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#61 Benoite Groult
Loriane Posté le : 29/01/2016 21:21
Le 31 janvier 1920, naît Benoite Groult

à Paris, journaliste, romancière, écrivain et militante féministe française. Ses Œuvres principales sont La part des choses en 1972, Ainsi soit-elle en 1975, Les vaisseaux du cœur en 1988

Sa vie

Elle est la fille du styliste de meubles André Groult 1884-1966, renommé dans les années trente, et de Nicole Poiret 1887-1967, dessinatrice de mode, sœur du créateur Paul Poiret et grande amie de Marie Laurencin. Sa sœur cadette Flora Groult est également écrivain.
Benoîte Groult obtient une licence en Lettres et enseigne au début de la carrière au Cours Bossuet.
En 1943, elle épouse Blaise Landon qui meurt en mai 1944. En 1945, elle épouse un étudiant en médecine, Pierre Heuyer, qui meurt quelques mois plus tard.
Elle entre au Journal de la Radiodiffusion à la Libération et y reste jusqu'en 1953.
En 1951, elle épouse Georges de Caunes avec lequel elle a deux filles, Blandine et Lison, puis le romancier et journaliste Paul Guimard avec lequel elle a une fille, Constance.
Elle a collaboré à diverses publications : ELLE, Parents, Marie Claire, etc.
Dès l'enfance, elle cultive le goût de l'écriture, mais c’est à l'âge mûr qu’elle se lance sur la scène littéraire, d'abord avec sa sœur Flora : Journal à quatre mains 1958, Le Féminin pluriel 1965, Il était deux fois 1967.
Elle est par la suite l'auteur de plusieurs best-sellers : La Part des choses 1972, Ainsi soit-elle 1975, Les Trois-Quarts du temps 1983, Les Vaisseaux du cœur 1988, La Touche étoile 2006 et Mon évasion 2008.
Sa vie et son œuvre font d’elle un témoin privilégié des bouleversements sociaux dans les rapports entre hommes et femmes qui ont marqué le xxe siècle. Son féminisme, déclaré tardivement lui aussi, est une clé de lecture essentielle de son parcours, un identifiant de sa personnalité.
Avec la publication d'Ainsi soit-elle 1975, elle est la première à dénoncer publiquement les mutilations génitales féminines.
Cet essai féministe reste encore d'actualité bien que les allégations dénigrant la condition féminine au Moyen-Âge semblent devoir être fortement nuancées ou même totalement révisées selon Martin Blais médiéviste reconnu.
En 1978, elle fonde un mensuel féministe avec Claude Servan-Schreiber F Magazine dont elle rédige les éditoriaux.
De 1984 à 1986, elle assure la présidence de la Commission de terminologie pour la féminisation des noms de métiers, de grades et de fonctions, fondée par Yvette Roudy, alors ministre des droits de la femme, où travaillent grammairiens, linguistes et écrivains arrêté de féminisation publié au Journal officiel en mars 1986.
Depuis 1982, elle est membre du jury Femina.
Elle publie en 1986, pour la première fois, l'intégralité de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne de 1791, rédigée par Olympe de Gouges.
Elle est membre du comité d'honneur de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité ADMD.
En 2011, Benoîte Groult fait don de ses archives à l'université d'Angers, au Centre des Archives du Féminisme BU Angers

Hommages

Elle a fait l'objet de plusieurs films documentaires. Anne Lenfant lui a consacré Une chambre à elle : entretiens avec Benoîte Groult et Benoîte Groult ou Comment la liberté vint aux femmes, avec les témoignages de Josyane Savigneau, Paul Guimard et Yvette Roudy, édité en 2006 par Hors Champ Productions. En 2008, un volet de la série d'émissions documentaires «Empreinte», écrit par Marie Mitterrand et réalisé par Jean-Baptiste Martin, lui permet de porter un regard rétrospectif sur son parcours.
En 2013 paraît chez Grasset une bande dessinée intitulée Ainsi soit Benoîte Groult par Catel.

Décorations

Officier 16 mars 1995, puis commandeur 2 avril 2010 de la Légion d'honneur
Citoyenne d'honneur de la ville de Roanne depuis le samedi 7 mars 2010.
Grand officier de l'ordre national du Mérite, le 2 décembre 2013, à l'occasion du cinquantenaire de l’ordre national du Mérite.

Å’uvres

Journal à quatre mains 1958, roman écrit avec sa sœur Flora Groult
Le féminin pluriel 1965, roman écrit avec Flora Groult
Il était deux fois 1967, roman écrit avec Flora Groult
La part des choses 1972, roman
Ainsi soit-elle 1975, essai sur la condition féminine, enregistrement sonore en 2004.
Le féminisme au masculin 1977, essai sur les féministes
La moitié de la terre 1981, essai
Les trois quarts du temps 1983, roman
Olympe de Gouges 1986, textes présentés par Benoîte Groult
Les vaisseaux du cœur 1988, roman
Pauline Roland ou Comment la liberté vint aux femmes 1991, biographie
Cette mâle assurance 1994, essai sur la misogynie
Histoire d'une évasion 1997, essai autobiographique
La touche étoile 2006, roman
Mon évasion : autobiographie, 2008, enregistrement sonore en 2009.
Ainsi soit Olympe de Gouges 2013, biographie
Romans, Paris, Grasset coll. «Bibliothèque Grasset», 2009
[Benoîte Groult prépare un livre sur la pêche en bateau au large, passion qu'elle partageait avec Paul Guimard.

Adaptations cinématographiques-théâtrale

Andrew Birkin, les vaisseaux du cœur 1992
Panchika Velez metteur en scène, Philippe Miquel réal. , Journal à quatre mains 2010. Jouée au Théâtre de poche Montparnasse à partir de janvier 2009 et filmée
Christian Faure, 3 femmes en colère 2014, librement adapté de La touche étoile.

Articles sur l'œuvre de Benoîte Groult

Entretien avec Marc Alpozzo : Nous, les vieux, sommes des étrangers in Le Magazine des livres 11/2008

Annexes

Gontier, Fernande. Benoîte Groult. Paris : Klincksieck, 1978. (Femmes en littérature, Nos contemporaines;
Garcin, Jérôme. Le Dictionnaire : littérature française contemporaine. Paris : F. Bourin, 1988
Eva Martin Sartori and Dorothy Wynne Zimmerman. Eds. Fifty French Women Writers.New York: Greenwood Press, 1991
Colloque «Ainsi soit-elle, 25 ans après» 2000 Société des Gens de Lettres Paris.Ainsi soient-elles : autour de Benoîte Groult : actes du colloque tenu à la Société des gensde lettres, juin 2000... / Josyane Savigneau, Elisabeth Badinter, Michelle Perrot... et al.Paris : B. Grasset, 2003
Garcin, Jérôme. Dictionnaire des écrivains contemporains de langue française : par eux-mêmes. Paris : Éd. Mille et une nuits, impr. 2004.
Rochefort, Florence. Femmes du xxie siècle. Paris: éditions Aubanel, 2009 ;Entretien avec Benoîte Groult réalisé par Alexie Lorca.
Savigneau, Josyane, Deroudille, Clémentine, Roux, Sandrine et Keppy, Caroline. Benoîte Groult : une femme parmi les siennes. Paris : Textuel, Bry-sur-Marne : Institut National de l'Audiovisuel, 2010. La voix au chapitre
Baÿt-Darcourt, Célyne. Femmes d'exception. Paris : Tallandier : France-Info, 2012

Documentaires

Benoîte Groult, le temps d'apprendre à vivre13, film documentaire de Marie Mitterrand et Jean-Baptiste Martin (2008), France 5, collection documentaire Empreintes, site du film
Benoîte Groult, une chambre à elle, film de Anne Lenfant



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#62 Marcel Jullian
Loriane Posté le : 29/01/2016 21:00
Le 31 Janvier 1922 naît Marcel Jullian

à Châteaurenard dans les Bouches-du-Rhône, mort le 28 juin 2004 à 82 ans à Paris, dialoguiste, écrivain, réalisateur scénariste et homme de télévision français. Il fut l'un des fondateurs de la chaine de télévision Antenne 2.
Tour à tour et parfois tout à la fois éditeur, écrivain, scénariste, producteur, homme de radio et de télévision, Marcel Jullian était un personnage incontournable du paysage médiatique français

En bref

Né le 31 janvier 1922 à Châteaurenard Bouches-du-Rhône, Marcel Jullian, après des études à la faculté des lettres de Paris, exerce différents métiers, tels que mineur de fond, conducteur de poids lourds, laveur de voitures et pilote d'avion. « Autant d'expériences qui ont enrichi mon imagination », disait-il. Entré dans la Résistance à vingt-deux ans, il est arrêté et condamné à mort par les nazis. Dans sa cellule, il récite à ses compagnons d'infortune des vers de Rimbaud et d'Aragon et gardera à jamais le goût de la poésie. En 1955, il prend la direction littéraire des éditions Amiot-Dumont 1955. Il est ensuite nommé P.-D.G. de la Librairie académique Perrin de 1962 à 1974, et devient parallèlement le président de la librairie Plon et des éditions Julliard de 1967 à 1974. En 1978, armé de cette expérience, il crée sa propre maison d'édition, l'Atelier Marcel Jullian.
Sa passion pour l'écriture trouve une nouvelle source d'expression dans les possibilités offertes par le cinéma et la télévision. En 1964, il entame une carrière de scénariste et de dialoguiste qui sera jalonnée de succès : Cent Mille Dollars au soleil (H. Verneuil, 1964) avec Lino Ventura, Le Corniaud (G. Oury, 1965) avec Bourvil et Louis de Funès, La Grande Vadrouille ibid., 1967, La Louve solitaire (E. Logereau, 1968) puis Fleur d'oseille (G. Lautner, 1968), Le Cerveau (G. Oury, 1969) avec Bourvil, Jean-Paul Belmondo et David Niven, puis Le Mur de l'Atlantique (M. Camus, 1970). En 1971, il est à nouveau au cœur de l'un des plus grands succès du grand et du petit écran avec La Folie des grandeurs G. Oury, qui marque la constitution du duo inédit formé par Louis de Funès et Yves Montand. Il revient au cinéma dans les années 1980 et passe derrière la caméra pour réaliser L'Été de nos 15 ans (1983) et Les parents ne sont pas simples cette année (1984).
Marcel Jullian donne à la télévision ses lettres de noblesse avec des productions culturelles, qui épousent ses formes médiatiques. Pionnier de la création de séries télévisées avec Lagardère en 1967, puis Les Enquêteurs associés en 1970, il signe nombre d'adaptations ou de séries, comme La Tragédie de Vérone en 1972 et Les Rois maudits ; en 1973, Docteur Caraïbes ; en 1974, Beau-François et Les Fargeot ; en 1977, Les Folies Offenbach ; en 1980, L'Aéropostale, courrier du ciel ; en 1982, Le Sud. Citons également Charlemagne, Le Prince à cheval en 1993, puis les dialogues du Vieil Ours et l'Enfant en 2001.
Marcel Jullian devient le premier président d'Antenne 2 en janvier 1975. Précurseur de la télévision moderne, il contribue à diversifier les programmes de la télévision publique en créant Les Dossiers de l'écran, le magazine Apostrophes animé par Bernard Pivot et le Grand Échiquier de Jacques Chancel, qui fut un de ses grands amis. Contraint d'abandonner la direction de la chaîne publique en décembre 1977, il revient au service public en 1989 auprès de Philippe Guilhaume, « super-président » d'Antenne 2 et de FR3, qui lui confie la direction d'un comité de création et de programmes.
Cette passion qui l'anime, Marcel Jullian aime avant tout la transmettre. Sa générosité est celle d'un homme qui veut faire vivre la culture pour la faire aimer. À la radio, sur les ondes de France Inter, il anime l'émission Écran Total (1986-1989), entièrement consacrée au septième art. Par l'écriture enfin, par laquelle Marcel Jullian, au travers de nombreux ouvrages parmi lesquels La Bataille d'Angleterre (1965), Délit de vagabondage, Le Maître de Hongrie (1980), Je suis François Villon (1987), Loin de Massilia 1987 ou encore La France à voix haute (1994), évocation du général de Gaulle et de Georges Pompidou, nous invite à revivre les grands tournants de notre histoire. Marcel Jullian laisse aussi des Mémoires, publiés en deux tomes sous le titre Mémoire buissonnière (2000-2002. Maryse Ramambason

Sa vie

Fondateur et premier président d’Antenne 2, de janvier 1975 à décembre 1977.
Parmi ses diverses activités et collaborations, il fut animateur, avec Yves Derisbourg et Michèle Valentin, de l'émission radiophonique Écran total, de 1986 à 1989.
Il fut membre du comité de soutien du mouvement L’Unité capétienne, où figuraient les noms de Reynald Secher, André Castelot, Gonzague Saint-Bris, Jean Dutourd, Georges Bordonove.
Jusqu'à sa mort, il présida une association franco-belge destinée à réhabiliter la mémoire du roi des Belges Léopold III accusé devant l'histoire d'avoir trahi les alliés de la Belgique en 1940. En tant qu'historien Marcel Jullian disposait, sur les événements de mai 1940, de preuves sur la loyauté du roi d'ailleurs abondamment produites par les sources les plus indiscutables l'amiral anglais Keyes, le colonel Remy, grand résistant gaulliste, etc...
Il devient directeur littéraire de la maison Plon, en 1967, et des Éditions Julliard, en 19711 où Jacques Chancel dirige la collection Idée fixe.
Auteur d’une anthologie de la poésie, de Mémoire buissonnière, de Louis et Maximilien ou encore du Roman de l’homme, il avait aussi imaginé des scénarios pour le cinéma. Il fut notamment l’auteur de comédies à succès comme Le Corniaud 1964, La Grande Vadrouille 1966, Le Cerveau 1969 ou encore La Folie des grandeurs (1971), quatre films réalisés par Gérard Oury.
Il est nommé directeur des programmes à la tête de l'ORTF après l'élection de Valéry Giscard d'Estaing en 1974. Jacques Chancel devient son conseiller personnel, nomme Jacques Sallebert à la tête de la première chaîne et Georges Leroy à la tête de la deuxième chaîne2.
Il est mort subitement à Paris dans l’après-midi du lundi 28 juin 2004, alors qu’il assistait à une cérémonie à la Closerie des Lilas, restaurant de la rive gauche. Il a vécu les dernières années de sa vie à Saint-Martin-de-Crau.

Hommages

À sa mort, Jacques Chirac a fait part, dans un communiqué, de son « émotion », appréciant « la haute culture, l'originalité de la pensée, la curiosité et l'indépendance d'esprit » de Marcel Jullian. Il était « un poète, un authentique créateur, un touche-à-tout talentueux, imaginatif et généreux. Il savait regarder le monde, les hommes et leur temps avec une rare intelligence », ajoutait le chef de l'État français.

Livres

Le Chevalier du ciel : Charles Nungesser, 1953
HMS Fidelity, bateau mystère, Amiot-Dumont, 1956
Gens de l'air, Le Livre contemporain, 1959
Jean Maridor, chasseur de V1
De Gaulle
Henri comte de Paris : Mémoires d'exil et de combats
Ils ont reconquis notre ciel, en collaboration avec Paul Boudier
Histoire familiale des hommes politiques français auteur de la préface de cet ouvrage collectif, 1997
Histoire de France des commerçants, avec C. Meyer, Robert Laffont, 1983
Franchise postale, avec J Chancel, Mazarine, 1983
Je suis François Villon, Denoël, 1987
Initiation à l'histoire des rois de France Perrin, 1989
L'Heure de Jeanne d'Arc : 1408-1447, avec A. Castelot, A. Decaux, J. Levron, Robert Laffont, 1989
Charlemagne ou la jeunesse du monde, Flammarion, 1993
Le Roman de l'homme, La Préhistoire, Albin Michel, 1997
Français, collège, France Loisirs, 1999
La Télévision libre, Gallimard, 1981

Filmographie Cinéma

1964 : Cent mille dollars au soleil de Henri Verneuil
1965 : Le Corniaud de Gérard Oury
1966 : Ne nous fâchons pas de Georges Lautner
1966 : Le Saint prend l'affût de Christian-Jaque
1966 : La Grande Vadrouille de Gérard Oury
1968 : La Louve solitaire
1968 : Fleur d'oseille de Georges Lautner
1969 : Le Cerveau de Gérard Oury
1970 : Le Mur de l'Atlantique de Marcel Camus dialogues
1971 : On est toujours trop bon avec les femmes de Michel Boisrond dialogues
1971 : La Folie des grandeurs de Gérard Oury
1982 : Jamais avant le mariage de Daniel Ceccaldi
1982 : Le Sud de Victor Erice adaptation
1982 : Wilhelm Cuceritorul dialogue
1983 : L'Été de nos quinze ans
1983 : Si elle dit oui... je ne dis pas non de Claude Vital
1984 : Les parents ne sont pas simples cette année
1993 : La Soif de l'or de Gérard Oury

Télévision

1967 : Lagardère feuilleton télévisé
1970 : Les Enquêteurs associés série
1972 : La Tragédie de Vérone série
1972 : Les Rois maudits mini série
1973 : Docteur Caraïbes série
1974 : Beau-François
1974 : Les Fargeot série
1977 : Les Folies Offenbach mini série
1980 : L'Aéropostale, courrier du ciel mini série - dialogue
1983 : Quelques hommes de bonne volonté mini série - adaptation
1985 : L'Histoire en marche: Le serment dialogue
1993 : Charlemagne, le prince à cheval mini série
1996 : Saint-Exupéry : La dernière mission
1997 : Le Roman de l’homme
1997 : Mireille et Vincent
2000 : Le Blanc et le rouge
2001 : Le Vieil ours et l'enfant dialogue, scénario
Théâtre

1952 : Monsieur conte fleurette de Marcel Jullian, théâtre La Bruyère



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#63 Norman Mailer
Loriane Posté le : 29/01/2016 18:59
Le 31 janvier 1923 naît Norman Kingsley Mailer

à Long Branch dans le New Jersey aux États-Unis et mort le 10 novembre 2007, à 84 ans à New York, écrivain américain, Romancier, réalisateur, scénariste, acteur de cinéma. Ses Œuvres principales sont Le Chant du bourreau, Les Nus et les Morts
Impossible de rassembler dans une somme close l'œuvre de ce flamboyant boucanier qui, de foucades en coups d'éclat, a si souvent brûlé les planches de la scène littéraire américaine. Norman Mailer, c'est plutôt un chaos d'esquisses, d'essais, de romans, où chaque fois il s'aventure en terrain neuf, à découvert, prenant des risques, poussant sa chance, et qu'il ne cesse ensuite de reprendre pour y ajouter, au fil des années, commentaires et gloses. Une œuvre ouverte, en métamorphose, mais toujours le même nerf. L'homme qui disait en 1944 vouloir devenir « un nouveau Malraux » a réussi une époustouflante traversée de la seconde moitié du XXe siècle. De la guerre parmi les atolls du Pacifique jusqu'aux marais et dunes de Floride où il assiste, l'été 1969, au grand envol vers la Lune, en passant par Hollywood, par l'Alaska où il rêve sa chasse à l'ours, par Washington où il mène la « marche pour exorciser le Pentagone » ou New York où il se porte candidat à la mairie, pareil au Kilroy des graffiti que les G.I. de la Seconde Guerre mondiale gravèrent sur tous les pans de murs Kilroy was here !, Norman Mailer a toujours « été là », au centre de l'arène, sur le ring, kangourou boxeur, mais néanmoins dandy, affrontant, gants aux poings, tout ce qui se présente, relevant avec une pugnacité pleine de verve tous les défis. Ce gosse de Brooklyn n'aura jamais cessé de mener un combat singulier et complice avec l'ombre du grand Hemingway. Comme lui, Norman Mailer, enfant terrible, macho parfois burlesque, est une star, avec son panache et aussi ses failles secrètes qu'il ose explorer, spéléologue de ses intimes terreurs. Sauf que l'Amérique entière est sa plaza de toros et qu'au fond il est toujours resté celui qui va débarquer au petit matin sur un atoll tenu par l'ennemi, l'oreille aux aguets, la peur au ventre, épiant bruits et craquements, mais avec le cœur qui lui bat de se trouver enfin au cœur de l'événement, prêt à donner, en comédien qu'il est, le fabuleux spectacle de ses empoignades avec l'Amérique, sa hantise, sa bête noire et son plus tenace amour.

en bref

Les rouages de Léviathan
Né le 31 janvier 1923 à Long Branch New Jersey, dans une famille juive de la petite bourgeoisie, Norman Mailer grandit à Brooklyn. Une enfance sage : rien, chez ce garçon passionné de modèles réduits et d'aéronautique qui joue du saxophone et est toujours le premier de sa classe, n'annonce les excentricités à venir. Mailer a d'ailleurs comme effacé son enfance et n'a jamais publié son roman sur Brooklyn. Pas de nostalgie chez lui ; il est toujours sur la crête avancée de la vague, scrutant le monde à venir. À neuf ans, sur un cahier d'écolier, il écrit un récit, inspiré de La Guerre des mondes, où la Terre doit se défendre contre l'invasion des Martiens, et il restera quelque chose de ce schéma dans toute son œuvre : eux et nous, eux et la conspiration pour conquérir le monde, nous et la résistance locale, farouche, pouce à pouce. À seize ans et demi, Mailer entre à Harvard où il fait des études d'ingénieur et découvre le grand roman américain de l'époque : la trilogie Studs Lonigan de J. T. Farrell, U.S.A. de Dos Passos, Thomas Wolfe, Hemingway, Faulkner. Appelé sous les drapeaux en mars 1944, il participe aux combats du Pacifique et à partir de 1946 écrit le plus célèbre, avec Tant qu'il y aura des hommes de James Jones, des romans américains de la Seconde Guerre mondiale : Les Nus et les Morts (The Naked and the Dead, 1948. Pourtant, c'est par une sorte de malentendu que ce livre passe pour un « roman de guerre ». On y suit la vaine mission de reconnaissance d'une patrouille perdue dans la jungle d'une île. Une technique panoramique inspirée de Dos Passos fait de cette patrouille une image en raccourci de la société américaine dans sa diversité. Hamlet de cette histoire, le lieutenant Hearn est fasciné par le sergent Croft, originaire des terres rouges du Texas, traqueur de bêtes, chasseur de daims dont la violence barbare, sauvage, individuelle, s'oppose dans le roman à l'autre violence, plus fascinante encore, celle qu'exerce le général Cummings, sous le couvert de la hiérarchie militaire, la violence d'État, anonyme, sans visage, mais qui vous brise. Dans ce dernier roman de la Dépression qui montre l'écrasement des hommes pris dans les rouages de la machine sociale, c'est l'ombre de la guerre à venir qui se projette. La guerre est un laboratoire, le dernier état de l'organisation sociale, où se met en place le Léviathan de la technologie, et ce qui obsède Mailer, c'est de mettre au jour les racines obscures de cette perversion puritaine qui transforme la violence native en hantise de la conquête et du pouvoir et place au centre de la toile au centre bientôt du Pentagone un Achab fou.

Sa vie

Fils d'Isaac Barnett, un comptable juif originaire d'Afrique du Sud, et de Fanny Schneider, gestionnaire d'une agence de femmes de ménage, Norman Kingsley Mailer grandit à Crown Heights, dans le quartier de Brooklyn New York. Il entre à l'université Harvard en 1939 où il étudie l'ingénierie aéronautique. Il en sortira titulaire d'un titre de Bachelor of arts cum laude et s'y découvre un intérêt pour l'écriture, publiant sa première histoire à dix-huit ans.
Norman Mailer fut enrôlé dans l'armée américaine début 1944. Sa participation à la Seconde Guerre mondiale dans le Pacifique Sud, aux Philippines, fut lointaine il termina son engagement comme cuisinier au Japon.

Œuvre littéraire

En 1948, juste avant d'entrer à la Sorbonne à Paris, il écrit Les Nus et les Morts The Naked and the Dead. Ce livre, basé sur son expérience de la guerre dans le Pacifique, raconte l'histoire d'un peloton de treize soldats combattants sur un atoll japonais. Il permit à son auteur d'accéder à la célébrité. Mailer dira plus tard, à propos de ce livre : Une part de moi pensait que c'était probablement le plus grand livre depuis Guerre et Paix. Une autre part pensait aussi : je ne connais rien à l'écriture. Je suis pratiquement un imposteur
Les années suivantes, Norman Mailer écrit des scripts pour Hollywood qui sont pour la plupart refusés. Il publie en 1955 Le Parc aux cerfs, d'abord refusé par son éditeur Rinehart & Company, pour obscénité. Mailer livre dans ce roman sa vision des mœurs hollywoodiennes (le titre est une référence au quartier de Versailles où Mme de Pompadour logeait les maîtresses de Louis XV. Vers le milieu des années 1950, tenté par le marxisme et l'athéisme, il devient un célèbre écrivain « anti-establishment » et libertaire. Dans The White Negro: Superficial Reflections on the Hipster, sorti en 1956, puis Advertisements for Myself 1959, il traite de la violence, de l'hystérie, des crimes et du désarroi de la société américaine. Son œuvre, partagée entre un réalisme hérité de John Dos Passos et une écriture journalistique proche d'Ernest Hemingway, se veut la conscience en éveil des injustices du temps, des débordements politiques américains et des drames qui en découlent. Aussi, tente-t-elle d'étudier, de manière souvent provocatrice, les névroses et les pathologies d'une société occidentale constamment en crise de valeurs. Il a été l'un des emblèmes de l'opposition à la guerre du Viêt Nam dans les années 1960 et 1970, cause pour laquelle il fut emprisonné. Il fut candidat à la mairie de New York en 1969.
Norman Mailer est aussi connu comme biographe, il a par exemple écrit sur Marilyn Monroe, sur Pablo Picasso et sur Lee Harvey Oswald.

Il fut aussi acteur Ragtime de Miloš Forman en 1982 ; King Lear de Jean-Luc Godard en 2002 et réalisateur Wild 90 en 1967, Au-dessus des lois en 1968 et Maidstone en 1969. Enfin, Les vrais durs ne dansent pas, avec Isabella Rossellini et Ryan O'Neal, adapté d'un de ses romans, fut sélectionné au Festival de Cannes en 1986.
Il s'était marié six fois et a eu neuf enfants dont un adopté avec sa dernière épouse. En 1960, il agresse à coups de canif son épouse, Adele, lors d'une fête. Elle ne portera pas plainte contre Mailer mais ce dernier passe trois semaines dans un hôpital psychiatrique.
L'écrivain-journaliste est un habitué des récompenses : il a reçu aux États-Unis le prix Pulitzer pour Les Armées de la nuit en 1969, et le prix Pulitzer de la Fiction en 1980, pour Le Chant du bourreau avant de recevoir, en 1983, l'insigne de Commandeur de l'Ordre des Arts et des Lettres de la part de la France et le 3 mars 2006, la Légion d'honneur des mains de l'ambassadeur de France aux États-Unis.
Sous la présidence de George W. Bush, il s'affirme comme un opposant, « le pire président que j'aie vu », proclame-t-il, et il publie un livre avec le cadet de ses neuf enfants, The Big Empty, un dialogue intergénérationnel sur la politique, la religion, le sport, la culture, les femmes. Son dernier ouvrage intitulé Un château en forêt 2007 revient sur la jeunesse d'Adolf Hitler dont il donne une interprétation à mi-chemin entre la psychanalyse et la métaphysique.
Il meurt le 10 novembre 2007 à New York, à l'hôpital Mount Sinaï, des suites d'une insuffisance rénale.

Une saison en enfer

Le succès vint, fulgurant comme il peut l'être en Amérique, avant que Norman Mailer ait trouvé sa voix ou son rythme. Suivit alors un long passage à vide, et beaucoup donnèrent Mailer pour fini, l'auteur d'un roman à succès qui ne parviendrait jamais à se hisser à nouveau à la hauteur de son premier exploit. Il aurait été facile de faire carrière commerciale dans la même veine d'ancien combattant : Norman Mailer choisit de se tailler de nouveaux chemins, et pour cela il faut opérer comme « une lobotomie du passé ». Rivage de Barbarie (Barbary Shore, 1951) est l'histoire d'un amnésique à la dérive, un « étranger », un homme du souterrain qui, dans le meublé sordide de Brooklyn où il est venu pour écrire un roman, cherche une éthique de survie dans un monde où la guerre continue sous un autre visage, un monde retournant à la barbarie, toutes illusions politiques (et en particulier celles de 1917) effondrées. Dans Le Parc aux cerfs (The Deer Park, 1955) s'affirme encore la parenté profonde de Mailer avec Hawthorne et Melville, sa manière chirurgicale d'empoigner le nœud de vipères qui se loge au cœur obscur où se nouent les passions. Chronique du déclin d'un cinéaste mis sur la « liste noire » maccarthyste et qui glisse vers la stérilité, le roman est dominé par la figure perverse de Marion Faye, gourmet du mal, pourvoyeur en plaisirs, prince d'un monde où toutes sources vives se sont taries.
Mailer traverse alors une phase mouvementée de sa vie privée. Se lançant à corps perdu dans les nuits de la bohème de Greenwich Village, il se soucie moins désormais d'être un romancier qu'une sorte de prophète : comme D. H. Lawrence, il veut repousser les frontières de l'expérience, être le « mineur de fond » des strates enfouies, le sourcier des émotions que l'État totalitaire veut tuer à petit feu derrière les barbelés. L'influence de Wilhelm Reich, celle de l'existentialisme viennent se greffer sur le mythe américain de la « frontière » pour donner cette sorte de manuel de survie dans la cité de la nuit et la jungle d'asphalte qu'est The White Negro 1957 où Mailer esquisse le portrait d'une sorte de dandy pour notre temps, jouant, sur le qui-vive, un jeu de poker avec le risque et la mort.

Les voix de l'Amérique

À partir de 1959 et de la publication d'Advertisements for Myself, Norman Mailer amorce sa seconde carrière d'écrivain. À la première personne (mais le « je » qui parle là est un « je » construit à la manière de Whitman, un « je » théâtral et de bateleur), Norman Mailer, seul sur l'estrade, s'en prend à l'Amérique qui a stérilisé la vie créative : il faut marcher sur la lisière de la violence plutôt que l'exiler, l'interdire, l'anesthésier et la transformer en violence anonyme. Encerclés, il faut faire une brèche. Dans The White Negro, Mailer a trouvé sa brèche ; par elle il revient au roman avec Un rêve américain (An American Dream, 1965). C'est une sorte de thriller élisabéthain, à la limite du pastiche, tenant à la fois de Christopher Marlowe et de Dashiell Hammett. Rojack y étrangle sa femme, qui a fini par représenter pour lui l'ornière où il s'enlise, puis plonge dans le New York nocturne, dans la jungle, afin d'exhumer son moi primitif enfoui et, nu enfin au cœur de l'arène, sans le rempart des institutions, faire face à sa sauvagerie intime, échapper ainsi à la violence étatique. Rompant également avec la technique naturaliste de ses précédents romans, Mailer explore celle du monologue. Il la domine avec maestria dans Pourquoi sommes-nous au Vietnam ? (Why Are We in Vietnam ?, 1967) : ce récit d'une chasse au grizzli en Alaska retranscrit le vieux mythe américain (dans les terres sauvages, capturer l'animal quasi fabuleux) à travers une sorte d'opéra de voix, un kaléidoscope d'idiomes où l'on entend le continent entier dans sa diversité. Un disc-jockey, qui est peut-être un Noir de Harlem, infirme, cloué sur son lit, se met à l'écoute des voix qui montent de l'Amérique, qui disloquent le langage officiel, percent à travers sa sclérose pour faire du massacre technologique des ours sur la banquise une métaphore de ce qui se passe, à la même époque, au Vietnam : « Et maintenant, mesdames messieurs, amis et amants, vous tous qui croupissez dans le vaste cachot de l'Amérique, prenez-en de la graine... Ici D. J. champion des disc-jockeys, qui vous a parlé d'Amérique, Vietnam, bourbier d'enfer. »

Reportages et mythologies

La chronique à la première personne de l'Amérique, Norman Mailer, depuis 1959 lorsque à trente-six ans il dressait le bilan de sa vie, l'a encore approfondie et amplement orchestrée. Fou du roi dans The Presidential Papers (1963), il traduit à travers un moi pluriel de son invention tous les détails de la vie américaine, filtrant l'histoire en train de se faire à travers sa propre sensibilité, luttant ainsi contre l'anesthésie du langage par les médias et la presse officielle. À l'époque du White Negro, Norman Mailer avait été le compagnon de route des beats ; à partir de 1967, il devient le plus étonnant représentant de l'école du « nouveau journalisme ». Le 21 octobre 1967, il participe à la manifestation qui se déroule à Washington contre la guerre du Vietnam et publie en 1968 le récit Les Armées de la nuit (The Armies of the Night) où le rebelle solitaire retrouve ses fantasmes anciens, seul face au Pentagone, centre du pouvoir technocratique et militaire, errant dans le monstrueux labyrinthe des couloirs sans trouver personne qui d'homme à homme soit responsable en son nom propre du napalm. L'été 1968, il suit de la moiteur de Miami au « charnier de Chicago » les péripéties de la campagne électorale et publie Miami et le siège de Chicago, portrait parfois lyrique de l'Amérique, de sa sauvagerie, de sa diversité, de ses vastes paysages. En juillet 1969, Mailer se souvient qu'il a été ingénieur en aéronautique ; son reportage sur le lancement d'Apollo-12, Bivouac sur la Lune (Of a Fire on the Moon, 1969) est écrit depuis l'intérieur du ventre de ce Léviathan qui l'obsède : la N.A.S.A. a remplacé ici le Pentagone, mais derrière, c'est toujours, comme dans Les Nus et les Morts, l'ombre de Moby Dick qui se profile. Qu'il évoque Marilyn Monroe (Marilyn, 1973), analyse les graffiti du métro de New York, assiste au combat entre Muhammad Ali et Joe Frazier (On the Fight of the Century, 1971), réplique au mouvement féministe qui l'a pris, avec Henry Miller, comme cible (The Prisoner of Sex, 1971), qu'il s'interroge sur l'assassinat du président Kennedy ou sur la guerre d'Irak, il n'y a pas de meilleur journaliste en Amérique. Sa fertilité grandiose, sa verve élisabéthaine ont donné à la langue anglaise des bonheurs qu'elle n'avait pas connus peut-être depuis D. H. Lawrence. Pierre-Yves Pétillon

Å’uvres Romans, biographies, essais et recueils de nouvelles

1948 : Les Nus et les Morts The Naked and the Dead
1951 : Rivage de Barbarie Barbary Shore
1955 : Le Parc aux cerfs The Deer Park
1956 : The White Negro: Superficial Reflections on the Hipster
1959 : Publicités pour moi-même Advertisements for Myself
1963 : The Presidential Papers
1966 : Un rêve américain An American Dream
1966 : Cannibals and Christians
1967 : Pourquoi sommes-nous au Vietnam ? Why Are We in Vietnam?
1968 : Les Armées de la nuit The Armies of the Night
1968 : Miami and the Siege of Chicago
1970 : Bivouac sur la lune Of a Fire on the Moon
1971 : Prisonnier du sexe The Prisoner of Sex
1972 : St. George and The Godfather
1974 : Graffiti de New York The Faith of Graffiti avec Mervyn Kulanski et Jon Naar
1974 : Un caillou au paradis et autres nouvelles nouvelles choisis de The Short Fictions of Norman Mailer & Advertisements for Myself
1974 : Marilyn - une biographie Marilyn: A Biography
1975 : Le Combat du siècle The Fight
1979 : Le Chant du bourreau The Executioner's Song
1980 : Mémoires imaginaires de Marilyn Of Women and Their Elegance
1980 : Of a Small and Modest Malignancy, Wicked and Bristling with Dots
1982 : Morceaux de bravoure Pieces and Pontifications
1983 : Nuits des temps Ancient Evenings
1984 : Les vrais durs ne dansent pas Tough Guys Don't Dance
1992 : Harlot et son fantôme Harlot's Ghost
1995 : Oswald. Un mystère américain Oswald's Tale: An American Mystery
1998 : L'Évangile selon le fils The Gospel According to the Son
1999 : L’Amérique. Essais, reportages, ruminations (The Time of Our Time
2003 : Pourquoi sommes-nous en guerre ? Why Are We At War?
2003 : The Spooky Art: Some Thoughts on Writing
2004 : Portrait de Picasso en jeune homme Portrait of Picasso as a Young Man: An Interpretive Biography
2006 : The Big Empty: Dialogues on Politics, Sex, God, Boxing, Morality, Myth, Poker and Bad Conscience in America
2007 : Un château en forêt The Castle in the Forest
2007 : On God: An Uncommon Conversation
2008 : Correspondance 1949-1986, Norman Mailer - Jean Malaquais
2009 : MoonFire: La Prodigieuse aventure d’Apollo 11 MoonFire: The Epic Journey of Apollo 11, extraits du roman Bivouac sur la lune et photos d’archives

Filmographie Comme acteur

1967 : Wild 90
1968 : Au-dessus des lois Beyond the Law
1969 : Maidstone
1981 : Ragtime de Miloš Forman
1987 : King Lear de Jean-Luc Godard
1996 : When We Were Kings interviewé
1999 : Cremaster 2 de Matthew Barney
2005 : Gilmore Girls saison 5 épisode 6 lui-même

Comme scénariste

1958 : Les Nus et les Morts coscénariste

Comme réalisateur
1967 : Wild 90
1968 : Au-dessus des lois Beyond the Law
1969 : Maidstone
1986 : Les vrais durs ne dansent pas

Prix et distinctions notable.

1969 : Prix Pulitzer pour Les Armées de la nuit
1969 : National Book Award de la meilleure œuvre de non fiction pour Les Armées de la nuit
1980 : Prix Pulitzer pour Le Chant du bourreau
2001 : Grand prix Metropolis bleu
2005 : National Book Award pour l'ensemble de son Å“uvre

Références culturelles

Mailer est mentionné dans la chanson Give Peace a Chance de John Lennon, ainsi que dans la chanson Santa Monica de Savage Garden. Il apparaît également dans son propre rôle dans un épisode de la série télévisée Gilmore Girls. Jimmy Kimmel, célèbre présentateur d'un show aux États-Unis lui rendra hommage dans un clip qu'il réalisera en réponse à une provocation de sa compagne Beatrice Silverman. Dans un autre style, Le rappeur Talib Kweli y fait référence dans la chanson "Get by" de l'album Quality 2005. Il est cité le 20/08/2010 par Jay-Z dans un morceau de Hip Hop "Power (remix)" du rappeur Kanye West.

Citations

Il définit en 1974 les graffitis comme « ta présence sur leur présence… ton sobriquet suspendu sur leur décor » (The Faith of Graffiti).



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#64 Marguerite Audoux
Loriane Posté le : 29/01/2016 18:39
Le 31 janvier 1937 meurt Marguerite Audoux

née Marguerite Donquichote, à 73 ans, à Saint-Raphaël Var, romancière française née le 7 juillet 1863 à Sancoins Cher, connue pour le succès et l'influence de son roman Marie-Claire.

Sa vie

Marguerite Donquichote naît à Sancoins, dans le Cher, le 7 juillet 1863. À l’âge de trois ans, elle perd sa mère, et son père abandonne ses filles. Marguerite et Madeleine, l’aînée, d’abord confiées à une tante, passent neuf années à l’orphelinat de l’Hôpital général de Bourges.
De 1877 à 1881, Marguerite est placée, en tant que bergère d’agneaux et servante de ferme, en Sologne à Sainte-Montaine, près d'Aubigny-sur-Nère. Les deux dernières années de cette période sont marquées par la rencontre d’Henri Dejoulx, avec qui la jeune fille vit un amour payé de retour, mais auquel la famille d’Henri, par peur d’une mésalliance, met un terme.

L’orpheline s'établit alors à Paris, où elle vit des années noires en exerçant le métier de couturière. Le chômage la contraint de faire d’autres travaux pénibles, à la Cartoucherie de Vincennes et dans la buanderie de l’Hôpital Laennec. Pendant ces années de misère, en 1883, elle a un enfant qui ne survit pas, et dont l'accouchement pénible lui vaut une stérilité définitive.
À la même époque, sa sœur Madeleine lui laisse sa fille Yvonne, que la future romancière élève, en dépit des difficultés financières auxquelles elle est confrontée.
C’est précisément cette nièce qui, sans bien sûr en avoir conscience, va favoriser la carrière littéraire de sa mère adoptive : la jeune fille volage, à seize ans, se prostitue, à l’insu de sa tante, dans le quartier des Halles de Paris ; or, un jeune homme, qui ignore également le commerce auquel elle s’adonne, s’éprend d’elle.
C’est Jules Iehl, alias Michel Yell en littérature, un ami d'André Gide. Quand il prend conscience de la situation, il va voir la tante, avec qui il se console si bien que leur relation ne prendra fin qu’en 1912. Yell fait rencontrer à son amie un groupe d’intellectuels, écrivains et artistes, parmi lesquels figurent Charles-Louis Philippe, Léon-Paul Fargue, Léon Werth et Francis Jourdain.
Michel Yell découvre que celle avec qui il partage ses jours et qui, dès 1895, a définitivement adopté le nom de sa mère : Audoux a écrit ses souvenirs, et d’une fort jolie façon. Il trahit le secret auprès de ses compagnons de route, qui constituent le groupe de Carnetin, du nom du village à l’est de Paris où ils se réunissent chaque dimanche de 1904 à 1907. Francis Jourdain, dont le père, l'architecte Frantz Jourdain, est un ami d’Octave Mirbeau, va trouver l’auteur du Journal d’une femme de chambre.
Celui qui règne en maître dans la République des Lettres est alors dépressif, et fait comprendre au jeune peintre qu’il n’est, pour l’heure, plus prêt à défendre quiconque. Il prend cependant le manuscrit, commence à le lire, et ne le termine avec enthousiasme que pour aller l’imposer aux éditeurs.
C’est donc à Octave Mirbeau que la couturière des lettres doit ce véritable coup d’État du 2 décembre 1910 : le Prix Femina que l’on décerne à l’ancienne bergère pour son roman intitulé Marie-Claire, dont les ventes dépassent les cent mille exemplaires. Il est traduit en allemand et en anglais, ainsi qu'en esperanto, en russe, en catalan, en suédois, en espagnol, en danois, en slovène.
Le second livre ne paraît que dix ans plus tard, après le départ de Michel Yell et la mort d’Alain-Fournier, le fils spirituel de la romancière, puis celle d'Octave Mirbeau, et au moment de l’adoption des trois fils d’Yvonne.
L’Atelier de Marie-Claire, paru en 1920, rencontre un certain succès, mais le tirage à douze mille exemplaires le place cependant loin derrière le best-seller dont il constitue la suite. C’est le début d’un lent decrescendo. Elle publie néanmoins De la ville au moulin en 1926, puis La Fiancée, un recueil de contes digne d’intérêt que Flammarion édite en 1932, et enfin Douce Lumière, roman posthume qui sort fin 1937. La romancière, décédée le 31 janvier de cette même année, est inhumée à Saint-Raphaël, où l’amoureuse de la mer a terminé son existence.

Les quatre romans

Marie-Claire 1910, Eugène Fasquelle, éditeur, 1910.
L’Atelier de Marie-Claire, Grasset, 1920 ; Les Cahiers Rouges, 1987. L'atelier de couture où Marie-Claire a trouvé du travail est dépeint comme une grande famille.
Les patrons, M. et Mme Dalignac, et les ouvrières, obligées de s'embaucher en usine lors des périodes de chômage, dépendent de la même façon des clientes, exigeantes et souvent mauvaises payeuses.
Ainsi ce roman est à la fois la peinture d'un milieu social et une suite d'anecdotes variées qui, tout en campant avec précision les personnages des ouvrières, permettent au récit de progresser.
Après la mort des patrons, on ne sait si Marie-Claire épousera Clément, le neveu de Mme Dalignac, qu'au demeurant elle n'aime pas.
De la ville au moulin, Fasquelle, 1926. En voulant s'interposer lors d'une dispute qui oppose ses parents, Annette Beaubois est blessée à la hanche et demeure boiteuse.
Elle part pour le moulin de son oncle, bientôt suivie par ses frères et sœurs que ses parents, en train de se séparer, lui confient.
À vingt ans, elle consent à vivre avec un ami de son frère, Valère, qui sombre dans l'alcoolisme, et la trompe.
Enceinte de ses œuvres, elle le quitte néanmoins pour aller accoucher, à Paris, d'un enfant qui ne survit pas. Dans la capitale, elle retrouve sa famille, puis, la guerre terminée, elle reconnaît Valère dans un grand blessé. Elle est prête à lui redonner sa chance.
Douce Lumière, Grasset, 1937 posthume. Douce est le surnom d'Églantine Lumière. Sa mère est morte en couches, le père s'est suicidé de désespoir, et le grand-père maternel voue à la fillette une injuste rancune.
Douce trouve du réconfort auprès de son jeune voisin, Noël, et, au fil des années, l'amitié se transforme en amour.
Mais Églantine est victime d'une campagne de calomnie de la part de la famille du jeune homme qui, hostile à leur union, réussit à les séparer.
L'héroïne, à jamais marquée par son expérience et fidèle au souvenir de Noël, se retrouve à Paris, où elle sympathise avec Jacques, son voisin, malheureux en amour, puis veuf.
Une tentative de relation amoureuse échoue. Jacques part pour la guerre et revient peu après handicapé. À la mort de sa fille, il perd la raison

Mémoire

Il existe un prix Marguerite-Audoux, ainsi qu'un prix Marguerite-Audoux des collèges que décernent les collégiens du Cher, à l'instar des membres du jury du prix national, à un ouvrage de littérature de jeunesse récemment publié et dont le thème ou l'univers rejoignent ceux de Marguerite Audoux.
La ville d'Aubigny-sur-Nère a consacré à Marguerite Audoux un musée qui rassemble plusieurs objets familiers de l'écrivain, légués par ses héritiers.
Sur la façade de la mairie de Sainte-Montaine est apposée une plaque rappelant que Marguerite Audoux fut bergère dans une ferme située sur la commune, qui lui inspira bien des personnages et lieux évoqués dans ses romans.
Une bibliothèque municipale parisienne porte le nom de Marguerite Audoux. En mai 2007, après un vote des habitants du 3e arrondissement de Paris, auxquels étaient également proposés les noms de Hannah Arendt, Robert Desnos et André Schwarz-Bart, ce nom a été choisi pour la nouvelle bibliothèque du quartier, qui a ouvert ses portes au 10 rue Portefoin le 17 janvier 2008.

Article

Prix Marguerite Audoux


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#65 Jean Giraudoux
Loriane Posté le : 29/01/2016 18:14
Le 31 janvier 1944 meurt Hippolyte Jean Giraudoux

à 61 ans, à Paris, écrivain, Dramaturge, romancier, essayiste, diplomate, Auteur de langue français et un diplomate français, né le 29 octobre 1882 à Bellac dans la Haute-Vienne.
Brillant étudiant et soldat décoré pendant la Première Guerre mondiale, il occupe des fonctions diplomatiques et administratives tout en écrivant des romans Suzanne et le Pacifique en 1921, Siegfried et le Limousin en 1922 avant de se diriger vers le théâtre après sa rencontre avec le comédien Louis Jouvet qui mettra en scène et interprétera ses œuvres principales. Ses Œuvres principales sont La guerre de Troie n'aura pas lieu, Électre.
Il est aujourd'hui surtout connu pour son théâtre qui compte des pièces célèbres comme Amphitryon 1928, La guerre de Troie n'aura pas lieu 1935, Électre 1937, Ondine 1939, ou encore La Folle de Chaillot jouée en 1945 après sa mort. Jean Giraudoux a participé comme d'autres dramaturges des années 1930-1940, Cocteau, Anouilh, Sartre, Camus par exemple à la réécriture des mythes antiques éclairés par les mentalités modernes. Il a su allier fantaisie poétique et goût pour les images insolites, et également associer le tragique et le léger dans une langue élégante et fine, parfois même poétique comme dans Intermezzo ou Ondine.
Germanophile et diplomate de carrière, il est Commissaire général à l'information en 1939-1940 et pendant l'Occupation sa situation est complexe et son rôle contrasté.
Jean Giraudoux meurt à Paris le 31 janvier 1944, à l'âge de soixante et un ans, à la suite d'une intoxication alimentaire ou d'une inflammation du pancréas.

En bref

Un romantique du XXe siècle, qui finit par prendre rang dans la lignée des classiques, à la suite de Marivaux et Musset, et pas tellement loin de ce Racine dont il a parlé comme d'un double ; un La Fontaine, rêveur et distrait, qui laisse une œuvre de quarante volumes ; l'« enchanteur » de son temps, comme fut nommé Chateaubriand, et comme lui caressant l'idée d'une mission politique, qui se résorbe en littérature : les paradoxes qu'inspire le cas Giraudoux ne peuvent se résoudre que dans une réflexion sur les pouvoirs de l'écriture.
L'homme Giraudoux fut pleinement un homme, comme son Holopherne ; « Un homme enfin de ce monde, du monde, l'ami des jardins à parterres, des maisons bien tenues, de la vaisselle éclatante sur les nappes, de l'esprit et du silence... Le pire ennemi de Dieu. »
L'écrivain Giraudoux est tout entier écrivain, comme son Racine, en qui « il n'est pas un sentiment qui ne soit un sentiment littéraire : sa méthode, son unique méthode, consiste à prendre de l'extérieur, par le style et la poétique comme par un filet, une pêche de vérités ».
Pour l'homme Giraudoux, attentif à ses plaisirs, à ses amours, à ses amitiés, à sa forme physique, à son équilibre moral, à son élégance et à sa jeunesse d'allure, l'écriture fut le plus équilibrant des plaisirs. Il écrivait d'un jet, sans ratures, laissant parfois un mot en blanc parce qu'il savait que les difficultés se franchissent dans la foulée, comme les haies de 400 mètres, dont il était champion universitaire. Il écrivait un roman en trois semaines, pendant ses vacances, en guise de vacances. Le miracle, c'est que tant d'humanité soit passée dans l'écriture.
L'indifférent pathétique. La première carrière de Jean Giraudoux est l'histoire d'une jeunesse, la plus longue et la plus vagabonde, prolongée par la guerre jusqu'au seuil de la quarantaine. Un adolescent très doué et très sensible tarde à entrer dans la vie et se protège des blessures de l'existence par des boucliers de papier doré. Son écriture fantasque enchaîne les figures de style dans un réseau précieux de descriptions et de métaphores. Aimant Jules Laforgue et Claude Debussy, fréquentant Paul-Jean Toulet et Charles-Louis Philippe, il introduit dans la nouvelle, alors naturaliste, une sensibilité post-symboliste et l'art des instantanés autobiographiques. Car le jeune Giraudoux n'a qu'à se souvenir pour écrire de délicates nouvelles, pour la plupart recueillies dans Provinciales (1909), L'École des indifférents (1911), Lectures pour une ombre (1917), Adorable Clio (1920). Ces précieux petits volumes ne touchent qu'une poignée de fins lettrés, au nombre desquels André Gide et Marcel Proust.
Ils y lisent en filigrane, et à travers un double voile de pudeur et d'ironie, l'histoire d'un enfant trop adoré par une mère délicate et distinguée et trop rudoyé par un père simple et sévère, petit fonctionnaire accablé par ses travaux d'écriture. De Bellac (Haute-Vienne) où il naquit, de Pellevoisin (Indre) où il fréquente l'école publique et la miraculée locale, sainte Estelle, de Cérilly (Allier) où il passe ses vacances de lycéen, un même paysage se compose, limousin ou berrichon, sans éclat et tout en nuances, et la même société villageoise tient à l'étroit les grands élans du cœur. On y rêve d'évasion, de la ville, de Paris. Mais, pour le gamin de onze ans, la ville c'est le lycée de Châteauroux, puis le lycée Lakanal, puis l'École normale supérieure, la vie d'interne jusqu'à la fin du service militaire, avec pour seule échappée la lucarne magique des livres et pour seule liberté celle du travail scolaire. La culture sera à jamais vouée, dans la pensée de Giraudoux, au destin le plus ambigu : elle est l'envol loin des mesquineries quotidiennes, et elle est l'aberration qui arrache l'homme à la vie simple et tranquille des champs.
Le lycéen modèle, lauréat du concours général en version grecque, une fois reçu à l'École normale supérieure, fait l'école buissonnière à la terrasse du café Vachette, se découvre une vocation de germaniste pour obtenir une bourse de voyage, part deux fois pour Munich et Berlin, revient prématurément dans sa famille, échoue à l'agrégation, séjourne à Harvard et passe sur le tard le « petit concours » des Affaires étrangères : il entre par la petite porte dans une carrière qui ne sera pas très brillante pour lui, mais qui lui donne l'illusion de satisfaire par sa vie professionnelle une hantise de sa vie morale, l'évasion, le dépaysement. En fait, il refusera toute affectation hors de France, préférera de rapides missions dans les cinq continents, et gardera son port d'attache au Quai d'Orsay. Car l'étranger, pour lui, n'est qu'un mythe.
Les chimismes de l'amour lui ont fait découvrir les intermittences du cœur et de l'esprit. Il suffit en effet d'être mal aimé, comme Simon, ou au contraire trop aimé, comme Jacques l'Égoïste, pour être pathétique ou indifférent. D'ailleurs, Simon le Pathétique (1918) fréquente aussi l'« école des indifférents », appliqué qu'il est à « oublier sa vie » et à « s'épargner la tâche vile de se connaître ». Giraudoux pense comme la Nausicaa qu'il a évoquée dans Elpénor (1919) : « Pour lui-même, cet étranger n'est plus un étranger ! J'aimerais tant aimer quelqu'un qui fût étranger même à soi-même ! » De là, tout au long de son œuvre, le thème pirandellien du double, du reflet, du sosie, et l'idée de l'amnésie illustrée en 1922 par le roman de Siegfried et le Limousin.

Sa vie

Fils cadet de Léger Giraudoux, employé des Ponts et chaussées, et d'Anne Lacoste, Jean Giraudoux naît à Bellac, un an avant la nomination de son père à Bessines. Ce dernier quitte le corps des Ponts et chaussées en 1890 pour devenir percepteur à Pellevoisin. Reçu premier du canton au certificat d'études en 1892, Jean Giraudoux entre en octobre 1893 comme boursier au lycée de Châteauroux, qui porte aujourd'hui son nom lycée Jean-Giraudoux, où il fait sa première communion en juin 1894, et est interne jusqu'à son baccalauréat en 1900.
Bachelier de philosophie, il poursuit ses brillantes études en classes préparatoires au lycée Lakanal de Sceaux pour tenter le concours littéraire de l'École normale supérieure; il termine sa seconde année de khâgne avec le prix d'excellence et obtient le premier prix de version grecque au concours général en 1902. Reçu 13e sur 21 à l'École normale supérieure de Paris, il accomplit son service militaire au 98e régiment d'infanterie à Roanne, Clermont-Ferrand et Lyon, dont il sort en 1903 avec le grade de caporal. Entré à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, dans la section lettres, il est passionné par la culture allemande. Après l'obtention, avec la mention « bien », de sa licence de lettres à la Sorbonne en juillet 1904, avec un mémoire sur les Odes pindariques de Ronsard, il passe, sur les conseils de son maître Charles Andler, dans la section d'allemand en novembre.
Ayant obtenu une bourse d'études, il s'inscrit alors à l'université de Munich. Durant l'été 1905, il est le répétiteur du fils du prince de Saxe et de Paul Morand à Munich, et il rencontre Frank Wedekind. Puis il part en voyage pour la Serbie, l'Autriche-Hongrie Trieste entre autres et Venise en Italie. En 1906, il obtient sa maîtrise et fait, durant l'été, un séjour linguistique en Allemagne. Après un échec à l'agrégation d'allemand, il se rend aux États-Unis, de septembre 1907 à mars 1908, avec une bourse pour l'Université Harvard. À son retour, il entre à la rédaction du Matin et prépare le concours des Affaires étrangères, auquel il échoue en 1909. La même année, il publie son premier livre, Provinciales, remarqué par André Gide. En juin 1910, reçu premier au concours des chancelleries, il est nommé élève vice-consul à la direction politique et commerciale du ministère des Affaires étrangères ; il assure le convoiement de la valise diplomatique à Constantinople, Moscou, puis Vienne. Par ailleurs, il fait la connaissance de Rosalia Abreu 1886-1955, sœur de son ami Pierre, une jeune héritière cubaine, pour laquelle il éprouve une passion non partagée.
Promu attaché au bureau d'étude de la presse étrangère en septembre 1912, il devient vice-consul de 3e classe en 1913. La même année, il fait paraître chez Grasset L'École des indifférents et entame une liaison avec Suzanne Boland 1881-1969, mariée au commandant Paul Pineau, mais séparée de son mari.
Mobilisé comme sergent au 298e régiment d'infanterie en 1914, puis nommé sous-lieutenant, il est blessé à deux reprises, à la bataille de la Marne en 1914, aux Dardanelles en 1915, et nommé chevalier de la Légion d'honneur. Convalescent, il entre au bureau de la propagande du ministère des Affaires étrangères grâce à Philippe Berthelot, avant de participer à une mission militaire et diplomatique à Lisbonne en août-novembre 1916. Il prend part ensuite à la « mission Harvard », qui le conduit aux États-Unis en avril-août 1917.
Ce faisant, il continue d'écrire, faisant paraître Retour d'Alsace. Août 1914 en 1916, Lectures pour une ombre en 1917, Amica America et Simon le pathétique en 1918.

Le sourcier de l'Éden

La victoire de 1918 ouvre la seconde carrière de Giraudoux. La guerre l'a obligé à « se rendre compte du monde et de son mouvement » et l'a détourné de son dandysme, de son égotisme, de son apolitisme, de son indifférence. Il accède au grand cadre des Affaires étrangères en 1919. Il se marie, il a un fils, un cercle d'amis très parisiens, la direction du service de presse du Quai d'Orsay, et son talent s'épanouit : au lieu d'une nouvelle, c'est un roman qu'il publie tous les deux ans, avec un succès croissant.
La plupart de ces romans racontent une fugue. De l'Allemagne au Pacifique, de la Gartempe au Niagara, Giraudoux promène ses héros dans l'exotisme et, à ce titre il est le chef de file, suivi de son ami Paul Morand, du roman nouveau des années vingt : roman descriptif, roman déambulatoire, roman du regard mobile. L'enchantement de Suzanne en son île (Suzanne et le Pacifique, 1921) n'est pas près de se dissiper : il est si merveilleux de renier le laborieux Robinson, au lieu de peiner puritainement comme lui à reconstituer la civilisation européenne, et de boire le lait à même l'arbre à lait, de cueillir son pain dans l'arbre à pain ! Ce désir de liberté exotique emporte Juliette au pays des hommes (1924), tue Bella (1926) dans son effort pour attirer l'un vers l'autre Rebendart et Dubardeau (lisez Poincaré et Berthelot) comme deux continents, provoque les Aventures de Jérôme Bardini (1930) et l'amour de Jacques pour Maléna (Combat avec l'ange, 1934). Mais ces fugues ne sont pas des fuites. Le grand départ s'achève par un heureux retour.
Car malgré la déchirure secrète, les romans de Giraudoux ne respirent pas la nostalgie. L'émerveillement d'abord, la sagesse ensuite font que ses héros trouvent le bonheur sur cette terre, et ses jeunes filles s'arrachent aux embrassements des fantômes, des génies et des bêtes pour épouser, dans leur village, un homme. La vie est belle et jeune pour ceux qui savent marier la modernité et la sensualité, pour ceux qui surprennent le monde à des heures où il n'a pas l'habitude d'être contemplé, dans la fraîcheur de la première heure et comme du premier jour. C'est l'Éden retrouvé, ou, comme il est dit dans la « Prière sur la tour Eiffel » (Juliette au pays des hommes), « l'intervalle qui sépara la création et le péché originel ».

Giraudoux dramaturge ou l'illusionniste engagé

Sa troisième carrière est la plus brillante, et s'ouvre par un coup d'éclat : la générale de Siegfried (pièce tirée en 1928 du roman de 1922) marque la restauration en France de ce théâtre littéraire si vainement souhaité par Copeau. Chaque soir, pendant plus de dix ans, Giraudoux, interprété par Jouvet, régnera sur les théâtres parisiens.
Reprenant de vieux thèmes pimentés d'anachronismes (Amphitryon 38 en 1929 ; Judith, 1931 ; Électre, 1937 ; Ondine, 1939) ou créant de nouveaux mythes (Siegfried, 1928, Intermezzo, 1933), Giraudoux rétablit le théâtre dans sa dignité d'assemblée générale des peuples, et invite ses spectateurs à de souriantes méditations sur les problèmes éternels de l'amour, de la condition humaine, de la guerre. Dans son travesti mythologique, l'actualité est bien reconnaissable (La guerre de Troie n'aura pas lieu, 1935), et Giraudoux peut se prendre pour le penseur politique de son temps (Pleins Pouvoirs, 1939).
La guerre rend caduc son programme d'urbanisme et de salubrité (programme qui retrouve sa valeur aujourd'hui). Sa nomination au poste de commissaire à l'Information (août 1939) perd tout sens du fait de la censure. L'Occupation marque pour lui la fin d'un monde qu'il décrit d'abord comme la fin du monde : Sodome et Gomorrhe (1943) dit l'échec du couple et la défaite de la patrie. Mais il se ressaisit. En écrivant La Folle de Chaillot, il semble pressentir le temps où elle sera créée (1945) : dans un Paris qui n'a pas oublié sa belle époque, une vieille folle inspirée entraîne un petit peuple d'égoutiers et de chanteurs des rues dans une révolution gentiment anarchiste. Il n'a pas été donné à Giraudoux, mort en janvier 1944, de voir la libération de Paris. Mais Sartre nota aussitôt : « Les vieilles valeurs de mesure, d'ordre, de raison, d'humanisme qu'il a redécouvertes demeurent, après sa mort, « proposées ». Toutes nos violences n'empêcheront pas qu'elles existent... Elles resteront, quel que soit le chemin que nous choisissions demain, comme une chance possible ou comme un beau regret ou peut-être comme un remords. » Jacques Body

Maturité 1919-1940

Après la guerre, il s'éloigne de l'Allemagne. Démobilisé en 1919, il devient secrétaire d'ambassade de troisième classe et dirige le Service des œuvres françaises à l'étranger 1920 puis le service d'information et de presse au Quai d'Orsay (fin octobre 1924). Au Quai d'Orsay il rejoint un de ses amis d'enfance le diplomate Philippe Berthelot.
Suzanne Boland lui donne un fils, Jean-Pierre, le 29 décembre 1919. Ils se marieront en 1921, Suzanne ayant divorcé l'année précédente. La même année paraît Suzanne et le Pacifique, roman suivi en 1922 par Siegfried et le Limousin, qui se voit décerner le prix Balzac, et en 1924 par Juliette au pays des hommes. En 1926, il est promu officier de la Légion d'honneur.
En 1927, il se fait placer hors cadre à la disposition de la Commission d'évaluation des dommages alliés en Turquie, commission où il reste sept ans. Ce poste lui laissant beaucoup de temps libre, il en profite pour écrire ses premières pièces de théâtre. La rencontre avec Louis Jouvet en 1928 stimule en effet sa création théâtrale avec le succès de Siegfried 1928, adaptation théâtrale de son roman Siegfried et le Limousin, d’Amphitryon 1929 et d’Intermezzo 1933, malgré l'échec de Judith 1931.
À la fin de 1931, il entame avec Anita de Madero une liaison qui s'achève en 1936 par le départ de la jeune héritière argentine qui part se marier en Amérique du Sud.
En juin 1932, il est chargé de mission au cabinet d'Édouard Herriot, président du Conseil5, qu'il accompagne lors de la conférence de Lausanne. La même année, il écrit la préface de la traduction du livre de l'écrivaine germanophone d'origine messine Adrienne Thomas, Catherine Soldat.
En 1934, il est nommé inspecteur général des postes diplomatiques et consulaires. Devant la montée des périls en Europe, il écrit La guerre de Troie n'aura pas lieu, pièce pessimiste (bien que non dénuée d'humour grinçant) ayant pour thème le cynisme des politiciens et la différence entre l'histoire telle que les dirigeants la montrent au peuple et telle qu'elle se passe réellement. En 1936, Jean Zay lui propose la direction de la Comédie-Française, mais il la refuse. La même année, il devient commandeur de la Légion d'honneur.
Le 28 avril 1939, il rencontre dans un studio de la radio, lors d'un entretien sur Ondine, Isabelle Montérou, jeune journaliste avec laquelle il entame une liaison qui dure jusqu'en novembre 1943. A la veille de la guerre, Giraudoux publie un important essai politique, recueil d'articles et de conférences : Pleins pouvoirs Gallimard, 1939, dans lequel, prenant modèle sur les États-Unis, il demande notamment l'adoption d'une politique d'immigration, afin, non « d’obtenir dans son intégrité, par l’épuration, un type physique primitif, mais de constituer, au besoin avec des apports étrangers, un type moral et culturel ». Sa préférence va vers « une immigration scandinave éminemment souhaitable », à l'exclusion de « ces races primitives ou imperméables dont les civilisations, par leur médiocrité ou leur caractère exclusif, ne peuvent donner que des amalgames lamentables », symbolisées selon lui par les Arabes
Devant la montée des périls, Giraudoux s'engage en politique. Lors du remaniement ministériel du 29 juillet 1939, il est nommé par Édouard Daladier Commissaire général à l'information et prononce ses Messages du Continental, contre la guerre hitlérienne.
Le 21 mars 1940, lors de la formation de son gouvernement, Paul Reynaud le remplace par Ludovic-Oscar Frossard, nommé ministre de l'Information, et il devient président d'un « Conseil supérieur de l'information ».

Seconde guerre mondiale et mort 1940-1944

Durant la débâcle de juin 1940, il suit le gouvernement à Bordeaux, avant de s'installer auprès de sa mère à Vichy. Nommé directeur des Monuments historiques à l'automne 1940, il fait valoir ses droits à la retraite en janvier 19419 et commence deux écrits inspirés par la défaite, qui ne paraîtront qu'après sa mort, le second étant resté inachevé : Armistice à Bordeaux 1945, et Sans Pouvoirs 1946, édités l'un et l'autre à Monaco.
Commissaire général à l'information sous Daladier, sa situation pendant l'Occupation est complexe et son rôle contrasté
Sa passion pour la culture allemande existe de longue date : Tous ceux qui aiment le travail, la musique, l'étude sont exilés d'Allemagne. Nous qui aimons Dürer, Goethe, nous sommes exilés d’Allemagne; mais il l'a délaissée depuis quelques années, à l'époque, et Ondine 1939 constitue un « adieu » à l'« âme franco-allemande ».
Dans Armistice à Bordeaux, il s’oppose, phrase par phrase, au second discours de Pétain, refusant l'expiation nationale
Il a refusé le poste de ministre de France à Athènes proposé par Vichy après l'armistice du 22 juin 1940 mais entretient des relations personnelles avec plusieurs membres du nouveau gouvernement.
Son fils Jean-Pierre a rejoint Londres dès juillet 1940 et s'est engagé dans les Forces navales françaises libres.
D'après le témoignage de Gérard Heller, qui l'a rencontré en juillet 1941, « Giraudoux perdit vite confiance dans les bonnes intentions du maréchal Pétain » et « avait très tôt communiqué à Londres des informations sur l'activité intellectuelle clandestine en France ».
En 1942, alors qu'il loge à Paris, il affirme « l'impossibilité d'une véritable rencontre entre les deux cultures tant que durerait la guerre ».
La même année, un journaliste collaborationniste lui reproche d'avoir, dans ses fonctions de commissaire général à l'information, accepté de « seconder les Juifs dans « leur » guerre ».
On lui propose de quitter la France. Il refuse, arguant de la nécessité de livrer en France une « lutte d’influence avec l’Allemagne ».
Sa participation à la lutte contre l'occupation allemande au sein de la Résistance reste encore débattue. En décembre 1943, il aurait projeté de participer à sa façon à la Résistance.
Il poursuit ses travaux littéraires avec L'Apollon de Bellac, Sodome et Gomorrhe et La Folle de Chaillot et, devenu directeur littéraire chez Gaumont, participe à des adaptations cinématographiques, qu'il s'agisse de La Duchesse de Langeais de Balzac pour le film éponyme de Jacques de Baroncelli ou des Anges du péché pour Robert Bresson.
Après la mort de sa mère en 1943, sa santé se dégrade. Jean Giraudoux meurt le 31 janvier 1944, à l'âge de soixante et un ans, selon la version officielle, à la suite d’une intoxication alimentaire, mais, plus probablement, d’une pancréatite.
Quelques jours après son inhumation, qui a lieu le 3 février 1944 dans un caveau provisoire du cimetière de Montmartre, Claude Roy fait courir le bruit, au café de Flore, qu'il a été empoisonné par la Gestapo. Louis Aragon le reprend à son compte dans Ce soir le 20 septembre 1944 : « Pourquoi ? Pas seulement parce que c’est le plus français de nos écrivains, mais certainement aussi pour son activité résistante gardée très secrète et que, pour ma part, j’avais devinée durant le dernier entretien que je devais avoir avec lui cinq jours avant sa mort ». Une biographie explorant la question lui est consacrée par Jacques Body en 2004.
Il est inhumé au cimetière de Passy à Paris.

Giraudoux antisémite et raciste ?

Se fondant sur plusieurs citations tirées du chapitre « La France peuplée » de Pleins pouvoirsN 6, voire, dans certains cas, sur des extraits de répliques d'Holopherne dans Judith, plusieurs auteurs considèrent que Giraudoux était antisémite et raciste. Spécialiste de Sartre, Jean-François Louette juge ainsi que Giraudoux « évoque maints problèmes » dans Pleins pouvoirs, mais que « l'essentiel aujourd'hui semble le chapitre intitulé La France peuplée », dont il stigmatise la « violence raciste ». Pour Jean-Claude Milner, « le Giraudoux raciste et le Giraudoux républicain ne parviennent pas à se détacher ». Daniel Salvatore Schiffer juge, quant à lui, que, dans Pleins pouvoirs, Giraudoux est « non loin [...] de l'antisémitisme de Fichte ou Hegel ». Aux yeux de Claude Liauzu, Giraudoux a donné des connotations positives au mot « raciste », dans le cadre d'une banalisation du racisme, dans les années trente. Selon Pierre Vidal-Naquet, de même, le racisme de Giraudoux, en 1939, est prodigieusement banal.
Pour André Job, « l'antisémitisme, c'est d'abord, à n'en pas douter, une façon de ne pas résister au plaisir d'un "bon mot", si malveillant soit-il », usage auquel il est arrivé à Giraudoux de sacrifier, « sans que les exemples soient en assez grand nombre pour qu'on puisse les juger vraiment significatifs ».
Alain Duneau parle de « défaillances », considérant que « deux pages de Pleins pouvoirs lui ont été à juste titre reprochées, mais sans lucidité particulière, par des professeurs de vertu qui ne s'interrogent peut-être pas assez sur eux-mêmes ou sur les illusions rassurantes mais criminelles dont d'autres se sont bercés ». À ses yeux, « ces deux pages trop connues pourraient bien être le fruit de l'appréhension d'un retour de la guerre », et il signale que « tout mot "raciste" a disparu chez lui dès que la guerre — réelle — a été déclarée ». Toujours selon lui, la répulsion de Giraudoux à l'égard de toute forme de laideur, « sans doute ressentie comme une forme du mal » peut également « expliquer en partie certaines de ses faiblesses [...] qui lui ont été abondamment reprochées accusations injustifiées de racisme ».
Pour son biographe Jacques Body, « Giraudoux antisémite, Giraudoux vichyste, c’est devenu l’antienne des ignorants. » Selon lui, de Pleins pouvoirs, « son plaidoyer pour une politique d’immigration et pour le droit d’asile », on a fait, « cinquante ans plus tard, un bréviaire xénophobe et raciste, à coup de citations tronquées. » Il considère que, chez Giraudoux, « l'appartenance à une patrie marque un homme, mais par la culture, non par des contraintes naturelles ou sociologiques. Giraudoux croit à la patrie, pas à la race. »
Pierre Charreton, de son côté, relève que, si Giraudoux défend l'avènement d'une « politique raciale » et d'un « ministère de la race », pour lui, le terme de « race », « aujourd'hui empoisonné, voire tabou », mais « employé sans précaution jusqu'au milieu du siècle, parfois certes dans un sens proprement raciste, mais aussi dans une acception proche du terme "peuple" », renvoie à un « habitus », un ensemble de valeurs et de comportements partagés sur un territoire, et non à une référence ethnique. Giraudoux, rappelle-t-il, défend l'idée que « la race française est une race composée. (...) Il n'y a pas que le Français qui naît. Il y a le Français qu'on fait. » Le but d'une « politique raciale », selon lui, n'est pas de retrouver un « type physique primitif », mais de « constituer, au besoin avec des apports étrangers, un type moral et culturel »49. De même, il relève que l'auteur éprouve un « choc désagréable » en découvrant sur une pancarte ou une affiche l'inscription : « La France aux Français », jugeant que cette phrase, au lieu de « l'enrichir le dépossède ».

Å’uvres Romans et nouvelles

Provinciales, 1909
L'École des indifférents comprenant Jacques, l'égoïste ; Don Manuel, le paresseux ; Bernard, le faible Bernard, 1911
Lectures pour une ombre, 1917
Simon le Pathétique, 1918
Amica America, 1918
L'Adieu à la guerre, 1919, Grasset
Elpénor, 1919
Adorable Clio, 1920
Suzanne et le Pacifique, 1921
Siegfried et le Limousin, 1922 qui lui apporta le succès. éditions Grasset
Juliette au pays des hommes, 1924
Bella, 1926
Églantine, 1927
Aventures de Jérôme Bardini, 1930
La France sentimentale, 1932
Combat avec l'ange, 1934
Choix des élues, 1939
La Menteuse, publié à titre posthume en 1958

Å’uvres diverses

Les Cinq Tentations de La Fontaine, 1938
Pleins pouvoirs, 1939
Littérature, 1941
Sans pouvoirs
Hommage à Marivaux, 1943
Visitations, 1947
Or dans la nuit, recueil posthume en 1969
Les Contes d'un matin
De pleins pouvoirs à sans pouvoirs, 1950
Pour une politique urbaine, 1947

Théâtre

Siegfried, 1928
Amphitryon 38, 1929
Judith, 1931
Intermezzo, 1933
Tessa, la nymphe au cœur fidèle adaptation Jean Giraudoux d'après Basil Dean et Margaret Kennedy, 1934
La guerre de Troie n'aura pas lieu, 1935
Supplément au voyage de Cook, 1935
L'Impromptu de Paris, 1937
Électre, 1937
Cantique des cantiques, 1938
Ondine, 1939
L'Apollon de Bellac, 1942
Sodome et Gomorrhe, 1943
La Folle de Chaillot, 1945
Pour Lucrèce, 1953
Les Gracques, pièce inachevée publiée en 1958
Les Siamoises, pièce ébauchée publiée en 1982

Cinéma

Scénariste
1942 : La Duchesse de Langeais, de Jacques de Baroncelli d'après Honoré de Balzac adaptation et dialogue
1943 : Les Anges du péché de Robert Bresson scénario, avec Robert Bresson et Raymond Léopold Bruckberger, et dialogue

Bibliographie Monographies

Jacques Body, Jean Giraudoux : la légende et le secret, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Écrivains »,‎ novembre 1986, 174 p.
Étienne Brunet, Le Vocabulaire de Jean Giraudoux, structure et évolution : Statistique et informatique appliquées à l’étude des textes à partir du Trésor de la langue française, Genève, éditions Slatkine, 1978, 688 p., (ouvrage issu d’une thèse de doctorat d’État soutenue à Nice le 6 janvier 1976, ouvrage distingué par le CNRS qui a accordé à l'auteur la médaille de bronze de l’année 1976 au titre de la 36e section, Études linguistiques et littéraires françaises.
Philippe Dufay, Jean Giraudoux : biographie, Paris, Julliard,‎ 8 octobre 1993, 532 p.
Natacha Michel, Giraudoux : le roman essentiel, Paris, Hachette littératures, coll. « Coup double »,‎ 6 juillet 1998, 215 p.
Jacques Body, Jean Giraudoux, Paris, Gallimard,‎ 29 avril 2004, 950 p.
Guy Teissier et Mauricette Berne, Les Multiples Vies de Jean Giraudoux, Paris, Grasset,‎ 10 novembre 2010, 490 p.



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#66 Yves Narvarre
Loriane Posté le : 24/01/2016 15:16
Le 24 janvier 1994 à Paris meurt Yves Navarre

à 53 ans, né le 24 septembre 1940 à Condom, écrivain français, cofondateur en 1976, avec Marie Cardinal, du Syndicat des écrivains de langue française. Yves Navarre, dont un des thèmes principaux de l'œuvre est l'homosexualité, disait vouloir défendre une sensualité plutôt qu'une sexualité. Il a obtenu le prix Goncourt pour " Le Jardin d'acclimatation en 1980.

Sa vie

Après des études d'espagnol, d'anglais et de lettres modernes à l'Université de Lille, Yves Navarre est diplômé de l'École des hautes études commerciales du Nord EDHEC, promotion 1964. Durant les premières années de sa vie professionnelle, Yves Navarre travaille dans la publicité comme concepteur-rédacteur, notamment à Publicis. Il devient même directeur de création chez BBDO 1969-1971 ; il y engage un jeune rédacteur qui fera son chemin, Thierry Ardisson.
Navarre commence à publier en 1971, initiant une prolifique carrière avec Lady Black, dont le personnage principal se travestit à l'occasion (c'est Jean-Louis Bory qui recommande son manuscrit à Flammarion.
Les Loukoums, histoire d'une maladie frappant certaines personnes vivant à New York, le fait connaître en 1973.
Il enchaîne alors les parutions, souvent autour du thème de l'amour entre deux hommes, Le Petit Galopin de nos corps, 1977 ; Portrait de Julien devant la fenêtre, 1979. Il s'essaie également au théâtre avec des pièces comme Il pleut, si on tuait papa-maman, Dialogue de sourdes, La Guerre des piscines, Lucienne de Carpentras où l’on retrouve l’un des personnages principaux des Loukoums, Lucy Balfour ou encore Les Dernières Clientes.
Son roman Le Jardin d'acclimatation, histoire d'un jeune homme de bonne famille envoyé à l'internement et à la lobotomie parce qu'homosexuel, reçoit le prix Goncourt en 1980 le prix couronne en fait l'ensemble de son œuvre. Quelques années plus tard, une autre distinction littéraire, le prix 30 millions d'amis, récompense son roman Une vie de chat Albin Michel, 1986.
Navarre devient le porte-parole de François Mitterrand pour les homosexuels en 1981 et 1989, mais il se sent incompris comme romancier et snobé par le milieu littéraire parisien.
Il part donc vivre, de 1990 à 1993, à Montréal Québec. Il y situe son roman Ce sont amis que vent emporte 1991, dans lequel un couple d'artistes Roch et David, l'un sculpteur, l'autre danseur luttent contre le sida.
Réalisant bientôt que le Canada n'est pas la « terre promise » qu'il espérait, l'écrivain rentre à Paris et y retrouve les problèmes qui l'avaient incité à s'expatrier. Accablé de soucis entre autres, financiers, car ses droits d'auteur, depuis longtemps sa seule ressource, sont devenus très modestes, complètement déprimé, il se suicide aux barbituriques le 24 janvier 1994. Le titre d'un dernier recueil de nouvelles publié à titre posthume, en 2006, Avant que tout me devienne insupportable résume bien l'état d'esprit dans lequel il a commis son geste.
Il avait écrit, dans Biographie, qu'il sortirait « de la gueule du loup par la gorge du loup ». Il présumait de ses forces.
Le fonds d'archives d'Yves Navarre est conservé au centre d'archives de Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

Å’uvres Romans

Lady Black, Flammarion, 1971.
Evolène, Flammarion, 1972.
Les Loukoums, Flammarion, 1973.
Le CÅ“ur qui cogne, Flammarion, 1974.
Killer, Flammarion, 1975.
Plum Parade : vingt-quatre heures de la vie d'un mini-cirque, Flammarion, 1975.
Niagarak, Grasset, 1976.
Le Petit Galopin de nos corps, publié en 1977 chez Robert Laffont, récemment réédité avec une préface de Serge Hefez, coll. « Classiques H&O poche », Béziers : H&O, 2005. 10,8 x 17,8 cm. 256 pages.
Kurwenal ou la Part des êtres, Robert Laffont, 1977.
Je vis où je m'attache, Robert Laffont, 1978.
Portrait de Julien devant sa fenêtre, Robert Laffont, 1979 ; H&O, 2006.
Le Temps voulu, Flammarion, 1979.
Le Jardin d'acclimatation, Flammarion, 1980.
Biographie, Flammarion, 1981 la première de couverture précisant qu'il s'agit d'un roman.
Romances sans paroles, Flammarion, 1982.
Premières Pages, Flammarion, 1983.
L'Espérance de beaux voyages, 1 : Été/automne, Flammarion, 1984.
L'Espérance de beaux voyages, 2 : Hiver/printemps, Flammarion, 1984.
Phénix, le paysage regarde, illustré par Jean Dieuzaide et Lucien Clergue, P. Montel, 1984.
Louise, Flammarion, 1985.
Une vie de chat, Albin Michel, 1986 - rééd. 2013.
Fête des mères, Albin Michel, 1987.
Romans, un roman, Albin Michel, 1988.
Hôtel Styx, Albin Michel, 1989.
Douce France, Québec, Leméac, 1990.
La Terrasse des audiences au moment de l'adieu, Montréal, Leméac, 1990.
Ce sont amis que vent emporte, Flammarion, 1991.
La Vie dans l'âme, carnets, Montréal, Le Jour / VLB, 1992.
Poudre d'or, Flammarion, 1993.
Dernier dimanche avant la fin du siècle, Flammarion, 1994.
La Ville Atlantique, Leméac/Actes Sud, 1996.
Dialogue de sourdes, Nice, La Traverse, 1999.
La Dame du fond de la cour, Leméac/Actes Sud, 2000.
Avant que tout me devienne insupportable, H&O, 2006.

Théâtre

Théâtre, 3 tomes, Flammarion, 1974, 1976, 1982.
1978 : Les Dernières Clientes d'Yves Navarre, mise en scène Louis Thierry, Studio des Champs-Élysées

Autobiographie

Un condamné à vivre s'est échappé, textes, entretiens et poèmes, avec Pierre Salducci, Hull [Québec], Vents d'Ouest, 1997.

Filmographie

À corps perdu, film canado-suisse sorti en 1988, inspiré du roman de Navarre, Kurwenal 1977

Citations

« La tendresse tue. L'absence de tendresse assassine. »

« Toute création vraie est un suicide que personne ne regarde. »

— Ce sont amis que vent emporte
« Je sortirai de la gueule du loup par la gorge du loup. »



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#67 Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais 2
Loriane Posté le : 23/01/2016 23:02
LE MARIAGE DE FIGARO
,

Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais

Le Mariage de Figaro , comédie en cinq actes, créée à la Comédie-Française le 27 avril 1784, est sans aucun doute le grand succès théâtral du XVIIIe siècle (73 représentations au cours de la seule saison 1784-1785). C'est aussi l'œuvre dramatique la plus profondément novatrice entre la période classique et l'aube du XXe siècle. De 1781 à 1784, Beaumarchais (1732-1799) dut se débattre dans des difficultés sans nombre pour la faire représenter. Pour contourner les censures successives, il mena avec succès une campagne de lectures dans les salons de la grande noblesse dont il obtint l'appui. Louis XVI avait déclaré de façon péremptoire : « C'est détestable ; cela ne sera jamais joué. Il faudrait détruire la Bastille pour que la représentation de cette pièce ne fût pas une inconséquence dangereuse. » Il céda pourtant, et ce recul du pouvoir fut sans doute la première raison du succès public de la pièce.

Un entrelacement d'intrigues

Le Mariage de Figaro compose, avec Le Barbier de Séville (1775) et La Mère coupable (1792), une trilogie dont il constitue l'épisode médian. Son sujet est esquissé dans la « Lettre modérée sur la chute et la critique du Barbier de Séville » que Beaumarchais rédigea en 1775. Le début de la pièce nous transporte au château d'Aguas Frescas où nous retrouvons les héros du Barbier de Séville : Rosine, devenue comtesse Almaviva, et son époux, le comte, ainsi que Figaro, valet de chambre et concierge du château, qui se prépare à épouser le soir même Suzanne, la camériste de la comtesse. Alors que Le Barbier de Séville développe une intrigue simple mais traversée de péripéties très complexes, Le Mariage de Figaro entrelace plusieurs intrigues dont le croisement détermine les péripéties. D'une longueur exceptionnelle, la comédie compte seize personnages actifs.
Le premier fil du tissu est celui des projets de mariage de Figaro et de Suzanne, entravés par une succession d'obstacles. Le second fil dessine un motif galant : le comte se détourne de son épouse et tente de séduire Suzanne ou d'acheter ses faveurs ; c'est à ce prix qu'il autorisera son mariage. Le troisième trace le roman familial de Figaro : Marceline veut épouser Figaro qui a contracté une dette à son égard ; mais on découvre qu'elle est sa mère et que Bartholo, le barbon, tuteur de Rosine dans le Barbier, est son père. Une quatrième intrigue vient perturber toutes les autres. Elle a pour héros le jeune Chérubin, amoureux de toutes les femmes de la maison, dont les entreprises de séduction viennent déranger les projets de tous les protagonistes. À l'intérieur de chacun des cinq actes, les scènes s'organisent en séquences. L'exposition a pour cadre la chambre encore démeublée promise au couple des domestiques. On y apprend le projet de mariage imminent de Suzanne et de Figaro, les deux premiers obstacles qu'il rencontre, le dessein libertin du comte et le projet conjugal de Marceline. L'apparition de Chérubin, puis de Bazile et du comte, constitue une première péripétie et marque le début du nœud.
La contre-attaque de Figaro (acte II) déclenche le retour intempestif du comte qui vient faire irruption dans la chambre de la comtesse, et perturbe une scène ambiguë où la comtesse et Suzanne font essayer un costume de Suzanne à Chérubin : leur intention est de prendre le comte en flagrant délit d'infidélité, à la faveur de ce travestissement. Le troisième acte se déroule dans la salle d'apparat du château. On y assiste à l'affrontement de Figaro et du comte qui tente de percer à jour les projets de son valet. Pris au piège d'un procès, Figaro n'échappe au mariage avec Marceline que par la soudaine révélation, au cours d'une scène de « reconnaissance », des liens de filiation qui l'unissent à elle. Le quatrième acte, dans une galerie du château, est surtout consacré au piège monté par la comtesse et Suzanne à l'insu de Figaro pour attraper le séducteur. Mais Figaro en découvre partiellement l'existence, sans en comprendre le sens. D'où la fureur jalouse qui l'anime au dernier acte : « Ô Femme ! femme ! femme ! créature faible et décevante !... nul animal créé ne peut manquer à son instinct ; le tien est-il donc de tromper ? » (V, 3). Celui-ci a pour cadre la « salle de marronniers » du parc. Il fait se succéder des moments de tension extrême, entrecoupés par un immense monologue de Figaro, et le soulagement qui naît de la confusion de « l'époux suborneur », avec la fantaisie comique qui caractérise la fête finale.

Beaumarchais, inventeur de la comédie moderne

Le succès premier du Mariage de Figaro, dans le milieu de la grande noblesse du royaume, reposait sur un paradoxe dont certains contemporains s'étaient avisés. La baronne d'Oberkirch écrit ainsi : « Le Mariage de Figaro est peut-être la chose la plus spirituelle qu'on ait écrite, sans en excepter peut-être les œuvres de Monsieur de Voltaire [...] Je rentrai chez moi en sortant de la comédie, le cœur serré de ce que je venais de voir et furieuse de m'être amusée. » Emportée par le tempo rapide de cette conversation à la mode dans les milieux des élites sociales de l'Ancien Régime, la comédie de Beaumarchais décoche une volée de traits brillants contre les abus qui caractérisent cette société. Elle se fait l'écho de toutes les insolences satiriques de l'époque et leur donne cette forme acérée qui emporte l'adhésion complice des spectateurs : la censure, la justice, les préjugés de la naissance, les privilèges de la noblesse, les mœurs libertines des « mâles », les relations de service, marquées par leur origine féodale et désormais insupportables, sont des cibles désignées pour un rire qui n'exclut pas la révolte. La fable elle-même, parce qu'elle raconte la rivalité d'un aristocrate et d'un plébéien qui parvient à ses fins, confirme une leçon politique et morale dans l'esprit des Lumières.
La virtuosité du jeu sur l'espace et le temps est d'autant plus sensible qu'ils sont « réalistes » dans leur détermination. Beaumarchais ne cesse de jouer sur des gageures : comment se cacher dans une chambre démeublée (au premier acte), comment escamoter cinq personnages dans un jardin, comment résoudre le mystère, déjà policier, qui s'offre au comte devant un cabinet fermé à clé, dans une chambre non moins fermée, qui devait bien receler un amant, mais qui est vide lorsqu'il y revient. Le théâtre du XIXe siècle tout entier s'en inspirera.
Beaumarchais introduit dans la comédie la tonalité « sensible » qui caractérisait ses deux drames (Eugénie, 1767, et Les Deux Amis, 1770) et dote ses « héros » d'une épaisseur romanesque soulignée par la temporalité spécifique de la trilogie. La comtesse, jeune femme délaissée par son époux, est l'âme poétique d'un gynécée où s'organise une sorte de résistance morale (Mozart et son librettiste Da Ponte se montreront très sensibles à cette dimension dans Les Noces de Figaro, opéra-comique représenté en 1786). Figaro, dont les entreprises ne parviennent qu'à embrouiller l'intrigue, ne parvient à ses fins que par la rencontre du hasard et des projets de Suzanne et de la comtesse. Nouveau héros bourgeois, le « bâtard conquérant » des romans suscite une interrogation profonde sur le sujet, sur l'identité d'un plébéien en même temps que sur la parole théâtrale, sur le « je » qui advient au théâtre.
Dans Le Mariage de Figaro, Beaumarchais invente les structures profondes de la comédie moderne, lisibles chez Labiche ou chez Feydeau comme dans le cinéma de René Clair ou de Renoir, et du drame romantique : l'hommage rendu par Hugo à Beaumarchais en qui il voit, aux côtés de Corneille et de Molière, l'un des trois fondateurs de la scène française, a valeur emblématique. Si le lien du Mariage de Figaro à la Révolution française a été longtemps surévalué, sa portée idéologique et poétique en fait une œuvre majeure de la littérature française. Pierre Frantz


LE BARBIER DE SÉVILLE
,


Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais

Le Barbier de Séville, ou la Précaution inutile fut créé à la Comédie-Française le 23 février 1775 dans une version en cinq actes et connut un échec retentissant. Mais Beaumarchais (1732-1799) sut revoir rapidement sa pièce pour la resserrer en quatre actes. Ce fut alors un triomphe mémorable, et le premier grand succès au théâtre de l'auteur. Le parfum de scandale qui flottait autour de Beaumarchais à la suite de diverses affaires et son goût immodéré pour les allusions piquantes donnèrent des armes à la censure qui tarda à autoriser la première représentation. La pièce est publiée avec une Préface, un morceau de bravoure, insolent, vif et drôle, la Lettre modérée sur la chute et la critique du « Barbier de Séville », où Beaumarchais dessine également les contours de son projet littéraire. Le Barbier de Séville frappe par son originalité : c'est une comédie qui, sur un canevas très classique, voire banal, brode des incidents, un suspense et une poésie comiques d'une radicale nouveauté.

L'imbroglio

Le Barbier de Séville constitue le premier épisode d'une trilogie dramatique qui comprendra ensuite Le Mariage de Figaro (1784) et La Mère coupable (1792). Ses protagonistes reviennent dans ces deux pièces (auxquelles il faudrait adjoindre, en toute rigueur, le Compliment de clôture), fictivement séparées dans le temps par quelques années. « Un vieillard amoureux prétend épouser demain sa pupille ; un jeune amant plus adroit le prévient, et ce jour même en fait sa femme, à la barbe et dans la maison du tuteur. Voilà le fond... », tel que le résume Beaumarchais. Rien de plus simple en apparence que cette intrigue. Voyons sa mise en œuvre.
Nous sommes dans une rue de Séville, à l'aube. Un jeune homme fait le guet sous le balcon de la jolie Rosine dont il espère être remarqué. C'est le comte Almaviva qui est tombé amoureux de la jeune fille sans lui avoir jamais parlé, et qui a quitté Madrid pour la suivre. Apparaît un personnage au costume pittoresque, Figaro, ancienne connaissance du comte et présentement « barbier de Séville », qui officie précisément chez le docteur Bartholo, tuteur de Rosine. Il apprend au comte que le vieillard s'apprête à épouser sa pupille – le soir même, on le saura plus tard –, mais se fait fort d'aider le galant à s'introduire dans la place. De sa fenêtre, Rosine laisse échapper un papier, une chanson au titre symbolique, La Précaution inutile, au grand dam de Bartholo. Elle y demande au jeune homme de se faire connaître en chantant une romance. Il se présente sous le nom de Lindor, bachelier de son état.
Dans les actes suivants, qui se déroulent à l'intérieur de la maison du docteur, nous assistons aux tentatives successives du comte, déguisé en soldat, puis en bachelier maître de musique, pour tromper la surveillance du barbon et entrer en contact avec Rosine – manœuvres facilitées par Figaro mais intelligemment contrées par Bartholo et son allié don Bazile, le maître de musique de la jeune fille. Au fil des scènes, Beaumarchais emmêle les fils de l'intrigue en un imbroglio d'une éblouissante virtuosité, qui atteint son sommet avec la « scène de la stupéfaction » : le comte affirme être envoyé par don Bazile, malade, pour donner une leçon de musique à Rosine ; il a convaincu Bartholo qu'il était dans son camp grâce à un stratagème complexe et compromettant (il lui a remis une lettre de Rosine) mais doit en informer Rosine de toute urgence. Les amoureux jouissent à peine d'un instant d'entretien, ménagé par Figaro, lorsque arrive inopinément don Bazile. Stupéfaction générale. Tension extrême. Chacun a intérêt, ou croit avoir intérêt, à éviter une explication générale. Le comte, sans aucun doute le plus directement menacé d'une révélation, manœuvre de telle façon qu'il réussit à pousser Bartholo contre Bazile, finalement renvoyé dans son lit : « LE COMTE.– Allez vous coucher, mon cher Bazile : vous n'êtes pas bien, et vous nous faites mourir de frayeur. Allez vous coucher./ FIGARO.– Il a la physionomie toute renversée. Allez vous coucher./ BARTHOLO.– D'honneur, il sent la fièvre d'une lieue. Allez vous coucher./ ROSINE.– Pourquoi êtes-vous donc sorti ! On dit que cela se gagne. Allez vous coucher./ BAZILE, au dernier étonnement.– Que j'aille me coucher !/ TOUS LES ACTEURS ENSEMBLE.– Eh ! sans doute./ BAZILE, les regardant tous.– En effet, Messieurs, je crois que je ne ferai pas mal de me retirer ; je sens que je ne suis pas ici dans mon assiette ordinaire. » Au dernier acte, Rosine, trompée par son tuteur, lui avoue que son amant doit venir la rejoindre en passant par la jalousie dont Figaro a dérobé la clef. Le temps que Bartholo file chercher main forte, Almaviva pénètre dans la maison, s'explique avec la jeune fille, révèle son identité et l'épouse devant le notaire qui devait la marier à son tuteur.

La poésie comique

Avant que Le Mariage de Figaro ne vienne fonder un théâtre radicalement nouveau, Beaumarchais transforme profondément la comédie en lui donnant une étonnante poésie. « L'embrouille », on l'a vu, provoque sur le spectateur un effet d'éblouissement obtenu non seulement par le mélange de complexité et de lisibilité, mais encore par l'utilisation simultanée ou par la succession en accéléré des procédés de l'intrigue comique traditionnelle. À tout instant, la complexité des situations donne aux répliques une multiplicité de significations : le spectateur les entend ainsi dans un « feuilletage » étonnant, car il sait immédiatement et ce que chacun des personnages peut comprendre, et ce que le personnage qui parle veut dire ; il mesure les risques, la provocation, la part d'implicite et les présupposés de chaque mot. L'art de la scène n'est pas moins admirable dans les scènes de chansons qui donnent à chaque personnage sa couleur poétique et campent son caractère, offrant au comédien des possibilités de jeu extrêmement riches.
La sécheresse du canevas ou de la comédie d'intrigue n'entraîne pas, comme à l'habitude, le schématisme de personnages. Almaviva est bien plus que l'amoureux de la commedia dell'arte ou du théâtre forain. C'est un jeune noble impérieux, plein d'énergie et de flamme, et qui veut être aimé pour lui-même. C'est aussi un joueur virtuose, un comédien farceur. Plus qu'une amoureuse, Rosine est une jeune fille hardie, éprise de liberté, révoltée par le sort qu'on lui prépare. Quant à Bartholo, « beau, gros, court, jeune vieillard, gris pommelé, rusé, rasé, blasé, qui guette et furète et gronde et geint tout à la fois », c'est un barbon à l'intelligence toujours en éveil, et non un monstre fascinant comme l'Arnolphe de L'École des femmes. Sa lucidité fait son malheur, et son malheur lui donne in extremis une dignité qu'on ne rencontre guère dans ce type comique. Figaro et don Bazile sont dessinés avec une sûreté de trait qui a fait d'eux, immédiatement, des types : le premier vif et ironique, à l'image de la langue qu'il emploie, le second, comme nous le dépeint Beaumarchais, « chapeau noir rabattu, soutanelle et long manteau ».
Relève enfin de cette poésie comique nouvelle un sens du mot brillant, qui frappe et ne se laisse pas oublier, comme cette réplique adressée par Figaro au comte et qui condense si bien l'insolence du personnage, celle de l'auteur et la portée sociale de la pièce : « Aux vertus qu'on exige dans un domestique, Votre Excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d'être valets ? » C'est ce sens de la formule que le théâtre de boulevard des XIXe et XXe siècles s'échinera si laborieusement à reproduire comme une recette destinée à entraîner le spectateur dans une complicité faite de distinction sociale. La complicité sollicitée par Beaumarchais est, au contraire de tout conformisme, celle de la fronde et de la jeunesse. Cette relation est le secret d'un théâtre que rien ne peut démoder.
En 1816, Gioacchino Rossini a donné une étincelante version pour l'opéra du Barbier de Séville. Pierre Frantz



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#68 Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, 1
Loriane Posté le : 23/01/2016 22:57
Le 24 janvier 1732 naît Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais

à Paris où il est mort, à 67 ans le 18 mai 1799 ; homme d'affaires français, philosophe, musicien, poète et dramaturge, il est surtout connu pour ses talents d'écrivain du mouvement des lumières Il fut également espion et marchand d'armes pour le compte du roi.Ses Œuvres principales sont Le Barbier de Séville en 1775, Le Mariage de Figaro en 1784 et La Mère coupable en 1792.
Une des figures emblématiques du siècle des Lumières, il est considéré comme un précurseur de la Révolution française et de la liberté d'opinion ainsi résumée dans sa pièce Le Mariage de Figaro : Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur.
L'apparition de Beaumarchais dans le théâtre et les lettres françaises de la fin du XVIIIe siècle relève de la magie. Il touche à tout, fait flèche de tout bois et apporte au théâtre le charme qui s'en est absenté après la mort de Marivaux. Ce séducteur écrit et agit dans un roman qui ne s'embarrasse que rarement du récit et de la rétrospection parce qu'il va son chemin sans s'arrêter longtemps. L'auteur et l'aventurier vont du même pas. Comme les « bâtards conquérants » des romans, Beaumarchais ne doit pas son succès à sa naissance mais à son talent et à sa propre énergie.

En bref

L'élégance roturière, Si Beaumarchais a peu de naissance, il n'en a pas moins une famille très présente et très aimée : Pierre-Augustin, fils de l'horloger Caron, qui doit le nom de Beaumarchais à une maison de sa première femme, et son anoblissement à l'argent, à la différence de tant de parvenus, revendique sa filiation roturière au même titre que sa noblesse, récente mais personnelle. Vif, ami des plaisirs et des femmes, il est aussi le bon fils des drames bourgeois, dévoué à sa famille et fort de son soutien, entouré par l'affection de ses cinq sœurs. Mais cette famille n'est pas fermée. La boutique de l'artisan est ouverte sur la ville. On y joue de la musique, on y lit des romans, on y parle d'abondance. Le travail d'horlogerie est créatif : Beaumarchais invente en juillet 1753 un nouveau système d'échappement pour le ressort des montres. Il doit défendre sa découverte contre un confrère de son père qui, abusant de sa confiance, s'en est attribué la paternité. Devant l'inertie judiciaire, il écrit au Mercure, en appelle à l'Académie des sciences et obtient gain de cause. Sa victoire lui permet d'être reçu par le roi et ses filles – à qui il donnera bientôt des leçons de musique – et d'être introduit à la cour. Il fait un premier mariage avantageux mais perd sa femme avant de pouvoir en hériter. Il se lie et s'associe avec le financier Pâris-Duverney, devient homme d'affaires, s'enrichit, et achète une charge qui l'anoblit. Il fréquente Le Normand d'Étioles, financier et mari de Mme de Pompadour ; pour divertir sa société, il écrit des Parades, courtes comédies à la mode, qui sont représentées sur la scène privée de son riche ami. Il part pour l'Espagne en 1764, où l'appellent des affaires de famille et d'argent : à Madrid, il s'emploie vainement à marier sa sœur Lisette avec son prétendu, Clavijo, qui se dérobait, et ne réussit pas plus dans les projets mirifiques qu'il agitait. Il racontera plus tard cet épisode qui devait inspirer Goethe, dans les Mémoires contre Goezman, avec un sens étonnant du drame et du roman. Pendant les années qui suivent son retour à Paris, il fait jouer un drame, Eugénie, à la Comédie-Française (1767) se remarie, puis perd sa femme en 1770 et, la même année, son ami Pâris-Duverney. Beaumarchais entre dans une période de grandes difficultés.
Sa réussite lui avait valu beaucoup d'ennemis, mais le procès qui l'oppose au comte de La Blache, l'héritier de Pâris-Duverney, va déboucher sur une véritable coalition d'obstacles placés sur son chemin. La mauvaise foi et la cupidité de son adversaire n'ont d'égales que celles du juge corrompu qui rapporte contre lui : le conseiller Goezman. Une méchante affaire de femme avec le duc de Chaulnes vient tout compliquer et le conduit en prison. Beaumarchais se débat et publie des Mémoires justificatifs où éclatent ses talents de rhéteur et son intelligence précise. Ce sont des textes travaillés à la manière de Voltaire, mais avec un humour et un sens de l'émotion qui n'appartiennent qu'à leur auteur et entraînent la conviction. Si, dans un premier temps, il n'obtient pas satisfaction devant le tribunal qui se contente de le blâmer à égalité avec son adversaire, il triomphe dans l'opinion publique. Il devient agent secret de Louis XV, puis de Louis XVI, en Angleterre et en Hollande, avec pour mission de faire disparaître des libelles injurieux contre la monarchie. Il convainc son maître de venir en aide aux insurgents d'Amérique et sert d'intermédiaire pour l'achat des armes nécessaires à cette guerre. L'intérêt personnel et l'attachement à une cause juste lui paraissent marcher de conserve.
Au milieu de toute cette agitation, Beaumarchais trouve le temps d'écrire un second drame, Les Deux Amis (1770) et une comédie, Le Barbier de Séville, qui est représentée pour la première fois le 23 février 1775. Il achève Le Mariage de Figaro en 1778. Il lance en 1780 (le prospectus paraît en janvier 1781) le projet d'une grande édition complète des Œuvres de Voltaire et va le mener à bien : c'est l'édition de Kehl dont le dernier volume paraît en 1790. Il est, dès 1776, en conflit avec la Comédie-Française et réussit à regrouper les auteurs dramatiques pour faire valoir leurs droits ; il jette ainsi les bases d'une réglementation de la propriété littéraire qui sera fixée une première fois en 1780 par le Conseil d'État puis par l'Assemblée constituante en 1791. C'est que sa vie d'homme de lettres ne constitue pas pour lui une alternative à son engagement dans la vie sociale. Le choix du théâtre est, à cet égard, significatif : l'esprit de divertissement, poussé au XVIIIe siècle jusqu'à l'ivresse, coexiste avec un sérieux didactique et moral qui le lie délibérément à la société. La campagne d'opinion menée par Beaumarchais pour faire représenter Le Mariage de Figaro en dépit des censeurs fait apparaître cette profonde unité. La pièce est reçue, dans une première version, à la Comédie-Française dès septembre 1781. L'action avait pour cadre la France et les allusions aux abus du régime étaient directes. Le roi, alerté par la rumeur, se fait lire la pièce et est scandalisé par le persiflage de Beaumarchais. Celui-ci révise son œuvre et en transporte l'action en Espagne. Elle est lue partout, dans les cercles de la grande noblesse. Le comte d'Artois en fait préparer la représentation à la cour, mais le 13 juin 1783, au moment où le rideau va se lever, l'interdiction royale est signifiée. La campagne d'opinion cristallise alors une véritable fronde aristocratique. En septembre 1783, le Mariage est joué à Gennevilliers, chez le comte de Vaudreuil, devant le comte d'Artois et l'assistance la plus brillante ; le roi s'est tu. Le 27 avril 1784, c'est la première, dans la nouvelle salle de la Comédie-Française. Le tout-Paris s'écrase dans la salle qui vibre d'enthousiasme et fait un triomphe à la représentation qui sera suivie de cent autres entre 1784 et 1787. La distribution était la meilleure qu'on pût trouver, avec Dazincourt, Molé, Mlles Contat, Saint-Val et Olivier. Cette soirée éblouissante est sans aucun doute l'événement théâtral majeur du XVIIIe siècle, à la fois par sa signification esthétique et son importance politique. La bataille qui va se poursuivre dans la presse, avec ses surprises (l'auteur est à nouveau momentanément incarcéré), prolonge le succès de la pièce. Dernière consécration : Le Barbier de Séville est repris à la cour, avec la reine dans le rôle de Rosine et le comte d'Artois dans celui de Figaro.
Mais, bientôt, l'auteur vient se jeter dans l'affaire Kornmann-Bergasse, dont l'épilogue judiciaire lui sera favorable alors que l'opinion se détachera de lui : Beaumarchais est enveloppé, piégé dans une guerre de pamphlets qui débute en 1787, et l'avocat Bergasse parvient à le faire passer, au début de la Révolution, pour l'incarnation même de la dépravation de l'Ancien Régime. Au reste, l'auteur, malgré quelques sympathies au début, ne se trouve pas en phase avec les événements. Il écrit, avec le musicien Salieri, un opéra, Tarare (1787), qui déconcerte mais connaît un vif succès et dont il modifiera certains éléments en fonction des changements politiques. Puis il donne une suite au Mariage, à La Mère coupable, achevant ainsi une véritable trilogie. Bergasse, sous le nom transparent de Bégearss, y fait figure du traître de mélodrame. Ce drame, après avoir connu un demi-échec en juin-juillet 1792 (du fait, probablement, des événements), réussit honorablement sous le Directoire. Beaumarchais entreprend une nouvelle opération politique et spéculative dans laquelle il va manquer de laisser la vie. L'Assemblée législative se prépare à la guerre et l'infatigable aventurier entreprend de fournir des armes à sa patrie : soixante mille fusils, déposés en Hollande, qu'il s'agit de faire entrer en France. Mais les affaires traînent et les événements vont vite. Il est accusé de cacher ces armes et, le 11 août, le peuple envahit la luxueuse maison qu'il s'était fait construire à côté de la Bastille. On ne trouve rien. Beaumarchais est incarcéré, libéré de justesse au milieu des massacres de septembre 1792 ; il ne renonce pas à défendre ses intérêts et, en pleine Terreur, quitte Londres où il s'était réfugié et vient à Paris où il publie un Mémoire justificatif. Sa tactique réussit : il se rétablit, quitte la France comme commissaire de la République mais se retrouve émigré. Il revient en 1796 et meurt le 17 mai 1799.

Sa vie

Pierre-Augustin Caron, né le 24 janvier 1732, est le septième enfant d'André-Charles Caron et de sa femme Louise Pichon. Des dix qui leur naîtront, six seulement vivront : Pierre-Augustin, dit Pierrot, et cinq filles Marie-Josèphe dite Dame Guilbert du nom de son époux, Marie-Louise dite Lisette - future héroïne de l'affaire Clavijo -, Madeleine-Françoise dite Fanchon, Marie-Julie dite Bécasse et Jeanne-Marguerite, dite Melle Tonton. Le père, issu d'une famille d'horlogers protestants, était lui-même devenu maître-horloger après avoir abjuré le protestantisme ; c'est un artisan réputé, créateur de la première montre-squelette, et la famille jouit d'une certaine prospérité. Pierre-Augustin, après des études à l’école des métiers d’Alfort de 1742 à 1745, entre en apprentissage dans l'atelier paternel à l’âge de 13 ans. Il donne du fil à retordre à son père, qui le chasse quelque temps de la maison familiale, mais finit par devenir un artisan compétent, puisqu'il invente en 1753 un nouveau mécanisme d'échappement, dit à hampe ou à double virgule peu utilisé aujourd'hui du fait des problèmes de frottement ; ce sera l'occasion d'une première controverse : l'horloger du Roi Jean-André Lepaute s'attribue l'invention et Beaumarchais doit faire appel à l'Académie des Sciences pour que lui soit reconnue la propriété de l'invention. Il devient fournisseur de la famille royale. Il ne tarde toutefois pas à abandonner l'horlogerie ; ce sera Jean-Antoine Lépine qui le remplacera dans l'atelier paternel, épousera Fanchon et deviendra l'associé, puis le successeur d'André-Charles Caron.
Beaumarchais est également l’inventeur d’un mécanisme de perfectionnement destiné aux pédales de harpes.
Il écrit sa première pièce de théâtre à 9 ans dans laquelle il crée le personnage de Figaro, alors chevalier du Roi de France. Cependant, cette pièce sera détruite dans un incendie.
Il se marie une première fois le 27 novembre 1756 avec Madeleine-Catherine Aubertin, veuve Franquet. L'épouse est de dix ans son aînée mais possède des biens. Il se fait dès lors appeler de Beaumarchais, nom d’une terre qui appartient à son épouse et qui donne l'illusion de la noblesse.
Madeleine-Catherine meurt subitement l'année suivante à 35 ans. Immédiatement, le jeune veuf est soupçonné et se trouve confronté au premier de la longue suite de procès et de scandales qui marqueront son existence.

Travaux et rencontres

Madame Adélaïde solfiant, les filles du roi étaient des musiciennes consommées.
Nonobstant les ennuis de sa vie privée, il commence à être connu. Il se lie d’amitié avec le financier de la Cour, Joseph Pâris Duverney qui favorise son entrée dans le monde de la finance et des affaires. Il se lance alors dans les spéculations commerciales et déploie un tel génie en ce genre qu’en peu d’années il acquiert une grande fortune et achète une charge de secrétaire du roi qui lui confère la noblesse.
En 1759, faveur insigne, il est nommé professeur de harpe de Mesdames, les quatre filles du roi Louis XV, qui résident à la cour.
Patronné par un prince du sang, Louis-François de Bourbon, prince de Conti, il devient bientôt lieutenant général des chasses et commence à écrire de petites parades pour des théâtres privés Les Bottes de sept lieues, Zirzabelle, Jean Bête à la foire qui jouent sur le comique de mots du langage populaire des Halles de Paris.
Menant un train de vie aisé mais toujours à la merci d'une disgrâce, il se remarie en 1768 avec Mme de Sotenville, la très riche veuve du garde général des Menus-Plaisirs, née Geneviève-Madeleine Wattebled. Celle-ci meurt dès 1770, à trente-neuf ans, après seulement deux ans de mariage, lui laissant une importante fortune. À l'occasion de ce second veuvage précoce, Beaumarchais est accusé de détournement d’héritage.

Procès

Les années 1770-1773 sont pour Beaumarchais des années de procès et de défaveur : outre ses démêlés judiciaires avec le comte de la Blache, engendrés par la succession testamentaire de Joseph Pâris Duverney, il est victime de la corruption régnant au sein de la Grande-Chambre du Parlement, ce qui va entraîner l’affaire Goëzman. Il y manifeste un art consommé des factums, allant jusqu’à renouveler le genre, mais il y perd sa fortune, ses alliés et ses droits civiques.

Beaumarchais se fait agent secret

Expert en intrigues et marchandages de toutes sortes et intégré au Secret du Roi — service personnel d'espionnage du roi —, il est en mars 1774 une première fois envoyé à Londres pour négocier la suppression du libelle les Mémoires secrets d’une femme publique de Théveneau de Morande, dirigé contre la comtesse du Barry, favorite royale, mission où il espère regagner les faveurs de la Cour. Cependant, le roi meurt en mai suivant et la comtesse du Barry est bannie de la cour par Louis XVI.
Le 8 avril 1775, sur les conseils de Sartine, il est chargé par le nouveau souverain d’empêcher la publication d’un nouveau pamphlet, l’Avis à la branche espagnole sur ses droits à la couronne de France à défaut d’héritiers, d’un certain Angelucci, qui prétend que le roi a l’aiguillette nouée
Cette mission, qui conduisit Beaumarchais en Angleterre, aux Pays-bas, dans les États allemands et en Autriche, où il fut pour un temps incarcéré pour motif d’espionnage, devient sous sa plume une aventure picaresque.
La même année, il est chargé à Londres de récupérer des documents secrets détenus par le chevalier d’Éon.

La guerre d’indépendance des États-Unis

À partir du mois de juin 1777, il se lance dans une nouvelle aventure et il se fait l’avocat d’une intervention française dans la guerre d'indépendance des États-Unis. Il entame alors une correspondance enflammée avec le comte de Vergennes, où il défend la cause des Insurgents. Dès le mois de septembre 1775, Beaumarchais joue un rôle politique en tant qu’intermédiaire entre les Insurgents et la France, et il rencontre fréquemment Arthur Lee, député secret des Insurgents.
Le 10 juin 1777, le secrétaire d’État aux affaires étrangères lui confie une somme importante pour soutenir secrètement les Américains3. Initié secrètement par Louis XVI et Vergennes, Beaumarchais reçoit l’autorisation de vendre poudre et munitions pour près d’un million de livres tournois sous le couvert de la compagnie portugaise Rodrigue Hortalez et Compagnie qu’il monte de toutes pièces. La société Rodrigue Hortalez et Cie, devait lui permettre, pensait-il, de s’enrichir en vendant armes et munitions et en envoyant une flotte privée pour soutenir les Insurgés.
Cette péripétie, alors que Beaumarchais s'implique dans les grandes spéculations boursières sous Louis XVI, est le sujet central du roman historique de Lion Feuchtwanger intitulé Beaumarchais, Benjamin Franklin et la naissance des États-Unis, paru en 1946. En fin de compte, bien qu'il ait reçu plus tard les félicitations publiques du Congrès, il engagea dans cette opération une grosse somme plus de cinq millions dont, après d'interminables débats, ses héritiers ne purent recouvrer qu'une faible part.
Il milite au sein de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, fondée en 1777 à son initiative, et obtient à la Révolution la reconnaissance des droits d'auteur. Ceux-ci sont automatiques à la création d’une œuvre. Ils garantissent à son auteur ses droits patrimoniaux et moraux la reconnaissance de la paternité de l’œuvre notamment. Dans De la littérature industrielle, Sainte-Beuve présente l’action de Beaumarchais comme un tournant décisif de l’histoire de la littérature, car l’écrivain passe du statut de bénévole, de passionné ou de mendiant dépendant de ses mécènes à celui d’industriel et de gestionnaire : Beaumarchais, le grand corrupteur, commença à spéculer avec génie sur les éditions et à combiner du Law dans l’écrivain
Il se lance dans l'édition des Œuvres de Voltaire, et, après avoir acquis les caractères de Baskerville, loue pour vingt ans le fort à Kehl en décembre 17806.
En 1786, il épouse en troisièmes noces Marie-Thérèse Willer-Mawlaz. Née en 1751, la nouvelle épousée, âgée de 35 ans, a dix-neuf ans de moins que son mari. Ils se sont rencontrés en 1774 et ont eu une fille, Amélie-Eugénie, en 1777. Marie-Thérèse lui survivra et mourra au début de la Restauration en 1816.
En 1788, après d’importants travaux de reconstruction inachevés, il vend à Aimé Jacquot et Jean Hérisé la papeterie de Plombières-les-Bains qu’il avait acquise en 17807.
En février 1789, il cède aux frères Claude Joseph et François Grégoire Léopold Desgranges les papeteries qu'il possède en Lorraine à Arches et Archettes.

La Révolution française

En 1790, il a 58 ans et se rallie à la Révolution française qui le nomme membre provisoire de la commune de Paris. Mais il quitte bientôt les affaires publiques pour se livrer à de nouvelles spéculations ; moins heureux cette fois, il se ruine presque en voulant fournir des armes aux troupes de la République.
Devenu suspect sous la Convention, il est emprisonné à l’Abbaye pendant la Terreur. Il échappe cependant à l’échafaud et se tient caché quelques années. Il s’exile à Hambourg puis revient en France en 1796.
Il écrit ses Mémoires, chef-d’œuvre de pamphlet, et meurt d’apoplexie à Paris le 18 mai 1799 à l'âge de 67 ans. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise division 28 à Paris.

Sa descendance

De son union avec Marie Thérèse Willer-Mawlaz 1753-1816 qu’il épouse le 8 mars 1786, il eut une fille, Amélie-Eugénie de Beaumarchais 1777-1832.
Amélie-Eugénie épouse en 1796, André Toussaint Delarue 1768-1863, beau-frère du comte Mathieu Dumas dont elle aura quatre enfants :
Palmyre 1797-1835 qui intente, en 1814, un procès afin d’obtenir le remboursement des sommes avancées par son père pour financer la livraison d’armes destinées à la Révolution américaine. Palmyre aura une descendance directe sous l’Empire et la Restauration via les familles Poncet, puis Roulleaux-Dugage ;
Charles-Édouard 1799-1878 qui deviendra général de brigade. Il obtiendra en 1835, 800 000 dollars et la branche de la famille des deux petits-fils sera ensuite autorisée à relever le nom de Beaumarchais décret impérial de 1853. Il épouse Marthe Paule Roederer dont il aura un fils:
Raoul 1835-1900, colonel de cavalerie, épouse le 22 avril 1869 Caroline de Etcheverry de Préjan, dont il aura 4 enfants 2 fils et 2 filles.
Alfred-Henri 1803-? qui travaillera dans l'administration des finances.
Jean-Pierre Delarüe Caron de Beaumarchais, coauteur du Dictionnaire des littératures de langue française, figure parmi les desciption.

Une dramaturgie nouvelle

L'œuvre de Beaumarchais a traversé les siècles. L'œuvre, c'est-à-dire Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro ; mais des rééditions récentes des Mémoires contre Goezman et des Parades, tout comme les mises en scène de La Mère coupable et de Tarare incitent à moins de sévérité que n'en a témoigné la critique contre ces œuvres mineures. En 1990, on a pu voir représenter au cours de la même saison les trois pièces de la trilogie sur la scène du Théâtre-Français et on a joué Tarare à Strasbourg en 1991 ; cet heureux rapprochement rendait sensible la portée de l'étonnante révolution dramaturgique opérée par l'auteur, aussi bien dans la comédie que dans le drame et l'opéra. Cette dimension, essentielle pourtant, fut occultée par le scandale politique du Mariage, mais les contemporains, comme la comtesse d'Oberkirch, l'avaient perçue : ne s'étonnet-elle pas du succès d'une pièce si manifestement contre « les règles de l'art » ? Le dessein réformateur de Beaumarchais s'inscrit dans des réalisations de ton et d'intérêt variés, mais aussi dans des textes théoriques d'une grande clarté. Entre 1759 et 1767, il élabore sa théorie du théâtre sérieux et se réclame des innovations de Diderot ; Eugénie et l'Essai sur le genre dramatique sérieux (préface à la seconde édition de ce « drame ») en sont les fruits directs mais on en retrouve l'empreinte partout, dans la préface du Barbier de Séville (La Lettre modérée sur la chute et la critique du « Barbier de Séville ») et dans celle de Tarare (Aux abonnés de l'opéra qui voudraient aimer l'opéra), dans Le Mariage et dans La Mère coupable. Il s'agit de bousculer profondément le système des genres dramatiques français, fondé sur la distance tragique ou comique qui sépare le spectateur de la scène et sur le clivage des personnages nobles et bourgeois. Ce projet poétique repose sur une critique idéologique des formes du théâtre de cour. Beaumarchais choisit l'effet de proximité et de sympathie, visé dans le drame ou la tragédie domestique, et la complicité dans le comique. Le spectateur doit se retrouver dans le personnage parce que, comme lui, il est homme. C'est le « caractère », Figaro ou Tarare, qui compte plus que l'« état », Beaumarchais proclame brillamment l'idéologie humaniste et morale des Lumières.
Ce qui distingue vraiment les genres, c'est ainsi leur effet : le sérieux ou la gaîté ; encore peuvent-ils se mêler, comme on le voit dans Le Mariage de Figaro mais aussi dans Eugénie et dans Les Deux Amis : on passe sans rupture de l'attendrissement au sourire. Le genre sérieux, tournant le dos à la tragédie héroïque, doit être écrit en prose : sa beauté doit naître du naturel, de l'« énergie » des situations, des caractères et des émotions. De même, l' opéra doit être débarrassé d'un trop-plein de musique qui l'éloigne de la nature : « une abondance vicieuse étouffe, éteint la vérité : l'oreille est rassasiée et le cœur reste vide » (Aux abonnés de l'opéra). Contre le formalisme poétique, Beaumarchais affirme avec force la prépondérance de la qualité dramatique, proprement théâtrale, du texte : la réévaluation récente de La Mère coupable et de Tarare est directement liée à la réussite scénique de ces textes, qu'encombrent pourtant une rhétorique d'époque ou des vers de mirliton. Tarare n'est pas seulement intéressant par la qualité dramatique (assez rare en 1787) de son livret, mais aussi par l'équilibre obtenu entre drame et musique grâce à une collaboration étroite entre Beaumarchais et Salieri. Ce n'est certes pas non plus hasard si les pièces de Beaumarchais ont fourni des livrets d'opéra à Mozart et à Rossini, qui sont parmi les meilleurs (on peut encore mentionner pour mémoire Darius Milhaud).
Mais ces réformes, dessinées dans la théorie et consciemment mises en œuvre dans les pièces, ne constituent qu'un élément plus immédiatement lisible d'une transformation profonde qui atteint l'ensemble de la structure dramatique. C'est « une révolution théâtrale profonde, et si bien intégrée qu'elle est à présent à peine perçue » (A. Ubersfeld). Beaumarchais tire les leçons de l'évolution de la scène en France et des possiblités décoratives nouvelles qui permettent d'absorber la scène dans le décor, donc dans la fiction. L'espace de la scène devient tout entier mimétique ; il se prolonge fictivement et continûment au-delà de la toile de fond ou des coulisses. Dans Le Barbier de Séville, on est tantôt dans la rue sous la jalousie de Rosine, tantôt de l'autre côté, à l'intérieur de la maison. La scène n'est qu'un fragment prélevé sur l'espace fictif : la plupart des scènes essentielles du Mariage impliquent ce réalisme visuel. Le théâtre doit rivaliser avec la peinture et bien des scènes sont conçues comme des tableaux de genre. Il ne s'agit pas au reste d'un détail formel, car le conflit dramatique est formulé en termes spatiaux : effraction de la maison du bourgeois Bartholo par le noble comte Almaviva (Le Barbier), menaces sur la chambre domestique, arpentée et mesurée par Figaro, pénétrations de l'espace des femmes par Chérubin ou par le comte (Le Mariage). Le temps dramatique est, lui aussi, l'objet d'un travail de ce genre. Il s'agit de dénier la clôture du temps dramatique. De là les « jeux d'entracte » dans Eugénie, mais surtout l'extension de la trilogie selon un modèle d'illusion temporelle semblable à celui qu'on rencontre dans le roman. Du coup, le travail du temps sur le monde et sur les héros est rendu sensible : on passe de Séville, la ville des chansons et de la jeunesse, au château de la maturité, puis au Paris de la Révolution et aux tristesses du second versant de la vie. En 1990, à la Comédie-Française Jean-Pierre Vincent achevait La Mère coupable par un tableau qui regroupait tous les personnages de la famille, s'endormant au son de la bourgeoise pendule. Le temps intérieur et le temps de l'histoire agissent sur la scène. Beaumarchais « invente » la scène de Hugo, de Dumas, père et fils, et de Tchekhov. C'est enfin, comme l'a noté Anne Ubersfeld, la conception de l' action qui constitue le troisième axe de cette révolution. Dès Eugénie, mais de façon tout à fait nette dans Le Mariage, l'action n'est pas dirigée par le héros. Tout semble se faire en dépit de Figaro. Seules triomphent les forces du hasard, qui ne sont providentielles que parce qu'on se trouve dans un monde comique. Là encore, Beaumarchais est un précurseur de Hugo et de la comédie d'intrigue de Labiche ou de Feydeau.

La dernière fête : ambiguïtés et audaces

L'audace politique de la trilogie de Figaro, et surtout celle du Mariage, n'a pas frappé que les contemporains (Danton disait qu'il avait « tué la noblesse »). C'est la valeur subversive de cette pièce qui l'a portée, contre toutes les hypocrisies de l'ordre politique et moral, à travers le XIXe siècle. Elle tient à l'étincelante fête de mots décochés contre l'ordre privilégié et contre les abus de l'Ancien Régime dont Beaumarchais avait tant souffert. Ce verbe d'enfer s'est affûté dans la rédaction des Mémoires contre Goezman qui constituent l'un des plus brillants textes pamphlétaires du siècle : l'étude attentive des différentes phases de leur rédaction, tout comme celle des brouillons et versions successives du Barbier et du Mariage, fait apparaître le travail minutieux de Beaumarchais pour rendre le mot incisif ou percutant. Mais l'insolence du plébéien, paradoxalement, s'intègre merveilleusement dans l'art de la conversation des salons de l'Ancien Régime. L'« esprit » y est plus à l'aise que dans la rhétorique sentencieuse de ceux qui feront la Révolution et qui considèrent la comédie elle-même comme une inconvenance monarchiste : c'est là une autre raison de l'éclipse de Beaumarchais après 1789.
Tout aussi ambiguë est l'audace idéologique et structurelle de la trilogie. Le Barbier de Séville est construit sur le modèle de certaines des parades auxquelles l'auteur s'était essayé de si bonne humeur. Ces pièces en un acte mettent en œuvre un canevas conventionnel, adapté de la commedia dell'arte : Léandre, aidé par Arlequin, recherche une Isabelle peu farouche et s'oppose ainsi aux desseins du barbon, Cassandre. Zizabelle mannequin, Jean-Bête à la foire ou Léandre marchand d'agnus sont des variations sur ce schéma. Le Barbier l'enrichit. La jeunesse triomphe de cette comédie d'intrigue au rythme stupéfiant (c'est l'effet, entre autres choses, de la « contraction » de la pièce en quatre actes), mais aussi le grand seigneur, libertin quoique amoureux. Dans Le Mariage, le modèle se transforme, le valet Figaro n'est plus au service des desseins de son maître, il s'oppose à lui et tente de mener une action qui assure la réalisation de ses ambitions et de ses désirs propres : c'est déjà Ruy Blas. Le plébéien s'oppose ainsi à la pratique du « droit du seigneur » qui livrerait au comte Almaviva sa propre fiancée, Suzanne, et rameute autour de lui une véritable troupe populaire. Mais la jacquerie tourne à la fête réconciliatrice autour de l'union conjugale, celle du comte et de la comtesse, celle de Bartholo et de Marceline, celle de Figaro et de Suzanne. Les déguisements de la parade, le feu d'artifice, les fêtes traditionnelles font oublier les menaces et les insolences de Figaro ou de Chérubin. Ainsi tout finit par des chansons : Le Mariage de Figaro est la dernière fête de l'Ancien Régime, sa dernière utopie. Quant au dernier drame de Beaumarchais, il porte partout la trace de la politique, mais d'une politique qui se fait ailleurs et dont le foyer n'est nullement le discours dramatique ; la présence du buste de Washington, l'engagement de Léon au club, le renoncement aux marques extérieures de noblesse révèlent l'inscription de la pièce dans l'histoire.
Ce n'est pas non plus le moindre paradoxe de voir « monter » dans la trilogie le thème de la famille comme valeur et refuge, thème présent dès les deux drames de 1767 et 1770, en même temps que le travaillent ceux du désir, de l'adultère, de l'inceste et de la perversion. À cet égard, La Mère coupable révèle étonnamment les pulsions qui étaient à l'œuvre dans Le Mariage. Le jeune Chérubin, ce morveux sans conséquence, qui s'introduit si facilement chez les femmes du château et surtout chez sa belle marraine, ce joli valet de cœur n'en est pas moins promis à la mort par la jalousie du roi, et l'on apprend qu'il a violé la comtesse. Le désir, comme le ruban taché de sang, ne circule pas impunément. L'ombre de l'inceste plane sur les amours de Léon et de Florestine. Le double adultère de La Mère coupable appartient à la thématique du drame moderne. Beaumarchais lève un tabou de la scène d'Ancien Régime (on n'y évoquait que des « mariages secrets ») et annonce un topos du théâtre bourgeois des siècles suivants. Il inscrit aussi cet événement historique majeur qu'est l'instauration du divorce par la Révolution. Par une série d'opérations magiques, l'intrigue de la pièce débouche sur une réconciliation générale autour d'une famille reconstituée, et Figaro peut conclure par cette sentence : « On gagne assez dans les familles quand on en expulse un méchant. » Mais cette expulsion ne clôt pas l'imaginaire. Le traître satanique (ainsi est-il désigné par Figaro) part en proférant des menaces qui restent dangereuses. Le drame de famille naît de tous les secrets enfouis, chuchotés ou surpris, sans lesquels il n'est pas de famille. C'est cette structure détraquée qui donne au drame son actualité.
Beaumarchais, grâce à l'épaisseur d'histoire individuelle dont il les dote, fait de ses personnages de véritables sujets. Recentrant Le Barbier de Séville autour de Bartholo, admirablement interprété par Roland Bertin, la mise en scène de Jean-Luc Boutté (à la Comédie-Française en 1990) montrait à nu la mutation du statut du personnage conventionnel du barbon ou du docteur de la commedia dell'arte. Bartholo aime, mais il est vieux et laid, or sa jalousie lui confère une rare profondeur de souffrance et d'intelligence. Quand Beaumarchais se saisit de l'emploi du valet de comédie, il le traite tantôt en usant des ressources de la tradition (l'Éveillé et la jeunesse du Barbier, Guillaume de La Mère coupable), tantôt en le transformant totalement. Figaro (dont la personnalité s'esquisse avec Drink dans Eugénie) est un sujet avec son histoire, ses contradictions, avec sa conscience réfléchissante, en un mot avec son moi. Il peut s'interroger dans son monologue célèbre. Il est d'ailleurs plus qu'un personnage, il est encore le spectateur de son histoire et surplombe la comédie comme le spectateur lui-même, avec lequel il est en profonde sympathie. Et dans ce moi, comme dans le théâtre romantique, nous sentons, nous cherchons l'auteur et sa subjectivité. Son amour des femmes est présent dans chaque scène. C'est ce qu'a vu Mozart, qui a écrit les Nozze autour du sublime trio vocal de la comtesse, de Suzanne et de Chérubin. En elles est le secret du charme et de l'énergie de Figaro. En elles toutes les nuances de la vertu, de l'audace, de l'amour conjugal, mais aussi la fragilité, le désir et ses abandons. Beaumarchais, touché par la grâce, réussit l'alliance du libertinage et de la tendresse.
Si Le Mariage de Figaro est la plus indiscutablement réussie des comédies. c'est que Beaumarchais nous entraîne dans un rythme admirable, parce qu'il est celui de la vie et du désir. Même lorsqu'on sent l'amertume (dans le monologue de Figaro), on la devine passagère : l'insolence tourne à la fête et non pas au ressentiment. Quand on sent cette gaîté s'estomper, ce tempo se casser, le charme s'évanouit : c'est le temps du dernier drame et de la Révolution. Beaumarchais est en vérité l'homme de deux siècles : c'est qu'il est tout à fait libre. Il est libre des traditions, dont il sait pourtant retenir les ressources, libre dans l'idéologie même des Lumières, à laquelle il est attaché, libre dans sa parole et dans ses sentiments. Cette liberté est le secret de sa jeunesse Pierre Frantz

Å’uvres

Statue de Beaumarchais par Louis Clausade, 4e arrondissement de Paris.

Théâtre

Eugénie, drame en 5 actes en prose avec un essai sur le drame sérieux. Première représentation : 29 janvier 1767.
Les Deux Amis, ou le Négociant de Lyon, drame en 5 actes et en prose, Vve Duchesne, Paris, 1770. Première donnée à la Comédie-Française le 13 janvier 1770.
Tarare, mélodrame en 5 actes, P. de Lormel, Paris, 1787. Première donnée à l’Académie royale de musique le 8 juin 1787. Livret de Beaumarchais, musique de Salieri.
Trilogie de Figaro, ou Le Roman de la famille Almaviva, selon l’appellation donnée par Beaumarchais dans une préface de La Mère coupable :
Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile, comédie en 4 actes, Ruault, Paris, 1775. Première donnée à la Comédie-Française le 23 février 1775 et 2e représentation du Barbier de Séville en 4 actes le 25 février 1775.
La Folle journée, ou le Mariage de Figaro, comédie en 5 actes et en prose, Ruault, Paris, 1778. Première donnée à la Comédie-Française le 27 avril 1784.
L’Autre Tartuffe, ou la Mère coupable, drame moral en 5 actes, Silvestre, Paris, 1792, an II. Première donnée le 6 juin 1792.

Factum

Concernant l’affaire Goëzman : « Le 17 juillet 1770, le financier Pâris-Duverney meurt et les dispositions qu’il a prises dans son testament en faveur de Beaumarchais sont contestées par le comte de La Blache, son légataire universel. Un procès s’ensuit et les biens de Beaumarchais sont finalement saisis lorsqu’en 1773 il publie à propos des agissements du rapporteur à son procès, le juge Goëzman, quatre mémoires dont l’esprit et la dialectique ont un retentissement considérable et font condamner le juge, le 26 février 1774. Michaud
Requête d’atténuation pour le sieur Caron de Beaumarchais, A Nosseigneurs de parlement, les chambres assemblées, Knapen, Paris, 1773
Supplément au mémoire à consulter pour Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, Quillau, Paris, 1773.
Addition au supplément du mémoire à consulter pour Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (...) servant de réponse à madame Goëzman (...) au sieur Bertrand d’Airolles, ... aux sieur Marin, ... et Darnaud-Baculard ..., P.-D. Pierres, Paris, 1774.
Quatrième mémoire à consulter pour Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais... contre M. Goëzman, ... madame Goëzman et le sieur Bertrand, (...) les sieurs Marin, (...) Darnaud-Baculard ... et consorts ..., J.-G. Clousier, Paris, 1774.

Œuvre éditions

Œuvres complètes de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, publiées par P.-P. Gudin de La Brenellerie, L. Collin, Paris, 1809. 7 volumes in-8° avec gravures. I-II. Théâtre ; III-IX. Mémoires ; V. Époques ; VI-VII. Correspondance.
Le Tartare à la Légion, édition établie, présentée et annotée par Marc Cheynet de Beaupré, Le Castor Astral, Collection "Les Inattendus", 1998, 232 pp. Cet ouvrage retrace les liens entre Beaumarchais et Joseph Pâris Duverney, détaillant les phases du procès qui opposa Beaumarchais au comte de La Blache, relatif à la succession du financier. Outre le texte annoté du dernier mémoire à consulter de l’affaire, il donne un éclairage intéressant sur les circonstances ayant présidé à la rédaction du Mariage de Figaro et du Barbier de Séville.

Opéras

Le Nozze di Figaro, Vienne, Burgtheater, 1er mai 1786, par Mozart, livret de Lorenzo da Ponte ;
Il barbiere di Siviglia (Rossini), Paris, Comédie-Française, 23 février 1775, par Gioachino Rossini, livret de Cesare Sterbini.

Cinéma

Le Mariage de Figaro et Le Barbier de Séville ont fait l’objet de nombreuses adaptations cinématographiques en plusieurs langues, pour la télévision essentiellement. Le personnage historique lui-même a été porté à l’écran, notamment dans les films suivants :
Beaumarchais ou 60 000 fusils de Marcel Bluwal - Téléfilm, 1966, France. Avec Bernard Noël dans le rôle de Beaumarchais.
Beaumarchais, l'insolent d’Édouard Molinaro - 1996, France, 96 minutes, Couleur. D’après une pièce de Sacha Guitry. Avec Fabrice Luchini dans le rôle de Beaumarchais.


#69 Antoine Houdar de La Motte
Loriane Posté le : 16/01/2016 23:44
Le 17 janvier 1672 à Paris naît Antoine Houdar

ou Houdart de La Motte, mort dans la même ville le 26 décembre 1731, écrivain et dramaturge français, chorégraphe et librettiste, membre de l'académie française à partir de 1753. Il tint une place importante dans la vie littéraire de son temps par ses écrits et par ses conceptions.
vec Les Originaux ou l'Italien 1693, Houdar de La Motte fait au théâtre des débuts désastreux qui le conduisent à la Trappe. Mais il revient bientôt aux lettres et entame avec succès une nouvelle et double carrière, dramatique et poétique. Ses opéras en particulier, L'Europe galante 1697, Le Triomphe des arts 1700, Sémélé 1709 sont bien accueillis. Ses Odes 1709 sentent, suivant le mot d'un contemporain, le rhéteur ; le Discours sur la poésie en général, et sur l'ode en particulier qu'y joint l'auteur manifeste ses prétentions de théoricien et son esprit géométrique : L'art poétique même, écrit-il, a ses axiomes, ses théorèmes, ses corollaires et ses démonstrations » et consiste essentiellement pour lui dans le nombre, la cadence et les figures. Les exposés dont il continuera à accompagner ses œuvres le posent en champion du modernisme. Il publie, en 1714, une Iliade en vers français et en douze chants, tirée de la traduction de Mme Dacier il ne savait pas le grec, amputée de tout ce qu'il y a trouvé d'oiseux et de suranné, et précédée d'un Discours sur Homère : c'est là le début du troisième et dernier épisode de la querelle des Anciens et des Modernes. À l'énergique réplique de la traductrice Les Causes de la corruption du goût, il répond avec modération dans ses Réflexions sur la critique 1715. Il fait paraître, en 1730, ses Réflexions sur la tragédie ; il propose l'abandon des unités, qui entraînent trop d'entorses à la vraisemblance, et recommande l'usage de la prose dans la tragédie. Mais les tragédies qu'il fait jouer lui-même — notamment Les Macchabées 1722, Romulus 1722, Iñès de Castro 1723, Œdipe 1730 — sont beaucoup moins novatrices que ses principes. Ce n'est pas à ses œuvres qu'Houdarpar ailleurs auteur de Fables, 1719, et d'Églogues doit de s'être fait un nom dans l'histoire de la littérature — mais bien plutôt à la souriante et inflexible obstination avec laquelle il a tenté de débarrasser la poésie de ses oripeaux mythologiques, le théâtre de conventions dont on ne comprenait plus l'utilité, la littérature du carcan de l'imitation et de l'abus du commentaire — et de substituer la raison à la tradition. Bernard Croquette


Sa vie

Fils d'un chapelier, Houdar de La Motte fut élève chez les Jésuites, puis fit des études de droit avant de se consacrer à la littérature.
En 1693, sa première pièce, la comédie Les Originaux, farce en prose mêlée de vers donnée au Théâtre-Italien, fut un tel fiasco que Houdar, déprimé, pensa un moment se faire moine. Il entra à l'Abbaye de La Trappe et en sortit au bout de deux mois, avant d'avoir pris l'habit, le père supérieur le lui ayant fortement déconseillé.
Six ans plus tard, il connut le succès avec un livret d’opéra, l'Europe galante 1697. Encouragé par ce début, il donna coup sur coup de nombreux livrets d'opéras-ballets, pour des compositeurs tels qu’André Campra, Destouches et Marin Marais. Il introduisit à l'opéra trois innovations : le ballet, la pastorale et la comédie-ballet. Il donna également six comédies qui réussirent moins bien, quoique Le Magnifique et L'Amante difficile aient eu un certain succès. C'est dans cette pièce qu'apparut pour la première fois Silvia, l'interprète préférée de Marivaux. La pièce annonce d'ailleurs les jeux de l'amour mise au théâtre par ce grand dramaturge. Si l'écriture d'Houdart est plus brève, il entre dans la même problématique, avec un sens du comique certain; comme son rival en dramaturgie, il est féministe. Il écrivit quatre tragédies dont l’une, Inès de Castro 1723, d'après un sujet tiré de Camoëns, triompha au Théâtre-Français, bien avant celle de Montherlant qui reprit avec bonheur le sujet.
Dans le salon de la marquise de Lambert, dont La Motte était l'un des piliers, avec son ami Fontenelle, avec qui il partageait absence de préjugé et esprit d’investigation, on discutait de la question de savoir si la versification était indispensable à la poésie. On estima en définitive que le vers rendait le poète esclave de règles superflues, compliquées et néfastes, qui favorisaient les chevilles et les périphrases et entravaient l'expression vraie de la poésie. On préconisa de revenir à la netteté et à la fermeté de la prose, surtout au théâtre pour des raisons de naturel. Houdar de La Motte voulut démontrer que la prose pouvait fort bien servir la poésie. Il donna Les Aventures de Télémaque de Fénelon comme un exemple en ce sens et mit en prose une scène de Mithridate de Racine dont il assura qu'elle gagnait à ce traitement. Pourtant, admirateur de La Fontaine, il écrivit des fables en vers. Certaines ont un style très achevé, et témoignent d'un certain pessimisme.
Il fut un des fidèles de la duchesse du Maine, dans le cercle restreint des chevaliers de la Mouche à Miel et participa aux salons littéraires et aux Grandes Nuits de Sceaux qu'elle donna en son Château de Sceaux.
Houdar de La Motte discuta également de la validité des conventions du théâtre classique, et notamment de la règle des trois unités :
Je ne prétends ... pas anéantir ces règles, écrivait-il dans son Discours sur la tragédie ; je veux dire seulement qu'il ne faudrait pas s'y attacher avec assez de superstition, pour ne les pas sacrifier dans le besoin à des beautés plus essentielles.
Il versifia, en 1714, sans connaître le grec, la traduction de l’Iliade publiée par Anne Dacier en 1699. La préface de cette traduction contient un Discours sur Homère dans lequel, après s'être livré à une critique en règle de l'original dans laquelle il stigmatise la grossièreté des personnages, la prolixité de leurs discours, les répétitions, les énumérations, etc., il affirme : J’ai pris la liberté d’y changer ce qui j’y trouvais de désagréable. Dans ses Réflexions sur la critique, il précise :
L'Iliade d'Homère, que bien des gens connaissent plus de réputation que par elle-même, m'a paru mériter d'être mise en vers français, pour amuser la curiosité de ceux qui ne savent pas la langue originale. Pour cela j'interroge Homère ; c'est-à-dire que je lis son ouvrage avec attention ; et persuadé en le lisant que rien n'est parfait, et que les fautes sont inséparables de l'humanité, je suis en garde contre la prévention, afin de ne pas confondre les beautés et les fautes. Je crois sentir ensuite que les dieux et les héros, tels qu'ils sont dans le poème grec, ne seraient pas de notre goût ; que beaucoup d'épisodes paraîtraient trop longs ; que les harangues des combattants seraient jugées hors d'œuvre, et que le bouclier d'Achille paraîtrait confus, et déraisonnablement merveilleux. Plus je médite ces sentiments, plus je m'y confirme ; et après y avoir pensé autant que l'exige le respect qu'on doit au public, je me propose de changer, de retrancher, d'inventer même dans le besoin ; de faire enfin selon ma portée, tout ce que je m'imagine qu'Homère eût fait, s'il avait eu affaire à mon siècle.
De fait, La Motte avait non seulement abrégé de moitié l'ouvrage d'Homère, réduit de 24 à 12 chants, mais il l'avait enjolivé et mis au goût du jour. Anne Dacier apprécia peu le procédé et répliqua dans un Traité des causes de la corruption du goût. La Motte répondit à son tour dans ses Réflexions sur la critique 1716, dans lesquelles, ranimant la querelle des Anciens et des Modernes lancée par Charles Perrault au xviie siècle, il prenait résolument le parti des Modernes. Indépendamment des mérites de cette controverse, il y conserva toujours un esprit et une courtoisie qui contrastèrent très favorablement avec les méthodes de ses rivaux. Pourtant il adapta un texte antique : La Matrone d'Ephèse, en ne s'indignant pas de l'infidélité de la veuve prête à sacrifier le cadavre de son vieux mari pour sauver son jeune amant. Au contraire, il semble sourire avec esprit de cette situation insolite.
L'affaire fit grand bruit. Jean-Baptiste Rousseau, qui ne pardonnait pas à La Motte d'avoir été élu contre lui à l'Académie française, lui décocha de venimeuses épigrammes. On fit sur le sujet de petites pièces où les protagonistes étaient aisés à reconnaître sous des noms supposés. En définitive, Fénelon, choisi pour juge de la querelle, mit tout le monde d'accord en déclarant qu'on ne peut trop louer les modernes qui font de grands efforts pour surpasser les anciens. Une si noble émulation promet beaucoup ; elle me paraîtrait dangereuse si elle allait jusqu'à mépriser et à cesser d'étudier ces grands originaux.
La Motte était aussi l'un des habitués des cafés philosophiques, fréquentant les établissements de la Veuve Laurent, de Graudot ou le Café Procope. Élu à l’Académie française le 8 février 1710, il devint aveugle peu après et supporta son infirmité avec stoïcisme. À un jeune homme qui l'avait souffleté parce qu'il lui avait marché sur le pied, il dit ainsi : Vous allez être bien fâché, monsieur, je suis aveugle. .
En 1726, il entretint une correspondance avec la duchesse du Maine dans laquelle – quoique aveugle et perclus de ses membres – il eut la goutte, et sa protectrice l'aidait à se promener en fauteuil roulant, pourtant il jouait l'amoureux et elle la bergère ingénue. On possède un tableau qui le représente, avec Fontenelle et Saurin, dans le salon de la sœur de Mme de Tencin, cette dernière leur apportant le chocolat.
Il fut inhumé dans l'église Saint-André-des-Arts à Paris.

Œuvres Postérité littéraire

Houdar de La Motte a composé des Odes, généralement assez érotiques, parmi lesquelles on peut citer celles sur l'Émulation, sur la mort de Louis XIV ou encore À la Paix, mais dont on estime le plus celle sur l'Homme :

Impatient de tout connaître
Et se flattant d'y parvenir,
L'esprit veut pénétrer son être,
Son principe et son avenir ;
Sans cesse il s'efforce, il s'anime ;
Pour sonder ce profond abîme
Il épuise tout son pouvoir ;
C'est vainement qu'il s'inquiète ;
Il sent qu'une force secrète
Lui défend de se concevoir.
Il a publié en 1719 des Fables nouvelles, ce qualificatif voulant marquer que les sujets en sont de son invention, à la différence de ceux de La Fontaine qui s'était inspiré des anciens fabulistes. Ces fables manquent généralement de poésie et se développent avec la sécheresse d'une démonstration de mathématiques qui semble n'avoir d'autre but que d'arriver à la conclusion morale. Certaines d'entre elles renferment toutefois des vers heureux, par exemple :

C'est un grand agrément que la diversité :
Nous sommes bien comme nous sommes.
Donnez le même esprit aux hommes,
Vous ôtez tout le sel de la société.
L'ennui naquit un jour de l'uniformité.
(Les amis trop d'accord
Je parle peu, mais je dis bien :
C'est le caractère du sage.
La montre et le cadran solaire
Il écrivit également les textes des cantates sacrées qu'Élisabeth Jacquet de La Guerre mit en musique en 1708 : Esther, Le Passage de la Mer Rouge, Jacob et Rachel, Jonas, Suzanne, Judith ; en 1711 : Adam, Le Temple rebâti, Le Déluge, Joseph, Jephté et Samson.
Sa réputation repose aujourd’hui sur l’excellente prose dans laquelle il a exprimé ses vues, bien meilleure que ses vers, durs et sans couleur. On se souvient aussi qu'il s'abstint de répondre à une lettre de Jean-Philippe Rameau qui aurait souhaité mettre en musique un de ses livrets : probablement une belle occasion manquée par Houdar de la Motte. Mais, plus que par ses productions, c'est par son rôle dans le mouvement des idées et par la place importante qu'il occupa dans la vie littéraire de son temps que le nom de Houdar de La Motte est parvenu jusqu'à nous. « Il prouva, selon Voltaire, que dans l'art d'écrire on peut être encore quelque chose au second rang.

Œuvres poétiques

Le Premier livre de l'Iliade, traduit en vers français, 1701
Églogue sur la naissance de Mgr le duc de Bretagne, 1707
Odes
Odes avec un Discours sur la poésie en général, et sur l'ode en particulier, 1707 plusieurs éditions ultérieures
Le Deuil de la France, ode, 1712
Le Souverain, ode, 1712
Ode sur la mort de Louis le Grand, ode, 1716
La critique, ode, 1720
Fables
Fables nouvelles, Paris, 1719 plusieurs éditions ultérieures
Le Cygne, fable allegorique, 1714
L'Indien et le soleil, 1720

Å’uvres critiques

Discours sur Homère, 1714
Réflexions sur la critique, Paris, G. Du Puis, 1715
Discours sur la fable, Paris, Grégoire Dupuis, 1719
Discours sur la poésie, Paris, Prault l'aîné, 1754
Discours sur la tragédie, Paris, Prault l'aîné, 1754
Suite des Réflexions sur la tragédie, 1730

Å’uvres dramatiques

Frontispice et titre d'une édition de 1730 (exemplaire de la bibliothèque patrimoniale de Gray
Les Originaux ou l'Italien, comédie en musique en 3 actes, musique de M. de Masse, représentée sur le théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, le 13 août 1693
Issé, pastorale héroïque en 3 actes avec prologue, représentée au château de Fontainebleau le 7 octobre 1697 le 24 octobre 1697
Amadis de Grèce, tragédie lyrique en 5 actes et un prologue, musique d'André Cardinal Destouches, représentée le 25 mars 1699 Académie royale de musique
Marthésie, première reine des Amazones, tragédie lyrique en 5 actes et un prologue, musique d'André Cardinal Destouches, représentée au château de Fontainebleau le 11 octobre 1699
Le Triomphe des arts, opéra-ballet en 5 actes, musique de Michel de La Barre, représenté au théâtre du Palais-Royal (Académie royale de musique le 16 mai 1700
Canente, tragédie lyrique en 5 actes et un prologue, musique de Pascal Collasse et Antoine Dauvergne, représentée au théâtre du Palais-Royal Académie royale de musique) le 4 novembre 1700
Les Trois Gascons, comédie avec divertissements en 1 acte, avec Nicolas Boindin, musique de Giuseppe Maria Cambini et Nicolas Racot de Grandval, dit Grandval le Père, représentée à la Comédie-Française le 4 juin 1701
Omphale, tragédie lyrique en 5 actes et un prologue, musique d'André Cardinal Destouches, représentée au théâtre du Palais-Royal (Académie royale de musique) le 10 novembre 1701
La Matrone d'Éphèse, comédie en 1 acte et en prose, représentée à la Comédie-Française le 23 septembre 1702
Le Carnaval et la folie, comédie-ballet en 4 actes et un prologue, musique d'André Cardinal Destouches, représentée au château de Fontainebleau le 3 janvier 1703
Le Port de mer, comédie en 1 acte et en prose, avec Nicolas Boindin, musique de Nicolas Racot de Grandval, dit Grandval le Père, représentée à la Comédie-Française le 27 mai 1704
La Vénitienne, opéra-ballet en un prologue et 3 actes, musique de Michel de La Barre, représenté au théâtre du Palais-Royal Académie royale de musique le 26 mai 1705 ; remis en musique par Antoine Dauvergne, Académie royale de musique, 6 mai 1768
Sémélé, tragédie lyrique en 5 actes, musique de Marin Marais, représentée au théâtre du Palais-Royal (Académie royale de musique le 9 avril 1709
La Ceinture de Vénus, tableau dramatique, musique de Jean-Joseph Mouret, représenté au château de Sceaux le 19 avril 1715
Alcione, tragédie lyrique en 5 actes et un prologue, musique de Marin Marais, représentée au théâtre du Palais-Royal Académie royale de musique, le 18 février 1706
Apollon et les muses, tableau dramatique, musique de Jean-Joseph Mouret, représenté au château de Sceaux le 19 avril 1715
L'Amante difficile ou l'amant constant, comédie en 5 actes et en prose, avec Pierre Rémond de Sainte-Albine, représentée au théâtre de l'Hôtel de Bourgogne le 17 octobre 1716
Les Macchabées, tragédie en 5 actes et en vers, représentée à la Comédie-Française le 6 mars 1721
Romulus, tragédie en 5 actes et en vers, représentée à la Comédie-Française le 8 janvier 1722
Inès de Castro, tragédie en 5 actes et en vers, représentée à la Comédie-Française le 6 avril 1723
Œdipe, tragédie en 5 actes et en vers, représentée à la Comédie-Française le 18 mars 1726
Dalcyone, opéra, représenté en septembre 1730
L'Italie galante ou les contes, comédie en un prologue et 3 parties Le Talisman, Richard Minutolo, Le Magnifique, représentée à la Comédie-Française le 11 mai 1731
L'Amante difficile, divertissement en 5 actes et en prose, musique de Jean-Joseph Mouret, représenté au théâtre de l'Hôtel de Bourgogne le 23 août 1731
Scanderberg, tragédie lyrique en 5 actes et un prologue, avec Jean-Louis-Ignace de La Serre, musique de François Francœur et François Rebel, représentée au théâtre du Palais-Royal Académie royale de musique= le 25 octobre 1735
Pygmalion, ballet, remanié par Ballot de Sauvot, musique de Jean-Philippe Rameau, représenté au château de Fontainebleau le 27 août 1748
Prométhée, prologue en vers, représenté à Paris le 9 janvier 1753
Titon et l'Aurore, pastorale héroïque en 3 actes, avec Claude-Henri de Fusée de Voisenon et l'abbé de La Marre, musique de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville, représentée au théâtre du Palais-Royal Académie royale de musique le 9 janvier 1753
Le Magnifique, comédie en 2 actes et un Prologue avec trois intermèdes, représentée au château de Fontainebleau le 15 novembre 1753
Le Ballet des fées, ballet
Le Calendrier des vieillards, comédie en 1 acte et en prose
Climène, pastorale en 1 acte et en vers
Les Âges, opéra-ballet en 4 actes et un prologue

Décoration

Chevalier de l'Ordre de la Mouche à Miel


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#70 Pedro Calderon
Loriane Posté le : 16/01/2016 19:38
Le 17 janvier 1600 naît Pedro Calderón de la Barca de Henao y Riaño,

à Madrid, mort à 81 ans, à Madrid le 25 mai 1681, poète et dramaturge espagnol, son Œuvre principale est " La vie est un songe "
Extraordinairement prolifique, auteur de plus de deux cents textes dramatiques, il est en particulier connu pour sa pièce La vie est un songe 1635. Calderón est le plus grand des dramaturges espagnols : ses origines, son expérience et sa culture rendent compte des idées, des sentiments, des thèmes et des sujets qu'il expose et développe dans cent vingt comédies, quatre-vingts autos sacramentales et quelques intermèdes. Sa souche paysanne et castillane fait de lui un parvenu, soucieux de ne le paraître pas et, pourtant, enclin à défendre la digne paysannerie contre les mauvais seigneurs. Sa jeunesse turbulente à Madrid, sa carrière à la Cour, son entrée tardive dans les ordres et la charge qu'il assume auprès de Philippe IV et de Charles II expliquent les comédies de philosophie politique, les pièces lyriques et à grand spectacle et les drames historiques et hagiographiques. À la noblesse, il donne des leçons de noblesse, au clergé, des leçons d'orthodoxie, et au petit peuple, des leçons d'humilité. Ajoutons qu'il fut élevé par les Jésuites et qu'il tâta sans conviction de la carrière des armes. Enfin, pour lui comme pour ses contemporains, tout dans la vie et dans l'histoire est tragi-comédie.


En bref

Calderón se propose d'énoncer et de résoudre sur la scène, et à l'intention d'un public compréhensif, des problèmes types nés alors des contradictions intérieures de la société et de l'homme dans ses rapports avec les autres, avec le monde.
Ainsi, Dame ou fantôme La Dama duende enseigne aux filles à berner l'autorité des frères et des parents, mais pour la bonne cause, le mariage. Maison à deux issues Casa con dos puertas fixe une limite à l'audace des garçons en âge de s'émanciper. Le Médecin de son honneur El Médico de su honra, 1635 montre comment, dans un cas extrême, un homme peut défendre son honneur sans contrevenir à ses devoirs de vassal quand son épouse est sollicitée d'amour par un prince royal on tue simplement la pauvre femme innocente. La vie est un songe (La vida es sueño, 1636) détourne le souverain de la tentation du machiavélisme : Dieu a voulu l'hérédité de la couronne et non expressément la prospérité de l'État ; et puis la notion de Bien, qui n'est pas absente de nos rêves, doit guider notre vie. Le Mage prodigieux (El Mágico prodigioso démontre le caractère fallacieux et dangereux de la science conçue comme finalité et non comme moyen. La Dévotion à la Croix (La Devoción de la Cruz), souligne la miraculeuse importance de la piété extérieure et rituelle, signe efficace d'une présence spirituelle chez l'être le plus fourvoyé. L'Alcade de Zalamea 1644) oppose paysans et soldats ; le roi tranche, de droit divin, le conflit entre la juridiction civile et la juridiction militaire, et c'est en faveur de la dignité humaine, de l'honneur, patrimoine commun. Écho et Narcisse, comédie lyrique et spectaculaire, célèbre la fête anniversaire d'une petite infante et traite des problèmes psychologiques d'une jeunesse trop choyée, gâtée. La Statue de Prométhée souligne les insuffisances de la théologie païenne au niveau du gouvernement des hommes : il convient de conjuguer les armes avec les lettres, l'action avec la pensée dans une commune soumission à l'autorité divine et à la Providence, seule loi de l'histoire.
Les hommes du peuple sont toujours présents dans les comédies de cape et d'épée, courtoises, philosophiques, bibliques, hagiographiques, mythologiques, historiques ou légendaires. Mais ils apparaissent comme des bouffons graciosos, pleutres et bassement matérialistes, toutefois doués de bon sens et d'une excellente intuition, car Dieu parle par la bouche des simples d'esprit et des simples en esprit.
Les « autos sacramentales » Les autos sacramentales sont, sous la plume de Calderón, des pièces allégoriques de plus de mille vers, que l'on représentait le jour de la Fête-Dieu dans les rues des villes et des villages et dont le dénouement implique l'intervention divine matérialisée par l'Eucharistie. Le poète part de n'importe quelle donnée : de circonstance, biblique, mythologique ou de pure fantaisie. Il constitue en personnages les Vertus et les Vices, le Saint-Esprit, la Grâce et le Démon, la Raison et l'Erreur, bref, tout ce qui, à l'état labile et sans cesse altéré, intervient dans nos débats intérieurs, dans notre « psychomachie ». Or nous ne pouvons recouvrer notre équilibre intérieur et notre unité que dans la foi et parce que – mystère de la transsubstantiation – nos nourritures terrestres se muent en forces spirituelles.
Dans l'auto La vie est un songe, Calderón reprend, sous forme allégorique, l'intrigue de son fameux drame ; et l'on voit le Libre-Arbitre réduit à l'état d'esclave par les passions : l'Intelligence, éclairée par la Grâce survenue dans son sommeil, le libère de ses chaînes ; il peut alors hériter de Dieu le Père ses pouvoirs ici-bas. Dans Le Grand Théâtre du monde El Gran Teatro del mundo, un baladin, le sieur Monde, met en scène des intrigues fantastiques où tout est fiction, tout est apparence : c'est l'image de notre vie. Dans Le monde est une foire El Gran Mercado del mundo, la société des hommes est le lieu de toutes les tromperies et de tous les abus ; mais on peut y conclure aussi d'honorables marchés.
Le genre des autos, si populaire aux XVIIe et XVIIIe siècles, suppose une culture différente de la nôtre. Il fut cependant l'expression littéraire la plus adéquate de la vie intérieure, avec ses conflits et ses dépassements, dans un temps où la psychologie n'était pas confondue avec la physiologie.
Calderón a tenté d'imiter l'opéra italien dans de courtes pièces dites zarzuelas, du nom de la maison des champs du roi d'Espagne où elles furent représentées pour la première fois. Mais son génie dramatique confère au libretto plus d'importance qu'à la musique ou à la mise en scène. Ainsi en est-il de À quoi la rose doit son pourpre ? La Púrpura de la rosa : Mars, changé en sanglier, tue Adonis, dont Vénus, infidèle, s'était éprise. Le beau garçon est transformé en anémone, qui ne dure qu'un printemps. Or Vénus, se portant au secours du bien-aimé, s'est blessé le talon aux épines du chemin ; depuis, les gouttes de sang ont coloré les roses.
Le théâtre de Calderón est profondément enraciné dans le Madrid du XVIIe siècle, ville et cour des Habsbourg décadents. Éloigné de tout réalisme, il présente l'image idéale que la nation espagnole se faisait d'elle-même, noble, pieuse, fidèle à son roi, prodondément démocratique et égalitaire ; il la défend contre ses tentations de renouveau : plutôt supporter les contraintes et les conventions traditionnelles, sans doute éternelles, que de se soumettre à l'arbitraire de la grande aristocratie et au faux prestige de l'argent. Charles Vincent AUBRUN

Sa vie

Un lettré de petite noblesse
Son père occupe une charge dans l'administration des finances et sa mère est d'origine flamande et appartient à la petite noblesse. Il a trois sœurs et deux frères, qui deviendront l'un avocat, l'autre officier. Il perd ses parents tôt : sa mère en 1610, son père en 1615. Dans son testament, ce dernier l'engage à suivre la carrière ecclésiastique, ce que Calderón ne fera pas, du moins dans l'immédiat.
Entre 1608 et 1614, il reçoit une excellente éducation au collège impérial de la Compagnie de Jésus de Madrid, où il est initié au latin, à la rhétorique et à la lecture des classiques. Il entreprend ensuite des études de droit à Alcalá de Henares, puis à Salamanque, sans cependant les terminer. La rigueur et la logique de l'argumentation de ses textes, la vaste culture qu'ils révèlent sont la marque de l'empreinte profonde laissée par ces années de formation.

Entre plume et épée

Il compose sa première pièce à 14 ans. De sa jeunesse, on connaît quelques épisodes tumultueux et dignes de l'une de ses comédies de cape et d'épée. Ainsi, en 1621, impliqué avec ses frères dans une affaire d'homicide, il doit vendre la charge de son père pour indemniser la famille de la victime. En 1629, l'un de ses frères est blessé par un acteur qui cherche ensuite refuge dans le couvent des religieuses trinitaires, à l'intérieur duquel Pedro, suivi de près par la police, le poursuit : il sera accusé d'avoir violé un lieu sacré.
Ses démêlés avec la justice et l'Église n'entament ni sa vocation poétique ni la faveur dont il jouit bientôt auprès de son souverain. Dès l'âge de vingt ans, il participe à des concours de poésie, puis il écrit ses premières œuvres dramatiques. Amour, Honneur et Pouvoir, sa première comédie, est représentée en 1623 au Palais royal, comme le seront par la suite la plupart de ses œuvres. Calderón ne tarde pas à devenir le dramaturge favori de la cour, surtout après la mort de Lope de Vega en 1635. Entre 1630 et 1640, il écrit ses œuvres majeures, dont une première partie est publiée dès 1636. Philippe IV, ayant remarqué son talent, l'appelle à la cour en 1636, le comble de faveurs et de distinctions, et fournit aux dépenses nécessaires pour la représentation de ses pièces. L'année suivante, il devient chevalier de l'ordre de Saint-Jacques, après quelques difficultés : l'emploi de son père le rendant indigne de recevoir l'habit de chevalier, il doit obtenir de Rome une dispense.
En 1640 et 1641, il s'engage comme simple soldat, et participe aux campagnes contre la rébellion des Catalans, où il est blessé à la main. Sa brève expérience militaire s'arrête là.
Nanti de charges officielles à la cour de Philippe IV, puis de Charles II, il y exercera avec succès ses talents de dramaturge.

Retraite spirituelle

Quant à sa vie privée, elle demeure peu connue. On lui connaît un fils naturel, nommé comme lui Pedro, né vers 1647 d'une mère dont on ignore tout, et mort à peine dix ans plus tard. En 1651, Calderón entre dans les ordres et ce n'est qu'une fois ordonné prêtre qu'il reconnaîtra avoir eu ce fils, qu'il lui était arrivé auparavant de présenter comme son neveu. À partir de cette date commence pour le dramaturge une vie de retraite, sa « biographie du silence ». Un temps chapelain à la cathédrale de Tolède, il s'en retourne à Madrid en raison de problèmes de santé. Cessant d'écrire directement pour les corrales théâtres populaires comme dans sa première époque, il se consacre dès lors exclusivement à la composition d'autos sacramentales et de divertissements pour la cour.
Fait chapelain honoraire de Philippe IV en 1663, il jouit auprès du public d'une popularité durable, et des recueils de ses œuvres sont régulièrement édités. En 1680, la dernière pièce de Calderón est représentée au théâtre du Buen Retiro, devant le roi Charles II. Un an plus tard, le 25 mai, il expire à Madrid, à l'âge de quatre-vingt-un ans.

Un théâtre baroque

Goethe, Schiller, Schlegel ont su reconnaître, par-delà les aspects désuets ou exotiques du drame de Calderón, sa forme exemplaire et son contenu profondément humain ; le romantisme européen en a tiré parti dans sa lutte contre l'étroite formule classique. Aujourd'hui, c'est l'aspect baroque de ce théâtre que l'on retient de préférence.
La pièce caldéronienne s'intègre à un ensemble, le spectacle, où les éléments lyriques, et même chorégraphiques, et la mise en scène jouent aussi leur rôle. La distance s'accroît entre le public, devenu passif en son admiration, et les planches, où des êtres comme irréels, magnifiquement vêtus, parlent entre eux un langage hermétique, somptueux, sublime. C'est trop d'illusion comique ; aussi Calderón s'emploie-t-il à détromper son auditeur et à le réveiller afin qu'il applique la leçon du drame à son cas personnel sans quoi le spectacle perdrait sa raison d'être.
Lorsqu'il s'agit d'une comédie de cape et d'épée, le sens littéral est doublé d'un sens moral aisément perceptible : les jeunes gens qui jettent leur gourme et les filles à marier créent un désordre dans les familles et dans les rues que le mariage fait cesser, sanction à la fois divine et sociale. Dans la comédie historique ou politique, la restauration de l'ordre divin se fait par le moyen du meurtre ou de la guerre, même si l'individu innocent doit périr. La comédie philosophique remet à leur place l'être et le paraître, l'essence et ses aspects contingents ; elle fait entrevoir le Dieu caché qui donne un sens aux errements des personnages, et donc une justification aux compromis par quoi nous achetons notre paix spirituelle. Dans les pièces mythologiques, les dieux querelleurs révèlent au dénouement leur condition d'entités fictives et provisoires, fantoches dans les mains du Dieu inconnu.

Calderón emprunte cette cosmogonie, cette théologie et cette anthropologie à saint Thomas, à saint Augustin et à leurs exégètes universitaires espagnols du XVIe siècle. Elles n'ont rien d'original si ce n'est la forme dramatique et le style qu'il a su leur donner.
D'abord, il crée des personnages en fonction du thème choisi. En vain y chercherait-on une cohérence psychologique : ils doutent, ils s'égarent, ils se trompent sur eux-mêmes et sur les autres, et si la lumière se fait en eux, ce n'est pas l'effet de leur raisonnement, c'est qu'ils sont soudain éclairés par la grâce de Dieu. Ou bien ils sont victimes de leur embrouillamini, de l'imbroglio créé par leur esprit de système, leur égocentrisme, leur orgueil : les coups de théâtre qui les déconcertent soulignent dramatiquement leur ineptie. L'alternance de ces moments forts – péripéties tragiques – et de moments faibles – récits épiques et morceaux lyriques – donne un rythme secret à la pièce. En outre, les trois actes sont faufilés par des moments – éclairs où surgit et resurgit le sentiment d'une harmonie latente, secrète, au sein de la confusion, et qui annonce l'heureux dénouement final. L'intrigue se passe partout et nulle part : le lieu unique, c'est l'esprit même des spectateurs. Le temps s'étire sur des siècles ou sur des journées ; car sa notion est abolie tout comme dans nos rêves ; et la tragi-comédie n'est au fond qu'une sorte de rêve collectif, organisé pour l'ensemble du public. L' action est le plus souvent double ; la superposition de deux intrigues donne une apparence de profondeur, une perspective illimitée au tableau dramatique à douze ou seize personnages, microcosme forcément superficiel.
Tel est le traitement dramatique que Calderón fait subir au réel, à la fois concret et onirique, tel qu'il le perçoit, tel qu'à sa suite le perçoit son public.

Un théâtre poétique

La langue poétique sert avant tout d'instrument pour l'exploration d'un monde mal connu : elle est faite d'un vaste réseau ou filet de concepts, d'« affects » et de sensations, qui recouvre ce monde, le fixe, permet de l'appréhender. Le vocabulaire est limité et traditionnel ; le personnage comique lui-même transgresse à peine les bornes du décorum de la bienséance, tracées par les « précieux » pétrarquisants et gongorisants. Car la seule « réalité » madrilène du XVIIe siècle admise par la convention est faite de pastorale, de chevalerie et, pour une part variable, de novella bourgeoise à l'italienne. Calderón veut ignorer le vocabulaire de l'artisan, du marchand, du banquier, du paysan et de l'ouvrier. Il use au théâtre d'un seul langage, dont les variations se situent dans le même registre : laquais, cochers, hidalgos ruinés, soldats, duègnes, précepteurs, médecins, étudiants en droit et en théologie, demoiselles lectrices de romans et de « romances », caballeros bretteurs, tous parlent en vers, avec gaucherie ou bien avec adresse, une seule langue, la langue idéale de la noblesse, telle qu'elle a été fixée, non certes par l'aristocratie dans les couloirs du palais royal, mais par Lope de Vega et ses émules depuis la fin du XVIe siècle.
La syntaxe se caractérise par l'incessant va-et-vient de l'analyse, qui énumère, classe, démembre et juxtapose, et de la synthèse, avec ses remembrements, ses récapitulations, ses conclusions de syllogismes, ses pointes et ses concetti totalisateurs. Cela ne va pas sans détours, car Calderón voudrait tout embrasser de la réalité perçue. La phrase tourne donc sur elle-même, à la manière d'une colonne salomonique, dans un retable rutilant d'or et de décoration luxuriante. C'est l'écriture que l'on dit parfois « baroque ». Aussi bien la période se déroule-t-elle dans un balancement savant, comme un ballet, avec ses accords, ses « discords », ses divergences et ses convergences. Quant aux images, elles témoignent d'une vision typiquement aristotélicienne. Calderón réfère les objets à des absolus : à un nom symbolique ou archétype, précédé d'un article défini au singulier ou pluriel et collectif, ou au nom d'un objet-étalon (la perle, l'or, la nacre, la rosée, le pourpre. La comparaison toute relative entre aspects ou apparences des objets est exclue (elle relèverait d'une vision toute cartésienne du monde.
L'œuvre de Calderón de la Barca est de qualité très inégale. La hâte, la commande et le peu de prix que l'on attachait à la comédie dans les cercles littéraires expliquent les négligences de l'écrivain. Ajoutons que les éditions subreptices ou non contrôlées ont dénaturé la plupart des originaux. Mais, pour suranné que soit le répertoire et difficile l'accès de cette poésie dramatique, la grandeur et la sincérité de la vision tragi-comique ont gardé leur puissance émotive. Et les hommes y recourront chaque fois que, saisis de désarroi dans un monde bouché, dans une société sans issue, ils chercheront refuge dans le rêve magnifique d'une réconciliation des contraires, dans l'apaisement onirique de leurs passions désordonnées et dans le magique spectacle de drame, enfin dénoué, de leur tragi-comédie. Charles Vincent Aubrun

Honneur et pouvoir

Bien enraciné par sa culture dans la tradition dramatique espagnole, il la renouvelle par une production théâtrale considérable et variée, riche de quelque deux cents pièces : autos sacramentales, comédies et intermèdes, pièces lyriques agrémentées de chorégraphies, drames historiques et moraux, ses commandes pour les fêtes royales ou religieuses sont autant d'œuvres baroques, intensément poétiques, qui révèlent le génie d'un auteur profondément chrétien et font de lui l'un des maîtres du théâtre espagnol. Sigismond, le héros de son chef-d'œuvre, La vie est un songe, est devenu le symbole universel de l'homme et de sa condition.
Parmi ses autres pièces, les plus connues sont Héraclius, sujet déjà traité par Corneille ; L'Alcade de Zalamea, imitée par Collot d'Herbois dans le Paysan magistrat ; Le Prince constant, Les Armes de la beauté, Le Médecin de son Honneur, Le Purgatoire de Saint Patrice, La Dévotion de la croix. Calderón a beaucoup écrit, qu'il s'agisse de comédies de cape et d'épée ou de pièces à caractère hagiographique (le Magicien prodigieux, historique le Siège de Breda ou mythologique Écho et Narcisse. Il a également composé des poèmes et les livrets de courtes pièces musicales, les zarzuelas. Caldéron s'est aussi exercé dans plusieurs autres genres de poésies. On trouve dans cet auteur beaucoup d'imagination et d'esprit, un rare talent pour nouer et dénouer une intrigue, une poésie facile et harmonieuse.
On distingue dans cette œuvre foisonnante deux périodes. Avant 1640, ses drames présentent un conflit dont on suit l'évolution jusqu'à sa résolution finale. Dans la deuxième partie de sa carrière, le spectacle l'emporte sur l'intrigue et les autos sacramentales destinés à l'édification religieuse prédominent alors dans sa production.

Œuvres traduites en français

Théâtre espagnol du XVIIe siècle, t. II, introduction générale par Jean Canavaggio, Paris, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1999, 2048 p.
Ce volume contient les pièces suivantes de Pedro Calderón de la Barca :
Maison à deux portes, maison difficile à garder Casa con dos puertas, mala es de guardar, 1629
Le Prince constant El príncipe constante, 1629
Le Festin du roi Balthasar La cena del rey Baltasar, 1632
Aimer par-delà la mort Amar después de la muerte o El tuzaní de la Alpujarra, 1632
Les Cheveux d'Absalom Los cabellos de Absalón, 1633
La Dévotion à la Croix La devoción de la cruz, 1634
La vie est un songe La vida es sueño, 1636
Le Magicien prodigieux El mágico prodigioso, 1637
Le Médecin de son honneur El médico de su honra, 1637
Le Dernier Duel en Espagne El Postrer duelo de España, 1639
L'Alcade de Zalamea El Alcade de Zalamea, 1651
Le Grand Théâtre du monde El gran teatro del mundo, 1655
Écho et Narcisse Eco y Narciso, 1661
Intermède du Petit Dragon Entremés del dragoncillo
Intermède du Défi de Juan Rana Entremés del desafío de Juan Rana
Autres pièces traduites
La Nef du marchand El gran mercado del mundo, 1635, Paris, E, Lyon-Claesen, 1898
La Dame fantôme La Dama duenda, 1629, Paris, Hatier, 1922 ; autre traduction sous le titre La Dame lutin, Paris, Éditions théâtrales, 2009 ; autre traduction sous le titre La Lutine, Paris, Éditions de l'Amandier, 2010
Le Fantôme amoureux El galán fantasma, 1637, Paris, Cicero, 1992
Les Innocents coupables (Peor está que estaba, 1640, Paris, Cicero, 1992
La Magie sans magie, El encanto sin encanto, Paris, Cicero, 1992
Le Peintre de son déshonneur El pintor de su deshonra, 1637, Paris, Éditions théâtrales, 2004
La Tour de Babel La Torre de Babilonia, Paris l'Harmattan, 2007
Le Schisme d'Angleterre ou l'Histoire d'Henri VIII (La Cisma de Ingalaterra, 1659), Paris, L'Arche, 1960 ; autre traduction, Paris, Éditions théâtrales, 2009



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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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