| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> newbb >> Les Forums - Tous les messages

 Bas   Précédent   Suivant

« 1 ... 46 47 48 (49) 50 51 52 ... 60 »


Georges Duhamel
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 30 Juin 1884 naît Georges Duhamel, à Paris .
Médecin, écrivain et poète français, il passera sa vie partagé entre sa charge de médecin et son goût pour l'écriture.
L’écriture de la Chronique des Pasquier, fera sa célébrité, il fut élu en 1935 membre de l’Académie française dont il fut secrétaire perpétuel de 1944 à 1946.
Il devint ensuite un président très actif pour le renouveau de l’Alliance française après-guerre. Georges Duhamel est aussi le père du compositeur Antoine Duhamel.


Jeunesse et études

Georges Duhamel naît au no 4 rue Coypel près de la place d'Italie dans le 13e arrondissement de Paris.
Il est le troisième d’une famille modeste de quatre enfants originaire de Normandie qui vit chichement des activités d’un père, Pierre-Émile Duhamel, fantasque et instable, et d'une mère, Marie Emma Pionnier, tous deux herboristes. « Pharmacien », son père décide d'entreprendre sur le tard des études de médecine.
Durant une enfance perturbée par les nombreux déménagements de sa famille vivant à Montreuil-sous-Bois, Paris, Nevers, il fait ses études au lycée Buffon à Paris, puis au lycée de Nevers, et enfin à l'Institution Roger-Momenheim. Georges Duhamel obtient son baccalauréat en 1902 et décide alors de devenir médecin tout en s’adonnant aux lettres.

L'abbaye de Créteil et la Première Guerre mondiale

Entre 1906 et 1908, il crée avec son ami le poète Charles Vildrac, qui deviendra son beau-frère, « l’abbaye de Créteil » ou groupe de l'Abbaye, phalanstère d’artistes regroupant poètes, écrivains, musiciens et peintres, expérience qu’il a relatée de façon romancée, bien qu’il s’en soit défendu, dans le cinquième volume de la série de la Chronique des Pasquier, le Désert de Bièvres.
À l'occasion de représentations théâtrales à l'Abbaye de Créteil, il fait la rencontre et s'éprend de l'actrice Blanche Albane avec laquelle il entretint une importante correspondance.
Il l'épouse le 2 décembre 1909 à Paris et aura avec elle trois fils :
Bernard (1917-1996 ; futur chirurgien-pédiatre9), Jean 1919-1998 ; futur médecin proctologue infantile et Antoine Duhamel (1925 ; futur compositeur de musique).
De 1910 à 1914, frais diplômé en médecine et en chimie biologique, il travaille sur les propriétés des métaux à l'état colloïdal pour les laboratoires pharmaceutiques Clin à Paris.
Durant la Première Guerre mondiale, il décide de s'engager dans le service actif alors qu'il avait auparavant bénéficié d'une réforme médicale en raison de sa vue.
Il veut faire don de lui-même et partager les épreuves des hommes de sa génération.
À partir de 1914, Georges Duhamel occupe pendant quatre ans les fonctions de médecin aide-major dans des unités d'auto-chirurgie, dans des situations souvent très exposées notamment lors de la bataille de Verdun.
Alors qu'il exerce près du front de Champagne en 1915, il décide de raconter les épreuves que les blessés subissent. Deux romans naitront de cette expérience : d'une part Vie des martyrs, paru en 1917, un recueil de récits qui connaîtra un certain succès.
La presse compare ce livre au roman d'Henri Barbusse, Le Feu, prix Goncourt en 1916.
D'autre part, Georges Duhamel entreprend la rédaction de Civilisation, livre-témoignage sur les ravages de la guerre.
Le livre sort en avril 1918 sous le pseudonyme de Denis Thévenin car Duhamel ne veut pas être accusé de profiter de la guerre pour faire de la littérature. Le 11 décembre 1918, le livre reçoit le prix Goncourt.


Reconnaissance et cycles littéraires

Rendu à la vie civile, il se consacre désormais entièrement aux lettres et à la défense d’une civilisation à visage humain. En 1919, il découvre en Seine-et-Oise la vallée du Sausseron et Valmondois, où il passera tous ses étés.
Il écrit alors en 1920, Confession de minuit, qui deviendra le premier tome de son premier cycle romanesque Vie et aventures de Salavin (1920-1932), considéré par de nombreux critiques littéraires comme précurseur des questions existentialistes que développeront plus de quinze ans plus tard Camus dans La Chute (1936) et Sartre dans La Nausée (1938).
C’est au début des années 1930 qu’il entame sa Chronique des Pasquier qui le rendra célèbre, selon le principe du roman-fleuve, œuvre qui est parfois comparée aux Rougon-Macquart d'Émile Zola ou aux contemporains Thibault de Roger Martin du Gard.
La publication de ce cycle littéraire au Mercure de France s'étend de 1933 à 1945.
Elle peut être vue comme la transposition littéraire autobiographique de la vie de Georges Duhamel dans son héros principal Laurent Pasquier.
En 1935, Georges Duhamel devient directeur du Mercure de France et la même année est élu le 21 novembre, à sa seconde tentative, à l’Académie française au fauteuil no 30 suite au décès de G. Lenotre ; sa réception officielle au sein de l'Illustre Compagnie a lieu le 25 juin 1936 avec un discours d'accueil prononcé par Henry Bordeaux.
En 1937, il est également élu à l'Académie de médecine.
Avec François Mauriac, qui en est le fer de lance, il s'oppose nettement mais en vain à l'élection en juin 1938 de Charles Maurras à l'Académie française.
Entre 1930 et 1940, il accomplit de nombreux voyages en France et à l’étranger, défendant par de brillantes conférences la langue et la culture françaises ainsi que l’idée d’une civilisation construite sur le cœur de l’homme et non uniquement sur les progrès techniques de la mécanisation envers lesquels il est le plus souvent critique, le classant comme un écrivain de gauche.
Articles et conférences sont rassemblés sous divers titres, et la période de l'entre-deux-guerres constitue celle de son plus grand succès auprès du public.
Il devient alors membre du jury du Prix Jeunesse, dont il prendra plus tard la présidence, en 1945.


Années sombres de la guerre et fonctions d'après-guerre

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Georges Duhamel, voit dès 1940 une partie de son œuvre interdite par les Allemands qui mettent sur la liste Bernhard des ouvrages interdits par la Gestapo trois de ses livres.
Quelques mois plus tard, c'est l'ensemble de son Å“uvre qui est inscrite sur la liste Otto, se voyant de plus interdit de toute publication en 1942.
Durant toute cette période sombre, durant laquelle il reste volontairement à Paris et ne fait que quelques séjours dans sa maison de campagne de l'Oise, il tient tête ouvertement à la pression de l'occupant et à la fraction pétainiste de l’Académie française — notamment en décembre 1940 lorsque, allié à Paul Valéry, il empêche le vote d'une lettre de soutien au maréchal après l'entrevue de Montoire —, institution au sein de laquelle il est durant cette période volontairement très présent et actif à « visage découvert ». Il explique cette attitude dans une lettre à son ami François Mauriac indiquant :
« Mon catéchisme depuis le début, a tenu en quatre petites phrases : ne pas se tuer, ne pas s'enfuir, ne pas se cacher et travailler »
— lettre de Duhamel à Mauriac du 13 janvier 1941.
À cette fin et suite à la mort d'André Bellesort, Georges Duhamel réussit à se faire élire le 5 février 1942 comme secrétaire perpétuel de l'Académie à titre provisoire pour « tenir en respect les forces maléfiques ».
Avec Mauriac, Gillet et Valéry, ils vont être « pratiquement maîtres de l'Académie » et s'attachent en 1942 à ne remettre les prix de l'institution qu'à des écrivains engagés secrètement dans la résistance ou réputés proches. En conséquence, il est l'objet de virulentes attaques dans Je suis partout durant cette période.
Son positionnement et ses engagements durant la période du gouvernement de Vichy sont reconnus à la Libération de Paris par le général de Gaulle qui le rencontre lors d'un déjeuner le 7 septembre 1944 à Paris et reconnaitra publiquement son action dans ses Mémoires de guerre (Le Salut, 1959) dans lesquels il qualifie Duhamel de « secrétaire perpétuel, illustre et courageux ».
Il l'aide alors dans sa démarche d'après-guerre pour conforter l'Académie dans son rôle malgré les vives attaques qu'elle subit. En octobre 1944, Georges Duhamel est élu cette fois-ci définitivement secrétaire perpétuel de l'Académie, pour mener à bien ce renouveau, mais il démissionne de son poste dès 1946 en raison de ce qu'il considère comme un basculement du centre de gravité politique de la compagnie vers la droite dont il ne se sent pas le représentant.
Georges Duhamel est également nommé au Comité national des écrivains en 1944 mais en démissionne également en 1946 pour protester contre les excès de l'Épuration.
Après la guerre, il est nommé, en 1947, président de l’Alliance française et reprend ses voyages en faveur de la culture française. Il rétablit partout de nombreuses écoles de l’Alliance.
En 1950, son roman Confession de minuit (1920) fait partie de la liste du Grand prix des Meilleurs romans du demi-siècle regroupant une sélection de douze romans publiés entre 1900 et 1950.
Il fut membre du Comité d'honneur de l'Association du foyer de l’abbaye de Royaumont et du Centre culturel international de Royaumont.
À partir de 1960, la santé de Georges Duhamel décline, l'obligeant à réduire beaucoup ses activités.
Il meurt à Valmondois le 13 avril 1966.


Style littéraire de Duhamel

Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienvenue !
Georges Duhamel, qui commença sa carrière d'écrivain par la poésie, les essais, et l'écriture dramatique, obtient la reconnaissance littéraire principalement grâce à ses cycles littéraires s'apparentant au « roman-fleuve ».
Daniel Madelénat dans son article consacré à Duhamel pour l'Encyclopædia Universalis qualifie l'œuvre de l'écrivain comme « fidèle à un classicisme qu'éclairent une sensibilité mesurée et une haute image de l'homme ».


Duhamel et la musique

Duhamel et Marius Casadesus en 1937.
Georges Duhamel, par ses amitiés littéraires et artistiques - Jean-Jacques Corriol, Charles Schuller qui le convertira au culte de Richard Wagner, et Albert Doyen - s'adonnera, sur le tard et avec passion, à la musique en autodidacte éclairé.
À 32 ans en 1915, alors qu'il est engagé comme chirurgien au front durant la Première Guerre mondiale, il apprend le solfège et la flûte sous l'impulsion de M. Prudhomme, le chef de musique du Premier régiment de ligne.
Dès lors il dirigera, pour son plaisir et entre amis, des concerts hebdomadaires à son domicile où il donne en priorité des œuvres de Jean-Sébastien Bach — compagnon d'une vie et maître de la « musique pure » — et voue un culte à Wagner. La musique possède pour lui, l'athée, tous les attributs et toutes les pratiques d'une réelle « foi qui soutient, relie, nourrit, vivifie, et réconforte ».
En 1932, il vilipende dans son essai Querelles de famille le phonographe et la TSF qui entraient alors dans les familles et empêchaient la pratique active de la musique instrumentale en direct, remplacée par l'écoute passive et de mauvaise qualité des transmissions mécaniques, ces disques qui sont à ses yeux « de la fausse musique, de la musique de conserve ».
Toutefois, cette dernière position s'est modérée au cours des années qui suivirent avec l'amélioration des techniques audiophoniques.
À partir de 1939, il écrira également des critiques musicales, notamment dans Le Figaro.
En 1944, il fait paraître, alors qu'il est profondément affecté par la situation de la France sous l'occupation, un essai intitulé La Musique consolatrice dans lequel il développe son point de vue sur cet art et le rôle qu'il joue dans sa vie.
Lui-même non initié dans sa jeunesse à la musique, Georges Duhamel fera bénéficier ses enfants, dès leur plus jeune âge, d'une solide formation musicale conditionnant certainement la future carrière de compositeur d'Antoine Duhamel.
Les concerts familiaux, à plusieurs voix, et sous la direction paternelle seront l'une des pierres angulaires de la famille Duhamel qui émerveilleront son ami François Mauriac qui écrira de lui :
« Chez certains hommes la passion de la musique et de la poésie est une défense contre la vie ; nés sans carapaces, ils marchent dans un nuage d'harmonie, comme des poissons troublent l'eau pour n'être pas découverts. Ainsi Bach et Mozart protègent Duhamel. Humain, ce Duhamel, trop humain, il n'aurait pu supporter la douleur des corps qui souffrent, sans une défense appropriée : la mémoire musicale. »
— François Mauriac, 1935
Le 13 Avril 1966, il meurt à Valmondois Seine-et-Oise, actuellement Val-d'Oise le 13 avril 1966,

Å’uvre

Récits, romans, voyages, essais
Vie des martyrs (1917)
Civilisation (1918, prix Goncourt)
La Possession du monde (1919)
Entretiens dans le tumulte (1919)
Vie et aventures de Salavin (1920-1932) :
I. Confession de minuit (1920)
II. Deux Hommes (1924)
III. Journal de Salavin (1927)
IV. Le Club des Lyonnais (1929)
V. Tel qu'en lui-même... (1932)
Les Hommes abandonnés (1921)
Lapointe et Ropiteau (1921)
Les Plaisirs et les Jeux (1922)
Le Prince Jaffar (1924)
Essai sur le roman (1925)
Suite hollandaise (1925)
Délibérations (1925)
La Pierre d'Horeb (1926)
Lettres au Patagon (1926)
Essai sur une renaissance dramatique (1926)
Le Voyage de Moscou (1927)
Memorial cauchois (1927)
Images de la Grèce (1928)
Les Sept Dernières Plaies (1928)
La Nuit d'orage (1928)
Scènes de la vie future (1930)
Géographie cordiale de l'Europe (1931)
Les Jumeaux de Vallangoujard (1931)
Querelles de famille (1932)
Mon royaume (1932)
Chronique des Pasquier : (1933-1945)
I. Le Notaire du Havre
II. Le Jardin des bêtes sauvages
III. Vue de la Terre promise
IV. La Nuit de la Saint-Jean
V. Le Désert de Bièvres
VI. Les Maîtres
VII. Cécile parmi nous
VIII. Le Combat contre les ombres
IX. Suzanne et les Jeunes Hommes
X. La Passion de Joseph Pasquier
L'Humaniste et l'Automate (1933)
Discours aux nuages (1934)
Remarques sur les mémoires imaginaires (1934)
Fables de mon jardin (1936)
Deux Patrons (Erasme, Cervantes) (1937)
Esquisse pour un portait du chirurgien moderne (1938)
Au chevet de la civilisation (1938)
Le Dernier Voyage de Candide (1938)
Mémorial de la guerre blanche (1939)
Finlande (1940)
Positions françaises (1940)
Lieu d'asile (1940)
Civilisation française (1944)
Chronique des saisons amères (1944)
La Musique consolatrice (1944)
Paroles de médecin (1944)
Images de notre délivrance (1944)
Lumières sur ma vie (1944-1953) :
I. Inventaire de l'abîme
II. Biographie de mes fantômes
III. Le Temps de la recherche
IV. La Pesée des âmes
V. Les Espoirs et les Épreuves
Twinka (1945)
Souvenirs de la vie du Paradis (1946)
Visages (1946)
Homère au xxe siècle (1947)
Semailles au vent (1947)
Entretien au bord du fleuve (avec Henri Mondor) (1947)
Tribulations de l'espérance (1947)
Consultation aux pays d'Islam (1947)
Le Bestiaire et l'Herbier (1948)
Hollande (1949)
Le Voyage de Patrice Périot (1950)
Cri des profondeurs (1951)
Chronique de Paris au temps des Pasquier (1951)
Manuel du protestataire (1952)
Vues sur Rimbaud (1952)
Le Japon entre la tradition et l'avenir (1953)
Les Voyageurs de l'espérance (1953)
Refuges de la lecture (1954)
La Turquie, nouvelle puissance d'Occident (1954)
L'Archange de l'aventure (1955)
Croisade contre le cancer (1955)
Les Compagnons de l'Apocalypse (1956)
Pages de mon journal intime (1956)
Israël, clef de l'Orient (1957)
Problèmes de l'heure (1957)
Le Complexe de Théophile (1958)
Travail, ô mon seul repos (1959)
Nouvelles du sombre empire (1960)
Problèmes de civilisation (1961)
Traité du départ (1961)

Poésie
Des légendes, des batailles (1907)
L’Homme en tête (1909)
Selon ma loi (1910)
Notes sur la technique poétique (avec Charles Vildrac) (1910)
Compagnons (1912)
Élégies (1920)
Anthologie de la poésie lyrique française (1924)
Voix du Vieux Monde, mis en musique par Albert Doyen (1925)

Critique
Propos critiques (1912)
Paul Claudel (1913)
Les Poètes et la Poésie (1914)
Maurice de Vlaminck (1927)
Défense des lettres (1937)
Les Confessions sans pénitence (1941)

Théâtre

La Lumière (1911)
Dans l'ombre des statues (1912)
Le Combat (1913)
Le Cafard (1916)
L'Œuvre des athlètes (1920)
Quand vous voudrez (1921)
La Journée des aveux (1923)

Distinctions

Croix de guerre 1914-1918
Grand-Croix de la Légion d'honneur
Commandeur de l'Ordre des arts et des lettres
Commandeur de la Santé publique
Distinctions Prix Goncourt (1918)
Membre de l'Académie nationale de médecine
Membre de l'Académie française
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Hommages

La rue Georges-Duhamel dans le 15e arrondissement et le jardin Georges-Duhamel dans le 13e arrondissement de Paris ont été nommés en son souvenir au début des années 2000. Trois établissements scolaires portent le nom de l'écrivain :
Le collège Georges-Duhamel, no 13 rue des Volontaires, dans le 15e arrondissement de Paris ;
Le collège Georges-Duhamel, no 132 rue Émile-Zola à Herblay dans le Val-d'Oise ;
Le groupe scolaire Georges-Duhamel, rue Robert-Lepeltier à Champagne-sur-Oise ;
ainsi que de nombreuses bibliothèques en France (à L'Isle-Adam, Mantes-la-Jolie, Champforgeuil, Altkirch, etc).
sources : Wikipédia

Poésie

Cliquez pour afficher l



Liens :

http://youtu.be/3ZDG10Hev3U le clan des Pasquier le film
http://youtu.be/9lm_AcXwPZg la musique consolatrice I
http://youtu.be/DBXS37pGUes la musique consolatrice II




Cliquez pour afficher l

Attacher un fichier:



jpg  53816-Georges+duhamel+famous+quotes+.jpg (37.80 KB)
3_51cf148424e44.jpg 504X276 px

jpg  Georges-Duhamel-9280480-1-402.jpg (74.00 KB)
3_51cf14a2a18c1.jpg 402X402 px

jpg  8KzKF5_SULvw-de3c3dSYcAN1P8@500x671.jpg (86.22 KB)
3_51cf14b34b690.jpg 500X671 px

jpg  Georges-DUHAMEL-Vue-de-la-Terre-promise.jpg (65.02 KB)
3_51cf14c048d22.jpg 500X740 px

jpg  Paradis.jpg (183.01 KB)
3_51cf14d2dd09d.jpg 1024X727 px

jpg  LA-PASSION-DE-JOSEPH-PASQUIER-par-Georges-Duhamel.jpg (86.79 KB)
3_51cf14e179043.jpg 500X750 px

gif  9782258051430FS.gif (58.34 KB)
3_51cf15044ceaa.gif 301X475 px

jpg  Cecile-parmi-nous-Georges-Duhamel-Gallimard-Romans-contemporains.jpg (33.52 KB)
3_51cf15107869c.jpg 287X475 px

jpg  9782081288911.jpg (32.38 KB)
3_51cf151fb0eee.jpg 400X623 px

Posté le : 29/06/2013 18:56
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Jean Anouilh
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
le 23 Juin 1910, à Bordeaux, naît Jean ANOUILH

Jean Anouilh est un écrivain et dramaturge français, né le 23 juin 1910 à Bordeaux.
Pour les auteurs étrangers, Jean Anouilh est un l'auteur athée, qui représente la vieille France éternelle.
Son œuvre théâtrale commencée en 1932 est particulièrement abondante et variée : elle est constituée de nombreuses comédies souvent grinçantes et d'œuvres à la tonalité dramatique ou tragique comme sa pièce la plus célèbre, Antigone, réécriture moderne de la pièce de Sophocle.
Anouilh a lui-même organisé ses œuvres en séries thématiques, faisant alterner d'abord Pièces roses et Pièces noires. Les premières sont des comédies marquées par la fantaisie comme Le Bal des voleurs (1938) alors que les secondes montrent dans la gravité l'affrontement des « héros » entourés de gens ordinaires en prenant souvent appui sur des mythes comme Eurydice (1941), Antigone (1944) ou Médée (1946).
Après la guerre apparaissent les Pièces brillantes qui jouent sur la mise en abyme du théâtre au théâtre (La Répétition ou l'Amour puni en 1947, Colombe en 1951), puis les Pièces grinçantes, comédies satiriques comme Pauvre Bitos ou le Dîner de têtes (1956).
Dans la même période, Jean Anouilh s'intéresse dans des Pièces costumées à des figures lumineuses qui se sacrifient au nom du devoir : envers la patrie comme Jeanne d'Arc dans L'Alouette (1953) ou envers Dieu comme Thomas Becket (Becket ou l'Honneur de Dieu en 1959).
Le dramaturge a continué dans le même temps à servir le genre de la comédie dans de nombreuses pièces où il mêle farce et ironie (par exemple Les Poissons rouges ou Mon père ce héros en 1970) jusque dans les dernières années de sa vie.
Jean Anouilh a également adapté plusieurs pièces d'auteurs étrangers, Shakespeare en particulier. Il a aussi mis en scène certaines de ses œuvres (par exemple Colombe en 1974), en même temps qu'il travaillait à des scénarios pour le cinéma ou à la télévision.

Biographie
Jean-Marie-Lucien-Pierre Anouilh est le fils de François Anouilh, tailleur et Marie-Magdeleine Soulue, professeur de piano et pianiste d'orchestre à Arcachon. Elle appartient au monde du spectacle et se produit sur des scènes de casino en province.De 1915 à 1928 : son père était immobilisé pour la Grande Guerre, il était seul avec sa mère, pianiste et violoniste, il pouvait donc aller partout. C'est un enfant qui ne peut s'endormir sans le retour de sa mère.
C’est dans les coulisses de ces casinos qu’il découvre les grands auteurs classiques : Molière , Marivaux et Musset. Il arrive à Paris en 1921 et poursuit ses études au collège Chaptal en 1932. C'est là qu'il se prend de passion pour le théatre. Après des études de droit, il débute dans la publicité où il rencontrera Prévert. En 1928, il assiste émerveillé, au printemps, à la représentation de Siegfried de Jean Giraudoux, l’adolescent de dix-huit ans fut ébloui, subjugué...

Après des études de droit à Paris puis deux ans de travail dans une agence de publicité, il devient le secrétaire de Louis Jouvet en 1929. Les relations entre les deux hommes sont tendues (Louis Jouvet l’aurait surnommé 'le miteux'). Qu’importe, son choix est fait, il vivra pour et par le théâtre.
C'est également là qu'il fera la connaissance de Jean-Louis Barrault. Des rencontres littéraires essentielles interviennent. Tout d'abord, vers 1926, celle de Jean Cocteau avec Les Mariés de la tour Eiffel.
Jean Anouilh relate lui-même cette découverte en ces termes :
« J'ouvris le numéro, désœuvré, distrait, je passais les romans, homme de théâtre en puissance je méprisais déjà ces racontars et j'arrivais à la pièce dont le titre insolite m'attira. Dès les premières répliques quelque chose fondit en moi : un bloc de glace transparent et infranchissable qui me barrait la route.
Jean Cocteau venait de me faire un cadeau somptueux et frivole : il venait de me donner la poésie du théâtre. »
À cette époque, Anouilh se nourrit des lectures de Paul Claudel, Luigi Pirandello et George Bernard Shaw. Deuxième grande découverte celle de Jean Giraudoux en 1928, au poulailler de la comédie des Champs-Élysées, à travers sa pièce Siegfried, qu'Anouilh finit par apprendre par cœur.
Après avoir travaillé quelques semaines au bureau des réclamations des Grands Magasins du Louvre puis pendant deux ans dans l'agence de publicité Étienne Damour avec, entre autres, Jacques Prévert, Georges Neveux, Paul Grimault et Jean Aurenche, Anouilh, succédant à Georges Neveux, devient entre 1929 et 1930, le secrétaire général de la comédie des Champs-Élysées, que dirige alors Louis Jouvet.
Anouilh est chargé de rédiger des notes sur les manuscrits reçus et de composer la salle pour les générales. La collaboration entre Anouilh et Jouvet est houleuse, Jouvet sous-estimant les ambitions littéraires de son employé.
Ni Anouilh lui-même, qu'il surnomme « le miteux », ni son théâtre ne trouveront grâce aux yeux de Jouvet. Après la lecture de La Sauvage, il déclare à Anouilh : « Tu comprends mon petit gars, tes personnages sont des gens avec qui on ne voudrait pas déjeuner ! »
En octobre 1931, Jean Anouilh est mobilisé et part faire son service militaire à Metz puis à Thionville. Après deux mois de service, il est réformé temporaire et revient à Paris. Anouilh vit alors, dans un atelier à Montparnasse puis dans un appartement rue de Vaugirard, meublé avec l'aide de Jouvet, avec qui il s'est provisoirement réconcilié.
Il emménage avec la comédienne Monelle Valentin, qui créera entre autres le rôle-titre d'Antigone en 1944, et dont il aura une fille, Catherine, née en 1934 et qui deviendra elle aussi comédienne (elle créera la pièce que son père écrira pour elle Cécile ou l'École des pères en 1954). Le couple se sépare en 1953 et Anouilh épouse la comédienne Nicole Lançon qui deviendra sa principale collaboratrice et avec laquelle il aura trois enfants : Caroline, Nicolas et Marie-Colombe.

Premières œuvres
(1932-1936)
En 1932, Jean Anouilh fait représenter sa première pièce, Humulus le muet, écrite en collaboration avec Jean Aurenche en 1929. C'est un échec. Quelque temps après, il propose L'Hermine à Pierre Fresnay qui accepte immédiatement de la jouer.
Le 26 avril 1932 a lieu la création de L'Hermine, au théâtre de l'Œuvre, mise en scène par Paulette Pax.
90 représentations seront données. L'adaptation cinématographique de L'Hermine lui procure 17 000 francs de droits qui lui permettent de faire déménager ses parents « vers la banlieue. Les deux pièces qui suivent, Mandarine, créée en 1933 au théâtre de l'Athénée, et Y'avait un prisonnier en 1935 au théâtre des Ambassadeurs (dans une mise en scène de Marie Bell), sont des échecs.
Ce sont à nouveau les droits cinématographiques de Y'avait un prisonnier, acquis par la Metro Goldwyn Mayer, qui permettent à Anouilh de vivre convenablement pendant un an en Bretagne, avec Monelle Valentin et sa fille, période au cours de laquelle il retravaille La Sauvage et écrit Le Voyageur sans bagage15. C'est en 1935 également que Jean Anouilh rencontre pour la première fois Roger Vitrac, avec qui il se lie d'amitié et dont il reprendra, en 1962, la pièce Victor ou les Enfants au pouvoir.
Premiers grands succès : du Voyageur sans bagage (1937) au Rendez-vous de Senlis (1941)
En 1936, Louis Jouvet, à qui Anouilh espère confier la création du Voyageur sans bagage, le « fait traîner avec des proverbes de sagesse agricole ».
Furieux lorsqu'il apprend que Jouvet préfère finalement monter Le Château de cartes de Steve Passeur, Anouilh transmet le jour même son manuscrit à Georges Pitoëff, directeur du théâtre des Mathurins. Il raconte :
« Je portai un soir ma pièce aux Mathurins des Pitoëff dont je n'avais même pas vu un spectacle. Le lendemain matin je recevais un pneumatique me demandant de passer le voir. Il m'attendait, souriant, dans un petit bureau étriqué, tout en haut du théâtre (je n'y pénètre jamais depuis, sans avoir le cœur qui bat - c'est là que j'ai été baptisé) et il me dit simplement qu'il allait monter ma pièce de suite. Puis, il me fit asseoir et se mit à me la raconter... J'étais jeune, je ricanais (intérieurement) pensant que j'avais de bonnes raisons de la connaître. Je me trompais.
Je m'étais contenté de l'écrire, avec lui je la découvrais... Ce pauvre venait de me faire un cadeau princier : il venait de me donner le théâtre... »
Créé au le 16 février 1937 dans une mise en scène de Georges Pitoëff, Le Voyageur sans bagage est le premier grand succès d'Anouilh, avec 190 représentations. Les acteurs principaux sont Georges et Ludmilla Pitoëff. Darius Milhaud en écrit la musique de scène, sous forme d'une Suite pour violon, clarinette et piano (op.157b). Dès lors, Anouilh gardera toute sa vie une réelle affection pour les Pitoëff et notamment Georges, celui qu'Anouilh décrit comme l'« étrange Arménien dont le Tout-Paris bien pensant se moquait » et à propos duquel Jouvet avait dit « Je n'aime l'Arménien que massacré ».
En 1938, il obtient deux nouveaux succès critiques et publics avec deux pièces écrites au début des années 1930 et retravaillées à plusieurs reprises au cours des années suivantes : La Sauvage (créée le 11 janvier au théâtre des Mathurins, à nouveau dans une mise en scène de Georges Pitoëff et avec une musique de scène de Darius Milhaud)20 et Le Bal des voleurs (créée le 17 septembre au théâtre des Arts), pièce par laquelle Anouilh inaugure sa collaboration avec André Barsacq, qui dirige alors la compagnie des Quatre-Saisons favorable pour ces deux pièces, reconnaissant unanimement Anouilh comme un grand dramaturge, La Sauvage générant toutefois des oppositions idéologiques plus fortes, principalement en raison de la place occupée par la religion dans la pièce. Colette écrit en 1938 :
« Un accent qui se reconnaît dès les premières répliques, une aptitude à la grandeur, la facilité, dévolue à Anouilh, de dépasser les auteurs dramatiques de sa génération, les charmes d’une fraîche matière intellectuelle, voilà bien de quoi emporter, effacer ce qu’au passage nous avons cru pouvoir nommer faiblesses. »
Cette même année 1938, Anouilh participe à la création de la revue La Nouvelle Saison avec notamment Jean-Louis Barrault, René Barjavel et Claude Schnerb, qui publie Humulus le muet (jamais publiée depuis sa création en 1932), avec des dessins de Raymond Peynet, ainsi que sa nouvelle Histoire de M. Mauvette et de la fin du monde. Toujours la même année, il rencontre Robert Brasillach (dont il demandera la grâce en 1945) « dans les coulisses, chez Pitoëff ». Anouilh décrira ainsi cette rencontre en 1955 :
« Voilà un jeune homme qui vous aime bien, et qui aime bien le théâtre, me dit Georges, vous devriez le connaître. Un gros regard étonné derrière de grosses lunettes, un sourire enfantin. Pas de choc de sympathie particulier. Mon vieux complexe devant les « intellectuels » qui vont me faire le coup du mépris. Le coup du mépris que je leur fais moi-même, aussi injustement. Le normalien répugne vaguement et fait impression, en même temps, au bachelier sans mention et sans latin que je suis. Ma méfiance inguérissable pour ceux qui ont des idées générales.
Il me dit qu'il aimerait publier une de mes pièces dans son journal. Je la promets. »
En avril 1940, Anouilh est rappelé en service auxiliaire et affecté à la garnison d'Auxerre, comme secrétaire d'un commandant. Fait prisonnier en juin, il est finalement libéré grâce à l'oubli du tampon sur son livret militaire lors de son incorporation, faisant croire à son arrestation comme civil, alors qu'il se rendait à une visite médicale dans sa garnison.
Anouilh rejoint alors à Paris sa femme et sa fille.
En octobre 1940, Le Bal des voleurs est repris par André Barsacq qui vient de succéder à Charles Dullin à la direction du théâtre de l'Atelier. Suivent en l'espace de quelques mois, deux nouveaux succès pour Anouilh. Le premier, grâce à Léocadia, montée au théâtre de la Michodière par Pierre Fresnay, qui appréciait le talent d'Anouilh depuis le succès du Voyageur sans bagage. La création a lieu le 30 novembre 1940 avec Yvonne Printemps et Pierre Fresnay dans les premiers rôles, sur une musique de Francis Poulenc (op.106) et dans des décors et des costumes d'André Barsacq. Brasillach rappelle alors à Anouilh sa promesse et obtient la publication de Léocadia dans Je suis partout, étalée sur cinq numéros. Le second, avec Le Rendez-vous de Senlis, créé au théâtre de l'Atelier par André Barsacq le 30 janvier 1941. Les deux pièces font chacune l'objet d'environ 170 représentations.


Antigone et l'Occupation
L'Antigone classique, contrastant avec « la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux » d'Anouilh.
À l'été 1941, Anouilh et sa femme se réfugient à Salies-de-Béarn, où ils resteront jusqu'en février 1942 ; Anouilh y travaillera à ce qui sera sa prochaine pièce, Eurydice. Tous deux tentent de protéger Mila, femme juive d'origine russe d'André Barsacq. Ils l'hébergeront plusieurs mois dans leur appartement de l'avenue Trudaine à leur retour à Paris.
C'est en pleine Occupation allemande qu'Anouilh fait jouer deux Pièces noires, tout d'abord Eurydice, créée le 18 décembre 1941, puis Antigone, créée le 4 février 1944, toutes deux au théâtre de l'Atelier dans une mise en scène, un décor et des costumes d'André Barsacq, avec Monelle Valentin dans le rôle-titre.
Faut-il accorder une portée politique aux deux pièces et tout particulièrement à Antigone ? Anouilh n'a officiellement pris position ni pour la Collaboration ni pour la Résistance et il est vraisemblable qu'il n'ait eu, jusqu'à la création d'Antigone qu'une vague idée de ce qu'était réellement la Résistance.
Pour autant, un faisceau d'éléments amènent à voir dans Antigone une forte allusion aux excès ou aux drames de la Collaboration (plus qu'à une apologie de la Résistance). Plusieurs dizaines d'années plus tard, Anouilh donne des explications allant dans ce sens. Ainsi, il écrit dans La vicomtesse d'Eristal n'a pas reçu son balai mécanique :
« Antigone, commencée d'écrire le jour des terribles affiches rouges, ne fut jouée qu'en 1944. Plus perspicace, un écrivain allemand ...alerta, m'a-t-on dit, Berlin, disant qu'on jouait à Paris une pièce qui pouvait avoir un effet démoralisant sur les militaires qui s'y pressaient. »
Toujours à l'appui de cette thèse, la 4e de couverture d'Œdipe ou le Roi boiteux (écrite par Anouilh en 1978 et publiée en 1986) indique :
« L'Antigone de Sophocle, lue et relue, et que je connaissais par cœur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l'ai ré-écrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre. »
Autre indice allant dans ce sens, le 14 septembre 1942, Anouilh écrit à Barsacq :
« S'il en est encore temps avant de donner Antigone, relisez le manuscrit en pensant à la censure et si vous repérez des phrases dangereuses (les affiches, le discours du chœur à la fin), envoyez-le moi.
Il vaut mieux que cela ne soit pas tripatouillé sur le manuscrit qu'on enverra. »
Malgré cela, quelques critiques et résistants ont voulu voir au contraire dans Antigone une apologie de la collaboration. Parmi les faits reprochés à Anouilh à la Libération : son amitié pour Pierre Fresnay, les textes publiés dans des journaux collaborationnistes et son soutien actif à la demande de grâce en faveur de Brasillach. Parmi les ennemis d'Anouilh figuraient Armand Salacrou et le journal clandestin Les Lettres françaises qui écrivit : Antigone « est une pièce ignoble, oeuvre d'un Waffen-SS ».
Anouilh restera très longtemps marqué par ces accusations, qu'il considérait comme profondément injustes.
A contrario, pour les tenants de l'interprétation anti-collaborationniste, la plus couramment répandue aujourd'hui, le personnage d’Antigone, inspiré du mythe antique, mais en rupture avec la tradition de la tragédie grecque, devient l'allégorie de la Résistance s'opposant aux lois édictées par Créon / Pétain qu'elle juge iniques. Si l'allégorie est réelle, le parti de l'auteur n'était vraisemblablement, lui, acquis à aucun des deux camps.
Les « deux » premières d'Antigone, celle antérieure à la Libération de Paris le 13 février 1944, comme celle postérieure le 29 septembre 1944, furent toutes deux des succès.
La pièce est jouée 226 fois en un peu moins d'un an.
À la Libération, Anouilh s'érige contre l'épuration. Tentant de sauver la tête de Robert Brasillach, au même titre que 50 personnalités dont Albert Camus, François Mauriac, Paul Valéry ou Colette, il participe activement au recueil des signatures. Anouilh n'est revenu qu'assez tardivement sur ces épisodes, qui ont toutefois constitué une réelle blessure :
« La liste inutile (on aurait eu autant de chance en la déposant au pied d'une statue de Bouddha au musée Guimet) portait, je crois me souvenir, cinquante et une signatures célèbres. Je m'honore d'en avoir décroché sept, sur une douzaine de visites. J'aurais donc fait, on me l'a assuré, un assez bon représentant en clémence — article difficile à placer entre tous, on le constate encore de nos jours, à des gens en proie à l'indifférence et à la frousse, ces deux maladies des guerres civiles. Je suis pourtant revenu vieux — si vieux que je n'ai même plus envie de dire à cause de qui et pourquoi. »
Une carrière prolifique (1945-1955)

En 1945, Anouilh contribue indirectement à la création des éditions de la Table ronde en confiant Antigone à son jeune fondateur Roland Laudenbach.
L'année suivante, alors qu'Antigone est jouée à New York avec Katharine Cornell dans le rôle-titre, Roméo et Jeannette est mise en scène par André Barsacq au théâtre de l'Atelier ; il s'agit de la première pièce interprétée par Michel Bouquet qui deviendra l'acteur-fétiche d'Anouilh, mais aussi par Jean Vilar, Suzanne Flon et Maria Casarès. Malgré cette distribution et 123 représentations, Anouilh qualifie cette pièce de four mémorable.
En 1947, Anouilh s'installe en Suisse, à Chesières, près de Villars-sur-Ollon, dans le canton de Vaud. Renouant avec les Pièces roses, il écrit L'Invitation au château, montée la même année, toujours par Barsacq, et avec une musique de scène de Francis Poulenc (op.138).
La pièce reste à l'affiche pendant plus d'un an, accueillie quasi-unanimement par la critique et le public réunis. Elle sera reprise plusieurs fois, notamment en 1953 avec Brigitte Bardot, qui fera ses débuts à la scène.
Par la suite, la fécondité de l'auteur ne tarit plus. La carrière d'Anouilh sera accompagnée de nombreux succès pendant une trentaine d'années. En septembre 1948, sa première pièce, Humulus le muet, qui n'avait jamais été montée, est créée au théâtre de la Cité universitaire de Paris. 1948 est aussi l'année d'une rencontre importante, celle de Jean-Denis Malclès qui deviendra son décorateur attitré jusqu'aux dernières pièces, à l'occasion de la création à la comédie des Champs-Élysées de Ardèle ou la Marguerite (classée par son auteur parmi les Pièces grinçantes) et de Épisode de la vie d'un auteur, mises en scène par Roland Piétri. C'est aussi, à l'occasion de ces deux pièces, qu'Anouilh s'éloigne du théâtre de l'Atelier et d'André Barsacq, plus orientés vers le théâtre d'avant-garde (même si Colombe en 1951 et Médée en 1953 y seront montées). En 1948, Anouilh rencontre aux cours Simon celle qui sera sa seconde épouse, Nicole Lançon.
En juin 1950, c'est la naissance de Caroline, la première des trois enfants issus de son union avec Nicole.
Chaque année qui passe voit la création d'une pièce et l'écriture de la suivante : La Répétition ou l'Amour puni en 1950, Colombe en 1951, La Valse des toréadors en 1952 (qui sera reprise avec Louis de Funès en 1973), Médée (dernière collaboration avec André Barsacq) et L'Alouette en 1953, Cécile ou l'École des pères en 1954 (dont le rôle-titre est joué par la propre fille de Jean Anouilh, Catherine) et Ornifle ou le Courant d'air en 1955. Toutes sont des succès et sont accompagnées d'une réception critique plus ou moins enthousiaste, mais jamais négative.
En 1952, Anouilh s'installe avec Nicole, leurs deux enfants (Nicolas, son fils, est né en août 1952) et Catherine, sa première fille, dans une maison à Montfort-l'Amaury. À la fin de l'année 1953, Catherine se marie avec Alain Tesler, assistant réalisateur (notamment sur Deux sous de violettes et Le Rideau rouge, films dans lesquels joue Monelle Valentin et aux dialogues desquels a travaillé Jean Anouilh). Le 30 juillet 1953, Anouilh épouse Nicole en Angleterre. Leur troisième enfant naîtra deux ans plus tard. Toute la famille s'installe en 1954 à Paris, rue de Furstenberg dans le 6e arrondissement,

"Pauvre Bitos"
Créée le 11 octobre 1956 au théâtre Montparnasse-Gaston Baty, dans une mise en scène conjointe de Roland Piétri et d'Anouilh lui-même, avec notamment Michel Bouquet, Pierre Mondy et Bruno Cremer, Pauvre Bitos ou le Dîner de têtes imagine un dîner dont les protagonistes sont déguisés en personnages de la Révolution française. Le convive qui joue Robespierre, Bitos, est un ancien camarade de classe des autres convives, celui qui raflait tous les premiers prix, le seul roturier de la bande, mais également celui devenu procureur qui a requis, après la guerre, contre tous les collaborateurs ou ainsi présumé.
Anouilh dénonce ainsi à nouveau, sous la figure des excès de la Terreur, ceux de l'épuration d'après-guerre, dans un contexte français de montée de la violence en Algérie. Il règle ses comptes, en quelque sorte, avec ceux qui, dix ans plus tôt, l'accusaient d'avoir collaboré. Au-delà, la pièce est un manifeste contre tous les exercices abusifs du pouvoir, quels qu'ils soient, et les critiques contemporains s'accordent sur une vision plus intemporelle de la pièce que celle qui a prévalu à sa création.
Tandis que la générale laisse supposer un échec (silence tout au long de la pièce, quelques applaudissements à la fin, un timide rappel, fureur et bagarres à la sortie), la pièce connut un réel succès auprès du public (308 représentations). De même, dès le lendemain les critique se déchaînent, accablant Anouilh et voyant notamment dans Pauvre Bitos un pamphlet contre la Résistance. Des voix contraires s'élèvent (notamment dans la presse d'extrême-droite, mais pas seulement), certains autres journaux « comptant les points » et recensant les pour et les contre.


"Becket" Triomphe 1959-1961
L'année 1959 est une année importante dans la carrière de Jean Anouilh. Il reçoit le prix Dominique de la mise en scène et fait monter trois nouvelles pièces : L'Hurluberlu ou le Réactionnaire amoureux, La Petite Molière et Becket ou l'Honneur de Dieu. Fidèle à son habitude, Anouilh change plusieurs fois d'avis dans le choix des comédiens pour L'Hurluberlu et fait finalement appel à Paul Meurisse. Les trois pièces remportent l'adhésion du public et de la critique.
Écrite en 1959, Becket ou l'Honneur de Dieu est créée au théâtre Montparnasse-Gaston Baty le 2 octobre 1959, toujours dans une mise en scène de Roland Piétri et de l'auteur lui-même, et toujours également avec des décors de Jean-Denis Malclès. Daniel Ivernel y joue le rôle de Henri II et Bruno Cremer celui de Thomas Becket. La pièce reste presque deux ans à l'affiche et fait immédiatement l'objet de reprises et de tournées.
Très rapidement, elle est créée à l'étranger, notamment au Royaume-Uni et aux États-Unis, avec le même succès. En 1964, elle fait l'objet d'une adaptation cinématographique avec Peter O'Toole et Richard Burton dans les rôles principaux, avant de rentrer au répertoire de la Comédie-Française en 1971. Louée quasi-unanimement par la critique, Becket restera comme l'un des plus grands succès de Jean Anouilh.

Anouilh metteur en scène 1961-1967
La création de la pièce suivante, La Grotte, est vécue comme un échec par Anouilh. Bien qu'ayant tenu l'affiche quatre mois, elle reçut en effet un accueil plutôt négatif de la critique.
Pendant les six années qui suivent, Anouilh n'écrira plus ou presque.
Du moins, aucune des pièces qu'il commencera pendant cette période ne sera montée, les deux pièces qui sont créées en janvier 1962 à la comédie des Champs-Élysées, L'Orchestre et La Foire d'empoigne, ayant été écrites les années précédentes. Il se consacre principalement à la mise en scène et à des traductions et adaptations de pièces étrangères.
Ainsi, en 1960, il monte Tartuffe avec, en lever de rideau, un impromptu de sa composition Le Songe du critique. En 1962, il adapte L'Amant complaisant de Graham Greene avec sa femme Nicole. La même année, il met en scène au théâtre de l'Ambigu Victor ou les Enfants au pouvoir de Roger Vitrac, créé en 1929 par Antonin Artaud et qui rencontre enfin le succès, alors que la pièce n'en avait pas réellement eu jusque là.
En 1963, c'est L'Acheteuse de Stève Passeur qu'Anouilh monte à la comédie des Champs-Élysées. Puis, en 1964, Richard III de Shakespeare au théâtre Montparnasse-Gaston Baty. À cette époque, Pauvre Bitos est montée à l'étranger avec des fortunes diverses : succès en Angleterre, 17 représentations seulement aux États-Unis.
À l'occasion du procès de Jacques Laurent en 1965, condamné pour offense au chef de l'État (Charles de Gaulle) en raison de son pamphlet Mauriac sous de Gaulle, Anouilh signe avec une vingtaine d'écrivains, parmi lesquels Jules Roy, Emmanuel Berl, Jean-François Revel ou son ami Marcel Aymé, une pétition contre son inculpation. L'Ordalie ou la Petite Catherine de Heilbronn de Heinrich von Kleist, qu'Anouilh traduit et monte en 1966 au théâtre Montparnasse, est un échec, qui signera la fin des adaptations et de la mise en scène des pièces des autres.
Anouilh se consacrera de nouveau à l'écriture et à la mise en scène de ses propres pièces pour l'essentiel.
L'année suivante, au cours de l'été, Anouilh écrit 47 fables, dans l'esprit de celles de La Fontaine, dont certaines seront montées sous forme de spectacle de marionnettes au théâtre de la Gaité-Montparnasse en 1968 sous le titre de Chansons Bêtes. Jean Anouilh se sépare de Nicole à cette époque.
Retour au théâtre : 12 ans de succès (1968-1980)
Le 13 novembre 1968 est créée à la comédie des Champs-Élysées Le Boulanger, la Boulangère et le Petit Mitron.
Tous les partenaires des succès passés (et futurs) sont là : Roland Piétri pour la mise en scène, Jean-Denis Malclès pour les décors et les costumes, Michel Bouquet dans le rôle principal (dont ce sera toutefois le dernier rôle dans une création d'Anouilh). Comme cela aura fréquemment été le cas avec Anouilh, la critique est partagée mais l'accueil du public favorable.
En 1969, sa nouvelle compagne, Ursula Wetzel donne à Jean Anouilh son cinquième enfant, Anouk.
Les pièces se succèdent : Cher Antoine ou l'Amour raté en 1969 (avec Jacques François et Hubert Deschamps), Les Poissons rouges ou Mon père ce héros en 1970 (avec Jean-Pierre Marielle et Michel Galabru). En l'espace de deux ans, Anouilh se voit descerner le prix de la Critique dramatique pour la meilleure création française (Les Poissons rouges), le prix mondial Cino del Duca pour son message « d'humanisme moderne » et le prix du Brigadier de l'Association des régisseurs de théâtre62. Toujours en 1971, Anouilh entre au répertoire de la Comédie-Française à l'initiative de Pierre Dux avec Becket, jouée par Robert Hirsch et Georges Descrières57. Comblé et malgré les approches de ses confrères, Anouilh refusera l'idée d'entrer à l'Académie française.
Les succès se poursuivent avec Ne réveillez pas Madame en 1971, qui tient l'affiche à la comédie des Champs-Élysées pendant presque 2 ans (600 représentations) ou Le Directeur de l'Opéra en 1972 avec Paul Meurisse. Créations et reprises alternent au théâtre Antoine, au théâtre des Mathurins et à la comédie des Champs-Élysées.
En 1974, Anouilh soutient la création de la première (et unique) pièce de son gendre, Franck Hamon de Kirlavos (mari de Caroline)65. Bien qu'il ne vive plus à leurs côtés, Anouilh conserve des relations aussi bien avec Monelle Valentin (dont il se préoccupera de la santé jusqu'à sa mort) qu'avec Nicole Lançon, à qui il confie les mises en scène de Monsieur Barnett66 et de Vive Henri IV ! ou la Galigaï en 1977. Chers zoiseaux, Le Scénario et Le Nombril seront ses trois derniers plus grands succès à la fin des années 1970 et au début des années 1980.
Anouilh est à nouveau récompensé, par le Grand prix du théâtre de l'Académie française en 1980 et par le Grand prix de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques en 1981.

Fin de vie 1980-1987
En 1980, Anouilh est atteint d'une maladie virale qui lui détruit la thyroïde.
En 1983, il est victime d'une crise cardiaque. Très affaibli, il se retire de manière définitive en Suisse, où il vit auprès d'Ursula.
Ses pièces continuent à être jouées à Paris, mais Jean Anouilh ne peut plus participer à leur mise en scène. Il écrit jusqu'en 1986 ses souvenirs dans un récit autobiographique La vicomtesse d'Eristal n'a pas reçu son balai mécanique. En 1987, il reprend son scénario de Thomas More ou l'Homme libre, qui sera publié quelques mois après sa mort.

Au début du mois d'octobre 1987, il entre à l'hôpital de Lausanne pour une transfusion et renoue avec son fils Nicolas, avec qui il s'était brouillé, avant de mourir le 3 octobre.

Å’uvre

Théâtre
À partir de 1942, Jean Anouilh a classé la majeure partie de son œuvre dramatique par qualificatifs : Pièces roses, Pièces noires, Pièces brillantes, Pièces grinçantes, Pièces costumées, Pièces baroques, Pièces secrètes et Pièces farceuses.
L'auteur traite presque toujours les mêmes thèmes : la révolte contre la richesse et contre le privilège de la naissance, le refus d'un monde fondé sur l'hypocrisie et le mensonge, le désir d'absolu, la nostalgie du paradis perdu de l'enfance, l'impossibilité de l'amour, l'aboutissement dans la mort.
Anouilh ne verse pas dans la pièce à thèse, mais diversifie ses créations depuis la fresque jusqu'à la satire en passant par la tragédie.
Il place avant toute chose le jeu théâtral.
Note: Les dates suivantes sont celles de publication ou à défaut de rédaction.

Pièces roses(1942)
Humulus le muet (1929)
Le Bal des voleurs (1932)
Le Rendez-vous de Senlis (1937)
Léocadia (1939)
En 1942, Anouilh étrenne ses séries « thématiques » avec les Pièces roses qu'il fait alterner avec les Pièces noires.
Ce sont des comédies savoureuses, où l'auteur se laisse aller à sa fantaisie.
Dans l'univers « rose » d'Anouilh, il y a deux catégories de personnages : « les marionnettes », qui sont pour la plupart des vieux ridicules et inconsistants et « les amoureux », des jeunes gens sincères qui croient à leur amour.

Pièces noires (1942)
L'Hermine (1931)
La Sauvage (1934)
Le Voyageur sans bagage (1937)
Eurydice (1942)
Nouvelles pièces noires (1946)
Jézabel (1932)
Antigone (1944)
Roméo et Jeannette (1946)
Médée (1946)
Dans l'univers noir d'Anouilh, il y a deux sortes d'hommes qui s'affrontent, « les gens pour tous les jours » et « les héros ».
La race nombreuse des « gens pour tous les jours » comprend deux catégories assez distinctes.
D'abord les fantoches, égoïstes et mesquins, plats et vulgaires, vicieux et méchants, contents d'eux-mêmes et de la vie ; ce sont, dans la plupart des cas, les pères et les mères des héros.
Ensuite, il y a le groupe des gens dignes et intelligents, mais incapables de grandes aspirations, faits pour une vie tranquille, sans complications.
Les « héros », jeunes pour la plupart, s'opposent également à ces deux groupes nombreux, en rejetant le bonheur commun où ceux-ci se complaisent ; mais ils ne constituent pas une catégorie unitaire.
Deux types peuvent être distingués : ceux qui ont un passé chargé, auquel ils cherchent à échapper et ceux pour qui le passé s'identifie au monde pur de l'enfance, qu'ils s'efforcent de conserver intact.
Les héros d'Anouilh sont incapables de se débarrasser de leur passé. Ils sont « maudits », ils appartiennent à ce passé. Prisonniers de leur passé, de leur position sociale, de leur pauvreté, ils ne trouvent autre issue que la fuite ou la mort, surtout la mort.

Les Pièces noires
Eurydice, Antigone et Médée sont des reprises des mythes connus, mais Anouilh en fait des œuvres modernes, où l'histoire ne joue plus le premier rôle.
Ces pièces frappent dès le début par la familiarité du ton et par le style parlé, parfois vulgaire, très éloigné du style noble et recherché, propre à la tragédie classique.
Comme son maître Jean Giraudoux, Anouilh use abondamment de l'anachronisme : on y parle de cartes postales, de café, de bar, de cigarettes, de fusils, de film, de voitures, de courses, etc. De plus, les personnages portent des vêtements du xxe siècle.
Dans Antigone, Anouilh emploie pour la première fois le procédé du « théâtre dans le théâtre » qu'il emprunte à Pirandello.

Pièces brillantes (1951)
L'Invitation au château (1947)
La Répétition ou l'Amour puni (1947)
Cécile ou l'École des pères (1949)
Colombe (1951)
Dans Colombe (1951), Anouilh reprend son procédé favori : le « théâtre dans le théâtre ».

Pièces grinçantes (1956)
Ardèle ou la Marguerite (1948)
La Valse des toréadors (1951)
Ornifle ou le Courant d'air (1955)
Pauvre Bitos ou le Dîner de têtes (1956)
Après la Libération, la production dramatique d'Anouilh est marquée par les Pièces grinçantes (depuis Ardèle ou la Marguerite jusqu'au Nombril). Son cadre de prédilection y est celui de la comédie satirique, où se meut surtout la race plus ou moins vulgaire des « gens de tous les jours ».

Pièces costumées (1960)
Le meurtre de Thomas Becket (détail du vitrail de la cathédrale de Cantorbéry).
L'Alouette (1953)
Becket ou l'Honneur de Dieu (1959)
La Foire d'empoigne (1962).
La race des « héros » réapparaît dans deux Pièces costumées publiées après la Libération, L'Alouette et Becket, ainsi que dans Thomas More ou l'Homme libre sa dernière pièce publiée en 1987, mais on n'y retrouve plus l'univers angoissant de ses premières Pièces noires.
Jeanne d'Arc (L'Alouette), Thomas Becket et Thomas More sont des figures lumineuses qui acceptent de se sacrifier non pas pour des raisons existentielles, mais au nom du devoir : envers la patrie (Jeanne) ou envers Dieu (Becket et More).

Nouvelles pièces grinçantes (1970)
L'Hurluberlu ou le Réactionnaire amoureux (1957)
La Grotte (1961)
L'Orchestre (1962)
Le Boulanger, la Boulangère et le Petit Mitron (1968)
Les Poissons rouges ou Mon père ce héros (1970)
Pièces baroques (1974)
Cher Antoine ou l'Amour raté (1969)
Ne réveillez pas Madame (1970)
Le Directeur de l'Opéra (1972)
Pièces secrètes (1977)
Tu étais si gentil quand tu étais petit (1972)
L'Arrestation (1975)
Le Scénario (1976)
Pièces farceuses (1984)
Épisode de la vie d'un auteur (1948)
Chers zoiseaux (1976)
La Culotte (1978)
Le Nombril (1981)

Adaptations
Jean Anouilh a adapté et traduit plusieurs pièces d'auteurs étrangers dont :
1952 : Comme il vous plaira et Le Conte d'hiver de Shakespeare
1953 : Le Désir sous les ormes de Eugene O'Neill en collaboration avec Paule de Beaumont (comédie des Champs-Elysées)
1954 : Il est important d'être aimé d'Oscar Wilde en collaboration avec Claude Vincent (comédie des Champs-Elysées)
1957 : La Nuit des rois de Shakespeare en collaboration avec Nicole Anouilh (théâtre du Vieux-Colombier)
1962 : L'Amant complaisant de Graham Greene en collaboration avec Nicole Anouilh
1965 : Richard III de Shakespeare (théâtre Montparnasse)
1966 : L'Ordalie ou la Petite Catherine de Heilbronn de Heinrich von Kleist (théâtre Montparnasse)

Mises en scène
Outre son travail d'auteur, Jean Anouilh a aussi travaillé au théâtre comme metteur en scène, le plus souvent en collaboration69.
1952 : La Valse des toréadors de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, comédie des Champs-Élysées
1953 : L'Alouette de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, théâtre Montparnasse
1954 : Cécile ou l'École des pères de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, comédie des Champs-Élysées
1955 : Ornifle ou le Courant d'air de Jean Anouilh, mise en scène de Jean Anouilh, comédie des Champs-Élysées
1956 : Pauvre Bitos ou le Dîner de têtes de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, théâtre Montparnasse
1959 : L'Hurluberlu de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, comédie des Champs-Élysées
1959 : Becket ou l'Honneur de Dieu de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, théâtre Montparnasse
1961 : La Grotte de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, théâtre Montparnasse
1962 : La Foire d'empoigne de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, comédie des Champs-Élysées
1962 : L'Orchestre de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, comédie des Champs-Élysées
1962 : Le Boulanger, la Boulangère et le Petit Mitron de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, comédie des Champs-Élysées
1962 : Victor ou les Enfants au pouvoir de Roger Vitrac, théâtre de l'Ambigu puis théâtre de l'Athénée
1964 : Richard III de Shakespeare, mise en scène avec Roland Piétri, théâtre Montparnasse
1966 : L'Ordalie ou la Petite Catherine de Heilbronn de Heinrich von Kleist, théâtre Montparnasse
1969 : Cher Antoine ou l'Amour raté de Jean Anouilh, mise en scène de Jean Anouilh, comédie des Champs-Élysées
1970 : Ne réveillez pas Madame de Jean Anouilh, mise en scène de Jean Anouilh, comédie des Champs-Élysées
1970 : Les Poissons rouges de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, théâtre de l'Œuvre
1972 : Le Directeur de l'Opéra de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, comédie des Champs-Élysées
1972 : Tu étais si gentil quand tu étais petit de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, théâtre Antoine
1974 : Colombe de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, comédie des Champs-Élysées
1975 : L'Arrestation de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, théâtre de l'Athénée
1976 : Chers zoiseaux de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, comédie des Champs-Élysées
1976 : Le Scénario de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, théâtre de l'Œuvre
1981 : Le Nombril de Jean Anouilh, mise en scène avec Roland Piétri, Théâtre de l'Atelier

Autres Å“uvres
L'œuvre littéraire de Jean Anouilh comprend un recueil de fables, quelques récits, plusieurs livrets d'opéra ainsi que de nombreux scénarios et adaptations cinématographiques et télévisuelles.
Il est aussi le créateur de la revue La Nouvelle Saison avec Jean-Louis Barrault et René Barjavel en 1939.

Littérature

1962 : Fables
Anouilh y reprend notamment La Cigale et la Fourmi de Jean de La Fontaine sous le titre La Cigale, mais en renversant le sens.
1987 : La vicomtesse d'Eristal n'a pas reçu son balai mécanique, autobiographie
2000 : En marge du théâtre, recueil d'articles, de préfaces et de présentations de ses œuvres théâtrales, publié de manière posthume, sous la direction d'Efrin Knight.

Cinéma et télévision
Jean Anouilh a aussi travaillé comme scénariste et dialoguiste sur de nombreux films et téléfilms.
1937 : Le Gagnant, court-métrage d'Yves Allégret (dialogues)
1937 : Vous n'avez rien a déclarer ? de Léo Joannon (dialogues avec Yves Allégret, Jean Aurenche, Maurice Hennequin et Pierre Veber)
1937 : Les Dégourdis de la onzième de Christian-Jaque (dialogues avec Jean Aurenche et René Pujol)
1937 : La Citadelle du silence de Marcel L'Herbier (dialogues)
1939 : Les Otages de Raymond Bernard (scénario et dialogues avec Leo Mittler et Victor Trivas)
1940 : Cavalcade d'amour de Raymond Bernard (scénario et dialogues avec Jean Aurenche)
1944 : Marie-Martine de Albert Valentin (scénario avec Jacques Viot)
1944 : Le Voyageur sans bagage de Jean Anouilh (scénario et dialogues avec Jean Aurenche)
1947 : Monsieur Vincent de Maurice Cloche (scénario, adaptation et dialogues avec Jean Bernard-Luc)
1948 : Anna Karénine de Julien Duvivier (scénario, adaptation et dialogues avec Julien Duvivier et Guy Morgan)
1949 : Pattes blanches de Jean Grémillon (scénario et dialogues avec Jean Bernard-Luc)
1951 : Caroline chérie de Richard Pottier (scénario et dialogues)
1951 : Deux sous de violettes de Jean Anouilh (adaptation et dialogues avec Monelle Valentin)
1952 : Le Rideau rouge ou Ce soir, on joue Macbeth d'André Barsacq (scénario et dialogues avec André Barsacq)
1953 : Un caprice de Caroline chérie de Jean Devaivre (scénario, adaptation et dialogues avec Cécil Saint-Laurent)
1954 : Le Chevalier de la nuit de Robert Darène (scénario et dialogues)
1961 : La Mort de Belle d'Édouard Molinaro (adaptation et dialogues)
1964 : La Ronde de Roger Vadim (adaptation et dialogues)
1965 : Piège pour Cendrillon d'André Cayatte (dialogues avec André Cayatte et Sébastien Japrisot)
1972 : Time for Loving de Christopher Miles (scénario)
1976 : Le Jeune Homme et le Lion (TV) de Jean Delannoy (scénario)
1979 : La Belle Vie (TV) de Lazare Iglésis (scénario et dialogues)

Opéra
1953 : Le Loup, ballet de Henri Dutilleux, argument de Jean Anouilh et Georges Neveux, chorégraphie de Roland Petit, créé au théâtre de l'Empire en mars 1953 ;
1961 : Colombe, « comédie lyrique » en quatre actes et 6 tableaux de Jean-Michel Damase, livret de Jean Anouilh d'après sa pièce, créée le 5 mai 1961 à l'Opéra de Bordeaux avec Maria Murano, dans une mise en scène de Roger Lalande, décors et des costumes de Jean-Denis Malclès ;
1970 : Madame de..., « comédie musicale » en deux actes de Jean-Michel Damase, livret de Jean Anouilh, créée le 26 avril 1970 à l'Opéra de Monte-Carlo avec Suzanne Sarroca dans une mise en scène d'André Barsacq ;
1971 : Eurydice, « drame lyrique » en 3 actes de Jean-Michel Damase, livret de Jean Anouilh d'après sa pièce, créé en 1971 dans le cadre du Festival de mai de Bordeaux puis repris l'année suivante à l'Opéra de Bordeaux ;
1999 : Antigone, opéra en deux actes de Míkis Theodorákis, livret du compositeur d'après la pièce de Jean Anouilh, créé le 7 octobre 1999 à Athènes.

Distinctions
1961 : Tony Award de la meilleure pièce
1970 : Prix mondial Cino del Duca
1971 : Prix du Brigadier pour trois pièces à l'affiche :
Les Poissons rouges au théâtre de l'Œuvre,
Ne réveillez pas Madame à la comédie des Champs-Élysées,
Tu étais si gentil quand tu étais petit au théâtre Antoine.
1980 : Grand prix du théâtre de l’Académie française

Adaptations de l'Å“uvre
Plusieurs pièces d'Anouilh ont été adaptées au cinéma, notamment :
Les Femmes du général, film britannique de John Guillermin (d'après La Valse des toréadors) sorti en 1962, avec Peter Sellers et Dany Robin ;


Liens
http://youtu.be/7icV9X_xPTc le chêne et le roseau
http://youtu.be/_XdSq1tgZTE le bal des voleurs 1
http://youtu.be/D5W6CVYe9p0 Antigone sous-titrée

Attacher un fichier:



jpg  jean-anouilh--849.jpg (39.69 KB)
3_51c61e6abb45e.jpg 500X600 px

jpg  Les-Annonces-de-la-Seine-16-2011-supplement.jpg (152.38 KB)
3_51c61e7c7483f.jpg 1496X1776 px

jpg  Antigone08_0051.jpg (76.81 KB)
3_51c61e88a9980.jpg 1024X682 px

jpg  antigone-anouilh.jpg (198.80 KB)
3_51c61e9720b5d.jpg 906X1441 px

jpg  colombe-de-jean-anouilh-avec-anny-duperey-et-sarah-giraudeau-dr.jpg (24.04 KB)
3_51c61eb915541.jpg 540X285 px

jpg  9782877068017_1_75.jpg (34.42 KB)
3_51c61ecfad2a9.jpg 344X500 px

Posté le : 23/06/2013 00:01
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Re: La poésie (les différentes formes)
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Comment étudier un poème ?

Cette page présente des informations méthodologiques pour étudier un poème.
Veuillez noter que cette liste d’éléments n’est pas complète et que votre étude doit s’appuyer sur les caractères stylistiques essentiellement singuliers de votre texte.

Le vers

Le vers se définit couramment comme étant une disposition particulière des éléments d’un texte (blanc typographique et retour à la ligne, usage du rythme et des sonorités et, pour le vers régulier, décompte des syllabes).
Le vers régulier : il s’agit de compter les syllabes et de s’attacher au jeu des rimes.
Le vers libre : même si la rime est présente, on parlera plus de rythme et de sonorités. Le poème en vers est formé le plus souvent de strophes, et le poème en prose est un texte poétique construit en paragraphes (employé à partir du XIXe siècle).
La structure du texte
Il s’agit de la construction d’ensemble d’un poème, organisé en strophes. Ces strophes peuvent être régulières (tercet pour trois vers regroupés, quatrain pour quatre vers, quintil pour cinq vers, etc., ou irrégulières.
→ Voir aussi : les différents groupements de vers.

Le mètre

C’est le nombre de syllabes prononcées dans le vers.
Les types de vers les plus courants sont l’octosyllabe (huit syllabes), le décasyllabe (dix syllabes), l’alexandrin (douze syllabes).
Le « e » muet ne se prononce pas (on dit qu’il y a élision) :
à la fin du vers,
devant une voyelle ou un « h » muet,
entre une voyelle et une consonne à l’intérieur d’un mot.
Le « e » muet se prononce :
quand il est placé en finale d’un mot et que le mot suivant commence par une consonne ou un « h » aspiré,
lorsqu’il est placé entre deux consonnes.

Le rythme
Il s’agit de la succession des accents d’intensité qui frappent un mot ou un groupe de mots et permettent de former des mesures. L’accent est l’augmentation de l’intensité de la voix sur une syllabe.

La coupe

Il s’agit, dans un vers, de la séparation entre deux mots, séparation qui marque la fin d’une mesure. En général, il y a une coupe majeure qu’on appelle césure et des coupes mineures.
Exemple : dans l’alexandrin classique, la césure est au centre (6/6) : les deux moitiés de vers s’appellent alors des hémistiches.

La rime
Il s’agit du retour, à la fin de deux ou plusieurs vers, de la même consonance de la terminaison accentuée (voyelle et consonne qui suit) du mot final.

Lorsque l’on étudie la rime, il faut observer :

le genre de la rime : les rimes féminines sont toutes les rimes qui se terminent par un « e » non accentué, même si après le « e » figure une marque du pluriel. Toutes les autres rimes sont appelées rimes masculines. La versification classique impose l’alternance des rimes masculines et féminines.
la qualité de la rime : la rime riche se compose de trois sons communs.
La rime suffisante comporte deux sons en commun.
Enfin, la rime pauvre est celle où il n’y a qu’un son en commun.
la nature de la rime :
les rimes plates ou suivies sont celles qui sont couplées deux à deux (AABB).
Les rimes embrassées, quant à elle, sont enchâssées l’une dans l’autre (ABBA).
Enfin, les rimes croisées sont celles qui sont alternées (ABAB).

Allitération et assonance
C’est la répétition d’un même son dans le vers, que ce soit une consonne (allitération) ou une voyelle (assonance).


Enjambement

L’enjambement se dit d’une phrase ou d’un segment de phrase qui continue au vers suivant sans que l’on puisse marquer un temps d’arrêt. Lorsque cette phrase (ou ce segment de phrase) s’achève juste au début du vers suivant, on parle de rejet et quand elle débute à la fin du vers, on parle de contre-rejet.
on a un rejet lorsqu'un élément bref, lié du point de vue du sens à un vers, est rejeté au début du vers suivant.
Exemple :
« Il est de forts parfums pour qui toute matière
Est poreuse. On dirait qu'ils pénètrent le verre »
(Baudelaire)
L'élément souligné est un « rejet ». Sa position le met en valeur.
Le contre-rejet est le phénomène inverse : un élément bref apparaît en fin de vers, alors qu'il est lié par le sens au vers suivant.
Exemple :
« Voilà le souvenir enivrant qui voltige
Dans l'air troublé ; les yeux se ferment ; le Vertige
Saisit l'âme vaincue et la pousse à deux mains
Vers un gouffre obscurci de miasmes humains »
(Baudelaire)
Dans le même poème (Le Flacon), la partie soulignée est cette fois en position de

La Césure
La césure , est un mot qui a été employé pour la première fois en 1537 par Marot ; il vient du latin coesura; qui signifie : coupure. Dans les vers longs (au moins de plus de huit syllabes) lorsqu'une coupe plus marquée sépare les mesures du vers, elle prend le nom de césure. Autrement dit, elle divise le vers en deux hémistiches. L'hémistiche constituant une moitié de vers. Sauf dans le cas de l'alexandrin, la place de la césure n'est pas fixée. Elle coïncide avec l'organisation syntaxique (groupe sujet/groupe verbal ; deux indépendantes, etc.).

Un exemple pour le vers décasyllabe (vers de 10 syllabes) :
J'ai dit à mon coeur //, à mon faible coeur... (Musset)

Le premier hémistiche comprend ==> 5 syllabes
Le second hémistiche comprend ==> 5 syllabes, également.

Un exemple pour le vers décasyllabe :
Le vent se lè(ve) //ve !... Il faut tenter de vivre ! (Valéry).

Le premier hémistiche comprend ==> 4 syllabes
Le second hémistiche comprend ==> 6 syllabes.

Prenons, à présent un exemple pour le vers octosyllabique (8 syllabes) :
L'obscurité // couvre le monde
Lais l'idée // illumine et luit.. (Hugo

Le premier hémistiche du premier vers comprend ==> 4 syllabes + 4 autres syllabes.
Le second hémistiche du second vers comprend ==> 3 syllabes, puis 5 syllabes.

Comme il est signalé ci-dessus, il n'y a que dans l'alexandrin classique que le vers se partage en deux hémistiches égaux de 6 syllabes.
Exemple :
Vous haïssez le jour // que vous venez chercher.
La césure est alors une pause, un repos de la voix (qui peut correspondre à une reprise du souffle, mais n'est pas nécessairement à la fin d'un mot). Cette césure centrale donne donc un rythme binaire à l'alexandrin.
Toutefois, certains poètes ne marquent pas la césure, et préfèrent donner un rythme ternaire au vers. Par exemple le vers suivant : « Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir » (Corneille) est également un alexandrin, mais la césure, tombant sur le second « toujours », n'est pas marquée par la voix. La présence des virgules, ainsi que la répétition de l'adverbe, impose de dire l'alexandrin en trois mesures de quatre syllabes chacune, au lieu de deux mesures de six syllabes chacune ; le vers est alors appelé « trimètre » : « Toujours aimer, / toujours (//) souffrir, / toujours mourir ».


Diérèse et synérèse

Deux autres phénomènes influent sur le compte des syllabes : la diérèse et la synérèse. Ces deux phénomènes concernent l'association de deux voyelles, dont la première est un i, un u ou un ou.
Dans le langage courant, on a tendance à prononcer ces associations en une seule syllabe : on dira nuit en une syllabe, union en deux syllabes, etc.
En versification, le poète a le choix : soit il adopte le mode courant, effectuant ainsi une synérèse ; soit il désire une prononciation en deux syllabes, nommée alors diérèse.
Exemple : « Vous êtes mon lion superbe et généreux » (Victor Hugo)
Dans cet alexandrin, on n'obtient les douze syllabes que si l'on prononce li/on en deux syllabes, avec une diérèse. Ce procédé permet d'obtenir le bon décompte, mais il permet surtout d'insister sur un mot en l'allongeant (allongement qui est ici amplifié par le fait que le mot lion est placé au milieu du vers).

La structuration des strophes

Les rimes (plates, croisées ou embrassées) ainsi que les types de vers structurent des strophes :
tercet = strophe de trois vers ;
quatrain = strophe de 4 vers ;
quintil = strophe de 5 vers ;
sizain = strophe de 6 vers ;
huitain = strophe de 8 vers ;
dizain = strophe de 10 vers ;
on trouve plus rarement des septains ou des neuvains.

La métaphore
C’est une analogie, un rapprochement qui est fait entre deux mots ou deux idées afin de suggérer une réalité nouvelle ou de faire surgir une image.
La métaphore n’utilise aucun mot de comparaison : le mot comparé est mis en relation immédiate avec le comparant. La métaphore peut même exister en l’absence du comparé (on dit alors métaphore in absentia).


Posté le : 19/06/2013 23:47

Edité par Loriane sur 20-06-2013 09:53:31
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


La poésie (les différentes formes)
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne

POÉSIE : LES PRINCIPALES FORMES POÉTIQUES


Acrostiche
: poème dont la première lettre de chaque vers, si on lit dans le sens vertical, donne le sujet du poème, le nom de l'auteur ou de celui à qui le poème est destiné.

Ballade
: au Moyen Age, poème lyrique à forme fixe, se composant de 3 strophes et d'un envoi qui commence en général par le mot « Prince ». Chaque strophe et l'envoi se terminent par le même vers, les 3 strophes sont symétriques par le nombre de vers, la position des rimes, la mesure des vers, tous de même longueur. XIXe siècle : poème épico-lyrique, à strophes égales, emprunté par les romantiques à l'Angleterre et à l'Allemagne : ce poème a pour sujet une légende guerrière, un amour tragique, un amour sanglant, un récit fantastique. De nos jours, la ballade évoque surtout l'idée de chant populaire.

Blason : M.A., XVIe siècle : pièce de petits vers à rimé plate contenant l'éloge ou la critique d'une personne qu'on voulait « blasonne r», c.à d. célébrer et, plus souvent, blâmer.

Bouts-rimés
: rimes choisies d'avance avec lesquelles on doit faire une poésie dites «bout-rimé», sur un sujet imposé ou librement choisi ; ce divertissement fut très à la mode dans les milieux précieux et mondains tout au long du XVIIe siècle.

Eglogue
: (étym. « pièce choisie ») poème pastoral consistant en un dialogue entre deux bergers. Ce genre antique fut repris en France au XVIe siècle.

Elégie
: (en grec : « dire hélas ») poème lyrique, caractérisé par l'alternance des hexamètres et des pentamètres, qui finit par se spécialiser dans l'expression des sentiments mélancoliques provoqués par un deuil ou un amour malheureux.

Epigramme
: en Grèce, tout poème assez court pour être gravé sur une pierre. Chez les latins, petit poème satirique très bref forme sous laquelle il est demeuré en France.

Epithalame
: (grec : « sur le lit nuptial ») poème à la louange de deux époux.: Genre repris par la Pléiade qui y introduisit des thèmes mythologiques, érotiques, moraux et parfois patriotiques.

Epître
: Lettre en vers sur des sujets forts variés : confidences, récits d'aventures, thèmes moraux etc. Le ton garde la souplesse du genre épistolaire et varié, suivant le sujet, du badinage au sérieux, sans atteindre l'éloquence ni la rigueur du discours.

Epopée
: (grec : « action de faire un récit ») poème héroïque, par opposition au roman qui, à l'origine, ne s'en distinguait pas. Elle est conçue selon les règles tirées d'Homère et de Virgile.

Hymne : poème religieux en l'honneur des dieux ou des héros. Au XVIe siècle, poème à rime plate, en alexandrins, épique ou didactique (jamais lyrique) sur des sujets très divers. Ensuite, toute oeuvre qui chante un grand sentiment sur le mode du lyrisme enthousiaste.

Idylle
: (grec : « petit tableau ») dans la poésie grecque, petit poème, presque toujours érotique, évoquant des scènes de la vie pastorale. Genre repris par la Pléiade.

Impromptu
: petit poème improvisé, très à la mode chez les Précieux.

Lai
: Marie de France contribua à populariser le lai au XIIe siècle. Il s’agit de court récit en vers de 8 syllabes à rimes plates, dont le sujet est d'ordinaire emprunté au cycle de La table Ronde.C'est une forme poétique brève composée de vers impairs, bien que les lais de Marie de France soient en octosyllabes. La forme du lai peut varier, mais il est le plus souvent associé au merveilleux et au thème de l’amour courtois.au Moyen Age.. Au XIVe siècle, poème de douze strophes, chacune étant construite sur deux rimes et se partageant en deux moitiés qui reproduisent les mêmes entrelacements de rimes et la même variété de mètres.

Madrigal
: genre introduit en France au XVIe siècle, très cultivé jusqu'au XVIIIe siècle. Compliment tendre et galant adressé, en quelques vers, à une dame, sans aucune loi de rime ni de rythme.

Ode
: (grec : « chant ») tout poème destiné à être mis en musique. Forme et sens très variés. Tout poème lyrique qui exprime d'une façon personnelle des sentiments communs à la masse des hommes, en strophes symétriques, en mètres variés, avec un système harmonieux de rythmes et de rimes.

Odelette : petites odes caractérisées par leurs thèmes érotiques et bachiques avec prédominance de l'élément descriptif. Mètres et strophes courts.

Pantoum
: poème à forme fixe emprunté à la poésie Malaise : suite de quatrains à rimes croisées ; le 2ème et le 4ème vers de chaque strophe forment le 1er et le 5ème de la strophe suivante. Le vers qui ouvre la pièce doit la terminer.

Rondeau
: petit poème à forme fixe.13 vers sur 2 rimes aabbaaabaabba ; pause après le 5ème et le 8ème vers ; les premiers mots du rondeau se répètent après le 8ème et le 13ème vers sans compter pour un vers. Cette forme était employée notamment entre les XIIIe et XVIe siècles. Au départ, le rondeau était une chanson destinée à la danse.

Sonnet
: (italien : « petite chanson ») poème de 14 vers d'origine provençale ou italienne, importé au XVIe siècle par Marot. D'abord en alexandrins, il admis tous les mètres ensuite. Le sonnet comporte 2 quatrains et 2 tercets. Les 2 quatrains sont sur 2 rimes et chacun d'eux doit présenter un sens complet ; chaque tercet n'a pas toujours un sens complet.

Théodore de Banville, Petit traité sur le Sonnet


Le Sonnet est toujours composé de deux quatrains et de deux tercets

Dans le Sonnet régulier - riment ensemble :

1° le premier, le quatrième vers du premier quatrain ; le premier et le quatrième vers du second quatrain ;
2° le second, le troisième vers du premier quatrain ; le second et le troisième vers du second quatrain ;
3° le premier et le second vers du premier tercet ;
4° le troisième vers du premier tercet et le second vers du second tercet ;
5° le premier et le troisième vers du second tercet.

Si l'on introduit dans cet arrangement une modification quelconque,
Si l'on écrit les deux quatrains sur des rimes différentes,
Si l'on commence par les deux tercets, pour finir par les deux quatrains,
Si l'on croise les rimes des quatrains
Si l'on fait rimer le troisième vers du premier tercet avec le troisième vers du deuxième tercet - ou encore le premier vers du premier tercet avec le premier vers du du deuxième tercet,
Si enfin on s'écarte, pour si peu que ce soit, du type classique,

Le Sonnet est irrégulier.

Le dernier vers du Sonnet doit contenir un trait - exquis, ou surprenant, ou excitant l'admiration par sa justesse et par sa force.
Lamartine disait qu'il doit suffire de lire le dernier vers d'un Sonnet ; car, ajoutait-il, un Sonnet n'existe pas si la pensée n'en est pas violemment et ingénieusement résumée dans le dernier vers.
Le poète des Harmonies partait d'une prémisse très juste, mais il en tirait une conclusion absolument fausse.

OUI, le dernier vers du Sonnet doit contenir la pensée du Sonnet tout entière. - NON, il n'est pas vrai qu'à cause de cela il soit superflu de lire les treize premiers vers du Sonnet. Car dans toute oeuvre d'art, ce qui intéresse, c'est l'adresse de l'ouvrier, et il est on ne peut plus intéressant de voir :

Comment il a développé d'abord la pensée qu'il devait résumer ensuite,

Et comment il a amené ce trait extraordinaire du quatorzième vers - qui cesserait d'être extraordinaire s'il avait poussé comme un champignon.

Enfin, un Sonnet doit ressembler à une comédie bien faite, en ceci que chaque mot des quatrains doit faire deviner - dans une certaine mesure - le trait final, et que cependant ce trait final doit surprendre le lecteur - non par la pensée qu'il exprime et que le lecteur a devinée -, mais par la beauté, la hardiesse et le bonheur de l'expression. C'est ainsi qu'au théâtre un beau dénouement emporte le succès, non parce que le spectateur ne l'a pas prévu - il faut qu'il l'ait prévu -, mais parce que le poète a revêtu ce dénouement d'une forme plus étrange et plus saisissante que ce qu'on pouvait imaginer d'avance.

Triolet : M.A.-XVIe siècle. Petit poème exprimant une pensée gracieuse ou doucement satirique, en 8 vers, généralement octosyllabes, sur des rimes en général du type abaaabab ; les vers 1, 4 et 7, 2 et 8 sont les mêmes.

Virelai
: petite pièce en vers courts, sur deux rimes, et commençant par 4 vers dont les 2 premiers se répètent dans les autres couplets.

Le haïku

Petit poème japonais dont les premier et troisième vers ont cinq syllabes et le deuxième, sept syllabes. Issu du renga, une forme poétique ancienne (VIIIe siècle), le haïku se développe pleinement au XVIIe siècle. Il inspire par la suite les auteurs anglo-saxons adhérant à l’imagisme, mouvement poétique du début du XXe siècle.




Posté le : 19/06/2013 23:41
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Re: Elsa Triolet
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Hummm, c'est bon le gruyère, surtout avec des trous !

Tiens les voici les yeux d'Elsa :
Les Yeux d'Elsa

Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire

À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés

Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure

Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé

Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche

Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages

Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août

J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa

Louis Aragon

http://youtu.be/FP9WLvZhL5Y

Posté le : 18/06/2013 23:09
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Re: Elsa Triolet
Modérateur
Inscrit:
02/02/2012 21:24
De Paris
Messages: 1494
Niveau : 32; EXP : 96
HP : 0 / 799
MP : 498 / 28992
Hors Ligne

C'était donc elle, "les yeux d'Elsa"??????
Ma culture est un vrai gruyère ! j'ai honte !

Posté le : 18/06/2013 20:02
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Elsa Triolet
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
le 16 Juin 1970 meurt Elsa Triolet de son vrai nom Ella Kagan.

Egérie de poètes, dont Maïakowski elle deviendra l'inséparable compagne de Louis Aragon.
Elle est une femme de lettres et résistante française d'origine russe née le 12 septembre 1896 à Moscou, décédée le 16 juin 1970 à Saint-Arnoult-en-Yvelines. Elle est également connue sous le pseudonyme de Laurent Daniel

Elsa Triolet (Ella Iourevna Kagan de son vrai nom puis Triolet nom de son premier mari, nom qu'elle gardera toute sa vie, est née à Moscou le 12 septembre 1896.

De famille bourgeoise, elle est fille de Elena Youlevna Berman, une pianiste de grand talent, sans être musicienne professionnelle et de l'avocat juif Youri Alexandrovitch Kagan qui s'était spécialisé dans des contrats d'artistes et d'écrivains. Elle a pour sœur aînée Lili Brik, dont elle est très jalouse, mais qu'elle admire en même temps.
Elle fréquente très jeune les milieux intellectuels de la capitale russe.
Elle commence à apprendre le français à six ans et à tenir un journal intime à douze.
À partir de ses souvenirs d'enfance, elle écrit son premier roman en russe : "Fraise des Bois" qui est le surnom qu'on lui donnait quand elle était enfant, livre publié en 1926, Il y traduit largement le sentiment d'avoir été mal-aimée par ses parents.
sa soeur, Lili rejoindra en 1905 la Révolution russe et c'est notamment par elle qu'Elsa et Louis Aragon auront des contacts communistes en URSS, car tout naturellement durant leurs séjours en URSS, le couple Elsa-Aragon était hébergé chez Lili.
Elsa est l’amie d'enfance du linguiste Roman Jakobson qui tomba amoureux d'elle.
Elle commence son journal en français en 1909.

Elle rencontre en 1911 le poète russe Maïakowski qu’elle présente à sa soeur cadette, et qui deviendra le compagnon de Lili Brick en 1915.
Sa beauté, son charme et son intelligence font d’elle une sorte de muse d’un groupe d’écrivains : le 'groupe futuriste'.
Elsa se découvre une passion pour la poésie qui lui fera fréquenter assidûment les cafés le soir, après ses cours à l'école d'architecture, dans un cercle littéraire autour de la figure charismatique de Maïakovski.

De 1913 à 1918, elle étudie l’architecture. A la veille de la Révolution, en 1916, des difficultés financières surviennent et Ella doit travailler en usine, tout en continuant à suivre ses études.
Elle rencontre le français André Trioletqui appartient à la mission militaire française en Russie en 1917 et quitte la Russie en 1918 (à la fois pour oublier Maïakowski et fuir la rigueur de l’époque), pour l’épouser en 1919 à Paris.

Ils partent à Tahiti en octobre 1919 où ils envisagent d’acheter une plantation. Mais leurs relations bientôt se dégradent et Ella reçoit une proposition de mariage de Roman Jakobson, puis se séparent en 1921. Ce voyage inspire son premier roman écrit en russe A Tahiti en 1926. Deux autres suivent : Fraise des bois la même année et Camouflage en 1928.

Fin 1920, Elsa rejoint sa mère à Londres et est engagée par un architecte.

En 1922, elle se rends à Berlin où Elsa retrouve sa soeur Lili, Maïakovsky, Brik, Chklovski et Jakobson.
En 1923, Victor Chlovski publie ZOO, roman qui intègre des lettres d’Elsa. Elle rencontre avec Gorki qui l’invite à écrire.

En 1924, elle s’installe à Paris, à Montparnasse à l’hôtel Istria. Elle y accueille Maïakovsky et lui sert d’interprète.

De 1925 à 1926, elle se lie avec Marc Chadourne.

Elle rencontre Louis Aragon le 6 novembre 1928 à Paris à La Coupole grâce à Roland Tual, un ami surréaliste. Elle devient sa muse.
Elsa s’est faite accompagner par Vladimir Pozner. La vie commune d’Elsa et d’Aragon commence le soir même à l’hôtel Istria.. Dès lors leur deux vies sont inséparables. A la fois compagne et inspiratrice du poète (il écrit pour elle Les yeux d’Elsa en 1942), membre comme lui du parti communiste, elle entend bâtir son oeuvre propre qui constitue cependant une sorte de réponse à celle d’Aragon.
Les revenus littéraires d’Aragon ne suffisent pas à alimenter la marmite.
Elsa dessine et fabrique des colliers que Louis vend aux grands couturiers.
elle traduit également des auteurs russes et français. Elle commence à écrire un premier roman en français, "Bonsoir Thérèse", en 1938.
En 1932-33, Elsa en fait un livre : Colliers, qui est sa dernière œuvre en russe. Sa publication en URSS apparaît impossible sans de larges amputations. Elsa écrira donc son prochain livre en français, ce qui aura pour autre avantage qu’Aragon pourra le lire.
Après le suicide de Maïakovski (avril 1930), le couple part retrouver Lili Brik, la soeur d’Elsa, à Moscou.
Elsa fait inviter Aragon et Sadoul au Congrès de Karkhov où la France n’était pas représentée. Cette participation et ses suites entraîneront la rupture d’Aragon avec les surréalistes.

A la mi-juin 1932, le couple s’installe à Moscou et vit avec peu de moyens à l’hôtel Lux. En août, ils voyagent dans l’Oural. En février, parution en extraits de Colliers d’Elsa Triolet (en russe).
En décembre 1934, paraît aux Editions d’Etat le Voyage au bout de la nuit (1933 en France), traduit par Elsa. Elle traduit également Mon Paris d’Ehrenbourg, fait des reportages et débute dans le journalisme de mode.
Elsa traduit également en russe des romans d’Aragon : Les Cloches de Bâle (1934), Les Beaux quartiers (1936).

Ces voyages en URSS, est pour Elsa c’est l’occasion de retrouver son pays, sa langue et sa famille, quitte à ce qu’Aragon s’éloigne des surréalistes et prenne de plus en plus de poids au sein du parti communiste français auquel il a adhéré en 1927 et auquel elle n’adhèrera jamais. Elsa et Aragon deviennent des médiateurs de la poésie et de la littérature soviétique en France.
Elsa épouse Aragon le 28 février 1939.
Elle entre avec lui dans la Résistance, dans la zone Sud, à Lyon et dans la Drôme notamment et elle contribue à faire paraître et à diffuser les journaux "La Drôme en armes et Les Étoiles".

Appartenant au comité directeur du Comité national des écrivains (CNE), elle s’attache à promouvoir la lecture et la vente de livres dans les années cinquante.
L’éclatement de la seconde guerre mondiale et la défaite française de juin 1940 contraint le couple à se déplacer vers le sud de la France, vers Nice où se trouvent également de nombreux auteurs et artistes comme Henri Matisse puis dans la Drômeà Saint-Donat où ils se cachent sous le nom de Monsieur et Madame Andrieux.
C’est une période de réclusion, de persécution, il faut savoir que Elsa Triolet est recherchée parce qu’elle est juive, de combat, mais aussi d’écriture.

La période de la guerre lui inspire le roman "L’Inspecteur des ruines", "puis la menace atomique", "au temps de la guerre froide", "Le Cheval roux".

Elle voyage beaucoup dans les pays socialistes avec Aragon, mais, si elle a conscience de l’antisémitisme qui atteint sa sœur et des crimes qui sont commis en Union soviétique, notamment, le compagnon de Lili Brik, sa soeur, , le général Vitaliy Primakov, est exécuté par le régime stalinien, elle ne fait aucune déclaration publique sur ces événements.

Elle continue à écrire : le roman Le Cheval blanc et des nouvelles publiées aux Éditions de Minuit. Réunies sous le titre "Le premier accroc coûte 200 francs", cette phrase dite sur la radio et qui annonçait le débarquement en Provence, ces nouvelles obtiennent le prix Goncourt 1945 au titre de l'année 1944.
Elsa Triolet est ainsi la première femme a obtenir ce prix littéraire. Elle assiste en 1946 au procès de Nuremberg sur lequel elle écrit un reportage dans Les Lettres françaises.

Le cheval blanc en 1943 montre la recherche d’un bonheur insaisissable. Les amants d’Avignon, paru d’abord clandestinement sous le pseudonyme de Laurent Daniel, en 1943, retranscrivent de façon directe l’expérience de la résistance. Réuni avec un autre récit,Yvette publié aussi dans la clandestinité, ils constituent le volume Le premier accroc coûte deux cents francs qui obtient le prix Goncourt en 1944.

Elle participe à la fondation des Lettres Françaises et du Comité National des Ecrivains pour la zone sud en 1943. Très active au sein du Comité National des Ecrivains, dont elle incarne l’esprit, Elsa Triolet enchaîne par ailleurs les voyages en Europe Centrale.

En 1948, elle se lance dans "La bataille du livre" et obtient la création d’un Comité du Livre qui sera placé sous la présidence de Georges Duhamel.
Elle publiera en octobre L’Ecrivain et le livre ou la suite dans les idées, recueil de ses articles et conférences de l’année 1947. Elle devient la secrétaire générale du CNE à la fin du mois d’octobre 1948.

Elsa publie régulièrement dans les Lettres françaises des articles de critique théâtrale, continue de se battre pour la survie du livre et prête une grande attention aux jeunes poètes inconnus : 1950 verra la naissance du 'Groupe des jeunes poètes' au sein du CNE. L’aisance financière aidant, Elsa achète le Moulin de Villeneuve à Saint-Arnoult en Yvelines.

En 1952, elle poursuit ses travaux de traduction, Le Portrait de Gogol. La même année, après le succès de la grande Vente annuelle des Livres du CNE et dans le prolongement de son engagement pour la Paix, Elsa lance l’idée d’un Comité Mondial des écrivains pour la résistance à la guerre et défend activement les époux Rosenberg.

Le 5 mars 1953, elle subit évidemment comme Aragon la douloureuse affaire du portrait de Staline (Picasso) publié en première page des Lettres Françaises après la mort du 'Petit Père des Peuples'. Quelques mois plus tard, elle publie Le Cheval roux ou les intentions humaines et poursuit sa traduction de l’oeuvre théâtrale de Tchekhov et publie dans des revues littéraires soviétiques des articles sur Jean Vilar et Jean-Louis Barrault.

1956, c’est l’année de la publication du Rendez-vous des étrangers chez Gallimard.
Un an plus tard, c’est Le Monument. Elle n’oublie pas ses origines russes et traduit un choix de vers et proses de 1913 à 1930 de Maïakowski.

Elle exprimera seulement sa critique du stalinisme en 1957 dans Le Monument.
Elle démissionne la même année du comité directeur du CNE, puis écrit les trois romans du cycle L’Âge de Nylon.
1959, Roses à Crédit (L’âge de Nylon I), Luna-Park (L’âge de Nylon II).
En 1960 commence la publication des oeuvres croisées d’Aragon et d’Elsa Triolet tandis qu’un an plus tard, le poète publie un choix des meilleures pages de sa compagne : Elsa Triolet choisie par Aragon. '
"L’écriture, la plus noble conquête de l’homme" ; "le roman intermédiaire entre l’homme et la vie".
Cette maxime, extraite des proverbes d’Elsa permet de définir le projet littéraire d’Elsa Triolet : l’auteur se veut en prise directe sur son temps.
Elle écrit pour ses contemporains et leur pose, clairement le problème de ce qu’ils vivent aujourd’hui et ce qu’ils doivent faire pour améliorer leurs lendemains.
Il ne s’agit cependant pas d’une littérature de propagande.
Elsa Triolet ne renonce à aucun des privilèges de l’écriture et elle peut aussi bien faire appel au fantastique qu’aux mystères métaphysiques du temps, de l’amour et de la mort.
Le grand problème qu’elle pose de livre en livre est celui du bonheur : chacun de ses personnage est mû par sa recherche douloureuse, impossible.
La romancière prêche pourtant l’espoir. Elle affirme que le bonheur est à portée d’homme à condition d’ouvrir les yeux sur le monde et de vouloir le transformer.
C’est en ce sens qu’elle est écrivain militant. Elle affirme d’ailleurs : 'Les bons sentiments ne font pas de bons livres, je sais ça par coeur, mais les bons sentiments ne font pas forcément de mauvais livres.

En 1961, Elsa Triolet subit une intervention chirurgicale qui la laissera très affaiblie.
En 1962, elle publie Manigances, journal d’une égoïste et défend bientôt Une journée d’Ivan Denissovitch de Soljenitsyne dans Les Lettres françaises.
En 1963, elle publie L’âme, troisième volet de L’Age de Nylon et débute les travaux sur Les Oeuvres Romanesques Croisées.
Elle intervient activement en 1963 pour faire traduire et paraître en France le roman d’Alexandre Soljénitsyne Une journée d’Ivan Denissovitch.
En 1965, juste avant qu’Aragon ne publie La Mise à mort, Elsa Triolet fait paraître Le Grand Jamais chez Gallimard.
En 1966, diffusion d’Elsa, la rose d’Agnès Varda.
La façon dont la biographie de Vladimir Maïakovski était falsifiée en Union soviétique est une des raisons qui l’entraîne à écrire les romans Le Grand Jamais (1965) et Écoutez-voir (1968).
Un an plus tard, nouvel hommage dans une émission de télévision où le couple est invité.
Les événements de Mai 1968 la trouvent en plein combat pour la 'vérité historique' et la paix au Viet-Nam. Publication la même année d’Ecoutez-voir chez Gallimard.
En 1969, elle soutient Sakharov et se bat pour qu’on n’exclue pas Soljenitsine de l’Union des Ecrivains Soviétiques. Elle publie La Mise en mots chez Skira. En janvier 1970, elle publie Le Rossignol se tait à l’aube et un dernier article dans Les Lettres françaises en février. Le 16 juin, Elsa, qui a décidé de cesser de souffrir, meurt d’une crise cardiaque au Moulin de Saint-Arnoult. Son cercueil sera exposé dans le hall de L’Humanité puis déposé dans le tombeau du Moulin de Villeneuve.
La totalité de ses lettres, manuscrits et documents personnels, est léguée au CNRS par Louis Aragon.

Elle repose aux côtés d’Aragon, dans le parc de six hectares entourant ce vieux moulin. Sur leurs tombes, on peut lire cette phrase d’Elsa Triolet :
« Quand côte à côte nous serons enfin des gisants, l'alliance de nos livres nous unira pour le meilleur et pour le pire, dans cet avenir qui était notre rêve et notre souci majeur à toi et à moi. La mort aidant, on aurait peut-être essayé, et réussi à nous séparer plus sûrement que la guerre de notre vivant, les morts sont sans défense. Alors nos livres croisés viendront, noir sur blanc la main dans la main s'opposer à ce qu'on nous arrache l'un à l'autre. ELSA »

À sa mort, une tour de la Cité du Coq de Jemmapes (entité de Mons) portera son nom.
L'autre étant appelée flora tristan.


Oeuvres


À Tahiti (1925) en langue russe, traduit en français par Elsa Triolet en 1964.
Fraise des bois (1926) en langue russe
Camouflage (1928) en langue russe
Bonsoir Thérèse (1938)
Maïakovski (1939)
Monstre 42, Poésie 42 n° 2, Seghers, 1942
Clair de lune, Poésie 42 n° 4, Seghers, 1942
Mille regrets (1942)
Le Cheval blanc, Denoël, 1943
Les Amants d'Avignon. Publié sous le nom de Laurent Daniel, qui était son pseudonyme, en clandestinité, par les Editions de Minuit, 1943.
Qui est cet étranger qui n'est pas d'ici ? ou le mythe de la Baronne Mélanie, Éditions Seghers, 1944
Le premier accroc coûte 200 francs (1944) Prix Goncourt en 1944
Personne ne m'aime (1946)
Les Fantômes armés (1947)
L'Inspecteur des ruines (1948)
Le Cheval roux ou les Intentions humaines (1953)
L'Histoire d'Anton Tchekhov (1954)
Le Rendez-vous des étrangers (1956)
Le Monument (1957)
Roses à crédit (1959)
Luna-Park (1959)
Les Manigances (1961)
L'Âme (1962)
Le Grand Jamais (1965)
Écoutez-voir (1968)
La Mise en mots (1969)
Le Rossignol se tait à l'aube (1970)


Liens :

Regarder :

http://youtu.be/Zv0R8pg1DK8 Interview d'Elsa Triolet
http://youtu.be/aAkSXcMuPjU parc et sépultures d'Elsa triolet
http://youtu.be/UZYviXt9RSk Elsa Tiolet et Louis Aragon
http://youtu.be/h6bjqPwKn4k Louis Aragon et Elsa Triolet
http://youtu.be/v6TIY9bz5TI interview d' Elsa Triolet
http://youtu.be/RUpmWbRFHFM interview de Elsa Triolet sur la création

Ecouter :

http://youtu.be/PLb_21WUWIo poème pour Elsa (chant)
http://youtu.be/fLL1dfDvGhw Aimer à perdre la raison (J.Ferrat)
http://youtu.be/ihNgbmTNtMI Que serais-je sans toi (J.Ferrat)



Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l

Attacher un fichier:



jpg  tumblr_lrcj98hI7S1qljth1o1_500.jpg (48.91 KB)
3_51bcc0f912a1c.jpg 500X674 px

jpg  Elsa-Triolet-2.jpg (13.50 KB)
3_51bcc10335e98.jpg 300X433 px

jpg  triolet1.jpg (29.89 KB)
3_51bcc1122e6b2.jpg 500X251 px

jpg  82732333_o.jpg (87.26 KB)
3_51bcc141b4638.jpg 553X410 px

jpg  site-17-3.jpg (12.49 KB)
3_51bcc14e953b5.jpg 300X215 px

jpg  50658322-63c6-11e2-971e-83403bd1cce5-493x328.jpg (19.64 KB)
3_51bcc15b94d70.jpg 493X328 px

jpg  120181247_search-browse-subjects-new-releases-best-sellers-the-new.jpg (11.42 KB)
3_51bcc168dee6f.jpg 300X300 px

jpg  98299342_0_Elsa_Triolet_Resimleri.jpg (23.38 KB)
3_51bcc1749b61e.jpg 400X602 px

jpg  triolet-aragon.jpg (48.12 KB)
3_51bcc187987ad.jpg 329X147 px

jpg  Moulin-de-Villeneuve-Elsa-Triolet-et-Louis-Aragon.jpg (37.55 KB)
3_51bcc1a803aa6.jpg 584X330 px

Posté le : 15/06/2013 21:30

Edité par Loriane sur 16-06-2013 12:17:22
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Charles Dickens 1
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 9 Juin 1878 meurt Charles DICKENS

monument de la littérature anglaise.

Charles Dickens naît le 7 février 1812 à Portsmouth, dans l' Angleterre Victorienne.
Ses parents, John et Elizabeth, sont issus d’un milieu modeste. L’enfance de Charles est heureuse mais lorsque son père est muté à Londres, la situation de la famille se dégrade, au point que Charles est contraint d’abandonner ses études. L’endettement des Dickens est tel que le père est emprisonné trois mois. Charles doit aller travailler dans une usine de cirage, la Warren’s Blacking Factory.
Il a douze ans. Il prend brutalement conscience de la précarité de la vie, de l’ampleur de la misère ouvrière et de la sévérité, voire de l’injustice des institutions du royaume. Cette expérience, traumatisante après une enfance d’insouciance, marquera toute son oeuvre.
En 1827, la famille est expulsée pour nonpaiement de loyers. Charles trouve un emploi dans un cabinet d’avocats, Ellis & Blackmore. Il se forme lui-même à la sténographie. En 1830, il se fiance avec Maria Beadnell, mais le père de celle-ci, banquier, juge le rang social de Dickens indigne et s’arrange pour qu’ils rompent.

En 1831, Charles suit les débats parlementaires de la Chambre pour le compte de plusieurs journaux.
En 1834, le jeune homme devient journaliste au Morning Chronicle, il rencontre la fille du directeur de la publication, Catherine Hogarth, et publie ses premiers récits en feuilletons.
Il a vingt deux ans. Ces «Esquisses», qu’il signe du pseudonyme de Boz, provoqueront la commande des «Aventures de M. Pickwick», dont la publication débutera la veille de son mariage avec Catherine en avril 1836.
C’est en 1837 que commence la publication d’«Oliver Twist» sous forme de feuilleton dans le magazine mensuel, Bentley’s Miscellany, avec un soustitre : «The Parish Boy’s Progress». L’intention de Dickens, dans les premiers épisodes, est de décrire à ses lecteurs ce que sont les véritables conditions de vie d’un «parish boy», un garçon pris en charge par la paroisse, après la mise en place du nouveau Poor Law Act de 1834.
Cette loi sociale dictait les conditions de prise en charge des indigents par les paroisses. Dickens avait assisté aux virulents débats autour de cette loi controversée lorsqu’il était reporter au Parlement.
Il continuera ses attaques contre elle sous forme de fictions ou dans ses écrits de journaliste jusqu’à la fin de ses jours.
Le succès d’«Oliver Twist» confirme la réputation de Dickens et l’impose.
Suivront «Nicolas Nickleby» en 1838, «Barnaby Rudge» en 1841, «Le Magasin d’antiquités» quelques mois plus tard.
Son voyage aux États-Unis lui révèle un monde esclavagiste et spéculateur, il en tirera «Notes Américaines» en 1842, puis «Martin Chuzzlewit».

Il est apprécié pour son humour, sa satire des mœurs et des caractères. Ses œuvres ont presque toutes été publiées en feuilletons hebdomadaires ou mensuels, genre inauguré par lui-même en 1836, format contraignant mais permettant de réagir rapidement, quitte à modifier l'action et les personnages en cours de route. Ses intrigues sont soignées et s'enrichissent souvent d'événements contemporains, même si l'histoire se déroule antérieurement.
Un chant de Noël (1843) a connu le plus vaste retentissement international, et l'ensemble de son œuvre a été loué par des écrivains de renom, comme William Makepeace Thackeray, Léon Tolstoï, Gilbert Keith Chesterton ou George Orwell, pour son réalisme, son esprit comique, son art de la caractérisation et l'acuité de sa satire. Certains, cependant, comme Charlotte Brontë, Virginia Woolf, Oscar Wilde ou Henry James, lui ont reproché de manquer de régularité dans le style, de privilégier la veine sentimentale et de se contenter d'analyses psychologiques superficielles.
Dickens a été traduit en de nombreuses langues, avec son aval pour les premières versions françaises. Son œuvre, constamment rééditée, connaît toujours de nombreuses adaptations au théâtre, au cinéma, au music-hall, à la radio et à la télévision.


Il publiera d’autres oeuvres, dont «Contes de Noël» en 1843, mais il faut attendre 1849 pour qu’il publie l’une de ses oeuvres majeures :
«David Copperfield».
Il enchaînera ensuite les publications et s’essaiera même au théâtre en tant qu’auteur, metteur en scène et comédien en 1845.
En 1858, il quitte sa femme, qui lui a donné dix enfants et entame, parallèlement à sa carrière d’écrivain, une activité de lecteur-conférencier. Il présente ses oeuvres à travers les grands pays d’Europe. En 1854, il publie «Les Temps difficiles», en 1859, «Le Conte des deux cités» et entre 1860 et 1861, «Les Grandes Espérances», qui paraissent en feuilleton dans All The Year Round.
Le 9 juin 1865, un accident de chemin de fer à Staplehurst le laisse affaibli et difficilement capable de se déplacer. En 1870, après une dernière tournée de lectures publiques en janvier et une rencontre avec la Reine Victoria en mars, il décède cinq ans jour pour jour après cet accident. Il a cinquante-huit ans et laisse un pays en deuil national et un roman inachevé : «Le Mystère d’Edwin Drood».

Biographie détaillée.

La biographie de Dickens, publiée après sa mort et qui a longtemps fait autorité est celle de John Forster : ami proche, confident et conseiller, son témoignage, écrit Graham Smith, « possède une intimité que seul un Victorien cultivé et auteur lui-même, pouvait apporter ». Pourtant, mais cela a été connu bien plus tard, Forster a modifié ou gommé tout ce qui aurait pu paraître gênant à son époque. Dickens, un dieu pour l'Angleterre et au-delà, a donc été présenté en homme irréprochable, d'autant qu'en sous-main, c'est lui-même qui a orchestré la partition de sa vie : il souhaitait que Forster fût son biographe et leur copieux échange de lettres a servi à sculpter la statue d'un commandeur, tout comme ses Fragments autobiographiques, consacrés à son enfance en 1824 et eux aussi confiés à Forster peu après mars ou avril 18474, qui le peignent en victime dans des vignettes maximisant la menace et le danger, d'où l'angoisse et la souffrance.


Enfance, adolescence

Sa petite enfance sera une enfance heureuse.
Issu d'une famille peu fortunée, Charles Dickens N 1 est né au 13, Mile End Terrace à Landport, petit faubourg de Portsmouth, PortseaN , le vendredi 7 février 1812. Il est le second, mais le premier fils, des huit enfants de John Dickens (1785-1851) et d'Elizabeth Dickens, née Barrow (1789-1863).
Il est baptisé le 4 mars en l'église St Mary, Kingston, Portsea.
Son père est chargé de faire la paye des équipages au Navy Pay Office de la Royal Navy, mais après Waterloo et la fin de la guerre en Amérique, les effectifs de la base navale sont réduits et il est muté à Londres.
En janvier 1815 il s'installe dans Norfolk Street, près d'Oxford Street. De son bref séjour à Portsmouth, Charles retient quelques souvenirs, dont une prise d'armes,. Londres, que l'enfant fréquente de trois à quatre ans, lui laisse l'image d'une visite à Soho Square et l'achat d'une baguette d'Arlequin1.
En avril 1817, une nouvelle mutation envoie la famille à l'arsenal de la Medway à Chatham dans le KentN. La famille y emménage au 2 Ordnance Street dans une demeure confortable, avec deux domestiques, la jeune Mary Weller, nurse de l'enfant, et Jane Bonny, d'un âge déjà avancé.
Bientôt, après avoir fréquenté l'école du dimanche avec sa sœur Fanny dont il est très proche, il est inscrit à l'institution de William Giles, fils d'un pasteur d'obédience baptiste qui le trouve brillant ; Charles lit les romans de Henry Fielding, Daniel Defoe et Oliver Goldsmith qui resteront ses maîtres.
La fratrie est heureuse malgré les décès prématurés, outre « Charley », la sœur aînée Frances (Fanny) (1810-1848), et les plus jeunes, Alfred Allen, mort à quelques mois, Letitia Mary (1816-1893), Harriet, elle aussi décédée enfant, Frederick William (Fred) (1820-1868), Alfred Lamert (1822-1860) et Augustus (1827-1866), à qui s'ajoutent James Lamert, un parent, et Augustus Newnham, orphelin de Chatham. Les plus grands s'adonnent à des jeux de mime, des récitals de poésie, des concerts de chants populaires et aussi des représentations théâtrales.
L'enfant est libre de parcourir la campagne, seul ou lors de longues promenades avec son père ou Mary Weller, alors âgée de treize ans, plus rarement en compagnie de Jane Bonny, ou d'observer l'activité de la ville portuaire. Plus tard, dans ses descriptions de paysages ruraux, ce sont les images du Kent qu'il prend pour modèle. « Cette période, a-t-il écrit, a été la plus heureuse de mon enfance » : c'est d'ailleurs à Chatham que Charles fait ses débuts littéraires en écrivant des saynètes qu'il joue dans la cuisine ou debout sur une table de l'auberge voisine.
Cette vie insouciante et ce début d'instruction s'interrompent brutalement lorsque la famille doit gagner Londres avec une réduction de salaire, prélude à la déchéance financière. Charles, âgé de dix ans, reste à Chatham quelques mois chez William Giles, puis rejoint la capitale, laissant du voyage ce souvenir désabusé : « Tout au long de ces années depuis écoulées, ai-je jamais perdu l'odeur humide de la paille où l'on m'a jeté, tel un gibier, et acheminé, franco de port, jusqu'à Cross Keys, Wood Street, Cheapside, Londres ? Il n'y avait pas d'autre passager à l'intérieur et j'ai englouti mes sandwichs dans la solitude et la grisaille, et la pluie n'a cessé de tomber, et j'ai trouvé la vie bien plus moche que je ne m'y attendais ».

La chute de la maison Dickens
Cette chute doit être nuancée au regard du contexte familial, représentatif de la petite bourgeoise victorienne.
Les grands-parents paternels ont été des domestiques au sommet de la hiérarchie, gouvernante de maison et maître d'hôtel, ce qui leur vaut le respect de leurs maîtres. Dans La Maison d'Âpre-Vent, Sir Lester Dedlock n'a de cesse de louer Mrs Rouncewell, sa gouvernante à Chesney Wolds.


Une discrète ascension sociale

John Dickens, le père de Charles Dickens.
Cette petite prospérité et l'influence dont ils jouissent ont servi de tremplin à l'ascension sociale de leur fils John.
Son travail représente une situation enviable dans la bureaucratie victorienne, avec plusieurs promotions et un salaire passant de 200 £ en 1816 à 441 £ en 18221.
C'est un bon métier, un emploi permanent, avec la faveur des supérieurs, acquise par l'assiduité et la compétence. Bien résolu à gravir l'échelle sociale mais « inconsidérément imprévoyant » selon Peter Ackroyd, il s'avère incapable de gérer son argent.
En 1819, il a déjà contracté une dette de 200 £, représentant presque la moitié de ses émoluments annuels, et cause d'une brouille avec son beau-frère qui s'est porté garant ; d'autres dettes sont en suspens à Chatham, d'où une descente aux enfers qu'aggravent des déménagements, une mutation mal payée à Londres, ville onéreuse, d'où de nouvelles dettes et un train de vie peu à peu réduit à néant.
En 1822, les Dickens se sont installés à Camden Town, la limite de la capitale, et John Dickens place ses espoirs dans le projet qu'a son épouse d'ouvrir un établissement scolaire. Aussi, la famille déménage-t-elle de nouveau à Noël 1823 au 4 Gower Street, demeure cossue susceptible d'accueillir des élèves en résidence. L'école, cependant, n'attire personne et, au bout de quelques semaines, les revenus sombrent jusqu'à la misère.


Charles privé de scolarité et la manufacture de cirage

Tandis que sa sœur aînée entre au Conservatoire de musique où elle va étudier jusqu'en 1827, Charles, âgé de douze ans et regrettant l'école, passe son temps à « nettoyer des bottines ».
James Lamert construit un théâtre miniature, de quoi enflammer l'imagination, comme les visites au parrain Huffam qui approvisionne les bateaux, ou à l'oncle Barrow au-dessus d'une librairie dont le barbier est le père de Turner, ou encore à la grand-mère Dickens qui offre une montre en argent et dit des contes de fées et des pans d'histoire, sans doute utilisés dans Barnaby Rudge (les émeutes de Gordon) et Le Conte de deux cités (la Révolution française).
Quinze mois plus tard, la vie de Charles bascule d'un coup et se trouve à jamais bouleversée.
Au début de 1824, James Lamert propose un emploi pour le jeune garçon, emploi que ses parents saisissent avidement, et Charles entre à la manufacture Warren's Blacking Factory à Hungerford Stairs, dans The Strand.
C'est un entrepôt de cirage et teinture où il doit, dix heures par jour, coller des étiquettes sur des flacons pour six shillings par semaine, de quoi aider sa famille et payer son loyer chez Mrs Ellen Roylance, une amie ensuite immortalisée, avec « quelques changements et embellissements », en la Mrs Pipchin de Dombey et Fils.
Il loue ensuite une sombre mansarde chez Archibald Russell dans Lant Street à SouthwarkN . Archibald Russell, « vieux monsieur corpulent, raconte John Forster, d'un naturel heureux, pétri de bonté, avec une épouse déjà âgée et calme, et un fils adulte particulièrement naïf », travaille comme clerc au tribunal de l'insolvabilité : cette famille a sans doute inspiré les Garland du Magasin d'Antiquités, tandis que le tribunal a été copié dans les scènes du procès des Papiers posthumes du Pickwick Club.


L'incarcération du père à la Marshalsea

Le 20 février 1824, John Dickens est arrêté pour une dette de 40 £ envers un boulanger et incarcéré à la prison de Marshalsea à Southwark.
Tous ses biens, livres inclus, ont été saisis, et bientôt le rejoignent son épouse et les plus jeunes enfants.
Le dimanche, Charles et sa sœur Frances passent la journée à la prison.
Cette expérience servira de toile de fond à la première moitié de La Petite Dorrit, qui présente Mr William Dorrit enfermé pour dettes en cette prison où grandit sa fille Amit, l'héroïne du roman.
Au bout de trois mois au cours desquels meurt sa mère, John Dickens hérite de 450 £, à quoi s'ajoutent quelques piges pour British Press et une pension d'invalidité de 146 £ versée par l'Amirauté. Sur promesse de paiement au terme de la succession, il est libéré le 28 mai, et la famille se réfugie chez Mrs Roylance pendant quelques mois, puis retrouve à se loger à Hampstead et enfin à Johnson Street dans Somers Town.
Charles reste à la manufacture qui, nouvelle humiliation, le transfère à l'étalage d'une boutique dans Chandos Street, et ce n'est qu'en mars 1825, parce qu'il se dispute avec le propriétaire et malgré l'intercession de Mrs Dickens qui essaie d'apaiser les choses, que John Dickens en retire son fils, puis le remet sur les bancs de l'école.

traumatisme et une nouvelle blessure

Cet épisode a représenté un traumatisme dont Dickens ne s'est jamais remis.
Bien qu'il l'ait transposé dans David Copperfield en l'entrepôt Murdstone and Grinby's et y ait fait une allusion dans Les Grandes Espérances (la « Blacking Ware'us » [wharehouse]), il ne s'en est ouvert à personne, sinon à son épouse et à Fors.
Sa vie durant,
« il s'est toujours étonné qu'on ait pu si facilement se débarrasser de lui à cet âge », et sa besogne, écrit Forster, lui a paru particulièrement rebutante : « C'était une vieille maison délabrée tombant en ruines, qui aboutissait naturellement à la Tamise, et était littéralement au pouvoir des rats. Mon travail consistait à couvrir les pots de cirage, d'abord avec un morceau de papier huilé, puis avec un morceau de papier bleu ; à les attacher en rond avec une ficelle, et ensuite à couper le papier bien proprement tout autour, jusqu'à ce que le tout eût l'apparence coquette d'un pot d'onguent acheté chez le pharmacien. Quand un certain nombre de grosses de pots avaient atteint ce point de perfection, je devais coller sur chacun une étiquette imprimée, et passer à d'autres pots ».
Louis Cazamian rappelle que « la grossièreté du milieu, des camarades, la tristesse de ces heures au fond d'un atelier sordide meurtrissent l'ambition instinctive de l'enfant ».
« Nulle parole ne peut exprimer l'agonie secrète de mon âme en tombant dans une telle société, écrit Dickens, et en sentant les espérances que j'avais eues de bonne heure, de grandir pour être un homme instruit et distingué, anéanties dans mon cœur » Aussi, ajoute Cazamian, « le souvenir de cette épreuve le hantera à jamais. Il y associera le regret de son enfance abandonnée, de son éducation manquée.
De là, son effort constant pour effacer le passé, la recherche vestimentaire, l'attention aux raffinements de la politesse personnelle. De là aussi, les pages mélancoliques chaque fois qu'il retracera le chagrin d'un enfant. Le travail manuel lui a laissé l'impression d'une souillure ».
Dickens ajoute dans les Extraits autobiographiques : « J'écris sans rancune, sans colère, car je sais que tout ce qui s'est passé a façonné l'homme que je suis. Mais je n'ai rien oublié, je n'oublierai jamais, il m'est impossible d'oublier, par exemple, que ma mère était très désireuse que je retourne chez Warren », nouvelle blessure expliquant les jeunes enfants abandonnés ou livrés à eux-mêmes dont il a peuplé son œuvre, Oliver, Nell, Smike, Jo, David, Amit, Pip, etc..
Souvent décriée d'après le commentaire de son fils, Elizabeth Dickens se retrouve dans certains personnages de femmes écervelées, telle la mère de Nicholas Nickleby. Graham Smith écrit que la rancœur de Dickens reste objectivement injuste.
Sa mère lui a inculqué les bases de l'instruction, la lecture, l'écriture, l'histoire, le latin ; les témoins vantent son sens de l'humour, du grotesque, ses talents d'actrice et d'imitatrice, tous dons transmis à son fils. De tout cela, conclut-il, Dickens a profité, mais n'a jamais reconnu sa dette.

Le recul de l'objectivité

Graham Smith discute aussi le ressenti de Dickens : adulé et chéri en famille, explique-t-il, il a été mieux traité que les petits miséreux travaillant à ses côtés, plutôt gentils envers lui, en particulier un certain Bob Fagin. Être objectif, cependant, revient à mettre entre parenthèses les attentes de ce super-doué de douze ans. Sans les ennuis de son père, il aurait été promis à Oxford ou Cambridge.
Or, il n'a plus jamais quitté l'uniforme du petit ouvrier et il a peuplé son œuvre de parents incompétents, à l'exception des parents adoptifs, Mr Jarndyce ou Joe Gargery. David Copperfield a pour héros un gamin, livré à un beau-père cruel et qui s'écrie :
« Je n'avais ni guide ni conseil, aucun encouragement et aucune consolation, pas le moindre soutien de quiconque, rien que je puisse me rappeler ».
Ainsi, par John Forster, par certains de ses confrères, Wilkie Collins en particulier, Bulwer-Lytton, Thackeray, par lui-même aussi, la vie de Dickens s'est peu à peu transformée en une légende, voire un mythe, celui du grand Victorien typique, énergique, créateur, entreprenant, autodidacte.
Dickens n'a d'ailleurs eu de cesse d'apporter de l'eau à ce moulin : même chez Warren, écrit-il, il a fait l'effort de travailler aussi bien et même mieux que ses compagnons de misère.


Vie active.

Doctors' Commons au début du xixe siècle.
En 1825, Charles retrouve l'école à la Wellington School Academy de Hampstead Road, où il étudie quelque deux ans et obtient le prix de latin11. L'institution n'a pas été de son goût : « Bien des aspects, écrit-il, de cet enseignement à vau-l'eau, tout décousu, et du relâchement de la discipline ponctués par la brutalité sadique du directeur, les appariteurs en guenilles et l'atmosphère générale de délabrement sont représentés dans l'établissement de Mr Creakle ».

Là s'arrête son instruction officielle, car en 1827, il entre dans la vie active, ses parents lui ayant obtenu un emploi de clerc au cabinet d'avocats Ellis and Blackmore, de Holborn Court, Gray's Inn, où il travaille de mai 1827 à novembre 1828 à des tâches fastidieuses mais, écrit Michael Allen, « qu'il saura mettre à profit dans son œuvre ». Il rejoint ensuite le cabinet de Charles Molloy dans Lincoln's Inn.
Trois mois après, à tout juste dix-sept ans, il fait preuve, selon Michael Allen, d'une grande confiance en soi puisqu'il se lance, vraisemblablement sans l'aval de ses parents, dans la carrière de reporter sténographe indépendant à Doctors' Commons,, où il partage un cabinet avec un cousin éloigné, Thomas Carlton.
Avec l'aide de son oncle J. H. Barrow, il a appris la sténographie selon la méthode Gurney, décrite dans David Copperfield comme « ce sauvage mystère sténographique », et dans une lettre à Wilkie Collins du 6 juin 1856, il rappelle qu'il s'y est appliqué dès l'âge de quinze ans avec une « énergie céleste ou diabolique » et qu'il a été le « meilleur sténographe du monde ».
Dès 1830, outre les dossiers de Doctors' Commons, il ajoute « à son répertoire » des chroniques des débats tenus à la Chambre des communes pour le Mirror of Parliament et le True Sun.
Au cours des quatre années qui suivent, il se forge une solide réputation, passant bientôt pour l'un des meilleurs reporters, ce qui lui vaut d'être embauché à temps plein par le Morning Chronicle38. Cette expérience légale et journalistique a été mise à profit dans Nicholas Nickleby, Dombey et Fils, et surtout La Maison d'Âpre-Vent, dont la féroce satire des lenteurs judiciaires a attiré l'attention publique sur le fardeau que représente pour les humbles le fait d'aller devant les tribunaux32.
La jeune maturité
Ces années ont apporté à Dickens, explique Michael Allen, outre une bonne connaissance de la province, Birmingham, Bristol, Édimbourg, Exeter, Hemlsford et Kettering, avec diligences, relais, auberges et chevaux, une intimité avec Londres qui est devenue « le centre tourbillonnant de sa vie ».
S'y est aussi approfondi son amour du théâtre, Shakespeare, music-hall, farce ou drame, qu'il fréquente, selon Forster, presque chaque jour et dont il connaît acteurs et musiciens, souvent présentés par sa sœur Fanny.
Même si, non sans hésitation, il a choisi les lettres, ajoute Michael Allen, il se donne en représentation, soignant sa tenue vestimentaire jusqu'à l'extravagance, très flashy (« voyante »), et il observe les gens, imitant les accents, mimant les maniérismes, tous retrouvés dans ses livres.


Maria Beadnell

1830 : Charles Dickens a dix-huit ans et il s'éprend de Maria Beadnell, son aînée d'une année.
Son père, commis principal d'une banque à Mansion House, petit bourgeois de Lombard Street, quartier prestigieux de la Cité de Londres, n'apprécie guère cette amitié, voire un futur mariage, avec un obscur journaliste, fils d'un ancien détenu de la prison pour dettes, avec qui il a déménagé sept fois devant les créanciers, pour enfin se loger seul en 1834 dans Furnival's Inn.
Aussi les Beadnell envoient-ils leur fille dans une institution scolaire à Paris, et Charles ne peut qu'adresser des lettres enflammées. « Je n'ai aimé et ne peux aimer d'autre personne vivante que vous », lui écrit-il, mais Maria, peu sensible à son « flot de médiocre poésie », ne prend pas d'engagement.
Le couple s'est revu lors du retour de la jeune fille dont le manque d'ardeur a cependant fini par lasser : peu après son vingt-et-unième anniversaire, Dickens renvoie lettres et cadeau avec ces mots : « nos rencontres n'ont récemment été guère plus que des manifestations de cruelle indifférence d'un côté et de l'autre, elles n'ont conduit qu'à nourrir le chagrin d'une relation qui depuis longtemps est devenue plus que désespérée ». Longtemps après, il confie à John Forster que son amour l'a occupé « tout entier pendant quatre ans, et qu'il en est encore tout étourdi ». Cet échec l'a « déterminé à vaincre tous les obstacles et l'a poussé à sa vocation d'écrivain ».
Maria a servi de modèle pour Dora Spenlow (1850), charmante mais écervelée, et incapable de gérer sa maisonnée.
Pourtant, « Ce qui intéresse surtout le lecteur, écrit Graham Smith, c'est que Maria, devenue Mrs Winter, mère de deux filles, réapparaît dans la vie de Dickens en 1855 » : le 9 février, avec deux jours de retard, elle lui écrit à l'occasion de son quarante-troisième anniversaire, et Dickens, marié et père de neuf enfants vivants, se prenant au jeu, « conduit à distance, avec force sentiment et un peu de dérision, un flirt presque enfantin ».
L'aventure aura un épilogue grotesque (voir Un mariage de plus en plus chancelant), mais surgit le thème, déjà esquissé dans David Copperfield, « de la frustration amoureuse, d'une misère sexuelle » : Maria, l'ancienne Dora, se mue alors en Flora Finching (1855).
C'est Premières publications auront un succès foudroyant

John Forster, ami, biographe et confident.
Les premières pages de Dickens paraissent dans le Monthly Magazine de décembre 1833, à quoi s'ajoutent six numéros, cinq non signés et le dernier, d'août 1834, portant le nom de Boz.
Leur originalité attire l'attention du Morning Chronicle, dont le critique musical et artistique est George Hogarth, père de la jeune Catherine dont Charles vient de faire la connaissance, et le nouvel écrivain y est embauché pour 273 £ par an. Le Morning Chronicle publie bientôt cinq « esquisses de rue » sous le même pseudonyme, et leur originalité paraît telle que la revue-sœur, l'Evening Chronicle, que George Hogarth a rejointe, accepte l'offre de vingt autres avec une augmentation de salaire qui passe de 5 guinées à 7 par semaine. Le succès est immédiat, et lorsque la série prend fin en septembre 1835, Dickens se tourne vers le Bell's Life in London, qui le paie encore mieux.
Peu après, l'éditeur John Macrone propose de publier les esquisses en volume avec des illustrations de George Cruikshank, offre assortie d'une avance de 100 £ et aussitôt acceptée.
1835 est une année faste : en février paraît la première série de Esquisses de Boz et immédiatement, Chapman and Hall propose à Dickens Les Papiers posthumes du Pickwick Club en vingt épisodes, le premier démarrant le 31 mars.
En mai, il accepte d'écrire un roman en trois volumes pour Macrone et, trois mois plus tard, il s'engage pour deux autres auprès de Richard Bentley.
Onze nouvelles esquisses sont publiées, surtout dans le Morning Chronicle, auxquelles s'ajoutent un pamphlet politique, Sunday under Three Heads, et deux pièces de théâtre, The Strange Gentheman en septembre et The Village Coquette en décembre.
En novembre, il prend la charge du mensuel Bentley's Miscellany et, le mois suivant, paraît une deuxième série des Esquisses. Pendant ce temps, l'histoire de Mr Pickwick devient si populaire que la réputation de Dickens atteint le zénith, ses finances prospèrent et son autorité grandit.
Le revers de la médaille est que les engagements ne peuvent tous être honorés et s'ensuivent d'interminables négociations avec les éditeurs, souvent assorties de brouilles. Dickens décide alors de se consacrer entièrement à la littérature et démissionne du Morning Chronicle. Le couronnement de ce tourbillon est la rencontre, en décembre 1836, de John Forster, auteur, critique, conseiller littéraire, bientôt l'ami intime, le confident et futur premier biographe.


Catherine Hogarth fiançailles puis mariage en 1835

Charles Dickens s'est épris de Catherine, la fille aînée de George Hogarth auprès duquel il travaille et dont il fréquente souvent la famille.
Selon les critiques, Catherine est décrite comme « Jeune, agréable, gaie, soigneuse, active, tranquille », ou « petite femme à peine jolie, aux yeux bleus endormis, nez retroussé, menton fuyant des êtres sans volonté ». Les lettres de Dickens ne sont pas aussi passionnées que celles qu'il adressait à Maria Beadnell.
Il­ voit en Catherine, écrit-il, « une source de réconfort et de repos, une personne vers qui il pourra se tourner au coin du feu, une fois son travail achevé, pour puiser dans sa douce tournure et ses charmantes manières la récréation et le bonheur que la triste solitude d'une garçonnière ne procure jamais ».
Fiancés en 1835, les jeunes gens se marient le 2 avril 1836 en l'église St. Luke's de Chelsea.
La lune de miel, une semaine, est passée à Chalk près de Gravesend, Kent, puis les époux rejoignent Furnival's Inn avant de s'installer à Bloomsbury. C'est à Chalk que Dickens a trouvé la forge où travaille Joe Gargery, l'oncle de Pip, et c'est là qu'il a écrit les premières livraisons de ses Pickwick Papers.


1836-1842 : les premières années

Le mariage est d'abord raisonnablement heureux et les enfants ne tardent pas à arriver : Charles au bout de neuf mois, Mary l'année suivante et Kate en 1839.
La famille change de résidence au fil des années et selon les saisons, le plus souvent près du Strand et sur le côté nord d'Oxford Street, avec deux escapades vers Hampstead. L'une de ces demeures est le 48 Doughty Street, aujourd'hui le Musée Charles Dickens, où de 1837 à 1839, Dickens a écrit ses premiers grands ouvrages et reçu nombre d'amis écrivains.
Les vacances se passent souvent à Broadstairs, dans la grande maison aujourd'hui appelée Bleak House, sur l'île de Thanet, à l'extrême pointe du Kent.
En 1838, Dickens publie Nicholas Nickleby avec, en conclusion, une vision de bonheur conjugal, les deux héros s'aimant dans une campagne idyllique avec plusieurs enfants, miroir, selon Jane Smiley, de la vie rêvée de l'auteur.
C'est pourtant au terme de ces années d'activité fébrile que commencent à poindre les difficultés conjugales. L'une d'elles naît d'un drame familial.

La mort de Mary Scott Hogarth

Mary Scott Hogarth (1820-1837) est venue en février 1837 s'installer chez les Dickens pour aider sa sœur de nouveau enceinte.
Charles se prend d'une véritable idolâtrie pour cette enfant qui, d'après Fred Kaplan, devient « une amie intime, une sœur d'exception, une compagne au foyer ».
Le 6 mai 1837, au retour d'une sortie, «Mary monte dans sa chambre en parfaite santé et, comme d'habitude, d'excellente humeur. Avant qu'elle ne puisse se déshabiller, elle est prise d'un violent malaise et meurt, après une nuit d'agonie, dans mes bras durant l'après-midi à 3 heures.
Tout ce qui pouvait être fait pour la sauver l'a été. Les hommes de l'art pensent qu'elle avait une maladie du cœur ».
Dickens lui ôte une bague qu'il portera jusqu'à la fin de sa vie et garde tous ses vêtements.
C'est la seule fois où il n'a pu écrire et a manqué la livraison de deux publications, celles d'Oliver Twist et de Pickwick Papers.
Il rédige l'épitaphe, prénomme sa première fille « Mary »: « Je ne pense pas qu'ait jamais existé un amour tel que celui que je lui ai porté », a-t-il confié à son ami Richard Jones.
Catherine elle aussi pleure la mort de sa sœur, mais ressent de l'amertume à voir son mari toujours endeuillé, rêvant de Mary chaque nuit mois après mois.
Le 29 février 1842, il écrit à John Forster qu'elle reste pour lui « l'esprit qui guide sa vie, pointant inflexiblement le doigt vers le haut depuis plus de quatre années ».
Mary apparaît comme un palimpseste sur lequel Dickens a inscrit son image de la féminité, ensuite projetée dans ses personnages, d'abord plutôt creux comme Rose Maylie, un peu moins avec Esther Summerson et l'héroïne éponyme Amit Dorrit, auxquelles s'ajoutent la Petite Nell et Agnes Wickfield.
Ainsi, le parchemin s'est rempli, le personnage complexifié, toujours « ange du foyer » mais avec de l'initiative, du bon sens et, peut-être, quelques désirs.


1842-1858 : l'avènement des difficultés

Catherine a la responsabilité d'organiser des réceptions et des dîners, parfois fort importants, avec des célébrités littéraires comme, par exemple, Thomas et Jane Carlyle, Elizabeth Gaskell et Samuel Rogers. Mrs Carlyle et Mrs Gaskell ont raconté leurs souvenirs d'une réception et n'ont que louanges sur les qualités d'hôtesse et la cuisine de Mrs Dickens.
Elle accompagne son mari en Écosse en 1841 où le couple est reçu avec égard, et en février de l'année suivante Dickens prépare un voyage outre-Atlantique.
Catherine, d'abord réticente, se décide enfin à l'accompagner.
À Boston, les Dickens se voient aussitôt acclamés, et à New York, la pression s'accentue encore.
Au Canada, ils sont reçus par « l'élite de la société » et admirent les chutes du Niagara dont le fracas apporte à Dickens des échos de la voix de Mary, et participent à des productions théâtrales78. Tout au long, Catherine « s'acquitte de ses tâches d'épouse d'homme célèbre avec beaucoup de grâce et de charme » À leur retour en juin, Dickens tourne les Américains en ridicule dans ses Notes américaines, puis dans la deuxième partie de Martin Chuzzlewit
Puis la famille gagne l'Italie pour une année, mais Dickens fait des escapades en solitaire à Paris ou Boulogne qu'il affectionne particulièrement.


Le désenchantement

Peu sensible à ses difficultés, Dickens rudoie son épouse, se plaignant de son manque d'entrain et de ses grossesses à répétition. En 1851, peu après la naissance de son neuvième enfant, Catherine tombe malade et l'année suivante arrive Edward, le dernier. Dickens « devient de plus en plus instable et imprévisible » et s'ouvre de son désarroi à Wilkie Collins : « Les bons vieux jours, les bons vieux jours ! Retrouverai-je jamais l'état d'esprit d'alors, je me le demande…
J'ai l'impression que le squelette qui habite mon placard domestique devient bigrement gros »


« Le rêve de Dickens »

Dickens est au faîte de sa popularité qui ne faiblira plus.
Tout à la fois, il a écrit Pickwick Papers et Oliver Twist, puis s'est attelé à Nicholas Nickleby, qu'ont suivis en cascade Le Magasin d'antiquités et Barnaby Rudge, présentés dans ce que Graham Smith appelle « ce vecteur de publication artificiel et sans grand succès » qu'a été L'Horloge de Maître Humphrey47. Ce rendement est en partie dû aux exigences de la publication en feuilleton mensuel, mais le dynamisme est exceptionnel : Dickens fait paraître dans le même temps une petite burletta, Is She his Wife?, de courts recueils, Sketches of Young Gentlemen et Sketches of Young Couples, sans compter la révision de Memoirs of Joseph Grimaldi et du parodique Pic-nic papers, entreprises pour aider la veuve de John Macrone, l'éditeur des Esquisses de Boz, disparu à vingt-huit ans


« Cinquante êtres vivants »

John Forster a capté cette énergie de tous les instants : « la rapidité, l'ardeur et la puissance pratique, la démarche curieuse, fébrile, énergique sur chaque aspect comme d'un homme d'action et d'affaires jeté dans le monde.
La lumière et le mouvement jaillissaient de toutes parts en lui c'était la vie et l'âme de cinquante êtres vivants. ».
Le public parle avec son argent, les ventes ne faisant que grimper (seul Barnaby Rudge connaît un fléchissement à 30 000), 7 500 pour Oliver Twist, 50 000 pour le premier numéro de Nicholas Nickleby, 60 000 pour L'Horloge de Maître Humphrey, 100 000 pour la fin de Le Magasin d'antiquités, et le monde littéraire, à quelques exceptions près dont Charlotte Brontë qui lui préfère Thackeray, le porte aux nues.
Michael Allen écrit que les comparaisons font florès : l'âme de Hogarth, le Cruikshank des écrivains, le Constable du roman, l'égal de Smollett, de Sterne, de Fielding, un nouveau Defoe, l'héritier de Goldsmith, le Cervantes anglais, un Washington Irving, Victor Hugo, Wordsworth, Carlyle et même Shakespeare.
Son ancien maître de Chatham s'adresse à lui avec l'épithète « inimitable » associée à Boz : Dickens se l'approprie et s'en qualifie sa vie durant.
Les invitations pleuvent : cooptation par les Garrick Club et Athenæum, circonscription électorale refusée car Dickens exige un siège sur mesure, franchise d'Édimbourg (juin 1841), dîners de gala, conférences où il brille d'intelligence et de virtuosité, réunies en recueils (Speeches). À Édimbourg où le reçoit Lord Jeffrey, il est acclamé au théâtre par la foule debout, tandis que l'orchestre joue impromptu « Charley is my Darling.
Les villes se couvrent de portraits de Pickwick ou de Nickleby, sur les faïences, les vêtements, des affiches et des placards, et le visage même de Dickens, désormais popularisé par Maclise et Francis Alexander, est connu de toute la nation et outre-Atlantique88. Nombre d'observateurs prévoient une issue parabolique : « Il s'est envolé comme une fusée ; il retombera comme un bout de bois », augure Abraham Hayward dès octobre 1837. Pourtant, Dickens ne faiblit pas et devient le collaborateur ou l'ami de la plupart des grands journalistes ou auteurs, Leigh Hunt, William Harrison Ainsworth, Edward Bulwer-Lytton, Albany Fontblanque, Douglas Jerrold, Walter Savage Landor, etc. Comme l'écrit Michael Allen, son énergie créatrice ne fait que décupler et les commentateurs saluent désormais cette voix dont l'originalité sait parler à tous.

Des relations familiales difficiles

Les enfants se sont suivis pratiquement d'année en année et leur père s'intéresse beaucoup à eux petits, les négligeant ensuite tant ils peinent à se hisser au niveau espéré et requièrent souvent son aide financière.
Ils ne sont pas les seuls, parents, frères et sœurs, tous se tournent vers ce nouveau fortuné.
Dickens a eu avec son père des relations teintées d'affection et de méfiance : jusqu'en 1839 environ, il l'invite souvent au théâtre, à des dîners, en vacances, à des réunions entre amis ; puis, John Dickens, dont les activités journalistiques se tarissent, est comme emporté par le tourbillon de son fils et reprend ses mauvaises habitudes.
Charles en prend conscience en mars et fait déménager ses parents à Exeter, Devonshire, loin des tentations londoniennes et des créanciers. Pour environ 400 £, il éponge les dettes et règle les dépenses du nouveau logis.
Le séjour dure trois ans, jusqu'au jour où son fils, au comble de l'exaspération, se rende compte que John a accumulé d'autres dettes, vend en cachette des échantillons de ses manuscrits ou de sa signature, quête auprès de l'éditeur du journal local, sollicite sa propre banque et son ami Macready.
Il publie alors une mise en garde, comme quoi les créances circulant en son nom ne seront pas honorées.
Exiler son père à l'étranger, il y songe, mais, à son retour d'Amérique en 1842, il finit par rapatrier l'impécunieuse famille non loin de lui.
Les imprudences reprennent et Charles, bien que s'efforçant de donner le change, laisse parfois éclater sa colère : en septembre 1843, il écrit à John Forster qu'il est « confondu par l'audace de son rennent et Charles, bien que s'efforçant de donner le change, laisse parfois éclater sa colère : en septembre 1843, il écrit à John Forster qu'il est « confondu par l'audace de son ingratitude », que c'est « une insupportable croix à porter » qui le « démoralise complètement et dont le fardeau devient intolérable ».
Désormais, il assure le rôle de chef de famille, s'occupe de l'éducation de la fratrie, lui trouve du travail, la guide et la réprimande, l'emmène en vacances, l'installe et si l'un d'eux disparaît, assure le bien-être des siens.
Selon Michael Allen, Dickens a trouvé pour tous le temps et l'argent qu'il fallait, « mais a payé un lourd tribut d'anxiété devant leurs frasques » : Fred épouse une jeune fille de dix-huit ans, s'en sépare, est convaincu d'adultère et poursuivi, refuse de payer, quitte son travail et s'enfuit à l'étranger ; arrêté à son retour, il est emprisonné, sombre dans l'alcoolisme et meurt à 48 ans ; Augustus quitte son épouse devenue aveugle au bout de deux ans, émigre en Amérique avec une autre femme, meurt à Chicago à 39 ans où sa concubine se suicide l'année suivante.


Georgina Hogarth

Dès le retour d'Amérique, la place de Georgina va grandissant51. Devenue Aunt Georgy, elle s'occupe beaucoup des garçons, leur apprenant à lire avant qu'ils n'entrent à l'école, et prend souvent la place d'honneur lors des réceptions.
Elle est aidée par une bonne, Anne Cornelius, dont la fille fréquente plus tard une école du nord de Londres où sont aussi scolarisées deux, puis trois nièces de Dickens qui acquitte tous les frais.
Georgina est à la fois servante, préceptrice et maîtresse de maison98, statut bien supérieur à celui d'Anne Cornelius qui voyage en deuxième classe alors que la famille est en première.
Elle accompagne parfois Dickens en ses longues promenades et elle partage de plus en plus ses activités théâtrales96, voire littéraires, lui servant de secrétaire lorsque, de 1851 à 1853, il écrit sa célèbre Histoire de l'Angleterre destinée aux enfants.
Dickens cherche à la marier, lui proposant de beaux partis, par exemple Augustus Leopold Egg (1816-1863), étudiant aux Beaux-Arts de Londres et futur peintre de renom. Lui aussi partage la scène avec Dickens lors de ses mises en scène dont il conçoit souvent les costumes : Georgina les refuse tous, et son beau-frère, blasé, écrit à un ami alors qu'elle a atteint l'âge de 33 ans :
« Je doute fort qu'elle se marie un jour ».
Le moment le plus crucial de la vie de Georgina coïncide avec le moment le plus crucial de la vie de Dickens, lorsque, excédé par sa femme, il décide de s'en séparer.
1858 : la séparation d'avec Catherine Dickens


Maria Beadnell.

Dickens, ne voyant plus sa femme avec ses yeux de jeune homme, parlant d'elle avec mépris à ses amis, trouvant aussi qu'elle ne s'occupe pas assez des enfants, cherche ailleurs une consolation. Lorsque Maria Beadnell, maintenant Mrs Henry Winter, épouse d'un marchand et mère de deux filles, se rappelle à lui, il se prend à rêver qu'il l'aime encore, la rencontre secrètement, puis l'invite à dîner avec son mari.
La rencontre tourne au désastre, et jugeant sa tentative « absurde », il jure qu'« on ne l'y reprendra plus ».
Mrs Dickens, quant à elle, ne se voit pas sans amertume supplantée au foyer par Georgina et, à partir de 1850, souffre de mélancolie et de confusion mentale, aggravée en 1851 après la naissance de Dora qui mourra à huit mois.
En 1857, les époux font chambre à part, quoique Dickens insiste pour que les apparences soient sauves.
La famille passe quelques moments heureux à Gads Hill's Place110, mais les répits sont de courte durée et bientôt il leur semble impossible de poursuivre la vie commune.
Au printemps de 1858, un bracelet en or, mal dirigé par le joaillier, revient accidentellement à Tavistock House.
Catherine accuse son mari d'entretenir une relation amoureuse avec la jeune actrice Ellen Ternan, ce que nie Dickens, prétextant qu'il a l'habitude de récompenser ainsi ses meilleures interprètes. Afin que soit mise en œuvre une procédure de divorce en vertu de la loi récemment adoptée (Matrimonial Causes Act de 1857), la mère et la tante maternelle de Catherine, Helen Thompson, insistent pour que soient recherchées des preuves d'adultère à l'encontre d'Ellen Ternan et aussi de Georgina Hogarth, qui, après avoir œuvré pour sauver le mariage, a pris le parti de Dickens.
Pour couper aux rumeurs, Dickens lui fait établir un certificat qui la déclare virgo intacta. Le 29 mai 1858, un document faisant état de l'impossibilité d'une vie commune est signé par le couple et paraphé par Mrs Hogarth et Helen Thompson. Dickens demande par écrit à son épouse si elle s'oppose à ce qu'une déclaration commune soit rendue publique ; la première paraît le 12 juin113 dans Household Words, reproduite par de nombreux quotidiens ou hebdomadaires dont The Times, puis une autre dans le New York Tribune.


Bientôt, Catherine s'en va vivre avec son fils Charley au 70 Gloucester Crescent, dotée d'une rente de 600 £.
Elle n'a jamais été autorisée à remettre les pieds au domicile familial, ni à paraître devant son mari, retiré avec les autres enfants et Georgina à Gad's Hill Place, où il écrit ses œuvres dans un chalet suisse reconstitué au milieu du jardin.
Elle n'a pas manqué de défenseurs, entre autres William Makepeace Thackeray, Elizabeth Barrett Browning ou Angela Burdett-Coutts, amie de toujours qui se sépare de Dickens.
La « trahison » de Georgina incite Graham Smith à sonder ses motivations : écartant l'idée qu'elle ait secrètement aimé son beau-frère autrement que d'affection, elle a dû, pense-t-il, se préoccuper des enfants, désormais « sans mère », et apprécier de vivre auprès d'un écrivain de tel renom et de profiter de la compagnie qu'il fréquente.
Quant à Dickens, Graham Smith voit dans le sobriquet qu'il lui donne, « la vierge », la clef de son attitude : faisant fi des conventions, il a trouvé en elle son idéal de femme au foyer, tel qu'il le décrit en Agnes Wickfield, « angélique, mais compétente à la maison ».


Un travail acharné et fécond

Calme ou agitée, chaque année apporte son lot de labeur et de réussite.
Les Dickens changent souvent de domicile, et en 1842, à son retour d'Amérique, Charles déracine sa famille et s'en va vivre à Gênes d'où il revient au bout d'un an avec son Pictures from Italy.
L'année suivante, c'est en Suisse, puis à Paris qu'il passe plusieurs mois, ces absences n'allant pas sans répercussions, malentendu et brouille avec les éditeurs.


Daguerréotype d'Antoine Claudet.

En 1850, Dickens se fait prendre en photographie pour la première fois sur un daguerréotype d'Antoine Claudet : image d'un homme respectable, solide, rasé de près, sévère de visage et élégant dans sa tenue, un portrait d'homme d'affaires ; il y paraît grand, bien qu'il ne fît que 5 pieds et huit pouces, soit 1,72 m120 ; une certaine solennité imprègne ses traits, qui se durciront en un vieillissement prématuré.
Les deuils, indépendamment des tracas, se succèdent dans sa vie : perte de sa sœur Fanny à trente-huit ans en 1848, bientôt suivie par sa petite Dora en 1850, puis de son père en 1851. C'est une époque d'introspection où il commence à écrire une autobiographie, puis se confie à la première personne dans David Copperfield, « de tous mes livres, celui que j'aime le plus », dont le décryptage ne s'est fait qu'après la parution de la biographie de John Forster.
Auparavant, en 1843, il s'est s'inscrit dans le cœur des foules avec Un chant de Noël, sujet déjà abordé dans ses Esquisses de Boz et Les Papiers posthumes du Pickwick Club, mais qui, avec Tiny Tin, Scrooge, les Fantômes de Noël Passé, Présent et Futur, promeut sa renommée à l'universalité. Petit livre d'emblée proposé à la scène, restant à ce jour le plus adapté de tous, il associe Noël et Dickens dans la conscience collective, d'autant que, de 1850 à 1867, chaque fin d'année apporte sa nouvelle offrande.
De 1846 à 1858, en collaboration avec Angela Burdett-Coutts (1814-1906), il crée Urania Cottage, destiné à recueillir les femmes dites « perdues », réalisation qui, au cours des douze années de sa gestion, permet à une centaine de pensionnaires de se réinsérer dans la société. Contrairement aux autres institutions de ce type fondées sur la répression, il choisit d'éduquer par la lecture, l'écriture, la gestion du foyer et surtout un métier. Tout en les coupant de leur milieu, il entend métamorphoser « comme magiquement » les exclues par des habitudes et des principes nouveaux, expérience, écrit Jenny Hartley, qui « aura été comme écrire un roman, mais avec de vraies personnes ».


Dickens en capitaine Bobadill dans Ben Jonson.

De tous temps, Dickens a pris plaisir à la scène. Chez ses parents à Bentinck House, il crée une petite compagnie familiale, et au Queen's Theatre de Montréal en 1842, il aide les officiers de la garnison, The Goldstream Guards, à monter un spectacle.
En 1845, puis dans les années 1850, rassemblant acteurs professionnels et amis, il se lance dans la mise en scène et la production, prenant même part, en capitaine Bobadill, au Every Man in his Humour de Ben Jonson au Royalty Theatre, 73 Dean Street, Soho. Décor, jeu des acteurs, accessoires, maquillage, costumes, il se plaît devant le public, sa troupe attire l'attention et est souvent demandée à Londres et en province (Birmingham, Manchester, Liverpool), en Écosse (Édimbourg, Glasgow).
En 1851, Les Joyeuses Commères de Windsor de Shakespeare s'ajoute au répertoire et une nouvelle pièce de Edward Bulwer-Lytton, Not so Bad as We Seem, est donnée devant plus de 1 200 spectateurs à Sunderland où, le nouveau théâtre étant réputé peu sûr, Dickens place Catherine et Georgina loin de la scène. Chaque fois, quelques courtes farces sont données en bis, où Dickens, changeant rapidement de costume, incarne plusieurs personnages, tout cela dans la joie et sans but lucratif, les entrées allant à des œuvres de charité, surtout la Guild of Literature and Art, fondée avec Lytton pour les acteurs nécessiteux,. Même la Reine Victoria est conquise et fait savoir au printemps de 1857 qu'elle aurait plaisir à assister à une représentation de The Frozen Deep.

1851 est l'année où Dickens acquiert Gad's Hill Place près de Rochester, au portail de laquelle Charles et son père s'étaient arrêtés avec envie quelque trente ans auparavant. La région, « lieu de naissance de son imagination », devient une nouvelle source d'inspiration : Chatham, Rochester, les marais environnants servent de décor pour Les Grandes Espérances (1860-1861) ; Rochester est le Cloisterham de Le Mystère d'Edwin Drood, et plusieurs essais du The Uncommercial Traveller, dont « Dullborough Town » et » Chatham Dockyard », y sont également situés.


Daily News (1858).

Le journalisme a été l'une des activités fondatrices de Dickens : en 1845, il participe au lancement du Daily News à vocation libérale publié par Bradbury and Evans et dirigé par d'anciens collaborateurs, entre autres John Forster et George Hogarth, W. H. Wills, Mark Lemon et Douglas Jerrold.
Bientôt, Dickens en devient brièvement le rédacteur-en-chef avec l'énorme somme de 2 000 £ annuelle, et, bonus ajouté, son propre père est placé à la tête des reporters.
Alors qu'il travaille à David Copperfield, il conçoit et met en œuvre Household Words et, contrairement à ses passages au Bentley's Miscellany, L'Horloge de Maître Humphrey ou au Daily News, il s'occupe jusqu'à sa mort de ses propres revues, Household Words changeant de titre en 1859 pour devenir All the Year Round.
Avec l'aide du rédacteur adjoint W. H. Wills, de Wilkie Collins qu'il rencontre en 1851 et d'autres jeunes écrivains, les années 1850 et 1860 sont fertiles en événements journalistiques que Dickens relaie auprès d'un public friand de qualité, les ventes grimpant au moment de Noël à 100 000 pour Household Words, 300 000 pour All the Year Round. Sa passion journalistique s'est transmise à son fils aîné Charley qui, après le décès de son père, a poursuivi la rédaction et la gestion de la revue jusqu'en 1888.


Gad's Hill Place aujourd'hui.


Vers la fin de sa vie, Dickens proclame la haute idée qu'il se fait de sa vocation : « Lorsque je me suis d'abord engagé en littérature en Angleterre, j'ai calmement résolu en mon for intérieur que, réussite ou échec, la littérature serait ma seule profession J'ai passé un contrat avec moi-même, selon quoi à travers ma personne, la littérature se dresserait, en soi, pour soi et par soi ».
Si Dickens a toujours tenu, et le plus souvent avec brio, à donner cette image d'un homme dévoué au service des lettres et des lecteurs, parfois, note John Drew, lors de ses démêlés avec les éditeurs, le caractère impérieux de son tempérament a pris le pas sur sa « calme résolution » : ainsi en témoigne le dernier numéro de Household Words fondant All the Year Round131, a contrario aussi éloquent que les solennelles déclarations publiques.
Les douze dernières années


Ellen Ternan.

Le 13 avril 1857, alors qu'elle vient d'avoir dix-huit ans, Ellen (Nelly) Ternan est remarquée par Dickens au théâtre du Haymarket.
L'impression est forte au point qu'en décembre, il s'ouvre à son amie Mrs Watson de son trouble.

L'année suivante, il la recrute avec sa mère et une de ses sœurs pour interpréter au nouveau Free Trade Hall de Manchester, une pièce de Wilkie Collins, The Frozen Deep (« Les Abîmes gelés »), confiant les plus importants personnages à Mrs Ternan et à Maria, tandis qu'Ellen incarne le rôle secondaire de Lucy Crayford.
Ces représentations, attisant le sentiment né en 1857, vont avoir bien des répercussions chez Dickens. Subjugué par Ellen, de l'âge de sa fille Katey, il ne l'oublie plus, lui confie certaines de ses œuvres et dirige sa carrière, la logeant avec sa famille en Angleterre comme en France, où il la rejoint souvent à Condette près de Boulogne. À partir de 1860, a-t-il été observé, il traverse régulièrement la Manche, et entre 1861 et 1863, n'est occupé à aucun roman d'envergure ni ne donne de nombreuses lectures.
La présence du couple en France est confirmée en juin 1865 lors de l'accident de chemin de fer de Staplehurst, puisque le train les ramenant de France dans un wagon de première classe en tête de convoi déraille entre Headcorn et Staplehurst le 9 juin 1865.
Les ouvriers ont enlevé seize mètres de rails, mais le convoi est parti plus tôt qu'ils ne s'y attendaient sans qu'aucune fusée d'avertissement ait été prévue140. Les huit premiers wagons basculent dans la petite rivière Beult, en contrebas d'un viaduc peu élevé et dépourvu de rambardes, et de nombreux passagers restent coincés dans les décombres. Grâce à sa taille menue, Dickens réussit à s'extirper par la fenêtre, dégage ses accompagnatrices, s'assure qu'Ellen et sa mère soient immédiatement conduites à Londres, puis se porte au secours des blessés.
Nelly a été touchée au bras gauche qui en restera fragilisé. Dickens, craignant que leurs relations ne soient découvertes, insiste pour que le nom des Ternan soit supprimé des comptes-rendus de presse, et il s'abstient de témoigner lors de l'enquête officielle à laquelle il a été convoquée.
L'accident se solde par dix morts et quarante blessés, dont quatorze grièvement.
Lors de la publication de L'Ami commun en 1865, Dickens ajoute une postface ironique revenant sur l'accident : le manuscrit du dernier épisode est resté dans son manteau, et au bout de trois heures, il se rappelle soudain les feuillets, se hisse dans le wagon suspendu à l'oblique et réussit à les récupérer.
Nelly se fait quasi clandestine, devenue une femme invisible. Pourtant ambitieuse, vive, intelligente, très agréable en société, intellectuellement active et cultivée, sa vie s'est comme arrêtée. Pour Dickens, elle est devenue source permanente de réconfort et bonne conseillère, son art scénique et ses lectures publiques, par exemple, progressant beaucoup.


Helena Landless,

Peter Ackroyd écrit d'Ellen Ternan qu'« elle était volontaire et à l'occasion dominatrice très intelligente et, pour une femme ayant reçu pour toute éducation une enfance passée sur les planches du théâtre itinérant, remarquablement cultivée ».
E. D. H. Johnson note le changement qui s'opère dans l'œuvre de Dickens à partir de 1858, précisant par exemple que « le nom de la jeune femme a certainement influencé le choix de celui des héroïnes des trois derniers romans, Estella, Bella Wilfer et Helena Landless », au nom évocateur de Lawless, second prénom d'E, tous prénoms évoquant l'éclat (hèlè) de l'astre, l'étoile (stella), la beauté, la lumière. Leur tempérament volontaire représente, ajoute-t-il, une rupture par rapport à l'« idéal de douce sainteté » qu'incarnent Florence Dombey, Agnes Wickfield, Esther Summerson et Amit. De plus, « ses dernières œuvres explorent sans le moindre doute la passion sexuelle avec une intensité et une acuité sans précédents dans son œuvre ». Enfin, Le Mystère d'Edwin Drood a été inspiré par un fait-divers lié à la famille Ternan lorsqu'un des nombreux frères du père de Nelly, parti un jour en promenade, n'est jamais revenu.



Que Dickens ait passionnément aimé Ellen est établi, mais ce n'est qu'après la publication de Dickens et sa fille par Gladys Storey en 1939 qu'ont été connus les détails : Kate lui a confié que son père et l'actrice ont eu un fils mort à quatre jours, naissance attestée par l'entrée sibylline d'avril 1857 relative à Slough dans le journal de Dickens : « Arrivée et Perte ».
Il se peut qu'il y ait eu plusieurs grossesses, et Nelly aurait fait allusion à « la perte d'un enfant ». Gladys Storey ne corrobore pas ces dires, mais à son décès en 1978, divers documents ont été déposés au musée Charles Dickens, où répertoriés et analysés, ils confirment, selon Claire Tomalin, les faits révélés.
Le couple a vécu à Slough, Dickens se faisant passer pour « Mr John Tringham of Slough » ou encore « Mr Turnan », à Windsor Lodge, Peckham avec, là aussi, des noms d'emprunt, et en France près du Château d'Hardelot. Michael Slater note que le romancier a acheté pour Nelly une vaste demeure à Ampthill Square, St. Pancras, où elle a vécu de 1859 à 1862, ce que corrobore aussi Claire Tomalin,. Pendant toutes ces années, Ellen s'emploie à « se servir de ses cellules grises pour se cultiver », comme l'a confié Kate Perugini à Gladys Storey. Lors de leurs séparations, leur correspondance transite par W. H. Wills, de Household Words et All the Year Round, par exemple pendant la tournée américaine de 1867-1868.
Il n'est pas certain qu'Ellen Ternan ait volontiers accepté l'intimité d'un homme au-delà de l'âge d'être son père. Sa fille Gladys rapporte qu'elle parlait de Dickens en termes élogieux, mais le biographe Thomas Wright la décrit comme regrettant amèrement sa liaison, « commencée alors qu'elle était jeune et sans le sou s'accablant de reproches et s'éloignant de plus en plus de lui ».
D'après E. D. H. Johnson, elle se serait longtemps refusée. « Ellen, ajoute Thomas Wright, si elle a cédé, semble l'avoir fait sans chaleur et avec un sentiment chagriné de culpabilité ».
Il s'en remet au chanoine William Benham de Margate à qui elle se confiait: « Je le tiens de sa propre bouche, écrit-il, elle répugnait à la seule pensée de cette intimité »N ,.
Au temps de cette confidence, Ellen, devenue Mrs Robinson de Southsea, Hampshire, était retirée dans une petite ville de province, veuve des plus respectables. Lorsque Georgina a appris que Thomas Wright rassemblait des documents, elle s'est montrée très soucieuse que certains détails « de nature privée » ne fussent pas publiés à l'encontre de son beau-frère, à quoi il lui a été répondu qu'« il eût été cruel, en effet, de les révéler si prématurément » ; de fait, la biographie n'a paru qu'en 1935.


La suite --> http://www.loree-des-reves.com/module ... php?topic_id=1113&forum=3

Posté le : 09/06/2013 12:30
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Charles Dickens 2
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne

La tournée américaine de 1867-1868.

La passion de Dickens pour la scène, la popularité dont il jouit, l'incitent à entreprendre des lectures publiques de ses œuvres. Il commence, lors de manifestations caritatives, par se produire devant de petits groupes d'amis, puis s'essaie à des auditoires plus vastes.
À partir de 1858, le succès est tel qu'il entreprend d'en tirer profit et, jusqu'à la fin de sa vie, ces récitals constituent une part majeure de ses activités118. D'après un témoin de l'époque, « sa lecture n'est pas seulement aussi bonne qu'une pièce, elle est meilleure que la plupart d'entre elles, car sa performance d'acteur atteint les sommets ».
Entre avril 1858 et février 1859, il donne cent-huit représentations, ce qui lui rapporte 1 025 £, c'est-à-dire presque la moitié de ses gains littéraires qui ne dépassent pas 3 000 £ par an. Au-delà de l'aspect financier, cependant, la passion qui l'habite lorsqu'il est devant un auditoire est telle qu'elle devient quasi obsessionnelle, qu'il entre comme en transe et que la salle est transportée d'enthousiasme, Dickens, selon les témoins, la tenant sous son charme, exerçant une puissante fascination.
Il sillonne l'Angleterre, l'Écosse, l'Irlande, et plus ses tournées se prolongent, plus grandit le nombre des auditeurs. Ses lettres sont gonflées de fierté, et George Dolby, devenu son agent, écrit qu'« en dehors des bénéfices financiers, le plaisir qu'il ressent dépasse l'ordre des mots ». Les témoins sont unanimes pour rendre hommage à cette maîtrise, au talent de lecteur, au génie de la déclamation : hypnotisme, charme, sens aigu de la mise en scène, tels sont les mots relevés, et le geste accompagne la parole, le suspens se voit savamment ménagé, les effets de voix restent saisissants. Même Mark Twain, au départ sceptique et irrité de « l'emphase très anglaise du personnage », cède à ce qu'il appelle « la splendide mécanique.
J'avais presque l'impression que je voyais les roues et les poulies à l'œuvre ». Birmingham, Sunderland, Édimbourg, ses élans de bonheur à tant de gloire se succèdent : « J'ai vraiment beaucoup de succès » ; « Je n'ai jamais contemplé d'auditoire sous un tel charme » ; « Le triomphe que j'y ai reçu dépasse tout ce que j'ai connu. La cité a été prise d'assaut et emportée », etc.. À Belfast, on l'arrête dans la rue, le couvre de fleurs, ramasse les pétales qu'il a touchés ; les hommes pleurent, autant et même plus que les femmes.


La tournée d'adieu.

À la fin des années 1860, parents et amis s'inquiètent de la fatigue qui s'abat sur Dickens lors de ses tournées qui, comme tout ce qu'il entreprend, se passent dans un comble d'excitation. Son rendu du meurtre de Nancy par Sikes dans Oliver Twist, en particulier, qui mesmérise le public, le laisse pantelant d'épuisement, et son fils Charley le met en garde : « Je n'ai jamais rien entendu de plus beau, mais ne le faites plus ».
À cela s'ajoute le traumatisme de devoir prendre le train, ce qui, depuis l'accident de Staplehurst, lui est de plus en plus pénible. Son médecin personnel, le docteur Francis Carr Beard, dont les notes signalent des emballements cardiaques alarmants, surtout pendant la scène d'Oliver Twist, finit par lui interdire ces récitals. Dickens passe outre, part pour une nouvelle tournée américaine en 1867, et une autre en octobre 1868 sur les routes anglaises.
Il en revient à bout de forces après soixante-quatorze représentations sur les cent prévues. Désormais, dans la quiétude de Gad's Hill Place, souvent avec Ellen Ternan, il se consacre à son dernier roman et trouve quelque repos. En bonne vedette qu'il est, cependant, et contre l'avis de tous, il insère dans son emploi du temps douze récitals d'adieu à Londres fin 1869 et les derniers de janvier à mars 1870.


Trois mois plus tard, le 9 juin 1870, il était mort.


L'ultime Dickens Les deux derniers romans


Dickens et ses deux filles.

Le quatorzième roman de Dickens, et le dernier à avoir été achevé, L'Ami commun, paraît de mai 1864 à novembre 1865.
Il présente une vue panoramique de la société anglaise vouée à la superficialité urbaine et l'avidité destructrice, dont la Tamise, décor, actrice et surtout symbole, charrie les corps-rebuts que se disputent des vautours humains.
Quant au Mystère d'Edwin Drood, resté incomplet, il serait la culmination des thèmes et des motifs explorés tout au long de l'œuvre.
Certains critiques, Edmund Wilson par exemple, voient dans son héros, Jasper, un auto-portait, homme divisé, à la fois du monde et de l'imaginaire, socialement familier mais étranger menaçant. Si tel est le cas, le personnage disparu, Edwin, serait vraisemblablement revenu, ce retour symbolisant « la résurrection et la vie », comme le sacrifice de Carton.


La mort de Dickens

Il existe un doute sur les circonstances exactes de la mort de Dickens. La critique n'a pas encore tranché, mais semble pencher vers la version de John Forster.
La version officielle
Georgina est à Gad's Hill Place le 8 juin 1870 lorsque, après avoir travaillé dans son chalet, Dickens la rejoint à 18 heures pour le dîner, les traits défaits186. Elle lui demande s'il se sent mal : « Oui, répond-il, très mal depuis une heure ». Elle veut appeler un médecin, à quoi il répond No (non), et s'effondre. Georgina se précipite en disant : « Venez vous allonger »; « Oui, sur le sol », murmure-t-il avant de perdre connaissance.
Georgina appelle le médecin local, puis Mamie, Katey et Charley qui la rejoignent. Elle envoie peut-être aussi chercher Ellen Ternan.
Telle est la version racontée par John Forster, qui déclare la tenir de la bouche de Georgina.


La version officieuse

Il en existe une autre, qui lui donne un rôle tout différent : Dickens n'est pas pris de malaise chez lui, mais à Winsdor Lodge, Peckham, où réside Ellen Ternan.
Ellen le transporte mourant, voire mort, en calèche jusqu'à Gad's Hill Place distant de 24 milles, où il est tiré près de la table afin que soit simulée la scène racontée par Forster.
Pour étayer cette version des faits, le témoignage le plus important, d'après David Parker, conservateur du musée Charles Dickens, est celui d'un certain Mr J. C. Leeson, dont le grand-père, le révérend J. Chetwode Postans, est nommé en 1872 pasteur de l'église Linden Grove Congregational Church située en face de Windsor Lodge. Le gardien de l'église, en poste avant lui, lui aurait mystérieusement confié que « Dickens n'est pas mort à Gad's Hill », dires dont la portée n'apparaît que lorsqu'est connue la véritable histoire de la liaison de Dickens et la raison de ses fréquentes visites à Peckham.
L'acteur Felix Aylmer, alors en relation avec Mr Leeson, rassemble les données, puis publie peu après son Dickens Incognito, paru en 1959, mais sans s'y référer et en gardant la version de Forster.
David Parker attribue cette attitude non pas au fait qu'Aylmer a pu avoir des doutes, mais parce qu'il ne veut pas prendre le risque de faire scandale : d'un côté, il ne s'y sent pas autorisé intellectuellement ; de l'autre, il a peur que cela nuise à sa carrière tant est « sacré » tout ce qui touche à Dickens. Quoi qu'il en soit, les documents en sa possession ayant été remis au musée Charles Dickens par sa sœur après sa mort en 1979, « le dossier relatif à Peckham peut, sur ma recommandation en tant que conservateur, précise David Parker, être analysé par les chercheurs ».


Conclusions en l'état

Le coin des poètes.
Si cette hypothèse se vérifiait, Georgina Hogarth serait complice d'une mystification : à la mort de Dickens, n'écoutant que sa loyauté, elle aurait participé au dernier acte d'un camouflage persistant depuis 1858, date de la rencontre avec la jeune actrice, soit une douzaine d'années.
Pourtant, Claire Tomalin se garde de prendre parti, et David Parker, jugeant qu'elle n'a pas tort, trouve bien des raisons de discréditer l'hypothèse de Peckam : piètre fiabilité des témoins, impossibilités pratiques, rôle des domestiques, et surtout témoignage du médecin, le docteur Stephen Steele, impartial, assure-t-il, puisqu'il n'est pas le médecin personnel de Dickens, et qui confirme l'avoir trouvé inconscient sur le sol vers 18 h 30.
En définitive, l'état actuel des recherches rendrait à Georgina Hogarth la véracité de sa version des faits, telle qu'elle l'a livrée à John Forster.
Le coin des poètes
En conclusion de son article sur la vie publique de Dickens, John Drew écrit que, par une ultime ironie, son dernier effort pour dominer le destin s'est trouvé contrarié. L'immense popularité qu'il a tant chérie n'a pas voulu que sa dépouille fût inhumée, comme il le souhaitait, « sans frais, sans ostentation et strictement en privé dans le petit cimetière jouxtant le mur du château de Rochester ».

En grande pompe, la nation lui a offert une tombe dans le Coin des poètes de l'abbaye de Westminster, et tout entière a pris le deuil.


Dickens, le réformateur ?

Les émeutes de Gordon.
Selon Hugh Cunningham, il devient difficile de considérer Dickens comme un réformateur, bien que telle a été sa réputation de son vivant et longtemps après sa mort.
Non qu'il n'ait pourfendu les maux de la société, mais sans leur opposer de système cohérent, ses réponses aux problèmes soulevés restant marquées au coin par sa foi en la capacité de l'être humain à accéder à la bonté.
À l'aune de son œuvre, la mutation qu'a connue la Grande-Bretagne au XIXe siècle se mesure par le passage de la diligence au chemin de fer, de la campagne à la ville, du monde rural à celui des usines.
Trois hommes l'ayant influencé ont compris et analysé ce bouleversement, Adam Smith qui prône le laisser-faire, Thomas Malthus qui recommande le contrôle des naissances, et Jeremy Bentham, partisan du plus grand bonheur pour le plus grand nombre par l'intervention du pouvoir politique.
Instinctivement, Dickens s'est retourné contre les deux premiers, en particulier dans Les Temps difficiles, où les cadets de Thomas Gradgrind portent dérisoirement leurs noms et, dans le même roman, a activement stigmatisé les dérives engendrées par la stricte application des théories du troisième.
Dans Barnaby Rudge, Dickens dénonce la férocité aveugle de la foule qu'il a prise en horreur depuis l'agitation chartiste du Pays de Galles en 1842. Pourtant, sa méfiance envers ce mouvement est d'origine théorique : alors que le Chartisme présuppose la bonté naturelle de l'homme, lui est convaincu que si bonté il y a, elle est le fruit d'un fragile processus de civilisation. Pour le préserver, il convient que les autorités ne cèdent à aucune clémence envers les fauteurs de trouble. D'où son admiration pour la police, les détectives privés, les organismes chargés du respect de la loi.
Une mise en cause plus littéraire que politique

Cela dit, il s'attaque à certaines institutions qu'il considère comme des fléaux sociaux, par exemple la Loi sur les pauvres de 1834, modifiant l'ancienne loi d'assistance aux indigents datant de l'époque élisabéthaine.
Cette nouvelle loi, faisant suite à celle de 1832, mettait fin à l'assistance à domicile aux indigents, considérée comme trop onéreuse, et instituait leur enfermement en hospices. Dans Oliver Twist, le petit Oliver est confié à l'une de ces institutions, et Dickens en dénonce la gouvernance, en particulier l'autorité dont s'investissent de petits clercs suffisants et ignorants, tel le bedeau Mr Bumble, responsable du malheur des résidents.
Plus tard, dans La Petite Dorrit, il stigmatise l'institution pénitentiaire qui, entre autres, maltraite un vieillard malingre, Nandy, doux joueur de flûte parqué avec dix-neuf congénères de son âge dans la puanteur d'un trou. L'action de Dickens, écrit Hugh Cunningham, est restée littéraire ; il n'a pas activement milité pour changer les choses qui ont perduré longtemps après sa mort, jusqu'en 1894.
Sensible à la condition ouvrière, il visite des usines dans le Lancashire dès 1838 et ce qu'il y voit le remplit d'étonnement et de dégoût.
Il entend, écrit-il alors, « frapper un grand coup », qui, commente Hugh Cunningham, « n'est jamais venu, même dans Les Temps difficiles ». L'Edinburgh Review lui demande un article qui reste dans les limbes ; il se contente, quatre ans plus tard, d'envoyer au Morning Chronicle une lettre passionnée contre la Chambre des Lords à propos d'un amendement qu'il réprouve.
Vers le milieu des années 1850, il publie de nombreux articles dans Household Words sur les accidents du travail, blâmant les patrons et les magistrats qui « se mettent en quatre pour les comprendre ». Pour autant, alors qu'il est très sensible au travail des enfants, aucun de ceux qu'il met en scène dans ses livres ne travaille en usine : seul David Copperfield est employé à coller des étiquettes, tâche sans commune mesure avec l'esclavage des mines ou des manufactures de textile et de métallurgie ; quant au petit Joe, à jamais balayant le même carrefour dans La Maison d'Âpre-Vent, il se meurt plus d'ennui et de faim que de la dureté du labeur200.


Field Lane dans les années 1840.

Dickens s'est peu préoccupé de l'accès à l'éducation pour tous et du contenu des programmes, questions agitant la Grande-Bretagne au cours des décennies 1830 et 1840 et jamais vraiment résolues, le rôle dévolu à l'État l'intéressant moins que l'éthique et la pédagogie des établissements. Dans son œuvre, les mauvais maîtres sont légion, du brutal Wackford Squeers que rosse le jeune Nicholas Nickleby et Mr M'Choakumchild obnubilé par le « fait », jusqu'au plus titré et socialement respecté de tous, Bradley Headstone, qui ravage les jeunes esprits par les insuffisances de son caractère et en arrive au meurtre pour satisfaire son ego.
Pourtant, il est convaincu que l'éducation est primordiale dans la lutte contre le crime. Plaçant beaucoup d'espoir dans les Ragged Schools, destinées depuis 1818, à l'initiative du cordonnier John Pounds de Portsmouth, à éduquer les enfants défavorisés, il en visite une en 1843, la Field Lane Ragged School, et est consterné par ce qu'il y voit.
Il entreprend alors d'œuvrer pour une réforme de ces établissements, plaide en vain auprès du gouvernement pour une augmentation des crédits, donne lui-même des fond et rédige Un chant de Noël, au départ pamphlet sur la condition des enfants pauvres, puis récit dramatique qu'il juge plus percutant. En effet, son but est d'inciter le gouvernement à changer la loi, faute de quoi, laisse-t-il entendre, l'ignorance et le besoin condamnent les nantis à devenir des « Scrooge » desséchés, s'autorisant de leur richesse et de leur rang pour mépriser les malheureux plutôt que de leur venir en aide.
Peu à peu, cependant, il en vient à penser que la source des maux sociaux est à trouver dans les conditions d'habitat et d'hygiène réservées aux familles pauvres203. En 1851, il déclare à la Metropolitan Sanitary Association que la réforme de ce qu'on commence à appeler « la santé publique » doit précéder tous les autres remèdes sociaux, que même l'éducation et la religion ne peuvent rien tant que la propreté et l'hygiène ne sont pas assurées. Il s'intéresse d'autant plus au problème qu'un de ses beaux-frères a fondé l' « Association pour la santé des villes » et lui envoie des rapports circonstanciés, par exemple sur les dangers que représente le mode d'inhumation. Ses Esquisses de Boz et Oliver Twist (en particulier la description de Jacob's Island au chapitre 50) témoignent que son souci du problème est déjà ancien, et dans la préface de Martin Chuzzlewit en 1849, il revient sur « l'absence de progrès en matière d'hygiène dans le logement des pauvres gens ». Cent quatre-vingts enfants meurent cette année-là du choléra dans l'institution Drouet de Tooting, dont Dickens dénonce aussitôt la négligence dans quatre articles pour l'Examiner ironiquement intitulés « Paradis à Tooting ». Il réclame une centralisation des efforts sanitaires, au grand dam des conservateurs qu'il raille en Mr Podsnap. Il reprend le sujet régulièrement dans Household Words en 1854, puis encore en 1869.


Que proposer, puisque l'État fait défaut ?


La guerre de Crimée.
Le responsable ultime de tous ces maux, pense-t-il depuis longtemps, est le gouvernement, non pas tant les dirigeants qui vont et viennent, que l'administration pesante qui les accompagne. Chasse gardée de l'aristocratie, le recrutement devrait, selon le rapport Northcote et Trevelyan de 1853, se faire par concours, ce qu'approuve Dickens.
Les lenteurs du changement, cependant, alimente sa haine de la bureaucratie, que renforce l'ineptie déployée lors de la Guerre de Crimée de 1854 : entre avril et août 1855, il attaque violemment l'incompétence du pouvoir dans sa revue et se déchaîne dans le chapitre « Où il est question de la science du gouvernement » de La Petite Dorrit où le « Ministère des circonlocutions » est décrit comme « se faisant un devoir de ne rien faire ».
Dickens a cru en la philanthropie, s'est investi dans Urania Cottage voir Urania Cottage pour les « femmes perdues », l'hôpital des enfants malades de Great Ormond Street, des programmes de logements pour les ouvriers. Pour autant, il stigmatise les dérives philanthropiques en Mrs Pardiggle qui « enfile aux nécessiteux sa bienveillance comme une camisole de force » et, se consacrant corps et âmes à ses causes africaines, néglige ses enfants réduits à errer, affamés, morveux et sans soin, dans sa maison. Curieusement, malgré ses attaques contre l'Amérique, c'est à Boston qu'il trouve des institutions (publiques, à la différence de celles de son pays) qui lui paraissent secourir les plus pauvres de manière efficace et digne. Ne rien faire, pense-t-il, ou continuer en l'état, c'est préparer le lit d'une révolution à la française ; le capitalisme doit s'allier aux forces laborieuses, les écarts qu'il engendre pouvant être atténués par la bonne volonté de tous. En définitive, plutôt que d'économie politique, c'est d'humanité, de décence, des valeurs du Nouveau Testament qu'il parle.
Dickens et la Révolution française
Que Charles Dickens soit plus réformateur que révolutionnaire apparaît clairement dans sa perception de la Révolution française : dans Le Conte de deux cités (1859), œuvre romanesque ayant pour théâtre la France autant que l'Angleterre de l'Ancien Régime et de la Révolution, il contribue à la fondation de l'opinion anglaise à l'égard des événements français de 1789 à 1793.
Dickens réalise une synthèse entre la pensée d'Edmund Burke et de Thomas Carlyle : du premier, il ne conserve que l'éloge de la constitution anglaise en opposant la violence et la misère de Paris au calme et à la prospérité de Londres ; au second, principale source d'inspiration, il emprunte l'idée de l'inexorabilité d'une révolution considérée comme l'action vengeresse d'un peuple contre la corruption de la société de l'Ancien Régime ; Dickens envisage, avec le sacrifice ultime de Sydney Carton en place de Charles Darnay, héritier de la famille qui était à l'origine des malheurs des Manette, la possibilité d'échapper au cycle de la violence et du châtiment.


Les grands axes de la création dickensienne

Au regard de la puissance créatrice de Dickens, les contraintes auxquelles il a dû se plier, les influences qu'il a reçues et les moules dans lesquels il s'est glissé restent peu de choses.
Comme l'écrit Robert Ferrieux, « Son génie les a acceptés, assimilés, et, sans rien copier, il a bâti un univers original, à la fois fidèle au monde qu'il a connu et totalement différent, un univers en soi, d'essence poétique, unique dans la création littéraire ».

La publication en feuilleton

Presque toutes ses œuvres ont été publiées au rythme de parutions hebdomadaires ou mensuelles, contrainte dont il a su tirer profit, tant il l'a maîtrisée et s'en est servi pour tenir son public en haleine et parfois moduler le fil de l'action, voire les personnages, selon ses réactions.
C'est grâce à ses feuilletons réguliers, relayés au-delà des abonnements par les bibliothèques ambulantes sillonnant le pays, qu'ont prospéré les revues recevant ses feuillets, d'abord celles d'éditeurs indépendants, puis les siennes, dont Household Words et All the Year Round.
Chaque numéro comporte un cahier des charges tacite : respect du nombre de pages, autonomie de chaque numéro, avec son commencement, son apogée et sa fin, sa dépendance envers les chapitres précédents, l'annonce implicite du prochain, le ménagement d'un suspens, l'instauration d'une incertitude, l'avancée de l'intrigue sans en dévoiler la suite tout en lançant de discrètes pistes.
Paradoxalement, cette publication étalée exige une structuration de l'ensemble rigoureuse pour informer à l'avance les illustrateurs dont les planches sont longues à graver et tirer et qui doivent fournir une illustration de couverture qui, comme l'emballage, propose dès le départ une vision globale ; il convient aussi d'éviter les redites et de relancer l'intérêt à intervalles réguliers, d'où cette récurrence de rebondissements programmés, de façon dramatique au milieu et secondaire aux numéros 5 et 15. Ainsi, dans Dombey et Fils, la mort du petit Paul, d'abord prévue pour le quatrième numéro, s'est trouvée repoussée au cinquième. Ce mode de publication a été apprécié du public, pour la modicité de son prix, la convivialité d'une lecture familiale ou de quartier, les supputations sur les événements à venir, la nostalgie des actions situées dans le passé. Selon Robert Patten, « elle collait au rythme de la vie, s'insérait dans l'ordonnance des semaines ou des mois, apportait ordre et régularité dans un monde soumis à de rapides mutations ». Par ce médium, ajoute-t-il, Dickens a démocratisé la littérature


Les romans de Dickens ressortissent presque tous à la version victorienne du Bildungsroman, roman d'apprentissage, appelé aussi « roman de formation » ou « roman d'éducation »N 9,. Un protagoniste est en effet considéré de l'enfance à la maturité, avec une frustration initiale qui l'écarte de son environnement familial, engagé dans une longue et difficile maturation ponctuée de conflits répétés entre son désir et l'ordre établi, enfin réalisant l'adéquation entre l'un et l'autre qui lui permet de réintégrer la société sur de nouvelles bases; Ce passage de l'innocence à l'expérience a des variantes, par exemple, et c'est peut-être la plus caractéristique, celle de Les Papiers posthumes du Pickwick Club où le héros, homme d'expérience au regard de la société, adulé par son groupe d'amis, considéré comme un sage, un philosophe, un prophète, se lance sur les routes et au bout du chemin, s'aperçoit, surtout grâce à son passage en prison pour un quiproquo, qu'il ne sait rien, qu'il a tout à apprendre, et qui gagne, par son sacrifice, son abnégation, l'expérience du cœur, une saine connaissance des hommes et cette sagesse dont il se croyait naguère nanti.
Ce genre est issu du modèle picaresque, dont le prototype est Don Quichotte, héros pseudo-héroïque assorti d'un valet pétri de bon sens, que Cervantes a le premier confié au voyage. Dickens l'a admiré, de même que Lesage et son Gil Blas de Santillane ou son Diable boiteux, dans lequel Asmodée soulève le toit des maisons pour observer ce qui s'y passe, métaphore de la démarche du narrateur à la troisième personne.

Au-delà de Cervantès et de Lesage, Dickens s'est laissé guider par les modèles anglais du XVIIIe siècle, découverts dans sa prime jeunesse et objets permanents de sa vénération. Parmi eux ont surtout compté Defoe, Sterne, Smollett, Fielding, enfin Goldsmilth dont la veine sentimentale l'a inspiré pour prôner l'idéal de l'homme bon (Oliver Twist, Nicholas Nickleby, etc.), et aussi l'excentricité naïve de personnages comme Mr Pickwick et Mr Micawber, Mr Jarndyce ou Mr Meagles.
Dès le début de David Copperfield, le narrateur en dresse la liste et ajoute : « Ils ont nourri mon imagination et mon espoir de quelque chose au-delà de ce lieu de de ce temps j'ai été l'enfant Tom Jones une semaine durant, j'ai enduré la vie de Roderick Random pendant un mois de suite Tel fut mon seul et mon constant réconfort ». Autre influence, note Monika Fludernik, celle, souvent négligée, de William Godwin, dont le Caleb Williams a certainement servi de modèle pour la critique sociale et de source, parmi d'autres, pour ses métaphores carcérales, encore que ce soit surtout la prison pour dettes, connue par procuration, qu'il ait décrite.


William Hogarth, par lui-même.

Le mode satirique adopté par Dickens est lui aussi issu du siècle précédent. Comme ses modèles, Dickens sait repérer les travers, les faiblesses et les vanités humaines ; cependant, note Monika Fludernik, son approche est moins « au vitriol » que celle de ses prédécesseurs : ainsi Casby, escroc puni en fin de parcours, reste un homme dont le texte mentionne les souffrances, alors que le vicaire de Peregrine Pickle, qui lui ressemble beaucoup, reçoit un châtiment sans pitié relevant de la pure farce.
Il en est de même avec la critique des inepties bureaucratiques : alors que Fielding et Godwin s'acharnent sur les juges et les jurés, Dickens s'en prend à l'institution, le tribunal de la chancellerie, le ministère des circonlocutions. Sont également partagés avec le XVIIIe siècle ses portraits de femmes qui, selon Monika Fludenik, doivent quelques traits, en deçà des rencontres personnelles, à la Sophia et l'Amelia de Fielding, de même qu'à l'Emilia de Smollett (Peregrine Pickle), quoique l'idéalisation victorienne à la Coventry Patmore, l'influence des contes de fée et du mélodrame de scène ait contribué à en modeler les contours.
L'œuvre du peintre William Hogarth a aussi, dès ses débuts, beaucoup inspiré Dickens, en premier lieu, note Malcom Andrews, d'un point de vue formel. En effet, ses séries de gravures, comme A Harlot's Progress (La carrière d'une prostituée), Marriage à-la-mode, relevant d'un ensemble cohérent et structuré, lui ont servi de modèle pour le récit séquentiel, par exemple dans Meditations on Monmouth Street, où différentes vignettes très visuelles défilent devant le narrateur Boz, technique également employée dans Oliver Twist, avec sa pléthore de pièces exiguës, basses de plafond et en clair-obscur. Au-delà de cet aspect structurel, les scènes de la vie quotidienne, telles que les a caricaturées Hogarth, se retrouvent, souvent sans grande modification, en mots simplement transportés au siècle suivant.


Sous-genres

Même dans les trois romans d'initiation où intervient le « je », David Copperfield, partiellement La Maison d'Âpre-Vent, et Les Grandes Espérances, les œuvres de Dickens relèvent aussi, comme le notent Paul Davis et Philip V. Allingham, de plusieurs sous-genres pratiqués à son époque.
Si Dickens a voulu prendre ses distances avec ce que Thackeray a appelé « l'École du roman de Newgate », il s'y est néanmoins essayé dans l'épisode central d'Oliver Twist et dans certains autres de ses romans qui présentent la composante criminelle et policière retrouvée chez plusieurs de ses amis, Wilkie Collins, et Ainsworth en particulier.
Les Grandes Espérances, par exemple, regorge de pontons-prisons, de forçats, d'escrocs, de meurtriers, de caïds gérant les affaires du crime, et s'y déroulent des épisodes d'une violence sanglante. Tout au long du roman, demeurent aussi l'énigme de l'excentrique Miss Havisham, que seule la conclusion dénoue, et le suspens entourant le forçat Magwitch, dont le retour de la déportation australienne appelle la potence, réconciliant de ce fait le héros avec lui-même et scellant la fin de ses grandes espérances, puisque les biens incriminés étant confisqués par la Couronne, « d'espérances il n'y a plus ».
Cet aspect de son œuvre est indissociable des relents, auxquels, écrit Robert Mighall, il sacrifie dès ses débuts, de la tradition gothique née au xviii siècle
avec Walpole et son Château d'Otrante (1754), poursuivie, entre autres, par Mrs Radcliffe dans Les Mystères d'Udolphe (1794), et que Walter Scott exploite avec La Fiancée de Lammermoor en 1819. Ainsi, dans Les Papiers posthumes du Pickwick Club, la récurrence des fantômes, des incidents terrifiants ou simplement grotesques, surtout dans les récits intercalés, témoigne du désir de l'auteur « d'envoyer des frissons dans le dos à ses lecteurs et de les faire en même temps se tordre de rire ».
Nombre d'autres romans présentant les mêmes caractéristiques, par exemple Le Magasin d'antiquités, « paradigme du roman d'horreur » selon Victor Sage, où sévit le nain Quilp, gargouille malfaisante et « méchant gothique par excellence », et au cours duquel la petite Nell est lancée avec un grand-père malade sur des routes inhospitalières « hantées de persécution et menant droit au trépas ».
Encore faut-il remarquer que Dickens se départit du modèle udolphien en lui faisant abandonner sa maison-forteresse pour gagner la campagne. De même, avec Barnaby Rudge, même si le gothique entoure Barnaby, le « fantôme », le « spectre », le « vagabond de la terre », il s'en démarque quelque peu puisque ce personnage, censé être central, occupe rarement le devant de la scène. De plus, dans ce roman, Dickens réprouve la bigoterie anti-catholique, ici poussée aux extrêmes du crime, alors qu'elle va de soi dans le monde gothique : sa sympathie va délibérément aux victimes de la furie protestante.
En réalité, explique Michael Hollington, Dickens a tenté une nouvelle approche du genre dans ses premiers écrits : en utiliser les conventions pour dénoncer les abus trouvés à sa porte.
Esquissée par Boz, poursuivie dans Oliver Twist, cette tendance culmine dans La Maison d'Âpre-Vent où les lenteurs de la loi sont rendues, plus que décrites, par la métaphore labyrinthique des ténèbres et du brouillard, où erre une société de fantômes et de vampires, qui s'effondre lors d'une Walpurgis Nacht de dégoulinante combustion spontanée.
En 1860, avec la Miss Havisham des Grandes Espérances, vieille-femme-jeune mariée figée dans le temps en son manoir délabré ironiquement nommé « Satis House », Dickens explore le thème de l'auto-incarcération, trait gothique lui aussi dévié, puisque l'enfermement n'est imposé par personne d'autre que la victime. Comme l'écrit Robert Mighall, Miss Havisham « se gothicise avec application, déployant un art consommé de la mise en scène et de l'effet », et, « posture frankensteinienne », elle façonne sa fille adoptive Estella en un monstre d'ingratitude.
Comble de l'ironie, c'est de cette poupée glacée que le héros, Pip, s'éprend à jamais, amour si constant malgré le mépris témoigné qu'il relève aussi de la veine sentimentale du siècle précédent.
Tous les romans de Dickens, même les plus sombres tels Le Conte de deux cités et Les Temps difficiles, comportent des aspects comiques, de situation comme de caractère. Le lecteur est appelé à rire sans méchanceté de la grandiloquence souveraine de Mr Micawber, avec mépris de l'auto-étouffement du langage officiel du ministère des circoncolutions non sans commisération de la prestation théâtrale de Mr Wopsle ou du mariage de Wemmick, toutes scènes organiquement essentielles à l'intrigue et au thème central.
La palme comique revient sans doute à la création de deux personnages extraordinaires dans Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Mr Jingle et Sam Weller.
Jingle est le champion du degré zéro de l'éloquence, sa syntaxe réduite à un empilement spartiate de mots cocasses mais redoutablement dramatiques, « langage télégraphique tintinnabulant comme son nom » : « éprouvé, à bout, petite boîte, bientôt, tas d'os, rapport police, fausses conclusions, tirer le rideau ». Quant à Sam Weller, outre son sens comique de la répartie, il pratique l'art du proverbe détourné, perverti ou forgé, d'où cet intarissable florilège d'aphorismes commentant chaque événement de façon incongrue mais essentielle. Ainsi, lors du décès de la seconde épouse de son père, une acariâtre évangéliste morte d'avoir trop bu, il trouve le mot de la fin en toute simplicité : « C'est fini et on y peut rien, et c'est une consolation, comme ils disent toujours en Turquie quand ils s'sont trompés de tête à couper ».
En gardant Les Grandes Espérances comme exemple, on trouve aussi le genre « roman à la cuillère d'argent » (Silver Fork Novel), florissant dans les années 1820 et 1830, descriptif d'une élégance clinquante et critique des frivolités de la haute société, classe pour laquelle Dickens n'a que mépris, mais qui fascine beaucoup de ses lecteurs. Ses romans peuvent se concevoir comme des « anti-romans à la cuillère d'argent » tant y est féroce la satire des prétentions et de la morale des riches et de leurs flagorneurs. Le titre même, Les Grandes Espérances, s'avère de ce fait ironique, puisque d'« espérances » en réalité, il n'y en a pas, les biens du forçat restant impurs et, de toute façon, confisqués à son retour par la Couronne.
À tous ces genres subalternes, Philip V. Allingham ajoute la catégorie du roman historique, Dickens ancrant ses récits avec un luxe de détails qui finissent par donner une idée des événements, des personnalités et de la manière de vivre de l'époque choisie. Ainsi, Les Grandes Espérances commence juste après les guerres napoléoniennes, se poursuit jusqu'aux années 1830-1835, puis saute à la décennie suivante de 1840 à 1845, et au fil de ces passages temporels, certaines indications topiques servent de points de repère : billets de banque, mode de locomotion, emplacement des potences, souverains mentionnés, etc..
Thématique
Tous les thèmes abordés par Dickens ont un rapport avec sa propre expérience, même dans les romans qui, a priori, en semblent éloignés, Le Conte de deux cités et Les Temps difficiles par exemple.
Sa thématique peut se décliner autour de trois axes principaux que John O. Jordan appelle les « fictions de l'enfance », les « fictions de la cité » et les « fictions du genre, de la famille et de l'idéologie domestique ». S'y ajoute un thème récurrent, particulièrement développé dans Les Grandes Espérances, celui que Thackeray a appelé dans son Le Livre des snobs, « donner de l'importance à des choses sans importance », ou encore « admirer petitement de petites choses ».
L'enfance


William Wordsworth.

Il est de tradition que Dickens a importé depuis la poésie romantique, surtout celle de Wordsworth, le rôle de l'enfant innocent comme figure centrale du roman. Autrefois considéré comme un adulte incomplet et peu intéressant, l'enfant est devenu vers la fin du xviiie siècle un être humain qualitativement différent et exigeant un soin approprié à son bien-être et à la préservation de son innocence.
La « dure expérience de l'enfance » qu'a connue Dickens, selon l'expression de John Forster, ressentie comme la fin de son innocence et le facteur déterminant de sa maturité, l'a rendu très réceptif à la conception wordsworthienne de l'enfant proche du divin et prédéterminant l'adulte, sentiment encore exacerbé par la mort prématurée de Mary Scott Hogarth.
Plusieurs facteurs, écrit Robert Newsom, « obligent cependant à complexifier cette histoire ».
Les Victoriens, surtout les adeptes de la Basse Église, considéraient aussi l'enfant comme particulièrement vulnérable aux mauvaises tentations, en premier la désobéissance qui conduit à tous les péchés.
Si Dickens s'est toujours opposé à la sévérité de la religion, qu'il associe à l'Ancien Testament, il n'en imagine pas moins certains petits monstres de malhonnêteté ou de méchanceté, The Artful Dodger, du gang de Fagin, Tom Scott, attaché au nain Quilp ou encore Tom Gradgrind, à l'égoïsme vertigineux.
D'autre part, ajoute Robert Newsom, « les adorateurs d'enfants à la Wordsworth sont rares dans son œuvre, et ceux qui le sont s'avèrent bien peu efficaces », tel le grand-père de Nelly.
Quant aux mères affectueuses, elles meurent jeunes, comme celle de David Copperfield, ou elles ont disparu : ainsi, Oliver Twist se retrouve à l'hospice, tandis que le narrateur spécule ironiquement sur les douces femmes qui l'ont peut-être entouré à sa naissance.
En fait, les enfants des premiers romans sont victimes non seulement de négligence, mais aussi d'un sadisme parfois fort audacieux pour l'époque : Quilp propose à la petite Nell d'être sa « numéro 2 », c'est-à-dire sa femme quand sa « numéro 1 » sera morte, et il accompagne sa déclaration de force baisers sonores sur ses « parties roses », comme il les appelle, si bien que le lecteur se demande « s'il a envie de la manger ou de la violer », « ou peut-être les deux », et Wackford Squeers, tout comme Mr Creakle fouettent les petits garçons avec un appétit jubilatoire. Autre variante d'enfant maltraité, celle du puer senex : Nell est adulte avant l'heure mais par nécessité, tandis que Paul Dombey, « le petit Paul », s'entend dès le berceau décrit par tous comme « vieux-jeu », ce qui l'inquiète, croyant que cela signifie « maigre », « facilement fatigué ». Jeté dans un moule de conformisme, poussé comme une graine en serre, il se meurt sans comprendre d'être vieux à neuf ans : il y a là l'esquisse d'une conscience limitée, écrit Robert Newsom, technique que déploie Dickens assez souvent, comme avec Joe le Balayeur, pour intensifier le pathos de la situation.
Vers le milieu de sa carrière, Dickens présente des récits à la première personne en prise directe avec son enfance. 1848 est une période de deuil pour lui et la veine personnelle l'a saisi, ses Fragments autobiographiques voisinant avec David Copperfield.
De plus, ce genre est à la mode depuis la publication de Jane Eyre en 1847 et l'immense notoriété qu'il confère bientôt à son auteur. Sans doute Dickens n'entend-il pas se laisser supplanter dans la faveur publique, d'autant qu'avec La Foire aux vanités, Thackeray occupe lui aussi la une des journaux littéraires. Robert Newsom résume ainsi la situation : « Si Jane Eyre doit beaucoup à Oliver Twist, David Copperfield, Esther Summerson et Pip lui doivent tout autant ».
La conscience de l'enfant se donne alors à lire directement, encore que, problème inhérent à toute écriture autobiographique, sa reconstitution a posteriori par une mémoire adulte accentue, par effet de loupe et aussi de style, les réactions affectives, la colère, l'angoisse, la désespérance.
Il y a là une subtile mystification narrative : les bouffées de reviviscence, dont le flux reste maîtrisé avec art, sont transcrites comme renaissant au présent, mais sans que l'adulte ne s'efface tout à fait.
Au début des Grandes Espérances s'enroulent ainsi la perspective enfantine et la rétrospection adulte, lorsque Pip raconte comment il en est venu à se nommer et quelle idée il s'est faite de ses parents d'après les lettres gravées sur leur tombe. Robert Newsome écrit qu'ici, Dickens présente une enfance « désormais éloignée des glorieuses nuées divines de Wordsworth, éclose dans un monde déchu », marqué, comme le dit le héros au chapitre 32, de la « souillure de la prison et du crime », enfance privée d'enfance, l'innocence lui ayant été refusée.
Dernier avatar, les adutes-enfants, hommes ou femmes refusant de grandir, par exemple Harold Skimpole, inspiré par l'écrivain Leigh Hunt, Flora Finching, Dora, cette fleur que David Copperfield a prise comme première épouse. Dickens ne les ménage pas s'ils allient l'irresponsabilité à la méchanceté, mais sait être indulgent envers ceux qui témoignent d'une bienveillance à tout crin : Mr Pickwick, les frères Cheeryble, Mr Micawber, tous irrésistiblement comiques et dont « la fraîcheur, la gentillesse, l'aptitude à être satisfaits », comme il est dit au chapitre 2 de David Copperfield, s'avèrent en définitive utiles, voire indispensables à la communauté.

La cité

Avant que Dickens n'écrive sur Londres, d'abord dans les Esquisses de Boz et Les Papiers posthumes du Pickwick Club, la cité n'avait figuré dans la fiction que comme décor occasionnel pour une intrigue domestique : avec lui, elle devient l'un des protagonistes de l'œuvre et l'un des moteurs de son succès.
Toute sa vie, Dickens a capitalisé sur l'expérience acquise alors que, jeune reporter, il sillonnait les rues, habitude d'ailleurs poursuivie toute sa vie. Il en ressent une joie poussée jusqu'à l'exubérance, et même lorsqu'il se trouve à l'étranger, Londres n'est jamais loin de ses pensées.
Ainsi, ses récits promènent sans répit le lecteur dans la capitale, avec ses flèches de clochers striant l'horizon, le dôme de St. Paul's dressant sa masse : ordre, chaos, le panoramique se juxtapose au personnel, deux perspectives se télescopant sans cesse, comme dans l'épisode Todgers de Martin Chuzzlewit.
Les bruits de la ville résonnent en contrepoint, « chœur symphonique de la ville », selon Murray Baunmgarten : grincement des trains, sifflets des gares, cris des vendeurs de journaux ou des colporteurs, parfois en un rendu onomatopéique comme dans Dombey et Fils.
Telle la puissante Tamise qui l'irrigue, Londres est en effet parcourue d'un mouvement permanent
, flux de la foule mais aussi mutations la rendant, pour ses habitants, les personnages, le narrateur et le lecteur, difficile à appréhender, tantôt marché, labyrinthe, prison, tantôt agent de régénération.
Les historiens notent l'exactitude de ce rendu : ainsi, alors que, dans les années 1850, les chantiers de rénovation ouvrent de nouveaux jardins et squares publics, l'aller et retour quotidien de Wemmick depuis son château miniature jusqu'à la Cité de Londres s'effectue au milieu de troupes d'acteurs et de musiciens ambulants ayant quitté les ruelles pour occuper ces espaces libérés dans un perpétuel va-et-vient. Dans cette dramaturgie, écrit Murray Baumgarten, Dickens insuffle à la cité, « lanterne magiqueN 10, ballad opera et mélodrame du XIXe siècle », la vitalité d'un Hogarth, avec des instantanés en action, autant d'effets de réel comme jaillis d'un diorama tri-dimentionnel.
« Dickens a été le démiurge d'une capitale en mouvement, ajoute Philippe Lanson, Son imaginaire détermine à ce point la capitale que la peinture, la sculpture, la scène, la photographie naissante, tout semble illustrer ses romans.
Ils prennent Londres non pas pour cadre, mais comme entité vivante, intime, multicellulaire ».
Et Alain de renchérir : « Partout où Dickens évoque un personnage, il fonde pour toujours une cellule de Londres qui ne cesse de se multiplier à mesure qu’on découvre des habitants ; l'impression de nature est alors si forte qu’on ne peut refuser ces êtres ; il faut les suivre, ce qui est mieux que les pardonner. L'atmosphère Dickens, qui ne ressemble à aucune autre, vient de cette sécrétion de l'habitation par l'habitant ».
L'idéologie domestique
Si Dickens a été reconnu de son vivant comme le prophète du foyer, ceux qu'il décrit ne connaissent en général ni l'harmonie ni le bonheur : dans son œuvre George Newlin compte 149 orphelins, 82 enfants sans père, 87 sans mère. Seuls, quinze personnages ont eu ou ont encore leurs deux parents, et la moitié de ces familles, écrit-il, « serait aujourd'hui considérée comme dysfonctionnelle ».
Pour explorer les tensions sociales, économiques et politiques de son temps, son énergie créatrice s'est donc employée à dépeindre des familles grotesques et fracturées.
Pourtant, lorsqu'il lance Household Words et écrit à Forster que sa revue sera empreinte d'« une philosophie de Noël,une veine de générosité chaleureuse, rayonnante de joie dans tout ce qui relève du chez-soi et de l'âtre », il reprend une antienne déjà connue : depuis Un chant de Noël en 1843, que relaie chaque décembre un nouveau conte dédié, il incarne cet esprit aux yeux de tous, ce que notent les commentateurs, Margaret Oliphant par exemple, ironisant sur « l'immense pouvoir spirituel de la dinde » traditionnelle, ou J. W. T. Ley qui le nomme « L'Apôtre de Noël ». Aussi une partie de sa fiction a-t-elle contribué à façonner l'idéologie domestique de son époque, la famille, jusqu'alors héritage d'une lignée, devenant un sanctuaire jugé adéquat pour chacun de ses membres.
Dans cette idéalisation du foyer, la femme assure l'harmonie de la sphère privée : ainsi la petite Nell, Agnes Wickfield, Esther Summerson, la petite Dorrit et, après quelques hésitations, Bella Wilfer. Catherine Waters note que deux de ces jeunes femmes portent le sobriquet « petite » et qu'en effet, la petitesse prévaut dans cette représentation de l'idéal domestique : celle, rassurante, des personnes (Mrs Chirrup, Dot Peerybingle), à quoi correspond l'étroitesse chaleureuse des lieux (le bateau des Peggotty, le château miniature de Wemmick), alors que les grandes bâtisses et les manoirs, où se mêlent public et privé, n'abritent plus que des hôtes aliénés ou sans cœur (Chesney Wold, Satis House, la maison de Mr Dombey).
Outre ces purs « anges du foyer », Dickens met en scène des personnages féminins plus ambigus, à la fois confirmation et critique de l'idéologie domestique dominante : ainsi l'aristocratique Lady Dedlock, dont l'apparence glaciale se conforme aux attributs de sa classe, mais que l'intimité dévoile peu à peu en proie à de sourdes passions. Le narrateur omniscient se garde de l'effraction, ne l'appelant que my Lady et, prudemment à l'extérieur, laisse l'histoire révéler d'elle-même une transgression cachée et son douloureux résultat, la perte d'un enfant. La hautaine dame, au fond, n'est qu'une « femme perdue » socialement intégrée, alors que Rosa Dartle, elle, à jamais blessée par la trahison de Steerforth, refuse toute compromission et nie farouchement sa prétendue spécificité féminine.
De plus, après 1858, et nombre de critiques y voient l'influence d'Ellen Ternan, les héroïnes de Dickens s'affirment plus volontaires, plus promptes à exprimer leurs désirs, sans compter des personnages mineurs apparaissant dans des nouvelles ou des pièces de théâtre, « femmes coquettes et capricieuses, intéressées, certes, mais aussi des femmes complètes, vivantes, authentiques… et féminines ».
Dans Les Temps difficiles, Dickens aborde la question du divorce, tissée dans la texture narrative à travers les personnages de Louisa Gradgrind et de Stephen Blackpool.
Outre le fait qu'il y est personnellement confronté, il fait écho au projet de loi de 1854, A Divorce and Matrimonial Causes Bill, que relaient deux essais parus dans Household Words. Si tous les mariages de Coketown sont désastreux, le paradigme de l'échec reste celui de Blackpool qui ne peut engager une procédure de divorce à cause du prix prohibitif, des complications légales, de l'ostracisme moral.
Ainsi, par ses descriptions répétées d'orphelins, vieilles filles célibataires, mères monstrueuses, familles disloquées, Dickens expose l'instabilité de l'idéal domestique qu'il cherche pourtant à affirmer. Certes, écrit Natalie McNight, il s'est appuyé sur les stéréotypes de son temps, mais il en révèle aussi les tensions et les contradictions, et sa fiction les transcende par sa richesse imaginative.


Le snobisme

D'où vient l'argent chez Dickens ? Il est issu du travail, explique Henri Suhamy, mais n'est acceptable que s'il s'agit du travail d'autrui.
Miss Havisham tire ses revenus de la location de ses biens, argent pur que ne souille pas le dur labeur. Aussi, parce qu'elle est riche, la vieille dame, malgré son excentricité, jouit-elle de l'estime générale et, bien qu'exclue de la vie, elle ne l'est pas de la société, image même d'une aristocratie terrienne demeurée puissante quoique figée dans le passé. En revanche, l'argent venu de Magwitch est frappé d'interdit social car d'un forçat, gagné sur une terre criminelle et à la force des bras. De quels atouts doit-on disposer pour accéder à la « distinction » ? Un titre, ou à défaut, des liens familiaux avec la classe moyenne supérieure : ainsi, Mrs Pocket fonde son aspiration de tous les instants sur le fait que son grand-père a « failli » être anobli, et Pip entretient l'espoir que Miss Havisham finira par l'adopter, car l'adoption, comme en témoigne Estella qui se conduit en petite dame née, est tout à fait acceptable.
L'argent et l'éducation, indifféremment de tout apprentissage professionnel, sont plus importants mais non suffisants. À ce compte, c'est l'odieux Bentley Drummle qui incarne l'idéal social, ce qui explique pourquoi Estella l'épouse sans sourciller.
Or l'argent est corrupteur : son attrait prévaut sur tout, la loyauté, la gratitude, la conscience même, et l'idée de gentleman, selon John Hillis-Miller, « fait banqueroute ».
Ce rejet, amorcé par Dickens dans La Petite Dorrit et confirmé dans Les Grandes Espérances, n'est pas forcément partagé par les contemporains : pour Thackeray, l'idée du « gentleman » doit être réévaluée mais reste un concept indispensable, et pour Trollope, l'éthique ne saurait être spontanée qu'« avec ces qualités défiant l'analyse que montrent l'homme et la dame de distinction ». Enfin, richesse et distinction n'apportent pas le bonheur, « un monde que dominent l'appât de l'argent et les préjugés sociaux conduisant à la mutilation de l'être, aux discordes de famille, à la guerre entre homme et femme ».


Le réalisme à la Dickens

« Une rue de Londres décrite par Dickens est bien comme une rue de Londres, mais est encore plus comme une rue chez Dickens, car Dickens utilisé le monde réel pour créer son propre monde, pour ajouter une contrée à la géographie de l'imagination ».
Ainsi Lord David Cecil résume-t-il le réalisme dickensien, ce qui implique que le réalisme à l'état pur n'existe pas et que l'intention finit par s'effacer devant l'énergie de la vision.


Un univers poétique


Tel est le point de vue traditionnel, issu de Chesterton, puis de Humphry House, qui voit dans l'œuvre de Dickens, outre sa satire sociale et morale, ou ses interrogations sur ce qu'est la civilisation, dans la lèpre des choses comme dans la corruption des cœurs, et surtout parce que gens, lieux et objets prennent valeur de signes, de symboles, les personnages se mouvant comme des emblèmes et les paysages s'entourant d'un halo de signification.
Même, par exemple dans Les Grandes Espérances, lorsqu'il décrit les ruelles sombres et entortillées comme la fumée qui en souille les murs, explique Henri Suhamy, Dickens ne fait pas naître la laideur : sous sa plume, le laid devient cocasse, le tohu-bohu foisonnement de vie, et le marais plat avec sa potence et ses tombes, le fleuve noir comme le Styx, la mer inaccessible, ses carcasses et ses épaves, la ville labyrinthique, tout cela représente, plus qu'il ne les évoque, la mort, le désert de la vie, l'éternité, mais aussi l'espérance et la foi en l'avenir.
Alors, le monde apparaît comme un autre atlas où les mouvements des astres, des flots, des lumières, la nuit, le brouillard, la pluie ou la tempête isolent les demeures, perdent les itinéraires, traquent les êtres, les attendent comme le destin. Dans cet univers, les hommes se rencontrent mais ne s'unissent pas, se touchent pour se repousser, se joignent pour se combattre ; univers en soi où êtres et choses trouvent une place qui n'est pas celle qui leur serait assignée dans la réalité, avec ses lois propres, sans hérédité par exemple, ni grande influence du milieu, avec des marées erratiques et des probabilités bafouant la mathématique.
Alors, l'étrange devient le normal et le fantastique simplement l'inhabituel : c'est-là un univers poétique.
Aussi, comme l'écrit Virginia Woolf dès 1925, « L'extraordinaire puissance de Dickens a un effet étrange.
Elle fait de nous des créateurs, pas seulement des lecteurs et des spectateurs ».
La critique contemporaine n'en dit pas moins : selon Nathalie Jaëck, les romans de Dickens sont volontairement duplices, avec, au cœur de cette écriture créant le réalisme à l'anglaise, une subversion intrinsèque, un désir d'introduire, au sein du système de représentation qu'elle construit, une mise en échec, une alternative formelle : « situé au moment crucial où le réalisme se voit confronté à ses limites, et où le modernisme ne s'est pas encore érigé en système, le texte dickensien s'installe dans cet espace de transition : il construit très méthodiquement une machine littéraire réaliste efficace, en même temps qu'il expérimente les moyens formels de gripper le bel ouvrage ».
Une langue protéiforme
D'après Patricia Ingham, « la maîtrise de la langue dont fait preuve Dickens, unique par son invention et sa densité , en fait le James Joyce de l'Époque victorienne. Déployant toutes les ressources linguistiques possibles, depuis la création de vocables jusqu'à l'allusion littéraire, choix rarement sans modèles littéraires plus anciens qu'il développe souvent au-delà de toute reconnaissance ».


Romans

Les Papiers posthumes du Pickwick Club (The Posthumous Papers of the Pickwick Club), publication mensuelle d'avril 1836 à novembre 1837 (*).
Oliver Twist (The Adventures of Oliver Twist), publication mensuelle dans Bentley's Miscellany de février 1837 à avril 1839 (*)
Nicholas Nickleby (The Life and Adventures of Nicholas Nickleby, publication mensuelle d'avril 1838 à octobre 1839 (*)
Le Magasin d'antiquités (The Old Curiosity Shop), publication hebdomadaire dans Master Humphrey's Clock d'avril 1840 à février 1841 (*).
Barnaby Rudge (Barnaby Rudge: A Tale of the Riots of 'Eighty), publication mensuelle du 13 février 1841 au 27 novembre 1841 (*).
Livres sur le thème de Noël :
Martin Chuzzlewit (The Life and Adventures of Martin Chuzzlewit), publication mensuelle de janvier 1843 à juillet 1844 (*).
Un chant de Noël (A Christmas Carol) (1843) (*).
Les Carillons (The Chimes) (1844) (*).
Le Grillon du foyer (The Cricket on the Hearth) (1845) (*).
La Bataille de la vie (The Battle of Life) (1846) (*).
L'Homme hanté ou le Pacte du fantôme (The Haunted Man or the Ghost's Bargain) (1848) (*).
Dombey et Fils (Dombey and Son), publication mensuelle de mai 1849 à novembre 1850 (*).
David Copperfield (The Personal History, Adventures, Experience and Observation of David Copperfield the Younger of Blunderstone Rookery (Which He Never Meant to Publish on Any Account)), publication mensuelle de 1849 à 1850 (*).
La Maison d'Âpre-Vent (Bleak House), publication mensuelle de mars 1852 à septembre 1853 (*).
Les Temps difficiles (Hard Times), publication hebdomadaire dans Household Words, d'avril à août 1854 (*).
La Petite Dorrit (Little Dorrit), publication mensuelle de décembre 1855 à juin 1857 (*).
Le Conte de deux cités (A Tale of Two Cities), publication hebdomadaire dans All the Year Round d'avril 1859 à novembre 1859 (*).
Message venu de la mer (A Message from the Sea) (1860).
Les Grandes Espérances (Great Expectations), publication hebdomadaire dans All the Year Round de décembre 1860 à août 1861 (*).
L'Ami commun (Our Mutual Friend), publication mensuelle de mai 1864 à novembre 1865) (*).
Le Mystère d'Edwin Drood (The Mystery of Edwin Drood), publication mensuelle d'avril 1870 à septembre 1870. Le roman est resté inachevé, six seulement des douze numéros prévus ayant été terminés avant la mort de Dickens (*).
Recueils divers
Pour une liste complète des œuvres dites « courtes » écrites par Dickens, voir A Comprehensive List of Dickens's Short Fiction, 1833-1868. Consulté le 23 janvier 2013.
Esquisses sur Londres
Esquisses de Boz (Sketches by Boz, Illustrative of Every-day Life and Every-day People) (Sketches by Boz) (*) publié dans Bentley's Miscellany (1836)N 11,406.
Nouvelles indépendantes
The Mudfrog Papers publié dans Bentley's Miscellany (1837-1838).
La Vie d'un Clown, Mémoires de Grimaldi (Memoirs of Joseph Grimadi) (1838).
The Haunted Man (1858).
Reprinted Pieces (1858) (*).
Le Pauvre voyageur (The Uncommercial Traveller) (1860-1869) (*).
Nouvelles publiées dans L'Horloge de Maître Humphrey (Master Humphrey's Clock)
Aveux trouvés dans une prison à l'époque de Charles II
Nouvelles sur le thème de Noël publiées dans Paroles familiales (Household Words), hebdomadaire où Charles Dickens était directeur et rédacteur en chef à partir de 1850
L'Arbre de Noël (The Christmas Tree) (1850).
Noël quand nous vieillissons (What Christmas Is, as We Grow Older) (1851).
A Round of Stories by the Christmas Fire (1852).
Le Conte du parent pauvre (The Poor Relation's Story) (1852)
Another Round of Stories by the Christmas Fire (1853).
Le Conte de l'Écolier (The Schoolboy's Story) (1853)
Les Sept pauvres voyageurs (The Seven Poor Travellers) (1854).
(L'Auberge de)la Branche de houx (The Holly-Tree Inn) (1855).
Le Naufrage du «Golden Mary» (The Wreck of the Golden Mar) (1856).
Dangers courus par certains prisonniers anglais (The Perils of Certain English Prisoners) (1857).
Maison à louer (A House to Let) (1858).
Nouvelles sur le thème de Noël publiées dans Tout le Long de l'Année (All the Year Round), nouveau titre pour Paroles familiales à partir de 1859 au moment ou Charles Dickens se sépara de sa femme
La Maison hantée (The Haunted House) (1859).
Message venu de la mer (A Message from the Sea) (1860).
La Terre de Tom Tiddler (Tom Tiddler's Ground) (1861).
Les Bagages d'Un Tel (Somebody's Luggage) (1862).
La Pension Lirriper (Mrs Lirriper's Lodgings) (1863).
L'Héritage de Mme Lirriper (Mrs Lirriper's Legacy) (1864).
Le Docteur Marigold (Doctor Marigold's Prescriptions) (1865). C'est une série de contes écrits pour distraire une petite fille sourde et muette. On y trouve:
Un procès criminel
L'Embranchement de Mugby (Mugby Junction) (1866). C'est une série de contes écrits pour distraire une jeune femme malade. On y trouve:
Le SignaleurN 12,407.
L'Impasse (No Thoroughfare) (1867), écrit en collaboration avec Wilkie Collins
Autres œuvres : critique, poésie, théâtre
(Certaines de ces œuvres ont été écrites en collaboration, en particulier avec Wilkie Collins et, mais dans une moindre mesure, Elizabeth Gaskell).
The Village Coquettes (théâtre, 1836).
The Fine Old English Gentleman (poésie, 1841).
Memoirs of Joseph Grimaldi (1838).
Notes américaines (American Notes: For General Circulation) (1842) (*).
Pictures from Italy (1846) (*).
The Life of Our Lord: As written for his children (1849).
A Child's History of England (1853).
Les Abîmes glacés (The Frozen Deep) (théâtre, 1857).
L'Abîme (No Thoroughfare) (1867)N 13.
Correspondance
Plus de 14 000 lettres de Dickens à 2 500 correspondants connus, 450 formant The Selected Letters of Charles Dickens, British Academy Pilgrim Edition, Jenny Hartley, éd., Oxford, Oxford University Press, 2012.
Dickens sur scène, à l'écran et en littérature

Adaptations célèbres

Parmi les productions les plus remarquées, figurent trois adaptations de Un chant de Noël :
A Christmas Carol, d'Edwin L. Marin avec Reginald Owen en 1838,
Scrooge (Fantômes en fête), de Richard Donner avec Bill Murray et Karen Allen en 1988
A Christmas Carol (Le Drôle de Noël de Scrooge), de Robert Zemeckis avec Jim Carrey et Gary Oldman en 2008.
Oliver Twist a inspiré en particulier :
Oliver Twist, de David Lean avec Alec Guinness et John Howard Davies en 1948,
Oliver!, comédie musicale de Carol Reed avec Mark Lester et Oliver Reed en 1968,
Oliver Twist, de Roman Polanski avec Ben Kingsley et Barney Clark en 2005.
Quant à David Copperfield, il a été adapté dans David Copperfield, de George Cukor avec W. C. Fields et Lionel Barrymore en 1935, David Copperfield, de Simon Curtis avec Bob Hoskins et Maggie Smith en 1999.
La Petite Dorrit s'est vue portée à l'écran dans Little Dorrit, de Christine Edzard avec Derek Jacobi en 1988, et Les Grandes Espérances a, entre autres, notablement conduit à Great Expectations, d'Alfonso Cuarón avec Robert De Niro et Anne Bancroft en 1998.
Le mystère de Le Mystère d'Edwin Drood
Le Mystère d'Edwin Drood a, du fait que le roman est inachevé, reçu un traitement privilégié car, les mardi et mercredi 11 et 12 janvier 2012, BBC2 a retransmis une version en deux parties inédite et achevée de l'histoire. Le scénario original est de Gwyneth Hughes, auteur de la série anglaise Five Days, nominée aux Golden Globes. La scénariste a souhaité garder le secret quant au dénouement qu’elle a choisi de mettre en scène.
Le second épisode a réservé quelques surprises : Jasper (Matthew Rhys) s'évertue à monter un mauvais coup contre Neville et, bien qu'il n'y ait ni cadavre ni autre évocation du meurtre que celles, en flashback, des fantasmes de Jasper, la ville entière est convaincue que Drood a bel et bien été assassiné.
Mais le jeune homme réapparaît calmement quelque dix minutes avant la fin et explique qu'il a fait une brève excursion en Égypte : ainsi, Jasper n'a pas tué et tout n'était donc que rêve et fantasme…
Et pourtant si, Jasper a tué, pas Edwin cependant, mais son père, le vieux Drood ; et se démêle un écheveau qu'on eût cru moins compliqué : en réalité, le père de Drood est aussi celui de Jasper… et de Neville, si bien que Jasper et Edwin ne sont pas oncle et neveu, mais frères, et que Neville s'ajoute lui aussi à la fratrie. À contre-courant de l'histoire, semble-t-il, puisqu'il a passé ses derniers jours à comploter contre elle, la famille Drood célèbre dans la scène finale la mémoire de l'oncle/père décédé.

Dickens en personnage de roman

Du coup, Dickens est devenu le protagoniste d'un roman, Drood de Dan Simmons, paru en France en 2011.
Dans une chronique du Monde des livres, Hubert Prolongeau explore la fascination de l'auteur américain pour le roman inachevé de Dickens et explique qu'au leu de résoudre le mystère insoluble de sa fin, il a préféré en chercher la clef dans sa genèse. Partant de l'accident ferroviaire de 1855 à Staplehurst, il a imaginé que l'écrivain y a croisé un personnage étrange, nez et doigts coupés, nommé Drood. « Qui est ce Drood, qui va l'obséder au point qu'il consacre désormais toute son énergie à tenter de le retrouver, jouant dans cette quête à la fois sa santé et son salut ? ». Il y a plus cependant, en faisant de Wilkie Collins son narrateur, Simmons sonde aussi son propre mystère : que ce « ce tout petit maître du roman victorien, soit le véritable héros du livre n'est-il dû qu'au hasard ?
En le peignant à la fois admiratif et jaloux de Dickens, son génial collègue, pris entre l'envie et l'amitié, Salieri de ce Mozart des mots, Simmons révèle sans doute quelques-uns de ses doutes face à la création littéraire. On retrouve dans Drood son besoin d'associer en permanence à ses écrits ceux des grands maîtres du passé, leur rendant hommage et affirmant la nécessité d'une filiation »

Comme William Shakespeare, Charles Dickens fait l'objet de centaines, voire de milliers de publications annuelles. Chaque ouvrage spécialisé propose sa bibliographie dans laquelle reviennent certains titres qui, ayant en leur majorité servi à la mise au point de cet article, sont retenus ci-dessous.
Traductions en français


Du vivant de Charles Dickens, beaucoup de ses œuvres ont été, avec son accord et souvent une préface rédigée par ses soins, traduites en français.
Après sa mort, les traductions se sont succédé jusqu'à la fin du XIXe siècle.


Films
h

Attacher un fichier:



jpg  67235-a-tale-of-two-cities-charles-dickens-over-200-million.jpg (199.74 KB)
3_51b456cd545ed.jpg 950X1262 px

jpg  imgOliver Twist2.jpg (127.13 KB)
3_51b4573ba55e1.jpg 601X1006 px

jpg  Charles-Dickens-9274087-1-402.jpg (77.84 KB)
3_51b45755e120a.jpg 402X402 px

jpg  799780670917679_fcovr.jpg (52.66 KB)
3_51b4577215ac6.jpg 600X600 px

jpg  558154_10151270724810547_964346108_n.jpg (58.14 KB)
3_51b4577f3b1da.jpg 403X400 px

jpg  9782743624231.jpg (45.63 KB)
3_51b4578a1cf64.jpg 400X615 px

jpg  scrooge.jpg (24.02 KB)
3_51b4579649fcb.jpg 216X300 px

jpg  Satis-House-Great-Expectations-Ch-Dickens.jpg (43.63 KB)
3_51b457a12dc91.jpg 546X363 px

jpg  dickenscharlesgravure.jpg (41.21 KB)
3_51b457ae2554e.jpg 494X351 px

jpg  CD.jpg (33.80 KB)
3_51b457cb9e153.jpg 500X391 px

jpg  $(KGrHqQOKosE6e)dl0OrBPh)l(5cMQ~~60_1.jpg (30.85 KB)
3_51b457de2e8a2.jpg 300X400 px

Posté le : 09/06/2013 12:24
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Emile Littré
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 2 Juin 1881 décède Emile Littré
,

créateur du dictionnaire de la langue française référence fameuse du savoir.

Émile Littré
Philosophe et lexicographe français (Paris 1801-Paris 1881).
Issu d'un milieu petit-bourgeois, Littré se distingue très tôt par sa passion pour l'étude. Comme l'écrit Alain Rey, dès l'enfance, la vie de Littré est déjà définie : une lutte contre la peur par l'activité innocente du cerveau.
L'angoisse semble en effet, si l'on en croit les quelques révélations laissées par Littré, avoir été la motivation principale de sa colossale entreprise intellectuelle.
C'est vers la médecine qu'il s'orienta d'abord mais, au terme de brillantes études, il renonça à passer son doctorat.
La mort de son père, qui le laissa chargé de famille, interdit à cet homme scrupuleux d'engager les dépenses nécessaires à l'ouverture d'un cabinet.
Au cours de sa vie, il sera toutefois membre fondateur de deux revues médicales et il traduira les œuvres complètes d'Hippocrate (1839-1861).
Tout acquis à l'idéal républicain, il participa aux journées de 1830.
En 1831, il entra à la rédaction du National, auquel il devait collaborer pendant plus de vingt ans.
Le linguiste

Membre de l'Académie des inscriptions (1838), il fut nommé en 1844 à la commission chargée de continuer l'Histoire littéraire de la France.
C'est alors qu'il commença ses recherches sur l'origine et l'évolution de la langue française. Sa rencontre, la même année, avec Auguste Comte fut également déterminante.
Il devint un fervent adepte du positivisme, dont il sera en France le véritable initiateur (Conservation, révolution et positivisme, 1852 ; Auguste Comte et la Philosophie positive, 1863). En 1867, il fonda avec Wyrouboff la Revue de philosophie positive, dans laquelle il écrivit un article retentissant sur les Origines organiques de la morale (1870). En particulier, il appliquera le positivisme à la linguistique.
Sa rectitude intellectuelle l'empêcha cependant d'adhérer au mysticisme de Comte.
Après la révolution de 1848, il devint membre du Conseil municipal de Paris.
C'est en 1863 qu'il commença la rédaction de son œuvre capitale : le Dictionnaire de la langue française (1863-1873) – ce qui provoquera la démission de l'Académie de Mgr Dupanloup (1802-1878) –, aboutissement d'un projet évoqué avec Louis Hachette dès 1841. Fasciné par les mots, monnaie de l'esprit, il va dès lors s'acharner, pendant près de dix ans, à décrire l'histoire de leur sens et de leur circulation.
Membre de l'Académie française en 1871, il est élu la même année député de la Seine et, en 1875, sénateur inamovible. Menant une existence ascétique – comme en témoigne sa conférence de mars 1880, Comment j'ai fait mon dictionnaire de langue française –, il travailla sans répit, jusqu'à sa mort, à ses travaux de linguiste et de philosophe.
Les Å“uvres principales

Traduction des œuvres d'Hippocrate (1839-1861). Traduction de la Vie de Jésus de Strauss (1839-1840). De la philosophie positive (1845). Conservation, révolution et positivisme (1852). Auguste Comte et la philosophie positive (1863). La science du point de vue philosophique (1873). Dictionnaire de médecine et de chirurgie (1862, en collaboration avec Ch. Robin). Histoire de la langue française (1862). Dictionnaire de la langue française (1863-1873 ; supplément en 1878), ouvrage connu depuis sous le nom de son auteur : le Littré.


Biographie détaillée.


Émile Maximilien Paul Littré, né à Paris le 1er février 1801 et mort à Paris le 2 juin 1881, est un lexicographe, philosophe et homme politique français, surtout connu pour son Dictionnaire de la langue française, communément appelé Le Littré.


Enfance

Son père, Michel-François, originaire d'Avranches, fils d'orfèvre, avait reçu une certaine éducation, mais, s'ennuyant de la maison paternelle, se rendit à Paris.
Là, apprenant que son père était dans la gêne, il s'engagea dans l'artillerie de marine, et envoya à Avranches le prix de son engagement.
Il fut canonnier pendant plusieurs années et parvint au grade de sergent-major. Lorsqu'il revint à terre, il était imbu des idées révolutionnaires de l'époque.
Mais il
il fallait vivre, et après quelque emploi en province, il parvint à devenir chef de bureau à la direction générale des Contributions indirectes à Paris. Il épousa Sophie Johannot (fille de Jean-Baptiste Johannot), libre-penseuse comme lui, et ils eurent deux fils, Émile et Barthélemy, qui naquirent à Paris.
Possédant le goût de l'étude, il avait assemblé une très bonne bibliothèque, et, mettant en œuvre ses idées philosophiques, il se consacra à l'éducation de ses deux fils.
Pour cela, il apprit le grec et, plus tard, le sanscrit. Le jeune Émile, qui portait le plus le cachet paternel, fut envoyé au lycée Louis-le-Grand, où il eut pour amis Louis Hachette et Eugène Burnouf.
Quand, en 1819, Émile termina ses études secondaires, il hésita un peu sur la profession qu'il devrait choisir, temps qu'il mit à profit pour se perfectionner en anglais, en allemand, en italien, en latin et en grec, d'une façon telle qu'il savait non seulement écrire dans ces langues, mais aussi y composer des vers. Quelques années plus tard, en 1823 Eugène Burnouf lui donna des leçons de sanskrit, en même temps qu'à Barthélemy-Saint-Hilaire, renforçant ainsi les bases de sa science philologique.


Études médicales et premiers engagements politiques

Entre-temps il se décida pour la médecine et, en 1822, s'y inscrivit comme étudiant. Pendant huit ans, il se consacra presque sans partage à ces études, passa tous les degrés de l'externat et de l'internat, et eut pour condisciples et collègues Louis-Marie Michon, Antoine Constant Danyau et Natalis Guillot.
Il n'avait plus que sa thèse à préparer pour obtenir le diplôme qui lui aurait permis d'exercer quand, en 1827, son père mourut, laissant sa mère absolument sans ressources.
Il renonça immédiatement à passer le doctorat et, tout en conservant un vif intérêt pour la médecine, donna des cours de latin et de grec pour subvenir aux besoins de sa famille.
Pendant la Révolution de juillet 1830, fervent républicain, il fit le coup de feu du côté des insurgés, qui chassèrent Charles X de Rambouillet.
Il avait endossé pour l'occasion un uniforme de garde national, geste séditieux, puisque cette milice avait été dissoute en 1827, et il s'était coiffé d'un chapeau rond. Son ami Farcy fut abattu à ses côtés, et son corps fut ramené à son propre domicile.

Journalisme et travaux littéraires

En 1831 il fut recommandé à Armand Carrel, rédacteur en chef du National, qui lui donna la tâche de lire les journaux anglais et allemands pour y trouver les extraits intéressants. En 1835 Carrel découvrit par hasard les grandes capacités de son lecteur, qui, à partir de ce moment, devint un collaborateur régulier.
Il reprit ses études médicales, assistant assidûment aux conférences de Rayer à La Charité, convenant avec le libraire Baillière, spécialisé dans les ouvrages de médecine et de sciences naturelles, la traduction et l'édition d'Hippocrate.
Il se concentra dès lors principalement sur cet ouvrage, tout en commençant en 1836 ses contributions à la Revue des deux mondes avec des articles sur toutes sortes de sujets, dont certains révélaient le médecin et le philosophe naturaliste :
Les Grandes Épidémies (15 janvier 1836) ;
Recherches sur les ossements fossiles de Cuvier ;
Nouvelles recherches des géomètres sur la chaleur de la terre.

Bien qu'il fût lui-même agnostique, il se maria en 1835 ou 1837 avec une jeune fille simple, pieuse et pratiquante, dont il eut une fille, Sophie, qui fut élevée chrétiennement selon la foi de sa mère.
En 1839 parut le premier volume de son édition des travaux d'Hippocrate. La valeur de ce travail fut immédiatement reconnue par l'élection de son auteur, le 22 février de cette même année, à l'Académie des inscriptions et belles-lettres.
À cette époque — il avait alors près de 40 ans — il découvrit par hasard les travaux d'Auguste Comte, qui le séduisirent par leur caractère scientifique et méthodique, et dont la lecture constitua, comme il l'a dit lui-même, le point cardinal de sa vie.
À partir de ce moment se manifesta l'influence du positivisme sur sa propre vie et, ce qui est plus important, sa propre influence sur le positivisme, car il a donné au positivisme autant qu'il a reçu de lui.
Il devint bientôt l'ami de Comte et vulgarisa ses idées dans de nombreux travaux sur la philosophie positiviste, donnant un premier résumé lucide et habile de ces idées sous le titre Analyse raisonnée des cours de Philosophie positive.
En même temps il continuait son édition d'Hippocrate, qui ne fut pas terminée avant 1862, et publiait de la même façon une édition de l’Histoire naturelle de Pline pour la Collection des auteurs latins dirigée par Nisard.
Après le décès de Fauriel en 1844, il prit la place de celui-ci à l'Académie des inscriptions et belles-lettres dans le comité qui se consacrait à l’Histoire littéraire de la France.
Sa connaissance de l'ancien français et de la littérature s'y révéla inestimable, et il fut un des principaux auteurs des tomes XXI, XXII et XXIII.
Il accueillit avec joie la Révolution de 1848, et accepta les fonctions non rétribuées de conseiller municipal de Paris.
Mais il ne tarda pas à donner sa démission, en voyant la marche des événements.

Il refusa le ruban de la Légion d'honneur qui lui était offert, et prit part à la répression contre l'insurrection de juin, tout en se remettant au travail avec une ardeur nouvelle.
Les articles qu'il publia pendant cette période au National, ont été recueillis et publiés en 1852 sous le titre de Conservation, révolution et positivisme, montrant sa complète adhésion à toutes les doctrines de Comte.
Pourtant, pendant les dernières années de la vie de ce dernier, il allait comprendre qu'il ne pourrait pas entièrement accepter tous les dogmes ni toutes les idées mystiques de celui qui était son maître et son ami ; il cacha cependant ses divergences d'opinion et Comte ne remarqua pas que son élève était allé plus loin que lui, comme lui-même avait été plus loin que Saint-Simon, son maître.
Pendant toute la durée de l'Empire, il se tint à l'écart de la politique, se consacrant uniquement aux labeurs littéraires et scientifiques qui ont fait de lui un des éminents savants de ce temps.
Il reprit le cours de ses recherches sur la médecine, et le Dictionnaire de médecine et de chirurgie, qui n'avait dû être au début qu'un remaniement du travail de Nysten, devint peu à peu, entre les mains de Littré et de son collaborateur Robin, un ouvrage essentiellement original et personnel.

Son Dictionnaire

Première page du Littré, dans son édition de 1889.

Mais son travail capital et son principal titre, c'est incontestablement le Dictionnaire de la langue française, dont il avait conçu de bonne heure le projet.
Il l'avait en effet fait accepter dès 1841 au chef de la maison Hachette, son condisciple et ami, Louis Hachette, mais ce projet ne reçut un commencement d'exécution que six ans plus tard.
La rédaction dura de 1847 à 1865, et l'impression, commencée le 27 septembre 1859, ne fut terminée qu'en novembre 1872, après une interruption d'environ neuf mois en 1870-1871.
On peut se rendre compte du travail qu'exigea ce Dictionnaire quand on sait que la copie comptait 415 636 feuillets, et qu'elle était rangée par paquets de mille feuilles dans huit caisses de bois blanc, déposées dans la cave de la maison de campagne de Littré au Mesnil-le-Roi.
Au mois d'août 1870, en prévision d'opérations militaires aux environs de Paris, Littré fit transporter ces caisses à Paris, dans les sous-sols de la maison Hachette, pour les mettre hors de portée des obus.
C'était le plus grand travail lexicographique entrepris jusque là sur la langue française, et on ne sait ce qu'on doit admirer le plus chez l'auteur de cette œuvre : la sûreté de sa méthode, la sagacité de ses jugements, la profondeur de son érudition, la patience de ses recherches ou son infatigable activité, tout cela au milieu des plus vives angoisses patriotiques.
Pendant ce temps, la mort de Comte en 1858 avait libéré Littré de toute crainte d'attrister les dernières années de son maître, et il publia ses propres idées dans Paroles de philosophie positive en 1859 et, plus longuement, dans son ouvrage Auguste Comte et la philosophie positive en 1863.
Dans ce livre il étudie l'origine des idées de Comte chez Turgot, Kant et Saint-Simon, raconte ensuite de façon élogieuse la vie de Comte, parle de sa méthode philosophique, des grands services qu'il a rendus à la cause et des résultats de ses travaux, avant de montrer finalement les points sur lesquels il se sépare de lui. Il approuve pleinement la philosophie de Comte, ses grandes lois sur la société et sa méthode philosophique, qu'effectivement il a défendues chaleureusement contre Stuart Mill, mais déclare que, tandis qu'il croit à la philosophie positiviste, il ne croit pas dans une religion de l'humanité.
En 1863, il termina son Hippocrate et son Pline, tout en poursuivant sérieusement le travail sur son Dictionnaire de la langue française.
La même année il fut proposé pour l'Académie française, mais fut écarté, suite à l'opposition de Mgr Dupanloup, évêque d'Orléans, qui l'avait dénoncé dans son Avertissement aux pères de famille comme le chef des matérialistes français.
À cette époque Littré lança également avec Wyrouboff la revue Philosophie Positive, qui devait faire connaître les thèses des positivistes modernes. Il y publia, en 1870, sous le titre : Des origines organiques de la Morale, un article qui fit sensation, et fournit de nombreux arguments aux théoriciens catholiques qui accusaient Littré d'athéisme. La même année, il soutenait la veuve de Comte dans son procès contre les exécuteurs testamentaires de son mari, et s'opposait à la publication des dernières œuvres d'Auguste Comte, qu'il considérait comme indignes de lui.

Vie politique

Sa vie s'écoulait ainsi, consacrée au travail littéraire, jusqu'à ce que la chute de l'Empire l'amenât à prendre part à la politique.
Mais, se sentant trop vieux pour supporter les privations du siège de Paris, il se retira avec sa famille en Bretagne.
Gambetta le nomma alors professeur d'histoire et de géographie à l'École polytechnique, et le fit venir à Bordeaux. Bientôt après, il rentra dans la vie politique, mais sans renoncer à ses autres travaux.
Il fut élu à l'Assemblée nationale par le département de la Seine le 8 février 1871, le 33e sur 43, par 87 868 voix sur 328 970 votants.
Il prit place à gauche, et vota constamment avec les républicains modérés, par exemple Contre le pouvoir constituant de l'Assemblée, Pour la dissolution, Contre la chute de Thiers au 24 mai lors de la Semaine sanglante, Contre le septennat, la loi des maires et l'état de siège, Pour l'amendement Wallon et celui de Duprat, qui demandait que le futur Sénat soit nommé au suffrage universel, et Pour l'ensemble des lois constitutionnelles.
Lors du renouvellement des conseils généraux, il fut nommé le 15 octobre 1871 membre du conseil général pour le canton de Saint-Denis, et cette assemblée le choisit pour son vice-président.
Dans la séance du 30 décembre 1871, il fut élu, en remplacement de Villemain, membre de l'Académie française malgré l'opposition réitérée de Mgr Dupanloup, qui voulut, avec éclat, démissionner de son fauteuil plutôt que de le recevoir.
À l'Assemblée nationale, Littré, éloquent seulement la plume à la main, ne prit aucune part aux débats parlementaires, et ne parut jamais à la tribune.
Mais il n'en fut pas moins très assidu aux séances. Tous les arrangements de ma vie, a-t-il dit en parlant de l'année 1872, pour me procurer la plus grande somme de temps disponible étaient bouleversés. Membre de l'Assemblée nationale, j'assistais régulièrement aux séances.
N'ayant pu prendre résidence à Versailles, à cause de mes livres et de tout ce qu'à Paris j'avais sous la main, j'étais obligé de faire chaque jour le voyage. De la sorte, le milieu des journées m'était enlevé tout entier ; il ne me restait que les matinées, les nuits, les dimanches et les vacances de l'Assemblée.
Ces heures dérobées aux devoirs publics, on imaginera sans peine avec quel soin jaloux je les employai, et combien je me réjouis quand je vis qu'elles me suffisaient. »
Au mois d'avril 1873, Littré, qui avait fait adhésion à la République conservatrice, protesta dans une lettre adressée au Temps contre la candidature radicale de Barodet en remplacement de Sauvage décédé, candidature approuvée par de nombreux députés simplement pour protester contre la loi qui avait enlevé à Lyon ses franchises municipales, et à Barodet son mandat de maire.
Barodet fut néanmoins élu.
Son Dictionnaire de la langue française fut finalement achevé en fin 1872.
Une interprétation sûre y est donnée de l'usage de chaque mot, fondée sur les divers sens qu'il eut dans le passé et étayée d'exemples tirés des œuvres d'auteurs anciens ou modernes.
Le 8 juillet 1875, les francs-maçons donnèrent une grande solennité à sa réception par le Grand Orient de France à la loge La Clémente amitié, et une grande publicité au discours que Littré prononça le jour de son initiation.
Il fut reçu en même temps que Jules Ferry et Grégoire Wyrouboff. Le 15 décembre 1875 Littré fut élu par l'Assemblée nationale sénateur inamovible, le 52e sur 75, par 343 voix sur 676 votants. Il siégea à la Chambre haute dans les rangs de la gauche modérée.
Il vota Contre la dissolution de la Chambre en 1877, se montra, lors de la Crise du 16 mai, l'adversaire du gouvernement qui en fut issu, puis le partisan du ministère Dufaure, et favorable à la plus large tolérance en matière religieuse. Il s'abstint volontairement lors du scrutin sur la nouvelle loi au sujet de l'enseignement supérieur.
Il continua à rédiger des articles, et les plus remarquables de ces productions au cours de ces années furent ses écrits politiques où il dévoilait et attaquait l'entente des Orléanistes et des Légitimistes et se prononçait en faveur de la république.
Il fit rééditer un grand nombre de ses anciens articles et de ses anciens ouvrages, entre autres Conservation, révolution et positivisme de 1852, qu'il réimprima mot pour mot, y joignant une renonciation formelle et catégorique à beaucoup de doctrines comtistes qu'il contenait et une petite brochure Pour la dernière fois, où il maintenait sa conviction inaltérable dans le matérialisme, et où il se livra à un de ses rares épanchements intimes.
Il y répond avec beaucoup de tact et de simplicité aux sollicitations religieuses qui l'ont touché, sans chercher à blesser les convictions qu'il ne partage pas, affirmant qu'il n'éprouve ni le désir de croire, ni l'angoisse de quelques incrédules.
"Je me suis interrogé en vain, je n'éprouve rien de ce qu'ils ont éprouvé. [...] je suis sans regret d'être en dehors de ces croyances, et ne puis découvrir en moi aucun désir d'y rentrer."

Conversion

Quand sa femme et fille, ferventes catholiques, se rendirent compte que le vieil homme n'avait plus longtemps à vivre, elles s'efforcèrent de le convertir. Il avait eu pendant longtemps des entretiens avec le père Millériot, célèbre controversiste, et il avait été très affligé de sa mort.
Cependant, grâce à l'abbé Henri Huvelin, père spirituel de Charles de Foucauld, Littré se convertit peu avant sa mort1 mais il ne reçut apparemment pas le baptême. Sa femme lui fit donner des funérailles catholiques.
Il fut enterré au cimetière du Montparnasse. Suivant sa volonté expresse, aucun discours ne fut prononcé sur sa tombe.
Le lycée public d'Avranches s'appelle lycée polyvalent Émile-Littré pour rappeler les origines de la famille du grand homme.

Å’uvres

Traductions

Traduction et édition des Œuvres d'Hippocrate (1839-1861) ;
Traduction de la Vie de Jésus de David Strauss (1839-1840), où il expose dans la préface sa doctrine, substituant l'ordre surnaturel à un autre idéal, celui de l'Humanité ;
Traduction et édition de l'Histoire naturelle de Pline (1848-1850) ;
Traduction du Manuel de physiologie (Handbuch der Physiologie) de Müller (1851), où il ajouta une préface philosophique, assignant à la physiologie son vrai rôle dans l'ordre des sciences ;

Dictionnaires

Reprise du Dictionnaire de médecine, de chirurgie, etc. de Nysten (1855) ;
Histoire de la langue française (participation à la rédaction des tomes 21 à 23 (1862) ;
Dictionnaire de la langue française (Le Littré) (1863-1872) ; 2e édition revue et augmentée (1873-1877) ;
Comment j'ai fait mon dictionnaire de la langue française, 1880
Pathologie verbale ou lésions de certains mots dans le cours de l'usage (1880)2.
Écrits philosophiques [modifier]
Analyse raisonnée du cours de philosophie positiviste d'Auguste Comte (1845) ;
Application de la philosophie positive au gouvernement (1849) ;
Conservation, révolution et positivisme (1852) ;
Paroles de la philosophie positive (1859) ;
Auguste Comte et la philosophie positive (1863) ;
La Science au point de vue philosophique (1873) ;
Fragments de philosophie et de sociologie contemporaine (1876) ;
Pour la dernière fois.
Collaboration à des journaux
L'Expérience, journal médical qu'il créa en 1837 avec Dezeimeris ;
Le National ;
La Revue des deux mondes ;
Le Journal des débats ;
Revue germanique ;
Remise en ordre des Å’uvres politiques d'Armand Carrel (1854-1858).



Hommage dans le figaro :

Qui êtes-vous monsieur Littré ?
EN 1863, lorsque paraît le premier volume de son Dictionnaire de la langue française, Émile Littré a soixante-deux ans. Philosophe, linguiste, traducteur, publiciste, ancien interne des hôpitaux de Paris, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres depuis 1839, ce forçat du travail de l’esprit est l’un des personnages les plus éduqués de son temps. Pour tous, il fait figure d’«homme du siècle », comme Émile Zola l’écrira avec passion en première page du Figaro au lendemain de sa mort, louant « ses grands travaux de logicien impeccable, la rectitude de sa méthode, l’unité et la clarté de son oeuvre, la modestie et la simplicité du travailleur que la passion de la vérité attache à la terre, le progrès réel déterminé par chacun de ses ouvrages ». L’admiration dont jouit Émile Littré est presque unanime, et pas seulement française. Son Dictionnaire, qui paraît simultanément à Paris, Londres et Leipzig, lui vaut la considération de toute l’Europe lettrée. Partout on s’accorde pour reconnaître et célébrer la science et la méthode, la rigueur et la vigueur de cet « incroyable Monsieur Littré », dont seule l’Académie française, excitée par Mgr Dupanloup, n’a pas voulu voir le génie.
Ami des esprits éclairés
C’est que l’auteur d’une traduction des oeuvres d’Hippocrate en dix volumes ne croit pas en Dieu et qu’il n’y a jamais cru. Né à Paris, le 1er février 1801, dans une famille modeste et farouchement républicaine, il a été inscrit sur les registres d’état civil de la mairie du Ve arrondissement sous les prénoms de Maximilien, Paul et Émile, en hommage à la fois à Rousseau et à Robespierre. Michel-François, son père, est né à Avranches, dans une Normandie pleine de vaches débonnaires et de pommiers en fleurs. Enrôlé comme sergent dans l’infanterie de marine, Michel-François Littré a sillonné des mers lointaines avant de devenir contrôleur des Droits-Réunis dans l’administration des finances à Paris. Grand lecteur de l’Encyclopédie, ami des esprits éclairés, il affiche fièrement ses fidélités de jacobin orthodoxe. Entre Thermidor et Brumaire, des convictions républicaines si extrêmes vous exposaient à tous les dangers. C’est ainsi que le père de son épouse a été assassiné par des enragés royalistes de la Compagnie de Jéhu. Penchés sur le berceau du petit Maximilien, Paul, Émile au milieu de l’hiver 1801, Michel-François et Sophie Littré s’accordent naturellement pour réserver à leur fils premier-né l’éducation complète d’un bon républicain en lui inculquant l’horreur de « la tyrannie des prêtres, des nobles et des rois ». Ainsi Émile Littré est-il né républicain sous Bonaparte. On sait peu de choses sur son enfance, sinon qu’elle s’est déroulée dans une petit appartement de l’actuelle rue Champollion, à l’ombre de l’antique Sorbonne. Son père possédait une riche bibliothèque qui lui donna accès à un monde de connaissance étendu jusqu’au sanskrit, la langue indo-européenne dans laquelle furent écrits les grands textes brahmaniques de l’Inde. Inscrit au collège royal Louis-le-Grand, où il a fait la connaissance de Louis Hachette, Émile Littré reçoit l’éducation complète d’un humaniste et d’un enfant des Lumières : latin, grec, français, histoire, sciences et mathématiques. Sa mémoire étonne ses professeurs. À seize ans, il est couronné par le premier prix de discours français lors du concours général. Passionné par les questions d’étymologie, Émile Littré lit aussi l’anglais, l’allemand, l’espagnol et l’italien.
Refus d’un cloisonnement des savoirs
À sa sortie de Louis-le-Grand, il songe à entrer à l’École polytechnique. Il étudie l’algèbre et la géométrie mais ne présentera jamais le concours. Secrétaire particulier du comte Pierre Daru
pendant quelques mois, Émile Littré est tenté par l’École des chartes, mais s’inscrit finalement à la faculté de médecine. En décembre 1824, il est reçu au concours d’externat, puis à l’internat quelques mois plus tard. Son apprentissage se fait dans les grands hôpitaux parisiens : La Charité, les Vénériens, les Enfants-Malades. Parallèlement, il donne des cours de latin et de grec pour subvenir à ses besoins et commence à écrire dans les journaux. C’est à cette époque qu’un éditeur lui propose de s’atteler à une traduction inédite des oeuvres d’Hippocrate. Lors de la révolution de 1830, le jeune Littré est du côté des insurgés. « Je n’hésitai pas à me jeter dans l’insurrection. Grave décision. C’est que j’y avais songé longtemps à l’avance et avais pris fermement mon parti. » À quoi rêve Littré ? À la fin de l’année 1830, alors que s’achèvent sept années d’internat, il renonce à présenter sa thèse.
Ce grand médecin ne sera jamais docteur. Littré a résolument opté pour l’écriture. Dans Le National, grand quotidien libéral et républicain fondé à cette époque, il va pouvoir faire montre de ses dons. Il a trente ans et des poussières, il apparaît déjà comme un des plus grands érudits de son époque. Refusant le cloisonnement des savoirs, Émile Littré s’intéresse à tout : la politique, la médecine, l’histoire ancienne. Il apprend l’arabe et se passionne pour le Moyen Âge. En 1840, sa rencontre avec Auguste Comte est décisive. Dans ses articles et dans ses livres, il devient le vulgarisateur de la pensée du maître. Leur ambition est de faire de l’histoire des progrès de l’esprit humain une science associée à la politique, la psychologie, la morale et l’esthétique dans une synthèse inédite : le positivisme. À la même époque, Louis Hachette suggère à Émile Littré d’écrire un Dictionnaire étymologique de la langue française. Littré a quarante ans. Il est l’ambassadeur du positivisme dans le grand monde. Dans le salon de la comtesse d’Argoult, il s’est lié avec Balzac, Hugo, Lamartine et Sainte-Beuve. Son activité intellectuelle est intense. À la Revue des Deux Mondes, il donne une traduction du premier chant de L’Iliade en vers français du XIIIe siècle, chez Nisard, il publie une traduction de L’Histoire naturelle de Pline. Mais au lendemain de la Révolution de 1848 et après l’accession au pouvoir de Louis-Napoléon Bonaparte, l’évolution d’Auguste Comte l’embarrasse. Au-delà d’une philosophie, c’est une religion que veut imposer son maître. Pire encore, il soutient le césarisme du prince-président devenu empereur des Français en 1852. En janvier 1853, Littré claque la porte de la Société positiviste de la rue Monsieur-le-Prince. Pendant vingt ans, la rédaction du grand oeuvre promis à Louis Hachette va rester la grande affaire de sa vie. Depuis 1840, son travail a considérablement avancé. Ce n’est plus simplement à un dictionnaire étymologique mais à un vaste Dictionnaire de la langue française que songe Littré. Un travail auquel il veut se consacrer seul, refusant les coauteurs. Son éditeur ne parviendra jamais à lui imposer que des secrétaires pour les relectures.
Austère, intègre et timide
Début 1863, après la parution des premiers fascicules, le public lettré fait un triomphe à Littré.
Mais il faut presque dix ans au philosophe pour mener son travail à bout et voir les 4768 pages de son lexique réunies en quatre forts volumes à reliure noire. Entre-temps, le Second Empire s’est effondré. Couvert de gloire, Émile Littré est l’un des grands hommes de la IIIe République nouvellement proclamée. Quinze mille exemplaires de son dictionnaire se sont vendus en quelques mois. Élu député de la Seine, Littré siège à l’Assemblée nationale où il soutient la politique de Thiers. Le 20 décembre 1871, il est élu à l’Académie française ; le 8 juillet 1875, il est reçu avec Jules Ferry à la loge Clémente Amitié du Grand Orient de France. Austère, intègre et timide, ce « saint laïque » est encombré par tant de gloire. Homme de cabinet, il déteste prendre la parole en public et garde un très mauvais souvenir de l’unique cours d’histoire qu’il a donné à l’École polytechnique, le 1er février 1871, jour de son soixante-dixième anniversaire. Cet homme qui juge que le centre de gravité politique de la France est « légèrement à gauche du centre » a refusé de devenir ministre mais se réjouit de son élection sénatoriale, le 16 décembre 1875. Dans une lettre adressée à Gustave Flaubert, George Sand crie son enchantement : « Comment ? Littré sénateur ? C’est à n’y pas croire, quand on sait ce que c’est que la Chambre.» Défenseur acharné de l’objectivité scientifique, demeuré positiviste malgré sa rupture avec Auguste Comte, Émile Littré publie encore une traduction de L’Enfer de Dante en vieux français (1879) et un recueil d’essais consacrés à l’établissement de la IIIe République (1880). Il meurt à Paris, le 2 juin 1881 à l’aube.



Lien

http://youtu.be/KzsfCG6487I Comment j'aui fait mon dictionnaire par Littré INA


http://youtu.be/veSx-fTSs_Q Muriel Robin Le dictionnaire


Attacher un fichier:



jpg  littre_dh.1274765300.jpg (118.40 KB)
3_51ab49e6c022c.jpg 1000X750 px

jpg  7238250_f496.jpg (71.12 KB)
3_51ab4a01ebc4b.jpg 496X371 px

jpg  img_littre1.jpg (72.23 KB)
3_51ab4a18baea3.jpg 350X351 px

jpg  44 rue d'assas littre plaque.jpg (62.39 KB)
3_51ab4a3b17ec6.jpg 490X599 px

jpg  biblio.jpg (61.49 KB)
3_51ab4a5630046.jpg 676X507 px

jpg  1312677-Émile_Littré.jpg (49.76 KB)
3_51ab4a75bd800.jpg 444X550 px

jpg  51QCzKBAbIL._SL460_.jpg (31.26 KB)
3_51ab4a8e9c40c.jpg 312X460 px

jpg  9782080662484.jpg (25.09 KB)
3_51ab4aabd5c76.jpg 328X467 px

Posté le : 02/06/2013 13:05
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer



 Haut
« 1 ... 46 47 48 (49) 50 51 52 ... 60 »




Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
93 Personne(s) en ligne (41 Personne(s) connectée(s) sur Les Forums)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 93

Plus ...