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Carlo Collodi / Lorenzini
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Le 24 novembre 1826, à Florence, naît Paolo Carlo Collodi, pseudonyme de Carlo Lorenzini,

écrivain italien surtout connu pour être l'auteur du chef-d'œuvre de la littérature enfantine mondialement connu : Pinocchio.


Sa vie

L'auteur de Pinocchio, récit pour l'enfance traduit dans toutes les langues, est bien moins connu que son pantin de bois, tant il est vrai que les figures mythiques des œuvres d'art échappent à leur créateur pour vivre leur propre vie.
Né à Florence en 1826, Carlo Lorenzini, qui lutte pour le Risorgimento de la nation italienne, est invité, après avoir participé aux campagnes de libération de 1849 et 1859, à ne plus se mêler de politique et il adopte par prudence le pseudonyme de Collodi, qui est le nom du village natal de sa mère.
Ce village toscan, se trouve à mi-chemin entre Florence et Pise.

Il débute dans le journalisme, dans des journaux humoristiques, puis s'engage dans la lutte pour l'indépendance italienne en 1859. Il redevient journaliste en mai 1860. Il a écrit quelques romans et pièces de théâtre qui n'ont pas eu un grand succès.
L'unité italienne achevée, en 1875 qu'il commence à écrire pour les enfants en adaptant les Contes de Charles Perrault en italienil traduit des fables de Perrault et de Mme d'Aulnoy, puis publie des histoires pour enfants, Giannettino, 1877, et Minuzzolo, 1878 dont les petits héros ne parviendront jamais à conquérir l'immortalité.

À la suite, dit-on, de dettes de jeux, il commence à écrire Pinocchio en 1881, qui paraîtra en feuilleton dans le Giornale per i bambini, un Journal des enfants jusqu'en 1883.
Ce roman lui amènera le succès, mais Collodi ne retrouvera jamais la même inspiration pour ses œuvres ultérieures.
Un de ses neveux, écrivain également, aura une certaine célébrité, notamment aux États-Unis et grâce à la notoriété de son oncle sous le pseudonyme de Collodi Nipote, de son vrai nom Paolo Lorenzini.
Carlo Collodi meurt le 26 octobre 1890. Il est enterré au cimetière de San Miniato al Monte de Florence dans le tombeau familial.


L'oeuvre, Pinocchio.

C'est en feuilleton que paraît entre 1881 et 1883 l'Histoire d'un pantin, "Storia di un burattino" dans le Giornale per i bambini ; le directeur de la publication doit souvent réclamer le prochain épisode à un auteur négligent ; lorsque l'histoire tourne court sur la mort de Pinocchio pendu à une branche, les petits lecteurs protestent contre cette fin prématurée en écrivant au journal et exigent une suite : Collodi est obligé d'inventer de nouveaux rebondissements !
C'est dire que sans cette participation du public enfantin, fréquente de la part des adultes dans les feuilletons de l'époque les mésaventures du pantin de bois ne seraient pas ce qu'elles sont. Collodi est en partie un auteur malgré lui et Pinocchio un personnage indirectement façonné par les enfants eux-mêmes.

Le succès ainsi remporté incite l'auteur à publier le tout sous le titre de Les Aventures de Pinocchio, "Le Avventure di Pinocchio" en 1883.
Les avatars et la désinvolture de la rédaction peuvent expliquer les méandres de l'intrigue et certaines erreurs de finition, Pinocchio analphabète lisant l'inscription sur la tombe de la fée.
La critique moderne, plus sensible à l'humour, considère volontiers que ces "erreurs" sont volontaires, que les redondances sont la règle d'un récit mythique et insiste au contraire sur la cohérence et la logique interne de l'imaginaire collodien jusqu'à proposer une analyse structurale fort savante de l'œuvre.
Comment en effet rendre compte du succès universel de ce conte si ce n'est par l'efficacité symbolique de cette trouvaille du pantin de bois qui accède à la fin de l'histoire à la condition d'enfant ?
Il s'agit d'un véritable itinéraire initiatique durant lequel le petit lecteur qui s'identifie à Pinocchio subit lui-même toute une série d'épreuves pour que soient en fin de compte reconnus aussi bien les droits que les devoirs d'un enfant.

Le succès peut également s'expliquer par la manière concrète dont est posé le problème du bien et du mal dans la conscience enfantine, surtout à une époque où le souci moralisateur était la règle dans une littérature enfantine trop didactique.
L'originalité de Collodi, c'est un certain réalisme des personnages et du décor paysan. Notre pantin ne rencontre point d'ogres, de sorcières et de dragons conventionnels mais un grillon, un serpent, un pêcheur, un montreur de marionnettes tels qu'un enfant toscan pouvait en rencontrer au détour du chemin.
La fée, si l'on excepte ses cheveux bleus, est une simple jeune fille puis une mère que Pinocchio appelle mammina. Néanmoins, c'est un réalisme magique — correspondant à la vision enfantine — par le caractère emblématique des lieux et du bestiaire.

Si vivante qu'elle soit, on peut trouver assez conformiste la morale d'une histoire qui transforme en ânes les enfants qui font l'école buissonnière.
Néanmoins l'humour du récit a des aspects subversifs ; un donneur de leçon comme le grillon reçoit un bon coup de marteau alors que les animaux les plus sympathiques comme le mâtin ou le dauphin sont ceux qui secourent Pinocchio sans aucun prêchi-prêcha.
Le bon cœur du héros n'apparaît d'ailleurs qu'au terme d'une laborieuse conquête sur un égoïsme tenace ; nous sommes loin des petits garçons modèles de la littérature édifiante à la De Amicis.
Le cinéaste Luigi Comencini a pris le contre-pied d'une lecture moralisante en faisant dans son adaptation de cette épopée de l'enfance une sorte d'apologie de la liberté et de la désobéissance.

Pinocchio, ce n'est pas seulement un texte, écrit dans un italien sententieux et archaïsant, mais des images.
Les illustrateurs successifs sont légion. Mazzanti est l'auteur des dessins encore timides de l'édition originale.
Gramsci préférait les vignettes de la deuxième édition dues à Carlo Chiostri dont les traits sont vigoureux et soignés mais qui a conservé au pantin sa physionomie première, à la luxueuse illustration du peintre florentin Attilio Mussino, fort colorée et plus aérée, mais qui a modifié la tenue de Pinocchio.
Nicouline et Angoletta ont tenté de dédramatiser les épisodes les plus durs par une illustration rassurante et infidèle, de même que Walt Disney dans son dessin animé de 1940. Mosca et Jacovitti ont enfin mis Pinocchio en bandes dessinées en italien moderne et familier.
La diversité des textes et des images dans les multiples traductions et adaptations n'a en rien altéré l'efficacité du mythe : tous les enfants du monde, lorsqu'ils mentent, s'inquiètent de savoir si leur nez ne s'allonge pas !

Liens

http://youtu.be/AP-pKCGbmNI Village de Collodi
http://youtu.be/RP0ZfKf4zHU Pinocchio italiano
http://youtu.be/r7dw1PrD1E0 Pinocchio italiano
http://youtu.be/aTusM-cJ9t8 Pinocchio en Français Histoire 1883/1
http://www.youtube.com/watch?v=aTusM- ... Za2Wv48EBx6MSnUlDNXNx2G-h 36 Vidéos

http://youtu.be/5hswvhOmO9w 5
http://youtu.be/eHtb30UTzlo 6
http://youtu.be/j8-vo9XvhtI 12
http://youtu.be/vgfQDaw4LF8 14
http://youtu.be/hh5NVrvoBXo 17
http://youtu.be/JU6H-M8lCWo 22
http://youtu.be/SeQQGcZStFM 23
http://youtu.be/YXyDm0dP8Ig 24
http://youtu.be/UD-DeJ49wpE 26
http://youtu.be/js__bHZOwmQ 29
http://youtu.be/GXNx9RZ0RpA 30
http://youtu.be/EZEQqkzKnhY 31
http://youtu.be/kRJUJWzFsgA 32
http://youtu.be/3FNqo8VHx4c 36

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Posté le : 24/11/2013 00:07
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Alphonse Karr
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Le 24 Novembre 1808 naît à Paris, Alphonse Jean-Baptiste Karr, dit Alphonse Karr

romancier, journaliste, pamphlétaire français, il meurt à Saint-Raphaël le 30 septembre 1890.

Sa vie en bref.

Alphonse Karr naît à Paris en 1808 d'un père allemand et d'une mère française.
Après de brillantes études, il se consacre à l'enseignement.
Il mène dans les années 30 une vie de bohème du type jeunes romantiques excentriques d'alors et s'essaie à tous les genres littéraires : poésie, pastiches, théâtre.
Il publie des articles satiriques dans le Figaro, dont il sera plus tard le rédacteur en chef.
Un amour malheureux lui inspire un premier roman "Sous les tilleuls", qui remporte en 1832 un immense succès.
Il fonde en 1839 son propre journal "Les guêpes", où sont " épinglées " les plus grandes célébrités artistiques et politiques de l'époque.
Ce journaliste, tour à tour pamphlétaire, humaniste satirique, romancier, poète, se retire du monde, devient aussi botaniste et jardinier en s'installant à Nice avec sa compagne et sa fille en 1853.
Exproprié par la construction de la Gare SNCF, il s'établit en 1865 à Saint-Raphaël. Ainsi vont se bousculer dans ce petit port de pêche une multitude d'hommes de lettres tels que Hugo, Lamartine, De Nerval, Dumas…
Cet homme, considéré comme le découvreur de Saint-Raphaël, meurt le 30 septembre 1890 dans sa villa "Maison Close".

L'écrivain

Alphonse Karr en 1932, débute dans la littérature avec son roman le plus célèbre, "Sous les tilleuls", qui lui valut son entrée au Figaro.
Ce premier roman, connut immédiatement un succès large et durable ; s'ensuivit alors une série de titres, Une heure trop tard en 1833, Fa dièze en 1834, Vendredi soir en 1835, Einerley en 1838, etc., où se combinent, avec des bonheurs divers, les mêmes composantes : héros exalté, héroïne vaporeusement attendrie, évocation de la nature et du Vergiss-mein-nicht, sentimentalité et sensiblerie à fondement autobiographique, entremêlées de fantaisie ironique et bouffonne.
En 1836, il participe à La Chronique de Paris, fondée par Honoré de Balzac, dont la parution ne durera que six mois, mais qui fut un joyeux intermède.
Il sacrifia peu à la mode du fantastique, Les Willis et La Main du diable en 1835 et trouva dans la vie des pêcheurs sur les côtes normandes, à Sainte-Adresse puis à Étretat, la veine nouvelle de son inspiration, sans modifier cependant sa manière, dont la spécificité avait fait sa réputation et qui bénéficiait d'un public assidu : Le Chemin le plus court en 1836, Histoire de Romain d'Étretat en 1836, La Famille Alain en 1848, Clovis Gosselin, 1851, La Pénélope normande, 1855, etc.

Parmi son abondante production de romans dont le prétexte — l'histoire d'amour difficile — compte moins que les intrusions désinvoltes et humoristiques de l'auteur dans le cours du récit, Ce qu'il y a dans une bouteille d'encre : Geneviève, 1838 ; Clotilde en 1839 ; Hortense, 1841 ; Midi à quatorze heures, 1842 ; Feu Bressier, 1844 ; Agathe et Cécile, 1853..., on remarque un roman dirigé contre les études universitaires classiques, Raoul Desloges, ou Un homme fort en thème en 1851, un conte pour enfants, Les Fées de la mer en 1851, un Voyage autour de mon jardin en 1845, roman par lettres exaltant la botanique et l'horticulture, auquel succédèrent les Lettres écrites de mon jardin, 1853 ; Promenades hors de mon jardin, 1856 ; Le Credo du jardinier, 1875... ; un cas de bovarysme, Hélène en 1891.
Toute une part de l'œuvre d'Alphonse Karr relève en fait d'une "littérature de ciseaux et de colle " ; ainsi, Pour ne pas être treize en 1841, Am Rauchen en 1842, Contes et nouvelles en 1852, Devant les tisons en 1853, Les Soirées de Sainte-Adresse en 1853, Histoires normandes en 1855.

Pour constituer une œuvre romanesque d'importance, "il ne lui fallait plus qu'un peu de vouloir et ne pas mieux aimer se jouer, à chaque pause, du lecteur et de lui-même " Sainte-Beuve.

Après avoir été rédacteur en chef du Figaro, il lança ses célèbres Guêpes, petites brochures satiriques mensuelles qu'il rédigea seul, 1839-1846 ; la livraison de juin 1840 lui valut une tentative d'homicide de la part de Louise Colet qui s'y estimait diffamée. C'est dans les Guêpes que parut notamment son fameux pamphlet sur la peine de mort :
" Que MM. les assassins commencent." Il tentera en vain de retrouver cette verve spirituelle et sarcastique dans les Nouvelles Guêpes, 1853-1855 où l'on ne trouve plus que platitude et aigreur.

En 1848, il fonda Le Journal pour soutenir la candidature de Cavaignac contre celle de Louis-Napoléon Bonaparte, et choisit, après le coup d'État de 1851, de s'établir à Nice, puis à Saint-Raphaël. Là, posant au vieux sage et fort de sa devise "bonne foi, bon sens" , il publia successivement Le Livre des cent vérités en 1848, Une poignée de vérités en 1853, Trois Cents Pages, mélanges philosophiques en 1858, Menus Propos en 1859, Plus ça change et plus c'est la même chose en 1875, Grains de bon sens en 1880, Bourdonnements en 1880, À l'encre verte en 1881, Les Points sur les i en 1882, À bas les masques ! en 1883, Le Pot aux roses en 1887, etc., recueils d'articles déjà parus dans des journaux ou revues divers.

De ses volumineuses Œuvres complètes il convient d'extraire les quatre volumes du Livre de bord, 1879-1880, mémoires qui apportent un témoignage intéressant et original sur le siècle. Mais la réussite incontestable de Karr reste la mise à la mode d'Étretat comme lieu de villégiature, ainsi que l'implantation de l'industrie des fleurs coupées sur la Côte d'Azur.

Opposé à Napoléon III, il se retire sur la côte d'Azur après le coup d'État de 1851. En 1854 à Nice, tout en continuant à écrire, il loue une propriété agricole dans le quartier Saint-Étienne où il développe une activité de floriculture, 1853 à 1867.
Et avec succès, au 8 place du jardin Public, il ouvre un magasin de vente de bouquets de fleurs, de fruits et légumes, destiné à une clientèle d’hivernants3. Une poire, la Poire Alphonse Karr, et un bambou, le Bambusa multiplex Alphonse Karr, ont été nommés en son souvenir.
Toujours ironisant, il a publié un traité intitulé Comment insulter les plantes en latin.
En 1870, il assiste la famille Bayon dans l'affaire Guillaume Bayon, à Saulce-sur-Rhône, une affaire criminelle jugée par la Cour d’assises de la Drôme, le 27 avril 1870.

En 1882, la Ligue populaire contre la vivisection se créait, le Président d'honneur était Victor Hugo et le Président en exercice l'écrivain Alphonse Karr. Comme la SPA, créée en 1845 par le Général-Comte Jacques Philippe Delmas de Grammont, 1792-1862, cette société allait veiller à la stricte application de la loi Grammont.
Cette loi avait été votée le 2 juillet 1850 par l'Assemblée nationale, et punissait d'une amende de un à quinze francs, mais aussi de un à cinq jours de prison "les personnes ayant exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques", une précision était apportée : La peine de prison sera toujours appliquée en cas de récidive

Son style

Selon Patrice Delbourg, Karr, "avec Capu, avec Feydeau, avec Aurélien Scholl, symbolise l'esprit et l'humour du boulevard. [...] Une sorte de prince de l'esprit, d'Aristophane du trottoir."5 Il était un spécialiste des bons mots, tantôt moralistes, tantôt acerbes, parfois misogynes.

Quelques exemples de ses mots :
"Si l'on veut abolir la peine de mort, que messieurs les assassins commencent!"
"Un baiser, c'est une demande adressée au deuxième étage pour savoir si le premier est libre."
"Plus ça change, plus c'est la même chose."
"L'âge où l'on partage tout est généralement l'âge où l'on n'a rien."
"Le vrai Parisien n'aime pas Paris, mais il ne peut vivre ailleurs."
"Les fonctionnaires sont comme les livres d'une bibliothèque. Les plus haut placés sont ceux qui servent le moins."
"Les amis font toujours plaisir — si ce n'est quand ils arrivent, c'est quand ils partent."
"Écrivain, c'est le seul métier, avec l'art de gouverner, qu'on ose faire sans l'avoir appris."
"Les femmes devinent tout — elles ne se trompent que lorsqu'elles réfléchissent."
"Si l’on veut gagner sa vie, il suffit de travailler. Si l’on veut devenir riche, il faut trouver autre chose."

Hommage

Une rue de Paris porte son nom.
Une rue d'Étretat porte son nom.
Une sente de Sainte-Adresse porte son nom.
Une rue de Châlons en Champagne porte son nom.
Une avenue de Saint-Maur-des-Fossés porte son nom.
Une rue de Saint-Raphaël (centre-ville) et une avenue près de Boulouris (Estérel Plage) ont été nommées en son honneur.
Une rue de Nice a été renommée en son honneur.
Un collège Mondoubleau porte son nom.
Son vieil ami Gabriel-Vital Dubray (1813-1892) est mort alors qu'il sculptait un buste destiné à orner sa tombe.

Citations

L'homme est plus malheureux souvent par ses exigences que par des malheurs réels.
Extrait : Pensées, maximes et réflexions - 1855.

Les grands périls grandissent l'homme.
Extrait : Raoul Desloges - 1851.

N'imiter pas ces avares qui épargnent sur les besoins de chaque jour, en prévoyance d'événements qui n'arrivent jamais. Il ne faut pas céder au petit ennui d'aujourd'hui, sous prétexte de se réserver pour le grand combat qui arrivera peut-être demain.
Extrait : Raoul Desloges - 1851.

L'amour est une flamme séparée en deux qui veut se réunir.
Extrait : Un voyage autour de mon jardin - 1845.

La vie nous apprend à pratiquer souvent deux sagesses : l'une de pardonner, l'autre de ne jamais oublier.
Extrait : Sous les pommiers - 1882.

Je crois au Dieu qui a fait les hommes et non au Dieu que les hommes ont fait.
Extrait : Vendredi soir - 1835.

La prière est le refuge du malheureux, c'est un dernier appui quand tous les appuis sont brisés.
Extrait : Vendredi soir - 1835.

Les prières, toutes ne montent pas au ciel ; le poids de leur grossièreté les entraîne vers l'abîme !
Extrait : En fumant - 1861.

Le mariage n'est qu'une association de convenances ; c'est une fraternité d'intérêts et non de sentiments ; c'est une imposture spirituelle pour donner des garanties à la société. Le mariage est une fiction ingénieuse ; les maris eux-mêmes, qui l'entretiennent encore, n'y croient pas ; ils savent bien que la fidélité est impossible ; et il faut leur rendre justice, ils n'y prétendent pas.
Extrait : Agathe et Cécile - 1853.

L'avare, il ramasse tout et ne jette rien.
Extrait : Les guêpes - 1845.

Les tendresses d'une femme sont comme ces fruits amers qui tombent quand on ne les récolte pas.
Extrait : La Pénelope normande, le 13 janvier 1860.

La vanité est une passion avare qui ne laisse rien traîner, et ramasse même dans les ordures.
Extrait : La pêche en eau douce et en eau salée - 1855.

Combien de fois l'homme a son bonheur à ses pieds sans daigner se baisser pour le ramasser !
Extrait : Une heure trop tard - 1833.

Les éloges les plus flatteurs ne satisfont que rarement celui qui les reçoit, il manque toujours quelque chose.
Extrait : La maison de l'ogre - 1890.

Le danger de ce qu'on aime rend lâche.
Extrait : Une histoire invraisemblable - 1860.

Nul n'est honteux de fuir devant un ennemi plus fort que soi.
Extrait : Clovis Gosselin - 1851.

La grâce de la femme est trompeuse et sa bonté n'est que vice
Extrait : Les femmes, I - 1853.

Un homme vraiment sage est celui qui sait jouir de tous les petits bonheurs qu'il rencontre.
Extrait : Une folle histoire - 1839.

Qui n'a pas un jour rencontré une femme qu'on voit pour la première fois, et qu'on croit reconnaître, et à laquelle, au lieu des paroles banales d'une première conversation, on est tenté de dire : Enfin ! te voilà, et je te retrouve.
Extrait : Bourdonnements - 1880.

La fidélité est une vertu dont on veut bien se dispenser, mais dont on dispense difficilement les autres.
Extrait : Nouvelles guêpes - 1853.

Il y a des fidélités qui n'en sont pas, des fidélités qui ne partent ni du cœur ni de l'âme.
Extrait : Clothilde - 1839.

La raison désire l'honnête et l'utile ; la vanité et la passion portent au voluptueux et à l'excessif.
Extrait : La maison de l'ogre - 1890.

Il n'y a de grandes passions que les passions malheureuses.
Extrait : Les guêpes - 1839 à 1849.

À force de persévérance, on creuse la pierre.
Extrait : Les fleurs animées - 1847.

Un premier amour trompé laisse de l'amertume dans le présent et de la défiance dans l'avenir.
Extrait : Feu Bressier - 1844.

L'amour de la propriété impose à l'homme toutes sortes de corvées qu'il accomplit avec joie et avec ténacité.
Extrait : Histoire de Romain d'Étretat - 1836.

Les impôts indirects sont des impôts hypocrites, personne ne sait en réalité ce qu'il paye !
Extrait : Pendant la pluie - 1880.

Si vous souhaitez battre un chien méchant, attendez qu'il vous mord, sinon vous allez passer pour un brutal !
Extrait : Sous les orangers - 1848.

Il n'y a rien de si rare que les gens entièrement bons, si ce n'est peut-être les gens tout à fait mauvais.
Extrait : Sous les orangers - 1848.

Une ou deux qualités, bonnes ou mauvaises, constituent l'homme honnête et le coquin.
Extrait : Sous les orangers - 1848.

Le crédit met le pauvre à la merci du marchand.
Extrait : L'art d'être malheureux - 1876.

Sans le crédit, le buveur qui n'a plus d'argent serait bien forcé de retourner à l'ouvrage !
Extrait : L'art d'être malheureux - 1876.

Le crédit est la source des abus les plus ruineux pour les consommateurs.
Extrait : Le règne des champignons - 1885.

L'amour d'une femme est le soleil de l'âme ; il donne la vie et la force.
Extrait : Sous les tilleuls, XII - 1832.

La femme est une fée bienfaisante, un ange qui élève l'âme de l'homme aux joies du ciel.
Extrait : Sous les tilleuls, XII - 1832.

Dieu a voulu faire partager à l'homme le bonheur qu'il s'est réservé, et c'est la femme qui le dispense.
Extrait : Sous les tilleuls, XII - 1832.

En fait de politique, l'opposé du faux et de l'absurde se trouve plus souvent absurde et faux.
Extrait : Une heure trop tard - 1833.

La pire des cruautés est la cruauté gratuite.
Extrait : Les guêpes - 1839 à 1849.

La corruption du langage est un signe certain de la corruption des mœurs.
Extrait : Au soleil - 1890.

Le premier trait de la corruption des mœurs est le bannissement de la vérité.
Extrait : Le siècle des microbes - 1891.

Je ne suis l'ennemi que de l'injustice, de l'hypocrisie, de l'absurdité, de la sottise et des platitudes.
Extrait : Les guêpes - 1841.

À un despote, il est doux d'entendre tout le monde être de son avis.
Extrait : De loin et de près - 1862.

La vie est partagée en deux parts : l'espérance et les regrets.
Extrait : Sous les tilleuls, XVIII - 1832.

L'amitié des jeunes filles n'est que l'apprentissage de l'amour.
Extrait : La famille Alain - 1848.

Le langage de l'amour a une si douce musique que l'on se préoccupe peu des paroles.
Extrait : La famille Alain - 1848.

Les Français ont eu longtemps un ridicule, c'est la prétention d'être invincibles.
Extrait : Les guêpes - Mars 1841.

Le médiocre est toujours estimé et adoré du vulgaire.
Extrait : Les guêpes - Avril 1845.

Prétendre trouver un bonheur parfait dans ce monde, c'est vouloir faire un canapé d'un buisson d'épines.
Extrait : La maison de l'ogre - 1890.

Faites-vous un bonheur modeste de tous les maux qui vous sont épargnés.
Extrait : La maison de l'ogre - 1890.

Il y a des malheureux imaginaires, comme des malades imaginaires.
Extrait : La maison de l'ogre - 1890.

— Les amis font toujours plaisir : si ce n'est pas quand ils arrivent, c'est quand ils partent.

— Les savants sont des gens qui, sur la route des choses inconnues, s'embourbent un peu plus loin que les autres.

— Les voyages prouvent moins de curiosité pour les choses que l'on va voir que l'ennui de celles que l'on quitte.

— Plus ça change... plus c’est la même chose.

— On ne voyage pas pour voyager,mais pour avoir voyagé.

On n'invente qu'avec le souvenir. (Les Guêpes)

Plus ça change, plus c'est la même chose. (Les Guêpes)

Si l'on veut abolir la peine de mort, que Messieurs les assassins commencent. (Les Guêpes)

Un baiser : c'est une demande adressée au deuxième étage pour savoir si le premier est libre.

Les amis : une famille dont on a choisi les membres.

La Providence est le nom chrétien, le nom de baptême du hasard.

Les auditoires ne se composent pas de gens qui écoutent, mais de gens qui attendent leur tour pour parler. (Une poignée de vérités)

Les hommes ne vous trouvent sage que lorsqu'on partage ou approuve leur folie.

Une belle-mère, c'est une dame qui donne sa ravissante fille en mariage à un monstre horrible et dépravé pour qu'ils fassent, ensemble, les plus beaux enfants du monde.

Les femmes devinent tout ; elles ne se trompent que quand elles réfléchissent.

On ne voyage pas pour voyager mais pour avoir voyagé.

Ecrire : c'est le seul métier avec la politique que l'on ose faire sans l'avoir appris.

L'amour donne de l'esprit aux gens bêtes. C'est sans doute celui qu'il enlève aux gens d'esprit.

Je crois au Dieu qui a fait les hommes, et non au Dieu que les hommes ont fait.

La raison humaine est une plaisante chose : dans votre bouche, comme dans celle de tout le monde, "il a tort" veut dire : "il ne pense pas comme moi". "Il a raison" signifie : "Il est de mon avis".

Un service qu'on rend est une dette qu'on contracte.

Ne pas honorer la vieillesse, c'est démolir la maison où l'on doit coucher le soir.

Chez les Saxons, on pendait la femme adultère ou on la brûlait. Chez les Egyptiens, on lui coupait le nez. Chez les Romains, on lui coupait la tête. Aujourd'hui en France, on se moque du mari. (Une poignée de vérités)

L'âge auquel on partage tout est généralement l'âge où on n'a rien.

Il vaut mieux faire rougir une femme que de la faire rire.

Défiez-vous des mots sonores : rien n'est plus sonore que ce qui est creux.

On diminue la taille des statues en s'éloignant, celle des hommes en s'approchant.

Il ne faut pas attribuer à la vieillesse tous les défauts des vieillards.

Jamais il n'a été aussi facile de gouverner. Autrefois, il fallait chercher avec finesse par quelle monnaie on devait marchander les gens ; aujourd'hui tout le monde veut de l'argent.

Le roman est l'histoire éternelle du coeur humain. L'histoire vous parle des autres, le roman vous parle de vous.

Les apôtres deviennent rares ; tout le monde est Dieu.

Deux espèces de femmes : les unes veulent avoir de belles robes pour être jolies ; les autres veulent être jolies pour avoir de belles robes.

Si l'on veut gagner sa vie, il suffit de travailler. Si l'on veut devenir riche, il faut trouver autre chose. (Les Guêpes)

Ce que le monde vous pardonne le moins, peut-être, c'est de vous passer de lui.

Tout le monde veut avoir un ami. Personne ne s'occupe d'en être un.

La propriété est un piège : ce que nous croyons posséder nous possède.

Chaque homme a trois caractères : celui qu'il a, celui qu'il montre et celui qu'il croit avoir.

Entre deux amis, il n'y en a qu'un qui soit l'ami de l'autre.

L'amoureux est presque toujours un homme qui ayant trouvé un charbon ardent, le met dans sa poche croyant que c'est un diamant.

Des malheurs évités, le bonheur se compose.

Tant de gens échangent volontiers l'honneur contre les honneurs.

Entre tous les ennemis le plus dangereux est celui dont on est l'ami.


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Posté le : 23/11/2013 23:28
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René Barjavel 1
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Le 24 Novembre 1985 meurt à Paris, René Barjavel, il a 74 ans,

Romancier, nouvelliste, essayiste, chroniqueur, journaliste, scénariste/dialoguiste


il est né le 24 janvier 1911 à Nyons dans la Drôme et mort le 24 novembre 1985 à Paris, il est connu principalement connu pour ses romans d'anticipation où science-fiction et fantastique expriment l'angoisse ressentie devant une technologie que l'homme ne maîtrise plus.
Certains thèmes y reviennent fréquemment : chute de la civilisation causée par les excès de la science et la folie de la guerre, caractère éternel et indestructible de l'amour, Ravage, Le Grand Secret, La Nuit des temps, Une rose au paradis.

Son écriture se veut poétique, onirique et, parfois, philosophique. Il a aussi abordé dans de remarquables essais l'interrogation empirique et poétique sur l'existence de Dieu, notamment, La Faim du tigre, et le sens de l'action de l'homme sur la Nature. On lui doit en particulier les dialogues du Petit Monde de Don Camillo. Un concours de nouvelles de science-fiction se déroulant à Lyon porte son nom.Il est le précurseur de la science-fiction à la française


Généalogie de la famille Barjavel

René Barjavel a tenté de lui-même d'approfondir ses origines familiales ; il a ainsi cru pouvoir s'établir des origines paysannes, ce qui l'a amené à dédicacer Ravage

À la mémoire de mes grands-pères, paysans
Également, il déduit de rapprochements phonétiques une étymologie de son patronyme qu'il rapporte dans une interview à Evelyne Vivet en 1969 :

Mon nom, Barjavel, signifie "bavard" en provençal. Ce n'est sûrement pas à moi que ce terme s'applique car je suis très taciturne - et ma famille s'en plaint souvent - mais il s'agit à coup sûr d'un ancêtre qui devait autrefois "conter" des histoires au coin du feu à la veillée.
C'est sûrement de lui que j'ai hérité ce goût d'inventer des histoires, où je me libère du naturalisme, où je fabrique ma propre réalité.
Toutefois, sa cousine Mme S. Chamoux eut peu après l'occasion d'approfondir de manière plus rigoureuse ces données et elle lui révèla que si ses grands-parents directs, tant Émile Paget que Joseph Barjavel étaient certes paysans cultivateurs, ses ancêtres plus lointains, dont elle a remonté la généalogie jusqu'au XVIème siècle, constituent essentiellement une lignée de notaires, issue du Vaucluse. L'activité de notaire dans les siècles passés était très sollicité pour une multitude d'événements de la vie courante : contrats d'apprentissages, fermages, locations. L'étude des registres et actes révèle des détails savoureux de ces époques, que Mme Chamoux a elle-même utilisée pour sa propre généalogie dans son récit romancé, La Passe-Vogue voir une présentation.
On trouve un Casimir-François-Henri Barjavel historien à Carpentras au XIXème siècle, auteur en particulier d'un Dictionnaire historique, biographique et bibliographique du département de Vaucluse, d'une monographie sur "Notre Dame de Sainte Garde des Champs, son berceau, son accroissement, ses vicissitudes, sa transformation" édité à Carpentras, Joseph Rolland, 1865, et d'un Traité complet de la culture de l'olivier, Marseille : Camoin, 1830 ; un accusateur public près le tribunal criminel du département de Vaucluse, dont la Bibliothèque Nationale conserve les lettres à la Convention Nationale, Avignon, 17 germinal an II : 1894, ainsi que d'autres documents. De nombreux Barjavel habitent encore le département du Vaucluse, et leur parenté avec l'auteur est avérée.
Pour ce qui est de l'étymologie, Mme Chamoux lui indiqué que, phonétiquement, jamais le son dur barjacca ne peut évoluer en barjava
et que selon toute vraisemblance, l'origine en est à trouver dans le mot provençal barjaveu ou barjavoun qui désigne la petite plante connue sous le nom d'aphyllante de Montpellier ou "étoile du berger" (Aphyllanthes Monspeliensis L.), dont les petites fleurs parsèment les garrigues et sous-bois de leur bleu lumineux qui est celui

des yeux de René Barjavel et de tous les Barjavel que j'ai connus comme élèves à Nyons..
Ces "révélations" intéressèrent fortement l'écrivain qui venait alors de faire dans la Charrette bleue un premier voyage dans les origines familiales, et envisagea dérechef le projet d'écrire, en association avec S. Chamoux, une histoire de sa famille ainsi ré-explorée, qui aurait eu le titre "La Règle d'ébène et l'Encrier de Moustiers "du nom des objets-symboles du métier de notaire ancien). Malheureusement le décès de l'écrivain n'en permit pas la réalisation.
On peut s'étonner qu'une histoire familiale s'oublie en si peu de générations ; les ancêtres "récents" il est vrai de la famille Barjavel sont inhumés au petit cimetière de Tarendol où repose maintenant l'auteur, et il semble donc pourtant que la tradition de leurs origines ne soit pas parvenu jusqu'au jeune René.

Enfance à Nyons(1911 - 1922)

René Gustave Henri Barjavel est né le 24 janvier 1911, dans la chambre du rez-de chaussée de la rue Gambetta

à Nyons dans la Drôme, naissance dûment déclarée le soir même à l'État-Civil.
Le point de départ que constitue cette date est cependant présenté par l'auteur comme une étape dans sa vie familiale, car c'est quelques années auparavant qu'il fait débuter son autobiographie quelque peu romancée, La Charrette Bleue.
En effet, sa mère, née Marie Paget en 1883, a épousé Henri Barjavel le 27 septembre 1909, après le décès de son premier mari, Émile Achard, qui était boulanger à Nyons, 6 rue Jean-Pierre André.
De quelques années plus jeune que Marie, Henri avait été l'ouvrier d'Émile Achard, puis, comme le raconte l'auteur avec beaucoup de délicatesse dans la Charrette bleue, il épousa Marie et la famille emménagea rue Gambetta, le fournil et la maison rue Jean-Pierre André étant vraiment trop petits, il est donc clair que René Barjavel n'y a jamais habité. .

Du premier mariage de Marie avec Émile Achard naquirent deux fils, Paul, né en 1903 et Émile, né en 1905, âgés de 8 et 6 ans à la naissance de leur demi-frère René.
Cette famille "recomposée" a vécu dans une très bonne entente, entre l'école primaire, supportée sans grand enthousiasme par le petit René, pour qui
c'était les travaux forcés, le bagne, l'horreur
et les vacances chez l'oncle César Paget qui habitait une ferme au hameau des Rieux .
Le jeune René était surtout entouré de présences féminines : sa mère, ses tantes et ses cousines, dont Nini à laquelle il restera attaché toute sa vie.
Le 29 mai 1922 Marie succombe des suites de la maladie du sommeil, apportée par les soldats coloniaux de la première guerre mondiale et véhiculé aussi par les taons communs, et qui ne fit pourtant que deux victimes en France. Sa mort laissa René alors agé de 11 ans extrêmement déstabilisé, et, comme le dit Mme Chamoux dans ses présentations de l'auteur ,
les mois passés à Nyons qui ont suivi la mort de sa mère ont été la période la plus pénible de la jeunesse de René.
À cela il faut ajouter les cancans pas toujours bienveillants des "commères" de Nyons à l'égard d'un jeune garçon un peu désemparé
J'ai été quelque peu leur victime à l'âge de quatorze ans, l'âge de mes amours passionnées et innoncentes. J'étais Roméo mais je ne montais pas à l'échelle. Elles voyaient déjà la fille enceinte. Elle avait quinze ans. Je me promenais avec elle en lui tenant la main. Elles mesuraient de l'œil son tour de taille... C'est un peu à cause d'elles que j'ai dû quitter Nyons pour devenir pensionaire au collège de Cusset. Je devrais leur en être reconnaissant...
Henri Barjavel vend la boulangerie peu après pour reprendre un café de Nyons avenue de la Gare, et Paul et Émile partent vers leur destinée...
Émile Achard, très bon auteur aussi fut a son époque le plus jeune ingénieur civil de France et a construit de nombreuses routes et ponts dans la Drome et partout en France. Leur frère aîné Paul est devenu capitaine au long-cours.
Ce fut en s'aidant des souvenirs d'Émile que fut écrite La Charrette bleue bien des années après .

Les années de jeunesse. Cusset et le Bourbonnais

Aussi est-ce pour lui un changement de vie apprécié lorsque le proviseur du collège de Nyons, M. Abel Boisselier, est muté à Cusset, près de Vichy et lui propose de l'y suivre en devenant pensionnaire. Les années de jeunesse passées à Cusset seront semble-t-il les plus heureuses : les méthodes d'enseignement du proviseur, très modernes pour l'époque, il instaura unilatéralement la mixité dans les classes à l'insu de l'Inspection Académique laissaient s'exprimer la créativité des élèves en leur offrant des possibilités de développement de leur ouverture d'esprit et du sens de l'autonomie.
De toute évidence, le jeune René prit goût à la région, qui allait par la suite influencer de manière parfois indirecte un bon nombre de ses œuvres, par l'atmosphère des lieux "Les Enfants de l'ombre."

On notera aussi qu'il écrivit des années plus tard le texte du chapitre Provinces du centre du guide touristique Provinces de France, avec de jolies descriptions de la région .
L'auteur se montre cependant très discret sur l'"intimité" de sa jeunesse. On apprend au détour d'un article du Journal du Dimanche, Les petits bals de ma jeunesse, 18 juillet 1976 que le proviseur facilitait les sorties dansantes du samedi soir, et, dans une interview rapportée dans l'édition Le Tallandier du Journal d'un homme simple, il confie :
"A ce moment-là commence la période la plus riche de mon existence, mon passage au collège et une grande histoire d'amour que je ne raconterai jamais, parce que c'est mon trésor personnel et qu'elle m'a ébloui pour le reste de ma vie... Toutes mes héroïnes, par la suite, en ont été des avatars, toutes mes histoires d'amour en portent la trace."
Il semble donc clair que Tarendol en porte non seulement la trace, mais l'inspiration, bien que l'auteur reste vraiment très réservé sur sa vie privée.
Les études secondaires finies, René se trouve bachelier, essentiellement grâce à la Littérature qu'il a vraiment découverte dans ce collège :
"J'étais un grand lecteur et la vocation d'écrire s'est emparée de moi. Je ne savais pas quoi ni comment, mais j'avais ce désir. Cela m'a valu, sans doute, de passer mon bachot malgré mon peu de performance dans les sciences exactes"
Mais avec peu de famille, et sans argent, poursuivre ses études n'est guère réalisable. Boisselier l'emploie comme "pion" au collège, puis lui procure un travail d'appoint :
"chez une de ses connaissances qui était un peu escroc sur les bords et tenait, à Vichy, une agence immobilière. Mon travail a duré trois semaines. Mon patron m'avait envoyé encaisser une traite chez un avocat du coin. Il s'agissait de trois mille francs environ de l'époque. L'avocat m'a fait répondre qu'il n'était pas là. Je lui ai laissé la traite - que mon employeur, cela va sans dire, n'a jamais revue. Là s'est terminée ma carrière dans l'immobilier."
Puis il donne des cours particuliers d'anglais..:
"une langue que je connaissais aussi peu que mes élèves. Il fallait que je prépare chacun de mes cours, que j'apprenne la veille ce que j'allais enseigner le lendemain et surtout qu'ils ne me posent pas de questions."
il devient quelque temps employé à la Banque Populaire :
"J'avais affaire à d'immenses registres, où se trouvaient les comptes de la clientèle. C'est moi qui devait faire les additions. J'en faisais plus qu'il n'était utile, car, à chaque fois, le total était différent. Je divisais ces grandes colonnes en petites, ce qui n'arrangeait rien car je continuais de me tromper dans les additions partielles. Je suis parti."
Mais enfin, à dix-huit ans, la chance se présente à lui avec le journalisme au Progrès de l'Allier, quotidien de Moulins :

Son propriétaire était Marcel Régnier qui était, alors, une lumière du parti radical-socialiste, sénateur de l'Allier, ministre des Finances. Cet organe de presse lui servait avant tout pour les élections. Mais enfin on paraissait tous les jours dix ou douze mille exemplaires. Dès le premier jour, j'y ai fait ma chronique. Anonyme, bien entendu. Le personnel du journal n'était pas pléthorique. Il y avait un directeur qui s'appelait René Lamy et lorsqu'il s'est aperçu que j'accomplissais bien ma tâche, on ne l'a plus vu au journal. Je suis donc resté seul. L'après-midi, je faisais le tour de la gendarmerie, du commissariat de police. Ma prose se limitait à ce style que Stendhal, grand amateur du code civil, eût sans doute apprécié : "Il a été trouvé, devant l'épicerie de Mme Dublin, un gant de filoselle de la main gauche : prière de le réclamer à la mairie." Il n'y avait pas, comme vous le voyez, un mot de trop. Le soir, je venais au journal vers sept heures. J'y trouvais les dépêches des correspondants locaux, secrétaires de mairie, instituteurs et autres, et surtout je recevais, merveille des merveilles, l'édition du jour de Paris-Midi, qui était tombée le matin même et avait pis le train pour Moulins. Alors les ciseaux accomplissaient mon ouvrage. Je faisais mon journal avec tous les articles de Paris-Midi qui n'étaient pas signés. Je recevais aussi des dépêches d'une agence de presse qui s'appelait "Radio". On ne pouvait, évidemment, s'en servir que pour des événements exceptionnels car les droits étaient chers. Après la copie, je corrigeais les épreuves, je faisais la mise en page et j'accompagnais le journal jusqu'à son tirage. Vers une heure du matin, mon travail était terminé.
Il y acquiert une expérience mais surtout une passion pour un métier qui restera le sien toute sa vie, et aussi pour le monde de l'écrit et ses techniques.
Mais le journal, chargé aussi de couvrir l'activité culturelle de la région, est pour Barjavel l'occasion d'organiser des conférences (pour l'Université Populaire en particulier, dont celle sur Colette, le 21 février 1934 à Vichy puis le 13 mars à Moulins, qu'il formalisera dans ce qui est en vérité son premier livre de 45 pages, Colette à la recherche de l'amour, édité chez La Nouvelle Province Littéraire et tiré à quelques quatre cents exemplaires sur les presses du Progrès de l'Allier le 30 mai 1934.

C'est à l'occasion d'une conférence organisée à Vichy par le journal dans le cadre de la Foire-Exposition fin août 1935 que l'éditeur Robert Denoël, belge installé à Paris depuis 1926, est invité à parler des rapports entre éditeur et auteurs.

J'étais fou de littérature et pour moi, à cette époque, Denoël était le Phénix. Il avait édité le Voyage au bout de la nuit de Céline qui venait d'avoir le prix Renaudot... On m'a chargé de le présenter au public. Je suis allé l'attendre à la gare. C'était un grand garçon à peine plus âgé que moi.
Après sa conférence, nous avons passé la nuit à bavarder. Je ne sais qui lui a envoyé le compte-rendu que j'avais fait de sa conférence et de l'interview qu'il m'avait donnée. Il m'a télégraphié en me demandant si je voulais venir travailler chez lui. Inutile de dire que j'ai donné tout de suite mes huit jours au Progrès de l'Allier et je suis monté à Paris.
On pouvait lire ce compte-rendu que fit Barjavel dans Le Progrès de l'Allier du 1er septembre 1935, ainsi qu'un article de René Laporte dans Micromégas, Courrier critique et technique du livre moderne qui présente en mars 1937 R. Denoël dans un article sous le titre “À quoi rêve un éditeur ?”
Mais ce ne fut en réalité pas si "immédiat". En effet, R. Denoël s'était attaché à Paris les talents d'une de ses amies, Irène Champigny, jeune femme plus ou moins morphinomane et très férue de graphologie, et souhaitait lui faire valider les "aptitudes" de Barjavel par un examen de son écriture. Or Barjavel s'obstinait à téléphoner à Denoël en vue de "provoquer son invitation", et ce n'est que lorsqu'il lui écrivit enfin que l'éditeur, enthousiasmé sans doute par les avis de son amie, l'invita rapidement... Il quitté ainsi le Bourbonnais fin septembre 1935, après y avoir participé à l'organisation de la Revue du Petit Casino de Vichy, spectacle cloturant la saison et regroupant des sketches et saynètes héroï-comiques écrites par Barjavel et quelques autres jeunes gens.

Barjavel resta pour toujours fidèlement redevable à R.Denoël,
le plus merveilleux éditeur du monde...
Entre temps, il a fait la connaissance de Madeleine de Wattripont, parisienne d'origine belge, Wattripont est un village près de Frasnes lez Anvaing dans le Hainaut Occidental qui travaillait dans une petite société liée aux éditions Denoël, L'Anthologie Sonore, qui éditait des phonogrammes, disques 78 tours de pièces de musique ancienne. Ils se marient en 1936, et deux enfants sont nés : Renée en mai 1937, et Jean un an après.

Les débuts à Paris avant la guerre.

Les premières années à Paris lui font découvrir le monde des lettres et de l'édition. Il se lie avec certains membres proches du mouvement "Le Grand Jeu", constitué autour de la revue du même nom qui, même si elle n'avait vu paraître que trois numéros dans sa brève existence en 1929, eut une influence discrète mais importante sur les mouvements d'idées aussi bien dans l'Art que la Littérature. Parmi eux Luc Diétrich, René Daumal, Lanza del Vasto et Philippe Lavastine, dont il restera toujours un très grand ami, qui eurent un autre "centre" commun, l'Enseignement de G.I. Gurdjieff.
Barjavel lui-même fut élève de cet Enseignement "initiatique" auprès de Jeanne de Salzmann, qui a hébergé quelques temps R. Daumal et P. Lavastine, qui devient d'ailleurs son gendre en épousant sa fille Boussik, P.Lavastine travaillait aussi à l'époque chez Denoël où il était rédacteur et traducteur. Barjavel eut l'occasion de rencontrer Gurdjieff lui-même une fois à l'un se ses diners, rue des Colonels Renard, à la fin de la guerre, et il confirme que malgré la personnalité du "gourou", son Enseignement eut sur lui une influence considérable.
Mais je sais que j'ai bu là la vérité, à cette source de vérité d'où coule toute la sagesse du monde, et où se sont formées les religions, fleuves qui s'éloignent chaque jour de leur source. Si je deviens un jour quelque cnose de moins malodorant que l'étron fondamental, ce sera le résultat d'une longue et lente lutte que je n'aurais sans doute jamais entreprise si je n'avais pas rencontré le "groupe" Gurdjieff. C'est tout ce que je peux dire aujourd'hui, mais c'est une certitude.

En 1936, son enthousiasme pour le métier des lettres l'amène à fonder avec Jean Anouilh la revue littéraire La Nouvelle Saison.

Lorsque la guerre éclate en août 1939, Barjavel a déjà acquis une position notable chez Denoël car il y est chef de fabrication, après avoir exercé différentes fonctions, au début très "manuelles", qui lui ont appris toutes les finesses du métier : magasinier, emballeur, lecteur, chef d'atelier, et il y finira directeur littéraire.
À son arrivée à Paris il s'était tout d'abord installé près de Montparnasse, quartier qui lui restera cher. Il emménage ensuite avec sa femme et leurs deux enfants rue Lacretelle, près de la porte de Versailles, d'où il écrira ses premiers romans ainsi que le Journal d'un homme simple dans lequel il présente avec affection ces lieux qui ont marqué ses débuts, Tarendol, écrit en 1944, se réfère aussi à la rue Lacretelle.
La situation financière est cependant souvent délicate, car Denoël ne payait jamais personne parce que, lui-même, n'avait jamais d'argent. Il réglait ses auteurs mais pas ses employés ! Pendant des années, je n'ai pas su ce que je gagnais : Denoël, le soir, prenait la caisse et donnait quelques sous à chacun. Je n'avais jamais pu m'acheter des meubles. Pour ma femme, c'était dur.
Ces traits caractéristiques de Denoël sont confirmés - parfois avec ressentiment - par d'autres auteurs qu'il éditait, tels L.F.Céline qui écrivait en 1947 :
Mes romans me rapportaient un million par an en 1944 - et à mon éditeur, le malheureux Denoel largement le double - je tombe de haut vous le voyez - j'étais l'auteur le plus cher de France ! Ayant toujours fait de la médecine gratuite je m'étais juré d'être l'écrivain le plus exigeant du marché - et je l'étais.
et aussi Albert Paraz :
Est-ce à dire que j'en veuille à Denoël ? Jamais de la vie. C'était un bon négrier. J'ai connu pire. J'en ai usé dix depuis la Libération. Il se valent.
Chez Denoël, il s'occupe d'une revue mensuelle grand format, Le Document :
C'était une sorte de Paris-Match mais mensuel et, chaque fois, un seul sujet y était traité : le Pape, le Front commun, etc. Une bonne formule pour le public, mais qui a été catastrophique pour Denoël.
Il tient aussi la rubrique de critique cinématographique à l'hebdomadaire "Le Merle Blanc", dirigé par E. Merle, où il écrit sous le pseudonyme de G.M.Loup, Grand Méchant Loup des articles sans concession et parfois acides sur les films, acteurs et personnalités qui font l'actualité du cinéma. Ces articles s'interrompent fin septembre 1937 au numéro 182 dans lequel est annoncé "samedi prochain : René Barjavel" - qui enchaîne en effet sous son vrai nom à partir du numéro 184 du 9 octobre 1937.
"Le Merle blanc" lui-même changera de temps en temps de nom et deviendra "Le Merle" tout court, paraissant alors le vendredi au lieu du samedi...

Jeune écrivain des années 40

La mobilisation générale le 2 septembre 1939 et la déclaration de la guerre, le 3 septembre font que son article du 1er septembre, Derniers soupirs grave et préoccupé, et à la mise en page bizarre comme si certains paragraphes en avaient été - déjà ? - censurés in extremis, aura été le dernier.
Barjavel part pour le front où il est caporal d'intendance d'un régiment de zouaves. La guerre ne se présente pas du tout comme l'opinion publique s'y attend, car

... la guerre nous apporta le soulagement. On se dit : "Enfin nous allons en finir avec ce fou !" Hitler Nous étions persuadés que nous serions de retour dans trois semaines. On nous avait tellement dit qu'il n'avait que des tanks en carton...
J'ai écrit à ma femme que ce serait bientôt fini et que dans huit jours je serai là. Nous n'avions pas la télévision mais nous avions les actualités cinématographiques. Régulièrement, on nous montrait l'armée allemande dans un état pitoyable. J'ai encore dans les yeux l'image d'une fantassin marchant courbé sur un champ de bataille derrière un char peint sur un panneau ! En revanche, les défilés du 14 juillet nous montraient les plus fiers régiments de l'armée française, des chars qui défilaient, des avions.
La débâcle de 1940 laisse ce qui reste de l'armée dans l'incompréhension, et sans chefs, sans ordres, ils errent sur les routes, dans les champs, traversent la Seine puis la Loire en évitant Dunkerque.
On se nourrissait comme on pouvait, dans les fermes abandonnées, puis la Loire traversée, de nouveau les paysans étaient là, auprès desquels on pouvait trouver de la nourriture. Quand nous entendîmes la voix de Pétain à la radio annonçant l'armistice - je me souviens, c'était la radio d'un camion militaire au bord de la route - ce fut pour tous un immense soulagement. On a eu mal après. Mais sur le moment... On ne savait plus où on allait, où tout cela allait finir - aux Pyrénées ?
René Barjavel séjourne dans un camp de regroupement près de Bordeaux, dont il garde un très mauvais souvenir, puis est envoyé dans une vallée pyrénéenne en attendant sa démobilisation. Il rejoint enfin sa famille dans l'Isère mais comme Denoël a été mobilisé dans l'armée belge et a fermé son établissement parisien, il n'a plus de travail. Des amis le présentent à un éditeur de Montpellier, M. Causse qui possédait le seul quotidien de France, et sans doute du monde, consacré au vin, La Journée vinicole. II éditait aussi un tout petit journal, L'école étudiante et souhaitait qu'il devienne l'organe de presse de tous les étudiants de la zone libre. Il me l'a confié. Je ne restais que quelques mois mais ce fut formidable. J'ai fait débuter ainsi des hommes de grand talent : Jacques Laurent, François Chalais, Yvan Christ, Raymond Castans...
Il habitait alors avec sa famille à Palavas-les-Flots, petit village de pêcheurs où séjournaient de nombreux réfugiés, où l'accueil ne fût pas particulièrement chaleureux. Pourtant René Barjavel n'en gardera aucune amertume et, au contraire, se montrera par la suite très amical à l'égard de cette région où il retournera en 1950.
Fin 1940, le polytechnicien Pierre Schaeffer, alors âgé de 29 ans et ingénieur à la radio, lui aussi élève de l'Enseignement de Gurdjieff avec Barjavel chez Mme de Salzmann, il dirigera des années plus tard le service de la recherche de l'ORTF crée et anime le mouvement Jeune France dont le but est "d'aider les jeunes artistes en leur proposant d'animer des soirées de jeunes réduits à l'inaction par la débâcle". Un bureau d'études anime et coordonne sept sections artistiques, et Barjavel a en charge la section littéraire de Lyon, aux côtés de Claude Roy et Albert Ollivier. Une autre section s'occupe à Paris de la zone occupée. Ce mouvement, apolitique, est pour ceux qui y participent une aventure passionnante mais éprouvante, car les problèmes de fond créent, dès qu'ils sont abordés, des dissensions intenses. Si le cœur du projet est de doter chaque région d'un centre culturel, ce concept de "décentralisation" ne sera concrétisé que bien des décennies après. En mars 1942 P. Schaeffer, trop en désaccord avec le gouvernement qui a aboli les droits de l'homme, interdit les syndicats et réintroduit le délit d'opinion, abandonne et dissous le mouvement.

Barjavel et sa famille rejoignent ensuite Paris où la vie reprend sous l'Occupation allemande, période trouble qui force les uns et les autres à user parfois d'expédients pour subvenir aux besoins familiaux.
L'éditeur Denoël, rentré à Paris et qui a ouvert sa maison - en piteux état - le 5 octobre 1940, se trouve contraint à une association avec un allemand, Wilhelm Andermann, éditeur d’art berlinois qui prend une part du capital de la maison, et les impératifs éditoriaux de l'époque obligent à certaines teintures de pensée pour ne pas déplaire à l'occupant et obtenir les quotas de papier nécessaires à la production.
Ainsi Denoël, qui semble d'ailleurs avoir professé une certaine forme de sympathie pour l'Allemagne, publie-t-il certains auteurs franchement collaborationnistes tels que L.F. Céline, R. Brasillach et L. Rebatet, ce dernier originaire de la Drôme comme Barjavel avec qui une certaine sympathie semble s'être nouée.

Barjavel est alors devenu directeur littéraire des éditions Denoël, et il est indéniable qu'il fréquente alors tout le monde de la littérature de l'époque.
En 1942 il est chargé de diriger la collection pour la jeunesse "La Fleur de France", qui semble obéir à une ligne de pensée à la gloire des héros de l'histoire de France, sans doute inculquée par les autorités de l'époque. Il en publie d'ailleurs l'un des premiers titres : Roland, le chevalier plus fort que le lion. C'était là son premier livre d'"édition", et il y croyait si bien qu'il avait fait faire un tirage démesuré ; à la Libération il en restera des centaines dans les caves de l'éditeur, qui durent être pilonnés, faisant de ce premier ouvrage la rareté qu'il est devenu maintenant.

Il avait toutefois déjà préparé d'autres romans, dont la publication ne fut pas vraiment envisagée, mais qui se transformèrent sous les conseils de Denoël pour devenir les autres premières œuvres de l'auteur. Ainsi on trouve des extraits d'un "projet" intitulé L'Apprenti dans la revue littéraire La Nouvelle saison, qui contient ce qui devait devenir la scène du vol des fraises dans Tarendol.
Ce projet avait semble-t-il mûri au début de son séjour à Paris pour prendre la forme d'un manuscrit complet, François le fayot.
Ce livre était inspiré par les souvenirs de mon service militaire. J'étais violemment anti-militariste. Aujourd'hui, le garçon que j'étais collaborerait à Libération. J'avais été dans l'infanterie à Chaumont. La discipline imbécile de l'époque, la sottise idiote des sous-officiers, tous vérolés, idiots...
Sentir que ces gens-là avaient sur moi un droit de vie et de mort... Pour la moindre bêtise, c'était le tribunal militaire, les bat'-d'af... J'en avais ressenti une telle rancune que j'avais écrit François le fayot. Le "fayot", vous le savez, était celui qui avait rempilé : un épouvantable personnage, une brute, un bon à rien...
Quand je suis revenu, j'ai retrouvé ce manuscrit dans un tiroir, je l'ai relu. C'était abominablement mauvais. Je l'ai jeté, mais une graine en est restée, celle de l'histoire d'amour qu'il contenait. C'est devenu plus tard Tarendol.
En 1942, l'atmosphère de l'occupation, les visions des villes bombardées et peut-être aussi certaines idées de l'époque l'inspirent pour un roman qu'il avait imaginé quelques années avant la guerre. Il prévoit de l'intituler « Colère de Dieu » et, pour le publier, le soumet à Denoël. Celui-ci n'a pas aimé le titre, Colère de Dieu. Il a quand même lu le manuscrit dans la nuit et, le lendemain, il a consacré sa matinée à me montrer quels étaient mes défauts et mes qualités. Il a remplacé le titre par celui de Ravage. J'étais jusque là un journaliste, il a fait de moi un écrivain. En cette matinée, il m'a appris mon métier. C'était un homme fantastique. A part Céline, tous ceux qui sont passés chez lui lui doivent quelque chose de leur talent. Denoël était un éditeur dans le grand sens du mot.
Le roman est conçu dans le genre qualifié maintenant de science-fiction, pour

échapper au traditionnel roman d'analyse psychologique. Aux "états d'âme". A la "littérature". Les drames, les comédies, les tragédies même, personnelles, familiales, nous les vivons, nous sommes plongés dedans chaque jour, saturés, submergés, glouglou... Je n'ai aucune envie de les retrouver dans les livres, ni ceux des autres ni les miens. La S.-F. permet d'ouvrir des fenêtres vers tous les horizons du temps et de l'espace et de s'intéresser à de vastes problèmes qui concernent non plus tel ou tel couple ou trio ou quatuor, dans ses exercices toujours recommencés, mais l'espèce humaine tout entière. C'est le sort des hommes qui m'intéresse, non celui d'un seul.cependant, l'auteur le présente comme "Roman extraordinaire" et non de science-fiction;
Je n'avais pas employé le mot, à l'époque, ne fut-ce que parce qu'il était inconnu du public français. J'avais baptisé mon livre "roman extraordinaire", en hommage à Jules Verne qui avait baptisé les siens "voyages extraordinaires". En fait, le mot qui était alors en vogue était celui d'anticipation.
Ce fut donc Ravage, paru en 1942, voir la page "écrit" qui présente l'analyse de l'œuvre, et dont les influences et idées sous-jacentes laissent encore planer parfois des sentiments mitigés, que la page Influences dans l'écriture de Ravage se donne pour objectif de clarifier.
Le roman connait alors un certain succès, et Barjavel écrit l'année suivante Le Voyageur imprudent, qu'il publie tout d'abord en feuilleton du 24 septembre 1943 au 14 janvier 1944 dans la revue "collaborationniste" de Brasillach et Bardèche, "Je Suis Partout". Il a aussi publié dans ce même journal trois nouvelles, qui seront plus tard regroupées dans le recueil La Fée et le Soldat en 1945 : Les mains d'Anicette le 24 mars 1943, La fée et le soldat le 18 juin 1943 et Péniche, le 3 septembre 1943. Publications a priori dénuées d'arrière-pensée politique, mais qui seront reprochées à l'auteur à la fin de la guerre lors de la campagne d'"épuration", ce qui lui vaudra d'être inscrit sur la première "liste noire" d'auteurs suspects publiée par Les Lettres Françaises le 16 septembre 1944. Cependant, il en est retiré rapidement et se trouve "blanchi" de ses accusations, en particulier grâce à une lettre de Georges Duhamel à la direction de ce comité qui l'innocentait complètement. Il s'en est par ailleurs expliqué auprès de l'écrivain J. Assouline, qui en rapporte des détails dans son livre l'Épuration.
En janvier 1944, l'académie Goncourt étant quelque peu désorganisée, un jury alternatif s'est constitué pour décerner à Barjavel Le Prix des Dix. Ces dix humoristes étaient en fait des amis et collègues de Barjavel dont on retrouve les noms au bas d'articles du Merle Blanc et plus tard de Carrefour.

Grâce à son expérience de la critique cinématographique et son intérêt pour le Septième Art, dont il devine qu'il est appelé à un avenir qui dépassera les limites que les restrictions techniques lui imposent, il écrit en 1944 un petit livre visionnaire, Cinéma Total - essai sur les formes futures du cinéma. Cet ouvrage est maintenant épuisé depuis longtemps, et ne fut pas ré-édité sous cette forme, en France tout du moins ; Il demeure toujours présent à la mémoire de spécialistes du cinéma, et on y trouve des anticipations étonnantes du multimédia et du cinéma en relief qui justifieraient que le souvenir de l'auteur soit honoré au Futuroscope de Poitiers par exemple...
Après la Libération, la situation allait tourner plus mal pour Denoël : accusé d'entente avec l'ennemi du fait de son association avec W. Andermann et surtout de publications d'écrivains collaborationnistes notoires, et en dépit d'éditions d'un bord opposé telles que Louis Aragon et Elsa Triolet, il est suspendu de ses fonctions par le Comité d'Épuration du Livre qui, le 20 août 1944, fait nommer par le ministère de la production industrielle un administrateur provisoire, Maximilien Vox (pseudonyme de Samuel William Monod. Ce dernier était lui-même éditeur, imprimeur et graveur en 1894-1974, il a laissé son nom à une classification typographique créée en 1954, maintenant universellement utilisée : il n'avait guère de temps à consacrer à la maison Denoël. C'est donc Barjavel qui la dirigea durant des mois, rendant compte à Denoël jour par jour de la marche des affaires et des manuscrits déposés. Il aida aussi l'éditeur à constituer ce qu'on appela ensuite son "dossier noir", qui contenait des éléments à charge de la plupart de ses confrères non épurés.
Denoël fut convoqué à comparaître, mais fut assassiné dans des circonstances encore non élucidées le soir du dimanche 2 décembre 1945, quelques jours avant son procès. Ce soir-là, le "dossier noir" disparait mystérieusement. Barjavel jura ensuite qu'il ne contenait que des coupures de la "Bibliographie de la France", mais ce n'était guère convaincant : le portefeuille de l'éditeur, qui contenait 12.000 F, n'avait pas été dérobé, alors qu'un dossier contenant de simples coupures de presse restait introuvable...
La "fidélité" de Barjavel envers Denoël semble être ce qui l'amène à témoigner curieusement lors de la succession de celui-ci au détriment de Mme Cécile Denoël, en "authentifant" l'écriture de Robert Denoël - alors contestée par sa veuve depuis quatre ans - sur l’acte de cession de ses parts aux Editions Domat-Monchrestien, gérées par Jeanne Loviton, maîtresse de Denoël avant sa mort. "Un Cinquantenaire oublié" de Mr H.Thyssens tente de faire le point sur les circonstances de son assassinat.
Par la suite, Barjavel rédigea un récit intitulé "Les sept morts de Robert Denoël", qui passait en revue, sur le mode romanesque, les différentes versions de ce crime non élucidé ; ce texte ne fut cependant jamais publié.

La maturité : Cinéma, et grands livres

Après la guerre, Barjavel reprit ses activités de critique et continua d'écrire dans France-Hebdomadaire et surtout Carrefour la chronique de théatre.
Ce journal hebdomadaire, créé fin août 1944 par Émilien Amaury, accueillit durant de nombreuses années les grandes signatures de la presse française, dont François Chalais "lancé" à Montpellier comme on l'a vu, qui tiendra aux côtés de Barjavel la rubrique de cinéma. À cette activité de critique, qui est pour Barjavel une passion tout autant qu'un gagne-pain, Barjavel ajoute l'écriture d'autres livres, et il publie ainsi le recueil joliment illustré par Pribyl, de nouvelles un peu fantastiques La Fée et le Soldat, contenant les trois textes publiés dans "Je Suis Partout" en 1943 en 1945, puis Tarendol, roman d'amour dont il a été dit plus haut les sources autobiographiques, et qui plonge aussi dans l'actualité douloureuse de la guerre. Un second recueil de nouvelles, Les Enfants de l'ombre en 1946, reprend et complète le premier, et un nouveau roman de science-fiction paraît en 1948, Le diable l'emporte.
Mais ses activités le forcent à un rythme de travail soutenu, du fait de l'obligation d'assister aux premières des spectacles pour en remettre l'article dès le lendemain matin... Situation qui, combinée aux impératifs de la vie familiale, le forcent en octobre 1950 à un repos forcé en province car la maladie, la tuberculose s'est déclarée, heureusement décelée à temps par son très consciencieux médecin, le docteur Rollin, comme il le raconte dans Le Journal d'un homme simple.
Ce "repos" est en fait un déménagement familial dans le Midi en décembre 1950, il semble que ce soit à Montbrun les Bains où un établissement thermal soignait cette affection, et est en fait l'occasion pour lui de remettre en forme et compléter ses "notes personnelles" qui vont devenir ce Journal d'un homme simple, publié en 1951.

Et il ne cesse pas non plus son activité de journaliste, car c'est désormais la chronique de critique radiophonique qu'il assure à Carrefour à partir de l'été 1951 : comptes-rendus d'auditions d'émissions diverses, un genre que l'on peut difficilement imaginer de nos jours...

La fin des années 40 l'a aussi amené à une activité créatrice complétant celle de critique et d'essaiste, puisqu'il commence à être présent dans le monde du cinéma en écrivant en 1947 les dialogues d'un premier film de Georges Régnier : Paysans Noirs, alias Famoro le tyran, d'après un roman de Roger Delavignette.
Il écrit aussi les commentaires d'un reportage "Télévision oeil de demain".
Cette époque est celle du procès de L.F. Céline, pour qui il ne cache pas son admiration, tant par un chapître du Journal d'un homme simple, édition de 1951 qui lui est presque entièrement consacré, L'Homme et le homard, que par ses lettres à divers écrivains et personnalités dans lesquelles il prend la défense de son aîné.
Et le déplacement de son activité vers le cinéma relève peut-être aussi d'une prise de distances vis à vis du monde de la littérature qu'il trouve si ingrat.
En 1949 il participe au scénario de Donne senza nome, Femmes sans nom de Géza von Radványi, collaboration évoquée dans le Journal d'un homme simple, et c'est en 1951 que son activité dans ce domaine prend un tournant décisif avec Le petit monde de Don Camillo de Julien Duvivier, d'après le roman de Giovanni Guareschi. À cette occasion, il fait la connaissance de Guareschi venu à Paris pour préparer le film, et lui fait découvrir la capitale, et aussi... le pastis, dont Guareschi eut du mal à se remettre.
Film dont le succès l'étonna pendant longtemps, et qui ne contribua pas immédiatement à améliorer sa situation financière ! En effet, alors que les autres membres de l'équipe avaient été payés sur les recettes, Barjavel, jeune débutant dans ce métier, ne l'était contractuellement qu'au forfait. Mais le fisc ne conçut pas la chose ainsi dans un premier temps, et l'auteur dut batailler auprès de son percepteur pour contester un redressement fiscal résultant d'une imposition d'office sur la base du succès du film...
Ce démarrage dans le monde du cinéma amena Barjavel à en faire son activité principale, comme scénariste et dialoguiste.
Une tentative de réalisation d'une adapation de la pièce Barabbas de Michel de Ghelderode à Collioure n'aboutit pas, malgré l'enthousiasme de l'équipe d'amis qu'il avait constituée, Le Journal d'un homme simple en rapporte les péripéties parfois émouvantes, et on peut aussi trouver la trace de courts métrages :

Les Hommes de fer documentaire sur les armures du Musée de l'Armée, 1953, dont il dit :
Il y a des trésors inestimables, des armures gravées comme des œuvres d'art. On pouvait y voir l'armure de Jeanne d'Arc, qui avait la particularité d'avoir une braguette formidable...
Monsieur Lune habille son fils dont certanes scènes seront reprises dans Parisien malgré lui / Toto à Paris en 1958,
l'histoire d'un petit banlieusard qui veut acheter un costume neuf à son fils dans un grand magasin parisien.
Premier Roman
l'histoire d'un jeune écrivain dont les jurés du prix Goncourt chuchotent qu'ils vont lui donner le prix... Il y croit, son éditeur aussi qui fait un gros tirage et prépare les manchettes, les cocktails, le champagne pour les journalistes... Et c'est un autre auteur qui a le prix... C'est une histoire qui m'est arrivée, pas pour le Goncourt, mais pour le Fémina. Une expérience effrayante !...
Adaptations, scenarii et dialogues constituèrent donc son activité principale jusqu'au milieu des années 60, avec les réalisations de

Le Témoin de minuit (1953), de Dimitri Kirsanoff
Le Retour de Don Camillo (1953), de Julien Duvivier (Il Ritorno di Don Camillo)
L'Étrange désir de Monsieur Bard (1953), de Géza von Radványi
Nuits andalouses (1953) de Ricardo Blasco et Maurice Cloche (Noches andaluzas)
Le Mouton à cinq pattes (1954) (dialogues),
Les Chiffonniers d'Emmaüs (1955), adaptation du livre éponyme de Boris Simon (1954)
Don Camillo et Peppone (1955) (dialogues français) (Don Camillo e l'onorevole Peppone)
Goubbiah, mon amour (1956)
Les Aventures de Till L'Espiègle (1956), avec Gérard Philipe
La Terreur des dames (alias Ce cochon de Morin) (1956)
L'Homme à l'imperméable (1957) (dialogue, d'après un roman de J.H. Chase, tiger by the tail)
Le Cas du docteur Laurent (1957)
Les Misérables (1957), monument du cinéma en deux périodes, avec Jean Gabin
Parisien malgré lui (1958) (alias Toto à Paris)
Femmes d'un été (1958)
Mademoiselle Ange (1960), de Géza von Radványi
Boulevard (1960) (alias La Grande vie) (1960)
Don Camillo... Monseigneur ! (1961) (dialogues français) (Don Camillo monsignore ma non troppo)
Le Diable et les dix commandements (1962) (dialogues de xx sketches) de J.Duvivier
Chair de poule (1963) adaptation et dialogues d'après un roman de J.H. Chase,
Don Camillo en Russie (1965) (Il Compagno Don Camillo)
Section consacrée aux Films, ainsi que la retranscription du Café Littéraire des Journées Barjavel 2006 à Nyons : Les Cinémas de René Barjavel.
Il tâte aussi d'une autre activité d'écriture, les paroles de chansons, dont il reste à présent fort peu de souvenir.
Cette intense activité ces années-là lui laisse peu de temps pour la littérature. Il ne publie que peu d'ouvrages, et ceux-ci sont en fait liés à son expérience immédiate : Collioure, album de dessins du peintre Willy Mucha dont il écrit les textes de présentation avec Henri-François Rey ; W. Mucha l'a hébergé en août 1950 lors du tournage de l'adaptation de Barabbas, Jour de feu, voir la page qui présente cette œuvre rarissime, et Jour de feu, roman qu'il tire du scénario de ce projet de film, qui parait discrètement en 1957 mais sera ré-édité avec plus de succès en 1974.

Le début des années 60 le voit timidement renouer avec la science-fiction. Il contribue à la jeune revue Fiction dans laquelle trois de ses nouvelles, tirées du recueil Les Enfants de l'ombre, sont publiées : Béni soit l'atome dans le n°58 de 1958, Péniche n°88, mars 1961 et L'Homme fort, n°104, juillet 1962.
La vague naissante de la science-fiction française, dont les pionniers enthousiastes animent ces revues, le considère en effet alors comme l'un de ses "aînés" puisque c'est surtout pour ses trois premiers romans extraordinaires qu'il est connu dans cet univers. Et c'est à l'invitation de Fiction qu'il écrit un court texte pour le numéro spécial, maintenant fort prisé des collectionneurs, "La première anthologie de la science-fiction française" de mai 1959 : Colomb de la Lune.
En 1962 il étoffe l'histoire de manière conséquente, et en fait le roman du même nom qui est aussi une histoire d'amour, et un hymne au Mont Ventoux qui vient justement de se transformer en base de contrôle des missiles nucléaires du Plateau d'Albion.

Le milieu des années 60 est le redémarrage de son activité littéraire. Il s'éloigne du monde du cinéma, dont un certain mercantilisme lui déplait, et reporte sous sa plume les thèmes de ses réflexions qui n'étaient jusqu'alors que simplement commentés dans ses romans. Et La Faim du tigre en 1966, qui obtient le Prix Lecomte du Noüy, est un véritable essai philosophique sur des pensées humanistes qui révèlent sa pensée et son écriture à un public sans doute différent de celui de la littérature de science-fiction qui l'a connu précédement.
C'est à cette occasion qu'il "perd son prénom", car il juge opportun de ne se faire reconnaître en tant qu'écrivain que sous son seul nom, laissant à son activité cinématographique son identité complète ; désormais, ses livres seront donc de Barjavel tout court...

René Barjavel a supprimé son prénom. Il s'appelle maintenant Barjavel tout court, comme Fernandel. Ce n'est pas pour rappeler qu'il est le dialoguiste de Don Camillo mais pour marquer ses distances, précisément, avec le cinéma.

Il renoue aussi avec le journalisme, en tenant d'abord la chronique de télévision au Journal du Dimanche, puis "Les Libres Propos", qui occuperont chaque semaine, pendant près de dix ans, la demie deuxième page du journal ainsi des articles dans France-Soir, et une émission sur Radio-Télé-Luxembourg (RTL), où il commentera en particulier avec poésie les premiers vols vers la Lune.

Son activité reste quand même orientée vers le cinéma, et ce n'est que parce que les scénarii qu'il prépare avec son ami André Cayatte épouvantent les producteurs par les budgets qu'ils nécessiteraient, qu'il en fait des romans dont le succès le rendra vraiment célèbre.
Ainsi La Nuit des temps en 1968.

Olenka de Veer

En 1967 il a fait la connaissance d'Olenka de Veer, astrologue-écrivain qui l'a tout d'abord "émerveillé" par sa traduction du roman de James Stephens "La Cruche d'or", plongeant dans le merveilleux du folkore irlandais et de ses Léprécaunes. Barjavel en écrivit la préface, et fit part de son admiration pour l'œuvre dans son article du Journal du Dimanche du 20 janvier 1974. Et il a trouvé avec humour l'incarnation d'un léprécaune en la personne de Louis de Funès dont il réalisera une interview savoureuse qu'il rapporte le 21 octobre 1973, à l'occasion de la sortie du film Rabbi Jacob. Le thème du merveilleux irlandais lui en restera ensuite comme on le verra.
Olenka de Veer porte alors le nom d'Olenka de Saint Maurice, car elle est mariée au producteur de cinéma Christian de Saint-Maurice Suspense au deuxième bureau.

Elle étonne aussi Barjavel par ses "talents" d'astrologue, non pas tant de prédictions que de définition du caractère par le thème astral qu'elle lui démontre sur des personnalités de l'époque le secrétaire général de la C.G.T. G. Séguy en particulier, comme il le rapporte dans ses articles de France-Soir des 18 et 20 février 1970 contenus dans le recueil "Les Années de la Lune". Olenka de Veer divorce peu après, et il semble alors que leurs relations se soient alors resserrées. Lorsque La Nuit des temps parait, elle lui prédit un succès littéraire très proche, et de fait le roman obtient le Prix des Libraires en 1969, ce qui aide à contribuer à son grand succès.
À cette époque la mode des comédies musicales est à son apogée avec Hair dont l'adaptation française de Jacques Lanzmann triomphe à Paris au Théatre de la Porte Saint-Martin. La Nuit des temps inspirera les membres de la troupe, et une comédie musicale sera conçue par la chanteuse Annie Nobel et le chef d'orchestre Pierre Schiffre pour succéder à Hair. Barjavel donne un avis bienveillant à cette adaptation qui prend certaines libertés avec la fin de l'histoire tel qu'il l'a conçue. Finalement, le projet n'aboutira pas pour diverses raisons, le goût du public pour les spectacles musicaux s'étant amoindri. On pourra en savoir plus sur la page "La Nuit des temps source d'inspiration"et le site d'Annie Nobel .

La saison 1970-1971 lui donne l'occasion de présenter une pièce de théatre, Madame Jonas dans la baleine, montée aux Bouffes Parisiens avec Maria Pacôme, mais qui n'aura cependant pas un énorme succès, seulement 60 représentations. Peut-être la création théatrale était-elle un genre inapproprié au talent de l'auteur. La pièce sera remontée en juin 1977 avec Rosy Varte et Guy Tréjean pour la 270ème émission Au Théatre ce soir, diffusée le 22 juillet 1977 sur la première chaîne.
La base de l'histoire elle-même sera reprise en 1980 par Barjavel qui en fera son roman Une Rose au Paradis.

S'il s'agit de la seule pièce de théatre jouée de Barjavel, il confie lui-même cependant dans le Journal d'un homme simple que Le Voyageur imprudent a fait l'objet de tentatives successives d'adaptations en pièce de théatre,

Pour changer un peu de domaine, j'ai corrigé, en revenant de Collioure, mon Voyageur imprudent, récrit en juillet pour la troisième fois. Non pas mon roman, il est ce qu'il est, il restera tel, et pour ma part je ne le trouve pas mauvais du tout ! Mais la pièce que j'en ai tirée Lorsque je l'ai écrite pour la première fois, c'était un drame. L'ayant terminée, je la relus. Et je m'aperçus que pour un drame c'était plutôt farce. ... J'ai donc récrit mon Voyageur en décidant de renoncer au drame et d'en faire une comédie. Mais maintenant je ne suis plus sûr du tout que ce soit drôle.
Le projet en était donc resté là...

Avec ces deux romans qui terminent les années 60, le succès littéraire et la reconnaissance du "grand public" font de l'écrivain maintenant d'âge mur, il a 57 ans un auteur à succès, connu autant de ces larges lectorats et auditoires que de quelques spécialistes ou amateurs de science-fiction. Ces derniers d'ailleurs diminueront leur intérêt, voire leur sympathie à son égard, car les tendances politiques de l'époque, les agitations revendicatrices de mai 1968 sont dans l'air du temps, font que, pour la jeune génération d'écrivains de science-fiction, il parait vieillot, réactionnaire voire "ringard". Ils ne l'épargnent pas particulièrement dans les colonnes de la revue Fiction qui présente ses nouveaux romans sous des angles parfois peu amènes. Entre temps sa popularité comme homme de pensée s'est étendue par ses chroniques journalistiques, tant dans la presse écrite que la radio ou la télévision. Certains même le lui reprocheront, ainsi, dans le numéro n°236 d'août 1973 de Fiction, Serge-André BERTRAND ironise cruellement dans sa critique du Grand Secret :

...et puis Barjavel s'est lentement transformé en ce qu'il est devenu aujourd'hui : un journaliste à tout faire qui parle de tout et de rien sans jamais être au courant du fond du problème, et dont on voit à tout bout de champ la tête de chien battu à la télévision chaque fois qu'il s'agit de proférer sentencieusement des lieux-communs
De fait, si ses idées se rattachent à une tendance "écologique" dont il fait sa profession de foi, il ne rejoint cependant pas le fond politique des écologistes alors nettement portés à gauche, voire "révolutionnaires", ce qui le fait classer par ceux-ci comme du bord opposé - donc "réactionnaire".
C'est durant cette période que son activité atteint alors ses plus hauts niveaux, et il entreprend pour de bon un film en 1968 avec André Cayatte : ce sera, sur le thème de ce qui est appelé alors le phénomène hippie, Les Chemins de Katmandou, dont il tirera presque immédiatement après le roman maintenant bien plus connu que le film, pourtant deuxième apparition conjointe de S. Gainsbourg et J. Birkin qui venaient de faire connaissance ...
Il enchaîne articles sur romans, et publie ainsi en 1973 Le Grand Secret, voir dans la bibliographie, qui fut d'abord comme La Nuit des temps une idée de scénario avant d'être finalement réalisé en série télévisée en 1989 par Jacques Trébouta. Il "ressort" certains textes parus initialement quelques années avant, qu'il complète ou retouche un peu pour l'occasion. C'est le cas du recueil de nouvelles Le Prince blessé en 1974 et de La Faim du tigre, qui est ré-édité en 1974 après la première édition plus "discrète" de 1966.
Se voit aussi discrètement ré-édité Roland le chevalier plus fort que le lion, dans la collection pour la jeunesse Rouge et Or, série Spirale, n°179, avec strictement le même texte que l'édition de 1942, mais illustré en couleurs par J. Pecnard.

En 1974 son amitié avec Olenka de Veer se concrétise sur un projet littéraire commun, Les Dames à la Licorne, qui raconte de manière romancée l'histoire des ancêtres irlandais d'Olenka.
L'assiduïté de ses lecteurs hebdomadaires du Journal du Dimanche l'amène à publier une sélection de ses articles en recueils : Les Années de la Lune en 1972, Les Années de la liberté en 1975 et Les Années de l'Homme en 1976.
En complément de ses écrits, les contacts avec le public sont nombreux et variés : séances de dédicaces, débats dans les comités d'entreprises, Maisons de la Culture et lycées, et courriers de ses lecteurs.
Il fait aussi partie du monde de la science-fiction, peut-être en tant qu'ancien, et assiste régulièrement aux festivals de films S.-F. en compagnie de ses amis Louis Pauwels et Jacques Bergier, fondateurs du mouvement et de la revue Planète. et la télévision française lui confie la première série télévisée de science-fiction diffusée en France, Commando Spatial, adaptation qu'il réalise de la série allemande en 7 épisodes Raumpatrouille - Die phantastischen Abenteuer des Raumschiffs ORION qui a aujourd'hui encore son cercle de fans :
adresses :
[ voir http://www.wh2.tu-dresden.de/~sledge/moviebook/ro.html,
[ http://home.t-online.de/home/Juergen.Schweizer/orion.htm ]
et
[ http://orionspace.de/sc01.htm ], et, en anglais...
[ http://dspace.dial.pipex.com/town/terrace/kag15/page1.htm ].
La critique, dans la revue Fiction en particulier, saluera l'initiative innovante de la R.T.F mais reconnaitra néanmoins la médiocrité de cette série. Fort peu de traces en restent à présent, un rare livre édité par Raoul Solar en 1967 qui en est une version romancée écrite par Pierre Lamblin, aux descriptions spaciales délicieusement ringardes

En 1972 Barjavel participe à la création du prix Apollo,

Généreux de son soutien, il met sa plume au service de ses "coups de cœurs" et de quelques amis, écrivains ou artistes, dont il encourage les publications par un article ou une préface.
Ses écrits de la fin des années 70 sont plus les essais ou créations d'un penseur humaniste que d'un romancier, c'est en 1976 que paraît Si j'étais Dieu, profession de foi certes non conformiste mais néanmoins pleine de ferveur.

Toujours intéressé par le cinéma, il s'associe à son ami Frédéric Maury qui lance en 1976 une revue consacrée au 7ème art, Ciné-Magazine. Cinéma Total s'y trouve re-publié chapitre par chapitre, chacun complété par des commentaires de l'auteur lui-même revoyant quelques trente-deux ans plus tard ce qu'il est advenu de ses prévisions. Mais exactement en même temps se trouve lancé le magazine Première, qui bénéficie d'appui et de financements bien plus important, et qui l'emportera... Ciné-Magazine ne publiera que six numéros, et le septième article de Barjavel restera à l'état de projet.

Il poursuit en 1977 sa collaboration avec Olenka de Veer en écrivant Les Jours du monde, qui prolonge au XIXème siècle les Dames à la Licorne. Toutefois ce travail d'équipe n'ira pas plus loin, leur œuvre commune prend fin et Olenka de Veer écrira seule en 1979 La Troisième Licorne, épisode ultime de la saga.
Lettre ouverte aux vivants qui veulent le rester en 1978, s'inscrit dans une collection quelque peu pamphlétaire de l'éditeur Albin Michel "Lettre ouverte". Il y développe pleinement ses convictions d'écologiste réaliste alors que le débat public sur l'utilisation de l'énergie nucléaire bat son plein.
Son amour de la nature, et des fleurs en particulier qui constituent un sujet idéal de création picturale s'appuyant sur les techniques de la photographie que son expérience du cinéma lui a permis de maîtriser, s'expriment en 1978 dans un recueil de photographies : Les Fleurs, l'Amour, la Vie dont le texte est lui aussi un hymne à la vie et à ses forces qui la font renaître à chaque printemps.

En 1976 il écrit le texte de Brigitte Bardot amie des animaux en 1976, album dans lequel il se contente d'écrire des petits textes aimables sur des photographies circonstanciées de l'actrice sex-symbol de la décennie finissante au parc-zoo de Thoiry qui venait de se créer.

Écrivain confirmé, la mode d'alors des récits de traditions familiales lui fait commander par les éditions Denoël un tel album de souvenirs d'enfance, qu'il élabore avec l'aide amicale de son demi-frère Émile Achard. La Charrette bleue, parue en 1980, étend son auditoire à un public encore plus large, et surtout le fait enfin connaître dans sa ville natale... Parisien depuis 1936, il n'y a en effet pratiquement plus d'attaches, aussi est-ce avec émotion qu'il participe à des scéances de dédicaces chez les libraires de sa ville qui s'en souviennent maintenant encore fort bien. Il y a d'ailleurs l'occasion de préciser, à une nyonsaise qui lui reproche gentiment de ne pas avoir mentionné sa famille dans son récit alors qu'ils avaient été en relation :

Madame, dans La Charrette bleue, je n'ai gardé de Nyons que les souvenirs agréables...
S'il reste parisien, il fera d'autres retours au pays et y sera même intronisé "Chevalier de la Confrérie de l'Olivier"

Et c'est en 1980 aussi que sera diffusé, sur la deuxième chaîne française le téléfilm en 2 épisodes Tarendol, enfin réalisé : les droits en avaient été achetés à parts éales par Julien Duvivier et un autre réalisateur en 1946, mais les désaccords survenus entre eux empéchèrent le projet de se réaliser... La télévision ayant racheté ces droits, ce fut Louis Grospierre qui réalisa le téléfilm, avec l'active collaboration de l'auteur, et bien sûr dans la région même où se situe l'action, certaines scènes étant tournées précisément au hameau de Tarendol. Y débutaient, dans les rôles principaux, Jacques Penot et la charmante Florence Pernel ; Michel Duchaussoy y tenait le rôle de l'auteur...

Au tournant d'une époque

Barjavel entre dans les années 80 à l'âge de 70 ans. Son activité "publique" semble alors se ralentir, au profit de créations littéraires qui vont devenir alors particulièrement denses.
Le succès de La Charrette bleue l'amène à reprendre son Journal d'un homme simple originellement paru en 1951, en le remaniant en profondeur, supprimant certains chapitres qu'il juge soit dépassés car touchant à une actualité d'alors maintenant oubliée, et pourtant historiquement fort intéressante, soit trop dramatique du fait de sa vision pessimiste au sortir de la guerre, et risquant ainsi d'épouvanter ses lecteurs ... Il y ajoute de nombreux "commentaires a posteriori", donnant sur le monde et les idées qu'il en avait alors la vision que trente ans de recul et de réflexion lui ont permis d'acquérir.

Puis l'écriture de romans reprend avec Une rose au Paradis en 1981 et La Tempête en 1982, histoires de science-fiction cataclysmique définitivement empreintes de son pessimisme gai qui donne à son humour toute sa saveur.

Il renoue avec le merveilleux médiéval de La Chanson de Roland et des Dames à la Licorne avec L'Enchanteur, libre adaptation des cycles arthuriens teintée d'une douce fantaisie et peut-être de sous-entendus initiatiques beaucoup plus érudits qu'ils ne le paraissent.
L'année 1985 le voit publier un genre en apparence complètement nouveau pour lui : La Peau de César est un roman policier à l'enquête subtilement menée. Mais on doit se rappeler que ses premiers films, L'homme à l'imperméable et Chair de Poule étaient des adaptations de Série Noire du célèbre James Hadley Chase, et que le suspense y était déjà distillé avec un talent certain.

La première moitié de la décennie 1980 a vu en France le changement politique dont on se souvient. Le double septennat qui commençait n'appela pas de commentaire de Barjavel, qui s'était contenté en 1974 d'un portrait subtil de F. Mitterand :

Quand il regarde en face, on a l'impression qu'il regarde un peu à côté. La voix est grave et douce, mais l'intonation étudiée comme le geste. Les mains jointes rappellent singulièrement celles de Bernadette de Lourdes, mais l'expression du visage est celle d'un excellent acteur jouant "Mon curé chez les pauvres..."
Car ses propos, on l'a vu, n'ont jamais exprimé de message idéologique "catalogué". Et vu de chaque bord cela pouvait être pris pour de la connivence ou de l'opposition. Et c'est plutôt cette dernière approche qui semble justifiée : apolitique dans son intérêt pour l'écologie (comme le salue N. d'Estienne d'Orves dans Le Figaro Littéraire du 9 mars 2000 à l'occasion de la parution du troisième recueil Omnibus Demain le paradis { voir l'article }). Les rares allusions aux personnalités et partis politiques qui se trouvent dans ses articles semblent neutres, ni malveillantes, ni enthousiastes : une sorte de Voie du Milieu prudente, "demandant à voir" et surtout se tenant vigoureusement à l'écart de la "politique politicienne". Quelques pages publiées dans l'ouvrage collectif Le Futur en Question donne le fond de sa pensée (17) :

La politique est une saleté.
Il n'y a pas de société idéale.
Il n'y a pas de solutions sociales aux problèmes humains. Il n'y a que des compromis.
Il n'y a que des sociétés un peu moins mauvaises que d'autres. Donc l'homme politique, le politicien, doit forcément accepter d'être le serviteur d'une doctrine et de défendre des intérêts liés à des formes de sociétés sclérosées, qui auraient besoin d'être changées.
Tous les hommes politiques sont les esclaves soit d'une idée, soit d'une société, et ils sont forcément prêts à sacrifier toujours la vérité et la sincérité pour rester au pouvoir.... même les marxistes... qui racontent autant d'histoires que les autres. Selon moi, s'engager dans un combat politique, c'est renoncer à la vérité.
Ses écrits et sa pensée se refusent donc à toute idée de récupération comme son interview dans Je Suis Partout du 12 mars 1943 l'avait peut-être laissé "échaudé" (18). C'est plutôt dans l'analyse de fond, ouverte à des propositions de solutions concrètes même (et peut-être surtout) non-conventionnelles, de conseils et axes de réflexion que sa pensée s'est appliquée en 1985.

La suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=3931#forumpost3931


Posté le : 23/11/2013 21:54

Edité par Loriane sur 24-11-2013 17:53:35
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René Barjavel 2 suite
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Départ, sa Lettre testament.

Au printemps 1985 Barjavel écrivit une lettre.

Profession de foi en l'Homme, état des lieux de sa propre vie, invitation au rappel de soi qui est la base de l'Enseignement de Gurdjieff bien plus que le folklore dont on l'a entouré, et surtout prise de recul sereine face à l'inéluctable. Il est intéressant de faire le rapprochement avec les Adieux du Philosophe dans La Cruche d'Or dont Barjavel a comme on l'a vu reconnu être tombé sous le charme :

J'ai atteint à toute la sagesse que je peux contenir. Aucune vérité nouvelle ne m'est apparue depuis une semaine. Tout ce que je viens de lire m'était connu, mes pensées ne sont que la récapitulation de vieilles et fatigantes idées. Il n'y a plus d'horizon devant mes yeux. L'espace s'est rétréci à la dimension de mon pouce. Le temps est le tic-tac d'une pendule. Le bien et le mal sont deux petits pois dans la même cosse. Le visage de ma femme est toujours le même. Je voudrais jouer avec les enfants et je n'en ai pas envie. Ta conversation, mon frère, est comme le bourdonnement d'une abeille dans une cellule obscure. Les pins s'enracinent, poussent et meurent. Tout est foutaise. Adieu...
alors que Barjavel, quand même moins sombre, écrit :
Je n'ai pas envie de mourir, mais je crois que j'ai assez vécu.
Chaque instant est l'étemité. Je sais que ceux qui m'attendent ne m'apporteront rien de plus, je sais peu de choses, je ne saurai rien de plus, j'ai atteint mes limites, je les ai bien emplies, je me suis bien nourri d'être autant que je pouvais, à ma dimension, et de petit savoir, et de grande, grande joie émerveillée. Et maintenant je voudrais faire comme mon chat après son repas : m'endormir.
Si je continue, si je dure encore, je ferai mon métier aussi longtemps que je pourrai, avec application comme je l'ai toujours fait. Bien faire ce qu'on fait, quel que soit le métier.
Des photographies de cette époque nous montrent l'écrivain fatigué par une vie très riche, mais sans répit. Il prépare la Somme de ses idées et réflexions venant en éclairage de ses anticipations romanesques sur le monde futur - et dont certaines sont alors en train de se réaliser, carte à puce, réseaux de données..., qu'il met noir sur blanc dans son essai Demain le paradis.
Dans le courant de l'année il est victime d'une agression à la bombe lacrymogène par des voyous dans un train et son état général s'en ressent alors. Et Demain le paradis ne sera pas complètement achevé : il succombe à une crise cardiaque qui le frappe en sortant du collège Stanislas dans le quartier Montparnasse où il venait de passer la journée avec les élèves et professeurs.
Transporté dans un restaurant voisin en attendant les secours - ce qui amènera certains à annoncer qu'il est mort pendant son diner -

il décède à l'hôpital Cochin le soir du dimanche 24 novembre.

L'annonce de sa mort par les médias aura été discrète.

L'essai “Demain le Paradis” paraîtra l'année suivante sous le contrôle de sa fille Renée qui était aussi sa collaboratrice et son "attaché de presse".

Sa famille organise ses obsèques à Nyons, mais il est finalement enterré au petit cimetière de Tarendol, face au mont Ventoux. Plus tard, hasard ou acte délibéré, un cerisier poussera au bord de sa tombe qu'il couvrira l'été de l'ombre de son feuillage et de ses fruits que l'écrivain, comme sa mère, aimait tout particulièrement. Devenu trop gros, et empiétant sur les tombes voisines, il fut enlevé en 2007 par la municipalité de Bellecombe-Tarendol.

Adieux, presse et Hommages

Les hommages de la presse à l'occasion de la disparition de l'écrivain révèlent la gamme des sentiments inspirés par l'homme et son œuvre, ou peut-être plutôt l'idée que l'on s'en faisait.
Si certains articles constituent effectivement des hommages, non seulement dans la forme mais aussi dans l'esprit et le respect à l'auteur, ne serait-ce qu'en citant correctement ses œuvres, d'autres qui restaient obstinément - idéologie oblige - sur le terrain politique n'ont pas manqué l'occasion de pointes ironiques ou persifleuses.

archives articles et pages nécrologiques.

René Barjavel un poète de l'anticipation Le Parisien, 26 novembre 1985
René Barjavel le chevalier de la science-fiction Auvergnat de Paris, 26 novembre 1985
René Barjavel l'homme qui voyait l'avenir avec les yeux du cœur Le Quotidien de Paris, 26 novembre 1985
René Barjavel est mort Jean Chalon, Le Figaro
Celui qui savait s'émerveiller Gilles Martin-Chauffier, Le Journal du Dimanche, 1er décembre 1985
René Barjavel est mort - science-fiction et journalisme Le Monde, 26 novembre 1985
Barjavel est mort Le Matin, 26 novembre 1985
L'auteur de Ravage est mort à soixante-quatorze ans, terrassé par une crise cardiaque. René Barjavel était en train d'écrire Demain, le paradis Jean-Claude Lamy, France-Soir, 26 novembre 1985
Ils disparaissent ensemble. Leur point commun : la religion du progrès les laissait sceptiques... Vincenot : le druide de la France moustachue. Barjavel : le fabuliste de la planète inquiète. Jacques Sadoul, Le Journal des Livres, 30 novembre 1985
Barjavel en route pour l'éternité Jean-Charles Varennes, Allier Magazine, février 1986
L'adieu de Barjavel : Demain le paradis Odile Le Bihan, Le Républicain Lorrain,
Mort de René Barjavel Le Pélerin Magazine n°5375, 6 décembre 1985
Barjavel au paradis Libération, 26 novembre 1985
Décès de René Barjavel L'Humanité, 26 novembre 1985
René Barjavel est mort à soixante-quatorze ans, terrasé par une crise cardiaque France-Soir, 26 novembre 1985
René Barjavel - La S.-F. grand public Phosphore, janvier 1986
In memoriam René Barjavel Pierre Bameul, Fiction n°372, janvier 1986

Hommages Posthumes

À Nyons, le 23 Mai 1987

La ville de Nyons, reconnaissante à l'enfant du pays et voulant en honorer la mémoire, a organisé en ce jour de printemps une émouvante cérémonie lors de laquelle fut dévoilée la plaque commémorative apposée sur la façade de la boulangerie 5 rue Gambetta, puis le collège de la ville, jusqu'alors nommé Collège du Pontias, nom du vent local qui, soufflant la nuit, apporte à la ville une fraîcheur bienfaisante l'été, reçut officiellement le nom de Collège René Barjavel, et un portrait de l'écrivain fut installé dans le hall.

Une atmosphère de fête mais aussi de recueillement, en présence des enfants de l'écrivain, Renée et Jean, de sa famille, de nombreuses personnalités ainsi que de représentants du collège de Chalais (Charente-Maritime) avec lequel l'auteur avait noué de sympathiques contacts (voir en particulier son message en Réponses au Collège de Chalais).

Discours, lectures, témoignages, déclarations et promesses... On en trouvera les comptes-rendus dans Le Dauphiné Libéré et La Tribune de Montélimar, et surtout la retranscription, effectuée à partir de précieux enregistrements sonores ; on notera que l'intention de créer une Association des Amis de René Barjavel n'eut pas de suite jusqu'à l'initiative personnelle, en mars 2003, de l'un des fondateurs du barjaweb.

À Cusset

Les souvenirs de René Barjavel semblent être plus vivaces à Cusset, Vichy et Moulins que dans sa ville natale drômoise. C'est qu'il a passé de nombreuses nnées de sa jeunesse et de son âge mûr dans le Bourbonnais, où il est arrivé à 14 ans avec Abel Boisselier pour en partir à 24 ans afin de rejoindre Robert Denoël à Paris. On a vu que par la suite ses séjours y furent nombreux, en particulier pendant la guerre, puisqu'il avait confié la bonne garde de sa femme et ses enfants à son ami Jean Renon, et que les habitants du village de Chevagnes en Sologne Bourbonnaise se souviennent de ses séjours à l'Hôtel du Cheval Blanc...
Toute sa vie membre de l'Association des Anciens Élèves du Collège de Cusset, il s'efforçait d'assister aux assemblées générales, dont il devint le doyen avec son amie Edmée Pérard, épouse de Jean Renon. Déjà de son vivant, en 1982, à l'occasion d'une de ces réunions, le Vice-Président de l'Association, M. Gabriel Peronnet, lui rendit un hommage chaleureux .

En novembre 1997, l'Association des Anciens Élèves du Collège de Cusset commémorait son centième anniversaire, et à l'occasion de ces trois jours de fête, a rendu un chaleureux hommage à René Barjavel en se rendant dans le village de Vesdun-en-Berry (Cher) où la Forêt des Mille Poètes (créée par René Varenne en juin 1994 pour honorer le souvenir d'artistes, écrivains et poètes morts ou vivants, [voir http://herisson.planet-allier.com/an-2002/vesdun-1.htm et http://www.chez.com/sivesdun/foret.htm ]), perpétue désormais le souvenir de l'auteur par une stèle gravée dans l'un des quatre carrés de la chênaie, aux côtés des écrivains bourbonnais Alain Fournier, Théodore de Banville et Émile Guillaumin.
lire l'article de La Montagne rapportant cet événement

Le Prix René Barjavel

En 1995, à l'occasion du Festival de la Science-Fiction et du Fantastique de Roanne, fut créé le prix René Barjavel destiné à récompenser un auteur de nouvelle de science-fiction reprenant le mieux l'esprit de Barjavel. Il fut décerné à la nouvelle Déconnexion, du jeune auteur Jean-Jacques NGUYEN.
La nouvelle fut publiée dans le numéro 14 la revue "Le Rayon ardent" janvier 1996.
Un autre Prix René Barjavel fut créé en 2012 par le festival de science-fiction "Les Intergalactiques" bibliothèque de La Part-Dieu à Lyon
La seconde édition, sur le thème « L’Homme augmenté », sera déscerné le 27 octobre à l'occasion du second Salon de la Science-Fiction de Lyon.

Autres hommages et commémorations

La mémoire de l'écrivain est restée vivace auprès de ceux qui l'ont connu, et certains officialisations de son souvenirs ont trouvé leur concrétisation.
À Nyons aussi, une rue à l'extrémité ouest de la ville tout près du gué - souvent à sec - sur la Sauve, une rue d'un lotissement s'est trouvée baptisée rue de la Charrette Bleue. voir , ainsi qu'une Allée Charron Casimir Illy 1974-1959 Constructeur de la "charrette bleue", dans la zone d'activité des Laurons.
Et toujours à Nyons, la municipalité a aménagé une salle d'expositions, réunions et animations culturelles tout près de la mairie : la salle René Barjavel.
Cette inauguration qui eu lieu fin janvier 1996 fut rapporté par un article du Dauphiné Libéré dont on pourra lire.
Et surtout, les manifestations estivales que sont les Journées Barjavel qu'organise la municipalité fin août et à laquelle je participe désormais fidèlement depuis 2001.
Près de Nyons, il y a aussi une rue Barjavel à Buis les Baronnies, et le collège Henri Barbusse de cette ville a organisé en mars 1988 1994 une exposition commémorative accompagnée de la présentation de travaux pédagogiques sur La CHarrette bleue sous la direction de M. Marrou, professeur de Lettres.
D'autres souvenirs concrets se trouvent à Vichy où, comme on l'a vu, l'auteur passa une partie de sa jeunesse : un espace René Barjavel est le lieu de manifestations culturelles, spectacles, expositions.
Le village de Roussennac, dans l'Aveyron, a depuis quelque temps un chemin René Barjavel, nommé ainsi à l'initiative de son unique habitant, mon ami Merle Blanc...
Pès de Brest, 29, la petite ville de Guilers possède aussi une rue René Barjavel, créée par décision du conseil municipal le 25 juin 1987 dans le lotissement neuf de Kermengleuz dont le choix des noms de rue s'est porté sur des auteurs de science-fiction.
Point de commémoration cependant à Paris, aucun des lieux, assez nombreux où résida l'auteur n'en porte l'indication.
Enfin, j'ai le bon espoir de voir un jour édité par La Poste un timbre à l'effigie de notre auteur, des premiers contacts montrent que cela n'a rien d'incongru, mais nécessite un dossier solidement appuyé. J'ai toutefois moi-même anticipé - à titre privé et sans valeur fiduciaire - une vignette commémorative qui pourrait servir de projet... .

Prix et honneurs

Fuyant généralement les mondanités, René Barjavel a vu néanmoins un bon nombre de ses œuvres couronnées de ces lauriers que sont les Prix, littéraires pour les livres, mais aussi d'autres distinctions qui ont récompensé son travail de créateur. Ne seront pas évoqués ici les Prix scolaires qui ont pu couronner ses réussites académiques… ceux- ci ont bien existé, car le jeune René Barjavel était loin d'être aussi mauvais élève qu'il veux nous le faire croire dans La Charrette Bleue
Chronologiquement, on peut relever ainsi :

Dès 1944, c'est Le Prix des Dix qui couronne les deux premiers "Romans Extraordinaires", Ravage et Le Voyageur imprudent. Prix humoristique se voulant le succédané du Goncourt dont les membres de l'Académie refusaient la proclamation cette année-là pour des raisons politiques, il fut décerné dans une ambiance joyeuse mais néanmoins bien honorifique en cette période troublée. On pourra voir des détails sur cet événement : une présentation avec le reportage des actualités cinématographiques, et un article critique du Voyageur imprudent dans l'hebdomadaire Je Suis Partout sous la plume de Jacques Boulenger.
On sait que les années d'après-guerre ont été pour Barjavel consacrées à l'activité cinématographique, et parmi les quelques trente-cinq films auxquels il participa comme scénariste, dialoguiste voire réalisateur, certains eurent l'occasion d'être primés. Ainsi :

En 1953, Le Petit monde de Don Camillo remporta en 1952 les Victoires du meilleur film et du meilleur acteur pour Fernandel, le prix de l'Écran d'Argent en Italie et en 1953 la coupe d'argent du Prix Allemand du Cinéma (Deutscher Filmpreis), félicité pour "la promotion des valeurs démocratiques", partager avec le réalisateur Julien Duvivier.
En 1954 le film suédois La Grande Aventure d'Arne Sucksdorff, dont Barjavel avait écrit le commentaire de la version française, obtint le Prix International au Festival de Cannes avec Mention d'honneur au réalisateur ainsi que le British Academy Award du meilleur documentaire.
En 1957, L'Homme à l'imperméable reçut une nomination pour L'Ours d'Or du Festival International du film de Berlin (Internationale Filmfestspiele Berlin [Berlinale]) le Prix fut attribué à Douze hommes en colère de Sidney Lumet
Il retourne ensuite au roman, et
En 1962 Colomb de la Lune, roman de science-fiction un brin fantaisiste voit décerner le Prix Alphonse Allais
1969 est l'année où La Nuit des temps remporte le Prix des Libraires, et le succès littéraire de l'auteur en sera relancé voir aussi une présentation par Barjavel lui-même.
En 1970, La Faim du tigre, essai philosophique sur la destinée des Hommes paru en 1966, est couronné du Prix Lecomte de Noüy, attribué en mémoire à ce biologiste, philosophe et écrivain 1883-1947 dont les idées sont très voisines de celles exprimées et développées par Barjavel.
En 1973, Le Grand Secret remporte le Prix des Maisons de la Presse.
Cette même année, Barjavel obtient aussi le Prix de la Chronique Parisienne pour la presse “écrite” Léon Zitrone recevant celui de la presse “parlée”.
Il le rappelle dans son article au Journal du Dimanche du 17 juin, rapporté dans Les Années de la Liberté, faisant remarquer que ni Zitrone ni lui ne sont à proprement parler “parisiens”...
1975 voit l'attribution du Prix Claude Farrère aux Dames à la licorne, partagé avec sa co-auteure et amie Olenka de Veer. Ce prix, créé en 1959, est décerné à un roman d'imagination et n'ayant obtenu antérieurement aucun grand prix littéraire par l'Association des écrivains combattants. Claude Farrère, 1876-1957
À l'été 1979, la Fondation pour le rayonnement des Arts et des Lettres de Genève lui a décerné le Prix Europa-Littérature “pour l'ensemble de son œuvre et rayonnement de la langu française”, prix remis au cours d'un dîner servi dans les salons de l'hôtel Majestic, à Cannes, par MM. Yves G. Piaget et Michel Bertrand.
Son récit autobiographique de son enfance, La Charrette bleue, a obtenu en 1980 le Prix Saint-Simon, attribué chaque année à un volume de mémoires souvenirs, journal, récit autobiographique ou témoignage.

René BARJAVEL et… lui-même : ses pseudonymes

Les différentes activités que mènent souvent de front un homme de Lettres peuvent tirer parti de l'utilisation de pseudonymes, ceux-ci donnant du poids à ses écrits ou bien lui laissant la possibilité de séparer ses propres personnages… René Barjavel a fait usage de queulques pseudonymes, sans doute désormais oubliés et qu'il sera utile de rappeler ici.
Du 30 octobre 1936 au 11 septembre 1937, il signe ses articles au Merle Blanc “G.M. LOUP” - Grand Méchant Loup - voulant ainsi mettre en avant les incisives acérées de certaines de ses critiques de films... sans concessions. Il abandonne ce pesudonyme pour faire rebondir ses parutions sous son vrai nom à partir du 30 octobre 1937.
Ce furent ainsi trente-sept articles qui furent ainsi signés, soit beaucoup moins de texte que ceux qui, 65 ans plus tard, le reprirent respectueusement pour créer le barjaweb...
Durant cette même période, plus précisément de septembre 1935 à août 1939, on trouve aussi une rubrique de critiques de films dans l'hebdomadaire Gringoire, de ton voisin de ceux du Merle Blanc et signé d'un certain René Bard. S'agit-il de notre auteur ? On peut le penser mais une confirmation formelle fait encore défaut.
Les activités "lyriques" de Barjavel lui ont donné l'occasion d'écrire des textes de chansons voir la page consacrée aux chansons.
Sans que cela soit une règle générale, certains de ces textes furent déposés à la SACEM sous le pseudonyme de Jean Gardegrosse - souvenir de la montagne boisée de chênes verts et de pins qui domine le sud de la vallée de l'Eygues en face de Nyons.
Signalons enfin que jusqu'en 1966 ses œuvres étaient toujours signées "René Barjavel", et à partir de cette date, à l'occasion de la parution de La Faim du tigre, il "perd son prénom" comme on l'a vu plus haut...
Enfin, pour ses amis de jeunesse, il se faisait simplement appeler "Barja", diminutif affectueux qu'il lui arrivait d'utiliser pour signer son courrier, ses envois et dédicaces voir en particulier l'envoi à Edmée Renon dite Polaire.

Œuvres

Romans
1934 : Colette à la recherche de l'amour, Moulins, la Nouvelle province littéraire. Texte d'une conférence donnée cette année-là à Vichy et à Moulins.
1942 : Roland, le chevalier plus fort que le lion
1943 : Ravage
1943 : Le Voyageur imprudent
1946 : Tarendol
1948 : Le diable l'emporte
1957 : Jour de feu
1962 : Colomb de la lune
1968 : La Nuit des temps
1969 : Les Chemins de Katmandou
1973 : Le Grand Secret
1974 : Les Dames à la licorne avec Olenka de Veer
1977 : Les Jours du monde suite de Les Dames à la Licorne, avec Olenka de Veer
1981 : Une rose au paradis
1982 : La Tempête
1984 : L'Enchanteur
1985 : La Peau de César

Contes, nouvelles

1945 : La Fée et le soldat
1946 : Les Enfants de l'ombre
1974 : Le Prince blessé
1974 : Béni soit l'atome et autres nouvelles
Ils ont été réunis sous le nom de Le Prince blessé et autres nouvelles.

Récit autobiographique, journal

1951 : Journal d'un homme simple
1980 : La Charrette bleue

Chroniques

1972 : Les Années de la lune
1975 : Les Années de la liberté
1976 : Les Années de l'homme

Albums

1953 : Collioure Dessins de Mucha
1974 : Brigitte Bardot, amie des animaux
1978 : Les Fleurs, l'Amour, la Vie

Essais

1944 : Cinéma total : Essai sur les formes futures du cinéma
1966 : La Faim du tigre
1976 : Si j'étais Dieu...
1978 : Lettre ouverte aux vivants qui veulent le rester
1986 : Demain le paradis inachevé, édité de façon posthume


Liens

http://youtu.be/_9oGsf46fVY Le voyageur imprudent (entier)
http://youtu.be/RPCuXcOSKPU film le grand secret
http://www.ina.fr/video/CAB85111012/rene-barjavel-video.html Interview
http://www.ina.fr/video/I11052348/rene-barjavel-video.html interview
http://www.ina.fr/video/I11054364/ren ... l-amour-la-vie-video.html la fleur, l'amour, la vie.
http://www.ina.fr/video/I11054365/ren ... harrette-bleue-video.html La charette bleue
http://www.ina.fr/video/PAC03029001/rene-barjavel-video.html René Barjavel
http://www.ina.fr/video/CAF97036878/i ... -rene-barjavel-video.html Interview
http://www.ina.fr/video/I11054362/ren ... i-j-etais-dieu-video.html Si j'étais Dieu
http://www.ina.fr/video/CPC88006764/rene-barjavel-video.html Barjavel et Anne Sinclair
http://youtu.be/leqwxPEUvVI Ravages lecture de qqes pages
http://youtu.be/iK935kbnCUA La fin du tigre
http://youtu.be/56T-dq4JJCg Réquisitoire de Desproges contre Barjavel

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Posté le : 23/11/2013 21:52
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Isidore Ducasse comte de Lautréamont
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L’œuvre étonnante d’Isidore Lucien Ducasse dit Comte de Lautréamont


Un article de Emma

Isidore Lucien Ducasse, né à Montevideo (Uruguay), le 4 avril 1846, et mort dans le 9e arrondissement de Paris, le 24 novembre 1870 à l’âge de 24 ans, est un poète et écrivain français. Auteur des Chants de Maldoror, de deux fascicules (Poésies I et Poésies II), son œuvre est auréolée d’un voile de mystère, d'autant plus que l'on a longtemps su très peu de choses sur le personnage, mort très jeune, sans avoir connu le succès de son vivant. La révolte et le refus de l'ordre établi qui transparait notamment dans les Chants de Maldoror, ainsi que la courte vie des deux auteurs, mettent en parallèle l'œuvre de Rimbaud et de Lautréamont, qui vécurent à la même période sans se connaître. Cependant, dans la culture populaire, Lautréamont ne connut jamais l’impact d’un Rimbaud, Verlaine ou Baudelaire. Sa vie et son œuvre ont donc donné lieu à de nombreuses conjectures, en particulier chez les surréalistes.


Une courte, très courte biographie


Son père, François Ducasse (1809-1887), est commis-chancelier au consulat général de France à Montevideo, mais aussi un homme d'une grande culture. Isidore Ducasse naît à Montevideo. Sa mère, Jacquette Célestine Davezac, décède le 9 décembre 1847 dans des circonstances mystérieuses (elle se serait suicidée). Isidore Ducasse passe son enfance en Uruguay.
En octobre 1859, il entre comme interne au lycée impérial de Tarbes, en sixième alors qu'il a treize ans et demi, ce qui n'est pas exceptionnel vu que de nombreux élèves venus des colonies ont des retards scolaires. Isidore Ducasse semble pourtant être un bon élève, qui apprend vite.
Après un voyage en Uruguay en 1867, il arrive à Paris et s’installe à l’hôtel L’Union des Nations. Il entame des études supérieures dont la nature reste inconnue (concours d’entrée à l’École polytechnique, a-t-on souvent écrit). Il publie à compte d’auteur et anonymement le premier des Chants de Maldoror.
Les six chants complets seront imprimés en Belgique fin août 1869, signés « Comte de Lautréamont » par Albert Lacroix mais sans référence d'éditeur. L'ouvrage ne fut pas diffusé mais Ducasse et Lacroix restèrent en contact.
En 1870, Ducasse reprend son nom d'état civil pour publier deux fascicules intitulés Poésies, et dont une publicité paraîtra dans la Revue populaire de Paris.
Le 24 novembre 1870, alors que le Second Empire s’effondre, il meurt à son nouveau domicile situé au 7 rue Faubourg-Montmartre. Sur son acte de décès, est écrit : « Sans autres renseignements ». Selon ses biographes, il serait mort phtisique.

On sait en fin de compte, peu de choses de la vie de l’auteur. Quelques écrits ont véhiculé l’image d’un écrivain nocturne, assidu et insomniaque.
Genonceaux, troisième éditeur des Chants de Maldoror, entreprend des recherches pour savoir qui en était l'auteur. Pour cela, il se base presque uniquement sur le témoignage de Lacroix, premier éditeur des Chants. Il en tire la conclusion suivante :
« Ducasse était venu à Paris dans le but d'y suivre les cours de l'école Polytechnique ou des mines. En 1867 il occupait une chambre dans un hôtel situé au 23 rue Notre-Dame-des-Victoires. Il y était descendu dès son arrivée d'Amérique. C'était un grand jeune homme brun, imberbe, nerveux, rangé et travailleur. Il n'écrivait que la nuit, assis sur son piano. Il déclamait, il forgeait ses phrases, plaquant ses prosopopées avec des accords. Cette méthode de composition faisait le désespoir des locataires de l'hôtel qui, souvent réveillés en sursaut, ne pouvaient se douter qu'un étonnant musicien du verbe, un rare symphoniste de la phrase cherchait, en frappant son clavier, les rythmes de son orchestration littéraire. »
« Lautréamont mangeait à peine, ne travaillait que la nuit après avoir joué du piano, et buvait tellement de café qu'il scandalisait l'hôtelier. » dira André Malraux
« Il n'écrivait que la nuit, assis devant son piano. Sa chambre, très sombre, était meublée d'un lit, de deux malles pleines de livres et du piano droit. Il buvait une très grande quantité de café. Il déclamait ses phrases en plaquant de longs accords. Cette méthode de composition faisait le désespoir des locataires de l'hôtel souvent réveillés en sursaut. » d’après Philippe Soupault.

Redécouverte et mythe surréaliste

André Breton évoque Ducasse plusieurs fois dans ses Manifestes du surréalisme : « Les types innombrables d’images surréalistes appelleraient une classification que, pour aujourd’hui, je ne me propose pas de tenter. » Il dit aussi dans un entretien : « Pour nous, il n'y eut d'emblée pas de génie qui tînt devant celui de Lautréamont » et encore, du même André Breton: « Les Chants de Maldoror brillent d’un éclat incomparable : ils sont l’expression d’une révélation totale qui semble excéder les possibilités humaines. C’est au comte de Lautréamont qu’incombe peut-être la plus grande part de l’état des choses poétiques actuel: entendez la révolution surréaliste. ».
André Gide écrit en 1925 : « J'estime que le plus beau titre de gloire du groupe qu'ont formé Breton, Aragon et Soupault, est d'avoir reconnu et proclamé l'importance littéraire et ultra-littéraire de l'admirable Lautréamont »
Après 1945, Maurice Blanchot se sert de ce qu'il appelle « L'expérience de Lautréamont », et de celle du Marquis de Sade, pour tenter d'élucider « les rapports qu'entretiennent le mouvement d'écrire et le travail d'une plus grande raison » dans son essai Lautréamont et Sade
Il est aisé de saisir, en effet, l’étrange parenté entre Les Chants de Maldoror et le projet surréaliste visant à trouver le réel au-delà de la raison et de la pensée consciente, dans le monde des rêves et de l’inconscient.

Les Chants de Maldoror, un texte riche et contrasté

Les Chants de Maldoror, texte très riche, d’un abord difficile, et aux interprétations multiples, semble incarner une révolte adolescente où le monde de l’imaginaire paraît plus fort que la vie dite "réelle". Ils consistent en une épopée en prose, très décalée des publications de l'époque, dont le personnage principal est Maldoror (l'origine de ce nom reste mystérieuse mais provient sans doute d'une contraction en le Mal et l'"horror" qui signifie horreur en anglais), créature terrifiante, squelettique et armé d'un stylet, et ennemi du Créateur.
Le lecteur se sent pris d'une sensation d’étourdissement, de confusion, à la lecture de Lautréamont. Il partage sa vision d'un monde en perpétuel mouvement, faisant l'expérience de la férocité, de la sauvagerie et de la perte de repères.

A mon très humble avis, les Chants de Maldoror est également une expérience impertinente et humoristique. L’auteur tutoie son lecture, le rudoie en l’envahissant de vision dantesque dans l’abime d’un vocabulaire échevelé fait de multiples références en tiroirs. Il s’agit de capter le deuxième, le troisième degré. Lautréamont nous envoie ainsi des clins d’œil innombrables en demandant à l’assistance : « me suivras-tu ? »

A l’instar d’autres grands génies de son temps, Lautréamont ne devait pas prendre son génie très au sérieux.


Liens :

http://youtu.be/42hlz096HmI les chants de Maldoror par Philippe Léotard
http://youtu.be/V9yp5_EsTmI Catherine deneuve lit Lautréamont
http://youtu.be/eElU4_1lbM0 Lautréamont


Le texte des chants de Maldoror sur Wikipedia :

http://fr.wikisource.org/wiki/Les_Chants_de_Maldoror


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Posté le : 23/11/2013 21:09
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Léon-Paul Fargue
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Le 24 Novembre 1947, meurt Léon-Paul Fargue, à Paris dans le 6e arrondissement,

Ville où cet écrivain et poète français, est né le 3 Mars 1876


Aussi parisien que Baudelaire et, la plupart du temps, aussi désargenté, mais moins pathétique et pas du tout dandy ; aussi difficile que Mallarmé quant à l'utilisation du vocabulaire, aussi convaincu de la supériorité de la poésie, toutefois moins ambitieux de pensée, mais plus communicatif, plus attiré par le tumulte des sentiments, que l'auteur du Coup de dés jugeait indiscrets ; aussi déchiré, aussi vagabond que Verlaine, mais moins dissolu, Léon-Paul Fargue est de la même race que ses trois grands devanciers et doit être placé sur le même rang.
Du premier, il tenait le goût des marches solitaires dans les plis sinueux des vieilles capitales.
Comme Mallarmé, il partait de ce principe qu'il faut parler autrement que les journaux et entendait se présenter, dans le moindre texte, lavé de toute banalité.
Enfin, semblable en cela à Verlaine, qu'il connut également, il était sensible à l'inflexion des voix chères qui se sont tues et se demandait souvent ce qu'il avait fait de sa jeunesse.

Son originalité fut d'apporter des valeurs poétiques nouvelles en certains aspects de la durée infinie : la rêverie, la couleur, le souvenir, les règnes, les bruits de la terre et la solitude de l'homme devant le destin. D'offrir en même temps au vers et à la phrase une saveur à laquelle on goûtait pour la première fois, aux analogies et métaphores un agrément, mais surtout une vérité, et comme une nécessité sans exemple littéraire, du moins de cette qualité.
De plus, et cela compte particulièrement dans son cas, il était tel sur le papier qu'à la bouche, si bien que ses propos non moins que ses œuvres provoquèrent, dès ses débuts, l'enthousiasme des plus exigeants.

Un fantaisiste sérieux

Léon-Paul Fargue est né à Paris, de Marie Aussudre et de Léon Fargue, ingénieur, qui ne devait le reconnaître que seize ans plus tard ; ce dont il souffrira sa vie durant.
Presque toutes ses démarches seront guidées du subconscient par cette frustration, qui fournira la matière de maint récit.
Mais il n'oubliera pas non plus ce que son père, instruit de tout et tendre, lui fit visiter, écouter et feuilleter.
D'abord placé à l'institution de jeunes gens de la rue Montaigne, il fit ses études au collège Rollin, dont le professeur d'anglais était précisément Mallarmé, puis au lycée Janson de Sailly, où enseignait le pittoresque Émile Faguet.
Bachelier ès lettres, mais ne sachant encore s'il choisirait de continuer ses études, de peindre ou de versifier, Fargue commença par se plonger en d'immenses lectures d'où il émergea pourvu d'une mémoire extraordinairement riche et d'un esprit d'observation d'une grande justesse et d'une drôlerie qui souvent stupéfiait autant qu'elle amusait.
À vingt ans, il était déjà en relations parfois très amicales avec Claudel, Valéry et Gide, Debussy, Florent Schmitt, Henri de Régnier, Albert Thibaudet, Pierre Bonnard, Maurice Denis. Dès ce moment, en compagnie d'Alfred Jarry, son ancien condisciple, il vit autant la nuit que le jour. Tous deux s'éprennent à l'envi des merveilles de la belle époque, à commencer par la tour Eiffel, à continuer par les fiacres et le métro ; ensemble ils exploitent les trésors du verbe et s'entichent de haute caricature littéraire.
En 1907, Jarry meurt à trente-quatre ans, sans avoir pu réaliser toutes ses immenses promesses satiriques. Demeuré seul, Fargue fait son entrée dans le monde en fantaisiste sérieux et entreprend ses fameuses pérégrinations dans les milieux les plus étrangers les uns aux autres. Tancrède, le premier texte signé de lui, paraît dans la revue Pan en 1895, en volume en 1911. Poèmes et Pour la Musique en 1912 font sa réputation d'écrivain.
En 1924, il devient directeur de la revue Commerce ; en 1932, le prix de la Renaissance lui est décerné et il entre à l'académie Mallarmé.
À partir de 1943, frappé d'hémiplégie et marié à domicile avec la fille du critique Ernest-Charles, il reçoit chez lui, le dimanche, à son chevet, des écrivains, des peintres, des amis et continue d'être le causeur joyeux, d'une invention et d'une générosité toujours renouvelées, qu'il avait été pour tous les publics. Il meurt à Paris en 1947.

Ensemble symphonique

L'œuvre de Fargue est faite de proses poétiques et de poèmes déchirants ou cocasses où la sensibilité, l'ironie et l'émotion se répondent, de tableaux parisiens, d'improvisations sur les motifs les plus simples, de suites inspirées par la longévité de ses souvenirs d'enfance ainsi que de ses accommodements avec le monde populaire ou la vie privée des objets. Ensemble symphonique où se révèlent un lyrisme neuf, une sagesse indulgente, un grand esprit, et rendu, développé, voire joué dans une langue souple et diaprée qui n'appartient qu'à lui. Une langue qui tient souvent de la berceuse et de l'incantation sans s'écarter d'un style limpide, qui fait corps avec le sujet traité, le paysage évoqué, le passé interrogé, et communique insensiblement au lecteur le sentiment de la présence chaleureuse du narrateur, venu en camarade, avec une âme à la disposition de tous.

Humain, trop humain, démagogue s'il l'eût fallu, Fargue savait mettre en phrases, comme on met en musique, la douceur des bonnes amitiés, « le fumet de l'actualité pour tous qui cuit à feu doux dans les rues », la face cachée des choses données, le bruissement des familles, la mélancolie et la tendresse éparses. Une fois, dans Vulturne, il s'élève jusqu'aux visions cosmiques, invente son monde futur, issu du monde flagrant, en voie d'éclatement sur « les dernières occasions de la distance lumineuse ». Comme ses pairs en ce domaine métaphysique et onirique, Rimbaud, Lautréamont, Mallarmé, Valéry, il se voit pensant, imaginant et créant au milieu d'un chaos, il affronte son double, « se mire et se voit ange ». Mais toujours il y a la fraîcheur qui vient du cœur et y retourne. Bientôt la confidence perce et Fargue, à l'écoute de ses émotions, finit par inviter le lecteur à pénétrer dans son passé et à regretter avec lui l'affection familiale dont il fut si douloureusement privé.

Ceux qui l'ont connu et écouté savent que Fargue fut aussi un personnage doué d'un pouvoir d'adaptation, pour ne pas dire d'un mimétisme, peu commun. Si le poète et l'homme, l'écrivain et le citoyen ne se distinguaient pas, le causeur prenait le ton de chaque milieu, triomphait sur toutes les scènes et savait enchaîner les conversations mondaines aux conversations de café. Il lui plaisait d'écrire solennellement aux percepteurs et fonctionnaires imbus de principes, mais familièrement aux puissants, comme Marot à François Ier et Diderot à Catherine ; d'être aussi intime avec les grandes dames qu'avec les boutiquières, d'admirer le même jour des reliures d'art, des ustensiles ou des insectes. Toujours, en tous lieux, ses propos relevaient de la plus fine et de la plus agréable littérature. Personne n'aurait su s'installer aussi confortablement dans l'ubiquité. Ce fut son démon. S'il eut parfois la tentation des honneurs, ce n'était, précisément, que pour ne rien laisser dans l'ombre et avoir partout ses entrées de poète, pour se trouver dans le rayonnement de ce qui se passe, enfin pour ne pas manquer le bonheur promis.


Fargue s'exprime le plus souvent en vers libres, voire en prose, dans un langage plein de tendresse et de tristesse, sur des sujets simples, parfois cocasses, on l'a parfois comparé au photographe Robert Doisneau, plus rarement absolument onirique, voir Vulturne en 1928 cependant.
Parisien amoureux de sa ville, lire :D'après Paris, 1932 ; Le Piéton de Paris, 1939, il écrit aussi la solitude oppressante et noyée de nuit et d'alcool : Haute solitude en 1941.
Il est également un chroniqueur étincelant de la société parisienne : Refuges, Déjeuners de soleil, 1942, ou encore La lanterne magique 1944.
Il est frappé d'hémiplégie en 1943 et meurt en 1947 à Montparnasse, au domicile de sa femme, le peintre Chériane, sans avoir cessé d'écrire cependant.
Il était devenu membre de l'Académie Mallarmé en 1937. En revanche, il fut, en 1946, un candidat malheureux à l'Académie française.

Poème

Nocturne
Un long bras timbré d'or glisse du haut des arbres
Et commence à descendre et tinte dans les branches.
Les feuilles et les fleurs se pressent et s'entendent.
J'ai vu l'orvet glisser dans la douceur du soir.
Diane sur l'étang se penche et met son masque.
Un soulier de satin court dans la clairière
Comme un rappel de ciel qui rejoint l'horizon.
Les barques de la nuit sont prêtes à partir.
D'autres viendront s'asseoir sur la chaise de fer.
D'autres verront cela quand je ne serai plus.
La lumière oubliera ceux qui l'ont tant aimée.
Nul appel ne viendra rallumer nos visages.
Nul sanglot ne fera retentir notre amour.
Nos fenêtres seront éteintes.
Un couple d'étrangers longera la rue grise.
Les voix,
D'autres voix chanteront, d'autres yeux pleureront
Dans une maison neuve.
Tout sera consommé, tout sera pardonné,
La peine sera fraîche et la forêt nouvelle,
Et peut-être qu'un jour, pour de nouveaux amis,
Dieu tiendra ce bonheur qu'il nous avait promis.
Poèmes, NRF, Paris, 1912.

Citations

"Vous faites le ménage de l'univers avec les ustensiles du raisonnement. Bon. Vous arrivez à une saleté bien rangée."
"Le génie est une question de muqueuses. L'art est une question de virgules."

Iconographie

Une médaille à l'effigie de Léon-Paul Fargue a été réalisée par le graveur Raymond Corbin en 1947, quelques jours avant la mort du poète. Un exemplaire en est conservé au musée Carnavalet.

Œuvres

Poésie
Poèmes Premier cahier. Nancy, Royer, 1907.
Tancrède. Saint-Pourçain-sur-Soule, 1911.
Poëmes. Paris, NRF-Marcel Rivière & Cie, 1912.
Pour la musique. Paris, NRF, 1914.
Poëmes, suivis de Pour la musique. Paris, NRF, 1919.
Banalité. Paris, NRF, 1928.
— Banalité. Paris, NRF, 1930, photographies de Roger Parry
Vulturne. Paris, NRF, 1928.
Suite familière. Paris, Émile-Paul, 1928.
— Suite familière. Paris, NRF, 1929.
Sur un piano bord, NRF, 1928.
Épaisseurs. Paris, NRF, 1928.
Sous la lampe. Paris, NRF, 1929.
Espaces. Paris, NRF, 1929.
Ludions. Paris, J.-O. Fourcade, 1930.
D'après Paris. Paris, Librairie de France, 1931.
— D'après Paris. Paris, NRF, 1932.
Haute solitude. Paris, Émile-Paul, 1941.
Pour la musique, Tancrède, suivi de Ludions. Paris, Gallimard, 1943.
Poésies. Paris, Gallimard, 1963. Préface de Saint-John Perse.
Chroniques, essais
Le Piéton de Paris. Paris, Gallimard, 1939.
Déjeuners de soleil. Gallimard, 1942.
Refuges. Paris, Émile-Paul, 1942.
Lanterne magique. Marseille, Robert Laffont, 1944.
Composite avec André Beucler. Paris, O.C.I.A., 1944.
Méandres. Genève, Milieu du monde, 1946.
Poisons. Paris, Daragnès, 1946.
Portraits de famille. Paris, Janin, 1947.
Hernando de Bengoechea ou l'âme d'un poète. Paris, Amiot-Dumont, 1948.
Etc.... Genève, Milieu du monde, 1949.
Maurice Ravel. Paris, Domat, 1949.
Les XX arrondissements de Paris. Lausanne, Vineta, 1951, rééd. Fata Morgana, 2011.
Dîners de lune. Gallimard, 1952.
Pour la peinture. Gallimard, 1955.
Les grandes heures du Louvre. Paris, Les deux Sirènes, 1948.
Correspondance
Valery Larbaud et Léon-Paul Fargue, Correspondance 1910-1946 (éd. Th. Alajouanine). Gallimard, 1971.

Références critiques

Hommage à Léon-Paul Fargue, Les Feuilles libres, n° 45-46, juin 1927
André Beucler, Dimanche avec Léon-Paul Fargue, Paris, Le Point du Jour, 1947
André Beucler, Vingt ans avec Léon-Paul Fargue, Genève, Milieu du monde, 1952
Jean-Claude Walter, Léon-Paul Fargue ou l'homme en proie à la ville, Paris, Gallimard, 1973
Henri Thomas, À la rencontre de Léon-Paul Fargue, Montpellier, Fata Morgana, 1992
Jean-Paul Goujon, Léon-Paul Fargue, poète et piéton de Paris, Gallimard, Biographies, 1997
Barbara Pascarel, Léon-Paul Fargue, Paris/Rome, Memini, « Bibliographie des écrivains français », 2000
Léon-Paul Fargue poète et chroniqueur (dir. Pierre Loubier et Barbara Pascarel), RITM, hors série, Université Paris X-Nanterre, 2001
Fargue... variations, textes réunis par Pierre Loubier, Revue des Sciences Humaines, n° 274, 2/2004

Liens

http://youtu.be/Qv_vH-p8vjs visitation préhistorique
http://youtu.be/aLnEA4BpxbA Chanson dit par Claude Nougaro
http://youtu.be/XYulmRagqEw Déjeuners au soleil
http://youtu.be/L_Tj3e5njNM Un Dimanche avec Léon-Paul Fargue
http://youtu.be/eCivD_pqSNA Le piéton de Paris




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Le 17 novembre 1900, à Bellon dans les Charente naît Pierre Véry

, il meurt à Paris le 12 octobre 1960. écrivain et cinéaste français, il a aussi écrit sous les pseudonymes de T.Tremeur, Toussaint-Juge et Simon Périgord
Parmi ses romans les plus célèbres figurent notamment Les Disparus de Saint-Agil , Goupi-Mains rouges et L'Assassinat du Père Noël, tous adaptés avec grand succès au cinéma. Auteur de romans policiers, il a aussi écrit des ouvrages pour la jeunesse.

Sa vie

Il naît en 1900 dans la ferme du Couret à Bellon près d'Aubeterre-sur-Dronne en Charente, dans une famille d'agriculteurs. Son père avait dérogé à la tradition familiale en devenant professeur de Mathématiques et surtout en s'intéressant à la politique, ce qui engloutira la propriété familiale.
Son unique grand-frère disparaitra sur un navire de transport de troupes envoyé vers les Dardanelles lors du premier conflit mondial.
Après l'obtention du Certificat d'Etudes il est envoyé en pension au Petit Séminaire de Meaux, mais en sortira sans la vocation religieuse...
il perd sa mère.
A la même époque, il crée la société secrète des Chiche-Capon, dont le but est de trouver les moyens de se rendre en Amérique, et qui inspirera au Véry adulte ses romans Les Disparus de Saint-Agil et Les Anciens de Saint-Loup. En 1915, il rejoint son père, installé 111 rue Lauriston, à Paris, et devenu entre-temps marchand d'étoffes.
Après un court service militaire en 1920, il exerce divers métiers : rédacteur dans une compagnie d'assurance, courtier en vins...
Déçu par le vélo qu'il pratique avec assiduité avec son ami Pierre Béarn et saisi par le démon de l'aventure, il s'embarque sur un cargo qui cabote vers le Maroc.
Entre les lectures de Jules Verne et Thomas Mayne-Reid, Erckmann-Chatrian et Onésime Reclus, il vit là ses douze premières années : les paysages charentais formeront d'ailleurs les décors de Pont-Égaré, de Goupi-Mains rouges et des Métamorphoses.

Plusieurs petits métiers plus tard, et après quelques courses cyclistes et tentatives de tour du monde avortées avec son ami Pierre Béarn, Pierre Véry ouvre en 1924 la Galerie du Zodiaque, une librairie d'occasion, sise au 52 rue Monsieur-le-Prince, à Paris.
Il tâte aussi du journalisme littéraire pour le Journal littéraire et Paris-Journal, et continue d'écrire pour lui-même. Durant cette période il fréquente Marcel Achard, Serge, Georges Charensol, puis, au milieu des années 1930, Paul Gilson, Nino Frank et Roger Régent.

Il amorce sa carrière littéraire en publiant des nouvelles et en rédigeant de courts articles pour diverses revues sous les pseudonymes T. Tremeur et Simon Périgord. En 1929 paraît son premier roman, Pont-Égaré, qui obtient un succès d'estime et se retrouve dans les sélections des Prix Renaudot et Fémina.
L'année suivante, il reçoit le premier prix du Roman d'Aventures pour Le Testament de Basil Crookes, un roman policier publié dans la collection Le Masque sous le pseudonyme de Toussaint-Juge, bien qu'une erreur éditoriale révèle le nom de Pierre Véry à l'intérieur de l'ouvrage. Devant le bel accueil public remporté, l'auteur hésite entre le désir de redevenir un auteur sérieux ou s'engager résolument dans la fiction policière avec l'espoir d'en renouveler la forme. Les romans suivants, Danse à l'ombre, 1931, Les Métamorphoses, 1931, Le Meneur de jeu, 1933 et Clavier universel, 1933, trahissent ses hésitations.

Jusqu’en 1932, date à laquelle il cède la librairie à Pierre Béarn, il voit passer nombre d’écrivains, et en particulier ceux qui fréquentent rue de l'Odéon la Maison des amis du livre ou Shakespeare and Company : André Gide, Valery Larbaud, René Trintzius. Le goût du jeune Pierre pour la fiction lui vient de sa mère qui le berce dès son plus jeune âge de légendes locales qui alimenteront ensuite son univers romanesque. Homme plus pragmatique, son père, ancien maire de Condé-sur-Noireau, est un professeur de mathématiques qui finit par perdre son poste en raison de ses activités politiques.

En 1934, il choisit finalement le roman policier et crée le personnage de Prosper Lepicq qui revient dans une demi-douzaine d'enquêtes.
À partir de cette date se développe le style propre de Véry qui qualifie lui-même ses récits de romans de mystères.
En effet, dans ses œuvres, comme dans ses scénarios, le merveilleux et la fantaisie côtoient la peur et l'aventure d'une façon toute singulière qui établit sa signature.
En 1938, le public le découvre plus largement, grâce au cinéma, avec l'adaptation des Disparus de Saint-Agil, roman paru trois ans plus tôt.

Dans les années 1950, il habite rue du Boccador à Paris, Il passe régulièrement ses vacances à Saint-Romain, où son père habitait une partie de l’année.
De son mariage avec Jeanne Rouvin, Pierre Véry a eu trois enfants : Madeline, Dominique et Noël. Noël Véry, opérateur de cinéma connu et promoteur en France du steadicam, s'occupe activement de la mémoire de l'œuvre de son père.

En 1952 un accident cardiaque l’éloigne des milieux cinématographiques et il se tourne un temps vers la production radiophonique d’une émission policière : Fait-Divers.
Il renouera avec quelques films alimentaires (Papa, Maman, la Bonne et moi ), deux livres pour la jeunesse adaptés pour la télévision, et un recueil de nouvelles de Science-Fiction, avant de s’éteindre d’un second accident cardiaque en octobre 1960.


Œuvre

Romans

Série Prosper Lepicq

Meurtre Quai des Orfèvres (1934)
Monsieur Marcel des pompes funèbres (1934)
L'Assassinat du père Noël (1934)
Le Réglo (1934)
Les Disparus de Saint-Agil (1935)
Le Gentleman des antipodes (1936)
Le Thé des vieilles dames (1937)

Série Goupi-Mains rouges
Goupi-Mains rouges (1937)
Goupi-Mains rouges à Paris (1948)

Autres romans policiers

Le Testament de Basil Crookes (1930)
Le Baron Gaude, détective (1933)
Clavier universel (1933)
Le Meneur de jeu (1934)
Les Quatre Vipères (1934)
Les Trois Claude (1936)
Mam'zelle Bécot (1937)
Monsieur Malbrough est mort (1937)
L'Inspecteur Max (1937)
Série de sept (1938)
Madame et le mort (1940)
Mort depuis 100 000 ans (1941)
L'assassin a peur la nuit (1942)
L'Inconnue du terrain vague (1943)
Histoire de brigands (1943)
Les Anciens de Saint-Loup (1944)
Léonard ou les Délices du bouquiniste (1946)
Le Costume des dimanches (1948)
La Route de Zanzibar (1949)
Un grand patron (1951)
Le Guérisseur (1954)

Autres romans

Pont-Égaré (1929)
Danse à l’ombre (1931)
Les Métamorphoses (1931)
Le Pays sans étoiles (1945), récit fantastique
Au royaume des feignants (1946), roman d'anticipation
La Révolte des Pères Noël (1959), roman de politique-fiction

Nouvelles

Recueils de nouvelles

Les Veillées de la Tour Pointue (1937)
Cinéma, cyanure, et compagnie (1954)
Tout doit disparaître le 5 mai (1961),
recueil de nouvelles de science-fiction posthume

Nouvelles de la série Prosper Lepic

Police technique1 (1935)
Prenez garde aux ballons rouges2 (1939)
La Dame des musées3 (1939)
Ouvrages de littérature d'enfance et de jeunesse

Signé : Alouette (1960)
Les Héritiers d'Avril (1960)

Autre publication

Lettre d'excuses à un assassin de romans policiers (2005)

Filmographie

Scénariste
1941 : L'Enfer des anges
1942 : Pension Jonas
1942 : Mélodie pour toi
1946 : Le Pays sans étoiles
1946 : Martin Roumagnac
1948 : La Chartreuse de Parme
1948 : Le Carrefour des passions
1949 : Suzanne et ses brigands
1949 : Le Paradis des pilotes perdus
1949 : Singoalla
1950 : Les Anciens de Saint-Loup
1950 : Souvenirs perdus
1951 : Un grand patron
1953 : L'Esclave
1953 : Le Guérisseur
1954 : Papa, maman, la bonne et moi
1955 : Papa, maman, ma femme et moi
1957 : Mademoiselle Strip-tease de Pierre Foucaud
1958 : Échec au porteur
1958 : Sans famille
1961 : Par-dessus le mur de Jean-Paul Le Chanois

Adaptations de ses œuvres

1938 : Les Disparus de Saint-Agil
1941 : L'Assassinat du père Noël
1942 : L'assassin a peur la nuit
1943 : Goupi Mains Rouges
1943 : Madame et le Mort
1946 : Le Pays sans étoiles
1950 : Les Anciens de Saint-Loup
1951 : Un grand patron
1957 : L'Assassinat du père Noël
1967 : Signé alouette (téléfilm)
1976 : Le Gentleman des Antipodes (téléfilm)
1990 : Les Disparus de Saint-Agil (téléfilm)
1994 : Goupi mains rouges (téléfilm)

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Goupil film de Jacques Becker

Drame de Jacques Becker, avec Fernand Ledoux dans le rôle de Goupi Mains Rouges, Robert Le Vigan, Goupi Tonkin, Georges Rollin, Goupi Monsieur, Blanchette Brunoy, Goupi Muguet, René Genin, Goupi Dicton, Marcel Peres Eusèbe.
Scénario : Pierre Véry
Photographie : Pierre Montazel
Décor : Pierre Marquet
Musique : Jean Alfaro
Montage : Marguerite Renoir
Pays : France
Date de sortie : 1943
Son : noir et blanc
Durée : 1 h 40
Résumé

Dans un village charentais vivent quatre générations de Goupi, qui ne s'entendent pas toujours très bien, mais lavent leur linge sale en famille. On trouve un soir le pépé mort, et c'est le drame car lui seul connaissait la place d'un magot qu'on se transmet de génération en génération. Qui a fait le coup ?
Commentaire

Becker s'imposa avec ce deuxième film comme un cinéaste de premier ordre. L'intrigue, qui pourrait être trop ingénieuse avec ses flash-back et ses ellipses, est constamment mise en abîme par une mise en scène fluide, d'une rigueur impressionnante et par une distribution magique, d'une homogénéité parfaite.
Le milieu paysan est montré avec une exactitude presque vériste. Le sujet, qui exalte par certains aspects la communauté paysanne, pourrait être pétainiste avec son côté retour à la terre , si la description n'était féroce et critique.

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L'assassin a peur la nuit, Pierre Very 1942

Après 1968, avec Manchette, on a parlé de roman social, de roman de gare, dune littérature noire sans manichéisme dans laquelle le héros pouvait être le voyou plutôt que le policier parfois absent. Il ne s'agit pas dune rupture avec tout ce qui s'écrivait auparavant en France car dautres auteurs sont les prédécesseurs de cette nouvelle vague aujourdhui sexagénaire.
On trouve des ferments du néo-polar dans L'assassin a peur la nuit qui, bien quadapté au cinéma, nest pas le roman le plus connu de son auteur. Pierre Very, qui a influencé Pierre Siniac à ses débuts; s'est davantage consacré au cinéma.
Nous avons débusqué le livre "L'assassin a peur la nuit " chez Thierry de la Librairie Le Ferry Book, rue Edmond Rostand 13006 Marseille.
Il coûtait 12 francs à sa sortie en 1942.
Il a été édité par la Librairie Arthème Fayard dans sa collection de poche "Le roman policier". Il s'agit d'un livre d'occasion et nous remercions son précédent possesseur qui a protégé la couverture dans un film de de matière plastique transparente.

L'assassin a peur la nuit, suite!...

Olivier est un voleur. Un beau voleur aux mains agiles, à l'esprit vif. Il ne fait rien au hasard. Avec lui, un casse est l'aboutissement d'un travail préparatoire et il doit se passer sans anicroche jusqu'au jour où une erreur le pousse à se mettre un moment au vert. C'est une façon de parler, puisque, faux chômeur et citadin, il se fera engager sur un chantier de travaux dans la France rurale.
Il est aussi l'amant d'une femme aussi belle et vénale que dangereuse, une tigresse qui l'emmènera jusqu'au crime.
Mais Olivier n'est pas un assassin. Nuit après nuit, il a de plus en plus peur. Il fait des cauchemars. Il ne peut plus dormir. Se serait-il trompé de vie, trompé de crime, trompé d'amour ? La douce et sage Monique, la fille de la campagne, sera-t-elle plus forte que la femme fatale de la ville ?
Quand Olivier partira sur les chemins, à la recherche de lui-même, à la recherche de son amour perdu, il ne sait pas encore qu'il lui faudra payer, tout payer. Jusqu'à ce qu'il n'ait plus peur la nuit.
Dans "l'Assassin a peur la nuit", Pierre Very campe des personnages sensibles avec leur fêlures, nous fait assister à la rédemption d'un homme dans une intrigue à rebondissements qui laisse la place à des anecdotes.
Le roman a été adapté au cinéma par Jean Delannoy en 1942 avec la distribution suivante : Mireille BALIN Jean CHEVRIER Louise CARLETTI Henri GUISOL Gilbert GIL Jules BERRY Georges LANNES Jacques TARRIDE Lucien CALLAMAND Charlotte CLASIS Pierrette CAILLOL Gisèle ALCÉE Maurice TRICARD Georges YVON Alexandre FABRY et Roland PÉGURIER.

Résumé :

Après le cambriolage du coffre d'un magasin parisien en compagnie de son complice Maurice ( alias Bébé-Fakir dans le roman), Olivier, par prudence, quitte sa maîtresse Lola et part se terrer dans un petit village de Provence. Il trouve un emploi sur un chantier grâce à l'amitié du jeune Gilbert, qui le présente à sa s'ur Monique. L'affaire du cambriolage semblant classée, Olivier songe à rentrer après avoir volé la paye des ouvriers du chantier et fait signe à Maurice de venir le chercher. Mais, séduit par la pureté de Monique dont il est tombé amoureux, il renonce à son projet.

À Paris, Lola est tombée sous la coupe de Jérôme, un antiquaire-recéleur qui est entré en possession d'un collier volé et menace de les dénoncer si Lola ne devient pas sa maîtresse. Avant de se séparer définitivement de Lola, Olivier se rend chez Jérôme pour récupérer le collier. Au cours de la discussion, Olivier, pour se défendre, assomme l'antiquaire avec une pendulette. Pris de panique, il s'enfuit et retourne au petit village pour revoir Monique. Mais Lola et Maurice (alias Bébé-Fakir) le rejoignent en voiture sans se rendre compte qu'ils ont été suivis par l'inspecteur Paillot.

Les trois fugitifs se réfugient dans un vieux moulin où Gilbert vient les avertir de l'arrivée de la police. Lola fait une chute accidentelle et meurt en avouant à Paillot qu'elle a achevé Jérôme après le passage d'Olivier chez l'antiquaire. Sa conscience soulagée, Olivier part pour la prison avec l'espoir que Monique l'attendra.

« C'est Pierre Véry qui, le premier, veut " rénover la littérature policière en la rendant poétique et humoristique... ". Il crée ainsi Prosper Lepicq, avocat dont le passe temps est de traquer les criminels afin d'assurer leur défense et ses revenus. Mais il fait surtout sensation en introduisant le merveilleux dans les délits de droit commun. source Noir comme polar

Pierre Véry, romancier et scénariste de cinéma, a publié son premier roman ('Pont égaré') en 1929 auquel ont succédé une quarantaine d'autres. Romans d'aventures et policiers pour la plupart (citons notamment 'L'assassinat du Père Noël', 'L'assassin a peur de la nuit' ou encore 'Goupi mains rouges'), ils s'inspirent souvent de l'univers champêtre et des personnages de l'enfance charentaise du jeune Pierre

Mais c'est surtout au cinéma que le grand public le découvrira avec, en 1938, l'adaptation au cinéma par Christian JAQUE d'un de ses romans, 'Les disparus de Saint Agil' paru trois ans plus tôt.. Après le succès des deux films de Christian-Jaque, Les disparus de Saint-Agil et L'assassinat du Père Noël, Very va adapter plusieurs de ses romans, dont Goupi-Mains Rouges pour Jacques Becker, puis il va devenir un vrai professionnel du cinéma, tour à tour, adaptateur, scénariste ou dialoguiste. On le retrouve aux génériques de La Chartreuse de Parme, Papa, maman la bonne et moi ou Mademoiselle Streap-tease. Pratiquement perdu pour la littérature, il devint ainsi un scénariste réputé et collabora à l'écriture de nombreux autres films...

Plus près de nous, nombre d'écrivains de la mouvance du Néo-polar se sont reconvertis qui dans le cinéma, qui à la télévision dans les séries policières et ont abandonné le roman. La perte n'est pas toujours aussi grande que dans le cas de Very. Cet homme avait le génie des noms de personnages : Toussaint Juge, Jean Sucre, la baron Gaude, Désiré Triboire, Prosper Lepicq bien sûr et Jugonde, le marquis de Santa Claus, Edmond Gay, Martial Barbotte, Zélie Beluge, Médéric Plainchant, la tribu des Goupi (Goupi-Gazette, Goupi-Tonkin, Goupi-Doux Jésus, Goupi-Mes sous...) sans oublier Martin Squelette. Francis Lacassin, dans une étude parue jadis, avait dit de Very qu'il faisait intervenir "la police au pays des fées". C'est précisément cet aspect d'un merveilleux ancré dans le réel le plus banal qui fait le prix de son oeuvre.


Liens

http://youtu.be/M5I6UE1gw0w Pierre Véry (INA)
http://youtu.be/N_00YVciDxk Les disparus de St Agile film entier
http://youtu.be/JXDll_-vXkg Goupil les mains rouges
http://youtu.be/U60Vj1mTH2E Les anciens de St Loup
http://youtu.be/AXrPcLuWcrM L'assassinat du père Noèl
http://youtu.be/-C6DZkpzYn8 le maitre du Mystère Le pays sans étoiles

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Posté le : 16/11/2013 22:14
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Johann Christoph Friedrich Schiller
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Le 10 novembre 1759 naît Johann Christoph Friedrich Schiller,

à Marbach am Neckar dans le duché de Wurtemberg du Saint Empire et mort le 9 mai 1805 à 45 ans, à Weima, est un poète, écrivain de langue allemande, il appartient au mouvement romantique "strum und drang, il aborde plusieurs genres : essai, poésie, théâtre, roman.
ce poète, dramaturge et écrivain sera le proche collaborateur de Johann Wolfgang von Goethe



Sa vie en bref

Johann Christoph Friedrich Schiller est né en 1759 à Marbach am Neckar d’un père militaire dans les armées du Wurtemberg. Quelques années plus tard, vers 1766 sa famille s’installe à Ludwigsburg et y reste jusqu’en 1780. Bien qu’il passe son enfance et sa jeunesse dans une certaine pauvreté, il attire l’attention du duc de Wurtemberg, Charles-Eugène, qui lui propose d'intégrer les rangs dans l'établissement qu'il a créé, la Karlsschule.
En 1773, Schiller commence à étudier le droit puis à partir de 1775 la médecine.
En 1780, il écrit son Diplomarbeit mémoire de fin d’études et devient médecin militaire à Stuttgart.
En 1781, il publie Les Brigands anonymement.
En 1782, Schiller, médecin militaire, se retrouve en détention quelques jours à Asperg pour cause d’éloignement non autorisé presque de la désertion.
Il était allé assister à Mannheim à la représentation de sa pièce Les Brigands sans autorisation.
En 1783, il travaille comme bibliothécaire et obtient un contrat jusqu’en 1785 comme poète de théâtre à Mannheim. Pendant quelques années, il déménage souvent : Leipzig, Dresde, Weimar et rencontre pour la première fois Johann Wolfgang von Goethe en 1788.
À la fin de cette année, il décroche une place de professeur d’histoire et philosophie à Iéna où il s’installe l’année suivante.
Il écrit des œuvres historiques. Il sympathise alors avec un autre personnage célèbre de son temps : Wilhelm von Humboldt.
En 1790, il épouse Charlotte von Lengefeld. En 1791, il devient pensionnaire du prince Frédéric-Christian d’Augustenbourg. En 1794, Goethe le pousse à écrire pour le journalisme satirique.
Le 26 août 1792, la France de la Révolution française lui donne la citoyenneté française2, suite à ses nombreux écrits contre les tyrans ; il ne l’apprend qu’en 1798. En 1799, il retourne à Weimar où Goethe le convainc d’écrire de nouvelles pièces de théâtre.
Il prend avec Goethe la direction du théâtre de la Cour grand-ducale qui se place très vite à la pointe de la scène théâtrale allemande, permettant une renaissance du genre dramatique. En 1802, il est anobli : la particule von est ajoutée à son nom.
Il reste à Weimar jusqu’à sa mort d’une dégénérescence pulmonaire, à l’âge de 45 ans.
Depuis 1934, l'université de Iéna porte le nom de Friedrich-Schiller.


Naissance d'un écrivain

Brimé par une famille obstinément autoritaire, il détourna sa révolte en se plongeant dans les livres.
Sa fréquentation de Shakespeare, Goethe, Klopstock et Leibniz l'incita très tôt à se tourner vers le théâtre, pour y exprimer à la fois sa violente jeunesse et ses croyances toutes neuves en l'harmonie universelle.
En témoigne sa première pièce, les Brigands, créée en 1872 avec un succès éclatant. Pièce politique, les Brigands mettent en scène le héros type de Schiller : un jeune homme en rébellion contre l'ordre, mais qui pressent intimement que son combat est désespéré.
Suivirent la Conjuration de Fiesque en 1873 et Intrigue et Amour en 1784, mieux connu sous son titre allemand Kabale und Liebe, ou par l'opéra que Verdi en tira, Luisa Miller.
En 1785, Schiller vient s'installer à Leipzig chez un de ses admirateurs, Körner.
C'est de cette année que date l'Hymne à la joie appelé aussi Hymne de Gohlis, sur lequel Beethoven composera le 4e mouvement de sa 9e Symphonie.
Très inspiré par l'Aufklärung et par les idées de liberté, de droits de l'homme, qui commençaient à secouer l'Europe intellectuelle, il écrit Don Carlos, ce même Don Carlos où Verdi, encore lui, puisera le sujet de son Don Carlo.
L'intérêt de Verdi pour Schiller s'explique sans doute, par-delà le goût pour un certain pathos, par la situation politique que connaissait l'Italie à l'époque. Parallèlement au théâtre, Schiller rédige plusieurs ouvrages d'esthétique, puis se lie d'amitié avec Goethe.
Il évolue alors considérablement, se déclare déçu par son idéalisme, ce que le héros des Brigands annonçait déjà, en dénonçant la médiocrité de ses compagnons, et s'avoue degoûté par l'exécution de Louis XVI. Portent témoignage de ce revirement la trilogie Wallenstein 1796-1799, qui inspirera ?d'Indy, Marie Stuart, tragédie classique de belle facture, 1799-1800, la Fiancée de Messine 1803, tentative quelque peu ratée d'adapter Sophocle Schumann en écrira une ouverture et la Pucelle d'Orléans en 1801.
Cette vision fort contestable de Jeanne d'Arc sera reprise par Verdi et Tchaïkovski ; Schiller y développe, pour la première fois, l'idée de nation, qu'il traitera bien mieux dans Guillaume Tell en 1804, dernier de ses drames achevés, et que Rossini immortalisera. La poésie de Schiller a également inspiré des auteurs de lieder, et parmi eux Schubert 31 lieder, ce dernier faisant toutefois preuve d'une certaine timidité à l'égard du style de l'écrivain

Un siècle durant au moins, les drames de Schiller ont occupé la première place sur les scènes de langue allemande.
En 1859, les fêtes du centenaire de sa naissance eurent une importance nationale : l'Allemagne se reconnaissait en lui. Cent ans plus tard, les célébrations de 1959 n'eurent pas la même signification.
Pourtant, en 1955, à propos du cent cinquantième anniversaire de sa mort, Thomas Mann prononça à Stuttgart, puis à Weimar le même discours, où il apparaissait que, malgré tant de changements, la personnalité de Schiller et son œuvre demeurée largement vivante éveillaient des résonances à l'Est comme à l'Ouest.
Cette œuvre demeure, même pour qui ne reconnaît plus sa dramaturgie, la plus haute forme du discours dramatique classique en langue allemande.
À la vérité, les scènes allemandes, dans la seconde moitié du XXe s., montent surtout ses œuvres de jeunesse et, en premier lieu, les Brigands "Die Räuber".
Le succès de la création, le 13 janvier 1782, au Théâtre national de Mannheim, en pays de Bade, rendit célèbre du jour au lendemain le nom de Friedrich von Schiller dans tous les pays allemands.
Elle était l'œuvre d'un médecin militaire wurtembergeois qui l'avait écrite en cachette, et son succès décida aussi du destin de son auteur.
Schiller, dont le père était officier du duc Charles Eugène de Wurtemberg, avait été mis en pension à quatorze ans dans une sorte d'école des cadres fondée par un prince qui voulait moderniser son pays. À la maison, deux femmes, sa mère et sa sœur, offraient au jeune Schiller, enfant sentimental et emporté, un refuge contre la raideur paternelle.
Mais le pensionnaire de la Karlschule, l'école où il entra en 1773, ne connut plus que l'autorité, car le prince, père tout-puissant de ses élèves, dont il dirigeait à la fois les études et les consciences, était comme une incarnation de l'omnipotence divine.
Son gouvernement se voulait éclairé, mais il était d'abord despotique et si méticuleux qu'il ne restait guère de place libre dans l'emploi du temps de Schiller, qui dut lire secrètement les auteurs allemands du temps.
Après avoir fait d'abord du droit, le jeune homme entreprenait, sur ordre, en 1775, des études de médecine.
Son maître de philosophie, qui avait gagné sa confiance, lui fit lire beaucoup d'auteurs modernes, français, anglais, et c'est dans Leibniz que Schiller trouva l'idée d'une harmonie universelle, à la fois rationnelle et idéale. Il cherchait dans la méditation et l'étude ce que la réalité lui refusait ; il vivait dans un monde selon son rêve idéaliste.
Sa révolte contre un ordre imposé ne fit que grandir lorsqu'il sortit de l'internat en 1780 pour devenir médecin militaire stagiaire dans un régiment de Stuttgart. Dans un petit État monarchique comme était le Wurtemberg, les sujets du prince vivaient sous une surveillance constante, à la fois de l'opinion et de la police, un peu comme dans la Chartreuse de Parme. Contrainte double pour qui est militaire sans vocation et ne peut quitter sa ville de garnison sans un sauf-conduit.

"Les Brigands"

La rébellion de Friedrich Schiller s'est exprimée d'abord, très indirectement, dans des poèmes, puis, avec une violence sans retenue, dans une pièce commencée à l'académie et terminée à Stuttgart : les Brigands. Le héros du drame, Karl Moor, privé de l'affection paternelle par les manœuvres de son frère Franz, ne voit comme moyen pour "venger l'humanité offensée" que la négation de l'ordre légal.
Il ne peut soutenir sa révolte qu'en se mettant à la tête d'une bande de brigands.
Mais ses compagnons, venus à lui pour des raisons variées, tuent et pillent sur leur passage, si bien que leur chef, traqué, finit par rendre les armes : " Deux gaillards comme lui suffiraient à ruiner l'édifice du monde moral."
Idéaliste et rousseauiste, persuadé que l'ordre naturel est bon s'il n'est pas contrarié par la scélératesse des hommes et des lois, Karl Moor voulait renverser un ordre social corrompu, dont son frère est l'incarnation. Comment ne pas braver la loi quand elle est contre toute justice ? Mais comment trouver aussi le moyen de renverser l'ordre établi sans le secours des violents ?
Karl Moor meurt de ce tragique déchirement entre l'honneur et le destin, entre les moyens de la force et le service d'un idéal. Sous une forme ou une autre, cet irréductible partage traversera toutes les pièces de Schiller, sauf la dernière.
Mais, en 1782, Karl Moor apparut comme un porte-parole pathétique et enflammé de la jeune génération, celle des génies méconnus et du « Sturm und Drang », où grandissaient les forces et les ambitions d'un tiers état tenu dans une tutelle si étroite et si multiple que sa révolte fut, en même temps, radicale et idéale. Avant Schiller, Lenz, Maximilian von Klinger, Leopold Wagner, Goethe aussi avec son Götz von Berlichingen avaient trouvé le même public. Le Karl Moor de Schiller sut l'enflammer.
Le duc de Wurtemberg comprit le danger de cet enthousiasme et fit interdire à Schiller de publier quoi que ce fût sans son autorisation. Il ne lui avait pas échappé que cette pièce visait son autorité. Ainsi l'entendit aussi à Paris l'Assemblée législative quand, en 1792, elle fit Schiller citoyen d'honneur, après avoir entendu l'éloge des Brigands.
La réponse de Schiller à son souverain maître fut de fuir le Wurtemberg, un jour de septembre 1782, en compagnie d'un ami sûr, le musicien Andreas Streicher, 1761-1783. Alors commença une vie errante et parfois misérable d'où Schiller devait être tiré par la générosité de plusieurs de ses amis.
C'est dans la solitude et la fièvre que Schiller, libre et fort de cette seule liberté aussi longtemps qu'il ne reverrait pas le Wurtemberg, a écrit ses pièces des années suivantes.
La Conjuration de Fiesque à Gênes, Die Verschwörung des Fiesko von Genua, 1783 est plus politique et plus radicale encore que la première. Le républicain Fiesque, aussi passionné que Moor, est plus conquérant, plus seul aussi, car il ignore délibérément ce qui n'est pas sa foi :
"Solitaire et inconnu, il engendre un monde … il roule dans son cœur ardent des plans titanesques."
Il complote pour la liberté et serait capable de faire sauter le monde.
En 1784, deux ans après les Brigands, le théâtre de Mannheim donnait Intrigue et Amour, Kabale und Liebe, drame dont le décor et les personnages sont ceux d'une résidence princière de l'époque, où on voit s'opposer un monde aristocratique, cynique à la famille de l'honnête musicien Miller. Luise Miller est aimée de Ferdinand, jeune officier honnête, mais le président Walter, père de celui-ci, monte contre eux une intrigue meurtrière où ils périssent l'un et l'autre.
La scène la plus célèbre, et la plus audacieuse, de la pièce dénonce le commerce que faisaient alors certains princes allemands en recrutant de force des hommes vendus ensuite au roi d'Angleterre pour ses troupes coloniales.
Dénonciation demeurée fameuse parce qu'elle fut la seule sur la scène allemande et qu'elle est dite avec une éloquence émouvante dont les pièces de Schiller ont toutes gardé la marque. Le drame bourgeois allemand avait trouvé son expression achevée. Avec les Brigands, c'est la pièce qui a gardé la faveur des metteurs en scène du XXe s.

L'hymne à la joie

Le théâtre, même après deux succès, n'assurait à Friedrich von Schiller qu'une existence très précaire.
Au lendemain de sa fuite, il avait accepté de se réfugier dans un village de Thuringe perdu dans les bois et de vivre dans une ferme que lui offrait la mère d'un de ses condisciples : Karoline von Wolzogen.
En 1785 se produisit le tournant de sa vie, grâce à un lecteur de ses drames devenu son ami, Christian Gottfried Körner, 1756-1831.
La famille Körner offrit à Schiller une maison et un soutien, d'abord à Gohlis près de Leipzig, puis à Loschwitz près de Dresde.
Avec Körner commençait une longue amitié : jusqu'à la mort du poète, Körner n'a jamais cessé de lui écrire, de l'écouter et de l'aider. Dans l'existence de Schiller révolté contre tout ordre despotique, l'amitié d'êtres libres a joué plusieurs fois un rôle déterminant. Cet homme assoiffé d'indépendance a trouvé le soutien d'amitiés exceptionnelles.
En 1790, il devait accepter une pension du duc d'Augustenberg, qu'il n'avait jamais vu, mais qui s'était alarmé à la nouvelle de la maladie du poète.
À Gohlis, dans la maison de Körner, Schiller vivra dans un milieu bourgeois, cultivé, sans faste, avec des échanges amicaux incessants qui lui donneront comme l'image d'une communauté vraiment humaine, d'une utopie idyllique d'hommes occupés de science, de beauté et d'harmonie.
Plus tard, cet idéal, celui de gens de bien, groupés dans une ville de dimensions modestes, devait reparaître dans la politique comme dans la philosophie morale de Schiller à Weimar.
Le bonheur nouveau de se trouver en communion avec ses contemporains, sans autres liens que ceux d'amitiés désintéressées, inspirait à Schiller, en 1785, l'Hymne à la joie, An die Freude, qu'on appelle aussi Hymne de Gohlis, sur lequel Beethoven devait composer le final de sa neuvième symphonie.
Assuré désormais contre la solitude et la gêne, Schiller exalte l'amitié, le dévouement pour l'humanité, le triomphe de l'association contre les tyrans et les lâches. La violence agressive de son verbe s'estompe, la nature oratoire de son génie apparaît mieux ainsi que cet optimisme exigeant qui ne se sent lui-même que dans l'enthousiaste dévouement à l'idéal.
Le discours de Schiller, d'abord brutal et directement provocant, devient hymne, ode, bientôt dithyrambe et toujours s'attache à exalter et transformer le réel. L'esthétique idéaliste commence à se former.
Schiller renonce à l'action directe, prend les chemins de la rhétorique, de la métaphore, du rythme de la ballade et du drame. L'amitié de Körner et des siens efface le souvenir du duc Charles Eugène – " vieil Hérode ", dit de lui le poète au moment de sa mort, en 1793.

"Don Carlos"

Au théâtre la transformation a été marquée par Don Carlos, publié en 1787. Ce drame politique à la cour d'Espagne est aussi une tragédie de la liberté, mais une tragédie " optimiste ", c'est-à-dire ouverte sur l'avenir.
De l'histoire, Schiller retient l'anecdote de Carlos, jeune prince généreux révolté contre son père Philippe II, qui vient d'épouser une jeune princesse de France dont l'infant était épris. Il y a de quoi écrire un drame sombre, complexe et meurtrier à la manière de Shakespeare, ce que Schiller aurait fait sans doute quelques années plus tôt.
Pendant qu'il y travaille, dans sa retraite de Bauerbach, les perspectives ont changé, l'intérêt s'est porté sur les idées et les révolutions. Schiller, en qui grandit l'historien, se prend d'intérêt pour les courants politiques et les idées qui les ont menés.
L'esprit de tolérance opposé à l'Inquisition, la liberté des Flandres qui va secouer le despotisme de Philippe II lui apparaissent comme les linéaments de la libération par ces dernières en même temps que le retour au « droit naturel ». Don Carlos devient un sujet politique.
L'intrigue amoureuse y demeure – elle y est même double –, mais le plus souvent dans la coulisse et, quand elle est sur scène, elle ne peut faire oublier tout à fait la politique. Car le personnage principal, autant que Carlos ou Philippe son père, est devenu le marquis de Posa, une invention de Schiller : noble dévoué au bien public, animé par l'amour des hommes, sans peur et sans reproche, Posa voudrait faire de Carlos, son élève, le modèle des souverains humanistes. De tous les personnages de Schiller, il est probablement le plus proche de ce que le poète lui-même aurait rêvé d'être.
Chevalier de Malte et grand d'Espagne, Posa aurait été citoyen du monde et franc-maçon au siècle de Lessing et de Schiller. Brave comme le Cid ou comme Bayard, défenseur des libertés flamandes comme le comte d'Egmont, il est aussi un disciple de Rousseau : il veut redonner aux hommes, rendus à la liberté, leur visage altéré par la servitude, l'hypocrisie, la superstition.
Mais ce n'est pas un rêveur et il va droit chez le roi lui réclamer la liberté pour les opprimés, de sorte que ce personnage fait de Don Carlos une pièce politique, la seule où se soit exprimée, à la veille de 1789, une génération qui était en même temps "éclairée" et rousseauiste.
Don Carlos est une pièce trop compliquée. Schiller l'a reconnu quand il l'a comparée à l'Egmont de Goethe, écrit au même moment et dont le plan est bien mieux tracé. Les personnages ont de la couleur ; ceux de Schiller ont du feu et une éloquence qui les dévore.
Posa est un homme aliéné à son idéal, voué au service de la liberté, un soldat de la bonne cause, alors que l'Egmont de Goethe, qui combat lui aussi contre Philippe II, est un grand seigneur désinvolte qui court à un rendez-vous au lieu d'écouter ses conseillers. Devant la mort, l'un et l'autre en appellent à l'avenir. Posa remet toute sa foi au prince Carlos, qui lui survit et qui devra essayer d'incarner " le rêve audacieux d'un nouvel État".
En mourant, Posa lui avait dit :
"Régner est ton métier,
Le mien aura été de mourir pour toi."
Histoire et philosophie de l'histoire

Après Don Carlos

Achevé en 1787, Schiller devait attendre près de dix ans avant de donner un second drame, lui aussi politique : Wallenstein. Entre-temps, le poète, devenu historien, publie en 1788 son Histoire de la révolte des Pays-Bas, Geschichte des Abfalls der vereinigten Niederlande, dont il a commencé à rassembler les éléments en travaillant à Don Carlos.
En 1789, il est professeur d'histoire, sans traitement à l'université d'Iéna, où il donne un cours d'histoire universelle.
Dans l'histoire des peuples et des États, il s'attache aux caractères affirmés, aux personnalités dont l'énergie a mené l'événement et marqué un temps. Parcourant les siècles comme une galerie de portraits, il cherche aussi à saisir le sens que peut avoir le mot liberté dans l'histoire.
Après s'être révolté dans la solitude et l'absolu, après avoir nié le monde historique, il veut en percer les secrets. Il pense un temps y consacrer tout son effort.
Il revient pourtant à la poésie et au théâtre, au lendemain de son Histoire de la guerre de Trente Ans, Geschichte des dreissigjährigen Krieges, 1790-1792.
Au moment où Goethe, qu'il ne fréquente pas encore, est en Italie, 1786-1788, Schiller se passionne pour les tragiques grecs, en fait des récitations et se met directement à leur école :
" En élargissant ma connaissance des pièces grecques, je veux en extraire ce qui est beau, vrai, efficace et, laissant de côté ce qui est défectueux, je veux me faire un idéal, pour corriger celui qui est le mien aujourd'hui", écrit-il en 1788. La même année, il ouvre la série de ses grandes odes sur des sujets philosophiques avec les Dieux de la Grèce, "Die Götter Griechenlandes", où s'affirment l'admiration de la perfection sensible, une religion de la forme et de la vie opposée au christianisme " décharné " et à la métaphysique déchirée des Modernes.
En 1789, il compose un long poème, les Artistes, "Die Künstler", qui est un programme esthétique et moral. Pour Schiller, les artistes, ceux qui savent créer, ont guidé les premiers pas de l'humanité et demeurent les agents de son progrès, lui offrant le meilleur – et sans doute le seul – moyen de travailler à un perfectionnement de soi. Cette fin est hyperbolique, mais elle est l'honneur des hommes.
L'humanité meilleure sera celle chez qui le goût et le culte du beau auront pris la première place ; les artistes sont et peuvent plus que les savants et les moralistes ; ils ont en dépôt ce que les hommes ont de plus précieux, ce que Schiller appelle leur véritable dignité "Würde".

Kant

Son esthétique, prend une forme doctrinale après que le poète s'est mis à l'école de Kant, dont les grandes œuvres paraissent entre 1781, Critique de la raison pure, et 1790 "Critique du jugement".
C'est l'esthétique de Kant que Schiller entreprend de compléter, en développant l'idée du beau objectif, qui n'est plus seulement affaire de jugement fondé sur le goût. On saisit le beau quand l'objet considéré réalise l'idée d'autonomie par une harmonie de tous ses éléments, par une disposition si heureuse de toutes ses parties qu'il en devient une expression de la liberté.
La contrainte vaincue, les proportions trouvées dans une apparente contingence, mais selon une nécessité profonde, deviennent liberté parce qu'elles apportent une nouveauté entière. Cette objectivité du beau est, par excellence, individuation.
Elle vaut pour l'arbre comme pour le corps humain ; elle est particulière au vivant ; l'être humain en a été, et peut-être en sera-t-il demain, le degré le plus élevé.
Les traités esthétiques de Schiller sont rédigés dans une demi-retraite, dont la fin est marquée par le début de sa correspondance avec Goethe en 1794.
Période d'enrichissement, malgré les tourments de la maladie ; se détournant des événements politiques, Schiller s'affermit dans une conception résolument dualiste et dans l'affirmation d'un primat de l'esprit.
Ses principaux ouvrages se sont succédé dans l'espace de quatre années : Sur l'art tragique "Über die tragische Kunst" en 1792, Sur la grâce et la dignité "Über Anmut und Würde" en 1793, Sur l'éducation esthétique de l'homme "Über die ästhetische Erziehung des Menschen" en 1793-1794, enfin Sur la poésie naïve et sentimentale "Uber naive und sentimentalische Dichtung" en 1795-1796.
L'analyse esthétique de Schiller prolonge celle de la Critique du jugement, pour mettre en relief deux de ses conséquences : que le beau se définit par son autodétermination, qu'il est une fin en soi et que l'art est par excellence le domaine de la liberté, d'une liberté sans mesure, puisqu'elle est à elle-même sa mesure ; d'autre part, que la "troisième faculté", cette faculté de juger définie par Kant, est celle qui montre le chemin d'une conciliation entre phénomènes et noumènes, entre ce qui est de l'idéal et la réalité concrète, la vie qui se déroule dans le temps et la confusion.
Schiller a souligné qu'il devait à Kant d'avoir découvert le chemin de cette conciliation, lui dont toute la jeunesse avait été contrainte et rêve de liberté, déchirement entre un matérialisme biologique à quoi le poussaient ses études médicales et une tendance jamais tout à fait oubliée à l'esprit pur.
La partie la plus originale de cette esthétique est sa théorie du jeu, qui est devenue classique et sur laquelle Schiller fonde la doctrine exposée dans les vingt-sept lettres Sur l'éducation esthétique de l'homme. Le but de cette éducation par le beau serait de faire de l'homme comme l'artiste de sa propre personnalité en lui donnant les moyens de concilier et d'infléchir ses instincts.
Le beau exerçant sur les hommes une attirance irraisonnée et puissante, il faudra proposer à ceux-ci un but esthétique, au lieu de vouloir leur prêcher le bien.
L'impératif catégorique ne peut s'imposer qu'au petit nombre, alors que chacun peut être amené à se réaliser par une activité libre et belle.
La première manifestation en est le jeu, qui est le propre de l'homme, puisque d'instinct il en aime la gratuité. "L'instinct sensible réclame du changement, un contenu pour le temps ; l'instinct formel requiert la suppression du temps et l'abolition du changement.
Ainsi, l'instinct par lequel les deux autres agiront de concert, qu'il me soit permis de l'appeler l'instinct de jeu.
L'instinct de jeu donc viserait à supprimer le devenir dans le temps, à concilier le devenir et l'être, le changement et l'identité" "quatorzième lettre".
Divers et constant, changeant mais pour progresser, libéré, d'abord de lui-même, l'homme pleinement "éduqué esthétiquement » est le fils de l'enfant qui joue :" L'homme ne joue que là où, dans la pleine acception du mot, il est un être humain, et il n'est tout à fait un être humain que là où il joue."

Révolution et éducation

Une application de pareils principes à la politique avait été, dès l'origine, le souci de Schiller : il s'agissait de trouver une réponse qui ne fût ni celle du despotisme ni celle du peuple révolté.
Schiller a cru, en 1789, à l'avènement de la liberté, et il a vite perdu confiance.
L'auteur de Don Carlos a d'abord accueilli avec confiance les nouvelles de Paris, mais, quand on en est venu à la guerre et au gouvernement révolutionnaire, Schiller, révolté encore mais autrement que du temps des Brigands, a maudit les terroristes parisiens pour chercher refuge dans le royaume de l'esprit et de la beauté.
Non pour y "cultiver son jardin" ni pour y vivre dans la contemplation de l'éternel, mais pour y définir les conditions d'une liberté véritable, d'une libération intérieure de l'homme, condition de tout État libre, fondé sur un contrat entre des hommes libres, conscients et maîtres d'eux-mêmes.
C'est ce qu'il appellera un État selon la raison "Vernunftstaat", dont le stade dernier serait un État esthétique, car, dans le royaume du beau, "l'idéal d'égalité aura une existence effective".
C'est pour le progrès des hommes vers l'humanité « éduquée » que Schiller sort de sa réserve ; loin de la politique, il invite à rêver d'une cité harmonieuse dans la communauté des personnes. En décembre 1794, il lance un appel pour une revue qu'il nomme les Heures " Die Horen" ; l'invitation à y souscrire affirme que la revue, sans se soucier des vicissitudes du moment, interrogera l'histoire pour savoir ce que fut hier et la philosophie sur ce que sera demain. Le sens de son action : donner aux hommes équilibre et lucidité avant de leur demander de se gouverner.
Parmi les collaborateurs acquis à la revue, on trouve Herder, Goethe, les deux frères Humboldt, Karl Theodor von Dalberg et une quinzaine d'autres. Cet appel, au moment où paraissent les lettres Sur l'éducation esthétique de l'homme, est une profession de foi des poètes et des penseurs de Weimar, comme un programme d'éducation esthétique et morale, en réponse aux proclamations de Paris. Athènes contre les conquérants !

Weimar

Une des conclusions des lettres Sur l'éducation esthétique de l'homme est que ce programme esthétique, moral et humaniste ne peut trouver sa véritable application que
"dans un petit nombre de cénacles d'élite où l'homme se propose d'obéir à l'essence de la beauté qui est en lui".
Les lecteurs des Heures – la revue aura plus de 1 500 abonnés – forment ces cénacles, et le plus remarquable est celui de Weimar, capitale des arts et de la pensée, où Schiller vient à la rencontre de Goethe, longtemps réticent, mais gagné en 1794.
Exemple insigne des rapports idéaux, tels que les imagine Schiller entre personnes et au sein d'un cénacle cultivés, dans une collectivité limitée et où les rapports personnels sont déterminants, que celui de son amitié avec Goethe.
Celle-ci commence par une analyse et un portrait de chacun par l'autre, elle progresse pour s'étendre de la réflexion à la création, de la communication à la confidence, de la lucidité à l'émotion, de la communauté de vues à une foi commune dans le salut par les arts.
Leur premier sujet est la création poétique. En allant vers Goethe, Schiller approche un homme à qui il peut appliquer la définition du génie telle qu'elle est dans la Critique du jugement : " Le génie est la disposition d'esprit innée par laquelle la nature donne sa règle à l'art."
" Goethe offre à Schiller un exemple privilégié de cette disposition innée qui se trouve à elle-même une règle, personnelle et pourtant générale.
À fréquenter un artiste exemplaire, il pense pouvoir lui faire prendre conscience de ce qu'il doit à lui-même et aussi de ce qu'il devrait aux autres. La correspondance des deux écrivains montre que leurs échanges ont été féconds.
Revenu à regret d'Italie, fuyant lui aussi l'événement révolutionnaire qu'il ne comprend guère, Goethe retrouve avec Schiller un partenaire autant qu'un admirateur, cependant qu'il persuade Schiller de revenir au théâtre.
Ils entreprennent ensemble une campagne d'éducation esthétique, brocardant les mauvais auteurs dans leurs Xénies "Xenien" et développant dans leurs ballades des allégories des grands idéaux de l'humanité. La poésie classique de Weimar y gagne une grande élévation de ton, une noble simplicité de termes et aussi un constant souci moralisateur : en particulier chez Schiller, dont la rhétorique est éloquente avec des inflexions de prédicateur.
Les ballades de Schiller, en mètres réguliers, avec des métaphores à la manière grecque, dessinés comme des statues à l'antique, veulent toujours magnifier un exemple.
Elles réunissent la beauté païenne et une éthique humaniste, ainsi les Grues d'Ibycus "Die Kraniche des Ibykus", l'Anneau de Polycrate "Der Ring des Polykrates".
La plus remarquable, la plus chrétienne aussi est le Chant de la cloche "Das Lied von der Glocke", qui a plus de couleur et de vigueur dans les tableaux, avec un sujet non plus antique, mais contemporain.
S'il sait décrire et conter, Schiller est surtout l'auteur de poèmes philosophiques : en pentamètres iambiques et parfois en hexamètres, il sait développer les idéaux de la liberté et de la foi, la confiance, la fidélité, le devoir.
Poète allégorique sans doute, mais soutenu par la foi et brûlant d'une passion si ardente pour l'idéalité que le jeune Hölderlin, souabe comme Schiller, fut son disciple et dédia comme lui ses vers aux idéaux de l'humanité.

Wallenstein

Pour la scène de Weimar Schiller choisit un grand sujet historique, qu'il a découvert en écrivant l'histoire de la guerre de Trente Ans : Wallenstein, dont il fait une trilogie dramatique, publiée de 1796 à 1799.
Elle va être suivie de Marie Stuart en 1799-1800, de la Pucelle d'Orléans "Die Jungfrau von Orleans" en 1801, de la Fiancée de Messine "Die Braut von Messina" en 1803 et, un avant la mort du poète, de Guillaume Tell "Wilhelm Tell" en 1804.
La trilogie de Wallenstein se donne souvent en une seule soirée, mais qui est très longue, car l'ensemble compte 7 500 vers dont la moitié pour la troisième partie : la Mort de Wallenstein "Wallensteins Tod".
Schiller, qui n'était pas parvenu à styliser certains aspects d'un sujet très riche, avait appelé le tout un "poème dramatique", situant ainsi l'épique et le tragique.
Il débute par un tableau très vivant et coloré du Camp de Wallenstein "Das Lager", qui fait comme un prélude : on y voit toutes les armes et toutes les nationalités qui se côtoient dans les armées impériales.
L'auteur montre là son goût de l'épopée et des tableaux d'histoire : la vie des camps y est vue de près, les recrues, les sous-officiers ont le langage le plus direct ; il y a un prédicateur véhément et une vivandière qui a peut-être fourni quelques traits à la Mère Courage de Brecht, ce théâtre étant pourtant éloigné de celui de Schiller.
Tous ces soldats aiment leur général, Wallenstein, qui semble encore au sommet de sa carrière : le dévouement du camp est là pour expliquer la démesure et le destin de son chef.
Dans la seconde partie, les Piccolomini, les dissensions apparaissent. La cour de Vienne, qui se méfie de Wallenstein, a envoyé un émissaire : celui-ci laisse entendre que le chef aspire à la dictature ; il sait troubler la conscience des envieux et des ambitieux, à ceux qui l'écoutent il dévoile qu'on a la preuve que Wallenstein trahit et traite avec les Suédois, sous l'aveu de l'empereur.
Les généraux se divisent, en particulier les deux Piccolomini : Octavio, le père, est un habile homme qui tend à demeurer du côté du pouvoir ; son fils Max, enthousiaste et brave, ne peut croire ce qu'on veut lui dire ni renier son chef de guerre. Un drame d'amour se poursuit autour de la passion qui unit Max à la fille de Wallenstein, la princesse Thekla.
Le général en chef paraît peu, mais il emplit la troisième partie de la trilogie : la Mort de Wallenstein, où les scènes les plus belles sont moins d'action que de réflexion.
Les péripéties qui détachent les généraux d'un chef aveuglément confiant en son étoile sont nombreuses et prêtent à des chocs de caractère. Mais le personnage le plus intéressant est celui sur qui va s'abattre le destin tragique et qui ne peut plus rien, car il a mis en route la machine qui va le broyer.
C'est à Max que Wallenstein se confie dans une scène centrale, où il expose en termes pathétiques et profonds le déterminisme de l'action. Celui qui voulait exercer le pouvoir tout en demeurant libre va périr : la puissance aliène celui qui la détient. Wallenstein a envoyé un homme sonder les Suédois ; il a été pris par les agents de Vienne ; bien qu'il n'ait pu encore traiter, nul ne peut imaginer que le général en chef voulait seulement s'informer, il est perdu aux yeux de tous, sauf à ceux de Max Piccolomini, qui est un soldat sentimental, sans peur et sans faille.
Celui-ci chargera une dernière fois à la tête de ses cuirassiers. Lui aussi s'en remet au destin, comme Wallenstein, qui avait voulu demeurer libre d'agir et qui a été écrasé par la logique tragique de l'histoire.
Il s'agit d'une pièce pessimiste, aux antipodes de Don Carlos, où le personnage du marquis de Posa réalisait au contraire l'union de l'action et de la liberté dans une conscience heureuse, sans division. De sorte que la mort de Posa est glorieuse, alors que Wallenstein meurt déchiré : sa tragédie est l'agonie de la liberté. Les hommes se croient libres et ils sont déterminés ; plus ils seront ambitieux, plus amère sera leur déception.
C'est de la Révolution française que Schiller avait tiré cette leçon : il y avait aperçu le jeu de forces aveugles et tragiques. Wallenstein réfléchit sur une liberté perdue, sur un divorce qu'il voit sans remède entre l'histoire et la volonté libre.
Au moment où, dix ans après Don Carlos et immédiatement après la Terreur, le poète désespérait de la liberté, il compose, logiquement, cette pièce magnifique, pesante aussi par son ampleur et qui décrit un moment sans espoir de l'histoire des pays allemands. Mais Schiller donnera encore, avant dix ans, un grand poème dramatique sur la liberté avec Guillaume Tell.

Marie Stuart

Entre-temps, deux héroïnes tragiques ont occupé son imagination : Marie Stuart et Jeanne d'Arc. Leurs vies ne se ressemblent pas, mais leurs morts sont également tragiques.
Marie Stuart est la plus classique des pièces de Schiller, puisque toute son action tient dans les derniers jours de la reine malheureuse. En prison, environnée de menaces, celle-ci revient sur son passé, qu'elle confie par allusions. Elle ne nie pas que ses passions l'ont égarée ; elle espère retrouver le droit de vivre en paix. Autour d'elle, amis et ennemis s'emploient et s'affrontent ; elle ne détermine plus rien ; les conséquences du passé se déroulent seulement autour d'elle. Frère de Max Piccolomini, sorti de l'imagination idéaliste de Schiller, le jeune Mortimer la touche, mais elle ne peut plus être sauvée.
Schiller avait, à coup sûr, une prédilection pour ces soldats jeunes et sans tache, aussi blancs et plus simples que le prince de Hombourg de Kleist.
Dans un dernier aveuglement, Marie Stuart va se jeter aux pieds de la reine, pour lui raconter une vie qui est celle de tous les héros malheureux de Schiller : elle a été gâtée par le monde, elle voudrait échapper aux astres maléfiques et à la fin elle écoute les conseils de sa nourrice pour retrouver la paix du cœur.
Elle est l'implication tragique de toute vie ardente ; le temps de la passion, celui de l'ambition sont également tragiques. Pour échapper, il faut mourir. N'y échappent vivants que ceux qui sont assez simples pour passer à travers le feu, sans que leur visage ni leur âme en soient marqués.
Posa, Max entrent dans la mort comme ils avaient vécu.
Avec beaucoup de poésie, la Marie Stuart de Schiller, frivole en vérité et chrétienne, jusqu'au bout superstitieuse, est finalement exaucée. Il est possible que le poète se soit souvenu de la Phèdre de Racine, mais l'héroïne de Schiller a plus de naïveté. Sa victoire finale est, au demeurant, tout intérieure :
"Les mauvais triomphent, mais l'innocence et la noblesse d'âme demeurent un bien absolu."
Consolation et certitude que n'avait pas eues Wallenstein mourant.

La Pucelle d'Orléans

Vue par Schiller, Jeanne d'Arc n'est pas, non plus, à l'abri de la faute et c'est probablement pourquoi la pièce a été souvent mal comprise.
Mais elle est bien trop idéaliste, d'autre part, pour pouvoir satisfaire Bernard Shaw, qui avait étudié l'histoire de plus près que Schiller, sans, pour autant, comprendre le personnage de Jeanne d'Arc.
Schiller a voulu, d'abord, venger la mémoire de son héroïne contre les gauloiseries de Voltaire. En un temps où les Français l'avaient oubliée, c'est un poète de Weimar qui est allé sortir, de la légende autant que de l'histoire, la figure de la bergère de Domrémy.
Il la montre d'abord dans son pays natal, avec son attachement aux prairies de la Meuse et au bois du coteau, au milieu de ses parents, des gens de Vaucouleurs et des villages alentour. Quand elle va quitter ce coin de terre, elle est douce et déterminée, presque comme la Jeanne de Charles Péguy.
C'est que Schiller, le premier, lui a fait incarner l'amour du pays et de la patrie, alors qu'en France on disputait sur la réalité des voix et sur les torts des évêques.
Schiller, historien et prophète à la fois, avait mesuré l'unicité du personnage, sorti du Moyen Âge avec une conscience toute moderne du génie national ; de sorte que la Pucelle d'Orléans mérite d'être appelée une allégorie poétique : Schiller, lui, l'appelait une tragédie romantique.
Il entendait par là que le décor, les personnages et les péripéties empruntées au Moyen Âge lui avaient paru convenir au roman de chevalerie et qu'il ne fallait pas y chercher trop d'exactitude. Il a usé ici de la liberté d'invention du poète, et de plusieurs façons.
D'abord avec le personnage du chevalier noir que Jeanne rencontre dans les rangs anglais, qu'elle épargne alors qu'elle le tient au bout de sa lance, car elle a été touchée par son regard. Péripétie inventée puisque Jeanne d'Arc allait au combat avec une oriflamme et non une lance ou une épée, mais dont le sens est clair : faire naître en elle la division de la conscience.
Elle est, par là, infidèle à sa mission, qui était de combattre, et accessible à la faiblesse de la chair, puisqu'elle a été touchée par la beauté du mystérieux ennemi.
Alors, elle se met à douter d'elle-même, elle est abandonnée par l'inspiration, le Ciel n'est plus avec elle : elle se laissera prendre et on la retrouve, au dernier acte, enchaînée. Prisonnière douloureuse, elle est retombée dans la destinée commune. Quand elle avait accepté sa mission, elle avait aussi conquis la liberté, en se donnant à l'idéal ; elle cessait alors d'être soumise aux contraintes du sort humain. Sur le champ de bataille, elle valait, à elle seule, les meilleures armées, car elle était l'âme même du combat ; la pure flamme de l'esprit à laquelle rien ne résiste.
Elle le redevient, d'un coup, quand, du haut de la tour où ses gardes la tiennent, elle aperçoit au loin, dans la mêlée, les bannières de France parmi ceux qui viennent à son secours. Tout renaît alors en elle, la certitude et la force, ses chaînes tombent d'elles-mêmes ; ses gardes sont paralysés comme les gardiens du sépulcre à la résurrection. Elle se jette dans la mêlée et y meurt.
Mais qu'importe puisqu'elle a été, tout comme le marquis de Posa, heureuse de mourir, redevenue elle-même, libre, et sans tache, incarnation de l'amour de la patrie. Elle a échappé au monde déterminé, elle est libre comme tout ce qui est de l'esprit, elle renaît en se sacrifiant, elle entre aussi dans le souvenir des générations à venir. Peut-être Schiller, évoquant Jeanne d'Arc, pensait-il déjà à la lutte patriotique contre l'occupant.
Destin et liberté

Après la Pucelle d'Orléans

Schiller écrit une pièce qui ne s'est jamais imposée sur la scène et qui représente dans son œuvre comme un essai formel dans la direction de la tragédie antique : la Fiancée de Messine, où il retrace l'histoire d'une lutte fratricide en Sicile au temps des rois normands.
C'est un drame de la destinée (Schicksalsdrama) comme c'était alors la mode en Allemagne, avec intervention d'un oracle et surtout d'un chœur.
La pièce est précédée d'un essai : Sur l'emploi du chœur dans la tragédie, qui veut justifier la résurrection d'un moyen scénique destiné, selon Schiller, à rehausser la poésie du drame et à mieux disposer le spectateur à recevoir les messages mystérieux de la destinée. La pièce est d'une très haute tenue, dans une langue dépouillée, harmonieuse ou violente suivant les scènes.
Mais cette résurrection d'un théâtre à la manière de Sophocle demeure sans vie véritable : ce sujet médiéval, traité à l'antique, est demeuré une tentative unique.
Avec Guillaume Tell au contraire, Schiller, poursuivant la voie ouverte par la Pucelle d'Orléans, fait entrer en scène l'idée de nation.
Ce n'est pas la nation allemande ; mais le sens politique de la pièce n'en est pas moins évident, c'est celui d'un grand poème de la liberté.
L'histoire des Suisses des cantons anciens, "Urkantone", conjurés pour mettre fin à l'oppression étrangère, offrait à Schiller un sujet et des personnages propres à incarner la liberté, non plus cette fois vue du dehors comme dans Wallenstein, mais en action. Les conjurés du Rütli sont, pris ensemble, le peuple tel que Schiller voulait qu'il fût, et Tell lui-même ne cesse guère d'être le porte-parole du poète.
La pièce est construite autour d'une question de morale civique et politique : est-il légitime de prendre les armes, au risque de tuer, pour sauver sa liberté ? Tell y répond dans son monologue de l'acte IV et dans sa discussion avec Jean le Parricide.
Il sera le modèle de l'insurgé, qui n'agit que quand il est sûr d'être justifié et pour défendre les biens les plus sacrés. Sa justification dernière est la pureté du cœur : il dialogue avec l'Être suprême, dans la solitude de la montagne et de sa conscience.
Comme Jeanne d'Arc, il est conscience de son peuple, mais il reste toujours maître de lui.
Il se soumet à l'épreuve inhumaine que lui impose le bailli Gessler pour s'assurer qu'il ne tuera pas sous l'empire immédiat de la colère ; il accepte une sorte de jugement de Dieu avant de se faire lui-même justicier. En lui, pourtant, il n'y a pas de place pour le doute, il n'est à aucun moment divisé contre lui-même ; c'est un homme sans faille, comme était aussi Posa, mais porté par la confiance de ses concitoyens, uni à tout moment et heureusement à son peuple.
Mais il n'était pas présent à la rencontre de Rütli et il n'a pas prêté le serment des conjurés pour conserver toute sa liberté et ne jamais céder aux emportements collectifs. On voit là quelle conception hautement idéaliste Schiller avait d'un héros national.
Guillaume Tell donnait par avance une réponse aux questions que les étudiants de Berlin allaient poser en 1808 au philosophe Fichte pour savoir s'il était moralement légitime de conspirer contre l'occupation étrangère. Comme les conjurés suisses, Fichte répondait qu'un peuple qui conquiert sa liberté défend en même temps sa propre cause et celle de l'humanité. Les Suisses de Guillaume Tell, entre les Français de 1793 et les Discours à la nation allemande, avaient déjà donné leur réponse :
" Plutôt mourir que vivre dans la servitude ".
Avec cette pièce, Schiller se rapprochait d'un public populaire, il tendait à sortir du cadre des cercles cultivés, des hommes qui auraient reçu l'éducation esthétique weimarienne. Il avait retrouvé quelque chose de sa jeunesse, surtout il donnait l'image du monde où il serait heureux.
Mais il y avait aussi la jeunesse héroïque, l'élan vers l'avenir qui est un trait foncier, inaltérable de sa nature comme de son œuvre.
Tell a été créé à Weimar le 17 mars 1804, puis donné aussitôt sur plusieurs autres scènes, en particulier à Berlin le 4 juin, avec si grand succès que Schiller fut invité à venir s'installer dans la capitale prussienne. Il mourut moins d'un an plus tard, le 9 mai 1805.

Œuvres


Poésie

1776 : Le Soir
1777 : Le Conquérant
1780 : Élégie sur la mort d’un adolescent
1785 : Ode à la joie (Ode an die Freude) chantée dans le quatrième et dernier mouvement de la Symphonie n° 9 de Beethoven et devenue l'Hymne officiel de l'Union Européenne (Hymne à la joie)
1789 : Les Dieux de la Grèce, Les Artistes
1795 : L’Image voilée de Saïs
1797 : Ballades, Xénies (écrit avec Goethe)
1799 : Les Mots de l’illusion parlant du Droit, du Bonheur et de la Vérité
1802 : Cassandre
L’ancienne Pompéi est ressuscitée

Essais

1777 : Sur les relations de la nature bestiale de l’homme avec sa nature mentale
1784 : Le Théâtre considéré comme une institution morale
1793 : Sur la grâce et la dignité, Fragment sur le sublime, Du pathétique
1795 : Sur la poésie naïve et sentimentale, Sur l’éducation esthétique de l’homme (in Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme), Sur les limites du beau, Sur le danger des mœurs esthétiques et Sur l'utilité morale des mœurs esthétiques
1797 : Sur la poésie épique et dramatique (écrit avec Goethe)
1798 : Du sublime

Théâtre

Édition originale de Guillaume Tell illustrée par Georg Melchior Kraus
1781 : Les Brigands (Die Räuber) qui inspira l’opéra I masnadieri de Giuseppe Verdi
1782 : La Conjuration de Fiesque de Gênes (Die Verschwörung des Fiesco zu Genua)
1783 : Cabale et Amour ou Intrigue et Amour (Kabale und Liebe - Ein bürgerliches Trauerspiel) qui inspira l’opéra Luisa Miller de Giuseppe Verdi
1787 : Don Carlos (Don Karlos, Infant von Spanien) qui inspira l’opéra homonyme de Giuseppe Verdi
1797 : L’Almanach des Muses (Musenalmanach)
1799 : Wallenstein qui inspira l'œuvre symphonique homonyme de Vincent d'Indy
1800 : Marie Stuart (Maria Stuart) qui inspira l’opéra homonyme de Gaetano Donizetti
1801 : La Pucelle d'Orléans (Die Jungfrau von Orléans) qui inspira l’opéra Giovanna d'Arco de Giuseppe Verdi
1803 : La Fiancée de Messine (Die Braut von Messina)
1804 : Guillaume Tell (Wilhelm Tell) qui inspira l’opéra homonyme de Gioachino Rossini
Traductions[modifier | modifier le code]
1800 : Macbeth de Shakespeare
Phèdre de Racine
Iphigénie à Aulis d’Euripide
Récits[modifier | modifier le code]
1786 : Le Criminel par infamie
Histoire[modifier | modifier le code]
1788 : Histoire de la révolte qui détacha les Pays-Bas de la domination espagnole
1789 : Qu’appelle-t-on histoire universelle, et pourquoi l’étudie-t-on ?
1790 : Histoire de la guerre de Trente Ans
Correspondance[modifier | modifier le code]
Lettres à Körner, Guillaume de Humboldt, Goethe, etc.


Johann Christoph Friedrich Schiller

Les problèmes que traite l’œuvre de Schiller, qu’ils soient politiques, éthiques ou tout simplement esthétiques, ont contribué de façon majeure à l’avancée des idées à la fin du XVIIIe siècle.
Plus encore que Goethe, il a influencé le romantisme allemand. Dans les dernières années de sa vie, Schiller a voulu doter l’Allemagne d’un classicisme qu’elle n’avait pas connu.
Il traduit la Phèdre de Racine pour Weimar, et emprunte des méthodes dramatiques à la tragédie grecque. D’où son double statut de classique et de romantique, et sa place centrale dans la littérature allemande et européenne.
Parmi les grands admirateurs de Schiller, on trouve Fiodor Dostoïevski mais aussi Ludwig van Beethoven, Giuseppe Verdi, Thomas Mann ainsi que Victor Hugo.

Citations

« Contre la stupidité, les dieux eux-mêmes luttent en vain. » in Die Jungfrau von Orléans (1801)
« Les grands arrêteront de dominer quand les petits arrêteront de ramper »

Le texte chanté dans le quatrième mouvement de la 9e Symphonie reprend seulement une partie du poème de Friedrich von Schiller. Il comporte de légères variations par rapport au poème original de 1785 (indiquées en note).
Texte original allemand Traduction française
O Freunde, nicht diese Töne!
Sondern laßt uns angenehmere anstimmen
und freudenvollere. Que celui qui a su trouver la chance,
D'un ami être un ami;
Qui a faite sienne une femme accorte,
Joigne à nous son allégresse !
Oui, même celui qui ne nomme sienne
Qu'une seule âme sur tout le pourtour de la terre !
Et qui jamais ne le put,
Qu'il se retire en tristesse de cette union !
Freude, schöner Götterfunken
Tochter aus Elysium,
Wir betreten feuertrunken,
Himmlische, dein Heiligtum!
Deine Zauber binden wieder
Was die Mode streng geteilt;
Alle Menschen werden Brüder,3
Wo dein sanfter Flügel weilt. La joie, tous les êtres en boivent
Aux seins de la nature;
Tous les bons, tous les méchants,
Suivent sa trace de rose.
Elle nous donna les baisers et la vigne;
Un ami, éprouvé jusque dans la mort;
La volupté fut donnée au vermisseau,
Et le Chérubin se tient devant Dieu.
Wem der große Wurf gelungen,
Eines Freundes Freund zu sein;
Wer ein holdes Weib errungen,
Mische seinen Jubel ein!
Ja, wer auch nur eine Seele
Sein nennt auf dem Erdenrund!
Und wer's nie gekonnt, der stehle
Weinend sich aus diesem Bund! Joyeux comme volent ses soleils
Au travers du somptueux plan du ciel,
Allez, frères, votre voie,
Joyeux comme héros à la victoire.
Freude trinken alle Wesen
An den Brüsten der Natur;
Alle Guten, alle Bösen
Folgen ihrer Rosenspur.
Küsse gab sie uns und Reben,
Einen Freund, geprüft im Tod;
Wollust ward dem Wurm gegeben,
und der Cherub steht vor Gott. Soyez enlacés, millions.
Ce baiser de toute la terre !
Frères ! Au-dessus de la voûte étoilée
Doit habiter un très cher Père.
Vous fondez à terre, millions ?
Pressens-tu le Créateur, monde ?
Cherche-le par-delà le firmament !
C'est sur les étoiles qu'il doit habiter.
Froh, wie seine Sonnen fliegen
Durch des Himmels prächt'gen Plan,
Laufet, Brüder, eure Bahn,
Freudig, wie ein Held zum Siegen. Que celui qui a su trouver la chance,
D'un ami être un ami;
Qui a faite sienne une femme accorte,
Joigne à nous son allégresse !
Oui, même celui qui ne nomme sienne
Qu'une seule âme sur tout le pourtour de la terre !
Et qui jamais ne le put,
Qu'il se retire en tristesse de cette union !
Seid umschlungen, Millionen!
Diesen Kuß der ganzen Welt!
Brüder, über'm Sternenzelt
Muß ein lieber Vater wohnen.
Ihr stürzt nieder, Millionen?
Ahnest du den Schöpfer, Welt?
Such' ihn über'm Sternenzelt!
Über Sternen muß er wohnen. La joie, tous les êtres en boivent
Aux seins de la nature;
Tous les bons, tous les méchants,
Suivent sa trace de rose.
Elle nous donna les baisers et la vigne;
Un ami, éprouvé jusque dans la mort;
La volupté fut donnée au vermisseau,
Et le Chérubin se tient devant Dieu.

liens

http://youtu.be/r5Quxe-dQVM hymne à la joie
http://youtu.be/dDygU-7m12M hymne à la joie
http://youtu.be/D9W83GpdLb0 Créative Quotations from Friedrich Von Schiller for Nov 10
http://youtu.be/mxOqkoh7p30 Friedrich Von Schiller
http://youtu.be/DStakNCJ2bA Sa vie 1 (Allemand)
http://youtu.be/4eZTFE4vo18 Sa vie 2 (Allemand)
http://youtu.be/Ky6mHhM1d-Y Sa vie 3 (Allemand)
http://youtu.be/b_QWkIhzsfQ Sa vie 4 (Allemand)
http://youtu.be/Ou97_N3hfDY le triomphe du génie Schiller film entier noir et blanc en Allemand


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Posté le : 09/11/2013 23:59
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José Hernandez
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Le 10 Novembre 1834 naît José Hernandez poète,

journaliste et homme politique argentin considéré comme le poète national du pays.

Après son retour en Argentine en 1874, il continue son combat par d'autres moyens, principalement les journaux et les positions politiques qu'il occupe. Mais c'est par la poésie qu'il recevra le plus grand écho à ses idées, et qu'il fera sa plus grande contribution à la cause des gaúchos. Son poème épique Martín Fierro est considéré comme l'une des œuvres majeures de la littérature argentine.

Sa vie

Né dans une famille poursuivie par le dictateur Rosas, dans la Chacra de Pueyrredón, d'une vieille famille créole qui a donné quelques noms prestigieux à la colonie et à l'indépendance. José Hernández, dont les ancêtres sont espagnols, irlandais, et français, du béarnais plus exactement, car sa mère était cousine de Juan Martín de Pueyrredón, naît dans une ferme près de San Martín, dans la province de Buenos Aires.
À l'image du pays, cette famille est divisée – fédérale du côté paternel, unitaire du côté maternel – comme le sera souvent Hernández lui-même. Séparé de ses parents par les événements, Hernández est élevé par une tante et passe son enfance dans la pampa où il se familiarise avec la vie des gauchos.
Son père est majordome dans différents ranchs, ce qui lui permet de grandir au contact des gaúchos, dont le style de vie, le langage et le code d'honneur forgeront son identité, et l'influenceront jusqu'à ses derniers jours.

Entre 1852 et 1872, il défend l'autonomie des provinces, contre les autorités centrales de Buenos Aires. Il participe à la dernière rébellion des gaúchos, qui se termine en 1871 par une cruelle défaite, entraînant l'exil d'Hernández.
En 1853, Il fut donc d'abord soldat avant d'obtenir un poste au Sénat.
il s'engage et participe à la bataille de Caseros qui marque la chute du dictateur Rosas.
Dès lors, il ne connaît plus de répit. Commerçant, fonctionnaire, soldat, journaliste, il collabore activement à presque tous les complots et soulèvements contre le pouvoir centralisateur de Buenos Aires.
Il dirigea le journal El Argentino, tribune des adversaires de B. Mitre ; l'arrivée de celui-ci au pouvoir le contraignit à se réfugier en Uruguay.
De retour en Argentine, il s'opposa au président Sarmiento et dut à nouveau s'exiler, cette fois au Brésil, avant de regagner définitivement sa patrie, où il devint député provincial, puis sénateur.
Directeur de journal, il attaque durement les gens en place, Mitre et Sarmiento.
Ses démêlés avec ce dernier ne se comptent plus. En 1863, Hernández écrit une Vida del Chacho qui, autant qu'un panégyrique du caudillo gaucho, est une critique acerbe de Sarmiento.
En 1872, à l'occasion d'une des nombreuses conspirations contre le pouvoir central, Sarmiento met à prix la tête d'Hernández.

Ce personnage à la vie mouvementée doit sa renommée littéraire à son Martín Fierro, épopée sur la vie des gauchos et véritable poème national, chef-d'œuvre du genre écrit en deux temps, El Gaucho Martín Fierro en 1872 et le Retour de Martín Fierro en 1879.

Après la parution de El Gaucho Martín Fierro, Hernández s'engage dans la voie de la réconciliation.
Il est toujours un opposant, mais son activité politique se normalise : il gravit les échelons de la hiérarchie maçonnique, il est élu député, puis sénateur.
La Vuelta de Martín Fierro en 1879 laisse apparaître déjà cet apaisement qui s'affirme dans sa dernière œuvre, Instrucción del estanciero en 1881, traité didactique sur l'implantation et l'exploitation d'un élevage.
Vers la fin de sa vie, Hernández vit le plus souvent dans la capitale et, à sa mort, à Belgrano, près de Buenos Aires, dans un soupir de sagesse ou de résignation, ses derniers mots seront : Buenos Aires... Buenos Aires...

Comme tous les écrivains de l'époque, la vie de José Hernández et son œuvre sont inséparables de l'histoire argentine du XIXe siècle.
Les écrits des auteurs argentins ne sont que les manifestations littéraires d'un combat politique quotidien auquel l'écrivain consacre souvent toutes ses énergies.

Vaincu par la disparition progressive du gaucho dont il s'était fait le passionné défenseur, Hernández assista à la montée croissante de son héros fictif : Martín Fierro. Ce personnage typiquement argentin n'est pas sans ressemblance avec le don Quichotte de Cervantès.

Écrite en deux parties de tonalité différente, son œuvre témoigne d'une réalité nationale en pleine mutation. Elle obtient immédiatement une audience populaire extraordinaire, et chacun des héros dépasse rapidement en notoriété son créateur pour atteindre une dimension universelle et mythique.

Civilisation ou barbarie ?

À la suite de la lutte d'indépendance, l'Argentine se trouve brusquement confrontée à elle-même. Elle s'engage dans une longue guerre civile, où interviennent des particularismes régionaux, des ambitions personnelles et des intérêts économiques peu avouables, avant d'atteindre un semblant d'unité nationale.
Deux conceptions politiques s'affrontent : les unitaires, citadins cultivés et élégants, veulent que le pays se forme autour de Buenos Aires et sous sa direction ; les fédéraux, rudes paysans attachés à leurs chefs et aux traditions locales, préfèrent préserver l'originalité et l'autonomie des provinces intérieures.
Un demi-siècle durant, toutes les forces vives du pays vont être polarisées par une lutte féroce entre ces deux conceptions.

Dans de telles circonstances, la littérature sera avant tout une arme de combat.
Domingo Sarmiento, en écrivant son Facundo en 1845, se fait le porte-parole de la civilisation métropolitaine et européenne contre la barbarie des gauchos provinciaux. Hernández écrit El Gaucho Martín Fierro en 1872 contre le centralisme abusif et autoritaire de Buenos Aires, et pour défendre la vie libre et authentique du gaucho persécuté.
L'un ne voit dans le gaucho qu'une matière brute qu'il faut polir – et policer – à tout prix ; l'autre y voit le fondement même de la nation menacée par de délétères modèles étrangers.
L'écrivain vit l'histoire : il se fait tour à tour journaliste, militaire, homme politique.
Du côté des vainqueurs, Sarmiento sera général, ministre, président de la République. Du côté des vaincus, Hernández sera lieutenant, député, sénateur.
L'apaisement viendra avec le temps et Hernández pourra voir Buenos Aires coloniser peu à peu la province et chasser le gaucho de ses campagnes ; il verra aussi son Martín Fierro devenir un héros national et légendaire, et son poème le plus beau fleuron d'un genre littéraire récent : la littérature gauchesque.

Une passion argentine

"Vive la fédération !" "Mort aux unitaires sauvages, traîtres, immondes et répugnants ! "
C'est à ces cris que des caudillos comme Quiroga, Rosas, El Chacho Peñaloza rallient leurs troupes de gauchos et les exhortent à pourchasser et à égorger les bourgeois libéraux et xénophiles.
Tandis que de leur exil chilien ou uruguayen Sarmiento, Alberdi et Mitre vitupèrent la barbarie sanguinaire de ces bandes d'anarchistes ruraux, les échos de cet affrontement impitoyable marquent profondément le jeune José Hernández.

Le Martín Fierro

Le poème Martín Fierro est le récit, fait par le protagoniste, des aventures d'un gaucho. On y voit Martín Fierro dans le calme de sa vie campagnarde et familiale. Embrigadé de force dans les troupes régulières chargées de pacifier la pampa saccagée par les incursions indiennes, Martín Fierro doit quitter son foyer. À son retour, quelques années plus tard, son rancho a été détruit et sa famille dispersée.
Il vit alors en solitaire, se bat en duel au couteau, tue et, pour échapper à la police, va chercher refuge parmi les Indiens insoumis.
Ici se termine la première partie du poème.
Dans la seconde, Le Retour de Martín Fierro en 1879, le gaucho délivre une captive blanche, s'évade du territoire indien et revient vers la civilisation où il retrouve ses enfants, déjà grands, à qui il prodigue les conseils que lui inspire son amère expérience.
Alors que la première partie du poème est d'une forte intensité dramatique, dans la deuxième l'action se ralentit à l'extrême, et le personnage principal s'estompe pour faire place aux récits des personnages secondaires.
La vivacité de l'action disparaît au profit de longues digressions morales.
Le premier volet était un réquisitoire contre l'injuste sort fait au gaucho ; le second est presque une acceptation indifférente de l'ordre nouveau qui met fin à l'âge d'or de la vie gauchesque.
Plus qu'à l'intrigue, somme toute assez banale, l'originalité du poème tient à l'habileté d'une versification sans artifices ostentatoires, à l'emploi pertinent du langage populaire gaucho et à l'exactitude de la psychologie de ce type dans lequel tant d'Argentins se sont reconnus. Ces traits ont été déterminants pour faire du Martín Fierro une œuvre éminemment populaire.
Le public de l'époque ne s'y est pas trompé : en six ans, la première édition atteignit un tirage de 48 000 exemplaires, chiffre considérable en Amérique latine, même de nos jours

Il succombe à une attaque cardiaque le 21 octobre 1886, dans la ville de Belgrano.

À la mort de José Hernández, une notice nécrologique annonce : "Le sénateur Martín Fierro est mort." L'auteur est éclipsé par le héros qu'il a créé. Hernández lui-même en avait conscience :
"Je suis un père à qui le fils a donné son nom."
Pourtant, en écrivant son poème, Hernández ne se doutait pas qu'il touchait à ce point la réalité intime de l'Argentine.
Les générations successives de critiques l'ont analysé pour y trouver, suivant le cas et l'époque, une ballade folklorique, une geste historique, une sorte de bible nationale ou un manifeste contestataire.
Certains esprits studieux se sont extasiés sur l'exactitude des éléments zoologiques, folkloriques et linguistiques du poème. Lugones voit dans le Martín Fierro une épopée nationale, tandis que Borges soutient paradoxalement qu'il s'agit d'un roman.
Martínez Estrada se livre à la psychanalyse d'Hernández et, à travers lui, de l'homme argentin. La jeune critique met plutôt l'accent sur le contenu social de l'œuvre, et l'actualise en faisant de Martín Fierro un homme révolté contre une société aliénante.
Malgré ces divergences d'appréciation, hautement significatives quant à la portée de l'œuvre, tous sont d'accord pour lui attribuer, non sans une certaine nostalgie, une argentinité exemplaire.

Il fut également membre de l'Académie Nationale du Journalisme.

Entre les deux parties, il existe toutefois de grandes différences thématiques :
La première 2 316 octosyllabes répartis en 13 strophes: présente un gaucho traditionnel, qui chante en s'accompagnant de sa guitare son affrontement avec des pouvoirs publics limitant sa liberté ;
la seconde partie : 4 894 octosyllabes répartis en 33 strophes, au contraire, montre son assimilation à une société qui a radicalement changé durant les sept ans qui la séparent de la première.
L'Argentine s'est en effet mise en marche vers la modernisation, et le gaucho doit s'adapter – ou disparaître.
En revanche, la société doit lui permettre de s'intégrer à elle, car il est porteur d'une grande part de l'essence de l'Argentine.
Le gaucho, héros de quantité d'œuvres antérieures, est ici transcendé par un auteur qui en connaît parfaitement la vie et la psychologie : Hernández a réussi un portrait nuancé et précis du représentant d'un groupe social à son déclin, et qui jusque-là avait plutôt été caricaturé que peint.
La renommée de son Martín Fierro a malgré tout occulté l'intérêt de sa Vie de Chacho en 1863 ou de son Instruction du fermier en 1881


Liens

http://youtu.be/s9CC1bsGDAAMartin Fiero canciones
http://youtu.be/BGpofoplZR4 Martin Fiéro le film (espagnol)
http://youtu.be/f-YkjJhlEC0 La vueva de el Martin fiéro
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Maurice Clavel
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Le 10 Novembre 1920, à Frontignan dans l'hérault, naît Maurice Clavel écrivain,

journaliste et philosophe français mort le 23 avril 1979 à Asquins dans l'Yonne.

Maurice Clavel est mort au terme d'une décennie qui, dans le monde intellectuel français, aura largement été marquée par ses interventions, dans l'ordre politique comme dans l'ordre spirituel.

Après avoir longtemps oscillé et erré de l'enseignement au théâtre et au roman, du journalisme à la politique, de la Résistance et du gaullisme R.P.F. aux franges du communisme, cette force à éclipses, ce héros en quête de rôle, cette impatience maladroite qu'était Clavel a trouvé sa ligne au moment de l'affaire Ben Barka en 1966. Gaulliste en révolte contre la raison d'État, il a alors forgé son personnage et son style.
Ses chroniques de L'Observateur devinrent rapidement le rendez-vous des lecteurs cherchant la faille, de ceux que travaillaient l'espérance et la nostalgie.
Il a su prendre acte du déclin de l'univers politique et intellectuel de l'après-guerre, qui ne tenait plus qu'au prix d'un durcissement sénile. En ce sens, il fut un libérateur, un de ces écrivains de transition qui ouvrent des portes plus qu'ils ne laissent une œuvre.
Clavel était d'avance sur les lieux où s'est produite l'explosion de 1968, qui, elle non plus, n'a pas changé le cadre de notre vie mais qui a bousculé toutes les crédibilités, donnant ainsi leur chance aux remises en cause qui allaient suivre.
L'après-Mai-68, époque de révoltes souvent myopes, époque de malaise plus que d'invention, a été marqué par un conflit multiforme entre les persistances du dogmatisme et les espoirs d'une action enfin vraie, enfin libératrice. C'est dans ce cadre qu'est intervenu le personnage Clavel.
Il s'est alors qualifié lui-même de "journaliste transcendantal", fonction qu'il définissait en se référant à Michel Foucault, pour qui rien n'est plus important que de savoir " ce qui se passe " maintenant.
Clavel s'est donné pour tâche de lire l'époque, au plus profond, et ainsi, malgré ses proclamations excessives sur sa petitesse et son humilité il a prétendu la guider.
La lecture clavélienne de l'époque a été avant tout philosophique.
En cela, il se distingue profondément, quoi qu'on ait dit, d'un auteur comme Bernanos, qui fut lui aussi journaliste, mais journaliste spirituel, polémiste, homme d'avertissements et d'interpellations, alors que Clavel se plaçait quelque part entre le pédagogue, l'idéologue et le stratège intellectuel.
Clavel, à la différence de Bernanos, n'était pas à l'aise dans le concret ; en témoigne la médiocrité de son œuvre romanesque, à l'exception relative des Paroissiens de Palente, ouvrage consacré à l'affaire Lip, 1974.
Son domaine, c'est la culture, c'est le conflit des grandes représentations du monde ; c'est à travers cela qu'il voyait le présent.
Après la critique novatrice du marxisme dans Qui est aliéné ? 1970, c'est, en 1975, avec son Ce que je crois, que Clavel donne le sens du combat dont les livres qui se succéderont ensuite seront des étapes : Dieu est Dieu, nom de Dieu 1976, Délivrance 1977, Ce Juif de Socrate 1977, Deux Siècles chez Lucifer 1978.
Il s'agit de marquer le point où nous sommes de l'histoire occidentale.
Clavel reprend le travail de Foucault sur la croissance conjointe de l'État et de la rationalité depuis la Renaissance, aux dépens de la plèbe, c'est-à-dire de l'homme concret et sans pouvoir, aux dépens aussi de Dieu.
La cause de la liberté et celle de Dieu sont ainsi articulées :
"Le péché d'empire du monde, d'étatisme et d'asservissement des hommes est la conséquence de quelque chose de plus profond" Lucifer ; ce quelque chose, c'est le refus de la foi, qui suppose que l'on s'avoue vaincu et ignorant, qu'on limite la raison comme Kant le voulait.
Les désirs de toute-puissance s'exercent contre l'obscurité dans tous les sens de ce mot, contre le mystère et contre les droits divins d'en bas; il faut consentir à ce qu'il y ait de l'inconnaissable.
La critique foucaldienne de l'humanisme, il n'est pas bon de refaire l'homme par la raison, traduit Clavel s'articule donc avec la critique de la suffisance de l'incroyance.
Le journalisme clavélien se réfère invariablement à ce cadre-là. Il s'agit toujours de montrer que nous sommes arrivés au point critique. Dieu fait retour dans l'Occident, qui depuis des siècles travaillait à l'exclure.
Le long récit de sa conversion que fait Clavel dans Ce que je crois n'est visiblement qu'une sorte d'apologue de la maladie et de la guérison possible de l'homme européen, guérison douloureuse, puisqu'elle consiste en un viol de la nature humaine par Dieu, au prix de quoi seulement nous est rendue « une nature encore plus vraie ».

Clavel a évidemment cru que ce qu'il vivait personnellement était significatif pour tous ses contemporains. Là est peut-être le côté le plus séduisant et le plus troublant de cette œuvre.
Le journalisme transcendantal interdit qu'il y ait la moindre distance entre celui qui parle, les faits qu'il rapporte et la cause décisive qu'il sert. Ce court-circuit insolent fait toute la force et toute la faiblesse de Clavel.
Il s'est appliqué à figurer sa cause dans son personnage ; à travers ses gestes et ses écrits, il a édifie et imposé l'image de lui dont il rêvait.
Il ne s'est pas effacé. Pourtant, cette impureté évidente des mobiles et de la démarche oblige à s'interroger sur celui qui s'exposait sans ménagement.
Il confondait la cause de Dieu et son propre personnage. On est d'abord scandalisé de cette prétention. Mais Clavel nous a montré que la réserve et la modestie peuvent être des manières de se ménager.
Le grand changement culturel dont il a vu les prodromes dans Mai-68, peut-être l'a-t-il plus rêvé et mis en scène qu'il ne l'a discerné ou accompli. Peut-être était-ce la légende qu'il se racontait. La ruine de tous les discours qu'il constatait ne provoque pas nécessairement une remontée de la transcendance, mais tout aussi bien la dispersion, l'égocentrisme, l'enfermement ou tout simplement le doute.
Pourtant, il aura joué un rôle essentiel de dédogmatiseur, de témoin d'une fracture des visions du monde établies qui seule permet de sourdre à la grâce ou à la liberté ; il aura rendu à beaucoup le sens de l'attente et de la curiosité de ce qui vient.

Sa vie

Maurice Clavel est issu d’une famille dont le père est pharmacien. Dans ce milieu de petits commerçants languedociens ancré à droite, il milite au sein du PPF de sa ville natale, Frontignan.
Brillant élève, il intègre l'École normale supérieure de la rue d'Ulm.
Là, il fait à la fois la connaissance du trotskiste Jean-Toussaint Desanti et du maurrassien Pierre Boutang.
C'est ce dernier qui, nommé au secrétariat de l'Instruction publique, l’invite à venir servir à ses côtés le maréchal Pétain. Venant d’obtenir son certificat de morale et de sociologie à Montpellier, Maurice Clavel accepte, mais perd vite ses illusions.
Tout en préparant une thèse sur Kant, il s’engage alors dans la Résistance en 1942. À la tête des FFI d’Eure-et-Loir, il participe à la libération de Chartres où il accueille le Général de Gaulle sur le parvis de la cathédrale.
À la Libération, il dénonce l'épuration aveugle et tente de sauver les têtes de Brasillach et de Drieu La Rochelle. Il n’en est pas moins un fervent militant du RPF dont les critiques acerbes du régime communiste lui valent d’être accusé par le PCF d’être la voix de Goebbels.
Il fonde alors un journal, L'Essor, avec le concours d’Henri d'Astier de La Vigerie ou d’André Figueras. Parallèlement, il écrit des pièces mises en scène par Jean Vilar comme Les Incendiaires en 1947 ou La Terrasse de midi en 1949.
Mais celles-ci s’avèrent des échecs et c'est brisé par sa rupture avec la comédienne Silvia Monfort qu’il accepte un poste de professeur au lycée Carnot de Dijon.
Peu apprécié par sa hiérarchie, il regagne vite l'univers du théâtre quand, en 1951, Jean Vilar le fait nommer secrétaire général du TNP. Mais sa pièce Balmaseda (1954), comme son premier roman Une fille pour l’été, 1955 s’avèrent encore des échecs.

Journaliste (1955/1965)

À partir de 1955, il entame sa carrière de journaliste dans les colonnes de Combat. Protestant, entre autres, contre l'invasion de la Hongrie par les chars soviétiques en 1956 et l’usage de la torture en Algérie, il s’engage aux côtés des gaullistes de gauche de l’Union démocratique du travail en 1959.
Parallèlement, il renoue avec l'enseignement, et occupe le poste de professeur de philosophie, au lycée Camille Sée et au lycée Buffon à Paris, dans les années 1960-1968.
Avec Emmanuel Berl, il anime aussi une émission radiophonique quotidienne, "Qui êtes-vous ?".
Mais le refus des responsables de la radio d’accorder à Jean Daniel un droit de réponse sur l’Algérie l’amène à leur donner sa démission. L’année suivante, il cesse aussi de collaborer régulièrement à Combat après avoir publié "Le Temps de Chartres".
Il n’en soutient pas moins la ligne du général de Gaulle sur l’Algérie, ce dernier lui confiant de nouer le dialogue avec Messali Hadj. Mais l’année 1965 marque une rupture dans son évolution politique et philosophique.
D’abord, il retrouve la foi dans la religion catholique, conversion déclenchée par la lecture d'un livre de Paul Cochois sur Pierre de Bérulle, de la congrégation de l'Oratoire.
Ensuite, l'affaire Ben Barka en octobre de la même année l’amène à prendre ses distances avec le général de Gaulle. Dans une tribune libre au Monde du 15 juin 1966, il consacre sa rupture avec ce dernier tout en annonçant à la presse sa disponibilité pour suivre le procès Ben Barka comme chroniqueur judiciaire.
C'est ainsi qu’en juin, il est contacté par Hector de Galard pour suivre l’affaire dans le Nouvel Observateur à partir de la rentrée de septembre.

De 1965 à 1975

Il amorce sa collaboration au journal par des articles virulents contre le pouvoir, dénonçant, entre autres, "les requins et les goujons" en 19 octobre 1966).
L’année suivante, il récupère la chronique de télévision du Nouvel Observateur tout en continuant à écrire dans Combat et à publier des romans comme La Pourpre de Judée ou Les Délices du genre humain, C. Bourgois, 1967.
Mais c'est Mai 68 qui radicalise ses engagements. Percevant les événements de mai comme le "soulèvement de vie" d’une jeunesse lasse de la société de consommation, il ressent l’agitation révolutionnaire comme une fête et souhaite même entraîner les manifestants du 13 mai à l’assaut de l’Élysée.
Cet engagement entraîne son interdiction des plateaux de l'ORTF et son licenciement de RTL où il animait une émission de critique sur la télévision.
Au sein du Nouvel Observateur, il prend parti pour la direction au nom de la nécessité d’un responsable pour un journal, de la solitude de l’éditorialiste et de la responsabilité individuelle.
Mais, à l’extérieur, il se met au service de la contestation la plus radicale au point de quitter son poste de professeur de philosophie au lycée Buffon. La publication de recueils de ses articles du Nouvel Observateur et de Combat en 1968, Combat de franc-tireur pour une libération, J. J. Pauvert et en 1972, Combat, de la Résistance à la Révolution, Flammarion illustrent bien la prime qu’il donne alors à ses activités journalistiques et à son engagement politique.
Il fréquente alors les milieux maoïstes dont il soutient l’action médiatique en fondant le 18 juin 1971 l’Agence de presse Libération avec Sartre.
Mais cette année est aussi celle qui le voit exploser sur la scène médiatique. Le 13 décembre 1971, au cours de l’émission télévisée "À armes égales", où il devait débattre avec Jean Royer, il découvre qu’un passage de son reportage où il évoque les sentiments, selon lui ambigus, du Président Pompidou envers la Résistance a été coupé au montage. Outré par ce qu’il considère comme de la censure, il quitte le plateau avec fracas et, s'adressant aux producteurs, leur lance un "Messieurs les censeurs, bonsoir !" qui fera date et la "Une" du Nouvel Observateur du 28 décembre 1971.
Quelques mois plus tard, sa notoriété se renforce après l’obtention du prix Médicis, 1972 pour son roman Le Tiers des étoiles ou on ne sait pas quel ange chez B. Grasset en 1972.
Il met cette notoriété au service des maoïstes avec lesquels il lance en 1973 le quotidien Libération.
Versant au journal une partie de ses droits d’auteur, il y publie notamment un feuilleton, 15 mai-12 juin. Mais il reste quand même au Nouvel Observateur où son gaullisme, son catholicisme et son maoïsme irritent fortement les intellectuels du journal, mais il fascine certains journalistes comme Jean Daniel qui, par
"sa permanente tentation chrétienne, son gaullisme profond et son goût du syncrétisme était absolument amoureux, intellectuellement de Clavel".
C'est ainsi qu’il peut y afficher un sionisme et un anti-féminisme de bon aloi sans grands remous.
Par exemple, il défend l’encyclique Humanæ Vitæ – condamnant l’avortement et la contraception – et proclame "Révolution sexuelle piège à cons" le 21 février 1972 non sans susciter l’approbation de nombreux lecteurs.
Il est aussi un des plus pro-israéliens du journal, son philosémitisme n’y étant pas étranger.
En effet, croyant "à un salut chrétien par les juifs", il voit en eux le "peuple choisi par Dieu pour que le Christ s’y incarne, y vive, meure et ressuscite" .
Persuadé que la volonté de Dieu est perceptible au sein de l’Histoire humaine, sa réflexion dépasse toutefois largement cette question pour s’inscrire dans une opposition philosophique à Marx, Heidegger et Kant.

Fin de vie

S’établissant à Asquins une commune voisine de Vézelay, à l'automne 1975, il est moins présent au journal, y passant seulement pour y déposer son papier hebdomadaire et dîner avec ses amis des nouveaux philosophes.
S’il se fait, dans Ce que je crois 1975 et Dieu est Dieu, nom de Dieu ! 1976, l’ardent défenseur d’une foi catholique retrouvée, il est en phase avec cette mouvance dont il apparaît comme le parrain.
Il les accueille souvent dans sa maison d'Asquins, en particulier Christian Jambet et Guy Lardreau qui enseignent à Auxerre.
Il apparait dans l'émission Apostrophes en 1977, "Les nouveaux philosophes sont- ils de droite ou de gauche?" aux cotés de Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann face à Xavier Delcourt et François Aubral qui présentent leur livre, Contre la nouvelle philosophie.

C'est dans cette maison qu’il s'éteint, le 23 avril 1979, d'une crise cardiaque. Il est enterré sous une simple dalle au cimetière de Vézelay.

Hommages

En juin 1984, lors de son passage dans l'émission de TF1 "Sept sur sept", animée par la journaliste Anne Sinclair, l'archevêque de Paris, Jean-Marie Lustiger rappela la disparition de Maurice Clavel, cinq ans plus tôt, et qualifia ce dernier de "prophète de notre temps".
En avril 1989, pour le 10e anniversaire de sa mort, une Journée d'hommage à Maurice Clavel, organisée par la revue Cité rassemblait la plupart de ceux qui avaient partagé ses combats : Luc de Goustine, Philippe Nemo, Jean-Toussaint Desanti, Marie Balmary, André Frossard, Hélène Bleskine, Edgar Morin, Jean-Pierre Le Dantec, Alain Jaubert, Jean-Paul Dollé, Jean Daniel, Roland Castro. La revue organisatrice a ensuite publié un numéro spécial regroupant toutes ces interventions7.

Œuvres

Littéraires

La pourpre de Judée, Bourgois, 1967
Le Tiers des étoiles, 1972 - Prix Médicis
Qui est aliéné ? Critique et métaphysique sociale de l'Occident, Flammarion, 1970
Les Paroissiens de Palente, Grasset, 1974
Ce que je crois, Grasset, 1975
Dieu est Dieu, nom de Dieu, Grasset, 1976
Nous l'avons tous tué ou ce juif de Socrate, Seuil, 1977
Deux siècles chez Lucifer, 1978
La Suite appartient à d'autres, Stock, 1979
La Perte et le fracas ou les Murailles du monde
Critique de Kant

Théâtre


Auteur
Les Incendiaires, mise en scène Jean Vernier, Théâtre des Noctambules, 12 avril 1946
La Terrasse de midi (1947)
Snap (1949)
Maguelone (1950)
Canduela (1953)
Balmaseda (1954)
Les Albigeois (1955)
La Grande Pitié du Royaume de France (1956)
Saint Euloge de Cordoue (1964)
Antoine et Cléopatre (1965)Théâtre Sarah Bernhard
Adaptation
1948 : Si je vis de Robert E. Sherwood, mise en scène Raymond Hermantier, Théâtre Saint-Georges
1952 : Le Joueur d'Ugo Betti, mise en scène André Barsacq, Théâtre de l'Atelier

Essais


Qui est aliéné ?
Le Jardin de Djemila

Cinéma

1947 : Le Beau voyage de Louis Cuny, scénariste
1953 : Les Crimes de l'amour, sketch Mina de Vanghel, codirecteur avec Maurice Barry et scénariste
1956 : Don Juan (El Amor de Don Juan) de John Berry, coscénariste et coadaptateur
1956 : Les Possédées de Charles Brabant, coscénariste
1960 : Vers l'extase de René Wheeler, dialoguiste
1960 : Une fille pour l'été d'Édouard Molinaro, coscénariste
1960 : L'Homme à femmes de Jacques-Gérard Cornu, coscénariste
1961 : La Croix des vivants d'Ivan Govar, dialoguiste

1971 : Les Mariés de l'an II de Jean-Paul Rappeneau, coadaptateur et codialoguiste

Liens
http://youtu.be/x-v4lU1efMM Monsieur les censeurs bonsoir
http://youtu.be/pW_WbwoMsZ4 A armes égales
http://www.youtube.com/watch?v=OXf-7M ... e&list=PLFB61B564EA62E0C0 Les mariés de l'an II Clavel co-dialoguiste, co-adaptateur

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Posté le : 09/11/2013 19:34

Edité par Loriane sur 10-11-2013 13:47:58
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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