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Molière
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Le 17 Février 1673 à Paris meurt Jean-Baptiste Poquelin dit

Molière

Molière est une figure internationale de la littérature, il est un des fleurons Français les plus connus par son théâtre
Auteur, comédien, chef de troupe, Molière incarne le type même de l’homme de théâtre, engagé dans son art et dans la société de son temps, et faisant œuvre pour les siècles à venir. Les Comédiens-Français se sont emparés de son héritage en en faisant leur « patron », interprétant son théâtre depuis plus de trois siècles. Symbole de cette présence spirituelle, le "fauteuil de Molière" accueille les spectateurs dans la galerie des bustes qui jouxte la corbeille.


Naissance

« Du Samedy 15e janvier 1622, fut baptisé Jean, fils de Jean Pouquelin, marchant tapissier, et de Marie Cressé sa femme, demeurant rue Saint-Honoré, le parin Jean-Louis Pouquelin, porteur de grains, la marine Denise Lescacheux, veuve de Sébastien Asselin, vivant maistre tapissier. »

Nul ne peut plus lire ces lignes dans le registre paroissial de l'église Saint-Eustache, car le feu les a détruites lors de l'incendie de l'Hôtel de Ville en 1871.
Heureusement, le texte en avait été recueilli, vers 1820, par un chercheur infatigable, Louis-François Beffara.
Sa découverte établissait de façon sûre la date et le lieu de la naissance de celui qui, vingt et un ans plus tard, jeune chef d'une petite troupe de comédiens, allait apposer pour la première fois, sur l'engagement d'un danseur, le nom devenu célèbre dans le monde entier : "De Molière".
Bien souvent, au cours de sa vie, Molière unit dans sa signature le nom de son père et celui qu'il s'était donné. II faisait d'ordinaire précéder sa signature des lettres " J.B." car après la naissance de son frère Jean, il avait adopté le prénom de Jean-Baptiste et signait " J.B. Poquelin Molière".
Ses parents étaient de jeunes époux. A l'époque de leur mariage, le 27 avril 1621, Jean Poquelin avait vingt-cinq ans, Marie Cressé vingt ans.
Tous les deux appartenaient à des familles de tapissiers établies dans le quartier des Halles, dans des maisons presque voisines : les Poquelin rue de la Lingerie, les Cressé au marché aux Poirées.
Les Poquelin (ou Pocquelin) étaient originaires du Beauvaisis.
On ne sait quand le père - ou le grand-père - de Molière vint se fixer à Paris.
Veuf après quatre ans de son mariage avec la fille d'un marchand pelletier du roi, Jean Poquelin s'était remarié avec Agnès Mazuel, nièce d'un de ses confrères.
Le père d'Agnès, défunt, avait été "maître joueur d'instruments" ; son frère, ses deux beaux-frères et leurs descendants exercèrent la même profession.
Sous Louis XIII, on comptait dix Mazuel parmi les "violons" du roi.
La dot d'Agnès aida Jean Poquelin à lancer un commerce de tapisserie. La jeune femme elle-même, pleine de vaillance, pratiqua son métier de toilière-lingère tout en élevant huit enfants.
Le fils aîné de Jean et d'Agnès, Jean II, le futur père de Molière, apprit le métier de tapissier et fut reçu maître. Ayant établi ses fils et marié ses filles, Jean prit sa retraite de la vie active et acheta la charge de porteur de grains qu'il exerçait à l'époque de la naissance de son petit-fils et filleul Jean Poquelin.
Les Cressé étaient parisiens depuis plusieurs générations.
La famille avait compté depuis un siècle plusieurs orfèvres et de nombreux tapissiers, de même que la famille Asselin à laquelle elle s'était alliée par le mariage de Louis de Cressé, grand-père maternel de Molière, avec Marie Asselin, fille de Sébastien Asselin et Denise Lecacheux.
La marraine de Molière était son arrière-grand-mère maternelle.
Le 20 juillet 1620, le père de Molière, "Jean Pocquelin le jeune", avait passé un bail de quatre ans pour la maison du Pavillon des singes. Peu après Pâques 1621, il y amena sa jeune femme.
C'est là que naquit Molière.
Le Pavillon des singes s'élevait à l'angle de la rue Saint-Honoré et de la rue des Vieilles-Etuves, sur un emplacement de 83 mètres carrés.
La maison comprenait une cave à deux étages, dont l'un voûté, un rez-de-chaussée comportant une boutique et une "sallette", cuisine-salle à manger, trois étages de chambres qui communiquaient par un escalier extérieur, une cour avec un puits, une écurie; des galeries, aux trois étages, menaient aux "aisances".
Le Pavillon des singes fut détruit en 1802. Le poteau sculpté qui en faisait l'encoignure représentait de jeunes singes qui, grimpés sur un arbre, secouent les branches pour en faire tomber les fruits; au pied de l'arbre, un vieux singe les ramasse.
Recueilli par le Musée des Monuments français, ce vénérable souvenir avait déjà disparu en 1828 lorsque Beffara demanda à le voir.
II parait certain que c'est dans la chambre du premier étage, chauffée par une cheminée, que naquit le petit Jean - une jolie chambre, aux murs couverts de tapisserie de Rouen, ornée d'un miroir de Venise et de tableaux, élégamment meublée, comme il seyait à la demeure d'un tapissier du roi et de la jeune femme cultivée qu'était Marie Cressé Poquelin.
La famille Poquelin est issue de la bourgeoisie parisienne, aisée. Ce milieu bourgeois servira de cadre à un grand nombre de des comédies de Molière.
Celui qui ne se nomme pas encore Molière est marqué très tôt par les morts successives dans sa famille : en 1630, son frère cadet Louis, 11 ans, est emporté par la petite vérole (la variole) ainsi que sa petite sœur, Marie, 5 ans. Jean-Baptiste en réchappe par miracle. Deux ans plus tard, c'est au tour de sa mère de succomber à la tuberculose.
Son père se remarie avec une toute jeune fille de 19 ans, Catherine Fleurette, qui meurt en couches en 1636, alors qu'elle donne naissance à un enfant mort-né, le troisième à ne pas passer le stade de la petite enfance.
Pour divertir son petit-fils, le grand-père de Jean-Baptiste l'emmène voir des représentations théâtrales, des farces pour la plupart, dans les foires, les places publiques. Est-ce de cette époque que date sa passion pour le théâtre ?
Quoi qu'il en soit, le jeune garçon s'inscrit au collège de Clermont qui est l'actuel lycée Louis-Le-Grand, où il étudie les mathématiques, la physique, la danse, l'escrime, la philosophie scolastique, dont il se moquera souvent.
Il connaît assez le latin pour lire Plaute, Terence et traduire Lucrèce.
A la sortie du collège, il se lie probablement avec le milieu libertin influencé par Gassendi.
Il part apprendre le droit à Orléans, mais n'exerce le métier d'avocat que 5 mois ! Les préoccupations du jeune Poquelin sont ailleurs.


Histoire du pseudonyme "Molière"

Jean-Baptiste Poquelin, malade imaginaire dit Molière
En 1644, Jean-Baptiste Poquelin, selon une habitude commune aux comédiens, se donne un nom de guerre.
Jamais il ne s'expliquera, ni ne justifiera ce choix, "même à ses meilleurs amis", constate son biographe Grimarest.
Molière a emporté son secret. Un de plus. Saura-t-on un jour pourquoi Poquelin se fit Molière, un des plus beaux noms de la langue française ?
Les hypothèses n'ont pas manqué : emprunt au nom du danseur Molier que Molière dut connaître dans sa jeunesse, nom d'un village que Molière aurait pu traverser : le toponyme est répandu mais plutôt dans le sud de la France où Molière se rendit surtout après avoir choisi son nom.
La question reste posée et pique régulièrement la curiosité du spectateur. Les comédiens aimaient au XVIIe siècle les références herbagères, florales ou géographiques qui entraient dans la composition des noms de guerre, Bellerose, Beauchêne, Montfleury, Floridor, Desrosiers, Des œillets, Des Roches.
L'habitude s'en était peut-être prise aux armées pour faire oublier par un surnom inoffensif les dures réalités militaires.
L'histoire des pseudonymes et surnoms est révélatrice des comportements. Molière aurait-il pu s'intéresser à ce vocabulaire champêtre et l'adopter à son profit ?
A-t-il un jour distingué une plante bien ordinaire pour l'associer à son histoire ? Du nom Molière on peut détacher la syllabe lière et la rapprocher du nom de la plante bien connue.
Le lierre est fort répandu dans la nature, on en conviendra, en différentes variétés, lierre commun ou grimpant, qui tapisse les murs, forme des berceaux ou des bordures d'allées dans les jardins d'agrément.
On peut tout de suite y voir une allusion au métier familial de Molière, c'est vite dit et un peu facile.
Il y a aussi un autre lierre, terrestre celui-là, que l'on trouve dans les haies, au bord des fossés, dans l'herbe des vergers. Les vertus médicinales de ses feuilles fraîches furent reconnues pendant des siècles.
On les employait pour calmer la toux, l'asthme, les catarrhes pulmonaires. La Grande Encyclopédie détaille longuement ses propriétés.
Le lierre terrestre était également appelé par les bonnes femmes herbe de la Saint-Jean. On sait que Jean est le prénom initial de Molière.
Baptiste lui sera accolé après la naissance d'un frère, également prénommé Jean.
Ajoutons que le lierre est aussi la plante consacrée dans l'Antiquité à Dionysos et associée à la symbolique de la création poétique : la couronne de lierre était la récompense des poètes inspirés par les dieux.
C'est enfin la plante de la fidélité. "Je meurs où je m'attache."
Un joli programme que le comédien-poète aurait pu dédier au théâtre, représenté alors par la femme aimée, Madeleine Béjart.
Molière est-il ou se sait-il atteint gravement dès 1644 pour se placer sous la protection de cette plante des chemins, si chargée de sens ?
Sa vocation préjuge-t-elle déjà en lui de sa volonté créatrice pour solliciter la couronne de lierre ?
Si cette proposition était recevable, pourquoi en avoir volontairement enfoui la clef à jamais ?
II est difficile, à 22 ans, d'admettre et de divulguer une maladie grave que l'on peut pressentir avec la sensibilité visionnaire propre à ceux qui s'en savent atteints.
Dix ans environ avant sa mort, les contemporains de Molière paraissent bien au fait de sa maladie pulmonaire.
En 1663, Montfleury dénonce malignement "un hoquet éternel" dont sa voix est hachée dans L'Impromptu de l'Hôtel de Condé.
La Grange fait part à deux reprises dans son Registre, de périodes où Molière doit s'arrêter de jouer, contraint par la maladie, mais aussi peut-être par les chagrins domestiques, les deuils, les lourdes responsabilités professionnelles : deux mois en 1665, quatre en 1666.
En 1670, Le Boulanger de Chalussay stigmatise sa "grosse toux avec mille tintoins" dans l'insidieux Élomire hypocondre ou Les Médecins vengés, qui nous renseigne beaucoup sur la maladie de Molière.
Nul doute que cet Élomire, anagramme du nom de Molière, un pamphlet infâme et laborieux, donna à l'intéressé quelques idées pour son Malade imaginaire:
On augmente son mal, faisant la comédie,
Parce que les poumons trop souvent échauffés,
Ainsi que je l'ai dit, s'en trouvent désséchés.
Le diagnostic du médecin de la pièce, Episténès, tombe comme un couperet : le poumon.
Le poumon, repris et répété en écho par la Toinette-médecin du Malade imaginaire avec l'obstination rythmée des mots, par onze fois. Arrêt sans appel.
Sous le grime d'un imaginaire, se cache le Malade à toute extrémité. Molière ne le fait pas entièrement oublier dans la folie des divertissements, facéties et antiennes dont les médecins font les frais.
II s'en prend à eux depuis ses premières farces. Certes, il est allé à bonne école chez les Italiens où le Docteur est un caractère traditionnel.
Les docteurs... leur art fragile, qui n'est pas encore une science, affiche des prétentions qu'il est facile de brocarder. Plus facile que de s'en prendre aux dévots ou à la Compagnie du Saint-Sacrement. Molière sait ce qu'il en coûte.
Il a quelques comptes personnels à régler, mais n'est-ce pas plutôt avec la maladie qu'avec la médecine qui ne peut encore rien pour lui ?
Là où Elomire avouait :
Je n'entreprends de trop que les seuls médecins puisque pour s'en venger, il sont mes assassins Argan, qui n'a plus aucune illusion, fulmine « Grève, crève, cela t'apprendra une autrefois à te jouer de la faculté. »
L'arrêt de Toinette est devenu un arrêt de mort dans la bouche d'Argan. Molière s'est donné le mot de la fin.


Les débuts de Molière : L'Illustre Théâtre

En 1642, il rencontre une jeune tragédienne rousse, Madeleine Béjart, qui fait l'orgueil de sa famille, composée de comédiens qui parcourent la Province. Tout en sachant que les comédiens, à cette époque, sont excommuniés par l'Eglise, Jean-Baptiste décide d'épouser la carrière théâtrale. Il signe en juin 1643 un acte d'association avec les Béjart (il est aidé financièrement par son père qui accepte la vocation de son fils), et fonde la troupe de l'Illustre Théâtre, qui regroupe 10 hommes et 5 femmes. Il prend comme nom de scène Molière dont on ignore l'origine.
La troupe veut concurrencer les deux théâtres prépondérants à Paris, l'Hôtel de Bourgogne et le Marais. Gaston d'Orléans, le frère de Louis XIII, devient leur protecteur. Madeleine demande à l'un de ses amis, Tristan l'Hermite, de participer à l'écriture des pièces. Or, rapidement les dettes affluent et Molière est même emprisonné deux fois au Châtelet. C'est son père qui le fera sortir en payant ce qui est dû.


L'expérience de la Province pour Molière.

La troupe doit en effet quitter Paris et tenter sa chance ailleurs. De 1645 à 1650, les comédiens sont dirigés par Du Fresne, ils se rendent à Agen Toulouse, Carcassonne, Nantes, ils ont pour protecteur le duc d'Epernon, gouverneur de Guyenne et mènent une vie prospère "la magnificence de leurs habits" en témoigne. Puis le duc quitte la Guyenne et Molière remplace Du Fresne.
Il faut se trouver un autre protecteur : c'est le prince de Conti, frère du Grand Condé, laid et débauché, qui remplit cette fonction de 1650 à 1658. Il est le gouverneur du Languedoc, et sa troupe sillonne les routes conduisant à Montpellier, Narbonne, Béziers, Avignon, Grenoble, etc. A cette époque, Molière fait la connaissance de la comédienne et danseuse Thérèse de Gorle, fille peu farouche, qui en épousant Gros-René, un membre de la troupe, devient Marquise Du Parc.
Son rôle à la tête de l'Illustre Théâtre lui permet d'acquérir une expérience unique. En effet il n'est pas aisé de mener une troupe. Il faut savoir négocier les impôts, les locations des salles, les taxes prélevées par la ville, les contributions pour les pauvres, mais aussi lutter contre les troupes rivales, faire preuve d'habileté pour continuer à bénéficier des subventions du prince de Conti, faire fi de la malveillance du clergé, des dévots, qui dépeignent les acteurs comme des libertins immoraux et pernicieux.
Molière crée notamment l'Etourdi en 1654 à Lyon et le Dépit amoureux en 1656 à Béziers, et il s'inspire du jeu des compagnies italiennes, concurrentes, la Commedia dell'arte, à Lyon pour écrire la Jalousie du Barbouillé et le Médecin volant.
Il fréquente tous les milieux : les grands seigneurs, les villageois, les marchands, les paysans et leur patois si pittoresque. Il joue devant un public bigarré et est bien obligé d'admettre que se sont ses comédies qui remportent le plus de succès. De fait, il se spécialise dans la farce et oublie, un peu, la tragédie.
Les affaires marchent à merveille, quand, un jour, en 1658,le Prince de Conti décide de se convertir. Il renie sa troupe préférée, son passé de débauché, et se fait dévot aux côtés d'Anne d'Autriche, à la Compagnie du Saint Sacrement, proche des jésuites. Il devient urgent pour les comédiens de retrouver un autre protecteur.


Les débuts de l'Illustre Théâtre à Paris

L'Illustre Théâtre monte alors à Paris. Molière a 36 ans.
Le 24 octobre 1658, ils sont conviés au Louvre pour jouer devant le jeune roi Louis XIV. Ils proposent Nicomède, une tragédie de Corneille, mais remportent un succès évident avec le Docteur amoureux, comédie plaisante qui divertit agréablement le roi. Monsieur, frère du roi, qui aime autant les amusements que son frère, devient le protecteur de la troupe. Il l'installe au Petit-Bourbon, dans lequel Molière joue des tragédies de Corneille qui vident la salle, et font fuir les Du Parc au théâtre rival, le Marais.
C'est en 1659 que Molière crée sa première pièce à succès, Les Précieuses ridicules, qui lui vaut le rire de Louis XIV et les grincements de dents de ces cibles, les jeunes nobles étourdis.
Le Petit-Bourbon est détruit (représailles ?) Qu'à cela ne tienne, le roi leur permet de jouer au Palais Royal, ouvert en 1661. Mais la première pièce jouée, une tragédie à nouveau, Don Garcie de Navarre en janvier 1661, est un échec cuisant. Le jeu de Molière est moqué par ses détracteurs : suite à un défaut de prononciation qu'il a voulu corrigé, Molière a gardé une sorte de hoquet à la fin de chaque phrase, sa silhouette, courte, sa tête un peu rentrée dans ses épaules ne lui donnent pas l'allure distinguée requise pour ce genre de rôle.
Cela n'empêche pas Molière de poursuivre sa carrière de comédien. Il joue les Fâcheux devant Fouquet et le roi à Vaux-le-Vicomte, en juin 1661. Il décide aussi d'assurer la charge de son père et obtient le privilège d'être l'ordonnateur des fêtes de la cour.


Les débuts de la Cabale contre Molière

Les années 1662-1669 correspondent sans conteste à la période la plus difficile de la vie de Molière, ce spnt les années des combats.
Le dramaturge, qu'on a tenté d'abord de discréditer en le ravalant au rang méprisable de "farceur", devient un auteur jugé subversif et libertin par les dévots et la bonne société, et dont l'influence sur le roi grandit dangereusement ; mais il est de surcroît l'ennemi à abattre aux yeux de ses rivaux.
En 1662 l'Ecole des femmes ravit le roi, mais fait de plus en plus de mécontents. La porté satirique et la critique des mœurs traditionnelles de la pièce n'est pas du goût de tous, et il y a plus grave : la comédie accède avec cette pièce au rang de genre sérieux, sinon noble, comme la tragédie. Il est dangereux de mélanger les genres en cette époque si réglementée.
En 1663 Molière répond à ses ennemis dans la Critique de l'Ecole des femmes dans laquelle il expose sa théorie sur la comédie.
Malgré les attaques, Molière continue d'innover.
1664, c'est l'année des plaisirs de l'Ile enchantée, grandes fêtes organisées à la gloire du souverain, de son Etat à Versailles. Molière, pour l'occasion inaugure la comédie ballet, qui mêle chant, danse, musique à la comédie, avec le Mariage forcé, (le roi aime la danse et n'hésite pas à participer personnellement aux ballets), reprend Les Fâcheux, présente La Princesse d'Elide, comédie romantique, et se risque à jouer une des comédies les plus dangereuses du moment : Tartuffe ou l'hypocrite. La compagnie du Saint Sacrement est directement visée, Molière moquant l'initiative d'attribuer dans les familles un directeur de conscience. Tartuffe est chargé d'incarner toute l'hypocrisie des dévots.
La pièce déchaîne une véritable haine, sous la forme d'une Cabale, certains allant jusqu'à demander le bûcher pour Molière. Le roi, même s'il goûte les attaques de la pièce, interdit Tartuffe par stratégie politique.
Deux ans plus tard Molière propose une nouvelle version, qui est à nouveau censurée. Ce ne sera qu'en 1669 que la pièce pourra être jouée et reconnue.


Les années de combats dans la vie de Molière

L'année 1665 est une année noire : Molière se brouille avec Racine à cause de la mise en scène de la Thébaïde. Le jeune dramaturge ombrageux rejoint l'Hôtel de Bourgogne, Marquise Du Parc, veuve, le rejoint, et accède enfin à son rêve de tragédienne quand Racine lui offre Andromaque.
En février c'est au tour de Don Juan d'être interdit, ce grand seigneur débauché et impie déclenche à nouveau une Cabale, et ce n'est qu'après la mort de l'auteur que la pièce sera représentée.
Côté vie privée, rien ne va plus : en 1662, Molière a épousé Armande Béjart, la sœur de Madeleine, de 19 ans sa cadette. Mais des rumeurs d'inceste circulent : Armande serait peut-être la fille que Molière a eu avec Madeleine. Pour montrer son soutien, Louis XIV, en 1664, parraine le premier enfant de cette union, un fils. De plus Armande n'est pas des plus fidèles et les malveillants se moquent ouvertement des déboires conjugaux de l'auteur. Donneau de Visée écrit dans Nouvelles nouvelles, en 1663 : « Si vous voulez savoir pourquoi presque dans toutes ses pièces, il (Molière) raille tant les cocus et dépeint si naturellement les jaloux, c'est qu'il est du nombre de ces derniers. »
Plus grave encore : une fluxion de poitrine a pris le poète et en 1665 il commence à cracher du sang.
Malgré ses ennuis, en 1666, il propose l'une de ses pièces les fortes et sensibles de son répertoire, dans laquelle il raille les courtisans et leurs grimaces, et celle qui eut le moins de succès aussi : Le Misanthrope. La même année il crée une farce très populaire, elle : Le Médecin malgré lui.


Les dernières années de Molière

A partir de 1668 la maladie rattrape Molière : il maigrit, se voûte, et ses désagréments alimentent le jeu de ses personnages. Harpagon de l'Avare (1668) tousse bruyamment, Monsieur de Pourceaugnac, de la pièce éponyme (1670) crache ; et Argan du Malade Imaginaire (1674) souffre de symptômes bien réels pour le comédien.
Les commandes royales se succèdent à un rythme effréné : des comédies à machines, après Don Juan c'est au tour d'Amphitryon (1668), puis de Psyché (1671) ; des farces pures comme George Dandin (1668), Les fourberies de Scapin (1671), des comédies bourgeoises avec l'Avare (1668), Les femmes savantes (1672) ; des comédies ballets en association avec Lully telles que Monsieur de Pourceaugnac (1669), le Bourgeois Gentilhomme (1670), le Malade Imaginaire (1673).
Molière pratique tous les aspects de la comédie pour satisfaire son souverain, faire vivre les membres de sa troupe, parce que c'est son rôle, parce que c'est sa vie. Il s'épuise à la tâche mais jamais sa production n'a été aussi intensive, aussi variée.
Les dernières années sont assombries par la maladie toujours plus présente, la perte du privilège sur les comédies ballets qui est exclusivement accordé à Lully par Louis XIV, et par la mort de son fils.
C'est le 17 février 1673, à l'issue de la quatrième représentation du Malade Imaginaire que Molière est pris d'un malaise, qu'il crache du sang plus que d'habitude, qu'il finit par s'effondrer.
Il meurt quelques heures plus tard, à 21 heures. Armande se permet de faire une requête auprès de Louis XIV pour que son mari ait droit, malgré l'excommunication des comédiens, à une sépulture chrétienne.
C'est en pleine nuit que Molière est enterré entouré de ses très proches, d'un prêtre et de quelques enfants de chœur.


Sa mort

Contrairement à la légende qui veut que Molière soit mort sur scène, il monta sur la scène du Palais-Royal au soir du 17 février 1673 et fut pris d’un malaise au cours de la 4ème représentation du Malade imaginaire.
Il mourut à l’âge de 51 ans chez lui dans la soirée.
"N'y a-t-il pas quelque danger à contrefaire le mort ?"
Dans le Le Malade imaginaire, acte III, sc.3, Molière lui-même écrit cette réplique :
"Par la mort du diable ! Si j'étais les médecins, je me vengerais de son impertinence, et je le laisserais mourir sans recours. Il aurait beau faire et beau dire, je ne lui ordonnerais pas la moindre petite saignée, le moindre petit lavement, et je lui dirais : crève ! crève ! Cela t'apprendra une autre fois à te jouer de la faculté. "
Charles de La Grange, le fidèle compagnon, dans le fameux Registre qu'il tint dès son engagement dans la troupe de Molière, écrit, à la date du 17 février 1673 :
"Ce même jour, après la comédie sur les dix heures du soir, Monsieur de Molière mourut dans sa maison rue de Richelieu, ayant joué le rôle dudit Malade imaginaire fort incommodé d'un rhume et fluxion sur la poitrine qui lui causait une grande toux de sorte que dans les grands efforts qu'il fit pour cracher il se rompit une veine dans le corps et ne vécut pas demi heure ou trois quarts d'heure depuis ladite veine rompue.
Son corps est enterré à Saint-Joseph, aide de la paroisse Saint-Eustache. Il y a une tombe élevée d'un pied hors de terre.
On sent percer dans le sobre récit de La Grange le sentiment d'humiliation infligé aux comédiens exclus par l'Église gallicane, si connus, si fêtés, si protégés par le pouvoir soient-ils.
La Grange écrit après coup, et chaque mot semble peser du poids de la chair douloureuse du comédien-poète, du sang qu'il vomit par la bouche, de tout ce qu'il aurait encore à dénoncer parmi les défauts de son siècle et du nôtre.
Molière entouré de ses fidèles fut inhumé de nuit, de façon quasi clandestine le 21 février 1673. Le clergé de Saint Eustache, ayant refusé de lui donner une sépulture chrétienne en raison de l’excommunication de tous les comédiens, Armande Béjart son épouse alla trouver Louis XIV pour qu’il intervienne auprès de l’archevêque de Paris.
Suite à cette intervention, Mgr du Harlay prononça l’ordonnance suivante :
" Nous avons permis au sieur curé de Saint Eustache de donner la sépulture ecclésiastique au corps du défunt Molière dans le cimetière de la paroisse, à condition néanmoins que ce sera sans aucune pompe et avec deux prêtres seulement et hors des heures du jour et qu’il ne se fera aucun service solennel pour lui, ni dans la dite paroisse, ni ailleurs".
Mais en réalité le cortège fut plus important que prévu, une grande foule de gens du peuple accompagnèrent le corps qui fut inhumé au cimetière Saint Joseph officiellement au pied de la croix.
Où repose réellement Molière ?
Le 21 février 1673 Molière est inhumé au cimetière Saint Joseph, sous la croix
22 ans plus tard Jean de la Fontaine aurait été inhumé au même endroit.
En 1732 il apparaît dans les textes que Molière n’aurait pas été enterré sous la croix, mais dans un endroit plus éloigné attenant à la maison du chapelain.
Le 6 juillet 1792, suite à la fermeture du cimetière on exhume des ossements situés près de la maison du chapelain en pensant que ce sont les restes de Molière.
Le 21 novembre 1792 on recherche les restes de La Fontaine au pied de la croix.
Les ossements de Molière et de La Fontaine furent recueillis dans deux bières en sapin déposées dans la crypte de la chapelle du cimetière.
Ces deux bières furent abandonnées pendant 7 ans.
En 1800 la chapelle est démolie, et les autorités donnent les deux bières à Alexandre Lenoir qui les remplace par deux sarcophages qu’il place dans son musée des monuments français où ils restèrent jusqu’à la suppression du musée.
Le 6 mars 1817 les sarcophages furent conduits à l’église Saint Germain des Prés où on célébra une messe pour Molière et La Fontaine et de là au cimetière du Père Lachaise où ils sont encore.
Tout semblerait limpide mais voilà :
Jean de la Fontaine n’a pas été inhumé sous la croix du cimetière Saint Joseph, mais sous la croix du cimetière des Innocents.
Tous les restes du cimetière des Innocents ont été placés dans les Catacombes.
Si Molière n’a pas été inhumé près de la maison du châtelain, mais bien sous la croix du cimetière Saint Joseph, tout laisse à penser que la sépulture actuelle de Molière pourrait renfermer les restes d’un inconnu, que celle de La Fontaine contiendrait ceux de Molière.
Et pourquoi pas aucun des deux. Il faut voir dans ces sépultures que deux cénotaphes qui ne sont que des monuments érigés à la gloire de ces personnages sans en contenir réellement les corps.
À quoi tenait la situation paradoxale de l'Église à l'égard des comédiens en France, pays où le roi lui-même, Louis XIII, a pris la peine de spécifier, en 1641, après avoir dûment interdit
"de représenter aucunes actions malhonnêtes, etc. ", que
"leur exercice, qui peut innocemment divertir nos peuples de diverses occupations mauvaises, ne puisse leur être imputé à blâme, ni préjudice à leur réputation dans le commerce public " ?
Les pères de l'Église, et Tertullien, choqués par la grossièreté des pantomimes et atellanes héritées de Rome, avaient jeté l'anathème sur les spectacles, comme incompatibles avec la vie chrétienne.
Dès le concile d'Elvire, en 305, s'inscrit la règle selon laquelle les acteurs ne sont admis dans la communauté chrétienne qu'à la condition de renoncer à leur art.
En 397, l'excommunication s'étendra aux spectateurs qui assisteraient à un spectacle un dimanche ou jour de fête.
Saint Augustin, conscient de la jouissance qu'ils procurent, n'en condamne que plus sévèrement ceux qui pratiquent le théâtre ou y assistent.
Si, au Moyen Âge, une sorte de tolérance du clergé s'instaure avec l'émergence de représentations édifiantes ou semi-liturgiques, si Thomas d'Aquin affirme que :
"le jeu étant une nécessité pour la nature humaine, les comédiens ne sont pas en état de péché pourvu qu'ils pratiquent le jeu avec modération, c'est-à-dire en n'y employant pas de propos ou d'actions illicites, et en ne s'y livrant pas en des circonstances et des temps défendus " (IIa IIae, qu. 168, art.3), si le concile de Trente, au XVIe siècle, garde une prudente réserve et considère la comédie "indifférente ", si les jésuites utilisent le théâtre à des fins pédagogiques, si la politique du cardinal de Richelieu encourage et protège l'art théâtral, de violentes controverses vont secouer toute la seconde moitié du XVIIe siècle à ce sujet, reflet des querelles religieuses qui agitent le pays.
Richelieu favorise la réforme de la comédie, le bannissement de toute violence de la scène et l'application des fameuses règles, pousse Louis XIII à signer l'édit du 16 avril 1641 qui semble lever l'opprobre frappant les comédiens ; il encourage l'abbé d'Aubignac dans ses écrits théoriques (Pratique du théâtre, 1657, suivie de Projet pour le rétablissement du théâtre français).
Il applaudit à la multiplication des sujets bibliques et religieux.
Mais le clergé gallican ne l'entend guère de cette oreille, et, à peine l'Illustre Théâtre est-il installé au Jeu de paume des Métayers, en 1643, que le curé de Saint-Sulpice, Jean-Jacques Olier, célèbre pour son intransigeance envers les huguenots, les jansénistes et les libertins, tonne contre les comédiens.
Anne d'Autriche se fait tancer par ses confesseurs pour son goût des spectacles.
Différents prélats lancent des mandements contre les comédiens.
Et pourtant, à la même époque, sans doute dans la foulée de l'édit de Louis XIII, et des déclarations tolérantes de François de Sales, on voit les comédiens se marier à l'église, faire baptiser leurs enfants, être enterrés religieusement. Les ecclésiastiques ne refusent pas de s'asseoir sur "le banc des évêques" lorsque la comédie est donnée à la cour...
Les querelles entre jésuites et jansénistes, jansénistes et Mazarin, Mazarin et les princes, huguenots et papistes interfèrent dans cette profusion d'ouvrages relatifs à la condamnation et à la défense du théâtre publiés dans la seconde moitié du siècle, surtout après la parution de la traduction française du traité de saint Charles Borromée contre les bals, immédiatement étendus par le clergé français à la comédie (1664).
Se profile également derrière cet acharnement la toute-puissante et occulte Compagnie du Saint-Sacrement créée en 1629, et dont l'influence a lourdement pesé sur les interdictions successives de Tartuffe.
La contestation culmine avec l'affaire du père Caffaro, ce malheureux théatin accablé des foudres de Bossuet et de l'archevêché de Paris pour avoir préfacé avec indulgence les oeuvres d'Edme Boursault, et obligé de venir à résipiscence auprès de ses supérieurs.
L'honnête Samuel Chappuzeau, dans sa petite somme publiée l'année même de la mort de Molière, livre avec mesure ses propres "réflexions sur les sentiments des Pères et des Conciles" :
"la comédie n'a rien de sale, si le poète ne sort des bornes que la bienséance lui prescrit ; et ce n'est proprement que contre les spectacles ou sanglants ou déshonnêtes, qui combattent la charité et la pureté du Christianisme, que les Conciles et les Pères se sont déclarés."
Le bon sens de La Bruyère remettrait tout le monde d'accord, si le bon sens était mieux partagé :
" Quelle idée plus bizarre que de se représenter une foule de chrétiens de l'un et l'autre sexe, qui se rassemblent à certains jours dans une salle pour y applaudir à une troupe d'excommuniés, qui ne le sont que par le plaisir qu'ils leur donnent, et qui est payé d'avance ? Il me semble qu'il faudrait ou fermer les théâtres ou prononcer moins sévèrement sur l'état des comédiens. "
Mais à l'heure où paraissent les Caractères, on est encore loin de cette sagesse. Il faudra attendre le XIXe siècle pour que l'Église ne rejette plus les comédiens et le XXe pour que cela soit reconnu officiellement.


L’interdiction du Tartuffe

Tartuffe, frontispice de l’édition de 1669 par Brissard.
Pour désamorcer la bombe qu’était le premier Tartuffe, Molière donne un costume laïc à son hypocrite, un dénouement heureux à la pièce et adoucit certaines tirades.
L’accent est mis sur l’hypocrisie du personnage plus que sur son rôle de directeur de conscience.
Le 29 janvier 1664, Molière présente au Louvre une comédie-ballet, Le Mariage forcé, où le roi danse, costumé en Égyptien.
Du 30 avril au 22 mai, la troupe est à Versailles pour les fêtes des Plaisirs de l’Île enchantée qui sont en quelque sorte l’inauguration de Versailles. C’est un véritable "festival Molière ".
La troupe de Molière contribue beaucoup aux réjouissances. Molière donne le 8 mai "une comédie galante, mêlée de musique et d’entrées de ballet", La Princesse d’Élide, et le 12 mai une première représentation du Tartuffe, 13e pièce de Molière qui joue lui-même Tartuffe.
Molière résolument provocateur ou tout simplement libre, choisit de représenter un homme d’Église en "petit collet", un directeur de conscience sans scrupules, qui s’introduit dans une famille sous couleur de la religion pour en mettre le chef sous tutelle, en courtiser la femme, en épouser la fille et en détourner le bien à son profit.
On ne connaît pas le texte de la comédie jouée le 12 mai.
On connaît seulement celle, remaniée pour la rendre acceptable, qu’il obtiendra permission de jouer cinq ans plus tard en 1669.
Car le roi, sous la pression de l’archevêque de Paris et de sa mère, interdit à Molière de donner en public la pièce jouée devant lui.
Les critiques et les historiens ont essayé de préciser ce qu’était le premier Tartuffe.
Les principales différences entre la version de 1669 et celle de 1664 portent sur le dénouement, en 1664 : la pièce ne comporte que les trois premiers actes et Tartuffe triomphe, 1669 : Molière ajoute deux actes et un dénouement heureux et surtout sur le costume de Tartuffe ; 1664 : un homme d’Église, 1669 : un homme du monde.
Molière vise donc le parti dévot, puissant à la cour, qui critique le libertinage des mœurs, le luxe, les fêtes, la politique de prestige et au besoin de guerre du début du règne.
Et en particulier la Compagnie du Saint-Sacrement qui exerce une influence politique considérable et se recrute dans l’aristocratie (Conti), la bourgeoisie parlementaire (Lamoignon) et le haut clergé (Bossuet).
Molière n’a pas pu écrire cette pièce sans l’accord du roi, qui n’admet pas que les dévots lui dictent sa conduite et entravent ses amours et sa liberté.
Après l’interdiction, Molière défend sa pièce mais le roi qui lui garde sa faveur ne lève pas ses défenses.
En 1667, il tente de jouer sa pièce remaniée au Palais-Royal, devant une salle comble.
Elle s’appelle L’Imposteur et Tartuffe est devenu Panulphe, un laïc.
Mais le parti dévot n’a pas désarmé.
L’interdiction est immédiate.
Le président du Parlement Lamoignon, chargé de la police en l’absence du roi qui mène campagne en Flandres, fait rappeler à la troupe par huissier que Le Tartuffe est interdit.
L’archevêque de Paris fait défense, sous peine d’excommunication, de représenter, lire ou entendre la pièce incriminée.
Molière tente des démarches inutiles auprès du roi.
Le Tartuffe ne se joue que le 5 février 1669. L’autorité de Louis XIV est alors plus solide, son animosité contre les dévots plus grande : ses amours avec Madame de Montespan font scandale ; et il peut penser qu’il n’a plus de ménagements à garder.
La curiosité pour cette pièce longtemps attendue est si vive que le succès est assuré.
C’est le triomphe de Molière, sa pièce le plus longtemps jouée : 72 représentations jusqu’à la fin de l’année, son record de recettes soit, 2860 livres le premier jour, six recettes de plus de 2000 livres, 16 de plus de 1000, une moyenne de 1337 livres contre 940 pour L’École des femmes.
L’affaire du Tartuffe est aussi une affaire d’argent.


L’étouffement du Dom Juan

15 février 1665, Dom Juan , la 14e pièce de Molière qui joue Sganarell, est jouée pour la première fois avec un très grand succès.
Dès la deuxième représentation la scène du pauvre est amputée.
Encore quelques représentations et le théâtre ferme pour la relâche de Pâques. A la réouverture, la pièce a disparu. Le texte d’origine ne sera plus joué avant 1841, un siècle et demi plus tard.
Molière a reçu le conseil, sans doute du roi, de renoncer à sa pièce.
Dom Juan est un grand seigneur, séducteur, libertin, athée, ce qui est une déclaration directe d’athéisme n’est pas concevable au théâtre à cette époque mais elle se fait par des silences : Sganarelle :… Est-il possible que vous ne croyiez point du tout au Ciel ? —Dom Juan : Laissons cela. —Sganarelle : C’est-à-dire que non… et hypocrite, il fait semblant de se convertir .
Son valet Sganarelle, lui, croit à Dieu, au diable, mais aussi au Moine-Bourru et au loup-garou. Le dénouement est irréprochable et même édifiant: le pécheur impénitent est envoyé aux enfers.
Mais la pièce est susceptible d’une double lecture : Dieu est accessible aux simples comme Sganarelle ; peut-être en ont-ils besoin, mais des esprits d’un ordre supérieur, comme Dom Juan, s’accommodent parfaitement d’un monde vide de Dieu.
Et Dom Juan, clairement condamné, sévèrement puni, est pourtant séduisant.
Tout de suite la pièce est très violemment contestée.
Sa pièce heurte une partie, probablement majoritaire, de l’opinion.
Au mois de février 1677, Thomas Corneille présente sur le théâtre de l’Hôtel Guénégaud une version versifiée de la pièce.
Dans la préface de l’édition imprimée, l’auteur présente son œuvre : “Cette Pièce, dont les comédiens donnent tous les ans plusieurs Représentations, est la même que feu Mr. de Molière fit jouer en Prose peu de temps avant sa mort. Quelques personnes qui ont tout pouvoir sur moi, m’ayant engagé à la mettre en vers, je me réservai la liberté d’adoucir certaines expressions qui avaient blessé les Scrupuleux.
J’ai suivi la Prose dans tour le reste, à l’exception des Scènes du troisième et du cinquième Acte, où j’ai fait parler des Femmes.
Ce sont des Scènes ajoutées à cet excellent Original, et dont les défauts ne doivent point être imputés au célèbre Auteur, sous le nom duquel cette Comédie est toujours représentée.“
En 1682, après la mort de Molière, La Grange doit édulcorer le texte pour le publier dans le volume VII des Œuvres de M. de Molière. Cela ne paraît pas suffisant pour la censure. Les exemplaires déjà imprimés sont "cartonnés " c'est à dire censurée à l'aide de cartons qui sont introduits pour faire disparaître les passages incriminés.


Pourtant malgré les cabales et toutes les contorsions de l'église et de son poids, sept ans après le décès de Molière, la troupe de Molière s'associe à l'Hôtel de Bourgogne et au Marais pour fonder la Comédie-Française.
Actuellement, il est possible de voir au premier étage de ce temple du théâtre le fauteuil dans lequel Molière a joué ses dernières représentations du Malade Imaginaire.


Théâtre

La Jalousie du Barbouillé (?)
L’Étourdi (Fin 1654)
L’étourdi ou les contretemps (1655)
Le Dépit amoureux (16 décembre 1656)
La jalousie du barbouillé
Le médecin volant
Les Précieuses ridicules (18 novembre 1659)
Sganarelle ou le Cocu imaginaire (28 mai 1660)
Dom Garcie de Navarre ou le prince jaloux(4 février 1661)
L’École des maris (24 juin 1661)
Les Fâcheux (17 août 1661)
L’Ecole des femmes (26 décembre 1662)
La Critique de L’École des femmes (1er juin 1663)
L’Impromptu de Versailles (14 Octobre 1663)
Remerciement au roi (1663)
Le Mariage forcé (29 janvier 1664)
Les plaisirs de l’île, enchantée (1664)
La Princesse d’Élide (8 mai 1664)
Le Tartuffe ou l'imposteur (12 mai 1664)
Dom Juan ou le festi de Pierre (15 février 1665)
L’Amour Médecin (15 septembre 1665)
Le Misanthrope ou l’atrabilaire amoureux (4 juin 1666)
Le Médecin malgré lui (6 août 1666)
Mélicerte (2 Décembre 1666)
Pastorale comique (5 janvier 1667)
Le Sicilien ou l’Amour peintre (14 Février 1667)
Amphitryon (13 janvier 1668)
George Dandin ou le mari confondu (18 juillet 1668)
L’Avare (9 septembre 1668)
Monsieur de Pourceaugnac (6 octobre 1669)
Les Amants magnifiques (4 février 1670)
Le Bourgeois gentilhomme (14 octobre 1670)
Psyché (17 janvier 1671)
Les Fourberies de Scapin (24 mai 1671)
La Comtesse d’Escarbagnas (2 décembre 1671)
Les Femmes savantes (11 mars 1672)
Le Malade imaginaire (10 février 1673)

Œuvres diverses

Sonnet (à la motte de Vayer sur la mort de son fils) (1664)
Quatrains... (1665)
Boutsrimés au roi, sur la conquête de la Franche-Comté (1668)
La gloire du dôme du Val de Grâce (1669)
Les Plaisirs de l’Ile enchantée
Préface de l’édition de 1682
Le Ballet des Muses


Héritage, Molière aujourd'hui.

La Nuit des Molières est l'occasion pour le monde du théâtre français de décerner des prix, chaque année depuis 1987

"Il était temps que les gens de théâtre saluent et couronnent les gens du théâtre"
déclarent en 1986 Jean-Louis Barrault, Jean Le Poulain, Claude Santelli, Jérôme Hullot, Jean Danet, Jacqueline Cartier, Guy Dumur et Roland Bertin. Directeurs de théâtres privés, critiques et personnalités du monde du théâtre, ils décident de la création de la cérémonie des Molières.
La première cérémonie aura lieu le 23 mai 1987 au théâtre du Châtelet.
Pour la mise en place de la cérémonie, les fondateurs se réunissent en créant l'Association professionnelle et artistique du théâtre (APAT) et font appel à Georges Cravenne qui est alors connu pour être le spécialiste de la mise en œuvre de ce type de cérémonie. Au fil des années, le conseil d'administration intègre peu à peu des personnalités du théâtre public.
En 2004, en raison de la mobilisation des intermittents, la cérémonie n'est pas diffusée à la télévision. Par ailleurs, la nécessité d'une refonte du protocole d'attribution des récompenses se fait sentir.
L'APAT connait alors une véritable refondation avec l'élection d'un nouveau conseil d'administration comprenant trois collèges : un collège de six représentants du théâtre privé, un autre réunissant six représentants du théâtre public et le dernier composé de six personnalités qualifiées.
Ces dix-huit membres à voix délibérative sont assistés par des membres à voix consultative que sont les représentants de l'État, du Syndéac, du SDTP, de la SACD et de l'Adami.
Son président est alors Pierre Santini auquel succédera en juin 2006 Jean-Claude Houdinière, Irène Ajer (2008-2010) et Pierre Lescure (2010-2011).
Ils sont assistés de Geneviève Dichamp, déléguée générale, et de Anne-Sandra Keff. À la suite de la démission de Pierre Lecure, Myriam Feune de Colombi prend la présidence par intérim de l'association.
Après que le Conseil d’Administration décide d'élargir le nombre des votants et instaure le vote aux deux tours pour tous les membres de l’association des Molières, un groupe de directeurs de théâtres privés fait annuler les votes par décision de justice pour vice de forme, et la cérémonie 2012 n'a donc pas lieu.

Récompenses
Molière du comédien
Molière du comédien dans un second rôle
Molière de la comédienne
Molière de la comédienne dans un second rôle
Molière de la révélation théâtrale, prix attribué de 1988 à 1997, et en 2008
Molière de la révélation théâtrale, prix attribué avec une distinction masculine et féminine en 1987, de 1998 à 2007 et depuis 2009
Molière du théâtre privé
Molière du théâtre public
Molière du meilleur spectacle comique, créé en 1988, prix non attribué en 2003, inclus en 2004 dans "Meilleur spectacle de divertissement", non attribué depuis, rétabli depuis 2009. Ce Molière est réservé au Théâtre privé.
Molière du one man show, créé en 1989, prix non attribué en 1994 et 1995, inclus en 2004 dans "Meilleur spectacle de divertissement", non attribué en 2005 et 2006, titré en 2007 "Molière du spectacle seul(e) en scène", supprimé en 2009.
Molière du meilleur spectacle de divertissement, uniquement en 2004
Molière de l'auteur
Molière de l'adaptateur
Molière du metteur en scène
Molière du décorateur scénographe
Molière du créateur de costumes
Molière du créateur de lumières, créé en 2000
Molière du spectacle en région, créé en 1988, non attribué en 1995 ni depuis 1997, titré en 2004 et 2005 "Meilleur spectacle en région", puis en 2006 "Grand prix spécial du jury théâtre public en région"
Molière du créateur de musique de scène, uniquement en 2005
Molière du spectacle musical, inclus en 2004 dans « Meilleur spectacle de divertissement », remplacé en 2005 par " eilleur créateur de musique de scène", rétabli en 2006.
Molière de la meilleure pièce du répertoire, créé en 1997, non attribué à partir de 2003
Molière de la meilleure pièce de création, créé en 1997, titré de 2003 à 2005 "Meilleure pièce de création française", non attribué depuis
Molière du spectacle jeune public, créé en 2006
Molière de la compagnie, crée en 2005, non attribué en 2007, devenu "Molière des compagnies" en 2009
Molière inattendu, uniquement en 2005
Molière d'honneur, attribué irrégulièrement jusqu'en 2003.
Depuis 2006, le terme "meilleur" a été abandonné, les Molières se donnant pour objectif de distinguer des talents parmi la production de la saison. La parité théâtre privé/théâtre subventionné est respectée dans les nominations aux différents Molières.




L'avare 1 et 2
http://youtu.be/NRNlXMGd5BY
http://youtu.be/WARJPVnsWhg

Le Tartuffe
http://youtu.be/mCWE_vhn_uM
http://youtu.be/mCWE_vhn_uM


Le malade imaginaire
http://youtu.be/K-hlNMNo7WI

le bourgeois gentilhomme
http://youtu.be/mBBceQAQvDg
http://youtu.be/bu4WBV2VzcA


Molière de R. Duris avec Fabrice Lucchini
http://youtu.be/KArslZXAQqg



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Posté le : 17/02/2013 12:05
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Boris Pasternak
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La seule chose en notre pouvoir, c’est de ne pas fausser la voix qui résonne en nous. Pasternak.

L’homme est né pour vivre et non pour se préparer à vivre. Pasternak - Le Docteur Jivago


Pasternak est né le 10 février 1890 au coeur du vieux Moscou.

Issu d'une famille juive originaire d'Odessa, il est le fils aîné des quatre enfants d'un portraitiste reconnu, Leonid Pasternak, et d'une pianiste, Rosa Kaufman, qui renonça à sa carrière d'interprète pour élever ses enfants.
La prime enfance de Pasternak n'en fut pas moins celle d'un enfant d'artistes avec pour ordinaire ce qui, chez la plupart, fait l'extraordinaire de la vie.
Leonid, devenu professeur à l'Ecole de peinture, fréquentait ainsi Scriabine, Rilke ou Tolstoï, personnalités qui influencèrent profondément la vie spirituelle et la destinée d'artiste de Boris. Un temps, la figure de Scriabine prédomina :
"Scriabine, Oh, Comment fuir les pas de mon idole? "
Et, suivant l'exemple de ce maître admiré, Boris projeta, alors qu'il était encore lycéen, de devenir compositeur.
A 13 ans l'émerveillement devant la musique de Scriabine, éveille sa première vocation. Il compose une sonate que le musicien a couvert d'éloges.
Mais six ans plus tard Boris renonce brusquement à la musique pour se consacrer à des études universitaires de philosophe.
Puis il étudie la philosophie en Allemagne auprès de Paul Natorp, où il réside une année avec sa famille. Revenu à Moscou en 1914 il y tisse des liens avec le groupe futuriste local.
Très importante aussi, fut pour le destin de Boris la sérieuse chute de cheval qu'il fit adolescent, le 6 août 1903. Elle eut pour conséquence une claudication légère, qui devait par la suite le dispenser du service militaire et lui permettre "d'échapper en une soirée à deux guerres futures ".
Si l'on en croit la biographie de son fils aîné, Evgueni, parue en 1997, elle détermina sa vision poétique du monde :
"Il perçoit dans son délire le passage des rythmes ternaires et syncopés du galop et de la chute. Désormais, le rythme sera pour lui évènement et les Evénements seront rythmes . "
Parce qu'il estimait ne pas avoir l'oreille absolue, six ans plus tard Boris renonce brusquement à la musique pour se consacrer à des études universitaires de philosophie. Il décida de s'inscrire en 1912 à l'université de Marbourg, notamment pour suivre les cours de Hermann Cohen, gloire du néokantisme.
Etait-ce un renoncement définitif à la musique ?
Malgré la radicale hétérogénéité de l'expression musicale et du langage parlé, soutenue par Pasternak lui-même, la rémanence de motifs de composition transposés de l'univers musical à l'univers poétique, qui se sent, par exemple, dans Thèmes et variations de 1922, montre que la musique n'a jamais cessé de diriger en sourdine la plume du poète.
En 1919, Dans "La Vocation", tirée du cycle "J'ai pu les oublier", Pasternak évoque le terreau originairement musical de sa poésie :
"On commence ainsi.
Vers deux ans
On fuit dans l'obscur des mélodies
On pépie, on siffle, et les mots
Viennent à la troisième année "
et le poème se conclut par ce vers :
"Ainsi commence-t-on à vivre en poème."
Il ne se donnera entièrement à l’écriture qu’à partir du succès de son recueil "Ma sœur, ma vie" en 1922.
Pasternak parlant de lui déclare en 1927 :
"Je suis le fils d’un peintre et d’une grande pianiste. J’ai vu l’art et les grands artistes dès mes premiers jours, aussi suis-je habitué à tenir le sublime et l’exceptionnel pour la nature même, pour une norme vivante. Socialement, dans la vie en communauté, cela s’est fondu pour moi avec le quotidien. Je n’y vois rien, en tant que phénomène répété, qui puisse être séparé de la vie courante par une estrade corporative, mis entre guillemets comme d’autres le font"

Pasternak subit l'influence du symbolisme avant de faire ses début sous la bannière du futurisme et devenir l'ami de Maïatovski.
Son lyrisme fondé sur un sentiment de participation à l'élan créateur de la vie, le conduit, malgré son adhésion spontanée à la révolution, à résister à la domination de l'idéologie marxiste, puis à la contester dans le roman d'inspiration autobiographique "Le docteur Jivago"

Pasternak a salué la Révolution, y compris les décrets bolcheviques d'octobre 1917, cette " magnifique chirurgie ", comme dira le docteur Jivago, son porte-parole.
Mais il ne conçoit pas que l'art puisse obéir à des impératifs politiques, si nobles soient-ils.
La poésie ne se commande pas : c'est une " haute maladie " qui défie la raison et la volonté.
En même temps qu'il s'affirme comme l'un des premiers poètes de sa génération, Pasternak cherche aussi sa voie dans la prose.
Le récit autobiographique "Sauf-conduit" conçu en 1927 comme un hommage à Rilke, devient une profession de foi et une apologie de la poésie face à l'idéologie communiste.
Achevée au moment où apparaissent les premiers symptômes de la terreur, l'œuvre laisse deviner à travers l'image de Venise, le spectre de l'Etat policier, et se conclut par l'évocation du suicide de Maïatovski présenté comme le tragique accomplissement du principe subversif inhérent à tout lyrisme.
Il se marie en 1923 avec une jeune artiste peintre, Evguénia Lourie, Il auront un fils, Evguéni.
Le couple se sépare en 1930, pasternak va fonder un nouveau foyer avec Zinaida Neuhans, elle-même séparée du pianiste Heinrich Neuhans.
La passion qu'elle lui inspire et le séjour qu'il fait avec elle en Géorgie, où il est accueilli et choyé par l'élite culturelle du pays, sont vécus comme une " seconde naissance " dont l'euphorie le rend perméable à la propagande communiste.
Mais la faveur officielle l'asservit et lui pèse : en juin 1935, souffrant d'une grave dépression, il est enrôlé de force dans la délégation soviétique au Congrès antifasciste de Paris.
Vers 1936, il cesse progressivement toute activité publique et se retire dans la " datcha " de Peredelkino, aux environs de Moscou, mise à sa disposition par l'Union des écrivains.
L'arrestation et le procès de Boukharine en 1938 dissipent ses illusions sur Staline et en font désormais un opposant silencieux.
Il traduit des poèmes de Keats, de Shelley, de Verlaine qui est son poète français préféré, de Petöfi, de Slowacki.
Cette même année 1938 il entreprend une traduction de Hamlet suivie par six autres tragédies de Shakespeare, de Goethe et de Schiller.
Son existence retirée lui a rendu la sérénité.
La guerre, qui entraîne en 1941, l'évacuation de sa famille et son propre enrôlement dans la défense civile de la capitale, lui apparaît pourtant comme une épreuve purificatrice.
Elle lui inspire des poèmes patriotiques.
Dès août 1946, les décrets de Jdanov annoncent de nouvelles persécutions.
Olga Ivinskaïa, sa dernière passion, de vingt ans sa cadette lui inspire le personnage de Lara.
Elle est belle, elle est libre.
Soupçonnée d'espionnage, en octobre 1949 elle est arrêtée.
Pressions et menaces ne le font pas renoncer à son projet de roman auquel il continue de travailler en secret jusqu'à la mort de Staline et la libération d'Olga Ivinskaïa en avril 1953.
Achevé en 1955, Le docteur Jivago est, sous les apparences d'une fresque historique des " années terribles de la Russie ", un roman d'amour et une fable symbolique.
Ce qui l'intéresse, c'est bien plus sa vie intime, ses sentiments ou le processus de ses pensées que l'analyse objective des luttes révolutionnaires.
Sa tentative pour concilier l'âme du poète avec la société soviétique ne réussit qu'imparfaitement.
La publication du "Docteur jivago", en Italie en octobre 1957 après que ce roman ait été rejeté par les éditeurs soviétiques, est un évènement de portée mondiale, le défi involontaire d'un homme seul face à un système totalitaire encore sans faille.

L'attribution du prix Nobel en octobre 1958, qui lui apporte le soutien de l'opinion mondiale, en fera un paria dénoncé comme un traître devant l'opinion de son pays.
Exclu de l'Union des écrivains soviétiques, donc privé de tout moyen d'existence légal, et menacé d'exil, il devra refuser le prix pour mettre fin aux persécutions.

Pasternak s'installe à Peredelkino, avec un groupe d'écrivains à l'extérieur de Moscou.
Ses derniers projets incluent une pièce de théâtre sur Aleksander II et un roman l'émancipation des serfs.
Il a également prévu d'écrire un autre roman.
Pasternak est malade est meurt d'un cancer du poumon le 30 mai 1960.

Ce n'est qu'en 1987, à la faveur de la " perestroïka " que l'Union des écrivains réhabilitera sa mémoire en annulant son exclusion, et que Le docteur Jivago pourra enfin atteindre sans entraves les lecteurs russes, ses principaux destinataires.

De tous les grands poètes russes du XXe siècle, Pasternak est sans doute celui dont les vers sont aujourd'hui le plus largement connus et le plus souvent cités.

La musique baigne ses vers et leur donne un charme insolite, et l'ouïe comme le regard perçoivent des images pittoresques.


Personnages de Pasternak

Lara Antipova (Larissa Fiodorovna, née Guichard) mariée à Pavel Pavlovitch Antipov. Ils ont une fille, Katia. Lara est devenu femme trop tôt, criminellement tôt. Elle a été initiée à la vie par son plus mauvais côté, sous un jour menteur, comme une comédie de boulevard.
Un homme immoral, d'une médiocrité satisfaite, est entré dans sa vie et à cause de lui elle a raté son mariage avec un homme supérieur qui l'aimait et qu'elle avoue avoir aimé aussi.
Jivago (Iouri Andréiévitch). Fils d'un riche industriel sibérien et de Maria Nikolaïevna, née Védéniapine ; mari de Tonia (Antonina Alexandrovna, née Groméko).
Ils ont deux enfants, Sacha et Macha. Elevé dans une famille de professeurs appartenant à l'élite intellectuelle du Moscou du début de ce siècle, atteint l'âge d'homme au moment de la guerre 1914.
Son destin sera commandé par le cours tumultueux de la révolution russe.
En 1917 il est médecin militaire, mais tout comme Pasternak lui même il est poète. Ses vers, recueillis après sa mort, forment l'épilogue du roman et prolongent dans le présent sa vie interrompue en 1929.
Il a " rêvé toute sa vie d'une grande œuvre où prendraient place les images et les pensées qui l'ont marqué le plus profondément " et ses vers n'étaient à ses yeux que " l'ébauche de ce grand tableau ".

Pavel Antipov Pavlovitch (Pacha), fils du cheminot Pavel Férapontovitch Antipov et de Daria Filimonovna. Professeur, puis général de l'armée révolutionnaire sous le pseudonyme de Strelnikov.
Originaire de Moscou, après avoir terminé ses études à l'Université, avait demandé un poste de professeur en province, avait été fait prisonnier à la guerre, avait longtemps été porté disparu.
La sincérité révolutionnaire de Strelnikov, un sans-parti que rien n'arrêtait se distinguait par sa pureté, son fanatisme authentique mûri par toute une existence, et qui ne devait rien au hasard.
Partout il arrivait à l'improviste, il jugeait, condamnait et faisait exécuter ses arrêts sans sourciller. Depuis l'enfance Strelnikov aspirait à tout ce qui est grand et pur.
Il caressait l'idée qu'il servirait d'arbitre entre la vie et les principes mauvais qui la souillaient ; qu'il prendrait sa défense, qu'il la vengerait. La révolution lui avait donné des armes.

Komarovski (Viktor Ippolitovitch), avocat, puis homme politique pendant la Révolution.
Protecteur d'Amélie Karlovna Guichard, mère de Lara.
Puis amant de Lara.
Conseiller juridique de l'industriel millionnaire Jivago (père de Iuori), il le poussait à boire, embrouillait ses affaires, et l'ayant acculé à la banqueroute, il précipita sa perte. Iouri Jivago le tient pour responsable du suicide de son père.


Décalage spirituel

Dans Hommes et positions en 1957, une autobiographie tardive, Pasternak souligne un autre trait essentiel de son caractère: une proximité affective avec les humiliés et les offensés, plus généralement une sensibilité exacerbée devant le spectacle de l'humanité souffrante, tout spécialement vis-à-vis des femmes gâchées par le cynisme ou la lâcheté des hommes.
Il en a "retiré une pitié prompte à se glacer d'effroi pour la femme et une pitié encore plus intolérable pour ses parents qui allaient mourir plus tôt que lui et qu'il devait délivrer de l'enfer en accomplissant quelque chose d'extraordinairement lumineux et sans précédent .
Ce mixte d'élection et de culpabilité nourrit en Pasternak, outre la conviction qu'il devait faire quelque chose de noble pour se justifier, une dimension sacrificielle, qu'on perçoit aussi bien dans sa vie d'homme et d'écrivain que dans ses personnages de fiction, et qui trouva à se fixer dans la figure du Christ.
Bien qu'il fût issu d'un milieu juif assimilé et qu'il n'en fît guère état dans le contexte soviétique, Pasternak se considérait comme chrétien -une de ses nourrices, Akoulina Gavrilovna, l'aurait même baptisé.
Qu'il ait reçu ou non le sacrement dans les règles strictes de l'orthodoxie russe, Pasternak y attachait une grande importance, y voyant même "la source de son originalité " et les racines de sa vision du monde.
Ce n'était pas pour renier ses origines juives: son alter ego romanesque, Iouri Jivago, intervient, indigné, pour interrompre le spectacle dégradant d'un jeune cosaque maltraitant un vieux juif sous les rires des villageois .
Quoi qu'il en soit, cette dimension spirituelle juive et chrétienne, plutôt qu'étroitement religieuse, est indissociable de la liberté intérieure qu'elle consolida en lui.
Elle ne l'empêcha pas d'être pleinement conscient des bouleversements du siècle.
"L'an 1905" publié en 1925, L'Enseigne de vaisseau Schmidt en 1927 et bien évidemment Le Docteur Jivago -encore que les épisodes révolutionnaires y soient repoussés à l'arrière-plan pour mieux en faire ressortir les effets sur les personnages- témoignent que les échos de l'histoire se répercutent dans son oeuvre.

A l'ère soviétique, les Russes le tenaient pour l'un de leurs plus grands poètes. Même quand ses vers paraissaient sibyllins ou quand l'originalité de ses images les déconcertait, leur "oreille" ne les trompait pas.
En Occident, hormis quelques férus de poésie -et ceux qui se souvenaient de la forte impression qu'il fit en tant que membre de la délégation soviétique dépêchée à Paris au Congrès des écrivains contre le fascisme en juin 1935, sa notoriété fut -elle l'est encore- liée à un seul livre: Le Docteur Jivago, un grand roman longtemps inconnu des Russes -et pour cause, puisqu'il n'a été édité, hormis quelques samizdats, qu'en 1988!
La publication de ce roman en Occident joua beaucoup dans l'attribution à Pasternak du prix Nobel de littérature, le 23 octobre 1958.
Il fallut la grâce pulpeuse de Julie Christie et le charme un peu vitreux d'Omar Sharif pour que le nom de Pasternak devienne familier à ceux qui, sans cette adaptation, n'auraient jamais lu le roman quand bien même David Lean, le réalisateur, en a occulté la profondeur philosophique et poétique en en faisant un mélodrame sentimental avec en toile de fond l'entraînante "chanson de Lara".
Un visage lunaire à la Buster Keaton, des regards où se laissent lire tour à tour l'effroi devant le réel piétiné, l'étonnement de l'enfant qu'un poète demeure un peu plus longtemps qu'un autre et l'assurance de ceux qui savent qu'ils sont du côté de la vie achèvent le signalement convenu d'un écrivain souvent sous-estimé.

Boris Pasternak était un tendre et non un révolté. Un lâche aussi parfois et souvent. Il aura su courber l’échine pour survivre au contraire de tant d’autres. Comme Marina Tsvetaieva, elle broyée par le régime, surtout avec qui il correspondra pendant douze ans. Il n’en demeure pas moins comme l’un des poètes les plus considérables du siècle dernier.
Son chemin d’écrivain est tout entier fait des ronces de l’humiliation et des orties du quotidien soviétique. Ce n’est vraiment qu’au bout de la route, par surprise, qu'il devint célèbre de part le monde, grâce à l’attribution du Prix Nobel de littérature le 23 octobre 1958, pour son livre "Le Docteur Jivago", publié à l'étranger.
Il fut alors le ralliement des lecteurs occidentaux. Il en fut étonné, car quoique peu connu à l'étranger, il était déjà dès 1920 sur toutes les lèvres de ses lecteurs russes et ses éditions étaient très vite épuisées. Mais à la fierté succéda l'accablement.
Car avec cette "affaire", il ne recueillit que cris de haine de sa patrie qui l’accusa de trahison. L'URSS refuse de publier l'ouvrage sur ordre personnel de Khrouchtchev. L'Union des écrivains soviétiques se déchaîne contre lui. Il décide alors de ne pas accepter le prix Nobel par peur immense de l’exil.
"Le départ hors des frontières de ma patrie équivaudrait pour moi à la mort, et c’est pourquoi je vous prie de ne pas prendre à mon égard cette mesure extrême. La main sur le cœur, je puis dire que j’ai quand même fait quelque chose pour la littérature soviétique et que je puis encore lui être utile. " (Lettre à Khrouchtchev du 31 octobre1958)
D’ailleurs de toutes parts les demandes de déchéance de sa nationalité soviétique fusent contre la " grenouille en littérature ". Et il va se taire, anéanti, reclus.

Prix Nobel en 1958, considéré comme un très grand poète en Russie dès les années 1920, l'écrivain doit sa célébrité mondiale à son chef-d'oeuvre, Le Docteur Jivago. Ce roman unique livre le plus puissant tableau des bouleversements et des violences de la Russie des premières décennies du XXe siècle.


Oeuvres

Oeuvres, sous la direction de Michel Aucouturier, La Pléiade, 1990. Ecrits autobiographiques, Le Docteur Jivago, Quarto/Gallimard, 2005, comprend, outre d'excellentes annexes, la reprise du Dossier de l'affaire Pasternak. L'an 1905 et autres poèmes, trad. de Benjamin Goriély, Portes de France, 1947. Sauf-conduit, trad. de Michel Aucouturier, L'Imaginaire/Gallimard, 1989. Poèmes (choisis par son fils Evguéni Pasternak), Ed. Vie Ouvrière, Bruxelles, 1989. Ma soeur la vie, Poésie/Gallimard, 2003. Le Docteur Jivago, Folio, 1998. Correspondance à trois. Eté 1926. Rilke, Pasternak, Tsvétaïeva, L'Imaginaire/Gallimard, 2003. "Seconde naissance". Lettres à Zina suivi de Souvenirs par Zinaïda Pasternak, Stock, 1995. Correspondance avec Evguénia 1921- 1960, Gallimard, 1997. Correspondance 1910-1954, Boris Pasternak-Olga Freidenberg, Gallimard, 1987. Lettres à mes amies françaises 1956-1960, introduction et notes de Jacqueline de Proyart, Gallimard, 1991. Pasternak écrivant en français, certaines lettres sont d'un grand intérêt pour comprendre l'homme et l'oeuvre.


Sur Pasternak, à lire

Yves Berger, Boris Pasternak, Poètes d'aujourd'hui, Seghers, 1958. André Du Bouchet, Le Second Silence de Pasternak, La Rivière échappée, 2009 (réédition d'un article de 1959 paru dans la revue Critique). Michel Aucouturier, Pasternak par lui-même, Ecrivains de toujours, Seuil, 1963. Jacqueline de Proyart, Pasternak, Gallimard, 1964. Jacqueline de Proyart, Le Dossier de l'affaire Pasternak, Gallimard, 1994 (Archives du CC et du Politburo, trad. de Sophie Benech. Indispensable pour comprendre l'imbroglio de l'exfiltration du manuscrit du Docteur Jivago, excellente introduction tenant lieu de biographie politique de Pasternak.) Olga Ivinskaïa, Otage de l'éternité. Mes années avec Pasternak, Fayard, 1978. Varlam Chalamov, Correspondance avec Boris Pasternak, Arcades/Gallimard, 1991. Irina Emélianova, Légendes de la rue Potapov, Fayard, 2002. Remarquables évocations de Pasternak à travers les souvenirs de la fille d'Olga Ivinskaïa.


Le lecteur mélomane peut juger des essais musicaux de Pasternak sur Internet.
Boris Pasternak, Michel Andrieu, documentaire, Les Films du Village, 1998.
Outre le film de David Lean (1965), on notera l'adaptation de Giacomo Campiotti, téléfilm anglais, 2002 -"nicht frei von Kitsch" remarqua un critique allemand-
et celle d'Alexandre Prochkine en 11 épisodes, 2006, pour la télévision russe NTV, visible avec des sous-titres en anglais à l'adresse sur Youtube.fr. Oleg Menchikov y interprète Jivago.


http://youtu.be/pyou-Q-Movs

http://youtu.be/nair7d_JBKg

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Posté le : 10/02/2013 14:39
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Bertolt Brecht
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Bertolt Brecht naît le 10 Février 1898 en Bavière

" L'homme est bon, mais le veau est meilleur."

Phare du XX° Sciècle, Bertolt Brecht a laissé une marque indélébile dans l'Histoire du théâtre.
Auteur dramatique, poète lyrique, narrateur et cinéaste, théoricien de l'art et metteur en scène allemand.
Il défend la conception d'un théâtre "épique", défini par sa fonction sociale et politique. Il est considéré comme le plus grand dramaturge contemporain.


Bertolt Brecht est né en 1898 à Augsbourg, petite ville de Souabe bavaroise.
Il est d'origine bourgeoise, fils d'un père catholique, dirigeant d'une fabrique de papier, et d'une mère protestante.
Après une éducation classique, Il commence à écrire très tôt.
En, 1913 à 15 ans, il écrit une pièce en un acte, La Bible, où il évoque la guerre de Trente ans (1618-1648). La Bible sera une référence majeure de son oeuvre.
En 1914 le jeune Brecht écrit des poèmes patriotiques, son premier texte est publié à Augsbourg dans un quotidien en 1914, puis à Munich, ces premiers écrits font l'éloge de l'héroïsme militaire. A partir de 1916, sa vision de la guerre change. Il rejette l'idéalisme au profit du matérialisme.
Il entame des études de philosophie puis de médecine à Augsbourg.
En 1918, il est mobilisé au cours de la Première Guerre mondiale comme infirmier. L'horreur de la guerre aura, comme pour les surréalistes français, une grosse influence sur lui. La même année, il écrit sa première pièce, Baal.
Il chante des écrits pacifistes à Ausbourg puis Munich et rompt avec sa famille.
Suivent les pièces Tambours dans la nuit en 1919 , Spartacus et Dans la jungle des villes.
Ces trois premières œuvres inspirées du mouvement expressionniste, montrent son côté anarchiste. Il est alors très influencé par Erwin Piscator ou Max Reinhardt.
Il reçoit le prix Kleist pour ces premières pièces, toutes créées sur scène en 1922-23. Brecht rencontre à cette époque l'actrice viennoise Helen Weigel et s'installe avec elle à Berlin.
Il fait la connaissance de Kurt Weill en 1927 et crée avec lui l'Opéra de quat'sous, qui fut immédiatement un grand succès : le Theater am Schiffsbauerdamm est désormais à sa disposition.
Il se marie en 1923 avec Marianne Zoff - il aura tout au long de sa vie de nombreuses liaisons amoureuses et plusieurs enfants -
En 1924, il rejoint d'ailleurs le Deutsches Theater de Max Reinhardt à Berlin, avec l'actrice Helene Weigel, qui monte ses pièces.
La même année, Elisabeth Hauptmann devient sa maîtresse et son "nègre".
Puis ensuite, marié avec Helene Weigel, il écrit et met en scène une ou deux pièces par an, dont la Mère, Homme pour homme, Grandeur et et décadence de Mahagonny, Happy End, Sainte Jeanne des abattoirs, Têtes rondes et têtes pointues. Parallèlement à son adhésion au marxisme.
Ces pièces apportent la polémique jusqu'en 1928 où il crée L'opéra de quat'sous avec la musique de Kurt Weill, un des plus grands succès théâtraux de la république de Weimar.
Il met au point sa théorie du théâtre épique qu'il exposera dans son Petit Organon pour le théâtre publié en 1948.


Le nazisme
C'est alors qu'il devient marxiste.
La montée du nazisme le force à quitter l'Allemagne en 1933, où son œuvre est interdite et brûlée. Au moment de l'invasion du Danemark, le couple reprend son errance et se réfugie en Suède, puis en Finlande, ils parcourent l'Europe de Svendborg au Danemark, Finlande, puis Russie, et après une traversée en bateau au départ de Vladivostock, il s'installe en Californie en 1941. La même année, la création mondiale de Mère Courage et ses enfants, sans les chansons a lieu à Zurich, où la Bonne Âme de Se-Tchouan et la Vie de Galilée seront également créés. Comme de nombreux écrivains en exil, Brecht s'installe à Hollywood en 1942 et travaille pour le cinéma (adaptation cinématographique de Galilée avec Charles Laugthon. Durant cette période, il écrit une grande partie de son œuvre dont La vie de Galilée, Mère Courage et ses enfants, La Résistible Ascension d'Arturo Ui , violente attaque contre Hitler, Le Cercle de craie caucasien et Petit organon pour le théâtre où il exprime sa théorie du théâtre épique et de la distanciation.


La fuite
Chassé des États-Unis en 1947 en raison du maccarthysme, Il retourne en Europe en 1947, d'abord à Zurich, puis s'installe définitivement à Berlin-Est à partir de 1948.
Les alliés lui refusant un visa, c'est grâce aux Tchèques qu'il peut rejoindre la RDA.
En 1948, il s'installe définitivement à Berlin-Est.
En 1949, Brecht et Weigel obtiennent la nationalité autrichienne.
Le couple fonde le Berliner Ensemble, leur " troupe officielle ", installée au Deutsches Theater, où il exprime ses prises de position socialistes.
Il reprend et précise le théâtre épique fondé par Piscator qu'il oriente autour de l'effet de distanciation "Verfremdungseffekt" et qui s'oppose à la tradition d'un théâtre dramatique d'identification.
Il a des difficultés avec le régime de RDA.
Le 17 juin 1953 les ouvriers de RDA se révoltent en masse pour protester contre la médiocrité de leur niveau de vie, la majoration massive des objectifs de travail et le mauvais fonctionnement des infrastructures. Il écrivit une lettre à Walter Ulbricht analysant les causes de la révolte et proposant des pistes de réforme.
Seule la dernière phrase Je tiens à exprimer en ce moment ma solidarité avec le Parti socialiste unifié fut publiée.
Désormais autant auteur que metteur en scène de pièces du répertoire classique, Brecht entreprend la publication de ses œuvres complètes à partir de 1954, année où il reçoit le prix Staline.
Des tournées internationales se succèdent, dont celle en France en 1954, évènement décisif pour l'histoire du théâtre français.
Après un voyage à Milan pour assister à l'Opéra de quat'sous mis en scène par Giorgio Strehler, Brecht, très malade.|
Il meurt le 14 août 1956.
Sa femme continuera de diriger le Berliner Ensemble, fidèle héritière de son œuvre qui, outre les pièces de théâtre, comprend également des recueils de poèmes, des contes, des écrits théoriques sur le théâtre et des essais.


Par ailleurs, il publia un poème La Solution qui disait :
"J'apprends que le gouvernement estime que le peuple à 'trahi la confiance du régime' et 'devra travailler dur pour regagner la confiance des autorités'. A ce stade, ne serait-il pas plus simple de dissoudre le peuple et d'en élire un autre?"
Devenu une figure quasi-officielle du régime de la RDA, il obtient le prix Staline international pour la paix en 1955 et meurt à Berlin, un an plus tard d'un infarctus.


Discussion approfondie;
" Le monde d'aujourd'hui peut-il être rendu par le théâtre ?"
Lorsque l'on à pu assister au TNP ou ailleurs, à une représentation de l'ascension d'Arthuro Ui, de l'opéra de quat'sous ou de "mère courage", on a déjà senti la puissance du discours et nous reste à tout jamais le souvenir indélébile d'une conscience politique et humaine traduite, portée avec force par les répliques des acteurs.
À cette question que posait Friedrich Dürrenmatt au cinquième colloque de Darmstadt sur le théâtre, Brecht entreprit de répondre dans une courte lettre parue dans l'hebdomadaire Sonntag le 8 mai 1955 : "La question de savoir si le monde peut être rendu par le théâtre est une question sociale." Brecht affirmait ainsi que la forme dramatique est liée à la vie de l'homme en société, et que toute réflexion sur l'esthétique théâtrale passe par la considération critique des phénomènes politiques, économiques et sociaux qui préoccupent les hommes contemporains.
Pour éclairer cette affirmation, Brecht comptait moins sur les quelques lignes de son article que sur la succession d'expériences que forme l'ensemble de son œuvre.
"Dans la pratique, on fait un pas après l'autre ; la théorie, elle, doit couvrir la distance."
Cette distance, il la parcourait depuis trente-cinq ans.
"Je vins dans les villes au temps du désordre quand la famine y régnait. Je vins parmi les hommes au temps de l'émeute et je m'insurgeai avec eux."

Lorsque Brecht commence à se passionner pour le théâtre, l'Allemagne garde encore sa confiance au grand état-major et à l'expressionnisme. Tandis qu'Hindenburg bloque en Artois les offensives françaises et obtient l'écroulement du front russe, Brecht, jeune étudiant à Munich, participe au séminaire d'Artur Kutscher, ami de Frank Wedekind. L'adolescent a accueilli la guerre et le pathétique outré de l'auteur de l'Esprit de la Terre comme des moyens de libération, une occasion de rejeter le monde de son père :
J'étais le fils de gens qui ont du bien
Mes parents m'ont mis un col autour du cou
Et m'ont donné l'habitude d'être servi
Et m'ont enseigné l'art de commander.
Il a connu une enfance monotone : une maison vieillotte ; son père, préoccupé par la direction de sa fabrique de papier ; sa mère plongée dans le dernier roman d'Auerbach.
Brecht se reconnaît mal dans cette ascendance. Son héritage à lui, c'est sa ville, Augsbourg. Augsbourg, l'ancienne ville libre, des églises gothiques et des " maîtres chanteurs ", des Holbein et de Peutinger ; mais aussi la ville des tanneurs, des tisserands, des brasseurs.
Dès qu'il le peut, le jeune Brecht s'échappe pour courir au bord du Lech, le long des petits canaux qui bordent les tanneries, au milieu des baraques de la Foire d'automne. Là, il est fasciné par les panoramas et la brutalité de leurs
tableaux : Néron contemplant l'incendie de Rome, les Lions bavarois à l'assaut des fortifications de Düppel, Fuite de Charles le Téméraire après la bataille de Morat.
"Je me souviens, écrira-t-il en 1954, du cheval de Charles le Téméraire. Comme s'il sentait l'horreur de la situation historique, il avait d'énormes yeux remplis d'effroi. "
Comme sa grand-mère, la "vieille dame indigne" qui meurt en 1914, l'année même où paraissent ses premiers poèmes, Brecht fréquente les rues malfamées, les échoppes de cordonniers, les colporteurs.
De ce contact, il gardera la pratique savoureuse des objets, le pouvoir de libérer l'énergie poétique d'une étoffe, d'un verre de lait, d'une cuiller d'étain. Mais en ce début de 1918, sur les bancs des amphithéâtres qui se vident, Brecht pressent la catastrophe. En mars, il organise, dans un cabaret de Munich, un hommage à Wedekind, qui vient de mourir, à celui qui a écrit que la vie "est comme le faîte étroit d'un toit en pente ; on ne peut s'y tenir en équilibre ; il faut basculer d'un côté ou de l'autre".
Brecht, lui, bascule dans l'horreur.
À l'hôpital d'Augsbourg, où il est mobilisé comme infirmier, il découvre le spectacle des blessés à l'agonie ou qui sombrent dans la folie.
Dans cet univers de sang, il compose une "danse macabre", la Légende du soldat mort.
Le 30 octobre, les marins de Kiel se mutinent. L'insurrection s'étend rapidement dans la Ruhr, en Saxe, en Bavière : les soldats arrêtent leurs officiers, arborent le drapeau rouge.
Le poing tendu, le fusil sur l'épaule, Brecht défile dans les rues d'Augsbourg. Il fait partie d'un conseil de soldats et d'ouvriers. Mais, le 11 décembre 1918, le président Ebert salue les troupes de la garnison de Berlin :
"vous qui rentrez invaincus des champs de bataille ".
Le général von Lüttwitz écrase les Spartakistes.
Le 15 janvier 1919, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg sont assassinés. Le monde apparaît à Brecht en pleine décomposition.
Asocial dans une société asociale


Bertolt Brecht, octobre 1947

Le premier mouvement de Brecht est de se replier sur lui-même.
Il se tient à l'écart de luttes qui lui apparaissent absurdes et d'antagonistes qui n'ont qu'une consistance de pantins. Puis, au milieu du bouillonnement politique et littéraire, à Munich et à Berlin, il commence à démêler certaines lois du fonctionnement de la société ; bientôt, il éprouvera le besoin de faire connaître ses découvertes.
Aux trois moments de cette évolution correspondent trois formes d'écriture : d'abord cri de colère et de dégoût, puis notes et croquis pour rendre plus claire une situation, enfin moyen d'enseignement et d'éducation.
Brecht commence par tout refuser, le monde, la société et sa traduction esthétique, lui-même. Sa méditation hargneuse s'exprime dans la violence des Sermons domestiques, " exercices poétiques et démystification de la poésie".
Brecht s'attaque à la dernière incarnation du romantisme, la déclamation expressionniste, cette "volonté dramatique sans drame ".
Et dans sa rage, brûlant ce qu'il a failli adorer, il pousse jusqu'à l'absurde un langage exacerbé. Dès ses premières œuvres, il a en main une de ses meilleures armes, la parodie. Parodie des recueils de cantiques protestants, ces Sermons domestiques, que Karl Thieme appelle le "bréviaire du diable" ; parodie du théâtre expressionniste, Baal, sa première pièce, qui reprend d'ailleurs le Solitaire de Hanns Johst, l'orgue de Barbarie remplaçant les accords de Beethoven.
"La production dramatique de cette époque, écrit Brecht en 1954 , en révisant mes premières pièces, avec ses appels grandiloquents à l'Homme et ses solutions fallacieuses et irréalistes, rebutait l'étudiant en sciences que j'étais".
En réalité, Brecht est à cette époque plus révolté qu'homme de science, et Baal n'est souvent qu'une glorification de l'égoïsme.
Il condamne l'expressionnisme, en lequel il voit une esthétique de névrosés, mais il n'a pas subi le traumatisme de la génération qui avait trente ans en 1914.
Et s'il ne conçoit pas d'attitude positive au-delà du sarcasme, c'est par ignorance de la signification réelle du mouvement prolétarien. Tambours dans la nuit, écrit trop près de l'événement, témoigne surtout de sa désillusion devant l'échec des révolutionnaires. Kragler, soldat révolté, abandonne ses camarades et va passer la nuit avec sa fiancée :
"Je suis un porc, avoue-t-il, et le porc rentre chez lui".
Mais déjà l'admiration pour Rimbaud, si manifeste dans Baal, cède à l'influence de Büchner : derrière les destins individuels des personnages on entrevoit le déroulement de l'Histoire, le drame d'un peuple.
Un ton nouveau, une nouvelle mélodie, c'est ce qui retient Herbert Ihering, qui fait obtenir à Brecht le prix Kleist. Brecht sait désormais que le théâtre sert à quelque chose, qu'il peut être une arme. Mais pour quel combat ?
"Nos espoirs, c'est le public sportif qui les porte"

Brecht est frappé par l'adéquation, dans le domaine du sport, entre l'offre et la demande :
"Dans les salles de sport, au moment où les gens prennent leurs places, ils savent exactement ce qui va se passer ; et lorsqu'ils sont assis, c'est exactement le spectacle attendu qui se déroule sous leurs yeux : des hommes entraînés déploient des forces qui leur sont propres et de la manière qui leur est la plus agréable… "
Rien de tel au théâtre, pas de plaisir, pas de "bon sport".
L'époque est sensible aux différents styles du théâtre ancien parce qu'elle n'a pas trouvé de forme d'art en qui elle se reconnaisse. Notre manière de nous divertir est singulièrement anachronique. Brecht, qui admire l'élégance du boxeur Samson-Körner , il boxe objectivement, tente une expérience : adapter le charme plastique et le rythme d'un combat de boxe à la lutte qui oppose l'homme à l'homme.
Un petit employé, George Garga, et Shlink, un Maltais négociant en bois, se livrent en dix rounds un "combat en soi ", pour le seul plaisir de l'affrontement "Dans la jungle des villes".
Thème d'une grande simplicité, qui contraste avec la variété des sources d'inspiration et des problèmes formels qui s'imposent à Brecht : les Brigands de Schiller, les éclairages de Jessner pour Othello, un roman de J. V. Jensen sur Chicago, la lecture d'Une saison en enfer ; et puis une double saveur qui, trente ans après, garde toute sa fraîcheur dans le souvenir de Brecht : celle de la banlieue d'Augsbourg, des allées de marronniers jaunissants, des cygnes au pied des remparts nageant sur l'eau dormante ; celle surtout d'une expérience du langage, où les mots se combinent comme se mélangent des boissons fortes.
"J'écrivais des scènes entières avec des mots sensibles et concrets, des mots d'une certaine matière et d'une certaine couleur. Noyau de cerise, revolver, poche de pantalon, dieu de papier".
Cependant, si Brecht arrive à exorciser la forme traditionnelle de la tragédie, il ne parvient pas à donner à cette lutte une signification véritable.
L'isolement des hommes est si grand qu'aucun combat réel ne peut s'engager.
Les spectateurs, à qui il demande de réserver tout leur intérêt pour le round final, assistent à "une simple séance de shadow".
Et pourtant Brecht est tout près de sa découverte capitale.
En acceptant d'adapter et de mettre en scène l'Édouard II de Marlowe, il va éprouver la nécessité d'une interprétation de l'Histoire. Le combat spirituel n'existe pas. L'homme et le monde se transforment l'un par l'autre.
Le drame fondamental se joue au niveau non de la destinée individuelle, mais de la situation historique.
L'homme est pris dans un réseau non de fatalités naturelles, mais de rapports sociaux. Il est vulnérable, parce que transformable à volonté.
Créateur et produit, il vit ou meurt de ses contradictions. Agissez sur un rouage, tirez une ficelle et vous obtenez un autre homme.
"On peut faire tout ce qu'on veut d'un homme.
Le démonter, le remonter comme une mécanique
Sans qu'il y perde rien, c'est magnifique !"
s'extasie la veuve Begbick d'Homme pour homme : le mitrailleur Jeraiah Jip perd une touffe de cheveux et devient un dieu tibétain ; le débardeur Galy Gay sort pour acheter un poisson et se retrouve à la tête de l'armée britannique donnant l'assaut à la forteresse de Sir el Dchowr.
Déshabillage, rhabillage. Démontage, remontage.
Prenez garde à l'habit que vous endossez : il fait l'homme ! Un homme vaut un homme, pense Galy Gay. Imposteur et opportuniste, habile à supporter toutes choses, le pauvre commissionnaire accepte sa propre mort, en qui il voit une "affaire".
Brecht vient de prendre conscience de l'aliénation et d'effectuer sa révolution copernicienne :
"L'homme n'est rien du tout. La science moderne a prouvé que tout est relatif. L'homme est bien au centre, mais relativement."
Le regard neuf qu'il avait jeté sur la nature, l'homme ne l'a pas porté sur la société

La société moderne proclame avec la même vigueur la malléabilité du monde et l'immuabilité de la nature humaine. Brecht voit dans cette incohérence la source des difficultés et des injustices du système social et économique contemporain, ainsi que la matière même du nouveau théâtre de l'ère scientifique.
Prenant appui sur le monde réel, un évènement actuel ou un fait passé qui éveille une résonance dans la conscience de l'homme d'aujourd'hui, le théâtre peut donner une image de la vie sociale qui permette de la transformer.
La représentation dramatique est ainsi conçue comme un modèle opératoire du monde.
Brecht rompt avec la conception aristotélicienne de la tragédie :la catharsis, la purification par la terreur et la pitié, et avec le but que Hegel assigne au drame , «le conflit, le principal, celui autour duquel tourne l'œuvre, doit trouver dans la conclusion de celle-ci son apaisement définitif ».
Le théâtre traditionnel donne une image erronée de la vie.
Il divertit, c'est-à-dire qu'il détourne le spectateur de la réalité humaine de son temps : les grands conflits sociaux.
Il n'est plus guère qu'"une branche du trafic bourgeois de la drogue".
Le public est convié soit à s'identifier aux héros classiques et romantiques, à "profiter en parasite des purgations de Sophocle, des immolations de Racine…", soit à accepter la description "objective" d'un phénomène psychologique ou historique.
Dans les deux cas, le public joue un rôle passif.
La salle est tout entière dominée par la scène. Brecht, au contraire, veut inviter le spectateur à voir dans le conflit représenté non un évènement symbolique, mais une réalité vivante, à laquelle il doit participer par une attitude critique, cette attitude qu'il a spontanément devant la nature, considérant un fleuve pour en régulariser le cours, un arbre pour le greffer.
Un ensemble de réformes tendant à "littérariser" le théâtre

Si les principes de la nouvelle dramaturgie ont été, pour Brecht, assez rapidement fixés, ses techniques dramatiques ont connu, en revanche, une remarquable évolution.
Et plus qu'en découvertes de procédés scéniques ou littéraires, celle-ci consiste en de nouvelles dispositions d'éléments épars, mais présents dès ses premières pièces.
Le premier réflexe de Brecht est d'user de son arme favorite, la parodie. Voulant faire le procès du théâtre "culinaire", il choisit sa forme extrême et compose un opéra.
L'adaptation de l'Opéra du gueux de John Gay fournit à Brecht le prétexte d'un exposé critique de ce que le spectateur désire voir de la vie sur un théâtre.
Or, le public bourgeois fit un triomphe à l'Opéra de quat'sous : début d'une série de malentendus qui se poursuivra tout au long de la carrière de Brecht. Ou il est refusé comme un nihiliste, condamné comme un auteur à scandale, ou il est applaudi comme un poète, ainsi Pabst, dans son film pour la société Nero, transforme en élégie la satire sociale.
"Je suis, écrira Brecht à un comédien, dans l'état d'esprit d'un mathématicien à qui l'on assurerait : je suis d'accord avec vous, deux et deux font cinq."
Il est vrai que son personnage même étonne et irrite : tantôt précieux et négligent, un cigare à la bouche, tantôt jouant au rustre provincial, exagérant son accent souabe.
L'Opéra de quat'sous est la première entreprise délibérée de "littérarisation" du théâtre ; mais le mélange d'éléments formels (structure classique de l'opéra, scènes, airs et récitatifs) et d'éléments formulés, l'introduction dans le déroulement de la pièce de panneaux sur lesquels les titres des scènes sont projetés ; la rigoureuse séparation des trois plans : diction naturelle, déclamation, chant s'y effectue avec trop d'élégance.
Brecht reconnaît son erreur et, sans abandonner son projet initial, "Même si l'on se proposait de mettre en discussion le principe de l'opéra, il faudrait faire un opéra", entreprend de se corriger : avec Mahagonny, qui provoque un approfondissement de sa réflexion esthétique et un essai de définition du théâtre "épique", il choisit la violence, la caricature.
Le tumulte qui accueille la première à Leipzig lui apprend qu'on ne peut respecter ses règles et transformer le théâtre bourgeois.
"Je n'écris pas pour la racaille qui ne recherche que l'émotion "

Brecht avait pensé exercer une action sur le public.
Il se rend compte que tout son effort doit porter sur la structure même du théâtre.
Mais, comme il l'affirmait dans le supplément littéraire de la Frankfurter Zeitung du 27 novembre 1927, "la transformation totale du théâtre ne doit pas être l'œuvre d'un caprice d'artiste, mais simplement correspondre à la totale transformation spirituelle que connaît notre époque".
Tirant la leçon de son échec, Brecht rejette les quatre éléments fondamentaux du théâtre traditionnel : la structure de la pièce, les acteurs, le public, le circuit habituel de distribution des salles de spectacle.
Son théâtre, qui s'adresse à la raison, Brecht va l'expérimenter dans les écoles, les unions de jeunes, les associations ouvrières, grâce à des comédiens non professionnels.
Usant principalement des possibilités des chorales ouvrières, il crée une forme théâtrale et musicale qui permet, par l'emploi des chœurs, la participation active du public à l'action : c'est le Lehrstück, la "pièce didactique".
Brecht s'inspire des pièces édifiantes jouées dans les collèges de jésuites de la Contre-Réforme, du théâtre classique espagnol et du nō japonais.
Mais il joint à l'usage de formes éprouvées la pratique de techniques nouvelles : recherches musicales, il obtient la collaboration d'Hindemith pour le Vol des Lindberghs et l'Importance d'être d'accord, possibilités offertes par les moyens de diffusion tels que le cinéma et la radio.
Pour traduire et comprendre la société moderne, acteurs et chanteurs se servent des meilleurs outils qu'elle peut leur fournir. Ainsi s'instruisent-ils en enseignant.
Mais qu'enseignent-ils ? « L'avenir du théâtre est dans la philosophie », écrit Brecht en 1929. Or, sa philosophie se constitue lentement. Il lui faut une douzaine d'années pour passer du nihilisme au communisme. Et cette évolution s'accomplit moins à travers une réflexion politique qu'au moyen d'une ascèse morale. Plus que prédication d'une vérité acquise, les "pièces didactiques", le Vol des Lindberghs, Celui qui dit oui, celui qui dit non, la Décision, l'Exception et la règle, sont le lieu de cette transformation intellectuelle.
La plus grande capacité de transformation de la nature implique la réduction de l'homme à sa « plus petite grandeur », le renoncement de l'individu à soi-même dans l'intérêt de la collectivité.
Cette ascèse se veut apprentissage du monde et non oblation mystique. Mais sa signification est ambiguë. Un critique marxiste reproche à Brecht de "nier systématiquement l'individu, la personne", tandis que le catholique Karl Thieme écrit à propos de celui qui dit oui :
"Depuis des siècles, nous n'avions entendu la vérité chrétienne de façon aussi claire, aussi simple, aussi directe que dans cette pièce bouleversante…"
Brecht a voulu donner une leçon de réalité, mais il a ramené la conscience de l'action, de la stratégie politique, à une attitude purement éthique. L'apport positif, définitif, des Lehrstücke, réside dans le refus du "héros".
Cet anéantissement personnel n'a cependant de sens que s'il prépare à une action concrète. Mais au moment où la forme de la "pièce didactique" n'est justement plus pour Brecht qu'une forme, deux pièces prolongent l'expérience de l'être humain qui abandonne la vie privée pour l'action politique générale.
Elles tracent chacune un itinéraire exemplaire : l'un dans l'accession à la conscience révolutionnaire (la Mère), l'autre dans le confinement à l'attitude morale : rhabillée en soldat de l'Armée du salut, Jeanne Dark, qui a reculé devant l'épreuve de la grève, meurt en Sainte Jeanne des Abattoirs.
Brecht est désormais en possession de l'essentiel de son esthétique : il sait qu'il n'a plus à rendre intelligible un conflit ou un procès, mais à présenter dans son déroulement, c'est-à-dire dans ses contradictions, un comportement humain qui est par lui-même intelligible.
Et les deux figures du diptyque, sainte Jeanne et la mère Pélagie Vlassova, sont à un autre titre exemplaires : dévoyées ou militantes, ce sont des femmes qui porteront le poids de la parabole brechtienne.
Dans son théâtre, mis à part Galilée et la silhouette diffuse de l'aviateur, symbole de l'ère scientifique, l'histoire se fait par la femme et singulièrement par la mère.
Présente dans Tambours dans la nuit, charnelle encore dans l'adaptation de Gorki, la maternité trouvera son accomplissement dans le Cercle de craie caucasien : Groucha n'est plus la mère par le sang, mais par la peine et la bonté. La véritable maternité est la maternité sociale.
Ce sont ces thèmes que Brecht va approfondir dans l'exil, avec d'autant plus d'inquiétude et d'exigence qu'il se verra rejeté plus loin de l'Allemagne. Brecht, si peu attaché aux objets, emmena pourtant avec lui un rouleau chinois illustrant la légende de Lao-Tseu. Cette peinture, Max Frisch la vit en 1948, dans la petite mansarde que Brecht occupait à Herrliberg, près de Zurich : alors qu'il a décidé de quitter ses habitudes et son pays, Lao-Tseu se montre sensible à la prière d'un pauvre douanier ; il accepte de consigner par écrit, à l'usage des humbles, la somme de ses expériences.
Loué soit le sage qui a obéi au désir d'un homme simple….
Pour les gens simples, Brecht va préciser sa vérité.
"Observez chacun. L'étranger comme s'il vous était connu. L'homme connu comme s'il vous était étranger."

Brecht s'est toujours défié de l'adhésion impulsive.
Il travaille pour l'avenir. Aussi son théâtre de l'exil et de la guerre apparaît-il beaucoup moins "engagé" que celui d'autres émigrés, comme Friedrich Wolf ou Carl Zuckmayer.
Il ne se presse pas de faire jouer les saynètes de Grand-peur et misère du IIIe Reich ; les pièces qu'il propose au Schauspielhaus de Zurich en 1943 et 1948, la Bonne Âme de Se-Tchouan, Maître Puntila et son valet Matti, comptent, dans son œuvre, parmi les plus libérées de l'actualité ; à Hollywood, il travaille même à fabriquer des films.
C'est que pour dire la vérité il faut choisir son moment. Dans un pamphlet diffusé clandestinement en Allemagne en 1935, Cinq Difficultés à écrire la vérité, Brecht ajoute aux quatre qualités nécessaires à une action efficace, le courage, l'intelligence, l'art, le discernement, la ruse.
Il ne cessera de la pratiquer, devant le comité d'investigation des activités anti-américaines en 1947 comme lors des discussions avec le gouvernement de la R. D. A., qui l'oblige en 1951 à modifier le Procès de Lucullus.
Usant de naïveté et d'humour pour triompher des obstacles momentanés, Brecht poursuit son œuvre d'éducation morale.
Il en défend les principes dans de multiples écrits théoriques, des critiques de représentations, des lettres à des comédiens ; il en donne l'illustration avec quatre pièces qui forment le sommet de son œuvre : la Vie de Galilée, Maître Puntila et son valet Matti, la Bonne Âme de Se-Tchouan, le Cercle de craie caucasien.
Pour agir sur la société, il faut porter sur elle le regard curieux et étonné que le savant porte sur le phénomène naturel. Galilée considère le balancement familier d'une lampe de la cathédrale de Pise comme un événement nouveau, étrange : il découvre les lois du mouvement pendulaire.
Le rôle du théâtre épique est d'aider le spectateur à porter sur le monde le regard critique qui l'empêchera de confondre habitude et nature, causalité et fatalité.
Mais la notion de théâtre épique ne porte-t-elle pas en elle une contradiction ? Peut-on concilier les formes et les procédés du drame et de l'épopée ?
Brecht n'esquive pas la difficulté. Bien loin de la dissimuler, il l'étale, il l'éclaire. L'acceptation lucide de la contradiction est une des caractéristiques essentielles de son théâtre.
Lui-même a été toute sa vie déchiré entre son pacifisme intégral et sa conscience de la nécessité de la violence révolutionnaire. Le personnage brechtien est par nature écartelé : Puntila, ivre, est un homme généreux, à jeun, un propriétaire intraitable ; Mauler ne supporte pas de voir égorger un bœuf, mais use de ses employés comme du bétail sur pied ; Anna Fierling, la Mère Courage, maudit la guerre qui la fait vivre.
Cette dualité constante se traduit par de perpétuels changements d'humeur (Fairchild, Puntila) ou de vêtements (Galy Gay, Jeanne Dark, Chen-te).
Mais le théâtre n'a pas à résoudre les contradictions, il doit simplement les rendre plus lisibles. L'aporie du théâtre épique disparaît au niveau technique : l'épopée se joue sur la scène, le drame dans la salle entre l'acteur qui expose et le spectateur qui observe et réfléchit. Ce spectateur apprend d'abord à ne pas se laisser intimider.
Ni par la dureté ou la durée des choses, qui se révèlent transformables ; ni par le déroulement de l'histoire, qui est faite de main d'homme ; ni par le prestige des œuvres classiques, Brecht débarrasse le Coriolan ou l'Hamlet de Shakespeare, l'Antigone de Sophocle du pathos routinier pour leur restituer leur grandeur humaine ou leur signification politique ; ni par la dimension légendaire des personnages littéraires ou historiques, les Affaires de Monsieur Jules César dénoncent l'usure morale et la soumission à l'argent du bâtisseur d'empire. Le spectateur doit rompre à la fois avec la tendance à assimiler le fait contemporain à l’évènement passé, pour en tirer la conclusion de la pérennité de la nature humaine, et avec la tentation de découvrir dans les époques anciennes la préfiguration de la nôtre, ce qui entraîne la négation des structures historiques et sociales. Il faut garder à chaque époque son caractère propre, dans ce qu'il a d'éphémère. L'image de l'individu vivant, présenté dans ses actions et ses réactions, semblable aux autres et pourtant différent, ressemble à "ces esquisses qui gardent encore autour du personnage achevé les traces d'autres mouvements et d'autres traits ébauchés… ".
Ainsi, ce que Brecht appelle le "gestus social", l'attitude humaine qui trouve son sens dans un contexte social, ne doit pas être saisi d'une manière abstraite et générale, mais toujours dans ses rapports avec une situation donnée.
Dès 1932, Brecht reprochait aux comédiens de vouloir obtenir à tout prix le "regard de chien traqué ".
Ce "gestus" est vide, il n'a pas le caractère d'une activité, il renvoie à l'"Homme" dépouillé de toute particularité sociale. Le "regard de chien traqué" ne peut devenir une attitude sociale que « si l'on montre comment certaines machinations ravalent l'individu au niveau de l'animal ". Si l'auteur dramatique donne aux actions des mobiles sociaux variables selon l'époque, le public est contraint à un effort d'accommodation. Il doit chaque fois calculer son angle de vue.
Il ne se dit plus : "moi aussi, j'agirais ainsi"; mais tout au plus : "moi aussi, j'aurais agi ainsi dans de telles conditions".
Et si nous jouons comme des pièces historiques des pièces tirées de notre époque, il se pourrait que le spectateur découvre la singularité de ses conditions de vie. Le théâtre épique fait ainsi appel à l'attention sans défaillance du spectateur. Traité en adulte, celui-ci trouve son plaisir dans sa lucidité.

L'effet d'éloignement
Pour provoquer l'attention du public et la maintenir en éveil, Brecht use d'une double démarche. Un mouvement d'abord rapproche du spectateur le sujet représenté en le transposant dans un milieu qui lui est connu et où sa réflexion peut s'exercer à l'aise.
Ainsi, les machinations politiques et financières du nazisme deviennent les tristes exploits du gang du chou-fleur d'une grande ville américaine , dans Arturo Ui; le recours au rythme du Volksstück, de la "pièce populaire ", permet de rendre plus sensible le mélange de poésie et de trivialité de Maître Puntila ; dans ses pièces « françaises", les Visions de Simone Machard, les Jours de la Commune, Brecht s'efforce d'atteindre à la coloration et au découpage de l'image d'Épinal.
Une fois le spectateur placé dans une atmosphère familière, Brecht, par un mouvement inverse, éloigne l'action et la rend insolite.
Ainsi, le comportement d'un personnage, qui semble au premier abord bien défini, doit montrer "quelque chose de pas naturel", de sorte que ses motivations, elles aussi, ne semblent plus aller de soi et invitent à intervenir". Brecht donne en exemple la diction des clowns, les tableaux présentés dans les vieilles foires populaires.
L'inhabileté même du peintre qui a représenté la fuite du Téméraire à Morat fait saisir l'inattendu de la situation : "La stupéfaction a guidé son pinceau."
Le rôle de cet effort de distancement ou de distanciation, Brecht le rend sensible par l'étude de la scène de la rue, manifestation élémentaire de théâtre épique naturel : le témoin oculaire d'un accident en mime les circonstances devant des passants attroupés.
Cette représentation quotidienne est le prototype de la scène du théâtre épique.
Elle a les caractères d'une description, d'une démonstration, d'une reproduction limitée : le narrateur justifie les moyens employés par la fin poursuivie. Il ne cherche pas systématiquement à recréer l'angoisse ou l'horreur ; la "prise en charge" de certaines émotions n'est qu'un des éléments de la démonstration, une des formes de la critique. Les caractères des personnages se déduisent de leurs actions.
Un théâtre qui adopte ce point de vue s'oppose au théâtre traditionnel, qui présente les actions comme découlant irrésistiblement des caractères, ainsi que d'une loi naturelle. Le narrateur ne laisse jamais oublier qu'il n'est pas le personnage représenté, mais le démonstrateur.
Il n'est même pas nécessaire qu'il soit particulièrement habile.
L'effet d'éloignement- et la possibilité de jugement- sera considérablement renforcé si, incapable d'exécuter un geste aussi rapidement que l'accidenté, il se contente d'ajouter : "Lui s'est déplacé trois fois plus vite."
Le public ne voit pas un amalgame du personnage et du narrateur, non plus qu'un tiers autonome et harmonieux, aux contours flous hérités de l'un et de l'autre, comme dans le théâtre de Stanislavski. "Les opinions et les sentiments du démonstrateur ne se confondent pas avec les opinions et les sentiments du personnage représenté."

Chez Brecht, on joue froid
On comprend du même coup le style de jeu de l'acteur "épique".
Brecht a consacré une grande part de son activité à la formation des comédiens. L'acteur qui doit provoquer la réflexion du spectateur doit éviter de le mettre en transes.
Il n'a donc pas à s'y mettre lui-même. Il doit garder sa souplesse, son naturel. Ne voulant pas que le public adopte automatiquement les sentiments de son personnage, il montrera que ses propres sentiments ne se confondent pas avec ceux du personnage qu'il représente. I
l ne se laisse donc jamais aller à une complète métamorphose. Brecht note dans son Petit Organon pour le théâtre : "Une critique du genre" Il ne jouait pas le rôle de Lear, il était Lear "serait pour lui le pire des éreintements."
Les comédiens ont à leur disposition bien des moyens de résister à la tentation de l'identification.
Brecht leur conseille d'imiter la technique du camelot qui mime, par exemple, un dandy en parlant de lui à la troisième personne ; les acteurs peuvent échanger leurs rôles, mettre leur texte au passé, transposer les vers en prose, le style soutenu en dialecte régional, énoncer à haute voix les indications scéniques. Brecht propose en modèle l'art du comédien chinois.
En 1935, à Moscou, il a assisté à une démonstration de Mei Lan-fang et de sa troupe.
Comme un acrobate, l'artiste chinois choisit la position qui l'expose le mieux au regard. Et il s'observe lui-même. Brecht s'est également inspiré de la simplicité avec laquelle le théâtre chinois résout les problèmes matériels de mise en scène. Non pas stylisation, mais schématisme ; volonté d'indiquer et non de suggérer : un général porte sur ses épaules autant de petits drapeaux qu'il commande de régiments ; un simple masque désigne le caractère. Brecht, qui a beaucoup utilisé le masque dans son théâtre, a d'ailleurs pris soin d'en distinguer l'emploi de celui qu'en faisaient les théâtres antique et médiéval : ces masques d'hommes ou d'animaux dérobaient à l'intervention du spectateur une réalité dont ils faisaient quelque chose d'immuable.
Le masque est chez Brecht un des nombreux "filtres" qui permettent de retenir dans la réalité un réseau de significations. Filtre également l'emploi des sonorités du vers de Schlegel pour rendre plus sensible la parabole d'Arturo Ui, par le décalage entre la noblesse du rythme et la vulgarité du dialogue ; filtre, les intermédiaires que Brecht place entre le lecteur et César, un jeune biographe passionné, l'ancien banquier du dictateur, le secrétaire de César pour lui faire comprendre que le conquérant n'est que "la résultante des forces qui se disputaient alors Rome" ; filtre, les changements d'éclairage et de décor effectués à vue ; filtre, la musique qui n'"accompagne" pas le spectacle, mais le commente ; filtre encore, la chorégraphie, car l'élégance d'un mouvement d'ensemble est par elle-même un procédé d'éloignement.
"Que les arts frères de l'art dramatique, écrit Brecht en 1948, soient donc invités dans notre maison, non pour fabriquer l'œuvre d'art totale dans laquelle ils se perdraient tous, mais pour faire avancer la tâche commune ensemble et chacun selon sa manière."

"Écrire, planter, voyager, chanter, être amical"
Car ce n'est pas une communion d'esthètes que recherche Brecht par son théâtre. C'est la participation de tous, chacun selon ses moyens, à l'entreprise de rénovation du monde.
Ainsi attend-il beaucoup des critiques des spectateurs, lors des débats qui suivent les représentations de ses principales pièces ; ainsi s'efforce-t-il de guider et de stimuler la réflexion des acteurs et des metteurs en scène par des « modèles », dossiers techniques et photographiques décrivant les principales mises en scène du Berliner Ensemble, et exposant les difficultés et les discussions auxquelles ont donné lieu les répétitions de ses pièces : "Quelque chose, écrivaient Brecht et Neher en 1948, qui s'apparente au Clavecin bien tempéré." Mais le Petit Organon pour le théâtre s'achève sur cette affirmation : " le mode d'existence le plus facile est dans l'art". L'art n'est qu'une préface à l'action. Brecht craignait que le caractère épique de son théâtre fût tenu pour une "catégorie de l'esthétique formelle" et non pour une "catégorie sociale".
Aussi ses dernières pièces relèvent-elles d'un théâtre dialectique, qui multiplie les médiations entre spectacle et spectateur. Le Cercle de craie caucasien mêle la légende chinoise, la technique japonaise du récit, les panoramas de Bruegel, le rythme des Marx Brothers, les styles et les tons, la violence et la poésie.
Chanteurs et récitants interviennent, expliquent, commentent. Le théâtre est dans le théâtre. Brecht ressent un besoin d'union, de solidarité avec tous et avec toutes choses.
À ce désir d'amitié, de réconciliation, de paix dans un monde où il n'a cessé de déplorer l'impossibilité de la bonté, correspond la tendance à prendre ses distances vis-à-vis de lui-même, à éprouver son être, ses souvenirs. C'est la raison, dans ces dernières années, de son retour à la poésie.
Les Elégies de Buckow établissent le bilan de tous les moments, paysages, êtres, lumières, impressions, qui font de la vie une source de joies et de possibilités humaines.
Quelques jours avant sa mort, il croit apercevoir à travers sa vitre sur le sureau du jardin, pareil à celui de son enfance à Augsbourg, quelque chose de rouge et de noir :
Pendant quelques minutes, très sérieusement, je me demande
Si je dois aller chercher mes lunettes sur la table
Pour mieux voir les baies rouges sur les branchettes noires.
Ce dernier retour à l'enfance est le signe de l'acceptation lucide d'une vie dans ses doutes et ses certitudes, dans ses colères et ses actes de foi. Une vie qui le fondait à écrire :
Mais vous, quand le temps sera venu
Où l'homme aide l'homme,
Pensez à nous
Avec indulgence.


Auteurs collaborateurs de B.Brecht.
Lion Feuchtwanger (Munich 1884-Los Angeles 1958). Après des études de philosophie et de littérature à Berlin et à Munich, il devient, en 1908, critique dramatique, puis entreprend à travers des romans historiques l'évocation des problèmes contemporains. C'est à Munich, en 1919, qu'il se lie d'amitié avec Brecht. En 1923, il participe à l'adaptation de l'Edouard II de Marlowe. Bien que son célèbre récit le Juif Süss (1925) ait été annexé par la propagande antisémite, Feuchtwanger émigre à l'avènement de l'hitlérisme, passe en France, puis aux États-Unis. En 1936, il collabore avec Brecht à la revue mensuelle Das Wort, éditée à Moscou. Il retrouve Brecht à Hollywood en 1941 et lui apporte, par sa connaissance de la France, de précieux documents pour la composition des Visions de Simone Machard. Feuchtwanger, qui écrira en anglais un récit sur la Résistance française (Simone, 1944), obtiendra ensuite la nationalité américaine.
Metteurs en scène

Erwin Piscator (Ulm 1893-Starnberg, Bavière, 1966). Quand commença sa collaboration avec Brecht, Piscator dirigeait le théâtre de la place Nollendorf : leur commune adaptation des Aventures du brave soldat Schweyk, de Hašek, fut un grand succès. Emigré aux États-Unis, Piscator retrouva Brecht à New York en 1943.
Erich Engel (Hambourg 1891-Berlin 1966). Après s'être consacré à de nombreuses mises en scène de Shakespeare, il collabore avec Brecht dès 1923 et réalise notamment Dans la jungle des villes, Homme pour homme et l'Opéra de quat'sous. Après la Seconde Guerre mondiale, il dirige à Munich les Kammerspiele avant de retrouver Brecht et de prendre part aux plus grandes interprétations du Berliner Ensemble (Mère Courage, Maître Puntila et son valet Matti, le Cercle de craie caucasien, la Vie de Galilée). Il est également le réalisateur de plusieurs films.
Musiciens

Kurt Weill (Dessau 1900-New York 1950). Après des études à Berlin, il travaille un moment avec G. Kaiser. Sa première collaboration avec Brecht date du 14 juillet 1927 : il écrivit la musique d'un « song » et les intermèdes de Mahagonny, jeu sur des poèmes extraits des Sermons domestiques, créé au Festival de musique contemporaine de Baden-Baden. C'est l'esquisse de l'opéra de 1930 (Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny), dont Weill composera également la musique. Il travaillera à de nombreuses « pièces didactiques », comme le Vol des Lindberghs, mais sa grande réussite reste l'Opéra de quat'sous. Avant d'émigrer aux États-Unis, Weill écrivit la musique du ballet de Brecht les Sept Péchés capitaux des petits-bourgeois, qui fut créé, en 1933, au Théâtre des Champs-Élysées, à Paris, sous la direction de George Balanchine.

Paul Dessau (Hambourg 1894-Berlin 1979). Depuis 1920, il compose de la musique pour de nombreux théâtres et opéras à Cologne, Mayence, Berlin. Emigré en 1933, il retrouve Brecht en 1942 à Hollywood : avec lui de 1943 à 1947, il travaille à un opéra, les Voyages du dieu Bonheur, qui restera inachevé. Rentré à Berlin en 1948, il participe notamment à la création du Procès de Lucullus à la Staats-oper, puis à la modification de la pièce après les critiques du gouvernement de la R.D.A. En 1951, il collabore à la pièce de circonstance Rapport de Herrnburg, que Brecht compose pour le Festival mondial de la jeunesse démocratique à Berlin-Est.

Hanns Eisler (Leipzig 1898-Berlin 1962). Après des études à Vienne, il est enrôlé, en 1916, dans l'armée austro-hongroise. Entré au Conservatoire en 1918, il abandonne vite l'enseignement officiel pour celui d'Arnold Schönberg. En 1924, il obtient le grand prix de Musique de la ville et part enseigner lui-même à Berlin. Il travaille pour l'Union des théâtres ouvriers allemands et commence à collaborer avec Brecht (la Décision, la Mère). Émigré en 1933, il accompagne Brecht en 1934 et 1935 dans des voyages à Londres, à Paris et à New York à l'occasion de la création de la Mère au Civic Repertory Theatre. En 1941, il retrouve Brecht à Hollywood, travaille à la musique de Schweyk dans la Deuxième Guerre mondiale et enseigne à l'université de la Californie du Sud. Arrêté à la suite de sa comparution en 1947 devant le Comité pour l'examen des activités anti-américaines, il parvient à quitter les États-Unis et s'installe à Berlin, où il dirige la classe de composition de l'Académie des arts de la R.D.A. Il compose la musique de trois spectacles du Berliner Ensemble (la Bataille d'hiver, Katzgraber, le Baladin du monde occidental) et une Symphonie allemande (créée à Londres en 1962) sur des paroles de Brecht. Il est également l'auteur de la musique de nombreux films (Les bourreaux meurent aussi, Nuit et brouillard) et de l'hymne national de la R.D.A.
Décorateur

Caspar Neher (Augsbourg 1897-Vienne 1962). Ami d'enfance de Brecht, il travailla au festival de Salzbourg et à l'Opéra de Vienne, avant de composer les décors et les costumes de nombreuses pièces de Brecht : Baal, Edouard II, l'Opéra de quat'sous, Homme pour homme, la Mère, Maître Puntila et son valet Matti, la Vie de Galilée.Brecht écrit, en 1951, dans l'Architecture scénique du théâtre épique : "Nous commençons parfois les répétitions en ignorant tout des décors, et notre ami Neher se borne à nous dessiner de petites esquisses des évènements que nous avons à représenter. Parfois il nous donne ses dessins avant les répétitions et il nous aide à mettre au point les mises en place et les gestes, et même, assez fréquemment, à caractériser les personnages et leur manière de s'exprimer. Ses décors sont tout imprégnés de l'esprit de la pièce et éveillent chez les comédiens l'ambition d'être à la hauteur."

Acteur
Helene Weigel (Vienne 1900-Berlin 1971). Après des débuts à Francfort-sur-le-Main, elle vient, en 1923, à Berlin, où elle est engagée au Staatstheater, puis au Deutsches Theater. Elle rencontre Brecht en 1924 et l'épouse en 1928. Elle a interprété tous les grands rôles de son théâtre et contribué fortement à préciser l'esthétique brechtienne :
Comme le planteur pour sa pépinière
Choisit les plus lourdes graines et comme le poète
Pour son poème les mots justes, de même
Elle choisit les objets qui sur la scène
Accompagneront ses personnages…
écrivait Brecht dans l'Achat du cuivre en 1951.


> Les fusils de la mère Carrar (2013)
> Jean La Chance (2013)
> Mère Courage et Ses Enfants (2013)
> Maître Puntila et son valet Matti (2013)
> Jacques Weber : Eclats de vie (2012)
> Dans la jungle des villes (2012)
> Un homme est un homme (2012)
> La Résistible Ascension d'Arturo Ui (2012)
> La Bonne Âme du Se-Tchouan (2012)
> La vie de Galilée (2012)
> Dialogues d'exilés (2012)
> Dans la jungle des villes (2012)
> Korijolánusz (2012)
> Têtes rondes et têtes pointues (2012)
> Mère Courage et ses enfants (2012)
> Grand-peur et misère du IIIème Reich (2012)
> La noce (2011)
> La Résistible Ascension d'Arturo Ui (2011)
> La Vie de Galilée (2011)
> Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny (2011)
> Jean la Chance (2011)
> La vie de Galilée (2011)
> Pansori Brecht Sacheon-Ga (2011)
> La Noce (2011)
> Un homme est un homme (2011)
> La bonne âme du Se Tchouan (2011)
> Têtes rondes et têtes pointues (2011)
> La Vie de Galilée / Variations Galilée (2011)
> Romeo and Juliet / Mother Courage (2011)
> L’exception et la règle (2011)
> Baal (2010)
> Grand peur et misère du IIIe Reich (2010)
> Chez les nôtres (2010)
> Grand Peur et Misère du Troisième Reich (2010)
> Don Juan (2010)
> Homme pour homme (2010)
> Jean la Chance (2010)
> Cabaret Brecht : Dialogues d'exilés (2010)
> Arturo Ui - Farce bouffonne (2010)
> La Bonne Ame de Se-Tchouan (2010)
> Le cercle de craie caucasien (2010)
> Grand'Peur et Misères... (2010)
> Turandot ou le congrès des blanchisseurs (2010)
> La noce chez les petits bourgeois (2010)
> La Noce (2010)
> Grand peur et misère du IIIème Reich (2010)
> La bonne âme du Se-Tchouan (2010)
> Nuit Brecht (2010)
> La vie de Galilée (2009)
> La Vie de Galilée (2009)
> L'achat du cuivre (2009)
> Dom Juan (2009)
> Turandot ou le congrès des blanchisseurs (2009)
> Sainte Jeanne des Abattoirs (2009)
> Le mendiant ou le chien mort / Lux in tenebris / Combien coûte le fer (2009)
> Têtes rondes et têtes pointues (2009)
> Veillons et armons-nous en pensée (2009)
> La fiancée du pirate (2009)
> La noce chez les petits bourgeois (2008)
> La bonne âme du Sé-Tchouan (2008)
> La bonne âme de Sezuan (2008)
> Dialogues d'exilés (2008)
> Jean la chance (2008)
> Le cercle de craie caucasien (2008)
> La Noce chez les petits bourgeois (2008)
> La Bonne âme du Se-Tchouan (2008)
> Mère Courage et ses enfants (2008)
> Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny (2008)
> Homme pour homme (2008)
> La mère (2008)
> De la séduction des anges, volet 2 (2008)
> La Femme juive (2008)
> Sainte Jeanne des abattoirs (2007)
> Le cercle de craie caucasien (2007)
> Variations Brecht (2007)
> Une affaire de quelques semaines... (2007)
> Grand-Peur et misère du IIIème Reich (2007)
> Grandeur et décadence de la ville de Mahagony (2007)
> La mère (2007)
> Im Dickicht der Städte (2007)
> Têtes rondes et têtes pointues (2006)
> La femme juive / La putain respectueuse (2006)
> Baal (2006)
> Le vol de Lindbergh / Les sept péchés capitaux, par François Girard (2006)
> Têtes rondes et têtes pointues (2006)
> Sainte Jeanne des Abattoirs (2006)
> On Mayé Ozabwa - La noce chez les petits-bourgeois... créoles (2006)
> La seconde attitude (2006)
> Les affaires de monsieur Jules César, par Roumen Tchakarov (2006)
> L'enfant d'éléphant - Homme pour homme, par Didier Carette et Marie-Christine Colomb (2006)
> Maître Puntila et son valet Matti, par Daniel Benoin (2005)
> Schweyk, par Jean-Louis Martinelli (2005)
> Brecht Projekt / Projet Brecht (work in progress), par Herbert Rolland (2005)
> Dialogues d'exilés, par Joël Dragutin (2005)
> Grand-peur et misère du IIIème Reich, par la Cie Le Voyageur Debout (2005)
> Un homme est un homme, par Bernard Sobel (2004)
> L'Opéra de quat'sous, par O. Desbordes et E. Perez - direction J. Deroyer et J. Farjot (2004)
> Les nouvelles antennes diffusaient les anciennes sottises, par Valérie Cordy (2004)



http://youtu.be/De6fZ0n6iiM
http://youtu.be/qul2a_05cf8

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Posté le : 10/02/2013 14:21
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Paul Auster
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Paul Auster, écrivain américain, est né le 3 Février 1947 à Newark dans le New Jersey.

Il réside maintenant à Brooklyn.
Il né dans une famille de confession juive, ses parents sont nés aux États-Unis mais sont originaires d'Europe centrale. Une partie de son œuvre évoque la ville de New York.
Très tôt au contact des livres par l'intermédiaire de la bibliothèque d'un oncle traducteur, il commence à écrire à l'âge de 12 ans, peu avant de découvrir le baseball que l'on retrouvera dans nombre de ses romans. De 1965 à 1967, il est étudiant à l'Université Columbia (littératures française, italienne et anglaise)
Figure centrale de la scène culturelle new-yorkaise, Paul Auster commence à écrire des l'âge de 13 ans pour s'imposer vingt ans plus tard comme une référence de la littérature postmoderne. Diplômé en arts,
De 1965 à 1970, il étudie les littératures française, anglaise et italienne à Columbia University où il obtient un Master of Arts. Il publie à cette époque, des articles consacrés essentiellement au cinéma dans la Columbia Review Magazine, et commence l’écriture de poèmes et de scénarios pour films muets.
il se rend à Paris pour une période de quatre ans, dans les années 1970.
il se plonge dans la littérature européenne et gagne sa vie en traduisant Sartre, Simenon ou Mallarmé. Il rate le concours d'entrée de l'IDHEC. Il écrit des scénarios pour des films muets qui ne verront pas le jour mais qu'on retrouvera, plus tard, dans Le Livre des illusions. En connaisseur attentif de notre langue, il traduit Dupin, Breton, Jabès, Michaux et Du Bouchet. Unearth,

c’est en 1974 qu’il rentre aux états-unis et s’installe à New York où il commence sa carrière littéraire en écrivant poèmes et essais pour la New York Review of Books et la Harper’s Saturday Review
son premier recueil de poèmes paraît aux Etats-Unis en 1974, puis en France, en 1980, aux éditions Maeght.
Cette expérience aura une influence considérable sur l'oeuvre du jeune écrivain parfois qualifié de 'plus français des écrivains américains'.
En 1979, alors qu'il vient de divorcer et a tenté en vain de faire publier, sous le pseudonyme de Paul Benjamin, un roman policier (intitulé : Fausse balle), la mort de son père lui apporte un petit héritage qui le remet à flot et qui lui inspire L'Invention de la solitude. L'Art de la faim est publié en 1982, en 1985 c'est un recueil en prose, Espaces blancs, suivi bientôt de Effigies et Murales en 1987, Fragments du froid et Dans la tourmente en 1988 et Disparitions en 1993.
Marié à l'écrivain Lydia Davis, il aura un fils, le photographe Daniel Auster.
Puis séparé de sa première femme il épousera en 1981 une autre romancière, Siri Hustvedt dont il aura une fille, la chanteuse Sophie Auster.
Son premier ouvrage majeur est une autobiographie, 'L' Invention de la solitude', écrite aussitôt après la mort de son père.
Son roman, Cité de verre est le premier volume de sa Trilogie new-yorkaise, constituée de Cité de Verre (1987), Revenants (1988) et La Chambre dérobée (1988), il paraît en 1987 aux éditions Actes Sud et connaît un succès immédiat auprès de la presse et du public.
Paul Auster commence enfin à être reconnu comme un écrivain majeur.
Suivront des essais, des pièces de théâtre, des recueils de poésie et de nombreux romans, dont Léviathan qui obtient en 1993, le Prix Médicis étranger.
Devenu célèbre grâce à la fameuse 'Trilogie américaine' et au roman 'Moon Palace', l'écrivain y déploie ses thèmes de prédilection : le rapport entre fiction et réalité, la solitude, ou encore la quête d'identité.
Son œuvre, qui connaît un succès mondial, est adaptée au théâtre (Laurel et Hardy vont au paradis au théâtre de La Bastille en 2000), en bande dessinée (Cité de verre avec des illustrations de David Mazzucchelli en 1995) et au cinéma (La Musique du hasard réalisé par Philip Haas en 1991).

Passionné depuis toujours par le 7éme art, Auster écrit également des scenaris : on lui doit par exemple l'écriture du scénario de 'Smoke' qu'il réalise en 1995 ainsi que Brooklyn Boogie en collaboration avec Wayne Wang.
Paul Auster réalisera lui-même Lulu on the Bridge 1997, film qui sera mal accueilli par la critique.
L'écrivain revient donc à l'écriture avec des succès majeurs : Tombouctou (1999), Le Livre des illusions(2002), La Nuit de l'oracle(2004) et Brooklyn Follies (2005).
En 1996, ces deux films sont diffusés sur les écrans inter-nationaux. Smoke obtient le Prix du meilleur film étranger au Danemark et en Allemagne. En 1998, Paul Auster écrit et réalise Lulu on the bridge, avec Harvey Keitel, Mira Sorvino et Willem Dafoe, film sélectionné à Cannes dans la catégorie " Un certain regard ".
Puis en 2006 il réalise une adaptation de son roman "La Vie intérieure de Martin Frost"'.




Son écriture


L'oeuvre de Paul Auster fait de l'identité, de l'être, un thème central. Central parce que tout part de là. Plus que chez tout autre écrivain, Auster accorde aux éléments autobiographiques, à sa vie propre, une importance particulière. Tout lecteur qui s'intéresse un tant soit peu à l'oeuvre d'Auster doit se tenir prêt à aller gratter sous la peinture de ses fictions afin de trouver le tableau original, celui sur lequel repose toutes les autres couches : la vie réelle :
"Chaque homme est l'auteur de sa propre vie." Moon Palace"

1963 :Travaille pendant l'été dans un camp de vacances, au nord de l'Etat de New York. C'est là qu'il entre en contact avec les clochards, les sans-foyers, avec toute une frange de la population vivant en parallèle de celle dite "normale" :
"A plusieurs reprises, j'entendis des gens se moquer de moi, et une ou deux fois je remarquai des enfants qui me montraient du doigt, en disant à leur mère de regarder ce drôle de bonhomme qui mangeait des ordures." Moon Palace

1964 : Le divorce des parents et éclatement de la cellule familiale. Première preuve dans la vie de l'enfant que l'ordre est quelque chose de fragile. L'existence est loin d'être uniforme, le chaos constamment présent :
"A tout moment, quatre ou cinq dialogues distincts coexistaient, mais comme les gens ne parlaient pas nécessairement à ceux qui étaient assis à leurs côtés, ces dialogues s'entrecroisaient, provoquant des échanges abrupts de partenaires [...]." Léviathan

1970 : Premier séjour à Paris. Paul Auster habite une chambre de bonne dans le treizième arrondissement. Expérience fondatrice puisque tous ses romans seront plus ou moins imprégnés de ce thème de la chambre, de l'enfermement qui en fait n'en est pas un. Ou comment faire d'un lieu clos et exigüe un espace ouvert, voire infini.

"C'est à Paris, en 1970, qu'il a éprouvé pour la première fois les possibilités infinies d'un espace limité." L'Invention de la solitude

1976 : Pendant l'été, il est agent de recensement à New York, ce qui lui inspirera plus tard un épisode de la Chambre dérobée. Lorsque le personnage-narrateur inconnu invente des noms en faisant de fausses fiches de recensement, il reproduit ce que son créateur avait déjà fait dans la vie réelle. C'était l'une des premières fois dans sa vie d'adulte où la fictionnalisation venait investir le champ du réel. Les employeurs d'Auster n'étaient pas censés savoir que les noms qu'ils lisaient sur les fiches avaient été inventés de toutes pièces, même si une lecture attentive aurait pu leur mettre la puce à l'oreille!:
"Je ne sais combien de gens j'ai inventés, mais il devait y en avoir des centaines, voire des milliers [...]. J'avais un faible pour les familles nombreuses - six, huit, dix enfants -, et j'éprouvais une fierté particulière à forger des réseaux de parenté aussi bizarres que compliqués en utilisant toutes les combinaisons possibles [...]." La Chambre dérobée


L'œuvre de Paul Auster se situe dans le mouvement du post-modernisme.
Il est par excellence l'écrivain du hasard et de la contingence. Il traque au quotidien les bifurcations issues d'événements apparemment anodins. C'est ce que racontent La Musique du hasard, et surtout Léviathan dans une exceptionnelle scène centrale.
Son style en apparence très dépouillé, travaillé au fil de ses œuvres poétiques, cache une architecture narrative complexe, faite de digressions exagérées mais toujours pertinentes, d'histoires dans l'histoire et de trompe-l'œil (Le Noël d'Auggie Wren). Il décrit aussi la perte, la dépossession, le rapport à l'argent, l'errance (dans Moon Palace, le personnage principal se nomme symboliquement Marco Stanley Fogg1) Il s'interroge aussi sur l'identité, notamment dans la Trilogie new-yorkaise où l'un des personnages (qui n'est pas le narrateur) porte son nom, dans Léviathan, dont le narrateur a ses initiales (Peter Aaron) et rencontre une femme nommée Iris (anagramme du prénom de sa propre épouse Siri), ou dans La Nuit de l'oracle et Dans le scriptorium, dans lequel un personnage porte le nom de Trause (anagramme d'Auster).
Deux aspects particuliers de l'oeuvre de Paul Auster sont les thèmes de la narration et de l'opposition nature-culture, ces deux axes sont très présents dans ses romans.
Pau Auster s'explique dans son roman "l'invention de la solitude " :

"[...] mais de même qu'un pas entraîne immanquablement le pas suivant, une pensée est la conséquence inévitable de la précédente et dans le cas où une pensée en engendrerait plus d'une autre [...], il sera non seulement nécessaire de suivre la première jusqu'à sa conclusion mais aussi de revenir sur ses pas jusqu'à son point d'origine, de manière à reprendre la deuxième de bout en bout, puis la troisième, et ainsi de suite, et si on essayer de se figurer mentalement l'image de ce processus on verrait apparaître un réseau de sentiers, telle la représentation de l'appareil circulatoire humain, [...] ou telle une carte, [...] de sorte qu'en réalité, ce qu'on fait quand on marche dans une ville, c'est penser, et on pense de telle façon que nos réflexions composent un parcours, parcours qui n'est ni plus ni moins que les pas accomplis, si bien qu'à la fin on pourrait sans risque affirmer avoir voyagé et, même si l'on ne quitte pas sa chambre, il s'agit bien d'un voyage, on pourrait sans risque affirmer avoir été quelque part, même si on ne sait pas où."

Nombre des personnages austériens n'hésitent pas à arpenter la ville, les routes et même les déserts. Paul Auster a d'ailleurs fait un parallèle entre la marche et l'écriture. Selon lui, on se déplace autant en marchant qu'en promenant son stylo sur une feuille de papier.
De ses moments de solitude dans son studio de Varick Street à New York ou dans sa chambre de bonne du treizième arrondissement à Paris, Paul Auster a tiré une bonne leçon qu'il a su enseigner à ses personnages et à ses lecteurs :
"La mémoire comme un lieu, un bâtiment, une succession de colonnes, de corniches et de portiques. Le corps à l'intérieur de l'esprit, comme si là-dedans nous déambulions d'un lieu à un autre, et le bruit de nos pas tandis que nous déambulons d'un lieu à un autre." (l'Invention de la solitude)
Les romans de Paul Auster sont des chemins, des itinéraires où l'on tombe parfois sur des impasses, où l'on peut revenir sur ses pas, s'attarder quelque part avant de repartir.
Ces chemins je les ai souvent empruntés et j'en présente ici quelques-uns.

Le cinéma : "Ce fut l'une des plus belles aventures de ma vie. L'idée qu'un homme, à un certain âge, puisse commencer quelque chose de nouveau m'a fait beaucoup de bien. Le fait de sortir de ma chambre, de travailler avec d'autres, de parler aussi. C'était bon pour moi. Inspirant aussi de raconter d'une tout autre façon les histoires. Mais, en même temps, le cinéma requiert un investissement total, permanent. Il faut monter la production, trouver l'argent, s'occuper du moindre détail. J'ai adoré tourner Lulu on the Bridge mais je n'étais pas prêt à abandonner le reste de mon travail." Extrait entretien avec Catherine Argand du magazine Lire
L'ensemble de son œuvre est publiée aux éditions Actes Sud.

Ecrivain aux influences multiples, juives, européennes et bien sûr américaines, Paul Auster a su conquérir le monde entier par son oeuvre dense et profonde et sa perpétuelle remise en question des ressorts de la fiction.

En France, toute l’œuvre de Paul Auster, traduite en trente-cinq langues, est publiée chez Actes Sud. Il est membre de The Academy of Arts and Letters et a reçu le Prix du Prince des Asturies en 2006 (entre autres distinctions prestigieuses).




Analyse et réflexion sur l'écriture de Paul Auster


Après Le livre des illusions dont la toile de fond était une réflexion sur la signification de l'art, Paul Auster se penche, dans La Nuit de l'oracle, sur les vertiges et les complexités de la création romanesque. Il le fait en promenant le lecteur dans un dédale narratif qui, sans être totalement inextricable, est tout de même suffisamment alambiqué pour le tenir en haleine durant 230 pages. Pour ma part, j'ai été très vite englué comme un insecte dans sa toile, pris au jeu des interrogations que Paul Auster, en maître incontesté de la narration, nous amène à nous poser. Comme pour la lecture d'un roman policier classique parsemé d'indices, de fausses pistes, de demi-vérités et de mensonges trop crédibles pour être honnêtes, je n'ai pu faire autrement que de chercher des liens entre les personnages et les histoires, échafauder des hypothèses, tenter de déjouer les pièges, bref rester intellectuellement actif et toujours sur le qui-vive.
Paul Auster part d'une constatation simple. Tous les romanciers, tous les créateurs de personnages et d'histoires, se posent inévitablement ces questions : pourquoi ai-je choisi ce type de personnage comme héros de mon roman ? Quels sont les rapports entre ce que je vis aujourd'hui, mon histoire, mon vécu, ma personnalité intime et les personnages que j'invente ? Pourquoi ce choix plutôt qu'un autre ? Quels sont les rapports entre le réel que je vis, moi, romancier, et celui que je crée ? Et, question plus redoutable encore, dans quelle mesure le monde que je crée peut-il interférer dans ma vie et l'influencer ?
Ce questionnement est une caractéristique des romanciers contemporains souvent plus intimistes, ou dans le plus mauvais des cas, plus nombrilistes que ceux d'antan. La mode littéraire est aujourd'hui à l'introspection, au dévoilement total, à l'auto fiction dans laquelle on sort ses tripes avec allégresse. Il y a globalement dans la littérature d'aujourd'hui, moins de personnages, et lorsqu'il y en a, ils n'ont pas la même fonction démonstratrice que les personnages des romanciers du siècle dernier. De plus, la psychanalyse est passée par là, poussant l'auteur à prendre quelque distance avec ce qu'il écrit : il sait bien, au fond, qu'en écrivant, même s'il ne parle pas directement de lui, c'est tout de même lui qu'il met en scène, que ses choix de personnages ou de situations ne sont pas neutres mais au contraire le représentent, le décrivent avec plus d'exactitude que la plus parfaite des biographies.

Partant de là, Auster a imaginé, pour bâtir son histoire, une situation de départ simple et même classique, mais qui va devenir rapidement labyrinthique. Le narrateur, Sidney Orr, est un jeune écrivain New-yorkais prometteur. Vous pourriez déjà commencer à bâiller d'ennui devant la banalité de ce choix : un choix de fainéant pourriez-vous dire. Un auteur qui choisit comme personnage principal un écrivain, sait qu'il ne perdra pas ainsi un temps précieux pour se documenter. Si vous pensez ainsi, vous vous trompez lourdement ! Le choix de Paul Auster est imposé par l'idée de départ : son narrateur ne peut être qu'un romancier, et même un romancier New-Yorkais !
Sidney Orr est donc marié à une femme qu'il aime et qui l'aime, tout va bien, semble-t-il, de ce côté. Il sort de l'hôpital et d'une maladie, dont on saura peu de chose au début du roman, sinon qu'elle a failli le tuer. Très vite, poussé par une nécessité qui semble vitale, il commence à écrire une histoire, sur un carnet bleu provenant du Portugal, acheté à un papetier chinois du nom de Chang. Nick Bowen est le héros de cette histoire que Sidney commence à écrire dans le carnet bleu. Auster va donc mener en parallèle l'histoire personnelle de Sydney et celle de Nick, le héros de son roman, et va peu à peu nous montrer toute la complexité des liens qui lient ces deux histoires, et à travers cette complexité, nous dévoiler les ressorts même de l'écriture romanesque et ses implications.

Nick est un éditeur qui vit et travaille à New York, tout comme Sidney. Il reçoit de Rosa Leightman, petite fille de Sylvia Maxwell, écrivain connu et décédé depuis peu, le manuscrit d'un roman jamais publié : " la Nuit de l'oracle ". Nick frôle la mort quand un objet tombé d'un toit s'écrase à quelques centimètres de lui. Et il décide brusquement de quitter sa femme, de lâcher son travail, sans rien dire à personne, et de partir vivre une autre vie à Kansas City, où il va se retrouver - hasard des rencontres - à l'hôtel Hyatt Regency.
Quel est le rapport entre la vie de Sidney Orr et ce qui arrive à Nick Bowen ? Paul Auster nous le révèle au tout début du livre : l'ami le plus proche de Sidney Orr, John Trause, écrivain reconnu, lui a suggéré d'utiliser l'histoire de Flitcraft et d'en faire un roman. Flitcraft est un personnage tiré du roman Le faucon maltais de Dashiel Hammet (histoire dans l'histoire à l'intérieur de ce roman). A la suite d'un incident qui a failli lui coûter la vie, Flitcraft prend conscience que " le monde est régi par le hasard " et il quitte, sans rien dire à personne, son travail, sa famille, pour vivre une nouvelle vie dans une autre ville.
On voit ici à l'œuvre un des thèmes abordés par Paul Auster : le rôle de l'intertextualité dans la création romanesque. Il y a rarement une table rase dans l'écriture romanesque, la littérature est le matériau de base de la littérature, mais comment cela peut-il se passer dans la vie du romancier, d'une façon concrète ? Comment le romancier se nourrit-il de ses rencontres littéraires pour créer de nouveaux univers ? C'est un des nombreux thèmes de ce roman, qui en contient bien d'autres !
Ainsi de la part du hasard dans le choix des personnages et des évènements. Tout comme le hasard a failli coûter la vie à Flitcraft (ou lui sauver la vie selon le point de vue que l'on adopte), il intervient constamment dans les choix du romancier. Ainsi, nous dit Sidney Orr dans une note de bas de page de son carnet le choix de Kansas City comme point de chute pour Bowen était arbitraire- c'est le premier endroit qui m'était venu à l'esprit, sans doute parce que c'est une ville tellement éloignée de New York, coincée en plein centre des terres : Oz dans toute sa glorieuse étrangeté. C'est après avoir embarqué Nick à destination de Kansas City que je me suis rappelé la catastrophe du Hyatt Regency, un événement authentique qui s'était passé quatorze mois auparavant (en juillet 1981).
Dans la création d'un personnage est-ce toujours la part de hasard ou un processus mental inconscient, lié à des souvenirs lointains et déformés, à des lectures oubliées ? Sidney Orr tente de comprendre comment il a créé le personnage de Sylvia Maxwell, l'auteur du livre la Nuit de l'oracle que veut publier Nick Bowen. A-t-il inventé ce nom, ou bien est-il celui d'une romancière qu'il a lu jadis et qu'il a oubliée ? La Nuit de l'oracle est-il le titre d'un livre qui a été réellement écrit ? Tout cela est brumeux pour lui, impossible de faire la distinction entre l'imprécision de ses souvenirs et la création de son imagination. John Trause, son ami, a lu des livres d'une Sylvia Monroe, mais Sylvia Maxwell, ça ne lui dit rien. Sylvia Monroe a écrit un livre dont un des titres comporte le mot nuit, mais c'est bien mince, d'autant plus que lui-même n'a pas lu ce livre.
De même le choix par Sidney Orr du personnage de Ed Victory, chauffeur de taxi qui doit jouer un rôle déterminant dans la vie de Nick Bowen, est aussi le compromis entre le hasard et le fruit des lectures de Sidney. Celui-ci décide de faire de Ed Victory un collectionneur d'annuaires téléphoniques. Or Sidney possède un exemplaire d'un des annuaires téléphoniques des années 1937-38 de Varsovie. Comment ce simple objet peut-il intégrer le roman ? Que peut imaginer Sidney pour justifier qu'un personnage devienne un collectionneur obsessionnel d'annuaires téléphoniques ? Quels sont les mécanismes qui relient la vie et les expériences de Sidney Or à ce personnage (ainsi qu'au personnage de Bowen) ? Paul Auster nous le montre tout en créant sans avoir l'air d'y toucher, des personnages secondaires puissants et originaux, à tel point qu'on se dit que n'importe lequel d'entre eux ferait un extraordinaire héros d'un autre roman. On découvre à travers eux, au fil des pages, comment le plus petit événement de la vie, l'information qui semble la plus dérisoire, peuvent servir de matériau pour construire, créer, inventer.

Mais cette création n'est pas neutre pour l'écrivain, elle va à son tour influencer sa vie, les personnages même. C'est l'objet d'une discussion entre le narrateur et son ami John Trause.
Celui-ci lui parle d'un écrivain qu'il avait connu et qui avait décidé de ne plus écrire car il tenait un de ses poèmes pour responsable de la mort de sa fille. Nous avons parlé assez longtemps de cette histoire, John et moi, et je me souviens de la fermeté avec laquelle je condamnais la décision de l'écrivain comme une aberration, une lecture erronée du monde. Il n'existait aucun lien entre l'imagination et la réalité, disais-je, aucun rapport de cause à effet entre les mots d'un poème et les événements de nos vies. (…) A ma surprise, John était d'avis opposé. (…) Les pensées sont réelles, disait-il, Les mots sont réels. Tout ce qui est humain est réel et parfois nous en savons certaines choses avant qu'elles ne se produisent, même si nous n'en avons pas conscience. Nous vivons dans le présent, mais l'avenir est en nous à tout moment. Peut-être est-ce pour cela qu'on écrit, Sid. Pas pour rapporter des événements du passé, mais pour en provoquer dans l'avenir.
Paul Auster nous entraîne là dans un autre lieu, plus mystérieux, qui nourrit le désir d'écrire. Il l'évoque à travers l'évolution du personnage Sidney Orr : dans quelle mesure les mots jetés sur le carnet bleu vont-ils influencer sa vie, être parmi les éléments fondateurs d'un drame ? Sidney Orr finit par comprendre ce que voulait dire son ami et déchire le carnet. A certains moments, écrit Sidney Orr après avoir déchiré le carnet, pendant ces quelques jours, j'ai eu l'impression que mon corps était transparent, une membrane poreuse à travers laquelle pouvaient passer toutes les forces invisibles du monde-un réseau aérien de charges électriques transmises par les pensées et les sentiments des autres. Je soupçonne cet état d'avoir été à l'origine de la naissance de Lemuel Flagg, le héros aveugle de La Nuit de l'oracle, cet homme si sensible aux vibrations qui l'entouraient qu'il savait ce qui allait se passer avant même que n'aient eu lieu les événements eux-mêmes. Je ne savais pas, mais chacune des pensées qui me passaient par la tête me désignait cette direction.(…) Le futur était déjà en moi, et je me préparais aux désastres à venir.

Un des éléments caractéristiques de ce roman est la longueur des notes de bas de page. Certaines d'entre elles s'étalent sur trois pages du roman, et on peut se demander pourquoi Auster a utilisé cette technique plutôt que d'incorporer ces notes dans le cours du récit.
La longueur des notes heurte le lecteur en coupant le rythme de la lecture, puisqu'il faut revenir sans cesse en arrière, plusieurs pages avant. En même temps, chacune de ces notes est écrite avec un tel luxe de détails, et une telle habileté qu'on finit par souhaiter qu'elle ne s'arrête pas : elles sont aussi intéressantes, y compris d'un point de vue romanesque, que le récit initial ! Il y a chez Paul Auster le désir de jouer avec le lecteur sur l'aspect contradictoire de ces notes de bas de page : d'une part elles ancrent le lecteur dans la réalité, en donnant au récit une véracité réaliste analogue aux notes de bas de page utilisées par Jules Verne dans ses romans. D'autre part, et contradictoirement, elles tentent, par leur longueur même, de rompre avec l'illusion romanesque en amenant le même lecteur à établir une distanciation critique dans sa lecture un peu analogue à celle que pratiquait Diderot dans Jacques le fataliste .

Mais il y a bien d'autres pistes de lecture dans cet extraordinaire roman, un article n'y suffirait pas ! Je vous laisse donc le soin de les découvrir, et d'en découvrir d'autres encore ! De toute façon, vous l'avez compris, j'ai beaucoup aimé ce nouveau roman de Paul Auster, une vraie mine d'or (d'Orr), le genre de livre qu'on ne se lasse pas de relire parce qu'on est assuré d'y découvrir de nouvelles pépites !

Jacques Teissier




Le nouvel Obs interview Paul Auster


On accompagne Auster dans Manhattan, chez lui à Brooklyn et dans ses lieux fétiches, Central Park ou le Shea Stadium. Il parle de son enfance, évoque le souvenir de son père, déjà très présent dans l'Invention de la solitude (1982)."Premier souvenir, son absence. Durant les premières années de ma vie, il partait travailler très tôt, avant que je sois éveillé, et ne rentrait que longtemps après qu'on m'eût remis au lit. J'étais le fils de ma mère, je vivais dans l'orbite de celle-ci. Dès le début, semble-t-il, je cherchais mon père, je cherchais avec frénésie quelqu'un qui lui ressemblât." Il raconte ses voyages, l'influence de la ville sur son oeuvre, la marche qui lui est nécessaire "pour rendre le souvenir possible" et dont il décrit le rythme dans Moon Palace (1989) : "Marcher dans une foule signifie ne jamais aller plus vite que les autres, ne jamais traîner la jambe, ne jamais rien faire qui risque de déranger l'allure du flot humain. (...) Parler à voix haute, se gratter le corps, fixer quelqu'un droit dans les yeux : de tels écarts de conduite peuvent déclencher dans l'entourage des réactions hostiles et parfois violentes." Du base-ball à sa vie privée, Paul Auster relate les moments forts de sa vie. Pour la première fois devant une caméra, sa femme, l'écrivain Siri Hustvedt, parle de son mari, de leur rencontre, et jette sur son oeuvre un regard plein d'émotion et de justesse.

L'interview


Paul Auster - Siri Hustvedt: leur couple est un roman
C'est le couple le plus célèbre de la littérature mondiale. Mariés depuis trente ans,
Paul Auster va publier «Sunset Park» et Siri Hustvedt signe «Un été sans les hommes». Rencontre exclusive.

Paul Auster et Siri Hustvedt, le 28 avril 2011 à Paris © Bruno Coutier pour "le Nouvel Observateur"
C'est lors d'une lecture de poésie, en 1981, que Paul Auster et Siri Hustvedt se sont rencontrés. Après trente années de gloire et de beauté (ils n'ont jamais cessé de publier depuis, et ont remporté de nombreux prix), leur amour est intact. S'ils n'en font pas étalage, c'est simplement qu'ils préfèrent porter la discussion sur le terrain de la littérature, car leur union tire justement sa force de l'incessant échange intellectuel qui a fait d'eux ce qu'ils sont aujourd'hui.

Alors que « Sunset Park », le prochain roman de Paul, ne sortira qu'à la rentrée (avec toujours Brooklyn en vedette, mais aussi le cinéma, le base-ball et la littérature - l'un des héros, Miles Heller, tombe amoureux de Pilar Sanchez, une mineure qui lit, comme lui, «Gatsby le Magnifique» dans un jardin public), Siri Hustvedt publie, ces jours-ci, un roman en forme de comédie contemporaine.

Poétesse que son mari, Boris, vient d'abandonner pour une Française plus jeune qu'elle (elle l'appelle la «Pause», Boris ayant réclamé un peu de temps pour aller au bout de son amourette), Mia Fredricksen quitte New York pour cuver sa colère et retrouver sa mère, qui vit dans le Minnesota depuis la mort de son mari, en compagnie d'autres veuves alertes. Entre ces femmes vieillissantes et une poignée de jeunes adolescentes auxquelles Mia donne, le temps d'un été, un cours de poésie, le roman de Siri décrit à merveille, de manière paradoxalement ironique et chaleureuse, l'insondable bêtise masculine et l'inégalable éternel féminin.

D. J.

Le Nouvel Observateur - Siri, vous publiez un roman antimasculin...
Siri Hustvedt - Oui, une comédie féministe.

Le livre s'ouvre par une citation d'un film de Leo McCarey, «Cette sacrée vérité». C'est un hommage au cinéma hollywoodien?
Siri Hustvedt - Il y a, en tout cas, quelque chose de très visuel dans le livre. Cette manière de laisser les hommes hors champ. On parle d'eux, mais ils n'apparaissent pas.

Paul Auster - Et la façon dont ton roman se termine: «Fondu au noir». Encore le cinéma. Assez étrangement, tandis que Siri songeait à cette comédie de Leo McCarey, je m'inspirais largement, dans mon nouveau roman, «Sunset Park», des «Plus Belles Années de notre vie», le film de William Wyler. Un des plus grands films jamais réalisés à Hollywood.

Le film raconte le retour des soldats américains après la Seconde Guerre mondiale, et montre comment ils ont dû s'adapter aux temps nouveaux. Quel film extraordinaire! Je l'ai revu plusieurs fois avant d'écrire mon livre. C'est Gregg Toland qui a signé la photo, le chef opérateur de «Citizen Kane». Le roi de la profondeur de champ.


Vos romans sont imprégnés d'images et de souvenirs de cinéma. Mais feraient-ils de bons films?
Siri Hustvedt - Oh non ! Le mien, en tout cas, ferait un film catastrophique. La situation de départ est trop banale. Une femme que quitte son mari pour une plus jeune.

Paul Auster - Le problème, c'est que, sous l'influence du cinéma peut-être, les gens ont aujourd'hui tendance à croire ce qu'on leur raconte dans les romans. Nous avons, Siri et moi, un ami proche qui vit en Allemagne. Après avoir lu le livre de Siri, il nous a appelés catastrophé en nous demandant si tout allait bien entre nous. Il croyait que j'avais une liaison et que, Siri et moi, ne vivions plus ensemble!

Pourtant, on ne vous voit pas souvent dans les pages people des magazines...
Paul Auster - Peut-être, mais on dit tellement de bêtises à notre sujet. Figurez-vous qu'il y a maintenant des gens qui écrivent des livres sur notre travail. J'en ai reçu deux l'année dernière, des études universitaires que j'ai lues en diagonale. L'un des auteurs disait notamment que tous mes textes autobiographiques, «l'Invention de la solitude» ou «le Carnet rouge», étaient en réalité inventés de toutes pièces. Dire que ces livres sont des romans est une stupidité!

Siri Hustvedt - Il y a beaucoup d'incompréhension, on le voit tous les jours. Mais je dois dire que l'incompréhension concerne surtout les écrivains femmes. Il y a des gens qui ont prétendu que Paul était l'auteur de mes livres...

P. A. Comment une femme aussi jolie, pensaient-ils, était assez intelligente pour écrire ? Donc, j'étais forcément derrière tout ça. Je crois vraiment que la beauté de Siri déstabilise les gens. Même les femmes... Ils ne peuvent imaginer qu'une femme pareille puisse être aussi brillante.

Siri Hustvedt - La société donne l'impression d'avoir progressé, mais non, la misogynie règne toujours. Et c'est aussi le fait de l'histoire littéraire. Il y a eu de nombreuses femmes écrivains qui ont été purement et simplement éliminées des manuels.

Paul Auster - Tu crois à une conspiration?

Siri Hustvedt - Les milieux universitaires les ont sciemment écartées.

Paul Auster - Mais ça n'est plus vrai aujourd'hui. Il y a tous ces départements de littérature féminine...

Siri Hustvedt - Tu parles, c'est un ghetto...

Paul Auster - C'est vrai.

Siri Hustvedt - Et qui s'inscrit à ces cours? Les femmes surtout.

Comment réagissez-vous, et vous protégez-vous, chaque fois qu'on vous interroge sur votre vie de couple? Cela vous agace ou cela vous indiffère?
Paul Auster - Ce n'est pas un problème. La question qu'on m'a toujours posée le plus, c'est: «Est-ce qu'il n'est pas difficile de vivre avec un autre écrivain?» Et j'ai toujours répondu que, bien au contraire, c'était la meilleure solution. Vivre avec quelqu'un qui comprend ce que vous êtes en train de faire est, pour un écrivain, une chance extraordinaire. Entre Siri et moi, il y a un dialogue permanent. Nous nous aidons l'un l'autre...

Siri Hustvedt - J'ai rencontré Paul quand il était en train d'écrire la deuxième partie de «l'Invention de la solitude».

Paul Auster - C'était en 1981. Mois de février. Nous étions jeunes, Siri avait 26 ans...

Siri Hustvedt - Et Paul, 34... Nous avons parlé de littérature pendant des heures ce soir-là. J'écrivais de la poésie à l'époque et je terminais ma thèse. C'était il y a trente ans. Nous nous sommes mariés très simplement, pas un de ces mariages énormes, comme il en existe aujourd'hui.

Paul Auster - Il y avait dix personnes dans notre appartement. Nous n'avions pas d'argent. Je me souviens que tu étais allée dans ce magasin de vêtements discount et tu avais trouvé une robe de mariée, blanche, très belle, pour 60 dollars...

Siri Hustvedt - 69 dollars, 99 cents...

Vous donnez l'image d'un couple idéal ! Et vous semblez également très proches de votre fille, Sophie.
Paul Auster - Oui. Nous l'avons élevée à notre manière, pas du tout comme les manuels nous l'enseignaient à l'époque! Je me souviens d'un voyage que nous avons fait dans le sud de la France avec Sophie quand elle avait 1 an. Pour les repas, nous étalions une serviette en plastique par terre, sous la chaise haute. Nous lui servions son repas et elle en faisait ce qu'elle voulait. Elle en avait partout! Un de mes grands amis, le poète Jacques Dupin, que j'ai traduit quand j'étais jeune, et sa femme Christine, nous regardaient, effarés, comme si nous faisions quelque chose de révolutionnaire. Sophie adorait ça...

(Siri Hustvedt, Paul Auster et leur fille Sophie. ©Sipa)

C'était un bébé facile?
Paul Auster - Elle était très éveillée, très créative. Elle ne dormait pas beaucoup! Elle était toujours sur le pont. Nous lui avons donné beaucoup de temps.

Siri Hustvedt - Mais pour revenir à votre question, c'est vrai que nous avons été, depuis le début, toujours d'accord sur l'essentiel. Nous aimons souvent les mêmes livres. Paul n'est pas très intéressé par la neurobiologie...

Paul Auster - Et tu n'es pas non plus passionnée par le base-ball!

Siri Hustvedt - En effet, je place la neurobiologie un peu plus haut que le baseball...

Paul Auster - Mais je te parle de plaisir... En tout cas, nous sommes vraiment sur la même longueur d'onde en ce qui concerne la littérature. Nous admirons les mêmes écrivains. Les divergences sont minimes. J'admire davantage Beckett que Siri, qui le respecte beaucoup, mais disons qu'il a été plus important pour moi que pour elle.

Siri Hustvedt - Et j'ai été plus influencée par Henry James que Paul.

Paul Auster - Georges Perec est pour moi un plus grand écrivain qu'il l'est pour toi...

Siri Hustvedt - Oh non, j'adore Perec. Sûrement autant que toi.

Siri, depuis quand êtes vous passionnée par la neurobiologie?
Siri Hustvedt - J'ai commencé à lire Freud quand j'étais au lycée. Mais je me suis vraiment mise à étudier ces questions il y a une quinzaine d'années. La psychiatrie également.

Paul Auster - Siri s'est engagée totalement dans ce travail quand elle se préparait à écrire « Tout ce que j'aimais». Son roman suivant, «Elégie pour un Américain», avait un psychiatre pour narrateur. Elle a tout appris seule. Elle a même passé l'examen de psychiatrie de l'Etat de New York, avec un manuel de tests qu'elle avait acheté. Et elle a réussi. C'est très impressionnant.

Siri Hustvedt - J'ai raconté cette histoire lors d'une conférence devant des médecins de la Columbia Medical School. Et je leur ai dit: «Ca devrait peut-être vous inquiéter!»

Dans quelle mesure cet intérêt pour les sciences du cerveau influence-t-il votre écriture?


Siri Hustvedt en 1993 (© Sipa)
Siri Hustvedt - La vérité, c'est qu'il s'est produit en moi un changement à la fin de la quarantaine, après que j'ai lu tous ces livres scientifiques. Mon esprit a commencé à penser différemment. Pas mieux, mais il s'est adapté, je l'ai senti, à ce savoir scientifique. Je ressentais une plus grande flexibilité. Je pouvais évoluer d'un modèle de pensée à un autre. Tout cela m'a enrichi.

Paul Auster - Et il y a aussi la philosophie. Siri a été très influencée par Merleau-Ponty, elle l'a lu et relu sans cesse. Et Kant, Hegel, Leibniz, Spinoza. Tu lis tous ces gens-là tout le temps. Donc tu n'as pas un point de vue clinique, tu as un point de vue métaphysique sur cette question qui te préoccupe, qui est de savoir pourquoi les êtres humains deviennent ce qu'ils sont.

Siri est actuellement en train de mettre la dernière main à un recueil d'essais qu'elle a publiés depuis 2005. Il y en a 40, qui traitent de sujets aussi variés que les neurosciences, la peinture - elle a donné une conférence au Prado sur Goya, au Metropolitan Museum sur Morandi -, la mode, la culture, la politique, la littérature. Vous comprenez pourquoi vivre avec Siri est une grande aventure. Observer cet esprit en alerte permanente...

Quand Siri lit Kierkegaard jusqu'à 3 heures du matin, vous n'en avez pas assez?
Siri Hustvedt - Le fait est que Kierkegaard me rend dingue. Quand je le lis, je dois le mettre de côté assez vite, parce que, vraiment, c'est à devenir fou. Il me réveille la nuit...

Paul Auster - Kierkegaard, c'est un jeu d'esprit permanent.

Siri Hustvedt - J'adore aussi Descartes. Il est d'une telle force. Il me fait penser à une douche glacée en plein soleil, l'été. J'ai lu récemment un essai sur Descartes qui, contrairement aux écrits du philosophe, était si ennuyeux. Et je peux vous dire que je n'abandonne pas facilement. Je me bats. Je lutte. Mais c'était tellement soporifique.

Et Montaigne?
Paul Auster - C'est mon préféré. Tu l'as découvert un peu plus tard que moi...

Siri Hustvedt - Non, je l'ai aimé tout de suite.

Paul Auster - Quand même. Une des meilleures choses qui me soient arrivées dans ma vie d'étudiant est un cours sur Montaigne que j'ai suivi quand j'avais une vingtaine d'années, et qui était donné par Donald Frame, le plus grand spécialiste et traducteur de Montaigne aux Etats-Unis. Nous avons lu la vieille édition de la Pléiade dans son intégralité pendant le séminaire. Je crois que ça a été la plus grande expérience intellectuelle de mon existence. Et Montaigne est devenu pour moi une sorte d'interlocuteur intérieur. Son approche me semblait la bonne, et je n'ai pas changé d'avis.
Propos recueillis par Didier Jacob

Un été sans les hommes, par Siri Hustvedt,
roman traduit par Christine Le Boeuf,




BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages traduits en français :

Dans le scriptorium, Actes Sud nouveauté 2007

Brooklyn follies, edition originale 2005
La nuit de l'oracle, éd. Actes Sud, 2004
Histoire de ma machine à écrire, éd. Actes Sud, 2003
Hawthorne en Famille [in Vingt jours avec Julian et Petit Lapin selon Papa de Nathaniel Hawthorne], éd. Actes Sud, 2003
Constat d'accident, éd. Actes Sud, 2003
Le livre des illusions, éd. Actes Sud, 2002
Je pensais que mon père était Dieu, éd. Actes Sud, 2001
Tombouctou, éd. Actes Sud, 1999
Lulu on the bridge, éd. Actes Sud, 1998
La solitude du labyrinthe, essai et entretiens avec Gérard de Cortanze, éd. Actes Sud, 1997
Le diable par la queue. Comprend Le diable par la queue, Laurel et Hardy vont au paradis, Black-out, Cache-cache, Action base-ball et Fausse balle, éd. Actes Sud, 1996
Pourquoi écrire ?, éd. Actes Sud, 1996 (hors commerce)
Smoke, suivi du Conte de Noël d’Auggie Wren et de Brooklyn Boogie, éd. Actes Sud, 1995
Mr Vertigo, éd. Actes Sud, 1994
Léviathan, éd. Actes Sud, 1993
Le carnet rouge, éd. Actes Sud, 1993
L’art de la faim, suivi de Conversations avec Paul Auster, éd. Actes Sud, 1993
La musique du hasard, éd. Actes Sud, 1991
Trilogie new-yorkaise, éd. Actes Sud, rééd. Babel, éd. Actes Sud, 1991
Moon Palace, éd. Actes Sud, 1990
Le voyage d’Anna Blume, éd. Actes Sud, 1989
L’invention de la solitude, éd. Actes Sud, 1988
La chambre dérobée, éd. Actes Sud, 1994
Revenants, éd. Actes Sud, 1988
Cité de verre, éd. Actes Sud, 1987

Poésie
Disparitions. Comprend Rayons, Non-terre, Murales, Smoke, Disparitions, Fragments du froid et Dans la tourmente, coéditions Actes Sud/Unes, 1994
Fragments du froid, éd. Unes, 1988
Dans la tourmente, éd. Unes, 1988
Murales, éd. Unes, 1987
Effigies, éd. Unes, 1987
Espaces blancs, éd. Unes, 1985
Unearth, éd. Maeght, 1980 Jeunesse
Le Nöel d'Anggie Wren, ill. Jean Haverie, Actes sud Junior, 1990




Quelques citations de Paul Auster


Nos vies se composent d'accidents. Je suis aussi très intéressé par les accidents qui n'arrivent pas ! La chance existe... Ce millimètre, grâce auquel il va rester en vie, me fascine ; cette distance infime contribue à fabriquer une vie. Paul Auster

L'expérience d'écrire ne sert à rien. C'est une façon de vivre, la mienne, et je n'ai pas l'impression qu'elle fournisse des réponses aux grandes questions de la vie. Mais, même s'il n'est pas suivi d'effets, l'acte de poser des questions me procure une certaine vivacité, une certaine énergie. Je me prouve ainsi à moi-même que j'existe et que mon esprit n'est pas totalement paresseux, inutilisé. Comprenez-moi, je n'essaie pas de justifier ce que je fais. C'est très difficile d'expliquer pourquoi on passe toute une vie devant une table à tâcher de s'exprimer avec des mots. Paul Auster


Un mariage heureux peut supporter n'importe quelle pression extérieure, un mariage malheureux se brise. Paul Auster

Dans la mémoire, les choses n'ont pas toujours le même poids. Quelques jours peuvent compter plus que cent ans. Paul Auster

Un mensonge ne peut jamais être effacé. Même la vérité n'y suffit pas. Paul Auster Rien n'est dépourvu de sens, tout en ce monde est relié au reste. Paul Auster

C'est ce qu'on apprend de la vie en fin de compte : combien elle est étrange. Paul Auster

On ne se découvre qu'en se tournant vers ce que l'on n'est pas. Paul Auster 3 personnes aiment cette citation de Paul Auster

Une bibliothèque est un sanctuaire de la pensée pure. Paul Auster

Ici n'existe qu'en fonction de là : si nous ne regardons pas en haut, nous ne saurons jamais ce qui se trouve en bas. Paul Auster

Négliger les enfants, c'est nous détruire nous-mêmes. Nous n'existons dans le présent que dans la mesure où nous mettons notre foi dans le futur. Paul Auster

L'amour est la seule force qui peut stopper un homme dans sa chute. Paul Auster

Dès lors qu'on est parent, il y a des devoirs qu'on ne peut esquiver, des obligations qu'il faut remplir, quel qu'en soit le prix. Paul Auster

Une vie touche une autre vie, laquelle touche une troisième et très vite les enchaînements se font innombrables, impossibles à calculer. Paul Auster

Je ne peux pas dire qui je serai demain. Chaque jour est neuf et chaque jour je renais. Paul Auster 2 personnes aiment cette citation de Paul Auster

Deux personnes, par leur désir, peuvent créer une chose plus puissante que celle que chacune peut créer toute seule. Paul Auster

Rien n'est réel sauf le hasard. Paul Auster

Un mensonge ne peut jamais être effacé. Même la vérité n'y suffit pas. Paul Auster

Chacun est seul et nous n'avons donc nul recours qu'en notre prochain. Paul Auster

Les histoires n'arrivent qu'à ceux qui sont capables de les raconter. De même, les expériences ne se présentent qu'à ceux qui peuvent les vivre. Paul Auster

La clé de notre salut : c'est de devenir les maîtres des mots que nous prononçons, de forcer le langage à répondre à nos besoins. Paul Auster

Nous sommes tous victimes de quelque chose, ne fût-ce que d'être en vie. Paul Auster

La discrétion a ses mérites, mais à trop forte dose elle peut être fatale. Paul Auster

L'imagination, c'est l'art de donner vie à ce qui n'existe pas, de persuader les autres d'accepter un monde qui n'est pas vraiment là. Paul Auster

Les livres naissent de l'ignorance, et s'ils continuent à vivre après avoir été écrits, ce n'est que dans la mesure où on ne peut les comprendre. Paul Auster

Le simple fait d'errer dans le désert n'implique pas l'existence de la terre promise. Paul Auster

Le désir sexuel peut aussi être le désir de tuer. Paul Auster

Marcher dans une foule signifie ne jamais aller plus vite que les autres, ne jamais traîner la jambe, ne jamais rien faire qui risque de déranger l'allure du flot humain. Paul Auster

Dans mon statut Un livre est un objet mystérieux et une fois qu'il a pris son envol, n'importe quoi peut arriver. Paul Auster

Avoir un enfant, cela revient à appartenir à quelque chose de plus grand que soi. Paul Auster

C'est finalement tout ce qu'on veut d'un livre - être diverti. Paul Auster

Chacun n'a qu'un certain nombre de mots en lui. Paul Auster

On n'obtient ce qu'on désire qu'en ne le désirant pas. Paul Auster

Une fois qu'on a goûté au futur on ne peut pas revenir en arrière. Paul Auster

Les vrais mariages sont toujours insensés. Paul Auster

Qu'est-ce qui pousse certains auteurs à se cacher derrière un pseudonyme ; est-ce qu'un écrivain, finalement, possède une existence réelle ? Paul Auster

Les chances perdues font autant partie de la vie que les chances saisies, et une histoire ne peut s'attarder sur ce qui aurait pu avoir lieu. Paul Auster

Dans un bon roman policier rien n'est perdu, il n'y a pas de phrase ni de mot qui ne soient pas significatifs. Paul Auster

Les écrivains ne savent jamais juger leurs oeuvres. Paul Auster

Le mariage : un marais, un exercice d'auto-mystification qui dure la vie entière. Paul Auster

Le silence oblitère tout. Paul Auster


Il n'y a pas de coïncidences, l'usage de ce mot est l'apanage des ignorants. Paul Auster


Personne n'est autorisé à mourir plus d'une fois. Paul Auster


L'hostilité peut être aussi une dimension de l'amour. Paul Auster


La destruction à grande échelle est l'affaire de Dieu, les hommes n'ont pas le droit de s'en mêler. Paul Auster


Les vies n'ont pas de sens. Quelqu'un vit, puis meurt, et ce qui se passe entre les deux n'a pas de sens. Paul Auster


Tout le monde est critique littéraire, de nos jours. Si on n'aime pas un livre, on menace l'auteur. Il y a une certaine logique dans cette façon de voir. Faire payer ce salaud pour ce qu'il vous a infligé. Paul Auster


Le réel dépasse toujours ce que nous pouvons imaginer. Si débridées que nous jugions nos inventions, elles ne parviennent jamais au niveau des incessantes et imprévisibles vomissures du monde réel. Paul Auster


Il y a un monde de différence entre faire une chose et y penser. Sans cette distinction, la vie serait impossible. Paul Auster


C'est compliqué de demander pardon, c'est un geste délicat, en équilibre entre raideur orgueilleuse et contribution larmoyante et si l'on n'arrive pas à s'ouvrir à l'autre en toute honnêteté, toutes les excuses paraissent fausses et creuses. Paul Auster


Quand des paroles sortent, s'envolent en l'air, vivent un instant et meurent, c'est ce qui s'appelle parler. Paul Auster


Un livre, c'est le seul lieu au monde où deux étrangers peuvent se rencontrer de façon intime. Paul Auster


Vient un moment où un homme peut choisir la mort plutôt que la vie. Paul Auster


En général les vies semblent virer abruptement d'une chose à une autre, se bousculer, se cogner, se tortiller. Paul Auster


Quelque chose se produit et puis cette même chose continue à se produire pour toujours. Paul Auster


L'écriture est une occupation solitaire qui accapare votre vie. Dans un certain sens, un écrivain n'a pas de vie propre. Même lorsqu'il est là il n'est pas vraiment là. Paul Auster

Ecrire un roman, c'est raconter une histoire. Ce sont les gens que vous faites vivre qui donnent le ton du roman, la couleur des mots qui sortent de la plume. Paul Auster

On ne peut poser les pieds sur le sol tant qu'on n'a pas touché le ciel. Paul Auster

Il y a de l'espoir pour tout le monde, c'est ce qui fait tourner l'univers. Paul Auster

Le soleil est le passé, la terre est le présent et la lune est le futur. Paul Auster


A regarder

http://www.ina.fr/art-et-culture/litt ... opos-de-son-livre.fr.html
http://youtu.be/afu-OMdM9Nk chez pivot (INA)
http://youtu.be/VUBsgpOm430 la musique du Hasard
http://youtu.be/CqAFUXIyo1c léviathan
http://youtu.be/YzpTQVgYH-E l'invention de la solitude
http://youtu.be/18do6uW2GbU Mr Vertigo
http://youtu.be/ARpk-kw3zDI le diable par la queue.

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Posté le : 03/02/2013 13:58
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A.J. Cronin
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Le 6 Janvier 1981 AJ Cronin écrivain écossais à succès, nous quitte.

Pour qui a eu le bonheur qui fut le mien, de découvrir à quatorze ans le roman "la citadelle", pour qui a dévoré "le destin de Robert Shannon", ou "les clefs du royaume" ou autres merveilles, le nom de AJ Cronin reste pour toujours au panthéon des grands, des très grands écrivains incontournables.
Son écriture nous promène dans un univers large de réflexions, de spiritualité, d'interrogations et d'une humanité qui éveille les consciences.
Cet écrivain à mis ses expériences de vie au service de sa création romanesque, ce conteur humaniste nous donne à penser sans nous ennuyer, si bien que la dernière page lue, le livre refermé est une sorte de deuil.
Son itinéraire et ses origines inspirent nombre de ses personnages romanesques.
Les travaux et le réalisme de la critique sociale de ce médecin et romancier écossais remportent rapidement les lauriers du lectorat Anglo-américain.
Plusieurs de ses ouvrages sont considérés, à juste titre, comme des chefs d'œuvre, en particulier "La Citadelle" ainsi que "Les Clés du royaume", qui seront portés au cinéma.
Ses Œuvres principales, les plus connues sont "Le Chapelier et son château", "La Citadelle", "Les Clés du royaume, "Sous le regard des étoiles", "Les Vertes années", "Le Destin de Robert Shannon".
AJ Cronin unit une grande habileté narrative avec ses facultés d'observation aiguë et un art accompli de la description.
Bien que souvent taxé comme "écrivain bourgeois" il a réussi à créer avec "Le regard des étoiles' un ouvrage classique de la fiction Britannique du 20ème siècle.
Dans on oeuvre AJ. Cronin traite souvent le sujet délicat et toujours personnel de la religion, religion dont il s'était distancé pendant sa formation médicale et sa carrière, et vers laquelle il reviendra au milieu de sa vie. Il sera tour à tour, croyant pendant l'enfance, puis agnostique, athée, dédaigneux des mythes religieux, et enfin au contact de la profonde foi religieuse des gens parmi lesquels il travaille il déclare perdre sa supériorité et revenir à ses premières croyances. Mais on peut le ranger dans la catégorie des croyants sceptiques.


Sa vie

Archibald Joseph Cronin, dont la signature de plume est AJ. Cronin, est né le 19 juillet 1896 en Ecosse. Il naît à Rosebank Cottage, dans la petite ville de Cardross, situé dans la province du Dunbartonshire, province rebaptisée aujourd'hui "L'Argyll and Bute"
Sa famille fait partie de la classe moyenne, son père Patrick Cronin, est agent d'assurances et représentant de commerce, il est catholique d'origine Irlandaise, sa mère Jessie Montgomerie, est elle d'origine protestante, et fille d'un chapelier Ecossais.
Il est fils unique et il devra naviguer très tôt entre ses deux religions ennemies, de cet univers dichotomique il tirera une sensibilité, une quête spirituelle et il tirera de cette double source un enseignant riche, une ouverture d'esprit et une grande humanité.


Enfance

Ses grand-pères paternels étaient propriétaires d'un pub à Alexandrie, Dunbartonshire Ouest. Son grand-père maternel, Archibald Montgomerie, chapelier a possédé un magasin dans Dumbarton.
Après leur mariage, les parents de AJ. Cronin ont emménagé à Helensburgh, où le jeune Archibald étudia à l'École de la rue de Subvention.
Puis la famille s'installe plus tard à Yorkhill et à Glasgow, où il est scolarisé au Collège de rue Aloysiu dans la région Garnethill de la ville.
Il n'a que sept ans lorsque son père meurt de tuberculose. Il déménage alors avec sa mère chez ses grands-parents maternels, à Dumbarton en Écosse.
C'est un excellent élève et un sportif assidu. Il gagne beaucoup de prix d'écriture mais aussi de diverses compétitions sportives. En effet il est un excellent athlète et un footballeur passionné; Il pratiqua aussi avec bonheur le golf et la pêche au saumon très en usage dans ces régions..


Adolescence

Sa mère reprend par la force des choses une vie professionnelle, et y réussit brillamment, elle devient alors la première femme inspectrice de santé en Écosse.
Le jeune Archibald. Joseph Cronin, est un élève précoce et brillant, il remporte de nombreux prix et se distingue aussi en athlétisme et en football.
En raison de ses capacités exceptionnelles, il lui est attribué une bourse d'études en médecine, il partira étudier à l'Université de Glasgow où il est admis.


Etudiant

Durant cette période il rencontre sa future épouse, Agnes Mary Gibson, qui est également étudiante en médecine.
Il reçoit un diplôme et les honneurs de l'école médicale et il continuera encore quelques années pour se spécialiser.
Mais il sera quelque peu freiné, car comme beaucoup de personnes à l'époque, la première Guerre mondiale viendra troubler sa vie et ses projets. AJ Cronin destiné à la médecine, va malgré tout servir comme Chirurgien Sous-lieutenant dans la Réserve de Volontaire Bleu marine Royale avant de pouvoir terminer un peu plus tard ses études à l'école de médecine.
En 1919 il a obtient un diplôme de maîtrise avec les plus hauts honneurs, avec le niveau de MILLIBAR.
Un peu plus tard, au cours de la même année 1919 il fait un voyage en Inde comme chirurgien de navire sur un paquebot.
C'est en 1925, qu'il se verra décerné son diplôme final de médecin par l'université de Glasgow pour sa thèse, intitulée "L'Histoire d'Aneurysm."


Vie professionnelle.

Le médecin
Après la guerre, revenu à la vie civile, il va pratiquer la médecine dans des hôpitaux différents, Bellahouston, Lightburn, à l'Hôpital de Rotonde de Glasgow et à Dublin.
Enfin il s'établira comme médecin à Tredegar, une petite ville du Pays de Galles Sud.
Il va y pratiquer la médecine des pauvres dans une région industrielle du sud du Pays de Galles (1921-1924), puis il sera nommé médecin inspecteur des mines, à ce titre il fera des recherches et soutiendra sa thèse qui porte sur les maladies professionnelles dans l'industrie du charbon et à leurs conséquences, il fait des recherches sur les thérapies médicales à adopter.
Il s'intéresse plus spécialement aux traitement des maladies du travail dans les houillères; il rédige des rapports sur la corrélation entre l'inhalation de poussière à charbon et la maladie pulmonaire.
Très humain il montre de l'empathie pour le sort des mineurs et passera beaucoup de son temps, sans être entendu, à prouver les effets délétères de l'industrie minière sur la santé des ouvriers.
Puis en 1926 il s'installe à Londres, rue De Harley, où il soigne une brillante clientèle .


L'écrivain

En 1931 il soufre de difficultés digestives, et ces sérieux problèmes de santé le contraignent à un repos forcé de plusieurs mois. Cet homme énergique est peu habitué à l'inactivité, il occupe son temps devenu libre et il se lance dans l'écriture. Peu de temps après il publie son premier roman qui remporte immédiatement un franc succès et sera porté à l'écran en 1941. L'histoire d'un chapelier écossais obsédé par l'idée de la possibilité de sa noble naissance. Dans cette époque de conflit sociaux et de luttes des classes dans toute l'Europe on voit combien ce sujet des origines est un sujet sensible qui passionne.
Puis, il publie ensuite une vingtaine de romans. Beaucoup d'entre eux seront des best-sellers traduits dans de nombreuses langues.
Il écrit principalement des romans tragiques ; beaucoup sont adaptés au cinéma. On pourrait le rapprocher d'autres médecins écrivains à succès de la même époque comme Frank Gill Slaughter, Lloyd C. Douglas ou André Soubiran.
Le fort succès de son roman "La citadelle", aura une telle audience que l'on peut affirmer que ce récit connu de tous, en dénonçant l'injustice du système envers les plus démunis, tout en pointant l'incompétence du milieu médical de la société Anglaise de l'époque, à contribué à l'établissement d'un Service de Santé nationale.
Ce que AJ Cronin n'avait pu obtenir lors de son action pour aider les mineurs sans soin, il l'obtiendra par la notoriété, par le rayonnement de son livre qui fera plus que toutes ses communications scientifiques qui restèrent lettres mortes auprès d'un système indifférent au souffrances des plus modestes.
On peut dire que lors de sa pratique de la médecine, sa propension à s'élever contre l'injustice, a valu à
AJ. Cronin de souffrir d'ostracisme, rejeté par la profession médicale en raison de ses opinions libérales exprimées dans son oeuvre.


Les succès

En 1939 le tournage de ces romans dans les studios de cinéma américain l'amène à se déplacer vers les Etats-unis.
La famille va s'installer en Californie(Bel-air), puis dans le Massachusetts, à Greenwich, et dans le Connecticut. Tous ces déplacements alimenteront sa verve d'écrivain.
A la fin de la deuxième guerre mondiale la famille reviendra en villégiature en Angleterre à bord du Reine Mary, ils se rendront de nouveau en Irlande avant de rentrer aux états-unis où ils résideront au Carlyle Hotel à New-york; puis à Deerfield, de nouveau dans le Masachussetts et au nouveau mexique.
L'esprit nomade de AJ. Cronin le mènera encore avec les siens aux Bermudes puis en France.
Finalement après beaucoup de voyages la famille s'établira en Suisse, à Montreux puis Lucerne.
la famille cronin sera amie avec Laurence Olivier, Charly Chaplin, et d'Audrey Hepburn...
AJ Cronin passera les dernières années de sa vie à écrire.



Stabilité, la Suisse

Sa nouvelle vie, l'éloigne de ses racines et souvenirs d'enfance et malgré tout il gardera une grande affection pour son Ecosse natale.
En 1972 il écrit :
"Bien que j'ai voyagé dans le monde entier je dois dire dans toute la sincérité que mon coeur appartient à Dumbarton.... Dans mon étude il y a le beau 17ème siècle coloré des caractères de la Roche.... et je suis même avec une grande ferveur les victoires de l'équipe de football de Dumbarton."
Une preuve de cet attachement nous est donné par une lettre dactylographiée, encadrée et suspendue dans le foyer du stade du club. Dans la lettre, écrite en 1972 et adressé au secrétaire du club, AJ Cronin depuis sa résidence Suisse félicite Dumbarton de leur retour à la division supérieure après une absence de 50 ans et il se souvient de son enfance soutenant les Fils (le surnom du club) et où il était " soulevé de temps en temps sur les tourniquets "
"Les tourniquets", qui est une pratique locale afin que les enfants passent sans problème et ne payent pas.


Fin de sa vie

Le 6 Janvier 1981 Archibald Joseph Cronin est mort dans sa résidence de Montreux.
Il est inhumé à La Tour-de-Peilz.
L'écrivain humaniste nous laisse une grande oeuvre à laquelle il faut ajouter de nombreux manuscrits littéraires, non publiés, les brouillons, les lettres, les cahiers scolaires et les essais, les livres de laboratoire et sa thèse médecine, qui se trouve encore à la Bibliothèque nationale d'Ecosse et au Centre de Rançon Harceler de l'université de Texas.

Un de ses fils, Vincent Cronin, est également écrivain.
Il est né le 24 Mai 1924 à Tredegar en Pays de Galles, et il est mort le 25 Janvier 2011.
C'est un brillant biographe, qui a su nous offrir des détails historiques nouveaux, mais il prendra aussi des positions qui seront très controversées.
A lire : Louis XIV, louis XVI, Marie-Antoinette, Catherine II de Russie, Napoléon et ses livres sur la renaissance.
Il suit ses études au Ampleforth College, à l'Université Harvard, La Sorbonne, et au Trinity College de l'Université d'Oxford, où il obtient une maîtrise avec les honneurs en 1947.
Pendant la Seconde Guerre mondiale il a exercé les fonctions d'un lieutenant dans la British Army.En 1949, il s'est marié avec Chantal de Rolland, française fille du comte Jean de Rolland.
Les Cronins sont des résidents de longue durée de Londres, Marbella et du Manoir de Brion à Dragey-Ronthon, en Basse-Normandie résidence de la famille de sa femme.
Récompensé par le Prix de Heinemann (1955) et le Prix de Fondation Rockefeller (1958), Cronin fut membre de la Société royale de littérature.



Liste des oeuvres

Le Chapelier et son château (Hatter's Castle, 1931), Albin Michel, 1940. Adapté au cinéma par Lance Comfort en 1941.
Trois Amours (Three Loves, 1932), Albin Michel, 1941
Aux canaries (Grand Canary, 1933), Albin Michel, 1938. Adapté au cinéma par Irving Cummings en 1934.
Sous le regard des étoiles (The Stars Look Down, 1935), Albin Michel, 1937. Adapté au cinéma par Carol Reed en 1939.
La Citadelle (The Citadel, 1937), Albin Michel, 1938. Adapté au cinéma par King Vidor en 1938.
La Dame aux œillets (Lady with Carnations), Éditions de la paix, 1945.
Sœurs (Vigil in the Night, 1939), Éditions de la paix, 1947 : Nouvelle. Adapté au cinéma par George Stevens en 1940.
Les Années d'illusion (The Valorous Years, 1940), Albin Michel, 1952.
Les Clés du royaume (The Keys of the Kingdom, 1941), Albin Michel, 1959. Adapté au cinéma par John M. Stahl en 1944.
Les Vertes années (The Green Years, 1944), Éditions de la paix, 1946. Adapté au cinéma par Victor Saville en 1946.
Le Destin de Robert Shannon (Shannon's Way, 1948), Albin Michel, 1949.
Le Jardinier espagnol (The Spanish Gardener, 1950), Albin Michel, 1951. Adapté au cinéma par Philip Leacock en 1956.
Deux Sœurs (The Sisters, 1952), Albin Michel, 1961. Réécriture et réédition de « Sœurs, 1947, Éditions de la paix ».
L'Épée de justice (Beyond This Place, 1953), Albin Michel, 1954. Roman adapté au cinéma par Jack Cardiff en 1959.
La Tombe du croisé (Crusader's Tomb ; A Thing of Beauty, 1956), Albin Michel, 1956.
La Lumière du nord (The Northern Light, 1958), Albin Michel, 1958.
Étrangers au paradis (The Native Doctor, 1959), Albin Michel, 1961.
L'Arbre de Judas (The Judas Tree, 1961), Albin Michel, 1962.
Le Signe du caducée (A Song of Sixpence, 1964), Albin Michel.
La misère et la gloire (A Pocketful Of Rye, 1969), Albin Michel, 1970.
La neige enchantée (Enchanted Snow, 1971), Albin Michel, 1977.
Gracie Lindsay, Albin Michel, 1973.
Le Chant du paradis (The Minstrel Boy, 1975), Albin Michel, 1976.
Le Porte-bonheur (nouvelles), 1975.
L'aventure de Bryan Harker, Albin Michel, 1978.
Autres œuvres[modifier]
Chairs vives ou Kaléidoscope (Kaleidoscope in 'K', 1933), Éditions de la paix, 1946.
Les Confidences d'une trousse noire (Adventures of a Black Bag, 1943), Éditions de la paix, 1948.
Sur les chemins de ma vie (Adventures in Two Worlds, 1952), Albin Michel, 1953. Autobiographie.
Nouvelles confidences d'une trousse noire (Further Adventures of a Black Bag) (1964).
Les Hommes proposent (Jupiter Laughs) (1940): Pièce en 3 actes. Adaptée au cinéma par Irving Rapper en 1941, puis adaptée par O.W. Fischer en 1955.




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Posté le : 06/01/2013 13:35
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Re: Francis Jammes
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Un des poètes (le poète) qui m'a le plus touché.

Posté le : 05/12/2012 21:15
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Re: Edmond Rostand
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C'est un exposé intéressant, je dirais même captivant.

Posté le : 02/12/2012 15:50
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Edmond Rostand
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Edmond Eugène Joseph Alexis Rostand est un auteur dramatique français né à Marseille, le 1er avril 1868.dans une famille aisée de Marseille. Il est le fils de l'économiste Eugène Rostand, et l'arrière-petit-fils d'Alexis-Joseph Rostand (1769-1854), un maire de Marseille. Eugène, son père, est président de la Caisse d’Épargne des Bouches du Rhône, il meurt le 2 décembre 1918 à Paris 7e.
Edmond Rostand est le père du fameux biologiste Jean Rostand.

En 1880, son père mène toute sa famille, Edmond, sa mère et ses deux cousines, dans la station thermale en vogue de Bagnères-de-Luchon.
Edmond Rostand passe plus de vingt-deux étés à Luchon, qui lui inspire ses premières œuvres.
Il a seize ans lorsqu’il passe son baccalauréat. L’année suivante, Edmond Rostand écrit une pièce restée inédite, Les Petites manies, où il dresse une série de portraits de personnes ridicules et insupportables, ainsi qu’une nouvelle intitulée Mon La Bruyère.
Il y écrit notamment une pièce de théâtre en 1888, Le Gant rouge, et surtout un volume de poésie en 1890, Les Musardises. C'est dans cette station thermale et touristique qu'Edmond Rostand se lie d'amitié avec un homme de lettres luchonais, Henry de Gorsse avec lequel il partagea le goût pour la littérature.
Il poursuit ses études de droit à Paris, où il s'était inscrit au Barreau sans y exercer et, après avoir un temps pensé à la diplomatie, il décide de se consacrer à la poésie. En 1888, avec son ami Maurice Froyez, journaliste parisien, il se rend au champ de course de Moustajon et ils y décorent leur équipage d'une abondance de fleurs des champs. Ils font sensation devant un établissement à la mode, le café Arnative, et improvisent en terrasse une joyeuse bataille de fleurs avec leurs amis. C'est ainsi que naquit le premier « Corso fleuri », ayant traditionnellement lieu le dernier dimanche d'août à Luchon, et où le gagnant se voyait remettre une bannière.

Caricatures par Sem
Le Premier avril 1888, il fonde avec son ami Maurice Froyez le « Club des natifs du premier avril », dont les statuts stipulent que ses membres jouiront à vie du privilège d'entrer gratuitement dans tous les établissements publics, opéras, théâtres, champs de course et maisons closes, de pouvoir rire aux enterrements afin de les rendre moins sinistres, de bénéficier à leur naissance du parrainage du chef de l'État et, en outre, de se voir attribuer un appartement de fonction dans un des Palais nationaux, résidence pourvue de tout le confort souhaitable et d'une domesticité jeune, accorte et complaisante.
Dans le train pour Montréjeau, son père fait la rencontre de Madame Lee et de sa fille Rosemonde Gérard, et les invite à prendre le thé à la villa Julia. Le 8 avril 1890, Edmond épouse Rosemonde, poétesse elle aussi, dont Leconte de Lisle était le parrain, et Alexandre Dumas le tuteur.
Rosemonde et Edmond Rostand auront deux fils, Maurice, né en 1891, et Jean, né en 1894.
Edmond quitte Rosemonde en 1915 pour son dernier amour, l'actrice Mary Marquet.
Edmond Rostand obtient son premier succès en 1894 avec Les Romanesques, pièce en vers présentée à la Comédie-Française, mais c'est surtout Cyrano de Bergerac, qui triomphe dès la première en 1897, que la postérité retiendra. Dans les années 1910, il collabore à La Bonne Chanson, Revue du foyer, littéraire et musicale, dirigée par Théodore Botrel.
Après l'insuccès critique de Chantecler, Rostand ne fait plus jouer de nouvelles pièces. À partir de 1914, il s'implique fortement dans le soutien aux soldats français.
Rostand fut décoré de la Légion d'honneur le 1er janvier 1898, soit 4 jours après la première (Raymond Trousson, Un succès inusable : Cyrano de Bergerac
Il meurt à Paris, le 2 décembre 1918, de la grippe espagnole, peut-être contractée pendant les répétitions d'une reprise de L'Aiglon.
Il repose au cimetière Saint-Pierre de Marseille, sa ville natale.


Témoignage d'un contemporain


« Dîner, hier, chez les Félix de Vogue avec les Brimont et Ferdinand Bac. Il a été question des Rostand. Intérieur impossible. Il y a un grand'père fou, dont on voit l'ombre passer. Son fils, le grand poète qui a la folie des grandeurs. Maurice qui a des cheveux ondulés, une figure impossible et qui est très bien avec Pradier. Mme Rostand très bien, elle aussi, avec le fils de Richepin. Et un autre de ses fils qui fait de la vivisection. (3 décembre 1912)
Dîner chez La comtesse Mathieu de Noailles, qui reproche à Cocteau son ingratitude envers Rostand. De Mme Rostand, elle disait que c'est un monstre dont elle admire la vitalité. Rostand était toujours en parade. Il vivait déguisé. On l'avait persuadé qu'il ne devait jamais se déranger pour les autres, que c'était aux autres à aller vers lui. Un pacha ! (21 juillet 1919) »
— Abbé Arthur Mugnier, Journal, 3 décembre 1912 et 21 juillet 1919 (Mercure de France, 1985, p. 247 et 357).
Œuvres


Liste des œuvres d’Edmond Rostand


(par ordre chronologique)
Année Œuvre Genre Création (pour les pièces) Publication originale Texte
1887 Deux romanciers de Provence, Honoré d'Urfé, Émile Zola, le roman sentimental et le roman naturaliste Essai Marseille, Imprimerie du Journal de Marseille, 1888 Texte en ligne
1888 Le Gant rouge Vaudeville, avec Henri Lee 1888 Éditions Nicolas Malais, 2009
1890 Les Musardises Poésies 1890
Paris, A. Lemerre, 1890
édition nouvelle 1887-1893. Paris,Fasquelle, 1911
1890 Ode à la musique Poésie Novembre 1890 (privée, pour l'inauguration de la maison de Jules Griset); 23 mars 1891 Théâtre du Châtelet. Musique d'Emmanuel Chabrier2.
1890 Les Deux Pierrots Pièce (refusée par la Comédie-Française) 1890
1894 Les Romanesques Comédie Pièce créée le 21 mai 1894 à la Comédie-Française, couronnée par l'Académie française Paris, Charpentier et Fasquelle, 1894 Nouvelle éd. établie par Jean-Pierre Aubrit, Ed. Remi Perrin 2012
1895 La Princesse lointaine Pièce en 4 actes, en vers 1895
Paris, Charpentier et Fasquelle, 1895
seconde version. Paris, L'Illustration, 1929
Texte en ligne
1897 Pour la Grèce Poème Paris, Fasquelle, 1897
1897 La Samaritaine Évangile en trois tableaux, en vers Pièce créée le 14 avril 1897 par Sarah Bernhardt au Théâtre de la Renaissance Paris, Fasquelle, 1897 Texte en ligne
1897 Cyrano de Bergerac Comédie héroïque en 5 actes, en vers (alexandrins) Pièce créée le 28 décembre 1897 par Coquelin aîné Paris, Fasquelle, 1898 Texte sur Wikisource
1900 L'Aiglon Drame en 6 actes Pièce créée le 15 mars 1900 par Sarah Bernhardt Paris, Fasquelle, 1900 Texte en ligne
1902 Un Soir à Hernani Poésie, hommage à Victor Hugo dans le cadre du Centenaire de la naissance deVictor Hugo Paris, Fasquelle, 1902 Texte en ligne
1903 Discours de Réception à l'Académie française le 4 juin 1903 Essai Paris, Fasquelle, 1903 Texte en ligne
1904 Chantecler Pièce Pièce créée le 7 février 1910 par Lucien Guitry Paris, L'Illustration, 1910
1908 Le Bois sacré Pantomime Paris, L'Illustration, 1908
1911 La Dernière Nuit de Don Juan Pièce Pièce créée en 1921, trois ans après la mort de l'auteur Paris, L'Illustration, 1921
1915 Le Vol de la Marseillaise Poèmes sur la guerre Paris, Fasquelle, 1919
Le Cantique de l'Aile Poésie Paris, Fasquelle, 1922
Faust de Goethe Adaptation et traduction d'Edmond Rostand Paris, Éditions Théâtrales, 2007
Voir aussi :
Œuvres complètes (7 volumes, 1910-11)
Théâtre (2007)

Les œuvres majeures de Rostand


Cyrano de Bergerac



Edmond Rostand à l'époque de la première de Cyrano,L'Illustration du 8 janvier 1898
La première représentation de Cyrano de Bergerac, le 28 décembre 1897 à Paris, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, lui apporte la gloire. Pourtant, quelques minutes avant la pièce, Rostand pressent un fiasco et demande pardon à la troupe de l'avoir entraînée dans « cette effrayante aventure ».
La pièce venait à point pour rendre le moral à une France traumatisée par la perte de l'Alsace-Lorraine, à la suite de la guerre franco-prussienne de 1870, et, hantée depuis par l'humiliation et l'esprit de revanche.
Son héros démontre avec panache que l'on peut, dans l'adversité, garder la tête haute et faire preuve d'un très grand sens de l'honneur, avec la plus haute élévation d'âme. Aussi, dès l'entracte, la salle applaudit debout, et même un ministre vient le trouver dans les coulisses, décroche sa Légion d'honneur pour la lui agrafer, et s'explique : « Permettez-moi de prendre un peu d'avance ». Et, au baisser de rideau, le public d'applaudir à tout rompre, une vingtaine de minutes .
À l'Acte IV, scène VI, un cadet de Gascogne se présente avec des titres de fantaisie, qui font référence à différents endroits situés autour de Luchon :
Baron de Casterac de Cahusac
Vidame de Malgouyre Estresc Lesbas d'Escarabiot
Chevalier d'Antignac-Juzet
Baron Hillot de Blagnac-Saléchant de Castel-Crabioules .
La scène du balcon serait inspirée d'un fait de jeunesse, le poète ayant effectivement aidé Jérôme Faduilhe dans sa cour, jusque-là infructueuse, à une certaine Marie Castain : il lui avait écrit ses lettres d'amour.
La pièce fut traduite en plusieurs langues et eut un succès universel. Le personnage de Cyrano, brillant représentant de l'« esprit français », est devenu un véritable archétype, au même titre que Hamlet ou que Don Quichotte, qu'il mentionne d'ailleurs dans la pièce.
Un opéra, Cyrano de Bergerac, fut composé par l'italien Franco Alfano (1876-1954) sur une adaptation du librettiste Henri Cain (1859-1937), représenté en 2005 au Metropolitan Opera de New York, avec Plácido Domingo dans le rôle titre, puis en 2006 à l'Opéra de Montpellier, avec Roberto Alagna, repris au théâtre du Châtelet, à Paris, en mai 2009, avec Placido Domingo.

L'Aiglon


En 1900, son nouveau drame, L'Aiglon, est lui aussi un succès et lui ouvre les portes de l'Académie française où il est élu en 1901 au fauteuil 31. Souffrant, il n'y est reçu qu'en 1904.


Chantecler


En 1910, sa pièce Chantecler est créée au théâtre de la Porte-Saint-Martin, avec Lucien Guitry dans le rôle titre, Constant Coquelin, pour qui le texte avait été écrit, étant décédé peu de temps auparavant. La particularité de cette pièce est que tous les personnages sont des animaux. Le grand rôle féminin, celui de la Faisane, est tenu par Simone Le Bargy.
La pièce ne fut ni un succès, ni un échec, la critique fut partagée et une partie du public, dérouté. La pièce est en vers, comme tout le théâtre de Rostand, mais l'alexandrin est manié par l'auteur avec une telle virtuosité qu'il est déconcertant d'entendre des animaux s'exprimer dans une langue aussi sophistiquée. La lourdeur des décors et des costumes joue aussi un rôle : dans les années 1950,Roland Barthes écrit un article célèbre sur « les maladies du costume de théâtre » et prend ce spectacle précisément comme exemple de ce qu'il ne faut pas faire au théâtre.
Presque cent ans après la première, il est intéressant de reconsidérer la question de Chantecler, qui est une réalisation beaucoup plus audacieuse que celle de Cyrano ou de L'Aiglon. D'un point de vue scénique, la mise en scène est passionnante. Elle offre sur la scène parisienne une tentative de renouvellement et de modernisation qui, si elle n'a rien à voir avec les entreprises du théâtre naturaliste (André Antoine) ou symbolistes (Lugné-Poe), prend en compte ces avancées qu'elle digère à sa manière. Les animaux qui parlent au théâtre sont relativement rares. Il y avait bien eu Les Oiseauxd'Aristophane. Mais leur retour sur la scène de la Belle Époque a quelque chose de surréaliste et préfigure, d'une certaine façon, les collages de Max Ernst.
Pour l'histoire des spectacles, l'entreprise a aussi quelque chose de remarquable. C'est la manière dont l'événement est géré par la presse. En effet, en 1910, Rostand passe, pour beaucoup, pour le plus grand dramaturge français, et il est considéré comme une sorte de poète officiel de la IIIe République. Or il n'est pas très productif. Sa dernière création, L'Aiglon, remonte à 1900. Il existe une attente énorme, et la rumeur journalistique ne cesse d'enfler à propos d'une pièce mystérieuse. Rostand entretient volontairement le mystère. On assiste à une véritable campagne de presse à l'américaine. À la sortie, en 1910, les journaux sont plein d'articles, de reportages, de photographies, d'anecdotes et de caricatures. Commercialement, la pièce est loin d'avoir été un échec : il y eut un grand nombre de représentations à Paris, et des tournées internationales furent lancées, avec plusieurs distributions parallèles.


Bibliographie


Notices d’autorité : Système universitaire de documentation • Bibliothèque nationale de France • WorldCat • Fichier d’autorité international virtuel •
Jehan Rictus, Un "Bluff" Littéraire Le Cas Edmond Rostand,Paris, Sevin & Rey, 1903
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André Lautier, Fernand Keller et Henry Marx, Edmond Rostand, La Nouvelle Revue Critique, 1924
Martin Jacob Premsela, Edmond Rostand, Amsterdam, Groningen, 1933
Émile Ripert, Edmond Rostand : sa vie et son œuvre, Paris, Hachette, 1968
André Triaud, Edmond Rostand et Arnaga, association des Amis d'Arnaga, 1968
Marcel Migeo, Les Rostand, Stock, 1973
Bernard Plasse, La Dramaturgie d'Edmond Rostand, thèse de doctorat, 1974
Henri Pac, Luchon et son passé, Privat, 1984 (ISBN 2-7089-2385-4).
André Triaud, Les Rostand en images, association des Amis d'Arnaga, 1985
Marc Andry, Edmond Rostand, le panache et la gloire, Plon, 1986
Caroline de Margerie, Edmond Rostand ou le Baiser de la Gloire, Éditions Grasset, 1997
Olivier Goetz, Le Chant du Coq, Chantecler d'Edmond Rostand, un événement spectaculaire de la Belle Époque, thèse de doctorat inédite soutenue le 15 décembre 1997 à l'Université de Metz
Olivier Goetz, Chantecler d’Edmond Rostand, l'Animal hors d’usage, in Bêtes de Scène, publication du laboratoire Théâtre, Langages et Sociétés, Gap, Paris, Éditions Ophrys, 2002
Jean-Baptiste Manuel, Edmond Rostand, écrivain imaginaire. Séguier 2003 (essai bio/bibliographique)
Jacques Lorcey, Edmond Rostand - Tome 1 : Cyrano et l'Aiglon (1868-1900) - Tome 2 : Cambo - Arnaga - Chantecler (1900-1918) - Tome 3 : La Nuit et la lumière (1918-2004), Paris, Éditions Séguier, coll. Empreinte, 2004(ISBN 2-84049-378-0), (ISBN 2-84049-384-5), (ISBN 2-84049-385-3) Coffret 3 tomes : (ISBN 2-84049-382-9)
Edmond Rostand : renaissance d'une œuvre, Actes du colloque international des 1er et 2 juin 2006, texte réunis par Guy Lavorel et Philippe Bulinge, Lyon, Cedic, 2007
Olivier Goetz, "Séductions aviaires, la question de la sexualité dans Chantecler d’Edmond Rostand”, Revue d’Histoire du Théâtre, Paris, 2009 – 4 (octobre-décembre), p. 291-304.
Michel Forrier, Chantecler, un rêve d'Edmond Rostand, éditions de Gascogne, Orthez, 2010 (ISBN 2-914444-68-0)
Olivier Goetz, Relever le gant, in Edmond Rostand, Le Gant Rouge et Lettres à sa fiancée, Éditions Nicolas Malais, 2010 (ISBN 978-2-9526782-6-1)
Collectif, Histoires littéraires no 38, 2010 ; O. Goetz : Le Rêve de Rostand, B. Degott, A. Vuillemin : Le Coq et son Verger, H. Laplace-Claverie: Chantecler au miroir de L'Oiseau bleu, M. Culot : Arnaga, un Versailles basque, L. Bourau-Glisia : Les Adaptations de Cyrano de Bergerac en musique, B. Degott, A. Vuillemin : Poèmes de guerre, O. Barrot : Qu'est-ce que le cinéma a retenu de Rostand ?
Michel Forrier, Le Costume du petit Jacques, conte d'Edmond Rostand, éditions Gascogne, Orthez, 2011 (ISBN 978-291444487-3)
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Liens externes[modifier]
Site Edmond Rostand
Site Cyrano de Bergerac
Site de l'Académie française
Discours du vicomte de Vogüé pour la réception de Rostand à l'Académie française
Hommage à la famille Rostand


La tirade des nez


Cyrano de Bergerac
La tirade des nez (acte 1, scène 4)


Cyrano
Ah ! Non ! C'est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire... oh ! Dieu ! ... bien des choses en somme...
En variant le ton, —par exemple, tenez :
Agressif : « moi, monsieur, si j'avais un tel nez,
Il faudrait sur le champ que je me l'amputasse ! »
Amical : « mais il doit tremper dans votre tasse :
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
Descriptif : « c'est un roc ! ... c'est un pic... c'est un cap !
Que dis-je, c'est un cap ? ... c'est une péninsule ! »
Curieux : « de quoi sert cette oblongue capsule ?
D'écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ? »
Gracieux : « aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? »
Truculent : « ça, monsieur, lorsque vous pétunez,
La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée ? »
Prévenant : « gardez-vous, votre tête entraînée
Par ce poids, de tomber en avant sur le sol ! »
Tendre : « faites-lui faire un petit parasol
De peur que sa couleur au soleil ne se fane ! »
Pédant : « l'animal seul, monsieur, qu'Aristophane
Appelle hippocampelephantocamélos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d'os ! »
Cavalier : « quoi, l'ami, ce croc est à la mode ?
Pour pendre son chapeau c'est vraiment très commode ! »
Emphatique : « aucun vent ne peut, nez magistral,
T'enrhumer tout entier, excepté le mistral ! »
Dramatique : « c'est la Mer Rouge quand il saigne ! »
Admiratif : « pour un parfumeur, quelle enseigne ! »
Lyrique : « est-ce une conque, êtes-vous un triton ? »
Naïf : « ce monument, quand le visite-t-on ? »
Respectueux : « souffrez, monsieur, qu'on vous salue,
C'est là ce qui s'appelle avoir pignon sur rue ! »
Campagnard : « hé, ardé ! C'est-y un nez ? Nanain !
C'est queuqu'navet géant ou ben queuqu'melon nain ! »
Militaire : « pointez contre cavalerie ! »
Pratique : « voulez-vous le mettre en loterie ?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot ! »
Enfin parodiant Pyrame en un sanglot :
« Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l'harmonie ! Il en rougit, le traître ! »
—Voilà ce qu'à peu près, mon cher, vous m'auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d'esprit :
Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n'en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n'avez que les trois qui forment le mot : sot !
Eussiez-vous eu, d'ailleurs, l'invention qu'il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
Me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n'en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d'une, car
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve.
Edmond Rostand (1897)


http://dardel.info/images/Cyrano.gif

L'éternelle chanson Rosemonde Gérard (femme de Edmond Rostand)

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer,
Nous aurons une joie attendrie et très douce,
La phrase finissant toujours par un baiser.
Combien de fois jadis j'ai pu dire " Je t'aime " ?
Alors avec grand soin nous le recompterons.
Nous nous ressouviendrons de mille choses, même
De petits riens exquis dont nous radoterons.
Un rayon descendra, d'une caresse douce,
Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,
Quand sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer.

Et comme chaque jour je t'aime davantage,
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain,

Qu'importeront alors les rides du visage ?
Mon amour se fera plus grave - et serein.
Songe que tous les jours des souvenirs s'entassent,
Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens.
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
Et sans cesse entre nous tissent d'autres liens.
C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main
Car vois-tu chaque jour je t'aime davantage,
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain.

Et de ce cher amour qui passe comme un rêve,
Je veux tout conserver dans le fond de mon coeur,
Retenir s'il se peut l'impression trop brève
Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.
J'enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,
Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;
Je serai riche alors d'une richesse rare
J'aurai gardé tout l'or de mes jeunes amours !
Ainsi de ce passé de bonheur qui s'achève,
Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
J'aurai tout conservé dans le fond de mon coeur.

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encore aux jours heureux d'antan,
Et je te sourirai tout en branlant la tête
Et tu me parleras d'amour en chevrotant.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.


http://youtu.be/KSeoEVxzZUA la tirade des nez
http://youtu.be/r91X_9h4LuM la tirade des nez
http://youtu.be/EpHoNR9VWHw
http://youtu.be/DpvcwoBD29E Sarah Bernard L'aiglon (Napoléon II)




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Posté le : 02/12/2012 13:32
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Francis Jammes
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Le 2 Décembre 1868 naît Francis Jammes (prononcer jam et non djèms), à Tournay dans les Hautes-Pyrénées il décédera le 1er Novembre 1938 à Hasparren (Basses-Pyrénées, devenues Pyrénées atlantiques) Il est avant tout un poète, mais aussi un romancier, dramaturge et critique français Il passear la plus grande partie de son existence dans le Béarn, dans ses pyrénées natales, qui sont sa source, son inspiration.
Ce poète délicieux, restera pour les cénacles parisiens un simple provincial; Il est vrai que ce montagnard Pyrénéen retiré et solitaire ne consacre que peu au parisianisme, et pourtant il tisse de nombreuses correspondances avec ses contemporains tels que Gide ou Arthur Fontaine.
En fait, il a fait de multiples séjours à Paris, il séduit dans certains salons littéraires comme celui de Mme Léon Daudet, et il enchante Marcel Proust.
Une de ses pièces "La Brebis égarée", avait failli être montée par Lugné-Poe, et a inspiré à Darius Milhaud un opéra qui a été créé en présence du poète. Il a plusieurs fois été invité en Belgique.
Il posa plusieurs fois, mais en vain, sa candidature à l'Académie française.

Il est le fils de Victor Jammes (1831-1888) et d'Anna Bellot (1841-1934),
Il étudie au lycée de Pau puis ensuite à Bordeaux. Il sera un élève médiocre.
Cet amoureux des lettres aura un zéro en français et sera recalé au bac.
Il persiste malgré tout, confronté à l'échec et en pleine quête de lui-même, il écrit tout simplement 89 poèmes. il est en pleine quête de lui-même, il écrit des poèmes et les adresse à diverses revues. il prend goût au voyage imaginaire avec Jules Verne, puis se passionne très jeune (1880-1883) pour l'aventure entomologique, science avec prolongements poétiques!
En 1886, il découvre Baudelaire.Sa mère à plusieurs reprises fera imprimer ses poésies, à compte d'auteur à Orthez où le poète habite alors avec elle.
C'est à Orthez qu'en 1889 il devient avoué chez un notaire mais ce stage sera de courte durée, sans lendemain. Il s'y ennuie assez pour envoyer à la presse littéraires ses essais poétiques qui seront remarqués par Mallarmé, par Gide. Il va vivre de 1895 à 1898 une période Gide et va mettre le cap pour toujours vers la vie poétique. Déjà célèbre, il crée le Jammisme qui confirme qu'il n'appartient qu'à son école, genre école buissonnière (expression de Robert Mallet, en préface du recueil Deuil des Primevères).
Son principal éditeur est et restera longtemps Le Mercure de France.
En 1896, il voyage avec Gide en Algérie. Il lance en 1897 avec "Le jammisme " un vrai-faux manifeste littéraire qui le propulse à l'avant-scène de l'actualité.

En 1898, il publie son premier vrai recueil poétique, son meilleur selon certains, "De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir".
Il rencontre le poète Charles Guérin, qui viendra le visiter à Orthez et écrit pour lui plusieurs poèmes :« Ô Jammes, ta maison ressemble à ton visage...».


Vers 1890, la poésie française, bien que Rimbaud, Verlaine et Mallarmé lui aient ouvert des voies nouvelles, semble piétiner. Elle cherche vainement son unité, sa raison d’être, dans une école prétendue symboliste qui groupe des talents réels mais disparates, des aspirations généreuses mais quintessenciées. À force de se vouloir originaux, les poètes se livrent à l’étrange et même à l’excentrique. Chacun s’efforce de découvrir un domaine inexploré, pour l’exploiter à sa façon. La littérature s’encombre d’un mobilier gothique, oriental ou antique, avec des armures, des bouddhas, des griffons fabuleux, des vitraux, des statues mythologiques et des gerbes de fleurs maladives.

Albert Samain goûte le charme morbide du Jardin de l’Infante, Verhaeren erre à travers les Campagnes hallucinées, André Fontainas cueille les fruits des Vergers illusoires, Robert de Montesquiou pare sa boutonnière d’Hortensias bleus, Henri de Régnier s’intéresse aux Jeux rustiques et divins. On sent chez tous ces poètes le besoin réel de renouer avec une nature dont le contact a été perdu. Mais aucun d’eux, pas même le mieux doué, ne parvient à discerner et à traduire la véritable poésie des choses de la terre car chacune de leurs oeuvres, même la plus sincère, au lieu d’exprimer un instinct, manifeste l’effort. On attend un authentique poète de la nature chez qui la louange de la vie des champs jaillira comme un cri spontané et non comme une chanson étudiée. Ce poète existe, il n’est pas encore connu, mais déjà, dans son obscur coin de province, il a donné à des amis intimes la mesure de son génie rustique. Il s’appelle Francis Jammes.

Avec sa loyauté proverbiale, Albert Samain lui-même salue l’apparition de ce confrère provincial dont l’art risque d’éclipser le sien : " Il est réservé à un poète perdu dans le fond des Pyrénées, là-bas à Orthez, de formuler ce que d’autres tentent d’exprimer systématiquement. Au milieu de la surchauffe intellectuelle où se dessèchent les esprits, c’est comme un verre d’eau claire qu’on apporte et tous boivent avidement... "

Le miracle du jammisme se produit : pour n’avoir voulu appartenir à aucune école, pour avoir résolument banni tout effet de style, pour s’être exprimé avec une simplicité qui ne prétend qu’à traduire sans transposer, Francis Jammes impose à la littérature de la fin du XIXe siècle le sceau de sa personnalité. Son premier recueil de vers à grand tirage, De l’angélus de l’aube à l’angélus du soir, attire sur lui en 1898 l’attention de tous les « assoiffés » dont Albert Samain nous a révélé l’existence.

Voilà enfin un écrivain qui ne parle pas des champs en amateur, en promeneur du dimanche ou en moraliste. Il ne joue ni les Coppée trop citadins, ni les Zola trop militants, ni les Verhaeren trop visionnaires. Il habite la campagne, il possède une métairie. S’il ne met pas la main à la charrue, il sait comment on la manie. Il n’ignore aucun des secrets de la vie rurale, il peut appeler toutes les plantes, tous les oiseaux, tous les insectes par leurs noms. Les paysans sont ses amis, les animaux ses confidents. Il chasse, il pêche, il herborise, il jardine. Et il chante ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il sent. Il ne chante que cela. Le monde pour lui est borné par la barre bleue des forêts landaises et par le mur d’argent des glaciers pyrénéens. S’il rêve, c’est pour évoquer les Antilles fleuries de tabacs roses, brodées de palmiers luisants, chamarrées d’oiseaux multicolores, les Antilles parfumées où ses grands-parents paternels ont vécu et sont morts. Jamais ses pensées ne se laissent accaparer par les fastes illusoires de la Capitale. Il redoute l’agitation, la cohue et l’énervement des grandes villes. Il ne se plaît qu’à Orthez, dans sa petite maison dont la façade blanche, bleutée de lierre, ressemble – prétend Charles Guérin – à son visage barbu.
Il rencontre aussi Claudel en 1900 et publie l'année suivante Le Deuil des Primevères.
À trente-cinq ans, il vit très mal l'échec d'une histoire d'amour qui lui inspire le groupe de poèmes intitulé "Tristesses" publié en 1906 dans son recueil Clairières dans le ciel.
En 1905, il va se convertir au catholicisme et reprendre des pratiques religieuses, à Labastide-Clairence, le 7 juillet de cette année, Claudel, de retour de Chine, sert la messe qui marque l’évènement.
Sa poésie devient plus religieuse et dogmatique.
Début octobre 1907, à Lourdes, il a 39 ans, il se fiance à Geneviève Goedorp, une fervente admiratrice avec laquelle il a correspondu pendant quelques semaines, il l' épouse à Bucy-le-Long, près de Soissons, dans l'Aisne .
Le poète séjournera alors dans l'Aisne dans les années qui suivront son mariage. Le couple aura sept enfants, l'aînée est prénommée Bernadette par référence à sainte Bernadette de Lourdes, le quatrième, Paul, à cause de Claudel.
En 1912 paraissent les Géorgiques chrétiennes. Jusqu'à sa mort, sa production poétique mais aussi romanesque et dramatique demeurera importante, mais sans retrouver son public d'avant sa "conversion ".
Francis Jammes mourra en 1938, après être demeuré fidèle à ses Pyrénées. Né en Bigorre, fixé dans le Béarn pendant plus de trente ans, et mort au Pays basque, il accordera toujours à la nature la part privilégiée de ses sentiments. Son oeuvre se présente comme un immense poème à la gloire de la création dans ce qu’elle a de plus pur et de moins interprété par l’homme.
Il meurt à Hasparren à la Toussaint (1 novembre 1938).


Francis Jammes dans le monde


En France, on ne connaît au mieux de Jammes que ses premières œuvres, les plus libres et sensuelles.
À l'étranger seulement, et spécialement en Allemagne, Autriche et Suisse alémanique, son œuvre, toute son œuvre, est encore aujourd'hui très vivante.
Elle a enchanté Rainer Maria Rilke , qui en témoigne aux premières pages des Cahiers de Malte Laurids Brigge,
Ernst Stadler, qui a traduit ses Quatorze prières,
l'éditeur Kurt Wolff , qui a publié une magnifique édition illustrée de son Roman du lièvre , Hasenroman,
Kafka, qui dans son Journal avoue le bonheur éprouvé à la lecture de Jammes et beaucoup d'autres.
Toute son œuvre en prose ou presque a été traduite et publiée par Jakob Hegner, de Leipzig.
Lili Boulanger a mis en musique son recueil Clairières dans le ciel, Claude Arrieu "Ah ! Quand verrai-je des îles", Marc Berthomieu "La salle à manger" et
Georges Brassens un choix de strophes du poème "Rosaire" sous le titre "La Prière".
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Les campagnes "qui tressaillent comme des ventres de femmes enceintes" lui ont livré "l’obscure douceur des choses villageoises". La vie des bourgades, des hameaux, des fermes s’accorde au rythme de sa respiration. Il s’introduit jusque dans les foyers les plus humbles pour nous en restituer le charme. Suivant en cela l’exemple de Lamartine, il prend plaisir à s’entretenir avec les paysans dont il a appris à percer l’âme peu expansive. Les hommes des champs apparaissent aussi souvent dans ses poèmes qu’il les rencontre au détour d’un chemin ou courbés sur leurs travaux. Il les voit tels qu’ils sont, c’est-à-dire dans leur humilité et leur grandeur. Pour les décrire, il n’embouche pas comme Victor Hugo la trompette emphatique qui célèbre "le geste auguste du semeur ", il se contente d’effets aussi simples que le sujet offre de simplicité, nous montrant par exemple

... des paysans calmes
Qui semblent réfléchir et qui ont l’air au loin
De se fondre dans la nuit lentement et grands.

Il concilie ainsi l’exactitude scrupuleuse et la suggestibilité, la réalité et la poésie. Dans des oeuvres comme Jean de Noarrieu et les Géorgiques chrétiennes, il passe du didactisme au lyrisme avec un art des transitions qui n’appartient qu’à lui. Le cycle des travaux ruraux se développe comme une vaste fresque où les détails accumulés, loin de nuire à la majesté de l’ensemble, lui apportent d’harmonieuses nuances.

Lorsque Francis Jammes ne nous fait pas communier avec l’âme proprement agricole de la campagne, il nous entraîne à sa suite dans ses interminables courses de chasseur qui sont pour lui autant de prétextes à rêveries et à exaltations spirituelles. Ses sentiments amoureux le conduisent aussi dans les champs, car il aime à aimer " à ciel ouvert " en union étroite avec la nature qui lui semble participer à ses joies sensuelles et près de laquelle il cherche une consolation dès qu’il souffre.

Il reconnaît lui-même qu’il possède des sens de faune et se compare volontiers à un silène, mais il demeure curieusement chrétien dans sa sensualité païenne. Bien avant de songer à pratiquer le catholicisme, il ne perçoit jamais mieux la présence d’un Dieu de bonté que pendant ses promenades à travers la campagne. Quand il subit la crise qui prélude, en 1905, à son retour à la foi, c’est vers une Église habillée de feuilles qu’il se dirige, vers "une chapelle des champs vêtue d’un petit bois" dont la modeste cloche retentit "sur la gloire des maïs d’août, au-dessus des granges recueillies, au-dessus des greniers et des aires, au-dessus des batteuses qui ronflent". Et cette identification de Dieu avec la Nature trouve sa plus belle consécration dans les Géorgiques chrétiennes dont le seul titre exprime un religieux amour de la Terre.

"La paix est dans les bois silencieux ", a-t-il constaté. Le voilà donc parti pour y pacifier son âme trop sensible, en perpétuel état de tension. Quelle moisson de fleurs et de plantes il va rapporter le soir ! Sa boîte de botaniste « couleur d’insecte vert » ne suffira pas à les contenir. Il y faudra aussi le carnier. Cette passion de la botanique qui le rapproche de Bernardin de Saint-Pierre, Jean-Jacques Rousseau et Lamartine fait de sa poésie un odorant herbier. " Les arbres aussi bien que les fleurs et les fruits représentent pour moi des êtres et des sentiments, confie-t-il, et mon souvenir est, si je puis dire, végétal. "

Il traite avec le plus grand sérieux "de la folie, de l’ouïe, de l’odorat, de la vue chez les végétaux » ou bien « de l’amour d’une immortelle des neiges ". Et nous assistons dans Existences à d’étranges conversations entre lui et des platanes, des coquelicots, des légumes ou même des pelouses.

Ce don qu’il possède de communiquer avec l’âme secrète des choses le porte à compatir non seulement à la souffrance présumée d’un épi de blé malade, mais aussi à celle des pierres que l’on casse au bord des routes. Sans se soucier des railleries, il publie sa sympathie affectueuse pour des objets que les conventions du coeur dédaignent ou ignorent : "Moi qui ne savais faire que mon âme pliât devant des hommes, je l’ai prosternée devant des choses. Un rayonnement émanait d’elles, pareil au frisson d’une amitié. Je les sentais, je les sens vivre autour de moi. Elles sont dans mon obscure royauté. Je me sens responsable envers elles comme un frère aîné".

Si Francis Jammes se penche avec une telle ferveur fraternelle sur la vie mystérieuse des végétaux et des minéraux, nous ne serons pas étonnés de découvrir en lui le défenseur le plus passionné des bêtes. Sa poésie n’est pas qu’un herbier, elle est aussi une arche de Noé. Il s’intéresse à tous les animaux, à ceux de la ferme comme à ceux des champs et des bois, aux poissons comme aux insectes, aux plus séduisants comme aux plus vulgaires. Au lieu de leur prêter, à la façon du Fabuliste, des sentiments humains, ce sont leurs propres sentiments qu’il tâche d’exprimer par sa voix. Il devient en somme leur interprète, il se met dans leur peau. Et de s’être ainsi solidarisé avec eux, lui fait comprendre "toute l’infinité résignée et muette de leurs douleurs". Ici le naturaliste s’efface pour laisser la place au disciple de saint François d’Assise qui s’écrie :

Je veux emplir mon coeur du Coeur des animaux.

L’oiseau et le lièvre blessés (tardif remords du chasseur impénitent), le poisson en train d’asphyxier hors de l’eau, ou l’ours brutalisé à la foire par le montreur, s’attirent sa compassion, mais non moins que le veau mené à l’abattoir, le cochon égorgé, les boeufs aiguillonnés, les vieux chevaux morts à la tâche, les chats galeux et perdus, les chardonnerets mis en cage. De toutes les souffrances animales, celles du chien et de l’âne éveillent dans son âme le plus de résonance. Le chien est son meilleur ami, il trouve en lui la résignation, la bonté et la constance qui manquent aux hommes. Quant à l’âne, "l’âne doux du ciel bleu", il n’hésite pas, au prix des sarcasmes, à le considérer comme un... poète, et même à se comparer à lui. Ne va-t-il pas jusqu’à demander à Dieu de monter au paradis avec maître Aliboron et de retrouver là-haut la compagnie de sa chienne Flore ?

Ainsi, Francis Jammes voue son génie poétique à l’exaltation de sa terre natale, mais il réussit en nous décrivant les paysans, les champs, les arbres, les animaux de "chez lui ", à nous emporter au delà de son cadre provincial dans un monde qui n’est plus pyrénéen mais universel. Et c’est ce qui place son oeuvre très au-dessus de celles de tous les autres poètes géorgiques français – Mistral mis à part – qui n’ont pu dépasser la vérité locale pour accéder à la vérité humaine.


Un demi-siècle déjà s’est écoulé depuis la parution des premiers essais de Francis Jammes, et les années en s’accumulant, loin de plonger son oeuvre dans la brume où s’évanouissent les modes éphémères, font ressortir sa valeur permanente. Ayant su refuser de sacrifier aux actualités qui consacrent sans coup férir les talents à elle consacrés, notre poète demeurera d’une éternelle actualité : plus que jamais dans les remous de notre époque, nous avons besoin de nous rafraîchir l’âme, d’oublier les querelles intestines et internationales et de croire à une poésie qui ne prétend prendre parti que pour la rose, le soleil ou l’âne.

Exhumer d’un vieux coffre de bois, dans la maison de Francis Jammes, à côté de celle qui fut sa compagne et se dévoue à son souvenir, exhumer des manuscrits inédits, voilà l’émouvante joie qui me fut réservée au printemps dernier. Sur un papier de grand format, jauni par le temps, d’une écriture petite mais appuyée, le poète avait rédigé quelques impressions de jeunesse, sans davantage se décider à les publier qu’à les détruire. Fallait-il les enfouir à nouveau dans leur tombeau ? N’était-il pas sacrilège de publier ce que l’auteur avait écarté de la publication ? N’y avait-il pas intérêt, au contraire à révéler un aspect mal connu du poète au moment ou l’Université, alertée par trois projets de thèses sur son oeuvre, risquait de l’enrôler parmi les classiques ? Finalement, les considérations d’enseignement et de divulgation l’emportèrent sur les autres, et les deux poèmes ont vu maintenant le jour officiellement.

Il reste à redire au lecteur qu’on ne lui a point livré des oeuvres de maturité. Francis Jammes – l’écriture et les sentiments exprimés l’indiquent – avait environ vingt ans quand il les composa. Il s’y montre encore respectueux des règles prosodiques que plus tard il abandonnera résolument. Mais on y décèle, à côté d’un certain excès de facilité dans l’expression, les qualités les plus représentatives de ce qui constituera le fond de décor lyrique du jammisme : la tendresse, la pureté, le mysticisme, et sur toute cette douceur sentimentale, l’imprégnant de son parfum de glèbe, l’amour de la Nature

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La Salle à manger


Il y a une armoire à peine luisante
qui a entendu les voix de mes grand-tantes,
qui a entendu la voix de mon grand-père,
qui a entendu la voix de mon père.
À ces souvenirs l’armoire est fidèle.
On a tort de croire qu’elle ne sait que se taire,
car je cause avec elle.

Il y a aussi un coucou en bois,
Je ne sais pourquoi il n’a plus de voix.
Je ne veux pas le lui demander.
Peut-être bien qu’elle est cassée,
la voix qui était dans son ressort,
tout bonnement comme celle des morts.

Il y a aussi un vieux buffet
qui sent la cire, la confiture,
la viande, le pain et les poires mûres.
C’est un serviteur fidèle qui sait
qu’il ne doit rien nous voler.

Il est venu chez moi bien des hommes et des femmes
qui n’ont pas cru à ces petites âmes.
Et je souris que l’on me pense seul vivant
quand un visiteur me dit en entrant :
– Comment allez-vous, monsieur Jammes ?

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Francis JAMMES.


De l'Angelus de l'aubeà l'Angelus du soir, 1888-1897 de Francis Jammes
Avec ton parapluie et tes brebis sales
avec tes vêtements qui sentent le fromage
tu t'en vas vers le ciel du côteau, appuyé
sur ton bâton de houx, de chêne ou de néflier.
Tu suis le chien au poil dur et l'âne portant
les bidons ternes sur son dos saillant.
Tu passeras devant les forgerons des villages
puis tu regagneras la balsamique montagne
où ton troupeau paîtra comme des buissons blancs.
Là, des vapeurs cachent les pics en se traînant.
Là, volent les vautours au col pelé et s'allument
des fumées rouges dans les brumes nocturnes.
Là, tu regarderas avec tranquillité,
l'esprit de Dieu planer sur cette immensité

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De l'Angelus de l'aubeà l'Angelus du soir, 1888-1897 de Francis Jammes
Le pauvre pion doux si sale m'a dit : j'ai
bien mal aux yeux et le bras droit paralysé.
Bien sûr que le pauvre diable n'a pas de mère
pour le consoler doucement de sa misère.
Il vit comme cela, pion dans une boîte,
et passe parfois sur son front froid sa main moite.
Avec ses bras il fait un coussin sur un banc
et s'assoupit un peu comme un petit enfant.
Mais au lieu de traversin bien blanc, sa vareuse
se mêle à sa barbe dure, grise et crasseuse.
Il économise pour se faire soigner.
Il a des douleurs. C'est trop cher de se doucher.
Alors il enveloppe dans un pauvre linge
tout son pauvre corps misérable de grand singe.
Le pauvre pion doux si sale m'a dit : j'ai
bien mal aux yeux et le bras droit paralysé.

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« Je pense à vous … »


Je pense à vous. Mes yeux vont du buisson de roses
aux touffes du chaud seringa.
Je voudrais vous revoir quand les raisins muscats
Dorment auprès des reines-claudes.


Depuis que je suis né, je sens au fond du cœur
Je ne sais quoi d'inexplicable.
Je vous dis que la rose est tombée sur le sable,
que la carafe est sur la table,
que la fille a mis ses sandales
et que le scarabée est plus lourd que la fleur.


- Mais tous ces foins, les aura-t-on bientôt fanés?
- O mais, mon amie, tout se fane :
le foin tremblant, le pied de l'âne,
le chant du merle et les baisers.

- Mais nos baisers, ami, ne se faneront point?
- Non certainement. Que le foin
se fane, dis-je, c'est bien.
Mais nos baisers, amie, ne se faneront point.


Francis Jammes
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Poème extrait du recueil Clairières dans le Ciel (1906)

J’aime l’âne si doux
marchant le long des houx.
Il prend garde aux abeilles
et bouge ses oreilles ;
et il porte les pauvres
et des sacs remplis d’orge.
Il va, près des fossés,
d’un petit pas cassé.
Mon amie le croit bête
parce qu’il est poète.
Il réfléchit toujours.
Ses yeux sont en velours.
Jeune fille au doux cœur,
tu n’as pas sa douceur [...]



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Prière à Marie

Poème de Francis Jammes interprété par Georges Brassens

Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
Tandis que des enfants s'amusent au parterre
Et par l'oiseau blessé qui ne sait pas comment
Son aile tout à coup s'ensanglante et descend
Par la soif et la faim et le délire ardent
Je vous salue, Marie.

Par les gosses battus, par l'ivrogne qui rentre
Par l'âne qui reçoit des coups de pied au ventre
Et par l'humiliation de l'innocent châtié
Par la vierge vendue qu'on a déshabillée
Par le fils dont la mère a été insultée
Je vous salue, Marie.

Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids
S'écrie: " Mon Dieu ! " par le malheureux dont les bras
Ne purent s'appuyer sur une amour humaine
Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène
Par le cheval tombé sous le chariot qu'il traîne
Je vous salue, Marie.

Par les quatre horizons qui crucifient le monde
Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe
Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains
Par le malade que l'on opère et qui geint
Et par le juste mis au rang des assassins
Je vous salue, Marie.

Par la mère apprenant que son fils est guéri
Par l'oiseau rappelant l'oiseau tombé du nid
Par l'herbe qui a soif et recueille l'ondée
Par le baiser perdu par l'amour redonné
Et par le mendiant retrouvant sa monnaie
Je vous salue, Marie.


Ses Oeuvres



Six Sonnets, Orthez, Typographie J. Goude, Dumesnil, 1891 (7 pages)
Vers, Orthez, Typographie J. Goude, Dumesnil, 1892 (18 pages)
Vers, Orthez, Typographie J. Goude, Dumesnil, 1893 (35 pages)
Vers, Paris, Ollendorff, 1894 (34 poèmes dont quinze inédits).
Un jour, Paris, Mercure de France, 1895 (poème dialogué et quinze poèmes inédits)
Notes sur des oasis et sur Alger, Paris, Mercure de France, 1896
La Naissance du Poète, Bruxelles, Le Coq Rouge, 1897 (poème dialogué)
Le Jammisme, 1897 (manifeste)
La Mort du Poète, 1897
Quatorze prières, Orthez, Imprimerie Faget, 1898
De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir, Paris, Mercure de France, 1898 (poésie)
La Jeune Fille nue, Paris, L'Ermitage, 1899 (poème dialogué)
Le Poète et l'oiseau, Paris, L'Ermitage, 1899 (poème dialogué)
Clara d'Ellebeuse ou l'histoire d'une ancienne jeune fille, Paris, Mercure de France, 1899 (roman)
Almaïde d'Étremont ou l'histoire d'une jeune fille passionnée, Paris, Mercure de France, 1900 (roman)
Existences, Paris, Mercure de France, 1900
Le Deuil des primevères, Paris, Mercure de France, 1901 (poésie)
Le Triomphe de la vie, 1902 (prose)
Jean de Noarrieu, 1902 (roman en vers)
Le Roman du lièvre, Paris, Mercure de France, 1903 (roman)
Pomme d'Anis ou l'histoire d'une jeune fille infirme, 1904 (roman)
Jonquille ou l'histoire d'une folle, 1904 (non publié, roman inachevé)
Tristesses, poésie, Orthez, Imprimerie Faget, 1905
Pensée des jardins, Paris, Mercure de France, 1906 (prose et vers)
Clairières dans le ciel (contient L'Église habillée de feuilles), Paris, Mercure de France, 1906 (poésie)
Rayons de miel, Paris, Bibliothèque de l'Occident, 1908 (poésie)
Poèmes mesurés, Paris, Mercure de France, 1908
Ma fille Bernadette, Paris, Mercure de France, 1910 (prose poétique)
Les Géorgiques chrétiennes, chants I et II, Paris, Mercure de France, 1911
Les Géorgiques chrétiennes, chants III et IV, Paris, Mercure de France, 1911
Les Géorgiques chrétiennes, chants V, VI et VII, Paris, Mercure de France, 1912
Feuilles dans le vent (contient notamment La Brebis égarée, théâtre), Paris, Mercure de France, 1913 (prose et poésie)
Cinq prières pour le temps de la guerre, Paris, Librairie de l'Art Catholique, 1916
Le Rosaire au soleil, Paris, Mercure de France, 1916 (roman)
Monsieur le curé d'Ozeron, Paris, Mercure de France, 1918 (roman)
La Vierge et les sonnets, Paris, Mercure de France, 1919 (poésie)
La Rose à Marie, avec des bois gravés d'André Deslignières Paris, Edouard Joseph, 1919
Une vierge, avec des bois dessinés par Gayac, Paris, Édouard Joseph, 1919 (conte)
Le Noël de mes enfants, avec des bois gravés d'A. Roubille, Paris, Édouard Joseph, 1919 (conte)
Le Poète Rustique, suivi de L'Almanach du Poète Rustique, Paris, Mercure de France, 1920 (prose)
Épitaphes, Paris, Librairie de l'Art Catholique, 1921 (poésie)
Le Bon Dieu chez les enfants, Paris, Plon-Nourrit, 1921 (prose)
Le Livre de Saint Joseph, Paris, Plon-Nourrit, 1921 (prose)
De l'âge divin à l'âge ingrat, 1er volume des mémoires, Paris, Plon-Nourrit, 1921 (prose)
Le Tombeau de Jean de la Fontaine, Paris, Mercure de France, 1921 (poésie)
L'Amour, les muses et la chasse, 2e volume des mémoires, Paris, Plon-Nourrit, 1922 (prose)
Le Poète et l'inspiration, avec des eaux-fortes et gravures d'Armand Coussens, Nîmes, A. Gomès, 1922 (prose)
Le Premier Livre des quatrains, Paris, Mercure de France, 1923 (poésie)
Le Deuxième Livre des quatrains, Paris, Mercure de France, 1923 (poésie)
Les Caprices du Poète, 3e volume des mémoires, Paris, Plon-Nourrit, 1923 (prose)
Cloches pour deux mariages, Le Mariage basque, Le Mariage de raison, Paris, Mercure de France, 1923 (nouvelles)
Le Troisième Livre des quatrains, Paris, Mercure de France, 1924 (poésie)
Brindilles pour rallumer la foi, Paris, Spes, 1925 (prose)
Le Quatrième Livre des quatrains, Paris, Mercure de France, 1925 (poésie)
Les Robinsons Basques, Paris, Mercure de France, 1925 (roman)
Ma France poétique, Paris, Mercure de France, 1926 (poésie)
Trente-six femmes, psychologie féminine, Paris, Mercure de France, 1926 (prose)
Basses-Pyrénées, histoires naturelles et poétiques, Paris, Émile-Paul, 1926 (prose)
Lavigerie, Paris, Flammarion, 1927 (biographie)
Le Rêve franciscain, suivi de Petites fleurs de Saint-François d'Assise, Paris, Crès, 1927 (vers et prose)
Ouverture du Printemps, 1927 (poésie)
Diane, Paris, L'Ermitage, 1928 (drame en trois actes)
La Divine Douleur, Paris, Bloud et Gay, 1928 (nouvelles)
Janot-Poète, Paris, Mercure de France, 1928 (roman)
Les Nuits qui me chantent, Paris, Flammarion, 1928 (poésie)
Îles, Lausanne, Mermod, 1928 (prose)
La Vie de Guy de Fontgalland, Paris-Lyon, Vielle, 1929 (biographie)
Champêtreries et méditations, Paris, Horizons de France, 1930 (prose)
Leçons poétiques, Paris, Mercure de France, 1930 (critique)
L'Arc-en-ciel des amours, Paris, Bloud et Gay, 1931 (prose)
L'École buissonnière, ou Cours libre de proses choisies, Paris, Mercure de France, 1931
L'Antigyde ou Élie de Nacre, Paris, Mercure de France, 1932 (roman)
Pipe Chien (roman), suivi de Le Rêve franciscain, Îles, 1933 (prose)
La Pharmacie du Bon Samaritain, Paris, Les Œuvres représentatives, 1934 (prose)
Le Crucifix du poète, Paris, Maurice d'Hartoy, 1935 (prose)
Alouette, Paris, Gallimard, 1935 (poésie)
De tout temps à jamais, Paris, Gallimard, N.R.F., 1935 (poésie)
Dieu, l'âme et le sentiment, Paris, Gallimard, 1936 (prose)
Le Pèlerin de Lourdes, Paris, Gallimard, 1936 (prose)
Sources, Paris, Le Divan, 1936 (poésie)
La Légende de l'aile ou Marie-Élisabeth, Uzès, La Cigale, 1938 (roman)
Publications posthumes
Dialogue Stéphane Mallarmé - Francis Jammes, introduction et notes de G. Jean-Aubry, La Haye, Stols, 1940 (correspondance)
Dix poèmes, préface de Pierre Espil)
Saint Louis, avec des dessins en noir et blanc d'Edmond Ernest, Paris, Sorlot, 1941 (récit historique)
Variations dans un air français, Paris, Mercure de France, 1942 (prose)
Deux femmes (Mamore, Simone), Paris, Daragnès, 1943 (prose)
Élégies et poésies diverses, 1943
Rappel de la ville de Bordeaux, Bordeaux, Rousseaux frères, 1943 (prose)
Sources et feux, Paris, Mercure de France, 1944 (poésie)
Solitude peuplée, Fribourg, Egloff, 1945 (prose)
La Grâce, 1946
Prends nos vieux souvenirs, poésie, Paris, L'Ancre d'Or, 1948
Le Patriarche et son troupeau, préface de Mme Francis Jammes, 4e volume des mémoires (contient notamment Airs du mois), Paris, Mercure de France, 1949 (prose)
Le Poème d'ironie et d'amour, Paris, La Librairie universelle, 1950 (poésie)
Correspondance[modifier]

avec Stéphane Mallarmé, Dialogues (1893-1897), G. Jean Aubry (éd.), La Haye, A. A. M. Stols, 1940 (1943). Ouvrage publié clandestinement pendant l'occupation allemande.
avec Colette, Une amitié inattendue, Robert Mallet (éd.), Paris, Émile-Paul, 1945.
avec Albert Samain, Une amitié lyrique, Jules Mouquet (éd.), Paris, Émile-Paul frères, 1945.
avec André Gide (1893-1938), Robert Mallet (éd.), Paris,) Gallimard, 1948.
avec Paul Claudel, Gabriel Frizeau. (1897-1938), avec des lettres de Jacques Rivière, André Blanchet (éd.), Paris, Gallimard, 1952.
avec Arthur Fontaine (1898-1930), Jean Labbé (éd.), Paris, Gallimard, 1959.
avec Francis Viélé-Griffin (1893-1937), Reinhard Kuhn (éd.), Genève, Droz, 1966.
avec Thomas Braun (1898-1937), Daniel Laroche (éd.), Benoît Braun (introd.), Bruxelles, Palais des académies, 1972.
avec Henri Ghéon, Jean Tipy (éd.), Pau, J.& D., 1988.
avec Ginette Goedorp [future Mme Francis Jammes] (1907) in Le Mariage providentiel de Francis Jammes, Louis Férin et Claude Thiébaut (éd.), Biarritz : Atlantica, 1997.
avec Gabriel Frizeau, (1897-1937), Victor Martin-Schmets (éd.), Biarritz, Atlantica, 1997.
Lettres éparses
Deux lettres de Francis Jammes in Paul Claudel, André Gide. Correspondance (1899-1926), Robert Mallet (éd.), Paris, G




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Posté le : 02/12/2012 13:06
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Le marquis de Sade suite
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Gilbert Lely (1904-1985), qui compose une œuvre poétique personnelle, reprend la mission d’éditeur et de biographe de Maurice Heine. Il entreprend la première grande biographie de référence, La Vie du marquis de Sade, sans cesse parfait rangées dans deux caisses, fermées depuis 1815 d’un cordon rouge – la correspondance écrite au donjon de Vincennes et à la Bastille, des œuvres de jeunesse, deux romans, des pièces de théâtre.
Jean-Jacques Pauvert (né en 1926) est le premier éditeur à publier l’œuvre intégrale de Sade, sous son nom d'éditeur Jean-Jacques Pauvert. Il encourt la prison. Il a vingt-et-un ans, mais prend le risque et publie, de 1947 à 1949, l’Histoire de Juliette. Accusé de démoraliser la jeunesse, traîné en justice, suspendu de ses droits civiques, mais défendu par Me Maurice Garçon, expert des lois sur la censure, il achève néanmoins son entreprise en 1955 et gagne en 1957 ses procès en appel. En 1958, le tribunal déclare que "Sade est un écrivain digne de ce nom ". En 1986, Jean-Jacques Pauvert met en chantier une nouvelle biographie avec les trois volumes de Sade vivant (1986-1990).
Maurice Lever (1935-2006), après d’importantes découvertes dans les archives familiales entièrement mises à sa disposition (citons en particulier les révélations sur la vie du comte de Sade), publie en 1991 la troisième grande biographie du marquis de Sade, puis une édition de ses Papiers de famille (1993 et 1995), son Voyage d'Italie (1995) et des lettres inédites échangées par le marquis et sa belle-sœur Anne-Prospère de Launey, chanoinesse séculière chez les bénédictines, Je jure à M. le marquis de Sade, mon amant, de n’être jamais qu’à lui… (2005).

Sade philosophe

Sade s’est toujours proclamé philosophe : « Je suis philosophe, tous ceux qui me connaissent ne doutent pas que j’en fasse gloire et profession ". Jean Deprun, dans son article d’introduction aux Œuvres du marquis dans la Pléiade pose la question " Sade fut-il philosophe ? " pour répondre par l’affirmative : "Sade est philosophe au sens polémique du mot. Philosophe ne veut pas dire ici confrère posthume de Platon ou de Descartes, mais adepte des Lumières. "
Sade a toujours voulu être un homme des Lumières et son matérialisme a toujours procédé des Lumières les plus radicales. Les « dissertations » (le mot est de lui) philosophiques qu’il fait alterner avec les scènes de ses romans sont le plus souvent des emprunts directs — parfois de plusieurs pages — aux philosophes matérialistes des Lumières : d’Holbach, La Mettrie, Diderot.
Deprun note cependant trois importantes déviances par rapport aux principes des Lumières en passant de la physique à l’éthique : « l’isolisme", l’homme sadien est un solitaire ; autrui n’est pour lui qu’une proie, un moyen de plaisir ou, au mieux, un complice, « l’intensivisme », il faut pour que le plaisir soit complet que le choc soit le plus violent possible, tout est bon quand il est excessif, et " l’antiphysisme ", la nature est mauvaise et la seule façon de la servir est de suivre son exemple, la nature ne dispose que d’éléments en nombre fini, le meurtre, la destruction sous toutes ses formes lui permettent non seulement de multiplier, mais de renouveler ses productions, telle est la doctrine standard de Sade.
Sade garde le droit de se dire philosophe, conclut Deprun, révélateur d’une tendance extrême des Lumières, « fils naturel, au double sens du terme, illégitime et non moins ressemblant"
.
Sade et la religion

L'athéisme est un thème récurrent dans les écrits de Sade, ses personnages niant avec vigueur l'existence de Dieu autant qu'ils contestent la morale chrétienne. Le Dialogue entre un prêtre et un moribond tourne tout entier autour de la réfutation de l'existence de Dieu. L'athéisme exprimé dans ce texte est encore raisonné et serein, mais il se radicalise dans les œuvres postérieures, devenant de plus en plus virulent et extrême. Sade lui-même se dit " athée jusqu'au fanatisme ". Réclamant à Mme de Sade un livre de d’Holbach, il se déclare " sectateur jusqu’au martyre, s’il le fallait " de l’athéisme qui y est exposé. En tant que secrétaire de la section des Piques, il écrit, signe de son nom et lit devant la Convention nationale le texte d'une pétition sur l'abandon des " illusions religieuses ", réclamant notamment que les lieux de cultes soient transformés en temples dédiés aux "vertus " et que « l'emblème d'une vertu morale soit placé dans chaque église sur le même autel où des vœux inutiles s'offraient à des fantômes ".
Sade est généralement cité comme l'un des athées les plus virulents des auteurs de la littérature française, et l'apôtre d'une pensée matérialiste issue du contexte intellectuel du XVIIIe siècle,. Maurice Blanchot écrit " l'athéisme fut sa conviction essentielle, sa passion, la mesure de sa liberté ". Gilbert Lely juge que l'athéisme de Sade englobe " une égale et furieuse réprobation de tout ce qui représente à ses yeux une entrave à la liberté native de l'homme, qu'il s'agisse d'une tyrannie d'ordre religieux, politique ou intellectuel ".
Pierre Klossowski a émis dans l'ouvrage Sade mon prochain (paru en 1947) une thèse sur l'athéisme de Sade, qu'il juge paradoxal, estimant qu'on ne peut blasphémer - ce que Sade, via ses personnages, fait avec constance - contre un Dieu que l'on estime par ailleurs inexistant. Klossowski postule que Sade prend " le masque de l'athéisme pour combattre l'athéisme ". Cette interprétation suscite alors des polémiques : l'écrivain surréaliste Guy Ducornet publie le pamphlet Surréalisme et athéisme : " à la niche les glapisseurs de dieu! ", dans lequel il s'en prend notamment à Sade mon prochain. Albert Camus reprend par la suite l'argument de Klossowski, jugeant que "devant la fureur du sacrilège ", on hésite à croire à l'athéisme de Sade, malgré ce que ce dernier croit et affirme. Simone de Beauvoir écrit, dans Faut-il brûler Sade : " Malgré l'intérêt de l'étude de Klossowski, j'estime qu'il trahit Sade quand il prend son refus passionné de Dieu pour l'aveu d'un besoin ". Klossowski lui-même finit par renoncer à sa lecture, et l'indique dans une réédition de Sade mon prochain. L'universitaire Laurent Jenny juge que l'hypothèse de Klosskowski sur une « stratégie littéraire", que Sade aurait suivie en jouant l'athéisme, est difficile à concilier avec le texte rédigé pour la section des Piques ; il reconnaît néanmoins à Klossowski le mérite d'avoir " problématisé " l'athéisme de Sade.
Les écrits de Sade laissent entendre qu'il ne considérait les insultes envers Dieu, être selon lui inexistant, que sous l'angle de l'excitation qu'elles pouvaient apporter. Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, qui rapporte cette interprétation, souligne cependant : « Dans quelle mesure les blasphèmes sont réellement compatibles avec l’athéisme. Ce sont des insultes. Or pour être cohérentes elles impliquent forcément deux conditions préalables : l’existence et l’importance de ce qui est insulté. Le problème est que Sade athée nie l’un et l’autre. Il passe donc son temps à s’adresser à des êtres qui n’existent pas, à profaner des chimères auxquelles soi-disant, il n’accorde pas la moindre considération. Ce paradoxe célèbre intrigue depuis toujours les commentateurs". Le même auteur note que "l’athéisme de Sade est complexe et que ses rapports avec la religion sont ambivalent" : connaisseur des textes religieux, Sade semble avoir reconnu à la religion un rôle social, la rejetant en constatant qu'elle échouait à faire le bonheur des hommes. Selon une autre interprétation, la virulence du blasphème et de l'athéisme sadiens viendraient de ce que Sade reproche à Dieu de ne pas exister : l'inexistence même de Dieu est alors perçue comme cause de l'injustice, dont Sade lui-même se juge victime.

Œuvres

-Justine ou les Malheurs de la vertu, édition originale de 1791, ornée d’un frontispice allégorique de Chéry représentant la Vertu entre la Luxure et l’Irréligion. Le nom de l’auteur ne figure pas sur la page de titre et le nom de l’éditeur (Girouard à Paris) est remplacé par la mention : " En Hollande, chez les Libraires associés ".
-Œuvres anonymes et clandestines
Objets de scandale et d'effroi dès leur parution, interdites jusqu'en 1960, elles sont à l'origine de la renommée de leur auteur et lui valurent ses dernières années d'emprisonnement. Sade a toujours soutenu opiniâtrement qu'elles n'étaient pas de sa plume.
Justine ou les Malheurs de la vertu, publié en 1791 (version augmentée du conte Les Infortunes de la vertu, rédigé en 1787).
-La Philosophie dans le boudoir, publié en 1795.
-La Nouvelle Justine, suivi de l’Histoire de Juliette, sa sœur (également titré Histoire de Juliette, ou les Prospérités du vice), et leurs cent et une gravures, la plus importante et la plus radicale des œuvres publiées de son vivant (1799).
-Les Cent Vingt Journées de Sodome, manuscrit disparu à la prise de la Bastille, retrouvé en 1904 par Iwan Bloch, publié en 1931-1935 par Maurice Heine.
-Le manuscrit des Journées de Florbelle ou la Nature dévoilée, rédigé en 1804 à Charenton, sera saisi par la police en 1807 et livré aux flammes, à la mort du marquis, sur requête de son fils qui assistera à l'autodafé


Œuvres officielles

Reconnues par Sade, elles sont d'inspiration érotique mais non pornographique — " gazées " selon l'expression de leur auteur.
Le Comte Oxtiern ou les Effets du libertinage, seule pièce de Sade — sur dix-sept connues — représentée au théâtre en 1791 et publiée en 1800. Les autres pièces, non imprimées de son vivant, ont été publiées en 1970 par Jean-Jacques Pauvert.
Aline et Valcour publiée en 1795.
Florville et Courval publiée en 1799.
Les Crimes de l'Amour publiée en 1800, recueil de onze nouvelles composées à la Bastille entre 1787 et 1788, précédées d'un court essai intitulé Idée sur les romans (essai sur le genre romanesque commenté dans l'article Réflexions sur le roman au xviiie siècle).
La Marquise de Gange, quoique publiée anonymement en 1813, est de la même veine que Les Crimes de l'Amour.
Nommé secrétaire de la section des Piques, le " citoyen Sade, hommes de lettre " a rédigé pour sa section, en 1792 et 1793, des discours ou des pétitions qui nous sont parvenus :
Idée sur le mode de la sanction des lois (novembre 1792).
Pétition des Sections de Paris à la Convention nationale (juin 1793).
Discours aux mânes de Marat et de Le Pelletier (septembre 1793).
Pétition de la Section des Piques aux représentants du peuple français (novembre 1793).
Le manuscrit inédit du Dialogue entre un prêtre et un moribond, manifeste de l'athéisme irréductible de Sade, rédigé au donjon de Vincennes en 1782, a été découvert et publié en 1926 par Maurice Heine, ainsi que Historiettes, Contes et Fabliaux.
Sade est également l'auteur d'un roman historique, Histoire secrète d'Isabelle de Bavière, reine de France, achevé à Charenton en 1813, dans lequel, s'appuyant sur des documents disparus, d'après lui, lors de la Révolution Française, il soutient la thèse controversée d'une Isabelle machiavélique et criminelle, se livrant aux pires horreurs, et sacrifiant à son inextinguible ambition tout sentiment de vertu et d'honneur. Cet ouvrage fut publié en 1964, agrémenté d'un avant-propos de Gilbert Lely.
Correspondance, Journal de Charenton


création inspirée par l'oeuvre de Sade :

Au cinéma


-L'Âge d'or : film français (1930) de Luis Buñuel, avec la collaboration de Salvador Dalí pour le scénario.
-Le dernier épisode, transposition des Cent Vingt Journées de Sodome, évoque une orgie dont l'un des protagonistes est le Christ.
-Hurlements en faveur de Sade : film expérimental sans images (1952) de Guy Debord.
-Le Vice et la Vertu : film franco-italien (1963) de Roger Vadim, qui transpose les personnages de Justine et Juliette, respectivement interprétées par Catherine Deneuve et par Annie Girardot, dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale.
-Les Forfaits du Marquis de Sade (The Skull ; autre titre français : Le Crâne maléfique) : film d'épouvante britannique (1965) de -Freddie Francis. Le crâne du Marquis de Sade, conservé, puis volé par un curieux, est porteur d'une malédiction.
-Marat-Sade (The Persecution and Assassination of Jean-Paul Marat as Performed by the Inmates of the Asylum of Charenton -------Under the Direction of the Marquis de Sade) : film britannique (1967) de Peter Brook avec Patrick Magee dans le rôle de Sade, et --Ian Richardson. Adaptation de la pièce de Peter Weiss (voir § Au théâtre ci-dessous)
-La Voie lactée : film franco-germano-italien (1969) de Luis Buñuel, avec Michel Piccoli dans le rôle de Sade.
-Les Deux beautés ; autres titres français : Justine ou les infortunes de la vertu et Justine de Sade (Marquis de Sade : Justine) : film d'horreur italo-américano-germano-britannique (1969) de Jess Franco. Justine et Juliette sont interprétées par Romina Power et --Maria Röhm. Avec également Jack Palance. Klaus Kinski interprète le rôle du marquis de Sade.
-Le Divin marquis de Sade (De Sade) : film américain (1969) de Cy Endfield, avec Keir Dullea dans le rôle de Sade, John Huston et -Lilli Palmer.
-Juliette de Sade, film érotique italien (1969) de Lorenzo Sabatini
-De Sade 76 (ou La Philosophie dans le boudoir), film français (1971) de Jacques Scandelari
-Justine de Sade, film de Claude Pierson (1972) avec Alice Arno dans le rôle de Justine.
-Eugénie de Sade : film d'horreur franco-espagnol (1974) de Jess Franco, librement inspiré de thèmes sadiens.
-Salò ou les 120 Journées de Sodome : film italien (1975) de Pier Paolo Pasolini. Pasolini a adapté le roman de Sade au contexte italien en situant l'action dans la république fasciste de Salò, durant les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale et en superposant la progression des quatre mois sadiens et les cercles de l’Enfer, décrits par Dante.
-Monsieur Sade (1977), film expérimental de Jacques Robin, avec Bernard Sury, Frédérique Monge et Juliette de Fillerval.
-Le Marquis de Sade (1983) de Patrick Antoine avec Bruno Cremer.
-Waxwork, film d'épouvante américain (1988) de Anthony Hickox. Le « divin marquis » (interprété par J. Kenneth Campbell) est représenté comme un monstre de légende, aux côtés du Comte Dracula, du loup-garou et de la momie.
-Marquis (1989) de Henri Xhonneux et Roland Topor : film inspiré de la détention de Sade. Les comédiens portent des masques d'animaux anthropomorphes.
-La Marquise de Sade (Markisinnan de Sade) : téléfilm suédois (1992) d’Ingmar Bergman.
Le Marquis de Sade (Night Terrors), film d'épouvante américain (1993) de Tobe Hooper, avec Robert Englund. Un descendant du marquis de Sade commet des crimes inspirés des œuvres de son ancêtre. Sade lui-même, représenté comme un être monstrueux, apparaît dans des scènes d'hallucinations. Robert Englund interprète les rôles de Sade et de son descendant.
-Marquis de Sade, téléfilm américain (1996) de Gwyneth Gibby, avec Nick Mancuso dans le rôle du marquis de Sade.
-Sade en procès : téléfilm français (1999) de Pierre Beuchot avec André Dussollier.
-Quills, la plume et le sang (Quills) : film américain (2000) de Philip Kaufman avec Geoffrey Rush dans le rôle du marquis de Sade, et Kate Winslet.
-Sade : film français (2000) de Benoît Jacquot avec Daniel Auteuil dans le rôle de Sade, et Isild Le Besco, d'après le roman de Serge Bramly.
-Le Divin marquis : film français (2012) de Jacques Richard avec Gérard Depardieu, Sylvie Testud et Dominique Pinon.
Au théâtre
-Pierre-Alain Leleu, D.A.F. Marquis de Sade, au Ciné 13 Théâtre à Paris, en janvier 2013
-Charles Méré, Le Marquis de Sade (1921)
-Michèle Fabien, Notre Sade, Bruxelles, Éditions Didascalies, 1985 Prix Triennal de Littérature Dramatique 1987 - Belgique
-Yukio Mishima (1925-1970), Madame de Sade, 1969, adaptaté en français par André Pieyre de Mandiargues en 1976
« Sade vu à travers le regard des femmes » comme l'écrit l'auteur : dans le salon de Mme de Montreuil, six femmes - l'épouse, sa sœur, sa mère, une amie d'enfance, une courtisane et la domestique - sont réunies par trois fois, entre 1772 et 1790, pour évoquer le marquis de Sade emprisonné.
-Enzo Cormann, Sade, concert d'enfers, 1989
Enzo Cormann fait éclater Sade en plusieurs personnages, joués par des acteurs d'âge différent : le jeune libertin dans le contexte de la dégénérescence d'une fin de règne monarchique, le prisonnier de la Bastille qui se découvre écrivain, le dramaturge dépassé par la folie révolutionnaire, l'interné à l'asile de Charenton qui porte un regard amer sur sa propre vie.
-Peter Weiss, Marat-Sade (Die Verfolgung und Ermordung Jean Paul Marats dargestellt durch die Schauspielgruppe des Hospizes zu Charenton unter Anleitung des Herrn de Sade), 1963
Les malades de l'hospice de Charenton jouent, sous la direction du marquis de Sade et sous le regard vigilant de Coulmier, directeur et premier spectateur, une pièce sur la Révolution française et la mort de Marat. Celui qui joue Marat est un paranoïaque retenu dans sa baignoire pour un traitement hydrothérapique, Charlotte Corday est une hypotonique se comportant en somnanbule, -Duperret est un érotomane, Roux un fanatique de la politique…
-Bernard Noël, Le Retour de Sade, 2004
-Frédérick Tristan, Don Juan le révolté, 2009. Dans cet essai, l'auteur montre la parenté entre le Don Juan amateur de femmes et le --Don Juan luciférien s'opposant à Dieu et à la nature, dont Sade est l'un des exemples les plus typiques.
En littérature
-Anonyme, Le Marquis de Sade, ses aventures, ses œuvres, Paris, Fayard, 1885. Feuilleton originellement publié dans L'Omnibus
-Rachilde, La Marquise de Sade, 1887, réédition, Paris, Gallimard, 1996
-Serge Bramly, Sade, la Terreur dans le boudoir, Paris, Grasset, 2000
J-acques Chessex, Le Dernier Crâne de M. de Sade, Paris, Grasset, 2010
-Jean-Claude Hauc, La postérité de Sade, Paris, Edilivre, 2012
En livre animé
-Frank Secka, Sade Up, Rodez, Les Éditions du Rouergue, 21 septembre 2011

En bande dessinée

Les œuvres du Marquis de Sade ont été plusieurs fois adaptées en bande dessinée, souvent dans les genres érotique ou pornographique. Juliette de Sade est paru en deux albums (1979 et 1983, scénario de Francis Leroi, dessins de Philippe Cavell) aux Éditions Dominique Leroy. Guido Crepax a publié une adaptation de Justine, parue en France en 1980 aux Éditions du Square. Les 120 journées de Sodome (dessins et scénario de Da Silva) est paru en 1990 chez Magic Strip. La série britannique Les Malheurs de Janice (quatre albums parus en France chez IPM, scénario et dessin d'Erich von Götha) s'inspire nettement de l'univers du Marquis de Sade, sans l'adapter directement.
Le Marquis de Sade lui-même a été le personnage principal d'une série de bande dessinée italienne en petit format, intitulée De Sade, qui le mettait en scène dans des situations aventureuses pimentées d'érotisme. Publiée dans les années 1970 par Ediperiodici, cette série est inédite en France. Il est l'un des personnages de la série de comic Les Invisibles, de Grant Morrison. Sade est le protagoniste d'un album intitulé Sade : l'aigle, mademoiselle (scénario de Jean Dufaux, dessins de Griffo), paru en 1991 chez Glénat. Le Marquis joue aussi un petit rôle dans la bande dessinée Petit Miracle de Valérie Mangin et toujours dessiné par Griffo et édité par Soleil Productions.
↑ Le château présentait, selon Maurice Heine en 1930, un double aspect : du côté du plateau, une fortification massive, interrompue au milieu du xve siècle, dans le style des kraks des chevaliers au Proche-Orient, du côté opposé de l’éperon, d’étroites terrasses en escalier surplombant une pente raide. Les sous-sols ont dû impressionner le jeune Sade. « Vastes, profonds, véritable forteresse de ténèbres assise et parfois creusée dans le roc (…) un cachot voûté, défendu par une double porte de chêne à judas grillagé. N’est-on pas déjà au château de Roland ? », s’exclame Maurice Heine.
↑ " Parjure ! Ingrate ! que sont devenus ces sentiments de m’aimer toute ta vie ? Qui t’oblige à rompre de toi-même les nœuds qui pour jamais allaient nous unir ? (…) J’obtiens le consentement de mes parents ; mon père, les larmes aux yeux, ne me demande pour toute grâce que de venir faire le mariage à Avignon. Je pars ; Mais que deviens-je quand j’apprends qu’inspirée par un généreux transport, tu te jettes aux genoux de ton père pour lui demander de ne plus penser à ce mariage, et que tu ne veux pas entrer de force dans une famille… Vain motif, dicté par la perfidie, fourbe, ingrate ! Tu craignais d’être réunie à quelqu’un qui t’adorait. C’est de quitter Paris qui t’effrayait ; mon amour ne te suffisait pas. (…) Prends garde à l’inconstance ; je ne la mérite pas. Je t’avoue que je serais furieux, et il n’y aurait pas d’horreurs où je ne me portasse. La petite histoire de la c… doit t’engager un peu à me ménager. Je t’avoue que je ne le cacherai pas à mon rival, et ce ne serait pas la dernière confidence que je lui ferais. Il n’y aurait, je te jure, sortes d’horreurs auxquelles je ne me livrasse… ".



Extraits de la déposition faite le 19 octobre 1763 devant un commissaire au Châtelet par une fille galante, Jeanne Testard, ouvrière en éventails :
" … il lui a d'abord demandé si elle avait de la religion, et si elle croyait en Dieu, en Jésus-Christ et en la Vierge ; à quoi elle a fait réponse qu'elle y croyait ; à quoi le particulier a répliqué par des injures et des blasphèmes horribles, en disant qu'il n'y avait point de Dieu, qu'il en avait fait l'épreuve, qu'il s'était manualisé jusqu'à pollution dans un calice qu'il avait eu pendant deux heures à sa disposition dans une chapelle, que J.-C. était un J… f… et la Vierge une B… Il a ajouté qu'il avait eu commerce avec une fille avec laquelle il avait été communier, qu'il avait pris les deux hosties, les avait mises dans la partie de cette fille, et qu'il l'avait vu charnellement, en disant : « Si tu es Dieu, venge toi » ; qu'ensuite il a proposé à la comparante de passer dans une pièce attenant lad. chambre en la prévenant qu'elle allait voir quelque chose d'extraordinaire ; qu'en y entrant elle a été frappée d'étonnement en voyant quatre poignées de verges et cinq martinets qui étaient suspendus à la muraille, et trois Christs d'ivoire sur leurs croix, deux autres Christs en estampes, attachés et disposés sur les murs avec un grand nombre de dessins et d'estampes représentant des nudités et des figures de la plus grande indécence ; que lui ayant fait examiner ces différents objets, il lui a dit qu'il fallait qu'elle le fouettât avec le martinet de fer après l'avoir fait rougir au feu, et qu'il la fouetterait ensuite avec celui des autres martinets qu'elle voudrait choisir ; qu'après cela, il a détaché deux des Christs d'ivoire, un desquels il a foulé aux pieds, et s'est manualisé sur l'autre jusqu'à pollution ; (…) qu'il a même voulu exiger de la comparante qu'elle prît un lavement et le rendit sur le Christ ; (…) que pendant la nuit que la comparante a passée avec lui, il lui a fait voir et lui a lu plusieurs pièces de vers remplies d'impiétés et totalement contraires à la religion ; (…) qu'il a poussé l'impiété jusqu'à obliger la comparante à lui promettre qu'elle irait le trouver dimanche prochain pour se rendre ensemble à la paroisse de Saint-Médard y communier et prendre ensuite les deux hosties, dont il se propose de brûler l'une et de se servir de l'autre pour faire les mêmes impiétés et les profanations qu'il dit avoir faites avec la fille dont il lui avait parlé… "
.
↑ " Un certain comte de Sade, neveu de l’abbé auteur de Pétrarque, rencontra, le mardi de Pâques, une femme grande et bien faite, âgée de trente ans, qui lui demanda l’aumône ; il lui fit beaucoup de questions, lui marqua de l’intérêt, lui proposa de la tirer de sa misère, et de la faire concierge d’une petite maison qu’il a auprès de Paris. Cette femme l’accepta ; Il lui dit d’y venir le lendemain matin l’y trouver ; elle y fut ; il la conduisit d’abord dans toutes les chambres de la maison, dans tous les coins et recoins, et puis il la mena dans le grenier ; arrivés là, il s’enferma avec elle, lui ordonna de se mettre toute nue ; elle résista à cette proposition, se jeta à ses pieds, lui dit qu’elle était une honnête femme ; il lui montra un pistolet qu’il tira de sa poche, et lui dit d’obéir, ce qu’elle fit sur-le-champ ; alors il lui lia les mains et la fustigea cruellement ; quand elle fut tout en sang, il tira un pot d’onguent de sa poche, en pansa les plaies, et la laissa ; je ne sais s’il la fit boire et manger, mais il ne la revit que le lendemain matin ; il examina ses plaies, et vit que l’onguent avait fait l’effet qu’il en attendait ; alors il prit un canif, et lui déchiqueta tout le corps ; il prit ensuite le même onguent, en couvrit toutes les blessures et s’en alla. Cette femme désespérée se démena de façon qu’elle rompit ses liens, et se jeta par la fenêtre qui donnait sur la rue ; on ne dit point qu’elle se soit blessée en tombant ; tout le peuple s’attroupa autour d’elle ; le lieutenant de police a été informé de ce fait ; on a arrêté M. de Sade ; il est, dit-on, dans le château de Saumur ; l’on ne sait pas ce que deviendra cette affaire, et si l’on se bornera à cette punition, ce qui pourrait bien être, parce qu’il appartient à des gens assez considérables et en crédit ; on dit que le motif de cette exécrable action était de faire l’expérience de son onguent. "
↑ Elles se composent de :
la seigneurie de La Coste était un ancien fief de la maison de Simiane passé dans la famille du marquis en 1627. Le seigneur y avait haute, basse et moyenne justice. Trois petits domaines entouraient le château ;
le château et les dépendances de Saumane étaient loués à vie par le comte de Sade à son frère l’abbé d’Ébreuil ;
le château de Mazan, en copropriété avec la famille de Causans, était en terre du pape. Sade y fera pour cette raison de fréquents séjours après l’affaire de Marseille. C’était une grande bâtisse entourée de jardins et d’un fruitier. Les biens de Mazan comprenaient en outre des prairies et des chènevières ;
le bien qui rapportait le plus était le Mas-de-Cabanes, au terroir d’Arles, en Camargue ;
toutes ces terres donnaient, bon an mal an, dix-huit à vingt mille livres. Tous les châteaux étaient meublés.
↑ La lettre suivante écrite de Vincennes en janvier 1782 le laisse supposer :
« Dès que je serai libre (…) ce sera avec une bien vive satisfaction que me relivrant à mon seul génie, je quitterai les pinceaux de Molière pour ceux de l'Arétin. Les premiers ne m'ont valu qu'un peu de vent dans la capitale de Guyenne ; les seconds ont payé six mois mes menus plaisirs dans une des premières villes du royaume, et m'ont fait voyager deux mois en Hollande sans y dépenser un sol du mien. Quelle différence ! "
.
↑ Une chanoinesse séculière ne prononce pas de vœux et demeure donc libre de se marier et de rentrer dans le monde.
↑ Cette lettre extraordinaire de Mlle de Launey (signée avec du sang), conservée par Sade, transmise à ses descendants, a été découverte et publiée en 2006 par Maurice Lever avec trois autres lettres inédites de la jeune chanoinesse. Voici la suite du début de cette fameuse lettre : « … de ne jamais ni ne me marier, ni me donner à d’autres, de lui être fidèlement attachée, tant que le sang dont je me sers pour sceller ce serment coulera dans mes veines. Je lui fais le sacrifice de ma vie, de mon amour et de mes sentiments, avec la même ardeur que je lui ai fait celui de ma virginité. (…)".
↑ Il est aussi sensible aux gourmandises provençales si l’on en croit le long mémoire, établi par le sieur Légier, confiseur, retrouvé par Paul Bourdin, qui détaille les articles qu’il a livrés au château en 1772 : « pommades en bâtons et en pots, amandes et pâtes d’amandes, sucre raffiné et cassonade, pralines et azeroles au sucre, coings, chinois, gelées et marmelades, oranges de Portugal et fleurs d’orange, biscuits et vermichelly, moutarde et poivre blanc, eau de lavande et savonettes, colle forte et pierre d’indigo. ".
↑ Mémoires secrets de Bachaumont daté du 25 juillet 1772 :
"On écrit de Marseille que M. le comte de Sade, qui fit tant de bruit en 1768, pour les folles horreurs auxquelles il s’était porté contre une fille, vient de fournir dans cette ville un spectacle d’abord très plaisant, mais effroyable par les suites. Il a donné un bal, où il avait invité beaucoup de monde, et dans le dessert il avait glissé des pastilles au chocolat, si excellentes que quantité de gens en ont dévoré ; mais il y avait amalgamé des mouches cantharides. On connaît la vertu de ce médicament : elle s’est trouvé telle, que tous ceux qui en avaient mangé, brûlant d’une ardeur impudique, se sont livrés à tous les excès auxquels porte la fureur la plus amoureuse. Le bal a dégénéré en une de ces assemblées licencieuses réputées parmi les Romains ; les femmes les plus sages n’ont pu résister à la rage utérine qui les travaillait. C’est ainsi que M. de Sade a joui de sa belle-sœur, avec laquelle il s’est enfui, pour se soustraire au supplice qu’il mérite. Plusieurs personnes sont mortes des excès auxquelles elles se sont livrées dans leur priapisme effroyable, et d’autres sont encore très incommodées. ".
↑ Lettre du marquis à Gaufridy novembre ou décembre 1774:
"Nous vous attendons donc mardi, mon cher avocat(…) Je vous prie de vouloir bien venir de bonne heure, au moins pour dîner, c’est-à-dire à trois heures ; vous m’obligerez d’observer cette même coutume toutes les fois que vous viendrez nous voir cet hiver. En voici la raison : nous sommes décidés, par mille raisons, à voir très peu de monde cet hiver. Il en résulte que je passe la soirée dans mon cabinet et que Madame avec ses femmes s’occupent dans une chambre voisine jusqu’à l’heure du coucher, moyen en quoi, à l’entrée de la nuit, le château se trouve irrémissiblement fermé, feux éteints, plus de cuisine et souvent plus de provisions. Conséquemment c’est vraiment nous déranger que de ne pas arriver pour l’heure du dîner. Nous vous connaissons trop honnête pour ne pas vous soumettre à cette petite gêne, que nous chercherons d’autant moins à reformer en votre faveur qu’elle nous fait gagner deux ou trois heures de plus du plaisir d’être avec vous.".
↑ Nanon - Antoinette Sablonnière - est chambrière au château; elle a 24 ans et accouche en mai d'une fille dont la rumeur attribue la paternité au marquis (« elle passait le plat quand les petites filles avaient apporté les épices » dit Bourdin). Elle fait scandale, menace sans doute. Les Sade demandent à Mme de Montreuil une lettre de cachet pour la chambrière qui se retrouve en juillet 1775 à la maison de force d'Arles. Sa petite fille, confiée à une nourrice enceinte de quatre mois meurt fin juillet (enceinte, la nourrice a manqué de lait), sans qu'on ose l'apprendre à Nanon qui ne sera remise en liberté qu'en février 1778 après avoir promis de ne plus parler du passé.
↑ Même emprisonné, Sade n’oublia jamais d’être exigeant pour ses douceurs. Gilbert Lély a publié une lettre du Marquis, datée de 1781, dans laquelle il se laissait aller à quelques critiques sur les provisions de la quinzaine que lui faisait parvenir la dévouée Renée Pélagie. Le passage sur le biscuit de Savoie vaut d’être connu dans son intégralité : « Le biscuit de Savoie n’est pas un mot de ce que je demandais :
1 - Je le voulais glacé tout autour, dessus et dessous, de la même glace de celle des petits biscuits.
2 - Je voulais qu’il fût en chocolat en dedans et il n’y en avait pas le plus petit soupçon, ils l’ont bruni avec du jus d’herbes, mais il n’y a pas ce qui s’appelle le plus léger soupçon de chocolat. Au premier envoi je te prie de me le faire faire et de tacher que quelqu’un de confiance leur voit mettre le chocolat dedans. Il faut que les biscuits le sentent, comme si on mordait dans une tablette de chocolat. Au premier envoi donc un biscuit comme je viens de te dire, six ordinaires, six glacés et deux petits pots de beurre de Bretagne, mais bons et bien choisis. Je crois qu’il y a un magasin pour cela à Paris comme celui de Provence pour l’huile ». Après quelques années d’incarcération et de ce régime, Sade perdit la grâce et l’élégance qui avaient fait sa réputation autour du Luberon. En 1790, il ironisa sur son apparence de bon gros curé de campagne et Renée, elle-même, subit, à son tour, cette influence gourmande, puisque de mince – sinon maigre – dans les premières années de son mariage, elle devint obèse.
↑ Dictionnaire de la conversation et de la lecture – Inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous – par une société de savants et de gens de lettres – sous la direction de M.W. Duckett, tome XV, 1857. L’article est de Jules Janin qui ajoute :
« Les livres du marquis de Sade ont tué plus d’enfants que n’en pourraient tuer vingt maréchaux de Rais ; ils en tuent chaque jour, ils en tueront encore, ils en tueront l’âme aussi bien que le corps ; et puis le maréchal de Rais a payé ses crimes de sa vie : il a péri par les mains du bourreau, son corps a été livré au feu, et ses cendres ont été jetées au vent ; quelle puissance pourrait jeter au feu tous les livres du marquis de Sade ? Voilà ce que personne ne saurait faire, ce sont là des livres, et par conséquent des crimes qui ne périront pas. ».
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Bibliographie
Portrait imaginaire du marquis de Sade prisonnier (xixe siècle).
Paul Lacroix (sous le pseudonyme de P.L. Jacob, bibliophile), Le Marquis de Sade, Paris, Adolphe Delahays, 1858
Émile Laurent, Le Sadisme et la littérature : le marquis de Sade, Paris, Vigots frères, 1903
Henri d'Alméras, Le Marquis de Sade : l'homme et l'écrivain, Paris, Albin Michel, 1906
Guillaume Apollinaire, L'Œuvre du marquis de Sade, pages choisies, introduction, essai bibliographique et notes par Guillaume Apollinaire, Paris, Bibliothèque des Curieux, 1909
Octave Béliard, Le Marquis de Sade, Paris, Éditions du Laurier, Paris, 1928
André Breton, D.A.F. de Sade, in Anthologie de l'humour, Paris, Éd. du Sagittaire, 1939
Pierre Klossowski, Sade mon prochain, Paris, éditions du Seuil, 1967 (1re éd. 1947)
Maurice Nadeau, « Exploration de Sade » in Marquis de Sade Œuvres, éd. le Cheval Ardent / la Jeune Parque, 1947 ; rééd. in Sade, l'insurrection permanente, Paris, Nadeau, 2002
Maurice Heine, Le Marquis de Sade, Paris, Gallimard, 1950
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Georges Bataille, Sade et l'homme normal et L'homme souverain de Sade, in L'érotisme, Paris, Éditions de Minuit, 1957, 1947
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Maurice Blanchot, Lautréamont et Sade, Paris, Éditions de Minuit, 1963
Roland Barthes, Sade, Fourier, Loyola, Paris, Seuil, 1971
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Alice M. Laborde, Sade romancier, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1974
Philippe Roger, Sade : la philosophie dans le pressoir, Paris, Grasset, 1976
Donald Thomas, Le marquis de Sade : biographie illustré, Paris, Seghers, 1977
Chantal Thomas, Sade, l'œil de la lettre, Paris, Payot, 1978
Marcel Hénaff, Sade, l'invention du corps libertin, Paris, PUF, 1978
Angela Carter, La Femme sadienne, Paris, Veyrier, 1979 [The Sadeian Woman, 1979]
Claude Quetel, De par le roy : essai sur les lettres de cachet, Toulouse, Édition Privat, 1981 (un des chapitres de l'ouvrage est consacré à l'enfermement de Sade, « pour protéger sa famille »)
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Henri Fauville, La Coste – Sade en Provence, Édisud, Aix-en-Provence, 1984
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Annie Le Brun, Soudain un bloc d'abîme, Sade, Paris, J-J Pauvert, 1986
Jean Paulhan, Le Marquis de Sade et sa complice ou les Revanches de la pudeur, Bruxelles, Complexe, 1987
Annie Le Brun, Sade, aller et détours, Paris, Plon, 1989
Annie Le Brun, Petits et grands théâtres du marquis de Sade, Paris Art Center, Paris, 1989
Alice M. Laborde, Les Infortunes du marquis de Sade, Paris-Genève, Champion-Slatkine, 1990
Jean-Louis Debauve, D.A.F. de Sade, lettres inédites et documents, préface et chronologie de Annie Lebrun, Éditions Ramsay/Jean-Jacques Pauvert, 1990
Maurice Lever, Donatien Alphonse François, marquis de Sade, Paris, Fayard, 1991
Maurice Lever, Papiers de famille, t. 1 : Le règne du père (1721-1760), Paris, Fayard, 1992, t. 2 : Le marquis et les siens (1761-1815), 1995
Octavio Paz, Un au-delà érotique : le marquis de Sade, Paris, Gallimard, 1994
Philippe Mengue, L'Ordre sadien, Paris, Éditions Kimé, 1996
Philippe Sollers, Sade contre l'être suprême, Paris, Gallimard, 1996
Jean-Jacques Pauvert & Pierre Beuchot, Sade en procès, Paris, Mille et une nuits, 1999
Collectif, Marquis de Sade - anthologie illustrée (album recueillant les dessins, tableaux, etc. de différents artistes inspirés des textes de Sade), Glittering Images, 1999
Alice M. Laborde, Le Mariage du marquis de Sade, Paris, Champion, 2000
Alice M. Laborde, Sade authentique, Genève, Slatkine, 2000
Alain Marc, Écrire le cri, Sade, Bataille, Maïakovski…, préface de Pierre Bourgeade, l’Écarlate, 2000, p. 5, 51, 83, 84, 89, 106, 109, 120, 134 et hors-texte après p. 24 (ISBN 9782910142049)
S.E. Fauskevag, Sade ou la tentation totalitaire, Paris, Champion, 2001
Chantal Thomas, Sade, la dissertation et l'orgie, Paris, Rivages, 2002
Raymond Jean, Un portrait de Sade, Arles, Actes Sud, 2002
Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Sade moraliste, Droz, 2002
Michel Delon et Seth Catriona (éd.), Sade en toutes lettres. Autour d'Aline et Valcour, Paris, Desjonquières, 2004
Gérard Badou, Renée Pélagie, marquise de Sade, Paris, Payot, 2004
Norbert Sclippa (dir.), Lire Sade : Actes du premier colloque international sur Sade aux USA, Charleston, Caroline du Sud, Paris, L'Harmattan, 2004
François Ost, Sade à l'ombre de la loi, Paris, Odile Jacob, 2005
Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Sade moraliste, Genève, Droz, 2005
Pasquine Albertini, Sade et la République, Paris, L’Harmattan, 2006, 124 pp., coll. « Ouverture philosophique ».
(en) Geoffrey Roche, Bataille on Sade, Janus Head 9 (1), 2006, Black sun : Bataille on Sade
Maurice Lever, Je jure au marquis de Sade, mon amant, de n'être jamais qu'à lui…, Paris, Fayard, 2006
Annie Le Brun, On n'enchaîne pas les volcans, Paris, Gallimard, 2006
Norbert Sclippa, Pour Sade, Paris, L'Harmattan, 2006
Michel Gailliard, Langage de l’obscénité. Étude stylistique des romans de Sade Les Cent Vingt Journées de Sodome, les trois Justine et Histoire de Juliette, Paris, Honoré Champion, 2006
Michel Delon, Les Vies de Sade, t. I : « Sade en son temps » et « Sade après Sade », t. II : « Sade au travail », éditions Textuel, coll. L'atelier, 2007
Emmanuelle Sauvage, L’Œil de Sade. Lecture des tableaux dans Les Cent Vingt Journées de Sodome et les trois Justine, Paris, Honoré Champion, 2007
Till R. Kuhnle, « Une anthropologie de l’ultime consommateur. Quelques réflexions sur le spinozisme du Marquis de Sade », in: French Studies in Southern Africa 37, 2007, 88-107
Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, La Religion de Sade, Editions de l'atelier, 2008
Frédérick Tristan, Sade in Don Juan le révolté, Paris, Écriture, 2009
Liza Steiner, Sade-Houellebecq, du boudoir au sex-shop, Paris, L'Harmattan, 2009
Florence Richter, Ces fabuleux voyous. Crimes et procès de Villon, Sade, Verlaine, Genet, Paris, Éditions Hermann, 2010 (avec une préface de François Ost)
Jacques Chessex, Le Dernier crâne de M. de Sade, Grasset, 2010
Charles Henry, La Vérité sur le marquis de Sade, Ed. La Bibliothèque, 2010
Éric Marty, Pourquoi le XXe siècle a-t-il pris Sade au sérieux ? , Seuil, 2011
Jean van Win, Sade. Philosophe et pseudo-franc-maçon?, Ed. de la Hutte, Bonneuil-en-Valois, 201175.
Jean-Claude Hauc, Les châteaux de Sade, Paris, Les Editions de Paris, 2012


Prix Sade.

Le prix Sade est un prix littéraire créé en 2001, en hommage au Marquis. Les jurés ont pour ambition de récompenser chaque année « un authentique libéral qui sera parvenu, par delà les vicissitudes de la Révolution et l'emprise de l'ordre moral, à défaire les carcans de la littérature comme ceux de la politique ».
Oeuvres du Marquis de Sade
Histori-Art - Les perversions du marquis de Sade


Citations du Marquis de Sade :


"Oui, je suis libertin, j'ai conçu tout ce qu'on peut concevoir dans ce genre-là, mais je n'ai sûrement pas fait tout ce que j'ai conçu et ne le ferai sûrement jamais. Je suis un libertin, mais je ne suis pas un criminel ni un meurtrier."
(Marquis de Sade / 1740-1814)
Citations : "Dialogue entre un Prêtre et un Moribond" (1782)
"Le nom de Dieu ne sera jamais prononcé qu'accompagné d'invectives et d'imprécations et on le répètera le plus souvent possible."
(Marquis de Sade / 1740-1814 / Les 120 journées de Sodome / 1785)
"La prière est la plus douce consolation du malheureux ; il devient plus fort quand il a rempli ce devoir."
(Marquis de Sade / 1740-1814 / Justine / 1788)
"Le système de l'amour du prochain est une chimère que nous devons au christianisme et non pas à la nature."
(Marquis de Sade / 1740-1814 / Justine / 1788)
"L'homme serait le plus heureux des êtres si du seul besoin qu'il a d'une illusion quelconque ne naissait aussitôt la réalité."
(Marquis de Sade / 1740-1814 / Justine / 1788)
"Un de mes plus grands plaisirs est de jurer Dieu quand je bande; il me semble que mon esprit, alors mille fois plus exalté, abhorre et méprise bien mieux cette dégoûtante chimère."
(Marquis de Sade / 1740-1814 / La Philosophie dans le boudoir / 1795)
"Dès l'instant où il n'y a plus de Dieu, à quoi sert d'insulter son nom ? Mais c'est qu'il est essentiel de prononcer des mots forts ou sales dans l'ivresse du plaisir, et que ceux du blasphème servent bien l'imagination ; il faut orner ces mots du plus grand luxe d'expression ; il faut qu'ils scandalisent le plus possible ; car il est très doux de scandaliser ; il existe là un petit triomphe pour l'orgueil qui n'est nullement à dédaigner."
(Marquis de Sade / 1740-1814 / La Philosophie dans le boudoir / 1795)
"Un Dieu suppose une création, c'est-à-dire un instant où il n'y eut rien, ou bien un instant où tout fut dans le chaos. Si l'un ou l'autre de ces états était un mal, pourquoi votre Dieu le laissait-il subsister ? Etait-il un bien, pourquoi le change-t-il ? Mais si tout est bien maintenant, votre Dieu n'a plus rien à faire: or, s'il est inutile, peut-il être puissant, et s'il n'est pas puissant peut-il être Dieu; si la nature se meut elle-même enfin, à quoi sert le moteur ?"
(Marquis de Sade / 1740-1814 / Justine / 1797)
"L'idée de dieu est, je l'avoue, le seul tort que je ne puisse pardonner à l'homme."
(Marquis de Sade / 1740-1814 / L'Histoire de Juliette / 1797)
"Mon plus grand chagrin est qu'il n'existe réellement pas de Dieu et de me voir privé, par là, du plaisir de l'insulter plus positivement."
(Marquis de Sade / 1740-1814 / L'Histoire de Juliette / 1797)
"Si ce Dieu, centre du mal et de la férocité, tourmente et fait tourmenter l'homme par la nature, et par d'autres hommes pendant tout le temps de son existence, comment douter qu'il n'agisse de même, et peut-être involontairement, sur ce souffle qui lui servit, et qui [...] n'est autre que le mal lui-même."
(Marquis de Sade / 1740-1814 / L'Histoire de Juliette / 1797)
"Le prétendu Dieu des hommes n'est que l'assemblage de tous les êtres, de toutes les propriétés, de toutes les puissances ; il est la cause immanente et non distincte de tous les effets de la nature ; c'est parce qu'on s'est abusé sur les qualités de cet être chimérique, c'est parce qu'on l'a vu tour à tour bon, méchant, jaloux, vindicatif, qu'on a supposé de là qu'il devait punir ou récompenser. Mais Dieu n'est que la nature et tout égal à la nature : tous les êtres qu'elle produit sont indifférents à ses yeux, puisqu'il ne lui coûte pas plus à créer l'un que l'autre."
(Marquis de Sade / 1740-1814 / L'Histoire de Juliette / 1797)
"Dieu est absolument pour l'homme ce que sont les couleurs pour un aveugle de naissance, il lui est impossible de se les figurer."
(Marquis de Sade / 1740-1814 / Pensées)
"Tout le bonheur des hommes est dans l'imagination."
(Marquis de Sade / 1740-1814)


Extrait lisible (!) :


Deuxième partie : Sade, toujours aussi iconoclaste, s'attaque au péché originel, dans le but de démontrer l'absurdité du dogme de l'enfer :

O mes amis ! je vous le demande, un homme rempli de bonté planterait-il dans son jardin un arbre qui produirait des fruits délicieux, mais empoisonnés, et se contenterait-il de défendre à ses enfants d'en manger, en leur disant qu'ils mourront s'ils osent y toucher ? S'il savait qu'il y eût un tel arbre dans son jardin, cet homme prudent et sage n'aurait-il pas bien plutôt l'attention de le faire abattre, surtout sachant très bien que, sans cette précaution, ses enfants ne manqueraient pas de se faire périr en mangeant de son fruit, et d'entraîner leur postérité dans la misère ? Cependant, Dieu sait que l'homme sera perdu, lui et sa race, s'il mange de ce fruit, et non seulement il place en lui le pouvoir de céder, mais il porte la méchanceté au point de le faire séduire. Il succombe et il est perdu ; il fait ce que Dieu permet qu'il fasse, ce que Dieu l'engage à faire, et le voilà éternellement malheureux. Peut-on rien au monde de plus absurde et de plus cruel ! Sans doute, et je le répète, je ne prendrais pas la peine de combattre une telle absurdité, si le dogme de l'enfer, dont je veux anéantir à vos yeux jusqu'à la plus légère trace, n'en était une suite affreuse.





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Posté le : 02/12/2012 12:55
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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