Dans la vie, il n'y a pas d'effets, ni de sujets bien tranchés ; tout y est mêlé, le profond et le mesquin, le tragique et le ridicule », disait Tchekhov à A. Kouprine.
« Un homme de lettres doit être aussi objectif qu'un chimiste, il doit renoncer au subjectivisme de la vie quotidienne... Il doit être avant tout un témoin impartial » (lettres à M. Kiseleva, 14 janvier 1887 et à A. Souvorine, 30 mai 1888). De toute évidence, Tchekhov était loin d'être seulement un témoin impartial. Mais l'élément personnel qui étoffe les matériaux offerts par l'observation directe de la vie est toujours dépersonnalisé, sublimé jusqu'à acquérir une valeur générale et supérieure. Par exemple, Trigorine et Treplev dans La Mouette sont tous les deux des porte-parole de l'auteur, chacun d'eux incarne un aspect de sa personnalité ; de même, le docteur Astrov dans Oncle Vania ; et Gourov, le héros de La Dame au petit chien ; enfin et surtout, Mgr Pierre dans L'Évêque. « Le subjectivisme, écrit-il à son frère, est une chose terrible [...] Surtout, il faut fuir l'élément personnel. »
Tchekhov avait défini ses canons esthétiques dès 1886 : « l'objectivité absolue ; la vérité dans la description des personnages et des objets ; une brièveté maximale ; l'audace et l'originalité ; la tendresse » (lettre à son frère Alexandre, 10 mai 1886), et, treize ans plus tard, il affirme : « La beauté et l'expression dans les descriptions ne s'obtiennent que par la simplicité, par des phrases aussi unies que : le soleil se couche, il fait sombre » (lettre à Maxime Gorki, 3 janvier 1899).
Cette simplicité, il l'applique tout d'abord à la composition de ses nouvelles. Le prologue ou introduction au récit est en général omis ou réduit à une courte phrase qui fait d'emblée entrer dans le vif du sujet. Tout au long du développement de l'histoire proprement dite, le laconisme de l'expression est également frappant. Quant au dénouement, ou conclusion, Tchekhov en a toujours pressenti le rôle capital. Chez le grand Tchekhov des dernières années, la nouvelle ou la pièce s'arrête brusquement sur une sorte d'accord musical. Il n'y a plus, à strictement parler, de fin, mais, au contraire, une ouverture sur un immense lointain. Par exemple, dans La Dame au petit chien, dans La Fiancée, une étape de la vie des héros est terminée ; mais une autre ne fait que commencer. Une fenêtre s'ouvre sur un avenir encore mal défini, tout d'inconnu et de mystère.
Le rôle de la musique est fondamental chez Tchekhov. L'élément sonore est un des plus importants de son système poétique. Il se manifeste surtout à travers la musicalité du style. L'habituelle structure de cette phrase lyrique comporte trois membres : « Après notre mort, nous dirons ce que nous avons souffert, comme nous avons pleuré, comme notre vie fut amère. » Mais l'élément musical intervient aussi sous la forme de véritables morceaux de musique en prose. Dans La Steppe, En route (V doroge), Les Moujiks ou Le Pipeau (Svirel') un paysage sonore se superpose au paysage naturel. On peut rapprocher l'usage d'un « paysage sonore » d'une autre innovation de Tchekhov, caractérisée par la richesse, la variété et la fraîcheur de ses onomatopées. Là encore, il se refuse à appliquer les clichés et traduit à sa manière le bruit d'un train (En wagon), le coassement d'une grenouille (Dans le ravin) ou le cri d'un oiseau nocturne (Agathe).
Novateur dans ses procédés musicaux, Tchekhov l'est aussi dans ses procédés visuels. Son amour de la nature fait de lui un grand paysagiste.
L'anthropomorphisme, la peinture osée, les couleurs un peu floues du début font place, peu à peu, à une simplicité monochrome (« Tchekhov est un Pouchkine en prose », dira Tolstoï). La sentimentalité se mue en mélancolie. L'austérité du style s'accorde à la pureté des sentiments exprimés et l'ensemble produit une étonnante impression de spiritualité.

L'originalité du dramaturge

Tchekhov sera attiré tout au long de sa vie par le dialogue direct avec le public, où, à l'abri de ses héros, caché derrière le décor, il s'épanche et s'exprime en dehors du rigide carcan imposé par sa conception de la nouvelle brève. Dès sa vingtième année, Tchekhov avait écrit une pièce qui ne fut publiée qu'en 1923 (Une pièce inédite de Tchekhov) et jouée à Paris sous le titre Ce fou de Platonov ; en 1885, il avait écrit Sur la grande route (Na bol'šoj doroge), étude dramatique en un acte ; en 1886, Le Chant du cygne (Kalkhas) et La Nocivité du tabac (O vrede tabaka), scène-monologue en un acte ; puis L'Ours (Medved', 1888), La Demande en mariage (Predloženie, 1889) Le Tragédien malgré lui (Tragik po nevole), Le Mariage (Svad'ba) et Le Sylvain (Lešij, 1890) ; en 1892, Le Jubilé (Jubilej). Depuis leur création, ces sketches en un acte sont joués, avec le même succès, sur les scènes russes. En 1889, Tchekhov termine Ivanov (commencé deux ans plus tôt), drame où, pour la première fois, il tente d'appliquer ses idées révolutionnaires sur le théâtre. Pourtant, de cette œuvre, Tchekhov avait dit qu'elle « n'était pas scénique ». Mais sa deuxième grande pièce, La Mouette, écrite neuf ans plus tard (1896), est bien moins « scénique » encore : « En dépit de toutes les règles de l'art dramatique, j'ai commencé ma pièce forte et l'ai achevée pianissimo... Je constate une fois de plus que je ne suis pas du tout dramaturge » (lettre à Souvorine, 21 novembre). Et pourtant son théâtre : La Mouette, L'Oncle Vania, Les Trois Sœurs, La Cerisaie, a envoûté des générations de spectateurs par la vérité profonde et subtile qui se dégage de ses lents cheminements et de ses silences.
« À quoi bon expliquer quoi que ce soit au public ? Il faut l'effrayer et c'est tout : il sera alors intéressé et se mettra à réfléchir une fois de plus », écrit Tchekhov à Souvorine (lettre du 17 décembre 1891). Une des clefs de son esthétique est de ne pas expliquer, mais de donner des chocs à la sensibilité et à l'imagination du lecteur ou du spectateur. L'un et l'autre doivent collaborer avec l'artiste, ne jamais rester passifs. C'est pourquoi Tchekhov ne fait que poser des jalons, entre lesquels il laisse des vides. Ces vides, ces pauses sont de plus en plus nombreux dans ses pièces, et leur rôle est primordial. Là encore, comme dans ses nouvelles, « sans commencement ni fin », Tchekhov triomphe des conventions les plus solidement établies. Une certaine forme d'imagination créatrice lui faisait défaut. Il n'avait jamais pu peindre une action de longue durée ou un caractère élaboré, dont les différentes faces se seraient exprimées dans des circonstances diverses. Son art n'est pas celui d'un romancier. Il est épigrammatique, percutant, allusif, et s'exprime en brefs coups de sonde, donnés de main de maître en ces points névralgiques où se forment les nœuds des destinées humaines. Or, le théâtre doit justement mettre l'accent sur ces moments privilégiés où se montrent à nu certains mouvements de l'âme. Tchekhov était éminemment doué pour une forme de théâtre lyrique, psychologique, « intériorisé ». Le drame de ses héros ne réside jamais dans l'action, mais plutôt dans leur incapacité d'agir : « les gens dînent, ils ne font que dîner, et pendant ce temps, s'édifie leur bonheur ou se défait leur existence tout entière » (paroles de Tchekhov rapportées par G. Ars, Quelques Souvenirs sur Tchekhov).
Sous cet art si nuancé couvait le sentiment tragique de la vie, si caractéristique du Tchekhov de la maturité et qui s'exprime dans ses Carnets, ses lettres et ses œuvres les plus marquantes.
Il existe pour Tchekhov deux paliers du tragique, l'un est un tragique métaphysique par essence, éternel et irrémédiable, le second un tragique social temporaire et perfectible.
Un des thèmes majeurs de Tchekhov, et sans doute le plus caractéristique et le plus profond, c'est celui de la solitude. Solitude métaphysique, inhérente à la condition humaine : les sentiments intimes sont incommunicables par essence. Mais au-dessous de ce tragique philosophique et inéluctable, le tragique social, lui, est un mal guérissable. La culture, l'instruction, une relative prospérité peuvent tempérer l'horreur de certaines vies, de certaines situations décrites dans des récits tels que Les Moujiks, Dans le ravin ou Vanka. La société peut être améliorée ; les hommes peuvent devenir plus policés, plus raffinés, plus heureux. Ils ne tortureront plus les enfants, seront moins grossiers, moins avides, moins cruels. Dans les finales d'Oncle Vania, de La Cerisaie, éclate l'espoir d'un avenir meilleur.
Comment concilier le tragique individuel, la solitude irrémédiable (qui fut le lot de Tchekhov lui-même et de la presque totalité de ses héros), avec cet espoir insensé d'un problématique bonheur futur ? On n'aperçoit pas de pont capable de relier ces deux conceptions si contradictoires. Et Tchekhov n'a pas tenté de le faire dans l'abstrait ni dans l'absolu. En véritable stoïcien – l'auteur le plus annoté de sa bibliothèque est Marc Aurèle –, il s'est contenté d'agir. Sophie Lafitte

L'œuvre

Caractéristiques
Au long de sa carrière d'écrivain qui dura tout juste vingt-cinq ans, Tchekhov publia plusieurs centaines de récits, nouvelles et chroniques ainsi qu'une bonne douzaine de pièces de théâtre.
Beaucoup de ses œuvres primitives du début des années 1880 - principalement des nouvelles, des billets humoristiques, des parodies - sont empreintes du style drolatique caractéristique de Tchekhov beaucoup, comme La Mort d'un fonctionnaire 1883, sont aussi satiriques, tandis que ses œuvres matures ressortent plutôt du domaine du réalisme, comme influencées par la connaissance de la société qu'il acquiert à la suite de ses études et par sa pratique de la médecine de campagne.
Un manuscrit original de Tchekhov
La plupart de ses nouvelles essentielles traitent de la vie de la petite bourgeoisie dans la Russie de la fin du XIXe siècle, du péché, du mal, du déclin de l’esprit, de la société.
L'action, dont le dénouement reste souvent indécis, a généralement pour cadre la campagne du centre ou du sud de la Russie ou les environs d'une petite ville de province.
Beaucoup de récits de ce genre se lisent dans un long et profond soupir.
La Salle n° 6, nouvelle publiée en 1893, qui prenant pour exemple le service fermé de psychiatrie d'un hôpital de province délabré une des situations typiques, où Tchekhov se sert de sa propre expérience de médecin, peint un tableau particulièrement sombre de la vie russe, et règle ses comptes de façon accablante à la passivité et à l’adaptation absolue stoïque face aux criantes injustices sociales. Dans quelques-unes de ses œuvres comme les récits très tristes Volodia 1887, L'Envie de dormir 1888 ou Typhus 1887, Tchekhov se révèle être un excellent psychologue, qui parvient à décrire, d'une façon concise et sans équivoque la pensée et les actes des hommes, quand ils se trouvent confrontés involontairement à une situation critique.
La nouvelle Une banale histoire 1889 qui sera particulièrement appréciée par Thomas Mann est également construite de manière psychologique, dont le narrateur, un ancien professeur de médecine, au crépuscule de sa vie, juge finalement son existence présumée remplie dépourvue de sens, à laquelle il manque un fil conducteur, et combien est trompeur le comportement fait d’adaptation et de suivisme de ses proches et de ses relations. Des réflexions similaires sur le sens de l'existence et la vision subjective du bonheur – toujours à travers de nombreux personnages différents - se retrouvent dans la trilogie sortie en 1898 composée de L'Homme à l'étui, Les Groseilliers et De l'amour ainsi que dans les instants de mélancolie du récit La Fortune 1887. L'opinion courante, que Tchekhov ait critiqué, avec ce genre de récit, la passivité de la vie sociale de la Russie tsariste, est exacte à condition toutefois de préciser, que Tchekhov n’a jamais chercher à influencer son lecteur - il préférait toujours mettre en avant dans ses œuvres, les personnalités les plus individualistes avec leurs problèmes spécifiques, sans expliquer clairement leurs actes ni les critiquer. Cet extrait d'une lettre de Tchekhov de 1888 illustre cette maxime : Il me semble que ce ne sont pas les écrivains qui doivent résoudre des questions telles que le pessimisme, Dieu, etc. L’affaire de l'écrivain est seulement de représenter les gens qui parlent de Dieu et du pessimisme ou qui y pensent, de quelles façons et dans quelles circonstances ils le font. L'artiste ne doit pas être le juge de ses personnages et de ce qu’ils disent, mais seulement un témoin impartial. Les appréciations reviennent aux jurés, c'est-à-dire les lecteurs. Mon affaire est seulement d’avoir du talent, c'est-à-dire de savoir distinguer les indices importants de ceux qui sont insignifiants, de savoir mettre en lumière des personnages, parler leur langue. Cette position d'observateur neutre et distancié, qui est typique de l'œuvre de Tchekhov, ne signifie par pour autant que l'auteur en soit éloigné, l'action de plusieurs récits étant composée d'éléments autobiographiques avérés. Il en est ainsi de La Steppe 1888, qui reprend les souvenirs d'enfance d'un voyage à travers les paysages du sud de la Russie et d'Ukraine, dans la nouvelle Trois années 1894, on retrouve l'atmosphère déprimante du piètre magasin paternel de Taganrog, et dans Arianne 1895 on reconnaît le récit, que fait Tchekhov lui-même à la première personne, d'une croisière en Crimée. Dans une de ses plus longues œuvres, le court roman Le Duel 1891, Tchekhov laisse se développer à travers un des personnages principaux un darwinisme social faisant l’apologie de la violence avant d'être contrecarré lors du dénouement de l'action, qui fait écho à l’intérêt qu’il portait étudiant pour les cours sur Darwin.
Le style narratif de Tchekhov ne se limite cependant pas à une vague critique de la société quelle qu'elle soit ou à une recherche psychologique des abîmes psychiques de l'homme. L'éventail des sujets, dont se sert Tchekhov dans son travail, est très large et riche en histoires comiques et légères Le Fruit du péché 1887, La Lotte 1885, Un drame 1887 entre autres, de contes animaliers destinés aux enfants Kachtanka 1887, Front blanc 1895 ou encore le récit Vanka 1886 écrit du point de vue de l’enfant, d’observations désenchantées du train-train quotidien des paysans ou de la petite bourgeoisie russe à l'avènement du capitalisme Les Moujiks 1897, La Nouvelle Villa 1898, Dans la combe 1899 jusqu'à la confrontation directe avec la mort et le caractère éphémère commun à tous les hommes Tristesse 1886, Goussiov 1890, L'Évêque 1902. Dans un de ses récits les plus réputés, La Dame au petit chien 1899, qu’il écrivit à Yalta et où se situe l'action, Tchekhov se présente de manière exemplaire comme un poète lyrique, qui tout en transformant cette simple histoire d'amour entre deux êtres mariés en drame à l'issue restant ouverte, laquelle fait sans cesse échouer ses deux protagonistes en raison de l’absurde mesquinerie de l’existence sociale — fait écho à son propre grand amour, qu’une telle banalité dans son cas : la maladie interdira de vivre à fond. Une part de son œuvre, permet cependant au lecteur de croire en un Tchekhov très optimiste, qui n'a pas perdu, malgré tous les abus et tous les revers, confiance dans l'homme de bien et surtout au progrès, à une vie future meilleure. On peut regrouper dans ce genre des œuvres comme l’étonnante miniature L'Étudiant 1894 par ses changements de tons radicaux, la nouvelle profondément philosophique Le Moine noir 1893 ou le court roman La Steppe rempli de descriptions marquantes de la campagne, qui font l’effet d’un hommage éclatant au monde et au genre humain. Indépendamment du sujet traité ou du ton utilisé, la particularité commune à toutes les œuvres de Tchekhov dans lesquelles l’homme est au centre de l’action, et que ses manières d’agir ou ses façons de penser puissent sembler étranges, ridicules, tristes ou autre, est que l'auteur cherche toujours à rester une observateur objectif et sans préjugés.
Cette préférence de la personnalité des caractères sur l'action associée à l’économie du principe narratif La brièveté est la sœur du talent, selon Tchekhov, les futurs penchants impressionnistes de Tchekhov pour les points de vue particuliers Je n'ai encore jamais écrit directement d’après nature. Il faut que ma mémoire ait filtré le sujet […] et qu’il ne reste que l’important et le typique et le refus des intrigues traditionnelles comptent pour ses innovations majeures, qui font que son style tranche considérablement avec ceux des autres auteurs russes renommés de cette époque.
Le fait que l'on trouve dans chaque récit de Tchekhov une représentation réaliste de l'homme, quelle que soit sa couche sociale, fait de l'ensemble de l'œuvre de Tchekhov une source documentaire très crédible de la société russe de la fin du XIXe siècle.
Tchekhov a conservé dans ses pièces de théâtre — écrites pour la plupart après 1885, alors que son style littéraire est depuis longtemps maitrisé outre sa composante purement humoristique — sa méthode descriptive objective élaborée dans ses récits.
Les pièces se distinguent en général par le fait qu’elles veulent montrer un tableau tragi-comique de la banalité de la vie de province et du caractère éphémère de la petite noblesse russe.
La plupart des personnages qui y sont décrits sont des gens convenables et sensibles, ils rêvent que leur vie va s'améliorer, beaucoup cependant en vain, face au sentiment d’impuissance et d'inutilité, de l'auto-compassion exagérée et du manque d'énergie et de volonté qui en découlent.
Certes, l'auteur indique toujours qu'il y a une échappatoire à cette apathie, en l’occurrence le travail convaincu et l'action pratique utile, pourtant les personnages se révèlent en général incapable ou bien sans réelle volonté de faire bouger ce qui s’avère être à l'origine de cette évanescence, l'affaiblissement intellectuel croissant de ces personnes pourtant intelligentes.
Il n’y a pas de héros dans le théâtre de Tchekhov. Pas de gentils et pas de méchants de manière tranchée. Il y a juste des personnages confrontés à la sclérose des habitudes et à l’usure du temps, auxquels rien ne résiste ; qui essaient de vivre avec ce que la nature leur a accordé comme talents ou comme défauts. Et qui s’aperçoivent, souvent trop tard, qu’ils n’y parviennent pas. Certains en meurent, comme Treplev dans La Mouette. Mais c’est sans bruit, à part celui du coup de feu. Et encore, ce coup de feu pourrait bien n’être qu’un flacon d’éther qui a explosé dans la pièce d’à côté. D’autres n’en meurent pas. Pas tout de suite. « Tu n’as pas connu de joies dans ta vie, oncle Vania, mais patiente un peu, patiente… Nous nous reposerons… Nous nous reposerons…
Une autre particularité du travail de dramaturge de Tchekhov est qu’il désignait la majorité de ses pièces comme des comédies, bien que l'action – si on fait exception de ses premières pièces en un acte cousues de fil blanc telles que L'Ours ou Une demande en mariage – n’en soit pas comique ou amusante au sens où on l'entend généralement.
Ces singularités produisirent du temps de Tchekhov de fréquentes incompréhensions non seulement de la part du public, mais aussi des metteurs en scène qui s’emparèrent de ses pièces.
C’est seulement des décennies après la mort de Tchekhov que l’on comprit majoritairement que le soi-disant comique devait provenir avant tout du comportement des protagonistes des pièces, du fait de leur sentiment d’impuissance et en général de leur rapport décalé à la réalité, par suite desquels leurs émotions, leurs actions et surtout leurs négligences – et dans une moindre mesure l'intention de l'auteur – produisent un comique involontaire.
Cette incompréhension des intentions de Tchekhov est en grande partie à l'origine de l'échec de La Mouette lors de sa création en octobre 1896.
Le succès vient avec sa rencontre avec le Théâtre d'art de Moscou de Nemirovitch-Dantchenko et Constantin Stanislavski. Pour révéler un théâtre dont l’action ne progresse pas tant par ce qui est effectivement dit que, finalement, par ce qui ne l’est pas, il fallait avoir envie d’inventer une nouvelle approche du métier de comédien, plus sensible à ce qu’on allait appeler le sous-texte qu’au besoin de briller sur scène. Cette nouvelle approche n’allait pas seulement révolutionner le travail d’acteur au travers, notamment, de ses suites dans l’Actors Studio. À un moment où émergeait la notion de mise en scène, elle allait bousculer la notion même d’écriture théâtrale, grâce à une analyse plus fine du fonctionnement dramatique. Mais qu’aurait pu le metteur en scène Stanislavski si, en dépit de certaines frictions sans doute inévitables, le Théâtre d’art n’avait pas trouvé son auteur, un certain A. P. Tchekhov ? La naissance de cette nouvelle approche du métier de comédien, qui n'a été possible que par cette collaboration unique entre Stanislavski et Tchekhov, est visible dans les Cahiers de régie rédigés par Stanislavski, lors des créations des pièces La Cerisaie et Les Trois Sœurs.
Ces pièces les plus connues avec La Mouette sont la pièce en quatre actes Oncle Vania, le drame Les Trois Sœurs ainsi que d’ailleurs sa dernière œuvre, la comédie La Cerisaie.
Toutes ces pièces présentent des déroulements de l’action très variés, cependant elles comportent beaucoup de points communs dans leur construction : l'action se passe toujours dans la province russe au tournant du siècle, les personnages sont de la petite noblesse, ils finissent par échouer d'une façon ou d'une autre du fait de leur passivité et de leur sens déformé de la réalité, cependant une note d'optimisme et la foi dans un avenir meilleur s’immiscent toujours dans l’action comme dans la réplique remplie de nostalgie À Moscou !, qui est typique de l'ensemble de l'action des Trois Sœurs, ou bien le Bienvenue, une nouvelle vie ! de la réplique finale de Piotr Trofimov dans la scène d’adieux de La Cerisaie.
Tchekhov, qui n'a jamais écrit de long roman bien qu'il en ait eu l'intention à la fin des années 1880, a exercé de par sa manière d'écrire concise, discrète et sans jugement de valeur, une immense influence sur la forme des romans modernes et du théâtre. De ce fait, aujourd'hui encore, Tchekhov est considéré pour l'un des premiers maitres de la nouvelle.


#74 Anton Tchekhov 1
Loriane Posté le : 16/01/2016 18:19
Le 17 janvier 1860 naît Anton Pavlovitch Tchekhov

ou Tchékhov en russe : Антон Павлович Чехов, à Taganrog Russie mort à 44 ans le 15 juillet 1904 à Badenweiler dans le grand duché de Bade de l'empire allemand, écrivain russe, principalement nouvelliste et dramaturge, auteur et médecin.
Tout en exerçant sa profession de médecin, il publie entre 1880 et 1903 plus de 600 œuvres littéraires du mouvement réalisme ; certaines pièces souvent mises en scène à l'heure actuelle — La Mouette, La Cerisaie, Oncle Vania — font de lui l’un des auteurs les plus connus de la littérature russe, notamment pour sa façon de décrire la vie dans la province russe à la fin du XIXe siècle. Ses Œuvres principales sont La Steppe en 1888, La Mouette en 1896, Oncle Vania en 1897, La Dame au petit chien en 1899, Les Trois Sœurs en 1901, La Cerisaie en 1904. Ami d’Ivan Bounine, de Maxime Gorki, de Fédor Chaliapine, d'Alexeï Souvorine, il est l’oncle de Mikhaïl Tchekhov.

En bref

Tchekhov est le maître russe de la nouvelle brève. Si sa création est parfaitement originale, si c'est là le genre où il excelle, il n'en est pas moins un grand auteur de théâtre. À la différence d'un Mérimée ou d'un Maupassant, Tchekhov nouvelliste réussit dans une courte page à rendre perceptible la complexité, la richesse, le tragique d'une vie entière.
L'œuvre de l'écrivain russe Anton Pavlovitch Tchekhov (1860-1904) se distingue par sa diversité. Qu'il s'agisse de brèves nouvelles ou de pièces de théâtre, elle manifeste un art de l'ellipse, où tout est suggéré plutôt que nommé.
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La tragique condition humaine, voilà le domaine où s'est exercée son infinie capacité de sentir et de comprendre. En tant qu'auteur dramatique, il a envoûté des générations de spectateurs par la vérité subtile qui se dégage des lents cheminements et des pauses de ses compositions dramatiques, fondamentalement musicales.
La vie ardente
Anton Pavlovitch Tchekhov [Čekhov] est né dans la petite ville de Taganrog, située sur la côte nord-est de la mer d'Azov. Son père, Pavel Egorovitch, était épicier. Fils de serf, pour ainsi dire analphabète, ses aptitudes commerciales étaient à peu près nulles et constamment tenues en échec par ses goûts artistiques et son fanatisme religieux. Tyran domestique, il voulait inculquer de force à ses enfants (cinq garçons et une fille) les principes rigides d'une morale aussi conventionnelle que rudimentaire. La vie à la maison était rude. Été comme hiver, on se levait à l'aube ; l'épicerie tant détestée ouvrait à 5 heures du matin et ne fermait que vers 11 heures du soir. C'est là que les deux aînés, Alexandre et Anton, passaient toutes les heures laissées libres par le lycée et l'église. Le père avait enrôlé dans le chœur qu'il dirigeait ses trois fils aînés. « Pendant que tous nos camarades se promenaient, nous devions courir les églises », écrira Tchekhov à Ivan Chtchéglov (le 9 mars 1892). Et il ajoutera : « J'ai peur de la religion : quand je passe devant une église, je me souviens de mon enfance et la terreur me saisit. » Mais si l'enfant souffre, le futur écrivain s'enrichit. La langue si particulière du clergé, cette pittoresque langue ecclésiastique émaillée de locutions slavones et d'argot de séminaire, nul écrivain russe, sauf N. S. Leskov, ne l'a possédée aussi parfaitement que Tchekhov.
À la boutique et à l'église s'ajoute le lycée. Anton y côtoie pour la première fois des intellectuels et aussi des enfants « qu'on ne fouette pas », mais le lycée n'eut que peu d'influence sur Tchekhov. Des maîtres sans génie ne réussirent à faire de lui qu'un élève médiocre. De ces maîtres, de cette ambiance, il fera plus tard la caricature dans L'Homme à l'étui (Čelovek v futljare, 1889).
À ces trois décors si sombres il faut joindre un quatrième, tout de douceur et de parfums champêtres. C'est le village de Kniajaia où Anton passe ses vacances auprès de son grand-père, régisseur de la comtesse Platov. Le voyage, à lui seul, est une aventure inoubliable. Soixante verstes de steppe parcourues dans des attelages tirés par des bœufs, voyage qui durait plusieurs jours à travers « un pays fantastique que j'aimais, où autrefois je me sentais chez moi, car j'en connaissais chaque recoin » (lettre à Plechtchéev, 1888).
Nuits passées sous le ciel profond de l'Ukraine, dans le foin odorant. Visages entrevus, atmosphère étrange et poétique, Tchekhov s'en souviendra plus tard. Pendant longtemps, il gardera jalousement ces souvenirs vivants, intensément vrais, et quand, enfin, il les utilisera dans La Steppe (Step', 1888), ils feront sensation.
Une telle enfance a singulièrement mûri Tchekhov. Il sut, malgré tout, sauvegarder en lui la gaieté, l'ironie, l'humour, la veine satirique, qui ne l'abandonnèrent jamais complètement, et qui, dans sa jeunesse, se manifestèrent en un véritable feu d'artifice de bons mots, d'inventions drolatiques, d'histoires cocasses. Ce génie burlesque se révèle dès ses premières œuvres : pendant de longues années, Tchekhov fut essentiellement un auteur comique.
Tchekhov a seize ans quand son père fait faillite. La prison pour dettes existait encore en Russie. Toute la famille quitte précipitamment Taganrog et s'installe à Moscou. Anton reste seul dans sa ville natale pour terminer ses études. Il subsiste grâce à des leçons et à l'aide intermittente d'un oncle. Le fatalisme de ses parents leur permet d'espérer qu'il se tirera d'affaire. Non seulement il survit, mais il trouve encore le temps de penser à eux, comme à d'autres, plus malheureux encore.
La percée de l'écrivain. Bachelier en 1879, Anton Tchekhov arrive enfin à Moscou. Sa famille loge dans un sous-sol humide, par les fenêtres duquel on n'aperçoit que le trottoir et les pieds des passants. Triste foyer, mais qui rapidement se transforme grâce à l'énergie, à la volonté et au sens pratique d'Anton. Prévoyant, il a amené de Taganrog deux camarades qui prennent pension chez les Tchekhov. Cela permet de manger un peu mieux, de quitter le sous-sol pour un appartement plus décent, bien que situé dans un quartier mal famé, tout près de la fameuse impasse Sobolev, bordée de maisons closes, impasse et maison qu'il a immortalisées dans La Crise Pripadok, 1888.
En contrepartie de l'humanité déchue et tragique de ce quartier, Tchekhov avait, toute proche, la poésie bigarrée de la place Troubnaïa, avec ses marchands d'oiseaux, si poétiquement décrits dans À Moscou, sur la place Troubnaïa (1883). C'est là qu'il vécut de 1879 à 1885. Ensuite, la famille émigra vers le quartier paisible du Zamoskvoretchie et enfin s'installa, en 1886, dans la maison du docteur Korneev, transformée en musée depuis 1954.
En 1879, Tchekhov s'était inscrit à la faculté de médecine. Il menait de front ses études et le travail littéraire qui lui permit, dès l'âge de dix-neuf ans, et jusqu'à sa mort, de devenir le seul soutien d'une nombreuse famille.
Il collabore à plusieurs publications humoristiques de 1881 à 1887 : La Cigale Strekoza, Le Réveil-Matin Budil'nik, Le Spectateur Zritel', Les Éclats (Oskolki). Il signe de divers pseudonymes.
En 1884, Tchekhov exerce la médecine dans les environs de Moscou ; cette même année paraît le premier recueil de ses nouvelles, Les Contes de Melpomène (Skazki Melpomeny). L'année 1886 est décisive. C'est le début de sa collaboration au Temps nouveau (Novoe Vremja), quotidien de tendance gouvernementale et réactionnaire, et de sa longue amitié pour Alexis Souvorine, directeur du journal et futur éditeur de l'écrivain. A. S. Souvorine est un autodidacte, sorti lui aussi du peuple et remarquable par son intelligence et sa vitalité. Il sera l'ami et le principal correspondant de Tchekhov. C'est à lui que furent adressées les lettres les plus révélatrices. Cette même année paraît un deuxième recueil de nouvelles, Récits bariolés (Pestrye rasskazy), comprenant les premiers chefs-d'œuvre, Tristesse (Toska), La Sorcière (Koldun'ja), Agathe (Agafia), suivi de deux autres recueils un an plus tard : Dans le crépuscule (V sumerkakh) et Innocentes Paroles (Nevinnye reči). Le 19 novembre 1887 a lieu la première représentation d'Ivanov au théâtre Korch, à Moscou.
En 1888, Tchekhov publie La Steppe, Les Feux (Ogni), La Crise. L'Académie des sciences lui décerne le prix Pouchkine. Cette même année, un cinquième recueil de nouvelles, Récits Rasskazy, et en 1890 un sixième, Hommes moroses (Khmurye ljudi), sont édités. Sophie Lafitte

Sa vie

Anton Pavlovitch Tchekhov naît à Taganrog, au bord de la mer d'Azov, au sud de la Russie. Son père, Pavel Iegorovitch Tchekhov 1825-1898, est un homme violent d’une religiosité excessive, et le fils d'un serf du gouvernement de Voronej qui a acheté son affranchissement au comte A. D. Tchertkov en 1841. Il tient une petite épicerie et commerce de produits coloniaux à Taganrog. Sa mère, née Evguenia Iakolevna Morozova 1835-1919, est fille de commerçants, négociants en draps de la région de Morchansk, issus également d’une ancienne famille de serfs. Elle a dix-neuf ans quand elle se marie. Les époux élèvent six enfants, dont cinq garçons : Alexandre 1855-1913, Nikolaï 1858-1889, Anton 1860-1904, Ivan 1861-1921 et Mikhaïl 1865-1936 et une fille : Maria 1863-1957 ; une seconde fille Evguenia 1869-1871 est morte en bas âge.
Les très faibles revenus tirés du magasin résultent de l'aptitude médiocre du père à gérer l'épicerie et de la situation économique déclinante du port de mer de la ville de Taganrog en raison de l'ensablement de la baie dans la seconde moitié du xixe siècle. Les enfants Tchekhov grandissent donc dans la pauvreté et les restrictions. Les fils, y compris Anton, ont très tôt aidé au magasin, en plus d’être contraints d’aller chaque jour à des cours de chant au chœur de l’église, où le père est chantre. Celui-ci manifeste une religiosité stricte un engouement musical despotique. Tchekhov décrit ce père autoritaire à maintes reprises. La famille vit alors dans la maison Gnoutov, petite bâtisse toute en rez-de-chaussée, située Politzeïskaïa oulitsa rue de la Police à Taganrog.
Malgré une situation financière difficile, les Tchekhov tiennent à offrir à leurs enfants de bonnes connaissances générales : à huit ans, Anton est admis en classe préparatoire au lycée no 2 de garçons de Taganrog, qu’il fréquente de 1869 à l’obtention de son diplôme en 1879. Anton se montre alors un élève plutôt moyen qui redouble par deux fois en 3e et 5e classe. Cette situation ne semble pourtant pas très surprenante compte tenu de la charge continuelle supportée par les frères qui doivent, en dehors des cours, aller chanter au chœur ou bien travailler dans le magasin de leur père, mais aussi vis-à-vis des méthodes d’instruction et d’éducation particulièrement autoritaires en vigueur à cette époque dans les écoles de l’Empire russe. Tchekhov utilise ses souvenirs de lycée notamment dans le récit L'Homme à l'étui 1898.
Alors qu’il est tenu jusque-là pour un enfant discret et réservé, il fait montre comme lycéen d’un humour prononcé et porte beaucoup d'intérêt pour le théâtre et la littérature. Il s’y fait une réputation de farceur par ses commentaires satiriques et de ses mauvais tours tels que sa facilité à affubler les professeurs de surnoms humoristiques. Pendant le peu de temps libre dont ils disposent, les frères Tchekhov ont pour habitude d’aller voir des représentations au théâtre municipal de Taganrog et ils mettent en scène régulièrement des pièces comiques dans leur propre théâtre qu’ils ont construit à la maison. À partir de 1877, Anton fréquente en outre, régulièrement, la toute récente bibliothèque publique de Taganrog.
En 1869, la famille Tchekhov déménage dans une nouvelle maison située Monastyrskaïa oulitsa rue du Monastère. Du fait d’une mauvaise opération immobilière et de la baisse continue des revenus de son magasin, les difficultés financières de son père s’aggravent tant dans les années suivantes qu’il doit déclarer son commerce en banqueroute au printemps 1876, ce qui, à l'époque, signifie être sous la menace d’une incarcération. Il ne lui reste plus qu’à céder le magasin et à fuir secrètement à Moscou, où séjournent déjà, pour leurs études, depuis l’été 1875 les deux aînés : Alexandre et Nikolaï10. Quelques mois plus tard, il est rejoint par la mère et les deux plus jeunes enfants, tandis qu’Anton et Ivan poursuivent leurs études au lycée de Taganrog.
Dès cette époque, Anton est de fait livré à lui-même, car sa famille ne dispose alors d’aucun revenu régulier à Moscou, et vit dans une profonde misère. La maison de Taganrog revient à un des créanciers acquise déloyalement par un de leurs anciens pensionnaires ; Anton y loue seul un coin alors qu'Ivan trouve refuge dans un premier temps chez une tante, avant de partir lui aussi pour Moscou à l’automne 1876. Anton, qui se prépare assidûment au baccalauréat, se retrouve tout seul et subvient à ses besoins en donnant des leçons particulières et en liquidant le reste des biens de ses parents, envoyant ainsi une part de ces maigres revenus à sa famille à Moscou.
Des années plus tard, il s’exprime de manière lucide sur le sujet de son enfance, de sa jeunesse ainsi que sur son passage précoce à l’âge adulte, au travers d’une lettre adressée à son éditeur habituel, Souvorine :
« Ce que les écrivains nobles prenaient gratuitement à la nature, les écrivains roturiers l’achètent au prix de leur jeunesse. Ecrivez donc un récit, où un jeune homme, fils de serf, ancien commis épicier, choriste à l’église, lycéen puis étudiant, entraîné à respecter les grades, à embrasser les mains des popes, à vénérer les pensées d’autrui, reconnaissant pour chaque bouchée de pain, maintes fois fouetté, qui a été donner des leçons sans caoutchoucs aux pieds, qui s’est battu, qui a tourmenté des animaux, qui aimait déjeuner chez des parents riches, qui fait l’hypocrite avec dieu et les gens sans aucune nécessité, par simple conscience de son néant, montrez comment ce jeune homme extrait de lui goutte à goutte l’esclave, comment un beau matin, en se réveillant, il sent que dans ses veines coule non plus du sang d’esclave, mais un vrai sang d’homme.
À l’été 1879, il réussit l’ensemble de ses examens et obtient son diplôme. Puis, il postule pour une bourse offerte par la municipalité de Taganrog dotée de 25 roubles par mois, qu'il obtient en août 1879. Le 8 août 1879 il débarque à Moscou, accompagné de deux camarades Saveliev et Zemboulatov, pour y entreprendre les études de médecine dont il avait fait le projet depuis longtemps.

Études et débuts littéraires

Le parcours de Tchekhov à l’université Lomonosov de Moscou, où il s’inscrit à la faculté de médecine peu après son arrivée, dure de septembre 1879 jusqu’au diplôme à l’été 1884. Durant cette période, les Tchekhov changent plusieurs fois de lieu de résidence et doivent se contenter, particulièrement dans les premiers mois, de logements beaucoup trop petits pour une famille de sept personnes, ce qui procure à Anton d’immenses difficultés dans la préparation de ses examens. Ceci le renforce encore plus dans l'idée qu’en se consacrant à l’écriture dès ses premières années d’études, l'écriture pourra s’avérer également une importante source de revenu.
Les débuts de Tchekhov comme auteur remontent à l’époque de Taganrog : dès l’adolescence il s’essaie à écrire des petits textes, parodies, anecdotes ainsi que des histoires drôles. Comme son grand frère Alexandre, qui vit à cette époque à Moscou et fait quelques piges dans des journaux et revues humoristiques, Anton envoie sans succès quelques-uns de ces textes brefs dont aucun n’a été conserv à plusieurs rédactions moscovites. En 1878, Tchekhov rédige pour la première fois une pièce de théâtre, laquelle doit avoir pour titre Sans Père et est dédiée à Maria Iermolova, une actrice renommée qu’il admire. Mais cette pièce ne rencontre aucun écho favorable à Moscou à cause de ses multiples remaniements tardifs. Elle est ensuite considérée comme disparue, avant de reparaître en 1920 comme manuscrit sans titre. Elle est publiée pour la première fois en 1923 et est connue ensuite à l’étranger sous le titre de Platonov.
Par la suite, Tchekhov lui-même indique à plusieurs reprises dans ses lettres les années 1878-1880 comme ses véritables débuts littéraires, sans pouvoir en préciser cependant le véritable moment15. Les premières publications de Tchekhov conservées jusqu'à aujourd’hui remontent à l’année 1880 lorsqu’il parvient, après quelques essais infructueux, à publier dix nouvelles humoristiques dans la revue pétersbourgeoise Strekosa La Libellule dont la Lettre de Stepan Vladimirovitch, propriétaire de la région du Don, à son savant voisin, le docteur Friedrich le 9 mars 1880.
En 1881 et 1882, suivent plusieurs publications de ce genre dans des revues humoristiques et satiriques plus ou moins connues : Boudilnik Le Réveille-Matin, Moskva Moscou, Zritel Le Spectateur et Svet i teni Ombres et Lumière. Une lettre datant de ses années d’études, donne des indications sur les difficultés que rencontre Tchekhov dans ses débuts. En août 1883, il écrit ainsi au rédacteur d’une revue dans un courrier accompagnant des nouvelles :
« J’écris dans les pires conditions. Devant moi se tient mon travail non littéraire, se rappelant à moi impitoyablement, le bébé d’un parent venu en visite crie dans la pièce d’à côté, dans une autre pièce mon père lit à voix haute à mère L’Ange scellé de Nikolaï Leskov. … Mon lit borde celui de mon cousin venu en voyage, qui vient constamment me parler de médecine. … J’ai la malchance, d’être médecin, et il n’y a personne qui ne sente obligé de s’entretenir de médecine avec moi. … Une situation sans équivalent.
Le ton à moitié plaisant, empreint d'autodérision, qu’utilise Tchekhov dans ces propos est caractéristique d’une grande partie des lettres de ses années d’études ainsi que des années suivantes. Le travail n'est pas rendu difficile seulement du fait de l’état du logement et plus généralement des conditions de vie précaires, mais aussi du fait de rétributions aléatoires de la part des rédactions, de contraintes rédactionnelles dans la revue de N. A. Leïkine Oskolki Les Éclats par exemple les histoires ne devaient pas dépasser cent lignes et surtout de la censure d’État. Enfin, durant les années 1880, à la suite del'assassinat de l'empereur Alexandre II, une sélection impitoyable et arbitraire est effectuée avant toute publication prévue dans la presse russe. Ainsi, le premier livre édité de Tchekhov, le recueil de nouvelles Farces russe : Шалость, achevé en 1882 est refusé par la censure et depuis lors est tenu pour perdu.
Malgré l'obtention de son diplôme de médecine après cinq ans d’études, Tchekhov passe pour être un étudiant très moyen et peu assidu. Nonobstant son enthousiasme pour les sciences naturelles et son intérêt pour l'enseignement de Darwin qu'il manifeste dans une lettre de 1886, il privilégie son activité d'écrivain qui lui procure des revenus. Il envisage cependant d’écrire une thèse sur l’histoire de la hiérarchie sexuelle dans la nature
Se sentant responsable de sa famille, venue s’installer à Moscou après la faillite du père, Tchekhov cherche à augmenter ses revenus en publiant des nouvelles dans divers journaux et sous divers pseudonymes parmi lesquels le plus connu Antocha Tchékhonté, tel qu’il était nommé par un de ses professeurs, ou de plus fantaisistes comme Le frère du frère, L’homme sans rate ou Jeune vieillard. Jusqu’à sa nomination comme médecin en septembre 1884, il parvient à publier au total plus de deux cents récits, chroniques littéraires et parodies dans diverses revues. Certaines des nouvelles écrites à cette époque appartiennent encore aujourd’hui à ses œuvres les plus connues, telles que les nouvelles empreintes de satire La Mort d'un fonctionnaire, Une fille d'Albion, Le Gros et le Maigre toutes de 1883 ou bien Un caméléon 1884. À l’été 1884 paraît son premier livre publié : Les Contes de Melpomène russe : Сказки Мельпомены, un recueil de six récits. Il entreprend également une thèse sur le sujet La Médecine en Russie.

Période d'intense activité 1884–1889

En juin 1884, Tchekhov termine ses études de médecine. La famille passe l'été dans le logement de fonction spacieux de son frère Ivan à Voskressensk près de Moscou aujourd'hui Istra, où celui-ci est professeur. Tchekhov y commence à exercer la médecine : il consulte des patients au dispensaire ainsi qu'à l'hôpital du zemstvo situé dans la petite ville voisine de Zvenigorod, il participe en outre à des examens de médecine légale et pratique des autopsies. En réalité, Tchekhov prend en charge ses patients bénévolement, car peu d'entre eux peuvent le rémunérer de façon convenable. De plus, il ne peut nier que ses écrits sont plus bénéfiques que la pratique de la médecine.
Cela ne change pas les années suivantes, lorsque la famille Tchekhov fait l'acquisition d'une propriété à la campagne où Tchekhov soigne des paysans. En dehors des mois d'été, quand les Tchekhov résident dans leur logement de Moscou, Tchekhov examine volontiers les nombreux parents et connaissances de la famille. Il écrit à ce propos dans une lettre à son oncle, sur un style ironique : Je travaille tant et plus. Tous les jours je dois dépenser plus d’un rouble en calèche. J'ai beaucoup d'amis et du coup aussi beaucoup de patients ; et il poursuit sur les difficultés à se faire régler ses honoraires : Une moitié d'entre eux ne paie pas. Les autres donnent parfois cinq, parfois trois roubles par consultation. Après avoir ressenti les premiers signes de la phtisie, forme pulmonaire de la tuberculose dès sa vingtième année, il fait en décembre 1884 sa première crise d’hémoptysie, découvrant ainsi sa maladie10, dont il meurt en 1904.
Son activité de médecin, entre autres, lui fournit beaucoup de matière pour ses récits, et durant la deuxième partie des années 1880, il écrit énormément : ainsi, pour la seule année 1885, il publie cent trente-trois textes alors que ce nombre s'élève à cent douze en 1886 et seulement à soixante-quatre en 1887. La plupart de ses récits sont alors publiés sous pseudonymes. Tchekov jouit déjà d'une reconnaissance certaine de la part de cercles littéraires notamment car il publie, depuis avril 1885, dans la fameuse Peterbourskaïa Gazeta le Journal de Pétersbourg; pourtant, il accepte une invitation de la rédaction d'Oskolki en décembre 1885 - ce qui lui vaut une première visite de la capitale Saint-Pétersbourg, ce qui fait évoluer sa situation. Dans cette ville, il fait connaissance, entre autres, avec l'influent éditeur Alexeï Souvorine, avec lequel il signe peu après un contrat dans de très intéressantes conditions. En même temps, il rencontre le romancier à succès, de grand renom à cette époque, Dmitri Grigorovitch, qui voit en Tchekhov quelqu'un au talent exceptionnel. Grigorovitch, qui jouissait alors d'une grande autorité dans le monde littéraire russe et dont la pensée comptait pour Tchekhov, lui conseille dans une lettre, quelques mois plus tard, d'abandonner les pseudonyme, ce que fait Tchekhov : à partir de 1886 il travaille étroitement avec Souvorine et publie beaucoup de ses nouveaux récits sous son vrai nom dans Novoïe Vremia Temps nouveaux, le journal dirigé par Souvorine qui est alors une des feuilles les plus diffusées du pays
Une partie de ses nouveaux récits paraissent dans la revue mensuelle modérément libérale Rousskaïa Mysl La Pensée russe. Son second recueil de nouvelles, Récits bariolés, est publié en 1886. De 1885 à 1887, les Tchekhov passent les mois d'été à Babkino près de Voskressensk, dans la propriété des Kisselev, amis de la famille. Dans ses souvenirs, son frère Mikhaïl se dit persuadé que la beauté des paysages des environs de Babkino, les joyeuses parties de pêche et la cueillette des champignons, ont dû être déterminants dans l'épanouissement du talent de son frère. Tchekhov y trouve en particulier plusieurs motifs pour ses œuvres à venir. Cela est frappant par exemple pour des récits tels que La Lotte, Le Chasseur tous deux de 1885, La Sorcière 1886 ou Volodia 1887, dans les actions se déroulent dans un cadre très ressemblant.
Cependant, Tchekhov n'écrit plus seulement des textes humoristiques, mais aussi de plus en plus de récits, dans lesquels sont développés des thèmes très sérieux voire dramatiques, abordant parfois aussi des problèmes de société qui touchent particulièrement la province russe de cette époque, ce qui est typique de la suite de son œuvr. Font partie de ces récits dramatiques de la seconde moitié des années 1880, des œuvres comme Aniouta, La Nuit de Pâques, Mauvais caractères toutes de 1886 ou Fièvre typhoïde 1887. Le voyage que Tchekhov entreprend dans sa patrie en février 1887 lui fournit de nombreux autres thèmes. Il rend visite à des parents à Taganrog, à Novotcherkassk et dans d'autres lieux du sud de la Russie, et voyage à travers les somptueux paysages de la steppe, sur le Don et la mer d'Azov. Il déplore ultérieurement l'accablante arriération et le manque de culture de cette région, qui toutefois l’inspire à plus d'un titre à cause de la beauté de ses vastes paysages. C'est le cas des nouvelles La Steppe, publiée en 1888, qui est renommée pour ses minutieuses et authentiques descriptions de paysages, et de La Fortune, parue en 1887.

Voyage à Sakhaline 1889–1899

Le nombre de textes publiés à la fin des années 1880 diminue par rapport aux années précédentes ; Tchekhov écrit dans une lettre de février 1888 : La Steppe m’a demandé tant d’énergie, que je ne peux toujours pas me consacrer sérieusement à autre chose. De 1888 à 1889, Tchekhov ne publie que deux douzaines de récits, nouvelles dont Jour de fête et Une banale histoire et pièces de théâtres telles que les pièces en un acte L'Ours et Une Demande en Mariage.
Sa famille peut alors se réjouir de la popularité montante de l’auteur et entrevoir de sortir de la misère grâce à la parution de nouvelles œuvres ou de recueils. Cette popularité rend cependant impossible le travail comme auparavant : Tchekhov étant toujours plus occupé en rédaction, en relecture de manuscrits — les siens comme ceux des autres — ou bien en préparation ou en recherche pour ses futures publications. À partir de mai 1888, il s'installe dans une datcha louée à Louka près de Soumy (gouvernement de Kharkov à la famille Lintvariov dont il s'inspire pour Le Sauvage et Oncle Vania, pendant toute l'année 1889, puis il installe sa famille dans la maison principale du domaine. Il soigne les malades et visite la région. Le travail progresse alors lentement, cette situation s'aggravant encore lorsque Tchekhov est touché par la mort prématurée de son frère aîné, Nikolaï, des suites d’une tuberculose foudroyante en juin 1889. Il est enterré au domaine.
La prise de connaissance à travers la relecture des travaux de son jeune frère Mikhaïl, qui étudie alors le droit, sur le droit pénal et la vie pénitentiaire dans l’empire russe, pousse soudain Tchekhov à la fin 1889 à entreprendre un voyage dans l’Extrême-Orient russe en Sibérie et à l’île de Sakhaline, afin de témoigner de la réalité de cette province isolée et sur la katorga bagne situé dans cette île-prison. Début 1890, il étudie assidûment des publications scientifiques sur Sakhaline et se prépare pour un voyage, qu’il prévoit durer six mois. Tchekhov rejette énergiquement chaque tentative de ses proches ou de ses amis voulant le dissuader de partir. Dans une lettre à Souvorine, il dit :
Vous écrivez … que les gens n’ont que faire de Sakhaline, qu’elle n’intéresse personne. Est-ce exact ? Sakhaline ne saurait être inutile et sans intérêt que pour une société qui n’y déporterait pas des milliers d’individus et ne dépenserait pour cela des millions. … Sakhaline est un lieu de souffrances intolérables comme seul l’homme peut en supporter.
Il part enfin le 21 avril, d’abord en train jusqu’à Iaroslavl, puis prend le bateau à vapeur sur la Volga pour Nijni Novgorod et Kazan, puis sur la Kama jusqu’à Perm, puis des calèches à travers l’Oural, Iekaterinbourg, la Sibérie occidentale, Tioumen, Tomsk, Krasnoïarsk et Irkoutsk jusqu’au lac Baïkal et au fleuve Amour, Blagovechtchensk, Khabarovsk, Nikolaïevsk d’où il prend le bateau pour la côte nord de Sakhaline. Le voyage aller dure presque trois mois et, pendant le trajet à travers l’Oural et le lac Baïkal, il emprunte des routes de montagne le fameux trakt sibérien très peu carrossables ou bien par endroits interrompues par les inondations de printemps. Les nombreuses lettres que Tchekhov envoie à ses proches et à ses amis durant ce voyage pénible, délivrent de nombreux détails sur ce parcour.
Plusieurs fois, Tchekhov loue la beauté des paysages de la Sibérie et de l’Extrême-Orient ainsi que l’esprit de liberté des habitants, mais il en dénonce également la pauvreté et l’arriération.
Tchekhov séjourne trois mois dans l'île de juillet à octobre 1890. Il visite de nombreuses prisons après avoir reçu de la part de l’administration de l’île les autorisations nécessaires. Tchekhov est autorisé à tout voir, sauf les prisonniers politiques. Il y consulte quand il le peut les malades et recense l'ensemble de la population de l’île (estimée alors à 10 000 à l’exception des autochtones Nivkhes, Aïnous et Oroks. En septembre, il résume ainsi son travail dans la partie nord de l‘île :
« Je ne sais quel parti j’en tirerai, mais j’ai fait énormément de choses. Il y aurait de quoi écrire trois thèses. Je me levais tous les jours à cinq heures du matin, je me couchais tard et chaque jour la pensée de tout ce que je n’avais pas encore fait, me mettait dans un état de tension extrême. … à propos, j’ai eu la patience, de recenser toute la population de Sakhaline. J’ai fait le tour de tous les villages, je suis entré dans chaque isba, j’ai parlé à chacun ; … il n’y a pas un seul bagnard ou un seul colon à Sakhaline qui ne se soit entretenu avec moi.
Le voyage du retour par voie maritime via le Pacifique, l’océan Indien Ici, au paradis, j’ai parcouru des centaines de lieues en chemin de fer et je me revois sous les palmeraies et entouré de femmes bronzées, se remémorant l’escale de Ceylan, le canal de Suez, la Méditerranée, la mer Noire et Odessa dure plus d’un mois et demi. Il se sert de ses impressions dans le récit Goussiov 1890, qu'il écrit en partie à bord du bateau. Malgré cela, il n'y consacre que peu de pages à la description du bagne : Les Garces 1891, En déportation 1892, Un meurt en 1895.
Tchekhov rentre à Moscou au début décembre 1890. En 1893, il décrit son expérience dans l'essai L’île de Sakhaline qu’il désigne comme un véritable enfer, qui dépeint d’une façon bouleversante sous la forme d'un récit de voyage la vie misérable des confins de l’Empire russe. Le livre, dans lequel sont décrits entre autres les mauvais traitements faits aux détenus, la corruption et la prostitution enfantine, qui constituent la réalité quotidienne du bagne, fait sensation dans l'Empire russe dès sa publication, si bien qu'il est à l'origine d'une commission d’enquête menée sur le champ par le ministère de la justice pour faire la lumière sur les pires exactions dans cette région de Russie.

Vie à Melikhovo 1892–1899

Afin de se libérer de l’agitation habituelle qui l’entoure depuis son retour38, Tchekov entreprend avec Souvorine son premier voyage en Europe centrale et occidentale au printemps 1891. Il visite notamment Vienne, Venise qui lui plaît particulièrement, Florence, Rome et Paris. La famille passe l’été suivant dans une de leurs propriétés délaissées près d’Aleksine au bord du fleuve Oka, en Russie centrale, où Tchekhov continue son travail sur le livre L’île de Sakhaline. Il indique régulièrement dans des lettres la difficulté qu’il a à écrire ce livre, qui nécessite le recours à de nombreux ouvrages scientifiques et statistiques. À cela s'ajoute la détérioration continue de son état de santé.
Les fatigues de son voyage à travers la Sibérie ont sérieusement entamé l'état de santé de Tchekhov. En novembre 1891 il souffre de crises de toux et autres symptômes de refroidissement, qui ne lui laissent aucun répit, alors qu’il s’active bénévolement durant ces mois ; il participe à la récolte de fonds pour les victimes de la famine dans la région de Nijni Novgorod et aide à la répartition de cette aide. Le printemps 1892 voit sa participation aux secours apportés aux paysans du gouvernement de Voronej au sud de la Russie, victimes de mauvaises récoltes et de famine. Il rend compte de son expérience dans les régions touchées par la famine, et montre son refus de faire de la bienfaisance une sorte de remède universel à tous les maux sans fin de la société, dans le récit Ma Femme, paru fin 1891.
La nécessité croissante d’avoir une résidence d’été stable, dans laquelle il puisse travailler tranquillement, décide Tchekhov à acquérir une vaste propriété pour lui et sa famille au printemps 1892. Il s’agit d'une propriété, qui est à cette époque dans un état d’abandon total, nommée Melikhovo près de Lopasnia dans l’ouiezd district de Serpoukhov au sud de Moscou. En mars, la famille quitte son appartement de Moscou pour Melikhovo. Tchekhov renoue avec la médecine, et soigne les paysans de Melikhovo bien souvent gratuitement. En outre, il coordonne bénévolement les mesures sanitaires prophylactiques pour faire face à la menace grandissante d'une épidémie de choléra. Son expérience de médecin fournit à Tchekhov une grosse part de la matière utile à sa future œuvre d’importance, la nouvelle La Salle n° 6 1892
À partir de 1894, Tchekhov mène des actions bénévoles à Melikhovo et dans le périmètre du zemstvo assemblée provinciale où il fonde des dispensaires et finance la construction de plusieurs écoles populaires dans le district de Serpoukhov. Il envoie plusieurs dotations importantes de livres à la bibliothèque de sa vie natale Taganrog ainsi qu'aux écoles de Sakhaline, offertes pour partie par les éditeurs, pour partie de sa propre bourse.

Ancienne propriété des Tchekhov à Melikhovo

Dans les années 1890, Tchekhov se consacre à la dramaturgie : en 1887, il assiste à la création de sa première grande pièce, Ivanov10 puis, entre 1888 et 1889, il écrit plusieurs petites pièces en un acte ainsi que L’Homme des bois qui, une fois remaniée en 1896 sous le nom d’Oncle Vania, devient sa prochaine pièce importante qui demeure aujourd’hui une de ses pièces les plus connues.
À Melikhovo, il termine en 1895 l'écriture de son drame La Mouette, créé en octobre 1896 à Saint-Pétersbourg avec Vera Komissarjevskaïa dans le rôle principal, qui dans un premier temps est un échec, avant d’être reprise en 1898 par Constantin Stanislavski et Vladimir Nemirovitch-Dantchenko au Théâtre d'art de Moscou et d'y rencontrer un écho favorable. De cette époque datent plusieurs récits et nouvelles renommés dont Le Moine noir, Le Violon de Rothschild tous deux de 1894, La Maison à mezzanine 1896 et Les Moujiks 1897 ; dans ce dernier, prenant pour cadre de l’intrigue le district de Serpoukhov, Tchekhov s'y fait l’observateur singulier et très pessimiste de la vie paysanne, au point de faire l’objet de modifications ordonnées par la censure.
En mars 1897, à Moscou, Tchekhov souffre d’une grave hémoptysie qui le contraint à rester à l’hôpital plusieurs semaines. C’est aussi surtout la première fois qu’il consulte pour sa tuberculose, qu'il avait tenté jusqu'ici de soigner par lui-même. Plusieurs médecins lui conseillent dès lors de passer les mois d’hiver en Crimée, presqu’île de la mer Noire réputée pour son climat tempéré ou bien dans d'autres pays du sud de l’Europe. Tchekhov suit ce conseil et voyage à l’automne 1897 pendant plusieurs mois sur la côte méditerranéenne française.
En septembre 1898, il se rend à Yalta en Crimée et y achète un mois plus tard une parcelle pour y faire construire une nouvelle propriété. À la suite de la mort de son père en 1898, la propriété de Melikhovo, qui est de moins en moins fréquentée, est finalement vendue à l’été 1899. À la suite d’un désaccord avec Souvorine, Tchekhov signe début 1899 un nouveau contrat avec l’éditeur d’origine allemande Adolf Marx, qui pour 75 000 roubles, acquiert les droits de son œuvre à l’exception des pièces de théâtre. Avec cet argent il se fait construire une petite maison la « Datcha Blanche sur le terrain acquis à Aoutka près de Yalta. Tchekhov s’y rend à la fin de l’été 1999.

Retour en Crimée et dernières années

À Yalta, Tchekhov fait la connaissance de plusieurs auteurs réputés de l’époque, avec qui il se lie d'amitié – parmi lesquels l’écrivain révolutionnaire engagé Maxime Gorki. Pourtant, malgré sa constante implication en tant que médecin bénévole, il décrie sans cesse l’atmosphère provinciale et désolée de Yalta qui ne lui rappelle en rien la vie mondaine et culturelle de Moscou ou de Saint-Pétersbourg. Il écrit en janvier 1899, peu après son installation dans sa nouvelle demeure, à un de ses anciens camarades de classe : Voilà maintenant une semaine, qu’il pleut sans discontinuer, et je dois crier d’ennui et d’aide. Combien je perds, en vivant ici ! . Pour lutter contre la morosité de la vie de province, Tchekhov lit régulièrement les journaux de Moscou et de Saint-Pétersbourg et suit avec un intérêt évident les manifestations étudiantes et les troubles politiques de la capitale, qui se répandent comme les prémices de la révolution à venir dans le pays entier.
En 1898, il traverse une crise morale, publiant Les Groseilliers, un procès du bonheur. Malgré une santé de plus en plus fragile, Tchekhov voyage toujours à Moscou. Ainsi, en septembre 1898, il assiste à une répétition d’une nouvelle mise en scène de La Mouette au Théâtre d'art de Moscou. Il y fait la connaissance de l’actrice Olga Knipper 1868–1959, qui joue par la suite souvent le premier rôle de ses pièces dans ce théâtre.
Tchekhov et Olga Knipper se rencontrent par la suite plusieurs fois à Moscou comme en Crimée, où la troupe du théâtre d’art est en tournée au printemps 1900. L’auteur, qui n’a pu rencontrer que brièvement l’actrice, trouve en elle son grand amour. S'ensuit une abondante correspondance quasiment ininterrompue depuis leur première rencontre. Ils se marient à Moscou le 25 mai 1901 ; Tchekhov, redoutant une cérémonie grandiose, l’union a été célébrée secrètement sans prévenir les proches, en présence seulement des quatre témoins qu'exigeait la loi. Le couple reste sans enfant à la suite d’une fausse couche d'Olga Knipper, la même année.
Les époux ne se voient que très rarement du fait que Tchekov doit rester en Crimée pour raison de santé alors qu'Olga continue à jouer à Moscou. Une lettre du 27 septembre 1900, de Tchekhov à sa femme témoigne de cette relation, où malgré le ton anodin de l’auteur, utilisé afin de ne pas alarmer ses proches, l'auteur laisse entrevoir combien son état de santé est sérieux : … je ne sais plus ce que je dois te dire, sinon ce que je t’ai déjà dit dix mille fois et qu’apparemment tu veux encore entendre, que je t’aime – et rien de plus. Si nous ne sommes pas ensemble en ce moment, cela n’est ni de ta faute, ni de la mienne, mais celle du démon, qui fait que je dois me débattre avec les bacilles et toi avec l’amour de l’art.
Tchekhov écrit en Crimée deux pièces importantes : Les Trois Sœurs 1900 et La Cerisaie 1903. Dans la maison de Yalta sont conçus les récits : De l'amour 1898, Dans la combe, La Dame au petit chien tous deux de 1899 et L'Évêque 1902. Le travail littéraire à Yalta avance en revanche difficilement. Entre 1899 et 1902, Tchekhov doit travailler à une compilation de son œuvre pour les éditions Marx. Pour les nombreux visiteurs de la datcha, il semble très fatigué du fait de toujours plus fréquentes hémoptysies, accès de fièvre et difficultés respiratoires. Tchekhov tente sans succès d’enrayer sa tuberculose galopante grâce à des voyages à l'étranger – il passe ainsi beaucoup de temps à Nice pendant les hivers 1897-1898 et 1900-1901 – et aussi par une cure de kumiz lait de jument, qui ne permet pas de stopper une maladie considérée alors comme incurable..
La dernière sortie officielle de Tchekhov, alors qu’il est déjà profondément marqué par la maladie, a lieu lors d’un hommage à l’écrivain au théâtre d’art de Moscou à l'occasion de la première de sa dernière pièce, La Cerisaie, en janvier 1904. Tchekov a alors 44 ans. Le dernier récit qu'il écrit, La Fiancée, est achevé dès le printemps 1903.
Monument de Badenweiler, avec la plaque commémorative à l’hôtel Sommer aujourd’hui centre de convalescence, où Tchekhov meurt en 1904
Début juin 1904, Tchekhov et sa femme partent pour l'Allemagne, une fois de plus pour se soigner et consulter le docteur Karl Ewald, spécialiste des maladies pulmonaires. Après un court séjour à Berlin le couple part dans la station thermale de Badenweiler, dans la Forêt-Noire, qui leur a été recommandé par un médecin moscovite d’origine allemande. Tchekhov y écrit quelques lettres à destination de Moscou, dans lesquelles il décrit la vie ordonnée, aisée, cependant souvent ennuyeuse et sans talent des Allemands.
Après une amélioration passagère de son état de santé, Tchekhov est victime de plusieurs crises cardiaques mi-juillet, la dernière dans la nuit du 15 juillet, peu de temps avant sa mort. Olga Knipper décrit ainsi dans ses mémoires les derniers instants de Tchekhov :
Peu après minuit, il se réveille et fait appeler un médecin pour la première fois de sa vie. … Le docteur étant arrivé, il demande un verre de champagne. Anton Pavlovitch se lève et dit solennellement en allemand au médecin qui était à son chevet il connaissait seulement très peu d’allemand : Ich sterbe… je meurs… puis il prend le verre, se tourne vers moi, … dit : cela fait longtemps que je n’ai plus bu du champagne…, ayant bu son verre tranquillement, il se coucha sur le côté gauche et se tut à jamais.
Tchekhov est transporté par chemin de fer à Moscou et inhumé aux côtés de son père le 22 juillet 1904 en présence d’une forte affluence au cimetière de Novodiévitchi 2e division

Récompenses et commémorations

Tchekhov fut récompensé par trois fois de son vivant. En octobre 1888, il reçoit le prix Pouchkine du département de littérature russe de l'Académie des Sciences doté de 500 roubles pour son recueil Dans le crépuscule, qu'il avait dédié au romancier en vogue Dmitri Grigorovitch. Fin 1899, Tchekhov fut honoré, pour son dévouement à la cause de l’enseignement public dans le district de Serpoukhov, du 3e grade de l'ordre de saint Stanislas ; bien qu'il ne fût pas opposé à cet hommage, il n'en fit mention dans aucune de ses lettres. En janvier 1900, Tchekhov est élu comme membre d'honneur de la section Belles-Lettres de l'Académie des Sciences, titre qu’il abandonnera seulement deux ans plus tard, de même que Vladimir Korolenko, en protestation de l’annulation arbitraire et politique de l’élection de Maxime Gorki.
Le 25 juillet 1908, quatre ans après sa mort, fut érigé à Badenweiler le premier mémorial : une première pour un écrivain russe en dehors de son pays. Le Théâtre d'art de Moscou fit une représentation au bénéfice de son financement. En 1918, peu de temps avant la fin de la Première Guerre mondiale, le mémorial fut fondu pour fabriquer des armes. C'est seulement en 1992 que fut déposé sur le socle un nouveau buste offert par les amis de Tchekhov de l'île Sakhaline en souvenir de sa visite. En 1998 fut ouvert dans l’aile de la prairie de la maison de cure de Badenweiler le musée littéraire Salon Tchekhov, lequel recèle de nombreuses lettres et documents originaux datant du séjour en Allemagne du dramaturge et de sa réception.
En Russie et dans les pays de l'orbite soviétique, son nom fut donné à des rues dans de nombreuses villes. Plusieurs lieux ont également pris le nom de l'auteur : notamment l'ancien village de Lopasnja près de Moscou, près duquel était située la principale propriété des Tchekhov ainsi que le village Tchekhov sur l'île de Sakhaline. Un lieu de cure près d'Oufa, dans les environs duquel, Tchekhov et sa femme avait acquis un terrain en 1901, porte le nom de Tchekhovo. En 1987, une station du tout récent métro fut nommée Tchekhovskaïa en l'honneur de l'écrivain : celle-ci se situe non loin d'une maison toujours existante dans laquelle les Tchekhov ont résidé juste avant leur départ pour la province. Un musée Tchekhov se situe dans une autre des anciennes résidences des Tchekhov, rue Sadovaïa-Koudrinskaïa, dans la ceinture verte près de la station de métro Barrikadnaja. La famille Tchekhov y vécut au second étage de 1886 à 1890. Le musée fut ouvert en 1954 et inauguré par la veuve de Tchekhov Olga Knipper.
Dix ans auparavant, la propriété de Melikhovo fut transformée en musée Tchekhov. Il porte maintenant le titre officiel de réserve nationale A. P. Tchekhov et recèle, parmi un fonds de 20 000 pièces, quelques peintures originales de Isaac Levitan ainsi que de son frère Nikolaï décédé prématurément.
Un musée existe également à Yalta dans la presqu'île de Crimée. Il se situe dans la maison construite d'après ses propres plans sur le terrain acquis par Tchekhov en 1898 et surnommée ainsi en référence à son propre aspect la datcha blanche. Le jardin y est maintenu dans l'état voulu par Tchekhov qui y exerçait sa passion du jardinage. Le musée conserve l'état exact des lieux j usque dans la disposition de sa table de travail au moment de sa mort en 1904, sur quoi veilla sa sœur Maria, qui dirigea le musée jusqu'à sa mort en 1957. Une annexe de ce musée se situe dans une villa de Hourzouf, dans les environs de Yalta, où Tchekhov rédigea Les Trois Sœurs. D'autres musées Tchekhov se situent à Taganrog dans l'ancien magasin de son père Pavel Yegorovitch, de même que dans le lycée que fréquenta Tchekhov, dans les villes d'Alexandrovsk-Sakhalinsk et de Ioujno-Sakhalinsk sur l'île de Sakhaline qu'il visita en 1890, dans la ville ukrainienne de Soumy dans la datcha où les Tchekhov passèrent les étés de 1888 et 1889.
En 1990, à l'occasion du 130e anniversaire de sa naissance, Tchekhov fut immortalisé par une pièce commémorative soviétique d'un rouble

Correspondance Isaac Levitan

Le célèbre peintre russe d'origine juive Isaac Levitan 1860-1900 fit la connaissance de Tchekhov en 1880 pendant ses études par l'intermédiaire du frère aîné Nikolaï, alors qu'ils fréquentaient tous deux l’École de peinture, de sculpture et d'architecture de Moscou. Levitan deviendra un des amis les plus proches de Tchekhov et de sa famille, et fit le projet, en 1890, de voyager avec lui en Sibérie et à Sakhaline. Comme peintre paysagiste, Levitan illustra les descriptions de la nature de Tchekhov comme celles présentes dans la nouvelle La Steppe ; de plus il passa fréquemment les mois d'été en compagnie des Tchekhov à Melikhovo et s'inspira des lieux pour plusieurs de ses tableaux. Lors de son premier séjour en France au printemps 1891, Tchekhov écrira ainsi, de son ton ironique habituel : Les peintres russes sont beaucoup plus sérieux que les Français. En comparaison des laborieux peintres de paysages, que j'ai vus hier, Levitan est un roi.
Dans les années 1890, Levitan interrompit ses relations amicales pendant quelques années, à cause, entre autres, d'une femme qu'il fréquentait, qui elle-même raffolait de Tchekhov : il s'agissait de Lika Mizinova, une amie de la sœur de Tchekhov, Maria, et une brève relation sentimentale de Tchekhov, par l'intermédiaire de qui il rencontra Olga Knipper à plusieurs reprises, qu'il ne prit alors pas plus au sérieux. La querelle s'envenima encore avec la publication du récit La Cigale 1892, dans lequel Levitan, croyant se reconnaître à travers l'un des personnages, se sentit outragé par Tchekhov. Ils se réconcilièrent par la suite. Tchekhov rendit visite à Levitan en 1895, quand celui-ci, traversant une dépression sévère, fit une tentative de suicide Ces quelques jours, que tu as passé ici, furent les plus calmes de cet été, lui écrira par la suite Levitan ; puis une dernière fois en mai 1900 à Moscou alors que Levitan était sur son lit de mort.

Franz Schechtel

Le futur architecte et promoteur de nombreux bâtiments importants Franz Schechtel 1859-1926 étudia à l’École de peinture, de sculpture et d'architecture de Moscou en même temps que Nikolaï Tchekhov et Isaac Levitan. Il était ami de Tchekhov depuis ses études et construisit le bâtiment, tel qu'il existe encore aujourd'hui, du Théâtre d'art de Moscou créé un an auparavant, dans lequel furent montées du vivant de Tchekhov plusieurs de ses pièces. Schechtel bâtit en 1914 la nouvelle bibliothèque de Taganrog, la ville natale de Tchekhov, dans son style art nouveau préféré. Avant son départ en 1879 pour Moscou, Tchekhov fréquenta régulièrement la bibliothèque datant du XIXe siècle, qui porte maintenant son nom.

Vladimir Guiliarovski

Tchekhov fit connaissance avec le journaliste chroniqueur et auteur réputé Vladimir Guiliarovski 1855-1935 pendant ses études dans une rédaction d'une revue humoristique. Cette relation amicale dura toute sa vie. Du fait de sa situation de journaliste très expérimenté et de ses nombreuses relations, Guiliarovski fournit à Tchekhov beaucoup de matière pour son œuvre. Il est admis par exemple que le protagoniste de son récit Un Malfaiteur 1885 est basé sur un personnage réel que Tchekhov avait rencontré lors d'un séjour dans la datcha de Guiliarovski située à Kraskovo, dans le sud-est de Moscou. Guiliarovski rassembla ses souvenirs sur Tchekhov dans son livre Amis et Rencontres paru en 1934.

Vladimir Korolenko

L'auteur russo-ukrainien Vladimir Korolenko 1853-1921, dont la carrière littéraire débute quasiment en même temps que celle de Tchekhov et qui est connu pour ses récits souvent très chargés psychologiquement, rencontre Tchekhov en février 1887 et deviendra l'un de ses amis les plus proches Je suis prêt à jurer, que Korolenko est quelqu'un de très bien. Non seulement c'est divertissant de côtoyer cet individu, mais cela le reste aussi après coup., selon Tchekhov. Par la suite, Korolenko soutiendra volontiers Tchekhov dans ses activités de bienfaisance notamment en 1891 durant l'aide alimentaire dans le gouvernement de Nijni Novgorod. Une des facettes les plus connues de leurs actions communes fut leur démission simultanée de leur qualité de membre d'honneur de l'Académie des Sciences à l'été 1902, en signe de protestation publique coordonnée à la récente privation de cette distinction faite à Maxime Gorki en raison de son « manque de fiabilité politique.

Vsevolod Garchine

De ses propres dires, Tchekhov ne connut qu'à peine l'écrivain Vsevolod Garchine 1855-1888 du fait de la mort précoce de celui-ci à la suite d'une tentative de suicide, bien que Tchekhov ait tenté à plusieurs reprises de faire connaître son talent d'auteur. Garchine est considéré par certains comme étant un précurseur de Tchekhov, en écrivant des romans réalistes poignants, bien que la nature pessimiste de Garchine soit très éloignée de la confiance de Tchekhov dans le progrès. Son récit La Crise publié en 1888 - en allusion à deux œuvres connues de Garchine - qui traite du thème de la prostitution, fut dédié par Tchekhov à la mémoire de Garchine et parut dans une anthologie le concernant parmi des œuvres de divers auteurs.

Piotr Tchaïkovski

Le compositeur Piotr Tchaïkovski 1840-1893 compte également parmi les proches relations de Tchekhov, ce qui n'est pas dû seulement à la passion de Tchekhov pour la musique en général et pour celle de Tchaïkovski en particulier. Ainsi, Tchekhov construisit des scènes de plusieurs de ses récits Ma Vie, Récit d'un inconnu, Ionytch, qui citent ou rappellent des pièces de Tchaïkovski.
Tchekhov rencontra Tchaïkovski pour la première fois chez lui en décembre 1888 : il lui dédiera un an plus tard son nouveau recueil Des gens moroses. À cette époque, Tchekhov fit le projet de rédiger un livret pour l'opéra Bela d'après le motif de Lermontov Un Héros de notre Temps pour Tchaïkovski. Ce projet n'aboutit pas, du fait de la mort prématurée de Tchaïkovski en 1893 qui laissa son opéra inachevé.




#75 Jean Dutourd
Loriane Posté le : 16/01/2016 14:40
Le 17 janvier 2011 à 91 ans meurt Jean Gwenaël Dutourd

à Paris, né le 14 janvier 1920 à Paris, écrivain,; journaliste, romancier et essayiste français, membre de l'Académie française. Il reçoit pour distinction le prix Stendhal en 1946, prix Courteline en 1950, prix Interallié en 1952, prix Prince-Pierre-de-Monaco en 1961
le prix Saint-Simon en 2001 et elle reçoit également le grand Prix Catholique de Littérature en 2005. Il est fait grand officier de la Légion d'honneur, commandeur de l'ordre national du Mérite et commandeur des Arts et des Lettres. Elle est fiateMembre de l'Académie française au fauteuil 31
Auteur de langue française, il écrit roman, essai, chroniques, pamphlet. Ses Œuvres principales sont Au bon beurre 1952 et Les Horreurs de l'amour 1963


En bref

Écrivain français. Né à Paris en 1920, Jean Dutourd est mobilisé en 1940, et fait prisonnier. Il s'évade, et entre par la suite dans la Résistance. Il sera administrateur adjoint du quotidien Libération entre 1944 et 1947, puis attaché aux services français de la B.B.C. de 1947 à 1950. Son premier ouvrage, Le Complexe de César, paraît en 1946. Mais le livre qui le fait connaître du grand public est Au bon beurre 1952, prix Interallié, suite de scènes de la vie des Français sous l'Occupation, qui dresse un tableau à la fois grotesque et des plus noirs de cette période. L'écrivain va poursuivre dans cette veine, faite de drôlerie et de cruauté, avec Doucin 1955, Les Taxis de la Marne 1956, L'Âme sensible 1959, Les Horreurs de l'amour 1963. Parallèlement, il travaille dans la presse, à France-Soir, où il est critique dramatique puis chroniqueur, notamment des émissions télévisées, ce qui donnera Cinq Ans chez les sauvages 1977. Il est élu à l'Académie française en novembre 1978. Ses talents de moraliste, son art de fustiger les mœurs du temps le conduisent à publier, parallèlement à ses romans, des essais proches du pamphlet où il s'en prend avec ironie aux travers de la société : le conformisme, la vanité, les dogmatismes qu'on fait passer pour la vérité (Les Dupes, 1959 ; Le Fond et la forme, 1965 ; L'École des jocrisses, 1970. Au fond, Jean Dutourd ne cesse de dénoncer les jeux de l'illusion qui sont au cœur de la société, et les instruments qui sont les siens : l'ivresse des mots, la fausse monnaie des pensées stéréotypées. Défiance qui l'amène à assumer des positions nettement conservatrices Le Socialisme à tête de linotte, 1983 ; La Gauche la plus bête du monde, 1985. Il le fait avec un style certain, et une science de la langue dont il s'attachera à préserver les pouvoirs et les richesses À la recherche du français perdu, 1999. Il a également traduit Hemingway Le Vieil Homme et la mer, Capote Les Muses parlent et Chesterton L'Œil d'Apollon.

Sa vie

Jean Dutourd est né à Paris, le 14 janvier 1920, de François Dutourd, chirurgien-dentiste et d’Andrée Haas. Il perd sa mère à l’âge de sept ans, est mobilisé à vingt ans, et fait prisonnier au bout de quinze jours de guerre. Il s’évade six semaines plus tard, revient à Paris et passe une licence de philosophie à la Sorbonne. Licence incomplète, car il ne parvient jamais à décrocher le certificat de psychologie.
Il rencontre Gaston Bachelard à la Sorbonne : le philosophe est témoin de son mariage avec Camille Lemercier 1922-2003, le 22 mai 19424. Le couple aura deux enfants : Frédéric 1943 et Clara née en 1945 - décédée. En suite de quoi il entre dans la Résistance, et occupe l'appartement de la famille de Pierre Brossolette partie à Londres. Arrêté au début de 1944, il s’évade et participe à la libération de Paris.
Son premier ouvrage, Le Complexe de César, paraît en 1946 et obtient le prix Stendhal. Jean Dutourd est conseiller littéraire au sein de la maison Gallimard de 1950 à 1966. Il est aussi éditorialiste et succède à Paul Gordeaux comme critique dramatique au quotidien France-Soir. Il tient une chronique hebdomadaire d’un quart d’heure sur Radio Courtoisie, de son éviction de France Soir en 1999 jusqu’en 2007.
Il a longtemps participé, presque quotidiennement, à l’émission Les Grosses Têtes, sur RTL, présentée par Philippe Bouvard. À partir de 2001, il répond tous les jours par téléphone à deux questions posées par Philippe Bouvard et, une fois dans l’année, se rend à l’émission en qualité d’invité d’honneur. Il arrête sa participation quotidienne à l’émission en septembre 2008. Sa participation fut critiquée par l'Académie.
De sensibilité monarchiste, Jean Dutourd est membre du comité de soutien du mouvement L'Unité capétienne, où l’on trouve les noms de Marcel Jullian, André Castelot, Gonzague Saint-Bris, Reynald Secher ou encore Georges Bordonove. Il se prononce contre le Manifeste des 121 en 1960, en qualifiant le choix de ses signataires d'"aberrant"6. Il se présente sous les couleurs de l’Union démocratique du travail mouvement des Gaullistes de gauche aux élections législatives de 1967, dans la circonscription de Rambouillet mais est battu par la députée sortante, la radicale Jacqueline Thome-Patenôtre. Par la suite, il s’affirmera et sera reconnu comme un homme de droite.
De janvier à mars 1975, il met sa chronique quotidienne dans France Soir au service de la défense de la famille Portal, jouant ainsi un rôle déterminant dans la médiatisation de l'Affaire Portal.
Le 14 juillet 1978, il a été la cible d’un attentat qui détruisit son appartement parisien, sans faire de victime.
Jean Dutourd est élu à l’Académie française, au fauteuil de Jacques Rueff, le 30 novembre 1978 fauteuil 31. Il était Président d'honneur du Club des Ronchons. Il est également élu à l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, où il est reçu le 8 mai 1989.

Il est influencé par le duc de Saint-Simon, Stendhal et Jean Giono.

Il préside jusqu’en 2009 l’association Défense de la langue française AG du 28/03/09): c’est son confrère de l’Académie, Angelo Rinaldi, qui le remplace.
Il est membre du département de langues et de littérature de l’Académie serbe des sciences et des arts.
Il meurt le 17 janvier 2011 à 91 ans. Ses obsèques se déroulent le 21 janvier 2011, en l'église de Saint-Germain-des-Prés à Paris, puis au cimetière du Montparnasse8. Y assistent notamment Philippe Bouvard, de nombreux académiciens, dont les écrivains Alain Decaux et Max Gallo, et l'historienne Hélène Carrère d’Encausse. L’éditeur Raphaël Sorin, l'avocat Paul Lombard, les hommes politiques Charles Millon et Jean Tiberi ont également assisté à la cérémonie.
Le 21 février 2013, Michael Edwards, poète anglais, né le 29 avril 1938, siègera finalement au fauteuil 31 .

Citation

Pour améliorer cet article il convient, si ces faits présentent un intérêt encyclopédique et sont correctement sourcés, de les intégrer dans d’autres sections.
« Aimer, c'est être embêtant, tatillon, exigeant, c'est vouloir qu'on soit mieux qu'on est, c'est empoisonner l'existence de l'être qu'on aime. » « Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et une confiance inébranlable pour l'avenir »
«Les gens qui se plaignent constamment vivent leurs malheurs deux fois. D'où leur humeur chagrine.» Dutouriana

Œuvre

1946 : Le Complexe de César, essai Gallimard
1947 : Le Déjeuner du lundi, roman Robert Laffont
1947 : Galère, poèmes Éditions des Granges-Vieilles
1948 : L'Arbre, théâtre Gallimard
1950 : Le Petit Don Juan, traité de la séduction Robert Laffont
1950 : Une tête de chien, roman Gallimard
1952 : Au bon beurre, scènes de la vie sous l'Occupation, roman Gallimard
1955 : Doucin, roman Gallimard
1956 : Les Taxis de la Marne, essai Gallimard
1958 : Le Fond et la Forme, essai alphabétique sur la morale et sur le style, tome I Gallimard
1959 : Les Dupes, contes Gallimard
1959 : L'Âme sensible, essai Gallimard
1960 : Le Fond et la Forme, tome II Gallimard
1963 : Rivarol, essai et choix de textes Mercure de France
1963 : Les Horreurs de l'amour, roman Gallimard
1964 : La Fin des Peaux-Rouges, moralités Gallimard
1965 : Le Fond et la Forme, tome III Gallimard
1965 : Le Demi-Solde Gallimard
1967 : Pluche ou l'Amour de l'art, rman Flammarion
1969 : Petit Journal, 1965-1966 Julliard
1970 : L'École des jocrisses, essai Flammarion
1971 : Le Crépuscule des loups, moralités Flammarion
1971 : Le Paradoxe du critique, essai Flammarion
1971 : Le Paradoxe du critique, suivi de Sept Saisons, critique dramatique Flammarion
1972 : Le Printemps de la vie, roman Flammarion
1973 : Carnet d'un émigré Flammarion
1976 : 2024, roman Flammarion
1977 : Mascareigne, roman Julliard
1977 : Cinq ans chez les sauvages, essai Flammarion
1978 : Les Matinées de Chaillot, essai S.P.L.
1978 : Les Choses comme elles sont, entretiens Stock
1979 : Œuvres complètes, tome I Flammarion
1980 : Le Bonheur et autres idées, essai Flammarion
1980 : Discours de réception à l'Académie française Flammarion
1980 : Mémoires de Mary Watson, roman Flammarion
1981 : Un ami qui vous veut du bien Petit manuel à l'usage des auteurs de lettres anonymes Flammarion
1982 : De la France considérée comme une maladie Flammarion
1983 : Henri ou l'Éducation nationale, roman Flammarion
1983 : Le Socialisme à tête de linotte Flammarion
1984 : Œuvres complètes, tome II Flammarion
1984 : Le Septennat des vaches maigres Flammarion
1985 : Le Mauvais Esprit, entretiens avec J.-E. Hallier Orban
1985 : La Gauche la plus bête du monde Flammarion
1986 : Contre les dégoûts de la vie Flammarion
1986 : Le Spectre de la rose Flammarion
1987 : Le Séminaire de Bordeaux, roman Flammarion
1989 : Ça bouge dans le prêt-à-porter Flammarion
1990 : Conversation avec le Général Flammarion
1990 : Les Pensées Éditions du Cherche-Midi
1990 : Loin d'Édimbourg Éditions de Fallois
1991 : Portraits de femmes, roman Flammarion
1992 : Vers de circonstance Éditions du Cherche-Midi
1993 : L'Assassin, roman Flammarion
1994 : Domaine public Flammarion
1994 : Le Vieil Homme et la France Flammarion
1995 : Le Septième Jour, récits des temps bibliques Flammarion
1996 : Le Feld-Maréchal von Bonaparte, uchronie Flammarion
1996 : Scènes de genre et tableaux d'époque Guy Trédaniel
1997 : Trilogie française Le Séminaire de Bordeaux, Portraits de femmes, L'Assassin Flammarion
1997 : Scandale de la vertu Éditions de Fallois
1997 : Journal des années de peste, 1986-1991 Plon
1998 : Grand chelem à cœur Éditions du Rocher
1999 : À la recherche du français perdu Plon
2000 : Jeannot : mémoires d'un enfant, souvenirs Plon
2001 : Le Siècle des lumières éteintes Plon
2003 : Les cinq à sept de Fernand Doucin Plon
2004 : Journal intime d'un mort Plon
2006 : Les perles et les cochons Plon
2007 : Leporello
2008 : La grenade et le suppositoire Plon
2009 : La chose écrite Flammarion
Œuvres complètes, tome III Flammarion
Traductions
Les Muses parlent, de Truman Capote
L'Œil d'Apollon, de Gilbert Keith Chesterton
Le Vieil Homme et la Mer, d'Ernest Hemingway

Récompenses

1946 : prix Stendhal, pour Le Complexe de César
1950 : prix Courteline, pour Une tête de chien
1952 : prix Interallié, pour Au Bon Beurre
1961 : prix Prince Pierre de Monaco, pour l'ensemble de son œuvre
2001 : prix Saint-Simon, pour Jeannot, mémoires d'un enfant
2005 : Grand Prix Catholique de Littérature, pour Journal intime d'un mort

Décorations

Grand officier de la Légion d'honneur
Commandeur de l'Ordre national du Mérite
Commandeur des Arts et des Lettres

Dans la fiction

Jean-Michel Royer, François Mitterrand élu à l'Académie française. François Mitterrand est élu au fauteuil de Jean Dutourd et prononce son éloge.




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#76 Marie-Joseph Chénier
Loriane Posté le : 08/01/2016 20:17
Le 10 janvier 1811 meurt à paris Marie-Joseph Blaise de Chénier

poète, dramaturge et homme politique français, né à Constantinople le 11 février 1764. C'est le frère cadet du poète André Chénier.Il reçoit sa formation au collège de Navarre et à l'université de Paris. Il appartient au parti politique dit club des cordeliers il est membre du Conseil des Cinq-Cents, Convention nationale, Commune de Paris, club des Cordeliers, Académie française à partir de 1803. Il à pour genres artistiques
la tragédie,l'épître,l'ode, la chanson. Son père est Louis de Chénier, Il occupe la fonction de député à l'Assemblée nationale française. Son Œuvre la plus réputée est le Chant du départ.

En bref

Né à Constantinople deux ans après son frère André, officier de dragons à dix-sept ans, Marie-Joseph de Chénier démissionne assez vite de l'armée pour se consacrer aux Muses. Après quelques pièces sans aucun succès, il remporte un triomphe à la fin de 1789 en faisant jouer un Charles IX où sa plume de patriote dénonce vigoureusement les tyrans. La même faveur du public accueillera son Henri VIII en 1791 et son Caïus Gracchus en 1792 ; désormais, pour les contemporains et jusqu'à la publication fort tardive des œuvres posthumes de son frère, quand on parle du grand poète Chénier, c'est de lui qu'il s'agit. Sa célébrité lui vaut d'être élu sans peine député de la Seine-et-Oise à la Convention ; montagnard, régicide, il se consacre surtout aux travaux du comité de l'Instruction publique, pour lequel il présente notamment un rapport sur la création des écoles primaires le 12 décembre 1792. Et il poursuit son œuvre de poète : textes de nombreux hymnes et chants révolutionnaires, dont les paroles du Chant du départ, Les républicains sont des hommes, / Les esclaves sont des enfants, et une pièce, Timoléon, jouée au printemps de 1794, qui aurait déplu à Robespierre par des insinuations dantonistes. Il est sûr en tout cas que Marie-Joseph n'est pas très bien vu du pouvoir en ce début de thermidor où son frère André monte à l'échafaud, et que les tentatives qu'il a pu faire pour sauver son aîné, malgré l'antagonisme politique qui les opposait depuis cinq ans, n'avaient guère de chances d'être utiles : on doit donc rejeter les accusations de lâcheté portées contre lui à cette occasion, dont il se défendra dans une Épître sur la calomnie assez émouvante 1797 et que reprendra néanmoins sous une forme plus insidieuse Alfred de Vigny dans son Stello.
Après la chute de Robespierre, Marie-Joseph fait figure pendant quelques mois de grand politique ; il est membre du Comité de salut public, il participe à la réaction thermidorienne ; plus effacé sous le Directoire, il glisse du centre gauche au centre droit ; l'évolution du Consulat et de l'Empire le rend à la ferveur première de son républicanisme ; son Cyrus lui vaut une disgrâce assez prononcée ; il meurt encore jeune, supportant un certain dénuement avec une grande dignité oppositionnelle. À son fauteuil de l'Académie viendra s'asseoir un autre opposant, bien moins révolutionnaire en politique, bien plus révolutionnaire en littérature : le vicomte de Chateaubriand. Jean Massin

Sa vie

Fils de Louis de Chénier, diplomate et historien, et frère cadet du poète André Chénier, Marie-Joseph Chénier naquit comme lui à Constantinople mais passa son enfance à Carcassonne, fit ses études au collège de Navarre à Paris où il se lia d'amitié avec Charles et Michel de Trudaine, et Louis et François de Pange. Il devint en 1781, à l'âge de dix-sept ans, cadet gentilhomme dans les dragons de Montmorency. Il passa deux années en garnison à Niort.
Tout comme François de Pange, il renonça à la carrière militaire pour se consacrer à la littérature mais le succès ne fut pas au rendez-vous pour les jeunes gens. François de Pange se tourna vers le journalisme mais Marie-Joseph s'obstina. Il débuta à la Comédie-Française en 1785 avec un drame en deux actes, Edgar, ou le Page supposé, qui fut sifflé du début à la fin. En 1786, la tragédie d'Azémire, qu'il dédia à son ancien condisciple François de Pange, ne connut pas une meilleure fortune.

Grandeur et misère d'un écrivain


Sa tragédie Charles IX, ou la Saint-Barthélemy, rebaptisée quelques années plus tard Charles IX, ou l'école des rois, mettait en scène, à l'époque des guerres de Religion, le fanatisme aux prises avec l'esprit de liberté. La censure la retint pendant près de deux années, jusqu'à ce que Chénier lance plusieurs pamphlets – Dénonciation des inquisiteurs de la pensée 1789, De la Liberté du Théâtre en France 1789 – qui emportèrent finalement l'autorisation de représenter la pièce non sans piquer la curiosité du public. La première eut lieu après la prise de la Bastille, le 4 novembre 1789, avec un grand succès, comparable à celui du Mariage de Figaro. Le sujet, en accord avec l'esprit du temps, plut au public, que le mouvement de la pièce – manquant par ailleurs d'intrigue, de caractères et de style – et le talent de Talma, dont la réputation commençait à s'établir, achevèrent de conquérir.
Les représentations de Charles IX provoquèrent une scission de la troupe de la Comédie-Française. Le groupe dit des patriotes, emmené par Talma, s'installa rue de Richelieu. C'est là que Marie-Joseph Chénier fit jouer, en 1791, Henri VIII et Jean Calas, puis, en 1792, Caïus Gracchus dont on a retenu l'hémistiche fameux : « Des lois, et non du sang ! qui lui valut d'être interdite, à l'initiative du député montagnard Albitte, car on crut y voir une critique du régime révolutionnaire.
Fénelon 1793, brode à nouveau sur le fanatisme et la liberté, non sans invraisemblance : on y voit l'archevêque de Cambrai délivrer une religieuse renfermée depuis quinze ans dans un cachot par ordre de son abbesse. La pièce fut critiquée car elle ne mettait pas en scène des rois et des princes, au mépris des règles de la tragédie classique établies par Aristote.
Timoléon 1794, avec des chœurs mis en musique par Étienne Nicolas Méhul, parut attaquer Robespierre dans le personnage de l'ambitieux Timophane que ses amis veulent maladroitement couronner au milieu de l'assemblée du peuple. La pièce fut interdite et les manuscrits en furent supprimés. La pièce fut reprise après la chute de Robespierre, mais cette fois, on crut voir dans le personnage du fratricide Timoléon le héraut d'une sorte de confession déguisée : elle donna le signal d'une vigoureuse campagne accusant Marie-Joseph Chénier d'avoir fait exécuter son frère, accusation dont il se défendit dans son Épître sur la calomnie 1796, une de ses meilleures pièces de vers.
En réalité, après quelques tentatives infructueuses pour sauver son frère, Marie-Joseph Chénier dut constater que c'était en se faisant oublier des autorités que son frère aurait les meilleures chances de salut et que ses interventions mal avisées ne feraient que hâter sa fin. Lui-même, alors soupçonné de tiédeur et en mauvais termes avec Robespierre, ne pouvait rien tenter pour le sauver. André Chénier fut exécuté le 25 juillet 1794 (7 thermidor an II.

Carrière politique

Membre du club des Cordeliers et de la Commune de Paris, Marie-Joseph Chénier avait été élu député à la Convention par le département de Seine-et-Oise. Il y fut du parti de Danton. Il vota la mort de Louis XVI. Sur son rapport, à la fin de 1792, fut décidé l'établissement des écoles primaires et, le 3 janvier 1795, l'attribution de 300 000 francs de secours entre 116 savants, littérateurs et artistes. Sous le Directoire, il fut membre du Conseil des Cinq-Cents. Il prit part à l'organisation de l'Institut de France et fut placé dans la troisième classe littérature et beaux-arts.
Il participa, avec le peintre David et le compositeur François-Joseph Gossec, à l'organisation de nombre des grandes fêtes révolutionnaires entre 1790 et 1794. Si l’hymne qu'il avait préparé pour la fête de l'Être suprême fut refusé par Robespierre, son Chant du départ2 est presque aussi célèbre que La Marseillaise, dont il a cosigné le septième couplet, dit couplet des enfants, en octobre 1792, avec Jean-Baptiste Dubois et l'abbé Dubois. Il est l'auteur de l’Hymne du Panthéon, mis en musique par Cherubini 1794.
Il apporta un soutien sans faille à François de Pange à qui il permit de revenir d'émigration sans rencontrer de problème et qu'il fit libérer de prison lorsque celui-ci fut pris dans une rixe.
Membre du Tribunat sous le Consulat, il en fut chassé en 1802 au moment de l'épuration de cette assemblée. En 1803, il fut néanmoins nommé inspecteur général des études de l'Université. L'année suivante, à l'occasion du couronnement de Napoléon, il fit jouer la tragédie de Cyrus, qui ne fut représentée qu'une fois : s'il y justifiait l'Empire, c'était en donnant des conseils à l'Empereur et en plaidant pour la liberté, ce qui était le meilleur moyen de déplaire, et déplut effectivement. Mortifié, Chénier revint au parti républicain dans son élégie La Promenade 1805 et, en 1806, démissionna de ses fonctions d'inspecteur général.
En 1806-1807, il donna un cours à l'Athénée sur l'histoire de la littérature. Napoléon Ier lui fit une pension de 8000 francs et le chargea de la continuation de l'Histoire de France.

Postérité littéraire

C'est André, et non Marie-Joseph, qui a immortalisé le nom de Chénier, et le cadet n'est le plus souvent cité aujourd'hui qu'en relation avec la mort de l'aîné, dans laquelle il semble pourtant avéré qu'il n'eut aucune responsabilité. Sous la Révolution et l'Empire, il prolonge, en les mettant superficiellement au goût du jour, les formes poétiques et dramatiques du xviiie siècle.
Son talent – qui est réel – le porte malheureusement presque toujours à la déclamation, à l'emphase et à la boursouflure. Madame de Staël l'a jugé avec justesse : C'était un homme d'esprit et d'imagination, mais tellement dominé par son amour-propre qu'il s'étonnait de lui-même, au lieu de travailler à se perfectionner.
Au théâtre, il se signale surtout par le choix presque systématique de sujets mettant en scène le fanatisme aux prises avec l'esprit de liberté. Camille Desmoulins, qui le loue d'avoir décoré Melpomène de la cocarde tricolore, affirma que Charles IX avait fait davantage pour la Révolution que les journées d'octobre 1789.
Comme poète, Marie-Joseph Chénier a composé des satires qui ne manquent pas de mordant, des épigrammes parfois bien trouvées, des élégies, comme La Promenade, des épîtres, dont la plus appréciée en son temps fut l'Epître à Voltaire (1806), qui renferme trois vers souvent cités sur l'immortalité d'Homère, inférieurs cependant à ceux d'Écouchard-Lebrun sur le même sujet :

Trois mille ans ont passé sur la cendre d'Homère,
Et depuis trois mille ans, Homère respecté
Est jeune encor de gloire et d'immortalité.
Malgré des passages creux et déclamatoires, le Discours sur la calomnie (1796), composé contre ceux qui l'accusaient d'avoir eu part à l'exécution de son frère, vibre d'une belle indignation :

La calomnie honore, en croyant qu'elle outrage.
Ô mon frère, je veux, relisant tes écrits,
Chanter l'hymne funèbre à tes mânes proscrits ;
Là, souvent tu verras près de ton mausolée,
Tes frères gémissants, ta mère désolée,
Quelques amis des arts, un peu d'ombre et des fleurs,
Et ton jeune laurier grandira sous mes pleurs.
Marie-Joseph Chénier avait un réel talent satirique. Dans Les Nouveaux Saints (1800), il raille avec esprit Morellet :
Enfant de soixante ans qui promet quelque chose
ou La Harpe :
Le grand Perrin-Dandin de la littérature.
Dans la Petite épître à Jacques Delille (1802), il moque :
Marchand de vers, jadis poète,
Abbé, valet, vieille coquette.

Œuvres

Théâtre
Edgar, ou le Page supposé, drame en 2 actes, Paris, Comédie-Française 1785
Azémire, tragédie représentée à Fontainebleau le 4 novembre 1786 et à la Comédie-Française le 6 novembre 1786
Charles IX, ou la Saint-Barthélemy, tragédie en 5 actes, Paris, Comédie-Française, 4 novembre 1789, rebaptisée ultérieurement Charles IX, ou l'école des rois.
Brutus et Cassius ou les derniers Romains, tragédie 1790, non représentée : tentative d'adapter le Julius Caesar de Shakespeare aux canons de la dramaturgie classique.
Henri VIII, tragédie en 5 actes, Paris, théâtre de la République, 27 avril 1791 : c'était la tragédie préférée de son auteur ; elle pêche par les mêmes défauts que les autres – intrigue peu intéressante, caractères mal dessinés – mais offre davantage de pathétique, notamment dans le personnage d'Anne Boleyn.
Jean Calas, ou l'école des juges, tragédie en 5 actes, Paris, théâtre de la République, 6 juillet 1791 : du début à la fin, cette pièce assez ennuyeuse n'offre que le spectacle de la vertu opprimée par un fanatisme tout-puissant. Elle ne fut jouée que trois fois.
Caius Gracchus, tragédie en 3 actes, Paris, théâtre de la République, 9 février 1792 : le personnage principal est un peu plus fortement tracé qu'à l'accoutumé dans les pièces de Chénier et on relève quelques belles tirades, mais l'action est inexistante.
Le Camp de Grand-Pré, ou le triomphe de la République, divertissement lyrique en 1 acte, Paris, Académie de musique, 27 janvier 1793, musique de François-Joseph Gossec, chorégraphie de Pierre-Gabriel Gardel : Ce divertissement, composé à l'automne 1792, est destiné à célébrer la bataille de Valmy. Il fut représenté à l'Opéra avec un succès limité.
Fénelon, ou les Religieuses de Cambrai, tragédie en 5 actes, Paris, théâtre de la République, 9 février 1793 : la pièce connut le succès grâce à l'interprétation de Fénelon par Monvel.
Timoléon, tragédie en 3 actes avec des chœurs, musique d'Étienne Nicolas Méhul 1794
Cyrus, tragédie 1804
Tibère 1819, tragédie en cinq actes, représentée pour la première fois en 1844 : sans doute le chef-d'œuvre dramatique de Marie-Joseph Chénier.
Philippe II, tragédie en 5 actes.
Œdipe roi, tragédie en 5 actes avec chœurs, imitée de Sophocle.
Œdipe à Colone
Nathan le Sage, drame en 3 actes, imité de Nathan le Sage de Lessing.
Les Portraits de famille, comédie.
Ninon, comédie.
Poésies et divers
Épître à mon père 1787
La Mort du duc de Brunswick, ode 1787
Poème sur l'assemblée des notables 1787
Dialogue du public et de l'anonyme 1788
Le Ministre et l'Homme de lettres, dialogue 1788
Courtes réflexions sur l'état civil des comédiens 1789
Dénonciation des inquisiteurs de la pensée 1789
Idées pour un cahier du tiers-état de la ville de Paris 1789
De la Liberté du Théâtre en France 1789
Dithyrambe sur l'Assemblée nationale 1789
Épître au Roi 1789
Lettre à M. le comte de Mirabeau sur les dispositions naturelles, nécessaires et indubitables des officiers et des soldats français et étrangers 1789
Hymne pour la fête de la Fédération, le 14 juillet 1790
Ode sur la mort de Mirabeau 1791
Opinion sur le procès du Roi 1792
Strophes qui seront chantées au Champ de la Fédération le 14 juillet 1792, musique de François-Joseph Gossec
Hymne sur la translation du corps de Voltaire, musique de François-Joseph Gossec 1793
Hymne à l'Être suprême 1793
Chant des Sections de Paris 1793
Hymne à la liberté, pour l'inauguration de son temple dans la commune de Paris, 20 brumaire an II, musique de Gossec
L'Hymne du 10 août, musique de Charles Simon Catel
Le Triomphe de la République
Le Chant du Départ, musique d'Étienne Nicolas Méhul 1794
Ode à la Calomnie, en réponse à la « Queue de Robespierre » 1794
Hymne à la Raison 1794
Chant des Victoires 1794
Ode sur la situation de la République française durant l'oligarchie de Robespierre (1794
Hymne du 9 thermidor 1795
Le Docteur Pancrace, satire 1796
Épître sur la calomnie 1796
Le Vieillard d'Ancenis, poème sur la mort du général Hoche 1797
Hymne pour la pompe funèbre du général Hoche 1797
Le Chant du Retour 1797
Pie VI et Louis XVIII 1798
Discours sur les progrès des connaissances en Europe et de l'enseignement public en France 1800
Les Nouveaux Saints 1800
Les Miracles, conte dévot 1802
Petite épître à Jacques Delille 1802
Les Deux Missionnaires 1803
Discours en vers sur les poèmes descriptifs 1805
La Promenade 1805
Epître à Voltaire 1806
La Retraite 1806
Hommage à une belle action 1809
Tableau historique de l'état et des progrès de la littérature française depuis 1789 1818
Épître à Eugénie
Épître d'un journaliste à l'Empereur
A la liberté

Portraits

Portrait au pastel par Marie-Gabrielle Capet, vers 1798, Stanford University Museum of Art Californie, reproduit dans : Lorenz Eitner, Betsy G. Fryberger et Carol M. Osborne, The Drawing Collection. Stanford University Museum of Art, Stanford, Stanford University Museum of Art, 1993, p. 89, cat. no 96.

Dans la fiction

Le Pas du juge 2009, roman de Henri Troyat sur la famille Chénier : André, Marie-Joseph et leurs parents (le père est Louis de Chénier.


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#77 Lewis Sinclair
Loriane Posté le : 08/01/2016 19:54
Le 10 janvier 1951, à 65 ans meurt Harry Sinclair Lewis

à Rome en Italie, né le 7 février 1885 à Sauk Centre, Minnesota États-Unis, romancier, nouvelliste et dramaturge américain majeur des années 1920 et 1930. Ses romans sont à la fois des chroniques naturalistes de la société américaine moderne, de ses petites villes small town, de sa classe moyenne aisée, et une peinture satirique de sa monotonie, de sa vulgarité affairiste et consumériste, de sa bigoterie et de son hypocrisie. Les caricatures dévastatrices de Lewis, bien que compréhensives, ont suscité de violentes polémiques.
En 1930, il fut le premier Américain à recevoir le prix Nobel de littérature. Ce prix récompense tout particulièrement Babbitt 1922, l’un de ses romans les plus connus, dont le nom est devenu un mot du langage courant.Il reçoit aussi le prix Pulitser qu'il va refuser. Ses Œuvres principales sont Main Street en 1920, Babbitt en 1922, Arrowsmith en 1925, Elmer Gantry en 1927, Dodsworth en 1929

En bref

Romancier américain né le 7 février 1885 à Sauk Centre, dans le Minnesota. Sinclair Lewis s'est rendu célèbre par son art de la satire sociale et la façon dont il s'en est pris, dans des romans brossés à larges traits, à la bonne conscience américaine. Il fut, en 1930, le premier écrivain américain à obtenir le prix Nobel de littérature.

Sa vie

Sinclair Lewis est né le 7 février 1885 à Sauk Centre, un petit village du Minnesota, fondé en 1857, dont la rue principale inspirera Main Street.
Il est le troisième fils de Edwin J. Lewis et de Emma Kermott. Ses deux frères sont nés en 1875 Fred et 1878 Claude. Le père de Lewis était un honnête et sévère médecin de campagne dont la discipline et la ponctualité étaient aussi proverbiales que celles de Kant, et il prit une part active à la vie de la communauté, en tant que membre des conseils scolaire et de la bibliothèque.
La mère de Lewis, né en 1849, souffrant de la tuberculose, meurt en 1891. Edwin Lewis doit s’occuper seul de ses trois jeunes fils ; pressé par ses amis de leur trouver une mère, il se remarie l'année suivante avec Isabel Werner, une femme décrite comme réservée et maternelle.
Enfant chétif et solitaire, Sinclair ne rêve que de voyages et d'aventures, afin d'échapper à la vie étouffante de sa petite ville. Il lit les livres de la bibliothèque de son père, puis de la bibliothèque Bryant construite en 1904, Charles Dickens, Walter Scott, Grote, Henry Longfellow font partie de ses lectures favorites.

Les débuts

Il étudie à Oberlin College, dans l'Ohio, puis intègre l'Université Yale, sur la côte Est des États-Unis, dont il sort diplômé en 1908. Il profite de ces années universitaires pour intégrer brièvement Helicon Hall la colonie coopérative d'Upton Sinclair dans le New Jersey puis pour se rendre au Panama. Jusqu'en 1915, il écrit des poèmes et des nouvelles, tout en travaillant pour des maisons d'édition. Il fréquente à cette époque plusieurs écrivains de gauche, comme Upton Sinclair, Jack London et le journaliste John Reed.
Ses premiers romans sont médiocres, et il vit de nouvelles, au ton optimiste, publiées dans des revues à grand tirage comme Collier's et le Saturday Evening Post.

Les grands romans des années 1920 Main Street

Tout change pour lui en 1920. Son roman Main Street, critique acerbe de la vie de province du midwest américain, inspiré de sa jeunesse à Sauk Center (déguisée sous le nom de « Gopher Prairie »), devient un véritable phénomène d'édition. En quatre mois, il s'en vend plus de 100 000 exemplaires. Le roman est le plus grand livre à succès du premier quart de siècle aux États-Unis et connaît également un succès critique. Le comité d'attribution du Prix Pulitzer lui préfère néanmoins L'Âge de l'innocence d'Edith Wharton, à qui Sinclair Lewis dédicacera son roman suivant.

Lewis poursuit dans la veine ouverte par Main Street au cours des années 1920, durant lesquelles il devient le chef de file de l'école réaliste américaine. Son roman suivant, Babbitt, publié en 1922, est lui aussi un classique immédiatement reconnu comme tel. Il met en scène George F. Babbitt, agent immobilier prospère, pilier de la chambre de commerce de la ville de Zenith, obsédé par les valeurs matérielles, et pourtant frustré par son existence centrée sur l'argent et la consommation. Comme dans Main Street, l'action se situe dans l'État américain imaginaire du Winnemac. Le roman, satirique, présente le premier portrait de l'Amérique des années 1920, obsédée par la spéculation foncière et l'acquisition d'objets de consommation, devenus abordables, comme les automobiles ou les réfrigérateurs. Cette classe moyenne en voie d'embourgeoisement ignore complètement l'art et la littérature.

Sinclair Lewis, Frank Kellogg, Albert Einstein et Irving Langmuir
De gauche à droite, Sinclair Lewis 1885-1951, Prix Nobel de littérature 1930, Frank Kellogg (1856-1937), Prix Nobel de la paix 1929, Albert Einstein (1879-1955), Prix Nobel de physique 1921, et Irving Langmuir 1881-1957, Prix Nobel de chimie 1932.
Crédits: Hulton Getty Consulter
De son nom complet Harry Sinclair Lewis, il sortit de Yale en 1907 et s'orienta dans un premier temps vers la presse et l'édition. En 1914, son premier roman, Our Mr. Wren Notre sieur Wren), reçut un accueil favorable auprès des critiques, mais réservé auprès des lecteurs. Même si les textes de fiction qu'il publiait alors dans des magazines aussi largement diffusés que The Saturday Evening Post et Cosmopolitan connaissaient un succès grandissant, il ne perdit jamais de vue son ambition de devenir un authentique romancier. Tout en sachant que ses efforts seraient loin d'être récompensés aussi rapidement qu'avec la presse, il n'hésita pas à se lancer dans une œuvre d'envergure, Main Street Grand-Rue. C'est elle, pourtant, qui devait lui apporter en 1920 la consécration littéraire. L'histoire est vue à travers les yeux de Carol Kennicott, une jeune femme de la côte est mariée à un médecin du Middle West installé à Gropher Prairie, dans le Minnesota Lewis s'inspire ici du Sauk Centre de ses jeunes années. La force du livre tient au soin que met son auteur à capter les particularités locales : expressions, manières, façons de vivre. La satire est à double tranchant, puisqu'elle vise à la fois les habitants de Gropher Prairie et l'intellectualisme superficiel qui inclinerait un peu trop vite à les mépriser. Dans les années qui suivirent sa sortie, Main Street devint, plus encore qu'un roman, le texte de référence obligé sur le provincialisme américain.
En 1922, Lewis publia Babbitt, où il montre comment un certain type d'Américain, pétri de conformisme et d'autosatisfaction, en vient, à force de clubs Rotary et de rhétorique moralisante, à perdre toute individualité. Le nom de Babbitt est passé dans l'usage pour désigner l'homme d'affaires entre deux âges, optimiste et content de lui, dont tout l'horizon se limite à sa petite ville.
Après ce grand succès vint une autre satire, Arrowsmith (1925), où Lewis choisit cette fois de mettre en scène certains milieux médicaux dont le mercantilisme apparaît bien éloigné des idéaux de la science. Elmer Gantry (1927) se situe dans la même veine, avec une attaque en règle contre les prédicateurs ignorants, grossiers et cupides qui ont réussi à faire leur chemin au sein de l'Église protestante. Dodsworth (1929), qui relate le voyage en Europe d'un homme d'affaires retraité et de son épouse, fait quelque peu évoluer ce schéma. Lewis y tire parti d'un double contraste : entre les valeurs américaines et les valeurs européennes, mais aussi entre les deux caractères très différents du mari et de la femme.
Les derniers livres de Lewis se situent en retrait par rapport à ceux des années 1920. It Can't Happen Here (1935) imagine l'élection d'un fasciste à la présidence des États-Unis. Adaptée pour le théâtre, cette œuvre de politique-fiction fut représentée en 1936 par les vingt et une compagnies du Federal Theatre. Kingsblood Royal (1947 évoque le problème des relations entre les races.
Lewis prit l'habitude, sur le tard, de séjourner de plus en plus longuement à l'étranger. Sa réputation n'avait cessé de décliner depuis la fin des années 1930. Son second mariage, avec la journaliste politique Dorothy Thomson, se solda par un nouveau divorce et il se mit à boire immodérément. Il mourut en Italie, près de Rome, le 10 janvier 1951.

Arrowsmith

En 1926, le prix Pulitzer lui est décerné pour Arrowsmith, un roman mettant en scène un jeune médecin idéaliste confronté à une profession aussi avide d'argent et de prestige que le milieu des affaires de Babbitt. Lewis refuse le prix, sous prétexte qu'il devrait être accordé à un texte mettant en valeur les qualités positives de l'Amérique, et non à un roman critique comme le sien.

Elmer Gantry

Sinclair Lewis publie, en 1927, Elmer Gantry, histoire d'un ancien joueur de football américain devenu prêcheur itinérant. Elmer Gantry, charlatan cynique, malhonnête et alcoolique, s'élève dans la société grâce à la religion. Lewis s'inspire de Billy Sunday, ex-joueur vedette de baseball, devenu le prêcheur protestant le plus célèbre de son époque au tournant du XXe siècle.

Sam Dodsworth

Le dernier roman classique de Lewis est Sam Dodsworth, publié en 1929, qui raconte l'histoire d'un couple d'Américains dont le mariage s'effondre lors d'un voyage en Europe.

Réception du Nobel

En 1930, Lewis devient le premier américain à être honoré du Prix Nobel de littérature. La réception du prix se déroule dans des conditions difficiles, que reflète son discours de remerciement.
Dans ce discours, intitulé La Peur américaine de la littérature, rappelant les appels au lynchage dont il a été victime, il dénonce en effet l'intolérance de son pays à l'égard des écrivains qui ne glorifient pas la simplicité bucolique et puritaine de l'Oncle Sam et l'individu américain, grand, beau, riche, honnête et bon golfeur .
Selon lui, bien que les États-Unis aient entièrement changé de visage avec la révolution industrielle, le réalisme social littéraire décrivant ces changements est violemment critiqué, au nom d'un idéal de vie américain vertueux défendu par les institutions universitaires et les académies des arts. Mais la nouvelle génération d'écrivains américains, Faulkner, Wolfe, Hemingway s'est déjà émancipée de ce que Lewis nomme un provincialisme ennuyeux, pour décrire l'Amérique telle qu'elle est. Aussi espère-t-il voir son pays abandonner sa peur puérile de la littérature réaliste et satirique, pour parvenir à se doter de ce qui lui manque, malgré ses richesses et sa puissance, une civilisation assez bonne pour satisfaire les désirs profonds de l'être humain.

Un succès planétaire et cinématographique

Lewis est dans ces années le romancier américain le plus célèbre au monde, et presque toutes ses œuvres vont être adaptées au cinéma en quelques années, par des réalisateurs connus et moins connus, avec les plus grandes vedettes de l'époque.
De 1923 à 1936, Babbitt et Main Street compteront ainsi chacun deux adaptations, Arrowsmith sera adapté par John Ford, Dodsworth par William Wyler avec Walter Huston (qui joue également dans Ann Vickers avec Irene Dunne), Mantrap par Victor Fleming avec Clara Bow.

Le déclin

Sinclair Lewis en 1930.
Cependant, la valeur de ses romans baisse à partir de cette date. De sa production post-Nobel, seul It Can't Happen Here (« Ça ne peut arriver ici ») approche de la qualité de ses œuvres des années 1920. Buzz Windrip y est élu président des États-Unis, grâce à un programme populiste. Il établit en quelques mois une dictature personnelle qui débouche finalement sur l'effondrement du pays et la guerre civile.

Les ventes des romans de Sinclair Lewis baissent de manière sensible, alors qu'il mène une vie instable, voyageant de chambre d'hôtel en chambre d'hôtel et s'adonnant à la boisson.

Il se marie et divorce deux fois au cours de sa vie. Il a eu deux fils : Wells, qui est tué en France durant la Seconde Guerre mondiale, et Michael.

Alcoolique et physiquement miné, Sinclair meurt le 10 janvier 1951 à Rome, lors d'un de ses nombreux voyages. Il est enterré dans sa ville natale.

Œuvres Romans

Hike and the Aeroplane 1912
Our Mr. Wrenn 1914
The Trail of the Hawk 1915
The Innocents 1917
The Job 1917
The Willow Walk 1918
Coups de pompe gratis 1919 - Free Air
Main Street 1920
Babbitt 1922
Arrowsmith 1925
Le Lac qui rêve 1926 - Mantrap
Elmer Gantry 1927
Un Américain parle 1928 - The Man Who Knew Coolidge
Sam Dodsworth 1929 - Dodsworth
Ann Vickers 1933
Œuvre d'art 1934 - Work of Art
Cela ne peut arriver ici 1935 - It Can't Happen Here
Les Parents prodigues 1938 - The Prodigal Parents
Bethel Merriday 1940
Gideon Planish 1943
Cass Timberlane 1946
Sang royal 1947 - Kingsblood Royal
The God-Seeker 1949
World So Wide 1951 posthume

Nouvelles isolées

The Ghost Patrol 1917
Publié en français sous le titre Le Policier fantôme, Paris, Opta, L'Anthologie du mystère no 2, 1964
The Willow Walk 1918
Publié en français sous le titre L'Allée des saules, Paris, Opta, Mystère Magazine no 187, août 1963
The Post-Mortem Murder 1921
Publié en français sous le titre Mort d'un immortel, Paris, Opta, Mystère Magazine no 58, février 1966

Journal

Minnesota Diary, 1942-1946, édité par Killough, George, 2000

Correspondance

From Main Street to Stockholm; letters of Sinclair Lewis, 1919-1930, éditées par Harrison Smith, New York, Harcourt, Brace 1952
Letters from Jack London: containing an unpublished correspondence between London and Sinclair Lewis, éditées par King Hendricks et Irving Shepard, London, MacGibbon & Kee, 1966

Adaptations cinématographiques

1926 : Mantrap de Victor Fleming
1931 : Arrowsmith de John Ford
1936 : Dodsworth de William Wyler
1947 : Éternel Tourment de George Sidney
1960 : Elmer Gantry le charlatan de Richard Brooks


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#78 Gabriella Mistral
Loriane Posté le : 08/01/2016 18:21
Le 10 janvier 1957 à New YorK meurt Gabriela Mistral

à 67 ans, de son vrai nom Lucila de María del Perpetuo Socorro Godoy Alcayaga naît le 7 avril 1889 à Vicuña -éducatrice, diplomate, féministe, pédagogue et poétesse chilienne, Prix Nobel de littérature en 1945 et prix national de Littérature en 1951. Elle est considérée comme l'un des quatre grands de la poésie chilienne, avec Pablo Neruda, Pablo de Rokha et Vicente Huidobro.
Gabriela Mistral est née à Vicuña, dans la vallée de l'Elqui, au nord du Chili. Son père, instituteur, a abandonné sa famille quand Gabriela avait trois ans, réduisant celle-ci à une vie pauvre et difficile. Elle fréquente cependant l'école primaire avec des interruptions puis secondaire, avant de gagner sa vie comme aide-institutrice dès l'âge de quatorze ans. Sa mère, Petronila Alcayaga, meurt en 1929 et Gabriela lui dédie la première partie de son livre "Tala" en 1938.

En 1904, elle publie sous divers pseudonymes dans un journal local, El Coquimbo de La Serena, ses premiers poèmes comme Ensoñaciones, Carta Íntima et Junto al Mar.

En 1906, elle travaille comme institutrice et rencontre Romelio Ureta, un employé des chemins de fer, qui se suicide en 1909. Cet évènement tragique produira de profonds effets sur Gabriela Mistral qui mettra la réflexion sur la vie et la mort au cœur de son œuvre. Sa vie sera cependant enrichie par de très nombreuses amitiés masculines ou féminines qu'elle cultivera à travers une correspondance très active.
La première reconnaissance littéraire arrive en décembre 1914 quand elle remporte à Santiago le prix Juegos Florales avec son recueil Sonetos de la Muerte Sonnets de la Mort. Elle prend alors le pseudonyme de Gabriele Mistral composé à partir des noms de ses deux poètes favoris, Gabriele D'Annunzio et Frédéric Mistral. Elle découvre, lorsqu’elle n’a que 15 ans, en consultant la bibliothèque du journaliste de La Serena, Bernardo Ossandón, l’œuvre de Frédéric Mistral en 1904, sans doute grâce à la traduction en espagnol publiée cette même année chez Montaner y Simón Editores. Fascinée par l’écriture du poète provençal, elle crée en 1919, en compagnie du poète Julio Munizaga Ossandón à Magallanes, la revue féminine Mirey a, dont le titre est un hommage au poème mistralien Mirèio. Gabriela effectue quelques années plus tard un séjour dans le Sud de la France entre autres, Marseille en 1926, Bédarrides dans la Villa Saint-Louis, en 1928, Nice en 1932 ; là, elle entre en contact avec les paysages provençaux, découverts lors de ses lectures de Frédéric Mistral. Dans les poèmes Agua et La medianoche du recueil Tala 1934, elle évoque ce séjour, mentionnant les murs d’Arles, les cigales et le Rhône.
En 1922, elle est invitée par le Ministère de l'Éducation du Mexique pour mettre en place un système de bibliothèques et d'écoles dans le cadre de la nouvelle politique d'éducation du Parti Révolutionnaire mexicain. Elle publie en cette même année 1922, son recueil Desolación qui lui vaut une réputation internationale. L'année suivante, en 1923, elle publie Lecturas para Mujeres Lectures pour Femmes, un texte en prose et en vers qui célèbre la maternité, l'éducation des enfants et l'amour de la patrie.
De retour dans son pays, elle obtient le titre académique de professeur d'espagnol à l'Université du Chili. Puis, confirmant son statut international, elle fait des lectures et des conférences aux États-Unis et en Europe. Elle publie à Madrid Ternura Tendresse, un recueil de comptines et de rondes destiné aux enfants mais qui est aussi un hymne au corps des femmes.
L'année suivante, elle parcourt l'Amérique Latine - Brésil, Uruguay et Argentine - avant de rentrer au Chili où elle abandonne ses fonctions de professeur. De 1925 à 1934, elle vivra ensuite essentiellement en Europe - en France et en Italie - en participant à des actions pour la coopération intellectuelle de la Société des Nations et en intervenant dans différentes universités essentiellement américaines.
Comme beaucoup d'artistes ou d'écrivains sud-américains, elle sera également jusqu'à sa mort consul du Chili dans de nombreux pays comme les États-Unis, la France, l'Italie ou l'Espagne. C'est d'ailleurs à Madrid qu'elle côtoie le poète chilien Pablo Neruda, futur Prix Nobel lui aussi, dont elle fait reconnaître la valeur. Elle écrit durant cette période des centaines d'articles pour les journaux et les magazines hispanophones du monde entier.
Tala est publié en 1938 à Buenos Aires avec l'aide de son amie de longue date et correspondante Victoria Ocampo. Les bénéfices de librairie permettent de venir en aide aux orphelins provoqués par la guerre civile espagnole. Le recueil comporte de nombreux poèmes qui évoquent les traditions et le folklore des peuples sud-américains et méditerranéens : Gabriela Mistral conduit une réflexion forte sur son identité et sur ses racines multiples, à la fois basques et indiennes, en se définissant comme una india vasca.
En août 1943 survient le suicide de son neveu de dix-sept ans : la douleur de cette disparition sera l'un des thèmes de Lagar, le dernier ouvrage publié de son vivant, en 1957, dans lequel Gabriela Mistral réagit aussi aux tensions de la Guerre froide. Un ultime recueil sera édité après sa mort en 1967 par son amie Doris Dana : intitulé Poema de Chile, il évoque le retour au Chili de la poétesse morte en compagnie d'un Indien du désert d'Atacama et d'un "huemul", un cervidé andin.
En novembre 1945 le Prix Nobel de Littérature lui est décerné 2: elle est le premier écrivain d'Amérique latine à le recevoir, le 10 décembre 1945. Elle recevra également en 1947 le titre de doctor honoris causa du Mills College d'Oakland, en Californie avant d'être couronnée en 1951 par le Prix national de Littérature.
Il existe une stèle en son honneur dans le jardin de la Dar Sebastian, villa construite par un aristocrate roumain à Hammamet en Tunisie.
D'une santé fragile, aggravée par ses nombreux voyages, elle passe les dernières années de sa vie à Hempstead dans l'État de New York où elle meurt d'un cancer le 10 janvier 1957, à l'âge de 67 ans. Sa dépouille est ramenée au Chili dix jours plus tard et le gouvernement chilien décrète trois jours de deuil national tandis que des centaines de milliers de Chiliens saluent leur poétesse en assistant à ses funérailles.
Quand l'Académie royale de Suède, en 1945, décerna le prix Nobel de littérature à la Chilienne Gabriela Mistral, elle n'entendait pas seulement honorer – pour la première fois – la littérature sud-américaine ; elle avait expressément choisi de couronner l'œuvre d'une authentique poétesse, au tempérament puissant et chaleureux. La production en prose de Gabriela Mistral reste, en effet, dispersée dans des journaux de divers pays et des anthologies éphémères (et il est désormais peu probable qu'on la réunisse en volume. Toute sa renommée repose donc sur son œuvre poétique, qui tient en quatre recueils. Cette poésie, d'abord centrée sur la tragédie personnellement vécue par l'auteur dans sa première jeunesse, n'a pas laissé d'évoluer par la suite. À mesure que les années passaient, elle s'ouvrait davantage à l'univers de la communauté humaine et des choses. Parallèlement, l'expression se faisait moins directement accessible, plus obscure, ésotérique même. Mais des premiers aux derniers poèmes les caractères dominants sont demeurés une sensibilité vulnérable à l'extrême, ainsi qu'une sollicitude quasi maternelle à l'égard des humbles et des faibles, en particulier des enfants.

De l'enseignement à la carrière consulaire

Née d'une famille modeste à Vicuña, petit bourg tropical situé au nord du Chili, Lucila Godoy Alcayaga – c'est son vrai nom – s'est souvent déclarée fière d'allier dans ses veines, à une part de sang basque une forte proportion de sang indien. Admiratrice de la tradition hébraïque, elle laissait volontiers entendre qu'elle avait aussi des origines juives, mais cela n'a jamais été démontré.
Son père, qui abandonna le foyer familial alors qu'elle était encore au berceau, avait travaillé quelque temps dans l'enseignement primaire. Sa sœur aînée y entra à son tour. Elle-même, dès l'âge de seize ans, enseigna comme institutrice auxiliaire dans un village voisin de son bourg natal : cette vocation précoce manifeste le goût qu'elle a toujours eu de l'enfance. À vingt-deux ans, promue dans l'enseignement secondaire, elle était appelée à professer en des lieux divers, notamment au lycée de Punta Arenas, la ville la plus australe du Chili, qui produisit sur cette enfant des tropiques une impression sinistre (« Paysages de Patagonie » dans Desolación), et finalement dans un lycée de la capitale.
Entre-temps, trois « Sonnets de la mort » couronnés aux Jeux floraux de Santiago, en 1914, l'avaient fait connaître sous le pseudonyme, adopté pour la circonstance, de Gabriela Mistral : « Gabriela », par référence, dit-on parfois, à Gabriele D'Annunzio qu'elle admirait alors ; « Mistral », assurément en hommage au poète provençal, peut-être aussi au vent du même nom – on les trouve, l'un et l'autre, célébrés dans ses vers.
Sa renommée croissante attira sur elle l'attention du philosophe mexicain José Vasconcelos qui, en sa qualité de ministre de l'Éducation, l'invita en 1922 à professer au Mexique ainsi qu'à y collaborer à la réforme de l'enseignement. L'ardeur démocratique de ce pays, qui était encore dans la foulée de sa révolution de 1910, inspira à Gabriela un enthousiasme durable.
C'était là le début de sa carrière internationale. Après le Mexique, elle se rendit comme professeur et conférencière aux États-Unis, en Espagne, en Italie. Puis, en 1926, elle démissionna de l'enseignement pour devenir secrétaire de l'Institut de coopération intellectuelle de la Société des Nations.
Six ans plus tard, elle entrait dans le corps consulaire. À Madrid d'abord, puis à Lisbonne, au Guatemala, à Nice, au Brésil, à Los Angeles, parallèlement à ses activités de chancellerie, elle poursuivait son œuvre littéraire et faisait, à l'étranger, figure d'ambassadrice de la culture chilienne.
Malgré la gloire internationale que lui avait value en 1945 le prix Nobel, ses dernières années furent assombries par le suicide d'un adolescent dont elle avait fait son fils adoptif, et par le déclin de sa santé. Elle mourut d'un cancer, dans une clinique près de New York.

L'œuvre poétique

Maternité en creux
Bien que la poésie de Gabriela Mistral se soit interdit l'anecdote et la confidence précise, elle est cependant très directement tributaire des événements de sa vie publique et surtout de sa vie privée. Entre tous, un épisode de cette dernière fut déterminant : l'amour exalté qu'elle conçut, à l'âge de seize ans, pour un homme qui n'en était guère digne. Cet amour, d'abord payé de retour, cessa bientôt de l'être, quand celui qui en était l'objet se détourna de Lucila Godoy pour courtiser une jeune personne moins rustique. Jalousie aiguë, rupture, velléités de réconciliation – à ces vicissitudes qui se prolongèrent près de quatre ans devait brusquement mettre fin la mort volontaire de l'ancien fiancé (causée d'ailleurs par un motif qui n'était nullement passionnel). Ce dénouement brutal ne fit qu'exacerber chez la jeune fille l'ardeur de sa passion frustrée, de sorte qu'il n'est pas toujours possible de distinguer parmi ses poèmes d'amour ceux qui furent écrits avant le suicide et ceux qui lui sont postérieurs. Quant au suicide même, il inspira directement les fameux « Sonnets de la mort », « Nocturne », « Interrogations » et autres poèmes qui, rassemblés sous le titre « Douleur », représentent l'axe et le cœur même du recueil Desolación (1922).
Par scrupule de fidélité envers le disparu, par remords aussi de n'avoir peut-être pas agi envers lui comme elle aurait dû, Gabriela s'imposa dès lors un renoncement définitif au mariage. De fait, on ne lui connaît aucune aventure sentimentale hormis celle qui avait si douloureusement marqué sa jeunesse. Ainsi la sensualité qui surabondait en elle ne devait trouver de dérivatif que dans l'expression poétique.
Bien qu'elle eût renoncé pour toujours à la maternité, elle n'en continuait pas moins d'y aspirer de tout son être (« Poème du fils » : « Pour celui qui naîtrait, tout vêtu de chansons, / Je tendais mes bras, je creusais ma poitrine... »). De cette aspiration frustrée, tantôt elle se délivrait par l'abandon à la volupté du néant – « Béni soit mon sein où s'ensevelit ma lignée / Et béni soit mon ventre où ma race se meurt » – tantôt elle se consolait, plus humainement, dans sa tâche d'éducatrice des enfants d'autrui.
Nulle n'a jamais parlé avec autant de ferveur de l'enfance et du bonheur d'être mère que cette femme qui s'était condamnée elle-même à la stérilité, au mépris de son instinct le plus profond.

Paroles sereines

Au reste, dans Desolación tout n'est pas funèbre ou mélancolique. Déjà la désespérance annoncée par le titre y est compensée incidemment par une note claire et apaisée : « La vie est or et douceur de blé, / Brève est la haine mais immense est l'amour... » (« Paroles sereines »). Cet apaisement repose sur une double foi : foi dans le Dieu chrétien que n'a jamais reniée la poétesse, alors même que sa ferveur parlait le langage du panthéisme ; foi dans son propre cœur, qu'elle sentait accordé aux rythmes du monde et promis à l'immortalité : « Je crois en mon cœur que le ver rongeur / Ne mordra pas, car il ébréchera la mort même ; / Je crois en mon cœur, mon cœur qui repose / Sur le sein de Dieu terrible et fort » (« Credo »).
La sérénité se confirme dans Tendresse (Ternura, 1924), où se multiplient les chansons, berceuses, rondes, destinées aux enfants ou inspirées par eux.
Plus composite et plus complexe est Tala (1938) dont le titre même reste énigmatique : le plus vraisemblable est qu'il évoque un arbre de la forêt brésilienne qui porte ce nom. Aussi bien l'Amérique du Sud, et non plus seulement le Chili, devient ici l'un des thèmes dominants. Dans Tala et, seize ans après, dans Lagar (Pressoir, 1954), l'imagination tend même à s'élargir aux dimensions de la planète, voire du cosmos. Peut-être sous l'influence de son compatriote plus jeune, Pablo Neruda, qu'elle admirait fort, son langage confine alors à l'hermétisme prophétique. Mais ses rythmes gardent le plus souvent une allure dansante qui peut contraster avec l'ampleur ou la solennité du sujet.
La versification de Gabriela Mistral a généralement évolué vers une liberté toujours plus grande. Elle a rapidement renoncé à la rime et même à l'assonance, ainsi qu'à la symétrie des strophes. L'inégalité des vers s'est graduellement accusée, avec une préférence croissante pour le vers court. Au reste, elle n'a jamais prétendu à la virtuosité prosodique.
Parmi ses lectures préférées, elle a cité la Bible, les Fioretti de saint François d'Assise, Dante, Pétrarque, Frédéric Mistral et Rabindranath Tagore. Mais leur influence probable n'amoindrit en rien la singularité de son puissant lyrisme, ni celle de sa langue, que rend malheureusement assez ardue l'usage d'archaïsmes puisés au terroir ou de néologismes forgés par l'auteur. Michel Berveiller

Regards sur l'Œuvre

Les thèmes qui animent l'œuvre de Gabriela Mistral sont variés et marqués par une grande humanité et aussi, souvent, une profonde tristesse. Aux sujets lyriques comme l'amour du pays natal les paysages andins et la nostalgie, la maternité et l'enfant bien qu'elle n'ait jamais été mariée ni mère, ou encore l'amour et la mort, s'ajoute une préoccupation constante pour les humbles qu'accompagne sa foi catholique et "fransciscaine". La place faite à ses racines indiennes contribue encore à la force d'une œuvre marquante et personnelle.
Formellement, sa poésie est faite de simplicité, ce qui rend ses textes proches du peuple qu'elle n'a jamais renié.
Premier écrivain d'Amérique latine à obtenir le Prix Nobel de Littérature en 1945, Gabriela Mistral jouit d'un grand prestige dans son pays, à l'égal peut-être de Pablo Neruda, autre poète chilien couronné en 1970. Elle est également très estimée dans le monde hispanophone et aussi aux États-Unis. Elle est moins connue en France où ses œuvres ont été peu publiées mis à part les traductions de Roger Caillois en 1945 et de Claude Couffon en 1989.
Les féministes lui savent gré d'avoir traité de la condition des femmes en Amérique latine dès 1923 dans Lecturas para Mujeres et aussi d'avoir rendu hommage à leur corps maternel dans Ternura en 1924. Influencée par Jacques Maritain, elle est reconnue comme une pionnière des combats pour la dignité féminine.
Elle est la première femme poète qui a obtenu le Prix Nobel de littérature. Les autres femmes nobélisées avant elle sont des romancières : Selma Lagerlöf en 1909, Grazia Deledda en 1926, Sigrid Undset en 1928 et Pearl Buck en 1938. Après elle : Nelly Sachs en 1966, Nadine Gordimer en 1991, Toni Morrison en 1993, Wisława Szymborska seconde femme poète nobélisée en 1996, Elfriede Jelinek en 2004, Doris Lessing en 2007, Herta Müller en 2009 et Alice Munro en 2013. En tout, treize femmes lauréates du Prix Nobel de Littérature depuis 1901.

Œuvres Titres espagnols :

Sonetos de la Muerte 1914
Desolación 1922
Lecturas para Mujeres 1923
Ternura 1924
Nubes Blancas y Breve Descripción de Chile 1934
Tala 1938
Antología 1941
Lagar 1954
Recados Contando a Chile 1957
Poema de Chile 1967, publication posthume

Publications en français :

Poèmes choisis, trad. de l'espagnol par Mathilde Pomès, éd. Stock, 1946. Préface de Paul Valéry.
Poèmes, trad. Roger Caillois, Édition bilingue, éd. Gallimard, 1946
D'amour et de désolation, traduit de l'espagnol Chili et présenté par Claude Couffon, Éditions de la Différence, coll. « Orphée », 1989
Poèmes choisis, éd. Rombaldi, 1967 collection "Prix nobels"
Sur Gabriela Mistral :
Gabriela Mistral, 1976, collection Poètes d'Aujourd'hui, éd.Seghers, 1963/1976, par Mathilde Pomès.
Gabriela Mistral publique et secrète, éd. L'harmattan, 2003, par Volodia Teitelboim.

Citation

Cordillère « Chair pétrifiée de l’Amérique, / hallali de pierre éboulée, / rêve de pierre, notre rêve, / pierres du monde avec leurs pâtres ; / pierres qui se dressent d’un coup / afin de s’unir à leurs âmes ! / Dans la vallée close d’Elqui, / par pleine lune de fantôme, / nous doutons : sommes-nous des hommes / ou bien des rochers en extase !
Les temps reviennent, fleuve sourd, / et on les entend aborder / du Cuzco la meseta, marches / grimpant à l’autel de la grâce. / Sous la terre tu as sifflé / pour le peuple à la peau ambrée; / ton message, nous le dénouons / enveloppé de salamandre; / et dans tes brèches, par bouffées, / nous recueillons notre destin. »
Gabriela Mistral 1889-1957 - Prix Nobel 1945, Cordillera, éditions Orphée/La Différence, 1989. Traduit de l’espagnol Chili par Claude Couffon.

Lauréats du prix Nobel de littérature

1901-1925 Sully Prudhomme (1901) · Mommsen (1902) · Bjørnson (1903) · Mistral, de Echegaray (1904) · Sienkiewicz (1905) · Carducci (1906) · Kipling (1907) · Eucken (1908) · Lagerlöf (1909) · von Heyse (1910) · Maeterlinck (1911) · Hauptmann (1912) · Tagore (1913) · non décerné (1914) · Rolland (1915) · Heidenstam (1916) · Gjellerup, Pontoppidan (1917) · non décerné (1918) · Spitteler (1919) · Hamsun (1920) · France (1921) · Benavente (1922) · Yeats (1923) · Reymont (1924) · Shaw (1925)
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#79 Jaroslav Hašek
Loriane Posté le : 04/01/2016 23:23
Le 3 janvier 1923 à 39 ans meurt Jaroslav Hašek

à Lipnice nad Sázavou en Tchécoslovaquie, né le 30 avril 1883 à Prague, romancier, humoriste et journaliste libertaire d'origine tchèque, rendu célèbre par son chef-d'œuvre satirique Le Brave Soldat Chvéïk. Il représente, avec Franz Kafka, le renouveau littéraire pragois du début du XXe siècle. Le nom de Hašek, hors du territoire de l'ancienne Tchécoslovaquie, est souvent méconnu, même de ses lecteurs. Mais Švejk alias Chveïk, Schweyk, Shweik et vingt autres graphies, le bonhomme Švejk surgit dès qu'on le nomme, dans toute sa rondeur et sa force d'inertie, avec son clair regard provocateur, son désarmant « visage naïf, souriant comme la pleine lune », et sa parole intarissable. Hašek serait-il l'homme d'un seul livre, lequel, par son succès même, l'aurait relégué dans une quasi-inexistence ?

En bref

Pourtant Jaroslav Hašek, auteur d'un millier de contes publiés dans des revues, humoriste, journaliste, anarchiste et alcoolique, exista bel et bien pour ses amis bohèmes du Prague d'avant 1914 et pour ses ennemis jurés les fonctionnaires de la police autrichienne, pour ses camarades russes des débuts de la révolution d'Octobre, enfin pour ses compatriotes d'après 1920, indignés qu'au moment où l'État récemment créé se devait de s'établir dans la respectabilité bourgeoise on osât proposer du Tchèque, à la face du monde, la scandaleuse image de l'anti-héros. Et s'il est vrai que « Švejk, c'est Hašek », que le livre a bénéficié de tout le vécu de son auteur, on gagne certes à interroger l'existence de ce dernier. Mais des milliers de lecteurs et de spectateurs de par le monde connaissent Švejk sans rien savoir de Hašek, ni parfois des Tchèques, des Habsbourg, de 14-18, de l'Europe. Le livre, pour eux, se dresse seul, autonome et intense.
Un milieu petit-bourgeois paupérisé, un père autoritaire et tôt disparu expliquent les orientations fondamentales de Hašek : sa conscience de l'exploitation capitaliste et son travail de sape contre l'autorité, son instabilité encore. Jaroslav Hašek est né à Prague en 1883. À la mort du père (1896), professeur « suppléant » de mathématiques puis employé de banque, la mère vit de travaux de couture. Jaroslav, lycéen, inaugure la vie mouvementée qu'il ne quittera plus. Apprenti chez un marchand de couleurs, il revient ensuite aux études dans une école commerciale. Chaque été il entendra l'appel de la route et parcourra toute l'Europe centrale. Premiers essais littéraires en 1900, premiers contacts avec les groupes anarchistes en 1904. Dans un poste d'employé, il ne tient pas plus de quelques mois, et son mariage sombre au bout de deux ans. Mais il fait bon vivre dans le Prague de la Belle Époque, ses beaux quartiers et ses bas-fonds, narguer le bourgeois et la police, même si, au sortir du cabaret, on se retrouve au poste.
D'année en année, Hašek parfait son métier d'écrivain : cent quatre vingt-cinq nouvelles publiées entre 1901 et 1908, soixante-quinze pour la seule année 1910. Le grand roman en sera l'aboutissement.
Pour faire mûrir cette œuvre, il fallait la guerre. Affecté au 91e régiment d'infanterie – le régiment de Švejk –, l'écrivain arrive au front le 5 avril 1915 et passe chez les Russes le 24 septembre ! Dès lors, c'est tout à coup le brave soldat Hašek se prenant au sérieux. Responsable politique et rédacteur des journaux de la légion tchèque à Kiev, il se joint à l'Armée rouge en février 1918, entre au parti bolchevique en mars et milite à Moscou. À la fin de 1920, le révolutionnaire rentre au pays. À la désillusion politique se joignent l'hostilité générale, la misère, la maladie. Il meurt à Lipnice, à moins de quarante ans, sans avoir pu achever le quatrième volume des Aventures du brave soldat Švejk dans la Grande Guerre (Osudy dobrého vojáka Švejka za Světové války, 1921-1923

Sa vie

Jaroslav Hašek est né en 1883 à Prague. Il était le fils de Josef Hašek, un professeur de mathématiques enseignant au collège, et de sa femme Katerina.
La pauvreté força la famille, avec ses trois enfants (Bohuslav, de trois ans plus jeune que Jaroslav, et Maria, une cousine orpheline à déménager plus d'une dizaine de fois. Jaroslav ne connut jamais de foyer fixe, une absence de racine qui influença sa vie errante de manière décisive.
Dépressif, son père fut emporté en 1896 par ses excès d'alcool, alors que le jeune Jaroslav n'avait que treize ans.
Jaroslav entraîna bien vite le désespoir de sa mère Katerina, qui voulait faire de lui un citoyen respectable mais n'arrivait pas à l'éduquer convenablement. Il abandonna le collège dès l'âge de quinze ans et un pharmacien du nom de Kokoska en fit son assistant un certain temps. Toutefois il finit par obtenir une formation à l'académie commerciale de Prague, où il obtint un diplôme à dix-neuf ans. Il trouva un emploi à la Slava Bank, mais fut vite renvoyé, car il semblait déjà très porté sur la boisson.

L'anarchiste impétueux

Très vite dans sa carrière, Hašek s'affirma activement en tant qu'anarchiste et publia de très nombreux textes dans la presse politique de langue tchèque. En 1907 il devint rédacteur en chef du périodique anarchiste Komuna. Il est ensuite journaliste aux périodiques Ženský obzor L'Horizon de la femme, à partir de 1908, Svět zvířat Le Monde des animaux, un journal satirique, České slovo Le Mot tchèque, à partir de 1911, mais aussi et de manière irrégulière aux: Čechoslovan, Pochodně, Humoristicky listy.
Il fonde en 1911 le Parti du lent progrès dans les limites de la loi Stranu mírného pokroku v mezích zákona et se présente comme son candidat tout en caricaturant les autres partis et le mode de scrutin.
Désireux à un moment de retrouver une existence moins mouvementée, il épousa Jarmila Mayerová, elle-même une écrivaine, mais sans grand succès. Il se fit une spécialité du vol et du trafic de chiens, allant jusqu'à inventer de faux pedigrees pour revendre des bâtards à un meilleur prix, comme le fera Chvéïk dans son roman.
Les pulsions suicidaires ne lui étaient pas étrangères et on l'empêcha un jour de justesse de se jeter du pont Cech à Prague. À la suite de cet incident, il passa une courte période en établissement psychiatrique, ce qui là aussi constituera plus tard pour lui une source d'inspiration.
Hašek eut un enfant de Jarmila, Richard. Mais sa femme le quitta peu après pour retourner chez ses parents, emportant Richard avec elle. Jaroslav en fut réduit à louer une chambre dans un bordel, le U Valsu.

Hašek chez les Soviets

En 1915, Jaroslav Hašek, qui avait acquis une solide réputation de noceur, fut enrôlé dans l'armée autrichienne. Il fut incorporé au 91e régiment autrichien sur le front de Galicie en 1915 et n'hésitera pas plus tard à ridiculiser ses supérieurs, dans Le Brave Soldat Chvéïk, sous leurs véritables noms.
Hašek servit également en Bohême du sud avant de gagner la Hongrie. En septembre 1915, son unité fut isolée à la suite d'une percée des troupes russes et Hašek se rendit aux Russes. Il fut emprisonné dans un camp en Ukraine, puis dans l'Oural.
En 1917, la Révolution russe mit fin à la guerre sur le front de l'Est. Hašek, libéré, s'engagea volontairement au service des bolcheviks en 1918, qui en firent un commissaire politique dans la 5e armée russe. Il s'engagea parallèlement dans la Légion tchèque, une organisation nationaliste visant à émanciper les Tchèques de la tutelle austro-hongroise.

Le retour à Prague et les années Chveïk

Monument à Jaroslav Hašek dans le quartier pragois de Žižkov.
Jaroslav Hašek fut de retour à Prague en 1920, capitale de la nouvelle Tchécoslovaquie et s'engagea plus que jamais dans la politique, guidé par ses idéaux communistes et nationalistes. De Russie il ramenait, entre autres, une nouvelle "épouse", bien que n'ayant jamais divorcé d'avec Jarmila.
Tout en continuant à boire énormément, Hašek entama l'écriture rapide des aventures du brave soldat Chvéïk, un personnage qu'il avait déjà créé dans d'autres histoires, aujourd'hui perdues. La verve noire et comique de Jaroslav Hašek s'adressait directement au petit peuple.
Hašek avait l'intention d'en écrire six volumes, mais il ne put en terminer que trois, car il mourut le 3 janvier 1923 à Lipnice nad Sázavou.
Ces trois volumes furent publiés, suivis par un quatrième volume, posthume et inachevé, mais terminé par son ami Karel Vaněk.
En 1991, les quelques écrits de jeunesse non perdus de Hašek furent rassemblés sous le titre Le Scandale de Bachura et autres nouvelles.
Un monument équestre à sa mémoire a été érigé en 2005 dans le quartier pragois de Žižkov où Hašek vécu. C'est la dernière œuvre de son auteur, le sculpteur tchèque Karel Nepraš.

Le petit monde du brave soldat Švejk

Historiquement, l'univers de Švejk est le monde cruel et burlesque d'une des autocraties du XIXe siècle finissant. Contemporain du monde de Kafka, il en est le revers : comme si les « messieurs » tombaient en poussière au contact du rire de Joseph K. Ce sain optimisme, Hašek le doit à ses principes, à l'entrain aussi du petit peuple des faubourgs pragois, au folklore tchèque que domine la figure de Honza, le niais rusé, et encore à l'influence de Gorki et d'un prédécesseur fameux, le poète satirique Karel Havlíček Borovský (1821-1856). Enfin Hašek a derrière lui trois siècles de résistance sournoise au despotisme. Il se sent fort.
Entre 1900 et la guerre, dans ses nouvelles, ce sont donc des personnages de cirque qu'il collectionne. Les clowns d'abord : ils sont là, les bureaucrates et les généraux, les curés et les mouchards, les bourgeois et les politiciens, tous les gratte-papier, les manches lustrées et les cervelles d'oison sur qui s'appuie le système branlant de la monarchie austro-hongroise ! En face, le peuple ; dans le peuple, Švejk (qui apparaît dans cinq nouvelles en 1911). Ici, de grinçante, la plume de Hašek se fait amusée. Le peuple a sa médiocrité, mais, en contrepoint aux fantoches inquisiteurs, il représente la vie.
Les clowns viennent faire leur numéro et repartent. C'est la guerre qui va créer le spectacle géant et permanent avec Švejk au centre (première version du roman : Le Brave Soldat Švejk en captivité [Dobrý voják Švejk v zajetí], Kiev, 1917). En effet la guerre est la fin logique du système. À une machine bureaucratique qui tournait à vide elle apporte une matière, la chair à canon ; elle lui apporte aussi la mort, car pour la première fois le cabotage par l'intérieur devient efficace. Deux images : Švejk partant au service dans la petite voiture d'infirme et agitant ses béquilles au cri de « À Belgrade ! » ; aux psychiatres qui lui demandent « combien fait douze mille huit cent quatre-vingt-dix-sept multiplié par treize mille huit cent soixante-trois », Švejk répondant : « Sept cent vingt-neuf ». Švejk ou comment désorganiser le monde de la folie organisée... À l'entreprise de destruction de Hašek, la guerre a apporté le nécessaire cadre épique. Une œuvre jusque-là émiettée acquiert sa vraie dimension.

La fortune d'une œuvre

On comprend que Piscator et Brecht aient été les premiers sensibles à cette puissante portée subversive. Si la première adaptation dramatique de Švejk (par Longen) eut lieu à Prague dès 1921, celle d'Erwin Piscator, avec la collaboration de Bertolt Brecht à Berlin en 1928, ouvrit sa carrière à l'étranger. À partir de là, traductions, pièces, films prolifèrent, en un nombre impressionnant de langues (allemand, 1929 ; anglais, 1930 ; français, 1932). Quant à Brecht, il composa en 1943 son Schweyk dans la deuxième guerre mondiale (Schwejk im zweiten Weltkrieg) qui montre son admiration pour un livre qu'il considérait comme l'un des trois meilleurs du XXe siècle. Ouvrage immoral, vulgaire, démoralisant, comme le prétendait le public tchèque bien-pensant, ou livre universel ? C'est certainement un livre universel. Parce qu'il est contre la guerre et ceux à qui elle profite ? Il faut dépasser l'antimilitarisme de Švejk. Plus qu'un manuel de la résistance passive (la Švejkovina), le document d'une époque ou une galerie de types pittoresques, c'est, avant tout, le livre de la destruction radicale du Système, grâce surtout à la Parole. Pour Švejk, l'irrépressible bavard, celle-ci est l'arme favorite avec laquelle il paralyse et achève l'ennemi. « Švejk, je vous ai déjà dit de la fermer, vous entendez ? – Je vous déclare avec obéissance que j'ai entendu que je devais la fermer. » La parole, son flot ininterrompu sous forme d'histoires, dont chacune est remplaçable mais qui sont indissociables les unes des autres, fascine aussi le lecteur. Švejk ne serait-il pas une sorte d'artiste populaire reconstruisant sa vie avec le verbe ? Comme chacun, il subit les événements : raconter est sa résistance active à un destin imposé. En associant à chaque événement un autre tiré de son expérience (réelle ou imaginaire), il l'apprivoise, le domine, l'incorpore à un ensemble cohérent, sa vie « revue et corrigée », son œuvre d'art. De même Hašek le conteur, en faisant de ses nouvelles un roman, trouva peut-être la satisfaction et l'équilibre pour le peu de temps qui lui restait à vivre. Jeanne Bem

Œuvres traduites en français

Le Brave Soldat ChvéÏk, Gallimard, 1932, Folio no 676, 1975
Nouvelles aventures du brave soldat Chvéïk , Gallimard, Folio no 1663, 1985
Dernières Aventures du brave soldat Chvéïk, Gallimard, 1980
De Prague à Budapest, Ibolya Virag, 1996
Les Aventures dans l'Armée rouge, Ibolya Virag, 2000
Histoire du Parti pour un progrès modéré dans les limites de la loi, Fayard, 2008



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#80 Ferdinand-Antoine Ossendowski
Loriane Posté le : 04/01/2016 19:24
Le 3 janvier 1945 meurt à 68 ans, Ferdinand-Antoine Ossendowski

à Milanówek en Pologne, né Ferdynand Antoni Ossendowski le 27 mai 1876 dans l’Empire russe près de Ludza aujourd'hui en Lettonie, écrivain aventurier polonais, auteur de récits de voyage, Roman d'aventures, Écrits politiques. Ses Œuvres principales sont Bêtes, Hommes et Dieux en 1923, Lénine en 1931, géologue, universitaire, militant politique connu pour ses témoignages sur la Révolution russe de 1905 à laquelle il a pris part, et un aventurier et explorateur connu pour ses récits de voyage. Appelé le Robinson Crusoé du vingtième siècle, il a été lauréat de l'Académie française.

Sa vie

Enfant, il s'installe avec son père médecin à Saint-Pétersbourg (Russie) où il suit sa scolarité en russe. Il s'inscrit à l'université et entame des études de mathématiques, de physique et de chimie. Il commence alors à mener des voyages d'étude puis parcourt les mers d'Asie à bord d'un bateau qui assure la liaison maritime entre Odessa et Vladivostok. Il publie ses récits consacrés à la Crimée, à Constantinople et à l'Inde.
En 1899, il fuit la Russie à la suite d'émeutes étudiantes, et se rend à Paris où il poursuit ses études à la Sorbonne, ayant notamment le chimiste et académicien Marcellin Berthelot comme professeur ; il y a également rencontré sa compatriote Marie Curie. Il retourne en Russie en 1901 et enseigne la physique et la chimie à l'Institut de Technologie de l'Université de Tomsk, en Sibérie occidentale. Il donne aussi des cours à l'Académie d'Agriculture et publie des articles consacrés à l'hydrologie, à la géologie, à la physique et à la géographie.
En 1905, il est nommé au laboratoire de recherches techniques de Mandchourie, chargé de la prospection minière, et dirige le département de la Société russe de géographie à Vladivostok. Il visite à ce titre les îles de la mer du Japon et le détroit de Béring. Il est alors un membre influent de la communauté polonaise de Mandchourie et publie, en polonais, son premier roman, Noc litt., La Nuit.
Impliqué dans les mouvements révolutionnaires, il est arrêté et condamné à mort. Sa peine sera commuée en travaux forcés. Mais il est relâché en 1907 avec l'interdiction de travailler et de quitter la Russie. Il se consacre alors à l'écriture de romans, en partie autobiographiques, qui lui permettent de regagner la grâce des dirigeants. En février 1917, il est nommé professeur à l'Institut polytechnique d'Omsk, en Sibérie. Lorsqu'éclate la Révolution d'Octobre, il se rallie aux groupes contre-révolutionnaires, et accomplit différentes missions pour Alexandre Vassilievitch Koltchak, qui fait de lui son ministre des finances.

L'aventurier

Condamné à fuir avec d'autres compagnons, il raconte son épopée dans Bêtes, Hommes et Dieux, qui sera publié en 1923. Le récit, qui se présente comme un livre d'aventures vécues, commence au moment où Ossendowski vient d'apprendre qu'on l'a dénoncé aux Bolcheviks et que le peloton d'exécution l'attend. Il emporte un fusil et quelques cartouches et gagne la forêt dans le froid glacial. Commence ainsi une course-poursuite dont il ne sortira vivant, pense-t-il, que s'il réussit à gagner à pied l'Inde britannique, par les passes de Mongolie, puis le désert de Gobi, puis le plateau tibétain, ensuite l'Himalaya. En réalité, il ne pourra pas atteindre le Tibet et il devra revenir en Mongolie en proie aux troubles de la Révolution mongole de 1921.
Au cours de son périple, Ossendowski rencontre le baron von Ungern-Sternberg avec qui il passe dix jours à Ourga. Avec l'aide de ce dernier, il arrive finalement à joindre la côte pacifique Pékin et les États-Unis. C'est là qu'il s'arrête finalement. Refusant de retourner en Asie, il décide de s'installer à New York. Il travaille alors pour les services secrets polonais et publie son récit Bêtes, Hommes et Dieux. Le livre sera traduit dans vingt langues et sera publié 77 fois. Ossendowski est alors l'un des cinq écrivains les plus populaires dans le monde, et ses livres sont comparés avec les œuvres de Rudyard Kipling, d'Albert Londres ou de Karl May.

Retour en Pologne.

En 1922, il retourne en Pologne et s'installe à Varsovie. Il enseigne alors à l'université, à l'École supérieure de guerre et à l'Institut d'études politiques de la capitale. Dans le même temps, il est fréquemment consulté par le gouvernement sur les questions liées à la politique soviétique.
Tout en continuant de voyager, il publie différents ouvrages qui le feront considérer comme l'un des auteurs polonais les plus populaires, y compris à l'étranger. Il réédite le succès de son premier récit avec un livre consacré à Lénine, dans lequel il critique sévèrement les méthodes des dirigeants communistes en Russie.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Ossendowski reste à Varsovie où il participe au gouvernement clandestin de Pologne sur les questions d'éducation. De confession luthérienne, il se convertit au catholicisme en 1942. Malade, il s'installe en 1944 dans le village de Żółwin, près de Milanówek où il meurt le 3 janvier 1945. Les militaires soviétiques qui avaient réussi à s'emparer de la région le cherchaient pour l'arrêter en tant qu'ennemi du peuple à la suite de ses écrits anticommunistes. Il a fallu déterrer son corps pour apporter la preuve de sa mort. Ses ouvrages ont été, par la suite, interdits par le gouvernement communiste de Pologne jusqu'à la chute du régime en 1989.

Œuvre parue en France

1913 : Le Brig « Le Terreur », nouvelle de science-fiction
Première publication en France en 2015 dans un recueil de deux nouvelles : Le Brig « Le Terreur » suivi de La Lutte à venir 1914. Traduit du russe par Viktoriya et Patrice Lajoye, Lingva; Lisieux, coll. Classiques populaires, 123 p.
1914 : La Lutte à venir, nouvelle d'anticipation
Première publication en France en 2015 dans un recueil de deux nouvelles : Le Brig Le Terreur 1913 suivi de La Lutte à venir 1914. Traduit du russe par Viktoriya et Patrice Lajoye, Lingva ; Lisieux, coll. Classiques populaires, 123 p.
1923 : Bêtes, Hommes et Dieux Zwierzęta, ludzie, bogowie lub Przez kraj ludzi, zwierząt i bogów. Konno przez Azję Centralną
Première publication en France en 19244 ; introduction par Lewis Stanton Palen, traduit de l'anglais par Robert Renard, Paris : Plon-Nourrit, 275 p. Dernière réédition en 20115 sous le titre Bêtes, Hommes et Dieux. À travers la Mongolie interdite 1920-1921, traduit par Robert Renard, Paris : Phébus-Libella, collection : Libretto no 56, 311 p.
1923 : L'Ombre du sombre Orient, les Russes et la Russie d'aujourd'hui et de toujours Cień ponurego Wschodu: za kulisami życia rosyjskiego
Première publication en France en 19266, traduction de Robert Renard, Paris : E. Flammarion, 249 p.
1923 : L'Homme et le mystère en Asie (avec Lewis Stanton Palen
Première publication en France en 19257, traduit de l'anglais par Robert Renard, Paris : Plon-Nourrit, 307 p. Dernière réédition en 1995 sous le titre Asie fantôme : à travers la Sibérie sauvage 1898-1905, trad. de Robert Renard, Paris : Phébus, collection : D'ailleurs », 267 p. Réédition en 2008, trad. par Robert Renard, Paris : Éd. de la Loupe, 205 p.
1924 : Derrière la muraille chinoise Za Chińskim Murem
Première publication en France en 1927, traduction de Robert Renard, Paris : E. Flammarion, 249 p.
1925 : De la Présidence à la Prison Od szczytu do otchłani: wspomnienia i szkice
Première publication en France en 19268, traduit de l'anglais par Robert Renard, avec une introduction de Lewis Stanton Palen, Paris : Plon et Nourrit, 312 p. Dernière réédition en 2009, trad. de Robert Renard ; Paris : Phébus, collection : « Libretto » no 299, 266 p. .
1926 : Sous le fouet du Simoun (Pod smaganiem samumu. Podróż po Afryce Północnej. Algierja i Tunisja
Première publication en France en 1928, traduction de Robert Renard, Paris : E. Flammarion, 295 p.
1926 : Le Maroc enflammé
Première en France en 1927, traduction de Robert Renard, Paris : E. Flammarion, 284 p.
1927 : Tchar Aziza, Roman Marocain
Première publication en France en 1929, traduit de l'anglais par Robert Renard, Paris : Ernest Flammarion, 247 p.
1928 : Esclaves du soleil Niewolnicy słońca: podróż przez zachodnią połać Afryki podzwrotnikowej w l. 1925/26 r.
Première publication en France en 1931, traduction de Robert Renard, Paris : A. Michel, collection : Maîtres de la littérature étrangère. Nouvelle série, 315 p.
1928 : Le Faucon du désert Sokół pustyni
Première publication en France en 1931, traduction de Caroline Bobrowska et Robert Renard, Paris : A. Michel, collection des maîtres de la littérature étrangère. Nouvelle série, 251 p.
1928 Le Premier Coup de minuit ięć minut po północy
Première publication en France en 1934, traduction de Robert Renard, Paris : A. Michel, collection : Maîtres de la littérature étrangère. Nouvelle série, 318 p.
1930 : Kett, journal d'un chimpanzé
Première publication en France en 1931, traduction de Paul Kleczkowski et Robert Renard, Paris : A. Michel, 284 p.
1931 : Lénine
Première publication en France en 1932, traduction de Paul Kleczkowski et Robert Renard, Paris : A. Michel, 446 p.
1931 : La Ménagerie Zwierzyniec
Première traduction en France en 1933, traduction du polonais par Caroline Bobrowska et Robert Renard, Paris : A. Michel, collection Les Belles Aventures, no 4, 254 p.
1932 : Le Fils de Bélira Syn Beliry
Première publication en France en 1934, traduction de Boguslaw Szybek et Robert Renard, Paris : A. Michel, Collection : Maîtres de la littérature étrangère. Nouvelle série, 317 p.
1932 : Les Navires égarés Okręty zbłąkane
Première publication en France en 1936 : Les Navires égarés suivi de Le Capitaine blanc (Biały kapitan, 1939); traduction de Caroline Bobrowska et Robert Renard, Paris : A. Michel, Collection : « Les Belles Aventures », 319 p.
1939 : Le Capitaine blanc Biały kapitan
Première publication en France en 1936 : Le Capitaine blanc précédé de Les Navires égarés ; traduction de Caroline Bobrowska et Robert Renard, Paris : A. Michel, Collection : Les Belles Aventures , 319 p.

Œuvre inédite en France

liste non exhaustive. Le titre original est suivi de sa traduction littérale française

1905 : Noc La Nuit
1923 : Najwyższy lot Le Plus Haut Vol.
1924 : Cud bogini Kwan-Non: z życia Japonji Le Miracle de la Déesse Kwan-Non : la vie du Japon
1925 : Po szerokim świecie De par le vaste monde
1927 : Huragan litt., Ouraga)
1927 : Wśród Czarnych Chez les noirs
1928 : : Karpaty i Podkarpacie Les Carpates et les Basses Carpates
1929 : Męczeńska włóczęga Męczeńska le clochard
1930 : Mali zwycięzcy: przygody dzieci w pustyni Szamo Vainqueurs du Mali : aventure pour enfants dans le désert Szamo
1930 : Nieznanym szlakiem Un sentier inconnu
1931 : Gasnące ognie: podróż po Palestynie, Syrji, Mezopotamji Feux incessants : voyage à travers la Palestine, la Syrie, la Mesopotamie
1932 : Przygody Jurka w Afryce Nouvelles aventures en Afrique
1932 : Słoń Birara L'Éléphant Birara
1932 : W krainie niedźwiedzi Au pays des ours
1932 : Narodziny Lalki La Naissance des poupées
1934 : Afryka, kraj i ludzie Afrique, terres et gens
1934 : Polesie litt., Polésie
1935 : Skarb Wysp Andamańskich Trésor des Îles Andaman
1935 : W polskiej dżungli Dans la jungle
1936 : Puszcze polskie Forêts polonaises
1936 : Miś i Chicha L'Ours en peluche et Chicha
1937 : Szanchaj Shanghai
1937 : Młode wino Vin nouveau
1937 : Postrach gór La Terreur des montagnes
1938 : Biesy Les Possédés
1938 : Zygzaki Zigzag
1939 : Cztery cuda Polski Quatre merveilles de la Pologne
1946 : Jasnooki łowca
1947 : Wacek i jego Pies
1992 : Cadyk ben Beroki Cadyk ben Beroki
Chmura nad Gangesem Un nuage au-dessus du Gange
W ludzkim pyle Dans la poussière humaine



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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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