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#41 MaxJacob 1
Loriane Posté le : 05/03/2016 21:22
Le 5 mars 1944 à 67 ans meurt Max Jacob

à Drancy en Seine-Saint-Denis, poète surréaliste et romancier, essayiste, peintre français de la première moitié du XXe siècle. Conçues dans l'intimité d'Apollinaire et Picasso, la simplicité et la profusion de son vers libre inscrivent irrévocablement la poésie française dans l'art moderne. Son œuvre d'essayiste et d'épistolier est la source d'un mouvement littéraire qui ne renie pas son héritage symboliste, l'école de Rochefort.Il a aussi pour pseudo Léon David et Morven le Gaëlique Chantre d'une littérature cubiste où l'humour, seule libération possible du dérisoire et du tragique du monde avant tout engagement, la métonymie, l'allitération, le calembour, l'allusion, l'ellipse, l'antithèse démultiplient les masques signifiants, Max Jacob illustre un art poétique où l'art sans art tend à s'effacer devant la révélation mystique, la transfiguration de l'être le plus quotidien et son indicible. Esthéticien du poème en prose qui a beaucoup versifier, il a dépouillé le vers mallarméen de sa préciosité en lui donnant la vigueur de la fantaisie enfantine. Si dans le prolongement de la théorie des correspondances, il a transgressé les disciplines et les genres, en se faisant peintre, librettiste et parolier, il demeure avant tout un écrivain dont la légèreté cache une foi candide et anxieuse à l'écoute des mystères occultes. Ses Œuvres principales sont en 1916 : Le Cornet à dés, en 1921 : Le Laboratoire central, en 1923 : Filibuth ou la Montre en or. Il est fait chevalier de la Légion d'honneur
Né en 1876 à Quimper Corentin dans une famille juive voltairienne et non pratiquante, Max Jacob se convertit en 1915 au catholicisme après avoir eu plusieurs visions tout en continuant à animer l'avant-garde montmartroise et montparnassienne mais à partir de 1936 mène à Saint-Benoît-sur-Loire la vie monacale d'un oblat séculier rattaché à l'abbaye de Fleury. Ses origines juives lui valent, six mois avant la Libération de Paris, d'être arrêté par l'occupant pour être déporté à Auschwitz. Interné par la gendarmerie française au camp de Drancy, il y meurt en cinq jours en mars 1944.


En bref

Personnage insolite de la génération qui, dans les débuts de ce siècle, a inventé une sensibilité nouvelle, Max Jacob est connu surtout comme recréateur du poème en prose : or, cela ne va pas sans injustice contre le reste de son œuvre poétique et romancière. On a peint souvent du dehors le personnage, fauteur et conteur d'anecdotes, commère, mystique, astrologue, en veste de garçon boucher et monocle, bavard montmartrois, solitaire, épistolier infatigable ; au physique, il s'accordait une vague ressemblance avec Baudelaire ou Marcel Schwob ; de toute façon, un personnage qui, du Bateau-Lavoir à Saint-Benoît, fait à jamais partie, entre ses amis – Picasso, Salmon, Apollinaire... – du tableau des arts et de la littérature en France dans la première moitié du XXe siècle.
Né à Quimper, où il fait de brillantes études, Max Jacob entre à l'École coloniale de Paris, l'abandonne deux ans plus tard, se risque à la critique d'art, veut être peintre, rencontre Pablo Picasso, André Salmon et Guillaume Apollinaire, publie des contes pour enfants – Histoire du roi Kaboul Ier et du marmiton Gauvain (1903), Le Géant du Soleil 1904 –, campe dans la misère à bord du Bateau-Lavoir, au 7, rue Ravignan, a une première vision du Christ en 1909, écrit des ouvrages d'inspiration religieuse – Saint Matorel 1911, Œuvres burlesques et mystiques du frère Matorel 1912 –, réussit à se faire baptiser en 1915, après une seconde vision du Christ, édite à compte d'auteur Le Cornet à dés, en 1917. Désormais, le rythme de ses productions – gouaches, dessins, poèmes, romans, méditations, fantaisies – s'accélère ; il se retire à Saint-Benoît-sur-Loire de 1921 à 1928, vit à Paris de 1928 à 1937, revient à Saint-Benoît où il est arrêté par la Gestapo, comme Juif, le 24 février 1944, et meurt, quelques jours après, le 5 mars, à Drancy.
Du dedans L'œuvre de Max Jacob est une œuvre d'un bout à l'autre poétique où l'on passe de prosodie régulière à presque régulière, à libre, au poème en prose, au roman mêlé de vers La Défense de Tartufe, 1919, au roman ; où le style colloquial – du blagueur, de l'épistolier, du méditatif, du mondain – anime, en se diversifiant, tous les ouvrages ; où l'anecdote-éclair de certains poèmes en prose se développe ailleurs en aventures romanesques ; où le menu peuple du poète reparaît, parfois au milieu des mêmes décors Quimper ou la rue Gabrielle, dans les péripéties du Terrain Bouchaballe 1922, de Filibuth ou la Montre en or (1922), de L'Homme de chair et l'homme reflet 1924, dans la galerie de caractères du Cinématoma 1920, du Tableau de la bourgeoisie 1930, dans les lettres imaginaires du Cabinet noir 1922, semi-inventées des Conseils à un jeune poète 1945, ou réellement envoyées, etc. Mais placer une œuvre sous le signe du poétique ne signifie-t-il pas qu'elle l'emporte par ses poèmes ? Sans doute. Seul, peut-être, A. Thibaudet a estimé que Max Jacob avait mieux réussi dans le roman. L'avenir en décidera.
Le poète en prose. Parmi les recueils de poèmes, Le Cornet à dés est, de beaucoup, le plus célèbre, et cela ne va pas sans injustice à l'égard de recueils comme Le Laboratoire central 1921 et tous ceux que l'on a réunis sous le titre de Ballades (1970). Cette célébrité est due à une génération, celle de 1920, qui se sentait encore proche de ce que l'on a appelé le cubisme littéraire ou l'esprit moderne, et qui allait connaître le surréalisme. Plus durablement, le Cornet doit son privilège à son originalité en un genre où il paraissait difficile de faire du nouveau. Le genre, depuis Fénelon, restait voué à une manière d'écrire poétisante, esthète, cultivée, ciselée, ou se répandant en volutes harmonieuses ; et voici, soudain, le poème « écrit au ras du sol » (Michel Leiris) dans la langue de chaque jour, mais nourri de prose classique, musical et cocasse, concertant et déconcertant, avec la maîtrise parfaite du jongleur où la difficulté paraît aller de soi ; et, très bref, ce poème, découpé dans le silence d'on ne sait quel sommeil, condensait en ses jeux de mots, par des relations internes rigoureuses se dérobant à l'analyse, les images les plus disparates, collages géométriques de Picasso ou onirisants de Max Ernst, avec, en arrière-fond, les petites forêts de Quimper, la famille provinciale, les silhouettes du vieux curé, de la concierge, du marin, du modeste employé, se révélait une modernité qui n'était plus celle que cherchait à capter Baudelaire sous le second Empire, mais celle des premiers aéroplanes.
Points caractéristiques .Pour en revenir à l'ensemble de l'œuvre, il serait sans doute possible de la cadrer par quatre éléments caractéristiques, composant un carré dont les critiques auront à combiner côtés et diagonales : populisme, jonglerie, onirisme, émotion. Simplifions. Qui, avant Max Jacob, a su lier aussi intimement le quotidien diurne et nocturne, la description pittoresque aux surprises du « rêve inventé » ? Est-il possible de dessiner plus vite « les japonaises habillées d'un seul trait de plume », ou de nuancer sa palette avec plus de sensibilité qu'en diffractant le rouge, par exemple, en rouge sang, écarlate, feu, vermeil, vinaigre, mordoré, incarnat, rose bonbon, rose-blanc, aurore pâle ? Qu'y a-t-il de plus près du poème en prose – ou du rêve –, qu'y a-t-il de plus irréel que n'importe quel passage pris au hasard dans un roman ? Par exemple : « Pourquoi chacun de ces deux messieurs était-il à Robinson ? et pourquoi n'y aurait-il pas été ? Pourquoi n'y étiez-vous pas vous-même ? M. Ballan-Goujart s'attirait sciemment la jalousie d'une jeune dame, qui buvait près d'une fenêtre, en fouettant les ânes qui passaient, et Mlle Estelle passa sur un âne. » Monologue dialogué, la prose romanesque de Max Jacob est si foisonnante, si sténographique avec ses oublis de noms, ses résistances, ses suspens, ses dérives, ses parleries où, sans cesse, l'on perd le fil qui se renoue ensuite, que la recherche d'une montre en or, la vente d'un terrain, le mariage de M. Maxime Lelong et d'Estelle, etc., ont le caractère obsédant de la dramaturgie du rêve ; et réciproquement, en poésie, le rêve est inventé ou réinventé avec tant d'exactitude qu'il passerait pour un récit de veille. C'est en poésie que triomphe la jonglerie verbale, les jeux de mots pour rire, souligner, incarner dans le son le vrai sens poétique, bref des expériences pour voir, donner à voir. Mais, en regard de cette jonglerie, il faudrait suivre l'émotion, tantôt, en sa mobilité, dans une ponctuation hérissée de points d'interrogation, d'exclamation, de suspension, de tirets et de parenthèses, tantôt, en son apaisement, dans la coulée d'une phrase ou d'un paragraphe sans virgule ou presque sans virgule : « En descendant la rue de Rennes, je mordais dans mon pain avec tant d'émotion qu'il me sembla que c'était mon cœur que je déchirais », ou encore cet admirable : « En revenant du bal, je m'assis à la fenêtre et je contemplais le ciel : il me sembla que les nuages étaient d'immenses têtes de vieillards assis à une table et qu'on leur apportait un oiseau blanc paré de ses plumes. Un grand fleuve traversait le ciel. L'un des vieillards baissait les yeux vers moi, il allait même me parler quand l'enchantement se dissipa, laissant les pures étoiles scintillantes. »
Grand poète et, peut-être, grand romancier, homme de chair, homme reflet, Max Jacob est entré dans l'histoire des lettres. Yvon Belaval

Destin d'un patronyme masqué

Max Jacob nait 14 rue du Parc à Quimper Corentin, à l'entresol du café qui fait l'angle de la rue Saint François, dans une famille juive qui ne pratique pas, ne serait ce qu'en raison de l'absence de coreligionnaires et de synagogue. Son grand père paternel, Samuel Alexandre, est un colporteur né dans la Sarre française dans une famille de maquignons, qui avait immigré dès l'âge de treize ans pour parvenir en 1858 à Quimper, où il fit fortune dans la confection. Aidé de ses deux fils, il ouvre en 1870 plusieurs succursales, dont un magasin qui vend toute sorte d'objets bretons, pratique des campagnes publicitaires et remporte plusieurs prix d'expositions universelles. Le couturier, en abondant dans le sens d'une stylisation « celtisante » inspirée en particulier des motifs gravés du cairn de Gavrinis, a une influence certaine sur la mode bretonne.
Le père de Max Jacob exerce un métier à part, kemener, c'est-à-dire tailleur-brodeur. C'est un métier estimé par les coquettes bretonnes et les bourgeois de Quimper mais socialement méprisé au regard des préjugés relatifs à la virilité qu'ont les Bretons de cette époque16. Quand Lazare Alexandre épouse en 1871 une parisienne, Prudence Jacob, il est, au sein de l'entreprise paternelle, à la tête d'une équipe de « tennerienou neud », brodeurs travaillant à domicile. Les Jacob possèdent des ateliers de confection à Lorient et c'est sous cette marque que l'entreprise Alexandre développe sa notoriété. Madame Alexandre, née Jacob, donne à ses trois cadets pour second prénom Jacob, Gaston Jacob, Max Jacob, Jacques Jacob. Samuel Alexandre et ses fils font changer leur nom à l'état civil le 16 juillet 1888 et adoptent officiellement le matronyme Jacob sous lequel ils sont connus de leurs clients. Jacob a en outre l'avantage d'être, comme beaucoup de prénoms bibliques, un patronyme typiquement cornouaillais. Max Jacob Alexandre a douze ans quand il devient Max Jacob.

Enfance bretonne 1876-1894

Le pâté de maison où habitaient les Alexandre devant les marronniers qui bordent l'Odet, sur une gravure de 1899. De sa chambre, Max Jacob voyait la cathédrale Saint Corentin où il n'avait pas le droit de rejoindre ses camarades.
Le petit Max passe, au premier étage d'une élégante maison neuve sise 8 rue du Parc le long de l'Odet, une enfance confortable imprégnée de légendes et de la ferveur catholique des pardons qu'exaltent la défaite de 70, l'implication du clergé dans le revanchisme et la Grande Dépression puis la politique de l'« esprit nouveau », mais de laquelle il souffre d'être exclu, particulièrement quand les processions défilent sous les six fenêtres du balcon. Il apprend l'orgue dans la cathédrale Saint Corentin avec son professeur de piano. Dès l'âge de huit ans, il s'amuse à prédire avec assurance l'avenir de ses camarades et fait des horoscopes. Il se moque des enfants bretonnants et joue aux « rêves inventés ». Battu par sa sœur et son frère aînés, il ne trouve pas de consolation auprès d'une mère railleuse, toute à sa toilette, et restera très attaché à la petite dernière, Myrthe-Léa, qui a huit ans de moins.
À quatorze ans, il est envoyé pour une année en consultation à Paris pour que Jean-Martin Charcot, qui pratique une psychothérapie fondée sur la suggestion, soigne sa nervosité débordante. À son retour, il entame une scolarité des plus brillantes, conversant souvent en privé avec ses professeurs, collectionnant les prix en histoire, en sciences naturelles, en allemand, en rhétorique. Il s'enthousiasme pour Baudelaire et Laforgue et, avec ses camarades les plus exaltés, essaie de lancer des revues littéraires qui fâchent le proviseur. En 1894, il obtient un huitième accessit au concours général de philosophie, et se voit proposer une bourse pour préparer le concours de Normale dans une classe du prestigieux lycée Lakanal, à laquelle il renonce.

Étudiant dans le Paris de la Belle Époque 1895-1898

À la rentrée 1894, Max Jacob choisit de suivre à Paris les traces de son frère aîné Maurice l'Africain à l'École coloniale. Il s'y oriente pour devenir cadre dans l'administration coloniale de l'Indochine. Logeant à l'hôtel Corneille, rue Corneille, dans le quartier latin, il suit parallèlement le cursus de la faculté de droit de la Sorbonne.
Le 4 mars 1895, se suicide à Rennes, en se jetant dans la Vilaine, son meilleur ami, Raoul Bolloré, petit neveu de l'industriel Jean-René Bolloré et génie précoce dont il portera le deuil toute sa vie. Il échoue à tous ses examens et l'année scolaire 95-96 est une année de redoublement, et à la Faculté et à l'École. Dans celle ci, il prépare par anticipation les concours d'entrée dans l'administration pénitentiaire coloniale.
Réformé en décembre 1896 pour insuffisance pulmonaire au bout de deux mois de service militaire passé au 118e de ligne de Quimper, il attend la rentrée suivante dans une mansarde de la maison paternelle aménagée par lui en s'adonnant avec rage au piano et au dessin paysager mais en décembre 1897, au bout du premier trimestre de sa seconde année, il est conduit à démissionner de l'École coloniale. Renonçant aux rêves de voyages exotiques, il retourne pour quelques semaines à Quimper, où il retrouve son piano et son désœuvrement.
À vingt et un ans, attiré par le tourbillon de la fête parisienne, rêvant de devenir l'homme de lettres promis par le concours général, il profite de sa majorité pour retrouver, au grand dam de ses parents, en février 1898 Paris, où un collègue l'héberge provisoirement. Tout en continuant ses études de droit, logé d'une chambre misérable à l'autre, boulevard Arago puis rue Denfert-Rochereau, il tâche de gagner sa vie comme accompagnateur de piano puis animateur d'un cours de dessin dans une école communale et passe avec succès ses examens en décembre 1898. Il reçoit son diplôme de licence de droit, option droit maritime, le 6 janvier 1899.

Journaliste caractériel 1899-1901

En décembre 1898, Max Jacob, introduit par le peintre et ami Fernand Alkan-Lévy auprès de Roger Marx et recommandé par celui ci, commence d'exercer comme critique d'art sous le nom de son grand père maternelle, Léon David, au Moniteur des Arts, ce qui lui permet de parcourir les expositions. En septembre 1899, il est promu rédacteur en chef de La Revue d'art, nouveau titre de la même revue.
Installé dans la carrière de journaliste, Max Jacob alias Léon David porte barbe et redingote. Il est devenu l'objet de la fierté familiale. Payé vingt francs, somme relativement considérable, par article hebdomadaire, il s'offre des cours de dessin à l'atelier dont Jean-Paul Laurens a confié à ses élèves l'animation au sein de l'Académie Julian.
Le ton condescendant et le style pédant par lesquels les articles de Léon David proclament la fin du classicisme agacent, au point que son directeur, Maurice Méry, dont l'épouse reçoit à dîner son protégé, se sent obligé de prendre la plume et défendre l'indépendance de ses journalistes. Lassé du métier d'écrivaillon tirant à la ligne et exaspéré par un lectorat conformiste, Max Jacob démissionne à la fin d'octobre 1899 et tombe malade. En janvier 1900, il revient prendre un poste de secrétaire de rédaction au Sourire, une revue satirique qui appartient au même groupe de presse Le Gaulois. Il y publie quelques articles, certains signés du nom de son directeur, Alphonse Allais, qui est un hydropathe habitué du cabaret montmartrois Le Chat noir.
C'est à Montmartre, chez Pedro Mañach, qu'en juin 1901, après en avoir admiré une des toiles exposées chez Ambroise Vollard25, Max Jacob, qui a laissé sa carte à chaque fois qu'il passait à la galerie avec un mot pour le peintre méconnu26, fait la connaissance de Pablo Picasso. Auprès du critique, le jeune peintre fraichement arrivé d'Espagne dont le compagnon d'infortune, Carlos Casagemas, perdu d'alcool, vient de se suicider, se familiarise au français et au Paris des arts.
Max Jacob, reconnu par la profession et estimé des peintres mais déçu par sa « conquête de Paris », décide de tenter sa chance dans sa province. Il publie son dernier article dans Le Sourire le 21 décembre 1901, un poème intitulé en forme de sourire Enterrement, trois jours avant Noël.

L'aventure de l'art moderne Le tournant Picasso 1902

Rentré à Quimper, Max Jacob, à vingt quatre ans, s'essaie à divers métiers, dont celui de menuisier. Son espoir d'obtenir par relation un poste de petit fonctionnaire déçu, il retourne à Paris, où il trouve à louer une chambre quai aux Fleurs. Il se retrouve sans soutien et multiplie les emplois à l'essai. En 1902, il est clerc d'avoué, précepteur, employé de l'Entrepôt Voltaire.
En octobre 1902, Pablo Picasso, rencontré quinze mois plus tôt et reparti à Barcelone en janvier, revient à Paris. Les deux crève-la-faim s'entendent pour partager la chambre que Max Jacob loue boulevard Voltaire, et y dormir à tour de rôle, le poète la nuit, le peintre le jour. Pour payer sa part, Max Jacob accepte tout travail. Il vend des horoscopes dans les palaces, à des femmes du demi monde et à leurs clients, de faux princes russes.

La bohème montmartroise 1903-1907

En janvier 1903, Pablo Picasso repart à Barcelone et Max Jacob emménage 33 boulevard Barbès, au pied de la bute Montmartre. Il entame une amitié indéfectible avec André Salmon, qu'en juin il a rencontré en même temps qu'Edmond-Marie Poullain au Caveau du Soleil d'or, au cours d'une des soirées de La Plume qu'organise Karl Boès et que fréquente aussi un ami de ce dernier, son ancien directeur Alphonse Allais. Il se lie aux autres peintres qui fréquentent au Chat noir, 68 boulevard de Clichy, la bohème montmartroise, Georges Braque, Henri Matisse, Amedeo Modigliani, mais aussi les critiques d'avant garde, dont Beatrice Hastings, et courtise une femme mariée, Cécile Acker, qui le désespère.
C'est la misère noire. Au Lapin agile et autres guinguettes, Max Jacob dépense avec ses amis le peu de pension qu'il reçoit de son père, plutôt que de se nourrir, en mauvais vin. Il survit grâce à de petits métiers, balayeur, garde d'enfants... Déguisé en disciple de l'École de Pont-Aven, il porte le costume glazic de son Quimper natal, s'initie en autodidacte à la poésie et à la gouache et essaie de vendre ses œuvres le soir dans les cafés du quartier interlope de Montmartre. Depuis Barcelone, Picasso lui conseille de renoncer à Cécile Acker, ce que le poète ne tardera pas à faire, et lui suggère d'écrire pour les enfants. Histoire du roi Kaboul Ier et de son marmiton Gauwain lui rapporte cent francs et un début de reconnaissance, le livre servant de prix scolaire.
En 1904, son cousin Gustave Gompel l'emploie dans la centrale d'achat que celui ci possède, Paris-France, mais son incompétence fait interrompre l'expérience au bout de huit mois. Il abuse en effet de l'éther, source de son inspiration. Au cours de cette année, Picasso lui présente un critique avantgardiste, Guillaume Apollinaire. La rencontre a lieu dans un bar de la rue d'Amsterdam, l'Austin's Fox. Il fait paraître en feuilleton, quatre épisodes, un conte pour enfants, Le Géant du Soleil dans le Journal des Instituteurs.
En 1907, il s'installe dans une des chambrettes du Bateau-Lavoir, 7 rue Ravignan, où habitent Pablo Picasso et Juan Gris. C'est Max Jacob qui avait donné le nom de « lavoir » à cette résidence d'artistes sordide dont l'escalier central évoque un bastingage quand Picasso s'y était installé trois ans plus tôt, car il n'y a qu'un seul et unique point d'eau dans toute la maison. Quasi mendiant, le soir, il passe dans les restaurants proposer ses poèmes aux clients. L'arrivée de Marie Laurencin, introduite par Henri-Pierre Roché dans la bande où, Suzanne Valadon faisant figure de matrone, elle est la seule jeune fille peintre, et non pas seulement un modèle, restructure le groupe autour des deux couples Laurencin-Apollinaire et Fernande-Picasso, l'éloignant un peu plus de ce dernier.
Un soir de juin, en compagnie des deux couples auxquels se sont joints Maurice Princet et la femme de celui ci, Alice, il expérimente le haschisch. En juillet, c'est lui que Fernande Olivier, rendue stérile par une fausse couche, charge de ramener à l'orphelinat la petite Raymonde, âgée de treize ans, que le couple a trois mois plus tôt envisagé d'adopter, orpheline à laquelle seul Max Jacob avait prêté un peu d'attention et que sa mère adoptive craignait de voir entraînée dans les fantasmes de Picasso depuis que celui ci avait commencé de dessiner l'adolescente nue. Il se fâche avec Guillaume Apollinaire pour une chansonnette grivoise sur Marie Laurencin, qu'il a composée et fait jouer dans un cabaret.

Vocation mystique 1908-1914

Seul face à ses démons, Max Jacob étudie, en bibliothèque le jour, veillant la nuit, les textes mystiques, la Kabbale, le Zohar, l'Évangile, les Pères de l'Église, le bouddhisme, l'astrologie, l'occultisme. Toujours affamé35, à l'éther, il ajoute les tisanes de jusquiame pour invoquer les démons mais ce qui lui arrive le 22 septembre 1909, à l'âge de trente trois ans, est d'une toute autre nature. Alors qu'il rentre de la Bibliothèque nationale, l'image d'un ange lui apparaît sur le mur de sa chambre au 7 rue Ravignan : « .. quand j'ai relevé la tête, il y avait quelqu'un sur le mur ! Il y avait quelqu'un ! Il y avait quelqu'un sur la tapisserie rouge. Ma chair est tombée par terre. J'ai été déshabillé par la foudre ! ». Il entoure l'apparition d'un cercle tracé sur le revêtement du mur. Élevé dans l'athéisme mais sensible aux racines juives de sa famille, il se convertit intérieurement au catholicisme.
À l'automne 1911, l'affaire du vol de la Joconde rompt les amitiés. Pablo Picasso, dans une crise de paranoïa agoraphobique au cours de laquelle il rase les murs pour éviter une police imaginaire, et s'enferme à triple tour, exclut celui qui est devenu le rival le plus talentueux, Juan Gris. Max Jacob reste reçu chez le couple Laurencin Apollinaire, auquel il prédit son destin tragique un soir de chiromancie36, et c'est avec Juan Gris qu'en 1913 il séjourne à Céret, dans le Vallespir. Il y réalise une série de dessins du village. A son retour, il quitte le Bateau-Lavoir, que Pablo Picasso, désormais lancé, a déserté, et emménage à l'autre bout de la rue, 17 rue Gabrielle.
À la fin de cette année 1913, il est de ceux qu'Apollinaire sollicite pour la nouvelle édition des Soirées de Paris, revue dont le peintre Serge Férat a confié la direction au Mal aimé. Jusqu'à l'éclatement de la première guerre mondiale, il fréquente, au cours des soirées mondaines organisées à Montparnasse, au siège de la revue, 278 boulevard Raspail, ou chez la baronne Oettingen, au 229, tout ce que la peinture, la littérature et la critique comptent de plus avantgardiste, sur le plan artistique autant que sur le plan moral, Irène Lagut, Maurice Raynal, Blaise Cendrars, André Salmon, Fernand Léger, Albert Gleizes, Marc Chagall, Sonia Delaunay...
En 1914, il achève par Le Siège de Jérusalem, « drame injouable » illustré par Pablo Picasso et Eugène Delâtre, le cycle de la transcription de son itinéraire spirituel commencé en 1911 à travers le personnage de Saint Matorel, auquel il ajoutera un codicille en 1921. Le 16 décembre, il a une vision du Christ, durant une séance de cinéma. Deux mois après sa vision, le 18 février 1915, Max Jacob, âgé de quarante ans, reçoit enfin le baptême sous le patronage de Cyprien au couvent de Sion, rue Notre-Dame-des-Champs, Pablo Picasso étant son parrain. Il pense pouvoir partager son mysticisme avec le magnétique Amedeo Modigliani mais celui ci, comme Picasso précédemment, préfère se tourner vers les femmes.

« Au lieu de femme un jour j'avais rencontré Dieu. »

Le front de la révolution artistique 1915-1918

Durant la Grande Guerre, Max Jacob, avec André Salmon, Paul Fort, Blaise Cendrars, Léon-Paul Fargue, Pierre Reverdy, découvre à la Maison des Amis du Livre, librairie qu'Adrienne Monnier a ouvert en novembre 1915, la jeune génération de l'intelligentsia, Jules Romains, André Breton, Philippe Soupault, Jacques Lacan, Jean Paulhan, Tristan Tzara, Jean Cassou, Louis Aragon. Il y rencontre André Gide et Paul Valéry. Il est sollicité pour rédiger des textes présentant les expositions de ses amis peintre.
En 1917, son père meurt à Quimper, où il est enterré avec les honneurs municipaux. Max Jacob édite à compte d'auteur Le Cornet à dès, chef d'œuvre par lequel il accède à la notoriété d'écrivain. Le titre répond au célèbre poème graphique du défunt Stéphane Mallarmé, Un coup de dès. C'est une construction inventive de trois cent poèmes en prose méditatifs et aphorismes, presque tous écrits avant la guerre : « Il y a dans ma tête une abeille qui parle ». A l'instar de Pierre Reverdy, il qualifiera lui même cet enchaînement de tours de passe passe verbaux d'œuvre cubiste.
En 1918, Max Jacob se lie avec le jeune Raymond Radiguet, qu'il présente à Jean Cocteau mais qui, à l'insu de celui ci et sous une homosexualité duplice, profite, tel Pierre Roche, d'un Paris vidé de ses hommes pour multiplier les liaisons féminines, telle Irène Lagut. Le 9 novembre, il est avec Cocteau, Ruby, et Picasso au chevet d'Apollinaire quand celui ci expire à l'hôpital sous le tableau Apollinaire et ses amis qu'avait peint Marie Laurencin en 1908 et qu'il ont dressé dans la chambre pour évoquer les amours croisées d'antan. Le lendemain, au Sacré Cœur, il entend « n'ayez pas peur », parole du Christ transfiguré s'adressant à ses disciples, et dessine la vision qu'il a du défunt devenu ange « (.. comme un oiseau à tête d'homme au-dessus. Etait il mort ...? »

Un mélancolique dans les Années folles 1918-1920

Aux folles soirées du comte et de la comtesse de Beaumont, Lucien Daudet se travestit en Spectre de la rose mais Max Jacob, lui, parait en robe monastique48. Il se lasse du Paris des années folles et de lui-même, qui ne connaît pas la fortune de ses amis partis, direction Nord Sud, pour Montparnasse. Il est logé et habillé misérablement. Picasso, devenu riche, s'est installé dans un grand appartement bourgeois de la place Clichy et a une domestique mais refuse à son ex-compagnon d'infortune l'aide financière qu'il lui demande pour pouvoir continuer à vivre à Paris.
En 1920, Max Jacob participe à l'érection de la fictive République de Montmartre.
Le Dos d'Arlequin, tentative de synthèse du théâtre contemporain, ne suscite pas l'intérêt des spectaculaires et provocateurs Mamelles de Tirésias, Parade et Mariés de la Tour Eiffel mis en scène par la jeune génération. Celle ci pourtant, tel Michel Leiris en 1921, le découvre et l'admire, quand deux ans plus tôt Paul Dermée, qui appartient à la plus ancienne, assimilait, par maladresse à une époque où Jacques Lacan n'avait pas encore réhabilité la théorie aristotélicienne du fou génial ni Salvador Dali inventé celle de la paranoïa critique, son œuvre à une production déliquescente de malade mental, ce qui valut au critique d'être exclu du mouvement Dada50. Francis Poulenc commande à Max Jacob Quatre poèmes. Les mélodies, achevées en juillet 1921, sont créées le 22 janvier suivant mais la mode change et, le compositeur lui même délaissant la polyphonie, il les reniera moins d'un an plus tard.

« Homme de lettres » Désintoxication reconstruction 1921-1927

Marianne avait un cheval blanc
Rouge par derrière noir par devant
Il avait une crinière
Comme une crémaillère
Il avait une étoile au front
Du crin sur les boulons
Il avait des sabots grenats
De la même couleur que vos bas
Où allez vous Marianne
Avec votre alezane
La Chanson de Marianne, mise en musique et chantée après guerre par Jacques Douai, est un des dix huit poèmes publiés en 1925.
Un an et demi après la mort prématurée de Modigliani, détruit par l'alcool, Max Jacob renonce définitivement aux psychotropes et en 1921, sur les conseils d'un ami prêtre, il s'exile à Saint-Benoît-sur-Loire, où il est hébergé au presbytère. Il accomplit des retraites parmi les bénédictins de l'abbaye de Fleury, qui abrite les reliques de Saint Paul Aurélien, premier évêque du Finistère. C'est là qu'il achève un long poème en vers qui exprime sa lente revertébration, La Laboratoire central.
Il fait de brefs voyages vers l'Italie, l'Espagne, sa Basse Bretagne natale, où il est reçu dans le cercle de Saint-Pol-Roux. Il reçoit les visites de ses amis, tel Jean Cocteau, en route pour la Côte. En 1926, son ami de quinze ans Pierre Reverdy, ayant rompu avec Coco Chanel, se retire définitivement à l'abbaye de Solesmes.

La figure des années trente 1928-1935

En 1928, il retourne à Paris, et s'installe aux Batignolles, 55 rue Nollet, dans un hôtel bon marché peuplé d'artistes, Jean Follain, Antonin Artaud, Georges Schéhadé, Henri Sauguet. Il passe régulièrement ses vacances au Tréboul, à l'hôtel Ty Mad, où le rejoignent des amis artistes, tel Charles-Albert Cingria. En juin 1930, il y retrouve le couple Francis Rose et Frosca Munster accompagné de leur amant, Christopher Wood, un peintre de vingt neuf ans qui a fait de lui un célèbre portrait et auquel les amis de Max Jacob prêtent une relation homosexuelle avec le poète de cinquante quatre ans. Moins d'un mois plus tard, Kit Wood, matériellement et moralement ruiné par ses toxicomanies, se suicide devant les yeux de sa mère à Salisbury en se jetant sous le train entrant en gare.
Au début des années trente, Max Jacob est des habitués du Bœuf sur le toit. Il y retrouve les anciens musiciens du Groupe des Six et se fait librettiste pour les compositeurs Francis Poulenc, Henri Sauguet, Georges Auric... En 1932, pour une des dernières soirées données à la villa Noailles par Anna de Noailles, Francis Poulenc conçoit à partir d'extraits choisis et recomposés du Laboratoire central, qui a consacré le poète dix ans plus tôt, une cantate profane, Le Bal masqué.
Le 13 juillet 1933, André Salmon le fait nommer chevalier de la Légion d'honneur par le ministre de l'Éducation nationale Anatole de Monzie, un ami de Marc Sangnier.
En 1935, Max Jacob organise à Paris pour le secrétaire général de préfecture Jean Moulin, alias Romanin, rencontré trois ans plus tôt, quand celui ci était sous-préfet de Châteaulin, une exposition des eaux fortes de son ami qui ont servies à illustrer une édition des poèmes de Tristan Corbière. A Quimper, il rencontre un jeune pion qu'il encourage dans la voie de l'écriture, Per Jakez Helias.

Retraite testamentaire Oblat et maître 1936-1939

Max Jacob revient à Saint-Benoît-sur-Loire en 1936 pour s'y retirer définitivement et y mener une vie quasi monastique60, en suivant la règle de Saint François de Sales. Il communie tous les matins, assiste très régulièrement à la messe, uniquement celle des domestiques, et participe à son service. On le voit souvent en prière devant la statue de la Sainte Vierge ou sur le chemin de croix. Pris initialement pour un original très parisien, la dévotion exemplaire de « Monsieur Max » procure à celui ci l'amitié de nombreux villageois et provoque même des conversions. La tâche de faire visiter l'ancienne abbatiale aux pèlerins de passage lui est confiée et il rédige un guide touristique à leur intention. Il entretient une volumineuse correspondance, écrit beaucoup, en particulier de longues méditations religieuses qu'il rédige de très bon matin et qui attestent une foi fulgurante.
Dès l'été 1936, Roger Lannes, Pierre Lagarde, Jean Oberlé, Jean Fraysse viennent le voir. Il reçoit les visites d'amis de longue date, Paul Éluard, Jean Cocteau, Maurice de Vlaminck, Fernand Léger, Pablo Picasso, Pierre Mac Orlan, Roland Dorgelès, Georges Hugnet, Yanette Delétang-Tardif... Marie Laurencin, dont il prise les dons de médium, vient régulièrement partager sa ferveur religieuse.
À partir de 1937, il se lie à la nouvelle génération de poètes, peintres et musiciens, sur lesquels ses conseils, sa correspondance, ses essais, sa théorie esthétique ont une grande influence. Ce sont, entre autres, Michel Manoll, René Lacôte, René Guy Cadou, Marcel Béalu, qui formeront en 1941 un mouvement littéraire, l'école de Rochefort, Olivier Messiaen, Roger Toulouse, Jean Rousselot, Charles Trenet, Jean-Bertrand Pontalis...



#42 Max Jacob 2
Loriane Posté le : 05/03/2016 21:18
Juif sous l'Occupation 1940-1943

Dès l'automne 1940 sont mises en œuvre à Quimper les « lois » d'aryanisation « votées » par le régime de Vichy. La magasin d'antiquité de Gaston Jacob, l'oncle du poète, est placardé d'une affiche « JUDE ». Le propriétaire affiche sur la vitre de la boutique « Liquidation - Profitez des derniers jours ».
A Saint-Benoît-sur-Loire, Max Jacob se passionne pour les mystères du miracle de Fatima. Interdit de publication, voire de citation, il donne dès 1941 des poèmes aux revues clandestines publiées par la Résistance, Confluences, qu'a fondé Jacques Aubenque et que dirige à Lyon René Tavernier, et Les Lettres françaises, recommandant à Jean Paulhan, à cause de l'antisémitisme régnant à Paris, de le publier sous le pseudonyme de Morvan le Gaélique utilisé en 1931 pour ses Poèmes bretons.
Au début de l'année 42, il séjourne chez les Tixier, belle famille de son ami le peintre Roger Toulouse où il trouve confort et réconfort. Avant la guerre, Max Jacob recevait de Marie Laurencin une abondante correspondance signée « Ta douce Marie », sur laquelle son exemple de piété aura une influence radicale, puis, comme d'autres amis, tel Marcel Jouhandeau, elle a cédé un certain antisémitisme. A partir de juin 1942, bouleversée par le port rendu obligatoire de l'étoile jaune, elle lui adresse des colis, nourriture, cigarettes, tricots, couvertures, qui l'aident à survivre.
A Jean Rousselot
Qui a vu le crapaud traverser une rue ?
(...)
Il sort de l'égout, pauvre clown.
Personne n'a remarqué ce crapaud dans la rue.
Jadis personne ne me remarquait dans la rue,
maintenant les enfants se moquent de mon étoile jaune.
Heureux crapaud, tu n'as pas l'étoile jaune.
Max Jacob, Amour du prochain, 1943,
poème qu'il se récitait au camp de Drancy.
À partir du décembre 1942, Max Jacob porte l'étoile jaune, imposée le 6 juin précédent par un décret d'application des lois sur le statut des Juifs du régime de Vichy instaurées dès 1940, mais il l'a porte pour ainsi dire zazou, non pas découpée et cousue sur le poitrine mais dessinée sur son bandeau et recouvrant le revers du manteau. Les enfants dans la rue se moque de son étoile. Il n'a plus le droit de voyager ni même se rendre à l'abbaye pour écouter la messe. Il est régulièrement contrôlé à son domicile, par les gendarmes, les gestapistes, les miliciens.
Sa sœur Julie-Delphine et son beau-frère Lucien Lévy, victimes des grandes rafles de l'année 42, meurent au camp de Royallieu à Compiègne. En décembre, son frère aîné Gaston, arrêté une première fois en août, l'est de nouveau à Quimper puis déporté de Compiègne le 11 février 1943 vers Auschwitz, où il est gazé à son arrivée, le 16, mais la famille reste dans une angoisse entretenue par l'ignorance de cette fin rapide, ce qui est précisément l'effet théorisé et recherché par le chef de la Gestapo, Heinrich Himmler. La maison familiale est saccagée et les souvenirs dispersés.
Max Jacob se croit protégé par le réseau chrétien La France continue, dont un des fondateurs, son ami le diplomate Paul Petit, a pourtant été arrêté dès le 7 février 1942 pour avoir exprimé trop radicalement son opposition à la Collaboration et à Pétain. Le nouveau commissaire de police d'Orléans, Jean Rousselot, est un poète, un admirateur et un ami qui s'engage en février 1943 dans le réseau de résistance Cohors-Asturies sous la direction de Jean Cavaillès. Max Jacob refuse les évasions qui lui sont proposées. Il écrit « je mourrai martyr. »
Jean Moulin, organisant la Résistance sous la couverture d'un marchand d'art niçois, adopte entre janvier et juin 1943 le pseudonyme de Max en souvenir de leur rencontre, restée très vive dans son esprit, à Quimper et au manoir de Coecilian chez Saint-Pol-Roux au début des années trente. « Max » représente toute la synthèse culturelle de la France la plus avant-gardiste en même temps que la plus ancrée dans son histoire telle que la chante à sa façon Aragon dans La Diane française, et tout ce que l'Allemagne nazie honnit de l'« art dégénéré ».

Internement 1944

Le 4 janvier 1944, la sœur préférée de Max Jacob, Myrté-Léa Lévy, et son mari sont internés. Déportée de Drancy le 20, elle est gazée, comme son mari, à son arrivée à Auschwitz. Le poète, effondré, se démène pour faire intervenir ses connaissances, Jean Cocteau, Paul Claudel, René Fauchois, qui est l'intime et le secrétaire de Sacha Guitry, Sacha Guitry lui-même, qui a sauvé Tristan Bernard en octobre, Coco Chanel, Misia Sert et Marie Laurencin, qui est proche de l'influent Karl Epting et multiplie les démarches
Le jeudi 24 février 1944, trois jours après l'exécution des « terroristes » de l'Affiche rouge, deux jours après l'incarcération à Fresnes de Robert Desnos et de René Lacôte, Max Jacob, après avoir assisté à la messe de sept heures à la chapelle de l'hospice, passe à la poste prendre le courrier qui lui apprend que son contact au sein du réseau La France continue a été arrêté. À onze heures, trois membres de la Gestapo d'Orléans se présentent pour la troisième fois à son domicile, et, ce jour là, l'y trouve. De la rue, rien ne transparait de l'arrestation qui ne dure pas plus d'une heure. Sont présents un invité, le docteur Castelbon venu de Montargis pour la semaine, sa logeuse, un voisin, auxquels il transmet l'adresse d'un ami à prévenir qui travaille à Radio Paris, l'occultiste et illustrateur pornographique Conrad Moricand, ce qu'ils feront sans délai. Ils lui donnent précipitamment, dans la voiture qui l'emporte, un caleçon, un couvre lit.
Il est emprisonné quatre jours dans la glaciale prison militaire d’Orléans, à l'emplacement de laquelle se situe l'actuel Palais des sports d'Orléans. La femme de son ami Roger Toulouse, Marguerite Toulouse, au mariage de laquelle il était témoin le 20 juin 1938, s'y présente chaque jour pour lui transmettre nourritures et vêtements, ce que les officiers lui refusent. Max Jacob s'emploie à s'occuper des malades et à divertir ses codétenus. Il leur chante des airs d'opéras, dont un irrésistible « Ô Vaterland! Ô Vaterland! » qui clôture en allemand Le Petit Faust d'Hervé. Le lundi 28 février, le commissaire Rousselot, prévenu quatre jours plus tôt, vient tenter de le délivrer mais quand il arrive à la prison, les prisonniers n'y sont plus.
Le matin de ce 28 février, mal en point, Max Jacob a été emmené avec soixante deux autres détenus en train via la gare d'Austerlitz au camp de Drancy, qui est gardé par la gendarmerie française sous la direction d'Alois Brunner. Dès son arrivée en fin d'après midi, « l'Orphée Orphelin aux confins de l'enfer » est affecté au contingent qui doit remplir le prochain convoi qui partira le 7 mars pour Auschwitz. Le zèle des arrestations des derniers jours vise à rentabiliser ces convois. Au greffe du camp, il dépose les quelques cinq mil francs qu'il a emporté et la montre en or de Filibuth. Dès le lendemain, il écrit à l'abbé Fleureau, curé de Saint-Benoît-sur-Loire, « Je remercie Dieu du martyre qui commence », et, grâce à la complaisance des gardes mobiles, fait parvenir des messages à son frère Jacques, à son relieur Paul Bonnet, à André Salmon, à Jean Cocteau, à Conrad Moricand.
Pour faire libérer le poète, Jean Cocteau, Sacha Guitry, André Salmon, Marcel Jouhandeau, José Maria Sert, Albert Buesche, Jean Paulhan, Conrad Moricand, le conseiller collaborationniste de Paris Georges Prade mais aussi Charles Trenet font des démarches auprès de la Gestapo et auprès de l'ambassade d'Allemagne, où le conseiller von Bose est un admirateur. La figure de Pablo Picasso étant trop compromettante, il est demandé à celui ci de rester en retrait. Cocteau offre à la Gestapo de prendre sa place. Sans résultats immédiats, ces amis et d'autres, tel Henri Sauguet, font circuler une pétition rédigée par Cocteau. Marie Laurencin y ajoute sa signature et la porte personnellement à von Bose. L'intervention auprès d'Otto Abetz et de la Gestapo d'un ami de la « peintresse » responsable de la censure à l'ambassade, Gerhard Heller, est vaine. Deux semaines plus tard, le dimanche 5 mars 1944 à vingt et une heure, Max Jacob murmurant « "Juif!". "Sale juif!"... » meurt à l'infirmerie de la cité de la Muette, où règne la dysenterie, d'un arrêt cardiaque induit par la fièvre d'une pneumonie.
« Il fait un peu plus noir et tu montes sans bruit
Comme un boiteux du Ciel les marches de la nuit. »
Le lendemain, au terme d'une négociation dont l'objet est resté secret, la Kommandantur annonce par téléphone à Charles Trenet sa libération85, en voie d'être accordée par l'ambassade.

Destin posthume Figure de la Résistance

Dès 19 mars 1944, Pablo Picasso invite toute l'intelligentsia antinazie de Paris à venir écouter chez lui sous le dernier portrait qu'il a fait deux ans plus tôt de Max Jacob sa pièce Le Désir attrapé par la queue.
En avril 1944, Les Lettres françaises, en réponse aux injures de Paris-Midi et de Je suis partout, consacrent les deux tiers de leurs une à un hommage de Paul Eluard intitulé, par référence à la mort très semblable du poète assassiné Apollinaire, « Max Jacob assassiné ». Michel Leiris y ajoute un article. Louis Parrot évoque par un poème de sa composition la conception quiétiste de la résistance qu'avait le poète, un mélange d'autodérision exemplaire et d'amour sacrificiel du prochain qui est plus que résister à la tentation de rejeter l'autre, s'identifier à lui et l'identifier à soi jusque dans ses turpitudes et abjections, comme lorsqu'il était allé serrer la main de miliciens tenant publiquement des propos antisémites et leur déclarer « Merci! Et que Dieu vous pardonne! ».
Des poèmes inédits de Max Jacob continuent d'être diffusés immédiatement après sa mort par les revues clandestines. Parmi d'autres, ils circulent, dans le stalag XI-A d'Altengrabow, ronéotypés par Gaston Ciel pour ses quatre vingt exemplaires des Cahiers littéraires XIA.
Son autoportrait, cosigné Picasso, figure parmi les œuvres transmises en mars 1946 par Adrienne Monnier à un comité pour être vendues aux enchères à Buenos Aires. L'argent récolté permet de distribuer des vivres aux écrivains français dans un Paris soumis au rationnement et au marché noir.
Le 17 novembre 1960, Max Jacob est reconnu officiellement « poète mort pour la France ».
Pierre Seghers, dans son témoignage militant La Résistance et ses poètes, le consacre comme père de tous les poètes casqués de la seconde guerre mondiale et des générations futures.

Tombeau

Comme tous les prisonniers décédés à Drancy, Max Jacob est enterré dans le cimetière d'Ivry, non loin des corps des huit cent cinquante quatre détenus fusillés par la gendarmerie française. L'inhumation est confiée à l'UGIF et a lieu le samedi 11 avril 1944.
Conformément au vœu du poète, la dépouille de Max Jacob repose depuis le 5 mars 1949 dans le cimetière de Saint-Benoît-sur-Loire. La tombe est ornée d'un portrait en bronze réalisé en 1935 par son ami René Iché.

Les Amis de Max Jacob

À l'occasion du transfert du cerceuil de Max Jacob sur les bords de la Loire, ses amis Jean Denoël et Henri Dion, le chanoine Frédéric Weill, les docteurs Robert Szigeti et Georges Durand, le peintre Roger Toulouse fondent l'Association des Amis de Max Jacob. Elle rassemble initialement les poètes de l'école de Rochefort Marcel Béalu, René-Guy Cadou, Michel Manoll, Jean Rousselot, et leur ami résistant Roger Secrétain ainsi que l'abbé Garnier98. Un comité d'honneur présidé par Pablo Picasso apporte les soutiens de Mgr Courcoux, Paul Claudel, Carmen Baron, Jean Cassou, Jean Cocteau, Albert Fleureau, Jean Follain, Louis Guilloux, Jacques Jacob, Julien Lanoë, Maurice Morel, André Salmon, Jean Paulhan, Henri Sauguet, qui présidera l'association jusqu'en 1976.
Depuis, l'association édite un bulletin semestriel, Lettres et mots, et une revue annuelle, Les Cahiers Max Jacob. En mars de chaque année, elle organise à la Maison Max Jacob de Saint-Benoît-sur-Loire le Mois Max Jacob, événement inscrit à l'agenda du Printemps des Poètes qui inclut spectacles, brigades d'Intervention poétique, poésie en appartement, café littéraire...

Hommages

En 1950, est fondé un prix de poésie qui porte son nom, le prix Max-Jacob.
« Mes dix-huit ans buvaient aux sources de son génie... il était bon, fantasque, irréel, comme les personnages qu’il peignait... Cher ange ! »
— Charles Trenet à propos de Max Jacob, préface du livre de Marc Andry, Charles Trenet,Calmann-Lévy, 1953.

A la scène

En septembre et octobre 2006, le réalisateur Gabriel Aghion réalise Monsieur Max avec dans le rôle principal Jean-Claude Brialy dont ce fut le dernier rôle avant sa mort le 30 mai 2007.
Depuis 2010, le poète, compositeur et chanteur Paul Dirmeikis a mis en chanson des poèmes de Max Jacob : Nocturne, Le Départ, Cimetière, Le Mariage, La Roue du moulin.
En 2012, le chanteur et poète Melaine Favennec publie un album intitulé Émoi des mots, Melaine Favennec chante Max Jacob.
Le poète Bruno Doucey a publié Le carnet retrouvé de monsieur Max, éd. Bruno Doucey, collection Sur le fil, 2015: Faux journal retraçant les dernières semaines de Max Jacob à Saint-Benoît-sur-Loire et Drancy.

A Quimper

En 1989, le théâtre municipal100 de la ville de Quimper, sa ville natale, prend le nom de Théâtre Max Jacob. Un collège et un pont y portent également son nom.
Les Rendez-vous de Max, lectures et rencontres mensuelles de poésie, sont accueillis depuis février 2013 dans la maison d'enfance et de jeunesse de Max Jacob à Quimper, Chez Max cour Max Jacob, 8 rue du Parc.
Patrice Cudennec, Assiette Mille regrets célébrant le soixante dixième anniversaire de la mort de Max Jacob, Faïencerie de Quimper Henriot, Quimper, 2014.

Œuvre poétique Contes et nouvelles

Histoire du roi Kaboul Ier et du marmiton Gauwain, Alcide Picard & Kaan, Paris, 1903, rééd. Gallimard, Paris, 1971.
nouvelle intégrée en 1921 dans le recueil Le Roi de Béotie.
Le Géant du Soleil, supplément au Journal des Instituteurs, 1904.
Le Roi de Béotie, 1921.
Ne coupez pas, Mademoiselle, ou Les erreurs des P. T. T., Galerie Simon, Paris, 1921, 18 p.
Le Nom, A la lampe d'Aladdin, n° 7, 1926, 66 p.

Romans poétiques

1911 : Saint-Matorel
1918 : Le Phanérogame
1920 : Cinématoma
1921 : Matorel en province
1922 : Le Cabinet noir, pseudo roman épistolaire
1923 : Le Terrain Bouchaballe
1924 : Filibuth ou la Montre en or
1928 : Le Cabinet noir, second pseudo roman épistolaire
Bourgeois de France et d'ailleurs, Gallimard, Paris, 1932.

Poèmes en prose et en vers

Avez vous rencontré la fille au muguet bleu
Qui m'aime sans me vouloir ?
Avez vous rencontré le lièvre au poil de feu
Qui broute à mes réfectoires ?
Avez vous rencontré ... ...
Avez vous, tout compte fait, avez vous gobé les œufs
Venant de mon poulet noir ?
« Pastiche », octuple distique sur deux rimes
paru en 1922 dans Le Laboratoire central.
1911 : La Côte
1912 : Œuvres burlesques et mystiques de Frère Matorel
1916 : Le Cornet à dés
1918 : Les Alliés sont en Arménie, plaquette.
1922 : Le Laboratoire central
1924 : Visions infernales
Les Tabar, in Sélection, n° 3, , p. 209-219, décembre 1924.
Les Pénitents en maillots roses, Collect° Les Cahiers nouveaux, Krà, Paris, 1925.
1927 : Le Fond de l'eau
Sacrifice impérial, Émile-Paul Frères, Paris, 1929, 43 p.
1938 : Ballades
1931 : Rivage
1945 : Derniers Poèmes

Poésie musicale

A Paris
Sur un cheval gris
A Nevers
Sur un cheval vert
A Issoire
Sur un cheval noir
Ah! Qu'il est beau, qu'il est beau!
Ah! Qu'il est beau, qu'il est beau!
Tiou!
...
« Pour les enfants et les raffinés »,
Oeuvres Burlesques et Mystiques
de Frère Matorel, 1912.
Préf. G. Auric, ill. M. Jacob & J. Audiberti, Mendiantes professionnelles suivi de Jalousies, s.éd., 1949, 16 p. .

Mélanges

1919 : La Défense de Tartuffe, éd. Société littéraire de France, 1919, 213 p.
rééd La défense de Tartufe : extases, remords, visions, prières, poèmes et méditations d'un Juif converti, nouv. éd. introd. et notes par André Blanchet, Gallimard, Paris, 299 p.
Ce livre devait dans un premier temps avoir pour titre Le Christ à Montparnasse

Traduction

Lulle, Livre de l'ami et de l'aimé, La Sirène, Paris, 1919.
Ill. Jean-Marie Queneau, Bien aimé Raymond, La Goulotte, Vézelay, 2003.

Drames

Le Siège de Jérusalem‚ grande tentation céleste de Frère Matorel, 1914.
Le Dos d'Arlequin, Le Sagittaire, Paris, 1921.
1986 : Le Terrain Bouchaballe Max Jacob Toulouse, Théâtre Daniel Sorano, 15 avril 1986 suivi de deux inédits : Paris province et le Journal de modes ou les ressources de Florimond : farce en un acte de Max Jacob ; et de La Tarentelle rouge pièce en un acte de Salvatore Cuffaro, L'Avant-scène, Coll. "Théâtre", no 798, Paris, 1986, 80

Œuvre critique Essais

1922 : Art Poétique
L'Homme de chair et l'Homme reflet, Le Sagittaire, Paris, 1924, 256 p.
Tableau de la Bourgeoisie, NRF, Paris, 1929, 223 p.
1929 :
« Poèmes burlesques », in Des feuilles libres no 28, p. 245-249, septembre 1922.
« Deux lettres et un commentaire », in Revue hebdomadaire, p. 213-218, 11 août 1928.
« Max Jacob ou le poète de Saint-Benoît-sur-Loire. Textes et dessins inédits de Max Jacob - hommage de Saint Pol Roux - Vers et proses de Marcel Abraham, Jean Casson, Jean Cocteau...», dans la revue Le Mail, n °5, avril 1928, p. 221-272.

Correspondance

Max Jacob Lettres à René Villard, suivies duCahier des Maximes; préface et notes de Yannick Pelletier; Rougerie, 1978
Correspondance : 1 : Quimper-Paris : 1876-1921, Ed. de Paris, Paris, 1953, 229 p.
Lettres à Michel Manoll Max Jacob ; préf. de Michel Manoll ; texte établi et annoté par Maria Green, Rougerie, Mortemart, 1985, 163 p.

Œuvre picturale Illustration

Filibuth, ou la Montre en or, NRF, Paris, 1923, 268 p., 4e éd.
La Côte, 1927, 2e éd.
Visions des souffrances et de la mort de Jésus Fils de Dieu : quarante dessins de Max Jacob, avec un portrait de l'auteur par lui-même, Aux Quatre Chemins, Paris, 1928, 279 ex.
Saint Matorel, Le siège de Jérusalem, Les œuvres burlesques et mystiques de frère Matorel, Gallimard, Paris, 1936, 300 p.

Gouaches

Max Jacob a été un peintre estimé
Max Jacob : Le marché à Pont-l'Abbé gouache, vers 1930
Max Jacob : Le clocher de Ploaré gouache
Max Jacob : Le pardon de Sainte-Anne gouache, vers 1930
Max Jacob : Le calvaire de Guengat 1930, Musée des beaux-arts de Quimper

Réception

« un paradis à la Charlot »
— René Crevel en 1924 à propos de la mystique du quotidien pratiquée par Max Jacob et son effet burlesque105.
« Il était, avec Saint-Pol-Roux, un de nos plus grands poètes. (...) son œuvre (...) marque une véritable date dans la poésie française. Depuis Aloysius Bertrand, Baudelaire et Rimbaud, nul plus que lui n'avait ouvert à la prose française toutes les portes de la poésie. »
— Paul Éluard, avril 19443.
« Et j'admirais l'utilité de la moindre syllabe. Un mot changé, une virgule, et l'expérience était manquée. Max Jacob ne manque jamais ses tours de prestidigitateur. « Sautez à la corde en descendant l'escalier, vos pieds ne le toucheront pas. »106 Une petite fille aux jambes de garçon volette en souriant à côté de la rampe. Ses nattes flottent comme une algue. Ralenti. Ce silence oblige à se taire. Max Jacob pose côte à côte sur la table au tapis rouge les objets les plus ressemblants : « L'enfant, l'éfant, l'éléphant, la grenouille et la pomme sautée. »107 J'adorais cette chose là où je voyais enfin le contraire de l'arbitraire. »
— Yvon Belaval en 1974.


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#43 Daniel Stren Comtesse d'Agout
Loriane Posté le : 04/03/2016 23:17
Le 5 mars 1876 à Paris meurt Daniel Stern, comtesse d'Agoult

née Marie Catherine Sophie de Flavigny, le 31 décembre 1805 à Francfort-sur-le-Main Hesse, femme de lettres française connue sous le pseudonyme de Daniel Stern.
Personnage insolite de la génération qui, dans les débuts de ce siècle, a inventé une sensibilité nouvelle, Max Jacob est connu surtout comme recréateur du poème en prose : or, cela ne va pas sans injustice contre le reste de son œuvre poétique et romancière. On a peint souvent du dehors le personnage, fauteur et conteur d'anecdotes, commère, mystique, astrologue, en veste de garçon boucher et monocle, bavard montmartrois, solitaire, épistolier infatigable ; au physique, il s'accordait une vague ressemblance avec Baudelaire ou Marcel Schwob ; de toute façon, un personnage qui, du Bateau-Lavoir à Saint-Benoît, fait à jamais partie, entre ses amis – Picasso, Salmon, Apollinaire... – du tableau des arts et de la littérature en France dans la première moitié du XXe siècle.


Sa vie

Marie d'Agoult a pour parents :
Alexandre Victor François de Flavigny 1770-1819, ci-devant noble français et émigré ;
Maria Elisabeth Bethmann 1772-1847, issue d'une vieille famille patricienne allemande de religion protestante, originaire de Goslar, qui figure dès 1416 dans le "Registrum parochianorum" registres de la paroisse catholique, puis, durant plusieurs siècles parmi les bourgeois dirigeants de cette ville, et qui, passée du catholicisme au protestantisme comme toute la population de Goslar lors de la Réforme, s'établit au XVIIIe siècle à Francfort où cette famille fonda une des plus célèbres maison de banque protestante.
Marie Catherine Sophie de Flavigny naît le 31 décembre 1805 à Francfort-sur-le-Main Hesse.
Elle est éduquée, de quatorze à seize ans, au couvent des Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus, dans l'ancien hôtel Biron actuel musée Rodin.
Elle épouse le comte Charles Louis Constant d’Agoult, 1790-1875 le 16 mai 1827 qu'elle quitte le 19 août 1835 après lui avoir donné deux filles :
Louise 1828-1834 ;
Claire 1830-1912, qui épousera le marquis Guy de Charnacé 1825-1909.
En 1833 commence sa liaison Franz Liszt, dont elle a trois enfants :
Blandine 1835-1862 épousera en 1857 Émile Ollivier, avocat et homme politique français. Ils auront un fils, Daniel ;
Cosima 1837-1930 épousera le chef d'orchestre Hans von Bülow, puis le compositeur Richard Wagner ;
Daniel 1839-1859, mort de la tuberculose le roman Nélida est l'anagramme de Daniel.
Selon Sabine Cantacuzène, elle aurait en outre eu un garçon, Charles d'Avila, non reconnu par Franz Liszt, adopté et élevé par la famille D'Avila à Parme en Italie. Ce garçon pourrait être issu de sa liaison avec Pierre Tribert, riche propriétaire foncier dans la région de Champdeniers ; elle séjourna dans son logis de Puyraveau.
Selon un des fils Tribert, celui-ci aidera financièrement Marie d'Agoult en lui versant un revenu régulier et par le fruit de différents placements boursiers, comme en 1866 où il placera pour elle 30 000 francs ; il n'habitera pas avec elle boulevard Malesherbes, mais avec le personnel dans une maison de la rue de Chaillot, « dans l'illusion d'une vie de couple ».
Durant le Second Empire, Marie tient un salon dans lequel se rencontrent les républicains comme Émile Ollivier, Jules Grévy, Carnot, Émile Littré ou encore l'économiste Dupont-White.
Avec l'accord de son époux elle fut obligée de vendre ses bijoux ; elle meurt le 5 mars 1876 à Paris et est enterrée au cimetière du Père-Lachaise, division 54.
Sa tombe est ornée d'un monument commandé par Tribert maquette en plâtre au musée d'Agesci à Niort.

Hommage

À Paris, dans le XVe arrondissement, la rue rue Daniel Stern porte son nom.

Amitiés et conflits

La relation de Marie d'Agoult avec George Sand a été parfois amicale, le plus souvent conflictuelle6.
En 1839, dans Béatrix, Honoré de Balzac fait des allusions directes à Marie d'Agoult qui se reconnaît dans le personnage de Béatrix de Rochefide.
Elle reconnaît aussi Sand dans le même roman décrite sous les traits flatteurs de Félicité des Touches une authentique intellectuelle mais apprécie si peu ce portait qu'elle se met aussitôt à haïr Balzac dès la parution du roman.
Son amitié a été précieuse à Julie-Victoire Daubié9, première bachelière de France, qu'elle a mise en relation avec le milieu journalistique.

Œuvres

Valentia, Hervé, Julien, 1841-1845 ; rééd. Calmann-Lévy, 1883, texte en ligne sur Gallica : Valentia, Hervé, Julien
La Boîte aux lettres, roman en trois journées ; rééd. Calmann-Lévy, 1883,
Ninon au couvent, ou Il ne faut jamais manquer à ses amis, proverbe, onze scènes ; rééd. Calmann-Lévy, 1888
Lettres républicaines, Paris, Amyot, 1848 ;

Esquisses morales 1849
.

Histoire de la Révolution de 1848, 1851
Trois journées de la vie de Marie Stuart 1856.
Florence et Turin : études d'art et de politique, Paris, Michel Lévy, 1862 ;
Histoire de la Révolution de 1848, publié sous le pseudonyme de Daniel Stern, Paris, Charpentier, 1862 ; texte en ligne tome 1, tome 2 ; réédition, 1869 ;
Essai sur la liberté considérée comme principe et fin de l'activité humaine, Paris, Michel Lévy, 1863 ;
Dante et Goethe, Paris, Didier, 1866 ;
Nélida anagramme de Daniel, Paris, Michel Lévy, 1866 ;
Histoire des commencements de la république aux Pays-bas, Paris, M. Lévy frères, 1872 ;

Autobiographie

Mes souvenirs, 1806-1833, Paris, Calmann Lévy, 1880 ;
Mémoires 1833-1854, avec une introduction de M. Daniel Ollivier, Calmann-Lévy, 1927.

Correspondance

Serge Gut et Jacqueline Bellas éd., Franz Liszt - Marie d’Agoult, Correspondance, Paris, Fayard, 2001, 1344
Marcel Herwegh, Au Printemps des Dieux, correspondance inédite de la comtesse Marie d'Agoult et du poète Georges Herwegh, Paris, Gallimard, 1929.

Références en français

Claude Aragonnès, Marie d'Agoult une destinée romantique, Paris, Hachette, 1938-1983.
Robert Bory, Une retraite romantique en Suisse : Liszt et la comtesse d'Agoult, Lausanne, SPES, 1930.
Ariane Charton, Marie d'Agoult, une sublime amoureuse, Aix-en-Provence, Kirographaires, 2011, 293 p.,
Dominique Desanti, Daniel ou Le visage secret d'une comtesse romantique, Marie d'Agoult, Paris, Stock, 1980.
Camille Destouches, La passion de Marie d'Agoult, Paris, Armand Fayard, 1959.
Charles Dupêchez, Marie d'Agoult, 1805-1876, Paris, Plon, 1994, Perrin, 2001, 420 p.,
Marie Octave Monod, Daniel Stern, comtesse d'Agoult, de la Restauration à la IIIe république, Paris, Plon, 1937.
Daniel Ollivier, Autour de Mme d'Agoult et de Liszt, Paris, Bernard Grasset, 1941.
Henriette Rain, Les enfants du génie - Blandine, Cosima et Daniel Liszt, Paris, Presses de la Renaissance, 1986,
Gonzague Saint Bris, Marie, l'ange rebelle, Paris, Belfond, 2007, 292 p.
Jacques Albert Vier, La Comtesse d'Agoult et son temps, Paris, A. Colin, 1959-1963.


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#44 Maurice Renard
Loriane Posté le : 26/02/2016 20:54
Le 28 février 1875 naît Maurice Renard

à Châlons-sur-Marne, mort le 18 novembre 1939 à 64 ans, à Rochefort-sur-Mer, écrivain français, spécialisé dans le fantastique, la science-fiction et le roman policier.Auteur français de roman fantastique, roman de science-fiction, roman policier. Ses Œuvres principales sont Le Docteur Lerne, sous-dieu 1908, Le Péril bleu 1910, Les Mains d'Orlac 1910

Sa vie

S'il naît à Châlons-sur-Marne, au 7 rue du Grenier-au-Sel, dans une famille bourgeoise, c'est à Reims, où son père, magistrat, a été nommé président du tribunal d'instance en 1877, que Maurice Renard passe son enfance.
Son grand-père Pierre Édouard Renard était également haut magistrat, ainsi que maire d'Épernay.
L'enfance de Maurice est rythmée par des séjours d'été à Hermonville, où ses grands-parents possèdent le château Saint-Rémy détruit en 1918, et où la famille occupe dans le vaste parc un petit pavillon, le clos Saint-Vincent.
Seul garçon et de loin le benjamin de trois enfants, il est un enfant solitaire, choyé par ses parents, marqué par ses lectures – Charles Dickens, Edgar Poe notamment – et par les mannequins du magasin de bonneterie de ses grands-parents à Reims.
Fin 1886, Maurice Renard est interne de l’École Monge, 145 boulevard Malesherbes à Paris, avant de revenir à Reims en 1892, au collège des Bons-Enfants.
En 1894, il obtient son baccalauréat en lettres et en philosophie.
Il effectue trois années de service militaire à Reims 1896-1899 avec le grade de maréchal des logis, au cours desquelles il découvre Herbert George Wells. En 1899, il s'installe à Paris et fait des études de droit qu'il abandonne bientôt pour se consacrer à la littérature.
Il publie un hommage à Victor Hugo, lu à la Comédie-Française.
Puis, sous le pseudonyme de Vincent Saint-Vincent il choisit ce pseudonyme pour ne pas être confondu avec Jules Renard, mais y renonce en découvrant qu'il s'agit d'un patronyme réel, il publie son premier recueil de contes Fantômes et fantoches en 1905, fruit d'inspirations diverses, où l'on note l'influence de Herbert George Wells, dans Les vacances de monsieur Dupont, un Monde perdu avant la lettre.
En 1903, il épouse Stéphanie La Batie.
Le couple aura quatre enfants : Renaud né en 1904, Rémi 1905-1977, Cyril né en 1915, Daniel décédé à 18 mois en 1919. Il s'installe d'abord no 85 avenue Kléber puis, en février 1910, emménage no 8 rue de Tournon.
Des hôtes illustres fréquentent son salon : Colette, Pierre Benoit, Henry de Montherlant entre autres.
Le Docteur Lerne, le premier roman de Renard, paraît en 1908, et est dédié à H.G. Wells : le récit aborde le thème du savant fou, et est suivi par Le Voyage immobile en 1909.
Renard publie Le Péril bleu en 1912, roman remarqué par Louis Pergaud. Il fonde la revue poétique La Vie française et publie Monsieur d'Outremort et autres histoires singulières en 1913.
Il sert comme officier de cavalerie pendant la Première Guerre mondiale, de 1914 à début 1919.
Son roman Les Mains d'Orlac paraît en feuilleton en 1920, il sera adapté plusieurs fois au cinéma notamment pour le film Les Mains d'Orlac Mad Love réalisé par Karl Freund aux États-Unis en 1935.
En 1921 est publié L'Homme truqué et, en 1928, le roman Un homme chez les microbes.
Maurice Renard divorce en 1930 et se remarie.
À partir de 1935, année de la publication du roman policier Le Mystère du masque, dans la collection Le Masque, l'écrivain commence à faire paraître de nombreuses nouvelles et des feuilletons dans divers quotidiens.
Il devient également vice-président de la Société des gens de lettres.
Il meurt des suites d'une opération chirurgicale à Rochefort-sur-Mer en 1939. Il repose à l'île d'Oléron, au cimetière de Dolus-d'Oléron où il possédait une petite maison, son lieu de séjour habituel. Une plaque y est apposée.

Œuvre Romans

Maurice Renard écrivain
Le Docteur Lerne, sous-dieu 1908
Le Voyage immobile 1909
Les Mains d'Orlac 1920
Le Péril bleu 1912 ; réédition, Éditions Jules Tallandier, coll. À travers l'Univers 1953
L'Homme truqué 1921
Le Singe, coécrit avec Albert-Jean 1925. Ce roman met en scène l'écrivain J.-H. Rosny aîné.
L'Invitation à la peur 1926
? Lui ? 1927
Notre-Dame Royale. Tableau du sacre de Louis XVI à Reims 1927. Couronné par l'Académie française.
Un homme chez les microbes 1928 ; réédition, Éditions Métal, 1956
Le Carnaval du mystère 1929
La Jeune Fille du yacht 1930 illustrations de Auguste Leroux, Éd. L'Illustration, revue La Petite Illustration trois fascicules brochés; no 468, 22 février 1930; no 469, 1er mars 1930; no 470, 8 mars 1930 ;
Celui qui n'a pas tué 1932
Le Maître de la lumière feuilleton, 1933, publié à titre posthume en 1947
Le Bracelet d'émeraudes feuilleton, 1933
Colbert feuilleton, 1934
Le Mystère du masque, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 176 1935
Le Violon de la reine feuilleton, 1935
Les Mousquetaires des Halles 1936
Fleur dans la tourmente feuilleton, 1936
Le Signe du cœur feuilleton, 1937
Les Trois Coups du destin feuilleton, 1938
La Redingote grise feuilleton, 1939
La Prison d'argile 1942

Nouvelles

Le Professeur Krantz, illustrations de L. Pouzargues, Éd. L'Illustration, revue La Petite Illustration no 571, 2 avril 1932
La Cantatrice, in Fiction no 2, Éditions OPTA, décembre 1953;
Le Brouillard du 26 octobre, in Fiction no 6, Éditions OPTA, mai 1954;
La Gloire du Comacchio, in Fiction no 20, Éditions OPTA, juillet 1955;
L'Homme au corps subtil, in Fiction no 62, Éditions OPTA, janvier 1959;
La Rumeur dans la montagne, in Fiction no 88, Éditions OPTA, mars 1961;
Le Lapidaire, in Fiction no 133, Éditions OPTA, décembre 1964;
Suzannah, in Fouilles archéobibliographiques Fragments, Bibliogs, 2015.

Recueil de nouvelles

Fantômes et Fantoches, sous le pseudonyme de Vincent Saint Vincent 1905 - recueil de 7 nouvelles
Monsieur d'Outremort et autres histoires singulières 1913 - recueil de nouvelles,
Papillon de la mort, NéO, coll. Fantastique - SF - aventure no 139, 1985
Ce recueil de nouvelles publié à titre posthume reprend des nouvelles publiées dans des magazines. Il contient les nouvelles suivantes :
L'Écharpe gris souris 1929
Cambriole 1929
Elle 1929
L'Étrange Souvenir de M. Liserot 1929
À l'eau de rose 1929
Le Papillon de la mort 1929
La Rumeur dans la montagne 1923
Le Professeur Krantz 1932
Le Rendez-vous 1909
Le Lapidaire 1905
La Grenouille 1926
La Damnation de l'"Essen" 1926
L'Affaire du miroir 1926
Théâtre

L'Amant de la Morte, pièce de Théâtre de Grand Guignol 1925

Adaptations cinématographiques et télé Au cinéma

1924 : Les Mains d'Orlac Orlac’s Hände, film autrichien muet réalisé par Robert Wiene, avec Conrad Veidt
1935 : Les Mains d'Orlac Mad Love, film américain réalisé par Karl Freund, avec Peter Lorre
1960 : Les Mains d'Orlac The Hands of Orlac, film franco-britannique réalisé par Edmond T. Gréville, avec Mel Ferrer
1962 : Hands of a Stranger, film américain réalisé par Newton Arnold, avec Paul Lukather

À la télévision

Le Péril bleu de Jean-Christophe Averty 1975, avec Jean-Roger Caussimon
L'Étrange Château du docteur Lerne de Jean-Daniel Verhaeghe 1983, avec Jacques Dufilho, Pierre Clémenti, Dora Doll, Pierre Etaix
Les Mains de Roxana de Philippe Setbon France 2013, avec Sylvie Testud et Loup-Denis Elion




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#45 Marcel Pagnol
Loriane Posté le : 26/02/2016 19:34
Le 28 février 1895 naît Marcel Pagnol

à Aubagne Bouches-du-Rhône, écrivain, dramaturge, cinéaste et producteur français, mort à Paris le 18 avril 1974 à 79 ans.
Membre de l'Académie française. Auteur de langue français. Ses Œuvres principales sont Marius, Jean de Florette, Manon des sources, La Gloire de mon père, Le Château de ma mère
Il devient célèbre avec Marius, pièce représentée au théâtre en mars 1929. Il fonde à Marseille en 1934 sa propre société de production et ses studios de cinéma, et réalise de nombreux films avec les grands acteurs de la période en particulier Raimu, Fernandel et Pierre Fresnay : Angèle 1934, Regain 1937, La Femme du boulanger 1938…
En 1946, il est élu à l'Académie française. Après 1956, il s'éloigne du cinéma et du théâtre, et entreprend la rédaction de ses Souvenirs d'enfance avec notamment La Gloire de mon père et Le Château de ma mère. Il publie enfin, en 1962, L'Eau des collines, roman en deux tomes : Jean de Florette et Manon des Sources, inspiré de son film Manon des sources, réalisé dix ans auparavant et interprété par son épouse Jacqueline Pagnol.

En bref

Représentant un cas tout à fait particulier dans le panorama littéraire du XXe siècle, Marcel Pagnol est d'abord le prototype de l'auteur dramatique moderne, auquel le cinématographe a donné un nouveau moyen d'expression : ses œuvres ont ainsi connu un retentissement très vaste et très rapide, que le seul exercice du théâtre ne lui aurait pas offert. Il fait ensuite partie de ces artistes dont le sens aigu des affaires leur a permis de se libérer de la tutelle des industriels et des financiers. Devenu très vite son propre producteur de films, et, beaucoup plus tard, son propre éditeur, Marcel Pagnol a pu réaliser une œuvre cinématographique personnelle en toute liberté.
Cet aspect de son personnage l'a souvent desservi. Propriétaire de studios de prises de vues à Marseille, puis d'une maison d'édition à Monaco, Marcel Pagnol s'est vu dédaigné par une critique chagrine qui n'admet pas qu'un artiste puisse s'intéresser au destin économique de son œuvre, et pour qui l'homme d'affaires oblitère fatalement le poète.
Les années 1960 devaient pourtant faire apparaître, dans le domaine du cinéma tout au moins, Marcel Pagnol comme un novateur : nombreux sont aujourd'hui les cinéastes qui participent à la production de leurs œuvres, quand ils ne l'assurent pas entièrement. Mais ne nous y trompons pas : quelles que soient les raisons de sa réussite sociale, Marcel Pagnol reste, avant tout, un écrivain et un auteur dramatique de premier plan.
De Marseille à Paris. Il est né, le 28 février 1895, à Aubagne, où son père était instituteur public. Mais c'est à Marseille qu'il passe son enfance et qu'il commence des études de lettres. La famille a cependant gardé des attaches dans la région d'Aubagne, et il passe toutes ses vacances dans les collines qui dominent le hameau de La Treille. Il a conservé, de ce temps et de ces lieux, un souvenir ébloui, qu'il fixera plus tard dans plusieurs volumes, et aussi un attachement profond pour les paysages et les gens de Provence.
Les études de Marcel Pagnol s'achèvent à Montpellier avec une licence d'anglais. Il enseigne pendant quelques années, au cours desquelles il traduit Les Bucoliques de Virgile, et Hamlet. Au même moment, il écrit son premier roman, Pirouettes, qui ne paraîtra que quelques années plus tard. Ce petit livre, dont l'action se situe à Marseille, dans le quartier de la Plaine, et qui met en scène un personnage singulier, haut en couleur, manifeste un talent déjà sûr, plein de malice et de tendresse.
L'année 1924 voit à la fois les premières tentatives de Marcel Pagnol comme auteur dramatique et ses débuts dans la vie parisienne. Ses deux premières pièces représentées, Les Marchands de gloire (1925) et Jazz (1926), reflètent une certaine mode « mélo » et ne laissent pas prévoir la prochaine éclosion d'un nouveau talent. Deux ans plus tard, Topaze connaît un véritable triomphe, bientôt dépassé par celui de Marius (1929). Dès lors, le succès de Marcel Pagnol ne se démentira jamais.
En 1931, Fanny donne une suite à Marius. Mais le jeune auteur dramatique s'intéresse au cinéma. Il y fait ses débuts avec les adaptations de ses pièces en collaboration avec des réalisateurs professionnels. Après Marius (1931, Alexandre Korda) et Fanny (1933, Marc Allégret), il achève la trilogie par une œuvre directement écrite pour l'écran : César (1936), et il continue. Admirateur et ami de Jean Giono, il tourne Angèle (1934, d'après Un de Baumugnes) et Regain (1937). Puis, sur des scénarios de sa façon, La Femme du boulanger (1938) et La Fille du puisatier (1940).
Élu à l'Académie française en 1946, il tourne encore quelques films d'un intérêt moins soutenu, comme La Belle Meunière (1948), Manon des sources (1952) ou Les Lettres de mon moulin (1954, d'après Alphonse Daudet).
Pendant les vingt dernières années de sa vie, il revient à la plume, avec deux pièces de théâtre : Judas (1955) et Fabien (1956), et plusieurs volumes de souvenirs d'enfance, dont les deux premiers, La Gloire de mon père (1957) et Le Château de ma mère (1958), connaissent un immense succès.

Sa vie

Marcel Pagnol est le fils de Joseph Pagnol, instituteur à Aubagne depuis 1889, laïc et républicain, et d'Augustine Pauline Henriette Lansot, couturière à la santé fragile. Il est l'aîné de trois autres enfants : Paul, né en 1898, Germaine, née en 1902 et René, né en 1909. Un frère aîné, Maurice, né le 2 avril 1894 et mort le 18 août de la même année, ne sera jamais mentionné dans l'histoire familiale
Marcel Pagnol écrira en incipit de La Gloire de mon père Je suis né dans la ville d'Aubagne, sous le Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers ; il naît dans un appartement du troisième étage d'un immeuble bourgeois dont ses parents étaient locataires, au 162 cours Barthélémy.
Sa famille paternelle est originaire de Romanos, ses ancêtres ayant quitté l'Espagne au XVe siècle pour s'installer dans le Midi de la France. Ses aïeuls se spécialisent dans le métier d'armurier et d'artificier avant que son grand-père ne devienne tailleur de pierre, compagnon du Tour de France.

Une école précoce et buissonnière

En 1897, le jeune ménage s'établit dans le logement de fonction de l'école de Saint-Loup, à Marseille. Lorsqu'elle allait au marché, sa mère le laissait dans la classe de son père, qui eut un jour la surprise de le voir lire couramment, alors qu'il avait trois ans sa mère l’empêcha aussitôt de retourner à l'école avant l'âge requis.
Puis, à la rentrée 1900, Joseph étant nommé instituteur titulaire à l'école du Chemin des Chartreux, la plus grande école communale de Marseille, la famille emménage au54 de l'avenue des Chartreux. En 1902, les Pagnol emménagent rue du Jardin des Plantes, puis rue Terrusse, dans ce grand rez-de-chaussée, que complétait un sous-sol, éclairé, sur le derrière, par un petit jardin, où Marcel passera une grande partie de son enfance.
À partir de 1904, soucieux de la santé fragile d'Augustine, Joseph décide de louer pour les vacances une villa dans la colline, juste au bord d'un désert de garrigue qui va d'Aubagne jusqu'à Aix. Cette Bastide Neuve, située à la sortie du village de La Treille, à la périphérie de Marseille, et ses collines constitueront ce paradis de l'enfance heureuse où se déroulent les plus beaux épisodes de ses fameux Souvenirs d'enfance.
Reçu second à l'examen des bourses, il entre au lycée Thiers en 1905 où il poursuit de brillantes études, malgré une vie de demi-pensionnaire mouvementée, épopée savoureuse qu'il racontera dans les deux derniers tomes de Souvenirs Le Temps des secrets, Le Temps des amours. C'est là qu'il commence à écrire des poèmes qui paraîtront à partir de 1910 dans la revue Massilia. Il a pour condisciple l'élève Codert, treize ans, cancre d'avenir puisqu'il fera fortune dans l'industrie du matériel roulant qui le prend sous son aile, et Albert Cohen avec qui il se lie d'amitié.
Il n'a que 15 ans lorsqu'il perd sa mère, avec qui il entretenait une relation fusionnelle L'âge d'Augustine, c'était le mien, parce que ma mère, c'était moi, et je pensais, dans mon enfance, que nous étions nés le même jour. Un coup de froid ayant aggravé sa fragilité pulmonaire, Augustine meurt des suites d'une congestion le 16 juin 1910, à l'âge de 36 ans. Elle sera inhumée au cimetière marseillais de Saint-Pierre, puis à La Treille. Joseph s'installe alors avec ses enfants au quatrième étage du 117 cours Lieutaud. Il se remarie le 30 juillet 1912 avec Madeleine Julien, veuve qu'il avait engagée pour s'occuper du ménage et qui n'a que huit ans de plus que Marcel. Ce dernier l'accepte très mal, au point de se brouiller avec son père.
En 1913, à 18 ans, il obtient son baccalauréat de philosophie avec mention Assez bien, et commence ses études de lettres à l'Université d'Aix-en-Provence. Le 10 février 1914, il fonde, avec quelques copains de khâgne, la revue littéraire Fortunio qui deviendra ensuite Les Cahiers du Sud, dans laquelle il publie quelques poèmes et son premier roman, Le Mariage de Peluque. Puis, la Première Guerre mondiale éclatant, il est mobilisé au 163e régiment d'infanterie de Nice en même temps que son ami Lili des Bellons de son vrai nom, David Magnan. Il est réformé en janvier 1915 pour faiblesse de constitution.
Le 2 mars 1916, il épouse Simone Collin. En novembre de la même année, il obtient sa licence de lettres et littératures vivantes anglais. Nommé répétiteur d'anglais, il enseignera successivement aux collèges de Digne, Tarascon, Pamiers sur Ariège et Aix-en-Provence, avant d'être promu professeur adjoint au lycée Saint-Charles à Marseille de 1920 à 1922. Durant cette dernière année, il écrit deux drames en vers : Catulle puis, en collaboration avec Arno-Charles Brun, Ulysse chez les Phéaciens.

Paris : un professeur au théâtre

Nommé surveillant d'externat puis professeur adjoint au lycée Condorcet de Paris, il y enseigne l'anglais jusqu'en 1927, et il décide de prendre congé de l'Éducation nationale pour cause de littérature. Dès son arrivée dans la capitale en 1922, Pagnol a la chance d'y retrouver Paul Nivoix, ancien directeur de l'hebdomadaire marseillais Spectator devenu rédacteur à Comœdia, seul quotidien français des Lettres et des Arts. Grâce à son amitié, Pagnol pénètre le milieu des jeunes écrivains et du théâtre moderne, commence à douter de l'intérêt de ses tragédies grecques et romaines, se risque à signer en 1924, sous le pseudonyme de Castro, un vaudeville composé avec Nivoix, Tonton ou Joseph veut rester pur, qui à son grand étonnement remporte un petit succès au théâtre des Variétés, ce qui encourage les deux novices à persister et écrire leur première pièce de théâtre, Les Marchands de gloire. Représentée en 1925 au théâtre de la Madeleine, cette brillante satire du patriotisme est cependant boudée par le public, de même que sa deuxième pièce, Jazz, donnée en 1926 au théâtre des Arts. Mais Topaze, satire de l'arrivisme jouée au théâtre des Variétés en 1928, connaît un grand succès plus de huit cents représentations à Paris.
Lettre manuscrite de Marcel Pagnol au proviseur du Lycée Condorcet pour lui demander de s’absenter pour surveiller les répétitions de sa dernière pièce de théâtre. Archives nationales
La nostalgie de Marseille qu'il éprouve à Paris l'incite à écrire une pièce marseillaise, son entourage l'en dissuade aussitôt. Mais en 1926, ayant vu jouer à Bruxelles Le Mariage de mademoiselle Beulemans, il comprend qu'une œuvre locale, mais profondément sincère et authentique peut parfois prendre place dans le patrimoine littéraire d'un pays et plaire dans le monde entier. Et c'est ainsi que le 9 mars 1929, Marius, pièce en quatre actes et six tableaux, est créée au théâtre de Paris avec Raimu dans le rôle de César. C'est le triomphe universel pour les deux provençaux exilés qui, tout en s'apportant mutuellement la gloire et la célébrité, se lieront à vie d'une amitié aussi orageuse que sincère.
Séparé de Simone Collin depuis 1926, il rencontre la jeune danseuse anglaise Kitty Murphy. De leur union naîtra Jacques Pagnol en 1930, qui deviendra son assistant après la guerre, puis caméraman pour France 3 Marseille.

Œuvre cinématographique

L'année 1929 est décisive pour sa carrière : il assiste à Londres à la projection d'un des premiers films parlants, Broadway Melody et en est si bouleversé qu'il décide de se consacrer au cinéma parlant. Plus tard, devenu réalisateur, il aimera rappeler que c'est en 1895, l'année de sa naissance, qu'Auguste et Louis Lumière avaient projeté pour la première fois en public à quelques kilomètres d'Aubagne des photos animées sur un écran : l'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat.
Pagnol fait la connaissance du directeur de la succursale française de la firme Paramount, Bob Kane, qui lui propose d'acheter les droits de sa pièce Marius cinq cent mille francs. Pagnol refuse, mais accepte de se contenter d'un simple pourcentage sur les recettes à condition que le film soit tourné avec tous les comédiens de la troupe théâtrale Raimu bien-sûr mais aussi Pierre Fresnay dans le rôle de Marius, Fernand Charpin dans celui de Panisse et tous les autres et sous sa direction. Kane, qui voulait imposer les vedettes en contrat avec sa firme, finit par accepter au début de 1931 mais exige un réalisateur américain. Ce sera Alexander Korda, hongrois émigré aux États-Unis où il a conquis Hollywood il se fixera ensuite en Angleterre où, naturalisé, il fera une brillante carrière . Sorti le 10 octobre 1931, Marius est l'un des premiers films à succès du cinéma parlant français. Les recettes sont colossales, y compris à l'étranger. Pressé par le public d'en écrire la suite, Fanny, pièce en trois actes et quatre tableaux, est créée sur scène en décembre 1931 au théâtre de Paris. C'est le deuxième volet de ce qui deviendra la célèbre trilogie marseillaise, dont l'action se passe dans l'ambiance légendaire du Bar de la Marine, sur le vieux port de Marseille. L'adaptation cinématographique, réalisée par Marc Allégret, sort le 2 novembre 1932.
Le 28 juillet 1932, son frère Paul, le dernier chevrier des collines d'Allauch, qu'il va souvent visiter dans les collines où ils ont passé leur enfance, meurt à l'âge de 34 ans. Souffrant du haut mal grand mal épileptique, il s'éteint à l'hôpital de Courtrai Belgique après une opération de la dernière chance effectuée par le professeur Émile Eugène Lauwers. Il est inhumé dans le caveau de la famille Pagnol au petit cimetière de La Treille.
Devant le succès de Marius, la Paramount a fait l'acquisition début 1932, sans son accord, des droits d'adaptation de sa pièce Topaze, confiés au réalisateur Louis Gasnier avec comme interprète Louis Jouvet. Pagnol réussit à participer au tournage mais s'estime dépossédé de son œuvre il tournera plus tard lui-même deux autres versions de Topaze en 1936 avec Alexandre Arnaudy et en 1950 avec Fernandel. Désormais devenu très riche, il décide de devenir producteur et fonde au printemps 1932 à Paris sa propre société de production. Il installe ses studios à Boulogne-Billancourt au bord de la Seine et à Marseille en plein cœur du célèbre quartier du Prado.
En 1934, il achète, dans les collines au-dessus du village de La Treille où, enfant, il passait ses vacances, un domaine de vingt-quatre hectares plus tard agrandi à quarante, dans l'idée d'en faire son « Hollywood provençal. Il y tourne désormais lui-même ses films. Son premier film en tant que réalisateur est Le Gendre de Monsieur Poirier en 1933, suivi de Jofroi en 1933, d’Angèle en 1934, de Merlusse et de Cigalon en 1935, de César en 1936, de Regain en 1937, de La Femme du boulanger en 1938, etc. En 1932, il rencontre aussi Jean Giono qu'il incite à s'intéresser au cinéma, et dont il adaptera quatre œuvres, pour Jofroi d'après Jofroi de la Maussan, Angèle d'après Un de Baumugnes, Regain, La Femme du boulanger d'après un passage de Jean le Bleu. Il fait jouer les plus grands acteurs français de l'époque Raimu, Pierre Fresnay, Fernandel, amis avec qui il joue à la pétanque entre deux scènes.
Il vit désormais avec Orane Demazis, qui incarnait tous les soirs le personnage de Fanny dans Marius et Fanny, et ils ont un fils en 1933, Jean-Pierre Burgart, car Pagnol ne le reconnaîtra pas. Puis, en 1936, Yvonne Pouperon, sa nouvelle collaboratrice des bureaux de la rue Fortuny à Paris, met au monde une fille, Francine Pagnol. C'est l'année où il fonde la revue Les Cahiers du film, avant de diriger sa propre maison d'édition en 1937.
En 1941, pour réaliser son « ambition de construire, sous le ciel de Provence, la Cité du Cinéma », il fait, sans l'avoir vu, l'acquisition du château de la Buzine avec quelques hectares de prairies au bord du canal. C'est en visitant son domaine huit jours plus tard, qu'il reconnaît « l'affreux château, celui de la peur de ma mère » (Le Château de ma mère) : sa mère s’était évanouie lorsque la famille traversait clandestinement la propriété pour rejoindre la Bastide neuve, un garde les avait surpris et leur avait fait faire demi-tour. Mais la Seconde Guerre mondiale fait rage ; Pagnol doit interrompre ses tournages et vendre ses studios à la Gaumont, tout en restant directeur de production. Ceci lui permet de se dérober aux pressions d'Alfred Greven, président de la Continentale société de production française à capitaux allemands, qui veut lui faire réaliser du cinéma de propagande nazie. C'est donc en tant que directeur de production des Films Marcel Pagnol qu'il produit, en novembre-décembre 1941, le documentaire Français, vous avez la mémoire courte !, réquisitoire contre le communisme et apologie du maréchal Pétain, commandé par le Secrétariat général à l'Information et à la Propagande du régime de Vichy. Son dernier film tourné pendant la guerre, La Prière aux étoiles, reste inachevé et, pour garder la maîtrise de son œuvre, Pagnol détruit la pellicule du film.
Le divorce d'avec Simone Collin à peine prononcé, Marcel vit avec l'actrice Josette Day, rencontrée en janvier 1939. Leur liaison ne dure que le temps de leur refuge en zone libre, jusqu'à la fin de la guerre. Bien que très lié à Orane Demazis puis à Josette Day, Pagnol n'a été marié ni à l'une ni à l'autre et trois enfants lui sont nés hors mariage Jacques, Jean-Pierre et Francine. Sa propre mère, Augustine, a accouché d'un premier enfant moins de quatre mois après son mariage. Cela explique que le thème de l'enfant naturel soit une constante de son œuvre.
Il acquiert en 1942 le Domaine de l'Étoile à La Gaude, où il réemploie le personnel de ses studios comme ouvriers horticoles pour la culture d'œillets, afin de leur éviter le Service du travail obligatoire en Allemagne. Cette reconversion spectaculaire inspira à Raimu la boutade suivante : Si Marcel devient fleuriste, alors moi, je n'ai plus qu'à aller vendre des rascasses ! .

De la Comédie à l'Académie

En 1944, Pagnol est élu président de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques. Chargé de constituer une commission d'épuration, il s'emploie à défendre les nombreux auteurs et artistes ayant continué à travailler pendant l'Occupation sans avoir pris de position ouvertement collaborationniste.
En 1945, il épouse l'actrice Jacqueline Bouvier, rencontrée en août 1938, qui sera jusqu'à sa mort son brin de poésie et de tendresse. Elle tournera dans cinq de ses films et lui donnera deux enfants, Frédéric en 1946 et Estelle en 1951 ; Estelle mourut en 1954 à l'âge de trois ans.
Âgé de 51 ans, il est, avec Paul Claudel, Maurice Garçon, Charles de Chambrun, Jules Romains et Henri Mondor, l’une des six personnes élues le 4 avril 1946 à l'Académie française lors de la deuxième élection groupée de cette année visant à combler les très nombreuses places vacantes laissées par la période de l'Occupation. Il y remplace Maurice Donnay au 25e fauteuil. Il est reçu le 27 mars 1947 par Jérôme Tharaud à ce fauteuil qu'occupa jadis Prosper Mérimée.
La brutale disparition en septembre 1946 de son ami Raimu est pour lui une douloureuse épreuve : On ne peut pas faire un discours sur la tombe d'un père, d'un frère ou d'un fils ; tu étais pour moi les trois à la fois : je ne parlerai pas sur ta tombe.
En 1948, il tourne, avec Tino Rossi, La Belle Meunière, premier film français en couleur réalisé en France par des Français avec un procédé français le Rouxcolor, procédé utilisant l'optique au lieu de la chimie, mis au point par deux Français, les frères Roux. C'est un échec retentissant et une perte financière de cinquante millions de francs pour Pagnol. En 1950, il écrit le scénario d'une version modernisée de la nouvelle de Maupassant, Le Rosier de Mme Husson, avec Bourvil, acteur alors débutant, dans le rôle d’Isidore. Le film, mis en scène par Jean Boyer, très mal accueilli par la critique, connaît cependant un succès commercial.
Pagnol prend sa vraie revanche deux ans plus tard, en 1951, avec la troisième version de Topaze - au générique, Fernandel Topaze, Larquey Tamise, sa femme Jacqueline Ernestine Muche - un grand succès unanimement salué par la critique : Nous avons eu le phénomène Raimu, il existe aussi un phénomène Fernandel, écrit Jean-Jacques Gautier dans Le Figaro.
En 1951, poursuivi par le fisc, il s'installe à Monte-Carlo dans une somptueuse villa du XIXe siècle en bord de mer, La Lestra, auprès de son admirateur et ami le prince Rainier III de Monaco. À la mort de sa fille Estelle, âgée de trois ans, il fuira l'endroit en 1954 pour revenir à Paris dans un hôtel particulier au square de l'Avenue du Bois, sur l'avenue Foch, se rapprochant de ses bureaux de la rue Fortuny.
Toujours en 1951, Pagnol achève le scénario de Manon des sources. Brouillé avec Fernandel, il choisit Rellys pour le rôle d'Ugolin. Henri Poupon le Papet, Raymond Pellegrin l'instituteur et Jacqueline Pagnol Manon font partie de la distribution. Le film, qu'il tourne à La Treille, sort en janvier 1953 avec un accueil mitigé. Toujours très actif dans le domaine du cinéma, il signe la même année l'adaptation et les dialogues d'un vaudeville, Carnaval mise en scène Henri Verneuil, et se lance dans ce qui sera sa dernière œuvre pour le cinéma, Les Lettres de mon moulin. Pagnol traduit en langue parlée trois contes d'Alphonse Daudet, Le Secret de maître Cornille, l’Élixir du révérend Père Gaucher tourné à l'abbaye Saint-Michel de Frigolet avec Rellys dans le rôle-titre et Les Trois Messes basses.
En 1955, à 60 ans, il préside le 8e Festival du Film de Cannes. Il fait également jouer au festival d'Angers sa traduction d’Hamlet de William Shakespeare avec Jacqueline Pagnol et Serge Reggiani. Puis, le 6 octobre, il fait donner au théâtre de Paris sa tragédie en cinq actes Judas. L'éclairage nouveau, voire d'avant-garde, du personnage, tant il se rapproche de l’Évangile de Judas, est mal perçu par l'ensemble des confessions. L'accueil tout aussi froid réservé à Fabien, comédie en quatre actes qui sortira quelques mois plus tard, inciteront Pagnol à mettre un terme à son activité d'auteur dramatique, comme il l'avait déjà fait pour sa carrière de cinéaste.

Naissance du romancier

En 1957, il commence la rédaction de ses Souvenirs d'enfance avec La Gloire de mon père, premier tome qui connaît un immense succès plus de cinquante mille exemplaires vendus en un mois, dû entre autres à la façon dont Pagnol décrit les personnes qui lui sont chères dans le petit monde provençal qui l'entoure, et à la vivacité de ses souvenirs, embellis par le temps et l'imagination. Le deuxième tome, Le Château de ma mère, en 1958, s'inscrit en tête du classement des meilleures ventes de l'année.
Pagnol est alors au premier plan de l'actualité littéraire. Grasset lui réclame sa traduction des Bucoliques de Virgile commencée cinq ans plus tôt. Suivent en 1960, Le Temps des secrets Le Temps des amours, inachevé, sera publié en 1977 après sa mort, puis en 1962, L'Eau des collines, une version romancée en deux tomes, Jean de Florette et Manon des Sources, de son film de 1951. En 1965, passionné par cette énigme historique, il publie à son compte Le Masque de fer, remanié en 1973 sous le titre Le Secret du masque de fer.
En 1967, il tourne pour la télévision un conte d’Alphonse Daudet, dont il avait commencé quelques scènes en 1954 pour Les Lettres de mon moulin avant de l'abandonner, Le Curé de Cucugnan avec Fernand Sardou qui sera diffusé le jour de Noël 1968.
En 1968, il fête les quarante ans de Topaze, son premier succès. La pièce a alors été jouée plus de cinq mille fois depuis sa création.
Pagnol a dit : Si j'avais été peintre, je n'aurais fait que des portraits. Peintre de la nature humaine, précurseur du portrait psychologique et de la valorisation de la culture régionale et provençale, il a légué à la postérité des portraits vivants des personnages de son enfance. Auteur comblé, il reçut tous les honneurs de son vivant : le succès, l'argent, la gloire et la reconnaissance des siens.
Marcel Pagnol meurt le 18 avril 1974, à l'âge de 79 ans, dans sa maison de l'avenue Foch à Paris. Son corps repose au cimetière marseillais de La Treille, auprès de sa mère et de sa dernière fille Estelle, non loin du caveau de la famille Pagnol où reposent son père et sa seconde femme Madeleine Julien, ses frères et sœur et leur famille. Sur sa tombe, en guise d'épitaphe, une citation de Virgile : Fontes amicos uxorem dilexit Il a aimé les sources, ses amis, sa femme.

Un conteur méditerranéen

L'essentiel du talent de Marcel Pagnol tient à deux qualités fondamentales : c'est un conteur savoureux, à la langue souple et imagée, mais c'est aussi, et peut-être surtout, un remarquable peintre de caractères. Cette dernière qualité lui a naturellement permis de créer quelques personnages inoubliables, au théâtre et au cinéma. On s'en convaincra aisément en considérant ses premières pièces. Si Les Marchands de gloire et Jazz sont des œuvres mineures, c'est qu'elles appartiennent au théâtre de mœurs ou de situations, genre où Marcel Pagnol ne se sent pas à l'aise. En revanche, avec Topaze et Marius, il campe quelques caractères d'une troublante vérité, mobiles et parfois contradictoires, pleins de vigueur et de tendresse.
Topaze met en scène un petit professeur d'institution privée, effacé, timide, sans envergure et d'une inflexible honnêteté. Utilisé à son insu comme homme de paille par un affairiste véreux mais puissant, conseiller municipal prévaricateur mais respecté, Topaze change d'attitude : ayant compris le mécanisme de la réussite, il bat son maître à son propre jeu et entreprend une ascension sociale irrésistible. Fable immorale, allégorie grinçante, Topaze est surtout une admirable galerie de personnages : tous les caractères, même les plus fugitifs, ont un relief, une épaisseur d'une surprenante vérité.
Avec Marius, Marcel Pagnol renouvelle, avec beaucoup de finesse et d'habileté, le thème éternel de l'homme écartelé entre deux désirs également puissants et contradictoires : l'attachement à ses racines (le plus souvent symbolisé, comme c'est ici le cas, par l'amour d'une femme) et la soif d'aventures. Fils d'un modeste cafetier, Marius rêve de partir sur la mer, de découvrir des horizons nouveaux, des rivages lointains. Fanny, son amie d'enfance, amoureuse de lui plus qu'il ne l'est d'elle, comprend qu'il ne sera jamais pleinement heureux s'il renonce à son rêve pour l'épouser. Elle feint une indifférence soudaine pour le détacher d'elle et lui donner la force de partir. Ici encore, une situation très simple permet à Marcel Pagnol de camper des personnages très caractérisés, à la fois pittoresques et hauts en couleur, mouvants et nuancés. Certains de ces personnages sont devenus de véritables types, comme César, le père de Marius, le maître voilier Panisse, la poissonnière Honorine, mère de Fanny, et M. Brun, l'inspecteur des douanes lyonnais.

Il convient de faire ici une remarque. C'est avec Marius que Marcel Pagnol met au point sa technique dramatique. Ses pièces ne sont pas construites comme celles de Feydeau, où chaque scène, même la plus brève, est absolument nécessaire au développement de l'histoire. Dans Marius, quelques scènes seulement font évoluer la situation. Les autres constituent des « hors-d'œuvre » : elles se suffisent à elles-mêmes, on pourrait les supprimer sans nuire à la continuité dramatique. Elles constituent des récréations, écrites pour le seul plaisir du dialogue. La plus célèbre de Marius est sans doute « la partie de cartes ». On pourrait en citer plusieurs.
C'est évidemment dans ces scènes que les rôles se précisent, que les caractères prennent de l'épaisseur, surtout quand l'auteur est servi par des comédiens exceptionnels, comme ce fut justement le cas pour Marius : Raimu (César), Charpin (Panisse), Alida Rouffe (Honorine) ont largement contribué à rendre leurs personnages vivants et populaires.

L'écrivain au cinéma

Il faut encore observer que cette technique dramatique a beaucoup servi, à partir de 1931, l'auteur de films. Le cinéma, avec sa grande mobilité, ses raccourcis, son indépendance à l'égard du temps et de l'espace, absorbe plus facilement les scènes à faire que le théâtre. Mais il est clair qu'un autre souci, plus profond, plus impérieux, a conduit Marcel Pagnol vers l'expression cinématographique. Un bon scénariste doit posséder deux talents pas toujours réunis : il doit avoir à la fois le sens du récit et celui des dialogues ; il doit être en même temps romancier et auteur dramatique. Inversement, un écrivain né aux alentours de 1900, et qui ressentait le désir d'utiliser ces deux techniques, devait fatalement se mettre à écrire pour le cinéma.
On a souvent reproché à Marcel Pagnol d'avoir fait, au cinéma, du « théâtre filmé ». C'est peut-être vrai pour la mise en images de ses deux pièces marseillaises. C'est faux de films comme Angèle, Regain, et encore de La Femme du boulanger. Dans ce dernier, tiré d'un conte de Jean Giono, Marcel Pagnol adopte, une fois de plus, le sujet d'une fable. Un nouveau boulanger s'installe dans un village provençal. (Il pourrait être berrichon ou savoyard.) Au bout de quelques semaines, son épouse, plus jeune que lui, et probablement insatisfaite, s'éprend d'un berger des environs et s'enfuit avec lui. Dès lors, le boulanger cesse de cuire le pain : il ne rallumera son four, dit-il, que lorsque sa femme lui sera revenue. Alors, tout le village se met à la recherche de l'infidèle. Bien entendu, on la retrouve, elle réintègre le logis conjugal, et le pain recommence à dorer dans la boulangerie. Fable amère, on le voit, où la tradition paysanne triomphe, mais sans gaieté. De ce conte, Marcel Pagnol a fait une œuvre admirable, pleine de tendresse, d'amertume et d'humanité. Ici encore, la peinture des caractères (et leur affrontement) prend le pas sur l'histoire. Ici encore, Raimu donne un éblouissant exemple de son immense talent.
En 1957, La Gloire de mon père, premier volume des souvenirs d'enfance, a connu un succès foudroyant. Deux autres volumes ont suivi : Le Château de ma mère (1958) et Le Temps des secrets (1960), pour composer une nouvelle trilogie. Marcel Pagnol y fait revivre quelques personnages drôles et attachants, comme son père et son oncle Jules. Il y décrit, avec cet amour malicieux qui ne s'est jamais démenti sa vie durant, les petites gens de Provence, les villages et les collines qui s'élèvent à l'est de Marseille. Un quatrième volume, Le Temps des amours, paru en 1977, posthume donc, rapporte des souvenirs d'adolescence qui retrouvent, non sans bonheur, le climat de Pirouettes. C'est ainsi que la boucle d'une œuvre se referme parfois.
De l'œuvre de Marcel Pagnol, la partie qui se présentait comme la plus éphémère, la partie cinématographique, a fort bien résisté à l'épreuve du temps. Peu de films tournés entre 1930 et 1935 ont gardé autant de fraîcheur que sa trilogie, Angèle ou Regain. Ce « théâtre filmé », longtemps dédaigné par des critiques pointilleux, a finalement donné plusieurs « classiques » de l'histoire du cinéma. Marcel Pagnol est mort à Paris, le 18 avril 1974. Il est enterré dans le hameau de La Treille, près d'Aubagne, au pied de ces collines qu'il n'avait jamais réellement quittées. Jacques Bens

Chronologie

1869 Naissance de Joseph, son père
1873 Naissance d'Augustine Lansot, sa mère
1889 Nomination de son père, Joseph Pagnol, au poste d'instituteur public à Aubagne.
1893 Joseph épouse Pauline Henriette dite Augustine Lansot, le 28 décembre.
1894 Naissance de Maurice le 2 avril à Aubagne. Mort de celui-ci le 18 août à Aubagne.
1895 Naissance de Marcel Pagnol le 28 février, au numéro 16 du cours Barthélemy à Aubagne.
1897 Installation de la famille à Saint-Loup Marseille.
1898 Naissance de son frère, Paul Maurice le Petit Paul le 28 avril à Marseille Saint-Loup.
1900 Déménagement à Marseille où Joseph est nommé à l'école des Chartreux.
1902 Naissance de sa sœur, Germaine le 2 février à Marseille 54, chemin des Chartreux.
1904 Premières vacances à la Bastide Neuve.
1905 Élève au lycée Thiers à Marseille.
1909 Naissance de son frère cadet, René.
1910 Mort de sa mère, Augustine. Premiers poèmes dans la revue Massilia.
1913 Marcel obtient le baccalauréat de philosophie avec mention assez bien.
1914 Fonde la revue littéraire Fortunio. Mobilisé à Nice, puis réformé pour faiblesse de constitution.
1915 Répétiteur au collège de Digne, puis de Tarascon.
1916 Mariage le 2 mars avec Simone Collin. Obtient la licence de Langues et Littérature Vivantes.
1917 Répétiteur d'anglais au collège de Pamiers sur Ariège, puis au lycée Mignet d'Aix-en-Provence.
1918 Mort de Lili des Bellons David Magnan le 23 juillet à Vrigny Marne.
1920 Professeur-adjoint au lycée Saint-Charles à Marseille. Catulle, drame en vers.
1922 Professeur-adjoint d'anglais au lycée Condorcet à Paris.
1923 Rencontre d'Orane Demazis à Paris, pour qui il créera ensuite le rôle de Fanny.
1926 Séparation d'avec Simone le divorce ne sera prononcé qu'en 1941.
1930 Rencontre de Kitty Murphy, jeune danseuse anglaise, à Paris.
1930 Naissance de Jacques Pagnol, qu'il a eu avec Kitty Murphy, et qui fut son assistant après la guerre, puis cameraman pour France 3 Marseille.
1932 Mort de son frère, Paul Maurice Pagnol, à l'hôpital de Courtrai Belgique le 28 juillet.
1933 Naissance de son fils Jean-Pierre, qu'il a eu avec Orane Demazis.
1935 Rencontre d'Yvonne Pouperon, sa collaboratrice dans les bureaux de la rue Fortuny.
1936 Naissance de sa fille Francine, qu'il a eue avec Yvonne Pouperon.
1938 Rencontre de Jacqueline Bouvier en août, qui n'entrera dans sa vie qu'en 1944.
1939 Rencontre en janvier de Josette Day. Leur liaison dure le temps de leur refuge en zone libre, à Marseille, puis à la Gaude.
1941 Le divorce d'avec Simone Colin est prononcé. Acquisition du château de la Buzine.
1944 Retiré dans la Sarthe avec Jacqueline Bouvier en attendant le débarquement allié.
1945 Mariage avec Jacqueline Bouvier.
1946 Naissance de leur fils, Frédéric. Le 27 mars, Marcel Pagnol est reçu au fauteuil 25 de l'Académie française.
1951 Naissance de leur fille, Estelle. Le 15 novembre, mort de son père, Joseph Pagnol.
1954 Mort de leur fille, Estelle, des suites d'une crise d'acétonémie.
1974 Mort de Marcel Pagnol à Paris le 18 avril.

Appréciation critique

L'accent ne constitue pas, chez Pagnol, un accessoire pittoresque, une note de couleur locale, il est consubstantiel au texte et, par là, aux personnages. Ses héros le possèdent comme d’autres ont la peau noire. L'accent est la matière même de leur langage, son réalisme. Aussi, le cinéma de Pagnol est tout le contraire de théâtral, il s'insère par l'intermédiaire du verbe dans la spécificité réaliste du cinéma.... Pagnol n’est pas un auteur dramatique converti au cinéma, mais l'un des plus grands auteurs de films parlants.
— André Bazin, Qu'est-ce que le cinéma ? en 4 volumes, T. II, Le Cinéma et les autres arts, 1959, Éditions du Cerf
Distinctions et récompenses
1939 : Meilleur film étranger pour Regain - New-York Critic's Circle Awards
1949 : Meilleur film étranger pour La femme du boulanger - New-York Critic's Circle Awards
1950 : Meilleur film étranger pour Jofroi - New-York Critic's Circle Awards
1981 : César d'honneur
Grand officier de la Légion d'honneur
Commandeur des Palmes académiques
Commandeur des Arts et des Lettres
Marcel Pagnol fut consul honoraire du Portugal à Monaco.

Œuvres Romans, nouvelles et essais

1921 : La Petite Fille aux yeux sombres, roman, Marseille, Éditions de Fortunio
1921 : Le Mariage de Peluque, roman, Marseille, Éditions de Fortunio ; réédité en 1932 sous le titre Pirouettes
1922 : L'Infâme Truc, nouvelle, extrait de Jazz
1932 : Pirouettes, réédition retitrée de Le Mariage de Peluque, roman, Paris, Fasquelle
1933-1934 : Cinématurgie de Paris, Les Cahiers du film ; réédition remaniée dans Œuvres complètes, tome III, Éditions de Provence, 1967
1947 : Notes sur le Rire, essai, Paris, Nagel
1949 : Critique des Critiques, essai, Paris, Nagel
1957 : La Gloire de mon père Souvenirs d'enfance I, roman autobiographique, Monte-Carlo, Pastorelly
1958 : Le Château de ma mère Souvenirs d'enfance II, roman autobiographique, Monte-Carlo, Pastorelly
1960 : Le Temps des secrets Souvenirs d'enfance III, roman, Monte-Carlo, Pastorelly
1961 : Ambrogiani l'homme et le peintre, Marcel Pagnol & George Waldemar, Paris, Presses artistiques
1963 : L'Eau des collines, roman en deux parties : Jean de Florette, Manon des sources, Paris, Éditions de Provence
1965 : Le Masque de fer, éditions de Provence remanié sous le titre Le Secret du Masque de fer en 1973, essai historique, Monte-Carlo, Pastorelly
1968 : Les Sermons de Marcel Pagnol, recueil rassemblés par le RP Norbert Calmels, Robert Morel éditeur

parutions posthumes

1977 : Le Temps des amours Souvenirs d'enfance inachevé IV, roman autobiographique, Julliard
1977 : Les Secrets de Dieu, nouvelle éditée en recueil Œuvres complètes. 12. 3-427 ; première édition séparée, Marseille, La Chrysalide, 1983
1981 : Confidences, essai et préfaces sur le théâtre et le cinéma, Julliard
1984 : L'Infâme Truc et autres nouvelles, recueil d'œuvres posthumes, Julliard
1986 : Les Inédits de Marcel Pagnol, Vertiges du Nord-Carrère, 1987 ; textes divers écrits entre 1940 et 1960, rassemblés par son fils Frédéric.

Théâtre

1922 : Catulle, drame en 4 actes, en vers, Marseille, Éditions de Fortunio, inédit à la scène
1922 : Ulysse chez les Phéaciens en collaboration avec Arno-Charles Brun, tragédie en vers, inédite à la scène
1923 : Tonton ou Joseph veut rester pur en collaboration avec Paul Nivoix, vaudeville sous le pseudonyme de Castro, Marseille, théâtre des Variétés, 30 août 1923
1925 : Les Marchands de gloire en collaboration avec Paul Nivoix, comédie satirique en cinq actes, Paris, théâtre de la Madeleine, 15 avril 1925 ; Paris, La Petite

Illustration, 1926

1926 : Un direct au cœur en collaboration avec Paul Nivoix), comédie, Lille, théâtre de l'Alhambra, mars 1926
1926 : Jazz premier titre Phaéton, comédie satirique en quatre actes, Monte Carlo, Grand Théâtre, 9 décembre 1926, Paris, théâtre des Arts, 21 décembre 1926 ; Paris, La Petite Illustration, avril 1927
1928 : Topaze, comédie satirique en quatre actes, Paris, théâtre des Variétés, 9 octobre 1928 ; Paris, Fasquelle, 1930
1929 : Marius, comédie en trois actes et six tableaux, Paris, Théâtre de Paris, 9 mars 1929 ; Paris, Fasquelle, 1931
1931 : Fanny, comédie en trois actes et quatre tableaux, Paris, Théâtre de Paris, 5 décembre 1931 ; Paris, Fasquelle, 1932
1946 : César, comédie en trois actes adaptée du film, Paris, Théâtre des Variétés ; Paris, Réalités, 1947
1955 : Judas, tragédie en cinq actes, Paris, Théâtre de Paris, 6 octobre 1955 ; Paris, Théâtre de Paris, 6 octobre 1955
1956 : Fabien, comédie en quatre actes, Paris, théâtre des Bouffes Parisiens, 28 septembre 1956 ; Paris, Paris-théâtre no 115, 1956

adaptation posthume

1985 : La Femme du boulanger, comédie en quatre actes adaptée du film

Traductions

1944 : Le Songe d'une nuit d'été, pièce de William Shakespeare, traduit de l'anglais, 1947, au Grand Théâtre de Monaco ; Paris, Œuvres complètes, Club de l'Honnête Homme, 1971
1947 : Hamlet, pièce de William Shakespeare, traduit de l'anglais, Paris, Nagel
1958 : Bucoliques, recueil de Virgile, traduit du latin, Paris, Grasset

Cinéma Filmographie

Hommage naïf à Marcel Pagnol
Marcel Pagnol est le réalisateur des films suivants :
1933 : Le Gendre de Monsieur Poirier, d'après la pièce d'Émile Augier ;
1933 : Jofroi ;
1934 : Angèle ;
1934 : L'Article 330, court métrage d'après la pièce de Georges Courteline ;
1934 : Le Premier Amour, scénario de Marcel Pagnol, plusieurs fois mis en chantier mais jamais réalisé ;
1935 : Merlusse ;
1935 : Cigalon ;
1936 : Topaze ;
1936 : César ;
1937 : Regain ;
1938 : Le Schpountz ;
1938 : La Femme du boulanger ;
1940 : La Fille du puisatier ;
1941 : La Prière aux étoiles inachevé ;
1945 : Naïs ;
1948 : La Belle Meunière ;
1951 : Topaze ;
1952 : Manon des sources ;
1952 : Ugolin ;
1954 : Les Lettres de mon moulin ;
1967 : Le Curé de Cucugnan téléfilm.
Marcel Pagnol est l'auteur des scénarios et dialogues des films suivants :
1931 : Marius d'Alexander Korda ;
1932 : Fanny de Marc Allégret ;
1932 : Direct au cœur de Roger Lion, avec la participation d'Arnaudy, d'après la pièce de Marcel Pagnol et Paul Nivoix ;
1933 : Topaze de Louis Gasnier ;
1933 : L'Agonie des aigles de Roger Richebé, d'après le roman de Georges d'Esparbès, Les Demi-Solde ;
1934 : Tartarin de Tarascon de Raymond Bernard, d'après Alphonse Daudet ;
1939 : Monsieur Brotonneau d'Alexandre Esway, d'après Flers et Caillavet ;
1950 : Le Rosier de Madame Husson de Jean Boyer, d'après Guy de Maupassant ;
1953 : Carnaval d'Henri Verneuil, d'après Émile Mazaud ;
1962 : La Dame aux camélias téléfilm, d'après Alexandre Dumas fils.

Adaptations d'œuvres de Pagnol et reprises

1931 : adaptations traduites de Marius : Zum goldenen Anker en allemand, Längtan till havet en suédois ;
1934 : remake allemand de Fanny : Der schwarze Walfisch de Fritz Wendhausen ;
1938 : Port of Seven Seas, remake américain de James Whale : scénario couvrant l'ensemble de la trilogie ;
1942 : 海猫の港 Umineko no minato Le port aux mouettes, de Yasuki Chiba 93 minutes, 35 mm, Noir & Blanc. Remake japonais de Marius. Sur le port de Karatsu en 1897, alors que le Japon commence à développer son empire d'outre-mer, une famille tient le bar « La taverne de l'ancre ». Le fils a une chance unique de s'embarquer, contre l'avis de son père, d'où le dilemme entre les intérêts de l'empire et la famille ;
1949 : 春の戯れ Haru no tawamure Flirt de printemps, de Kajiro Yamamoto 109 min, Noir et Blanc, avec Hideko Takamine Fanny et Jukichi Uno Marius. Après 風の子 Kaze no ko L'enfant du vent, c'est le second film de ce réalisateur sur le thème de l'appel de la mer opposé à celui de l'amour ;
1954 : ouverture à Broadway de la comédie musicale Fanny, adaptant l'ensemble de la trilogie ;
1961 : Fanny, adaptation cinématographique, d'après la comédie musicale mais sans numéros musical, par Joshua Logan, avec Leslie Caron et Maurice Chevalier ;
1965 : Merlusse de Georges Folgoas avec Georges Wilson ;
1967 : 愛の賛歌 Ai no sanka Hymne à l'amour, de Yoji Yamada 94 min. Ce troisième remake japonais, couvrant le scénario des films Marius et Fanny, transpose le drame dans une petite île de la mer intérieure de Seto où les amoureux sont séparés par l'immigration vers le Brésil ;
vers 1970 : Version discographique de la bande sonore de la trilogie, avec des commentaires de Marcel Pagnol ;
1986 : Jean de Florette de Claude Berri avec Yves Montand, Daniel Auteuil et Gérard Depardieu ;
1986 : Manon des sources de Claude Berri avec Yves Montand, Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart ;
1990 : La Gloire de mon père d'Yves Robert ;
1990 : Le Château de ma mère d'Yves Robert ;
1999 : Le Schpountz de Gérard Oury ;
2000 : nouvelle version de la trilogie, remake français réalisé par Nicolas Ribowski pour la télévision : Marius, Fanny et César ;
2006 : Le Temps des secrets téléfilm de Thierry Chabert ;
2006 : Le Temps des amours téléfilm de Thierry Chabert ;
septembre 2007 : Opéra Marius et Fanny, inspiré des deux premiers romans de la trilogie marseillaise, sur une musique de Vladimir Cosma et dans une mise en scène de Jean-Louis Grinda ; avec Roberto Alagna et Angela Gheorghiu. Spectacle musical commandé par l'Opéra de Marseille avec l'accord de Jacqueline Pagnol ;
2011 : La Fille du puisatier, réalisé par Daniel Auteuil avec lui-même, Kad Merad, Sabine Azéma et Jean-Pierre Darroussin ;
2013 : Marius et Fanny sorties simultanées, les deux premiers des trois films réalisés par Daniel Auteuil reprenant la trilogie marseillaise.


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#46 Georges Séféris
Loriane Posté le : 26/02/2016 18:46
Le 28 février 1900, Calendrier julien naît Georges Séféris

à Smyrne, empire Ottoman, le 13 Mars 1900 calendrier Grégorien, Georges Séféris, en grec moderne Γιώργος Σεφέρης, nom de plume du poète grec Yórgos Seferiádis Γιώργος Σεφεριάδης, lauréat du prix Nobel de littérature, mort le 20 septembre 1971 à Athènes, Grèce actuelle.
Son activité principale est Poète, auteur de poésies, essais, et diplomate. Ses distinctions sont le prix Nobel de littérature reçu en 1963


En bref

Premier prix Nobel 1963 de la Grèce moderne, Georges Séféris occupe sans doute, dans la littérature de son pays, une des places les plus prestigieuses. Reflétant la crise profonde créée par le désastre d'Asie Mineure 1922, sa poésie, chronique d'un naufrage, méditation sur les ruines ou recherche d'un nouvel équilibre, ne tâche pas moins d'engager, à travers son pessimisme et son désespoir résigné, un dialogue avec l'histoire. Si, un certain moment, rencontrant la poésie pure ou celle de T. S. Eliot, Séféris put s'aligner sur l'avant-garde européenne, il ne s'est jamais détaché de sa vision essentiellement hellénique : on a toujours affaire à un Ulysse anti-héros et sans Ithaque, fatigué par les voyages et les guerres, qui ne cherche qu'un domicile, à la fois paradis perdu et identité.
Un déraciné Fils aîné de Stélio et Despo Séfériades, le poète, né à Smyrne, connut une enfance heureuse. Son père ne manquait pas de qualités : juriste, plus tard professeur de droit international à Athènes, républicain convaincu et partisan de la langue populaire, il publia des poèmes et des traductions. En 1914, la déclaration de guerre obligea la famille Séfériades à s'installer dans la capitale, où le poète termina ses études secondaires. Étudiant en droit à Paris, de 1918 à 1924, il y apprend, en 1922, la débâcle d'Asie Mineure : l'armée grecque est vaincue, Smyrne incendiée par les Turcs, les populations helléniques chassées des côtes orientales de la mer Égée.
Séféris choisit la carrière diplomatique. À partir de 1926 et jusqu'aux dernières années de sa vie, il reste au service du ministère des Affaires étrangères, assumant souvent des responsabilités importantes. Ses postes, en Europe et en Asie, se succèdent, ses déplacements à l'étranger sont continuels. Il n'est pas étonnant que trois recueils de ses poèmes s'intitulent Journal de bord. Obligé de vivre loin de son pays, il n'en cache pas la blessure : Où que me porte mon voyage, la Grèce me fait mal. » Lorsque, enfin, retiré du service public, il se fixe à Athènes pour s'occuper exclusivement de son œuvre, le coup d'État militaire de 1967 le voue au silence, décidé à ne rien publier, en signe de protestation ; il est mort sous une dictature qu'il désapprouva formellement.
Cette vie de voyageur errant n'est pas pour rien dans la conception d'une Odyssée nationale, symbole du sort hellénique. Un autre auteur grec, Nikos Kazantzaki, ne fut pas moins sensible au destin d'Ulysse. Liant son expérience personnelle à celle de ses compatriotes, Séféris sut et put construire sa mythologie sur les bases d'un drame commun. Déraciné plutôt que dépaysé, il cherche en vain à s'implanter dans un sol qui ne lui appartient pas. Ses compagnons sont définitivement restés dans l'autre vie, l'engloutie ; aucun changement n'est possible ; la Grèce entière, comme l'Atlantide, sombre sous le poids de ses pierres. La vision de Séféris n'est que celle d'une submersion ; son cerveau demeure toujours une forêt vierge d'amis assassinés ; réfugié, prisonnier ou homme devenu lui-même marchandise, il se déplace dans l'espace et dans le temps, écrivant son éternel poème, journal de la défaite et de l'aliénation.

Les débuts du poète 1900-1934

Georges Seféris est l'aîné des trois enfants de Stélio Stylianos Séfériadès et de Despo Despina Ténékidès. Il naît le 13 mars 1900 29 février du calendrier julien à Smyrne, où il connaît une enfance heureuse. Son père, juriste et plus tard professeur de droit international à Athènes, s'intéresse déjà à la poésie et à la traduction : il a publié un recueil de poèmes en 1939, une traduction en grec démotique de Sophocle, et il est considéré comme le meilleur traducteur de Lord Byron. Georges Seféris fait ses études primaires au lycée grec de Smyrne, et ses études secondaires dans un lycée privé français ; l'été, la famille passe les vacances à Skala de Vourla, l'antique Clazomènes avec l'îlot d'Anaxagore ; Skala, ce petit port situé à une cinquantaine de kilomètres de Smyrne, où la famille de Despo Ténékidès possède un vaste domaine, sera le vert paradis de l'enfance de Séféris. En 1914, à la suite des succès militaires grecs remportés sur la Turquie durant les guerres balkaniques, les autorités turques multiplient arrestations, passages à tabac et persécutions contre les Grecs d'Asie Mineure. On arrache à Séféris ses livres grecs et on veut lui imposer le turc. Ce climat de tension et d'insécurité oblige la famille Séfériadès à quitter Smyrne pour s'installer à Athènes, où le jeune homme termine sa scolarité secondaire.
À partir de juillet 1918, Despo Séfériadès, avec ses trois enfants, rejoint son époux à Paris où celui-ci s'est installé comme avocat. De 1918 à 1924, Seféris poursuit des études de droit à Paris, pour répondre au désir de son père, mais il s'intéresse surtout à la littérature. Dès lors, sa francophilie et sa profonde admiration pour les écrivains français ne vont plus cesser de s'approfondir. Les années vécues à Paris sont heureuses et fécondes : J'ai vécu six ans et demi à Paris, riches années auxquelles je me suis donné de toute mon âme, aimant chaque instant, chaque endroit, chaque pierre. C'est à Paris qu'il apprend la fin de la guerre gréco-turque, le déracinement de près d'un million et demi de Grecs d'Asie mineure, et la destruction de Smyrne par les Turcs dans le feu et dans le sang, en septembre 1922 : cette tragédie sans catharsis, comme il l'écrit lui-même, aura un profond retentissement sur sa sensibilité de poète.
Sa licence en droit achevée, il se rend à Londres à l'été 1924 : son père a décidé qu'il devait s'engager dans la carrière diplomatique, et il lui faut apprendre parfaitement l'anglais pour réussir l'examen du Ministère des Affaires étrangères.
À partir de 1926, il est attaché au service de ce ministère et commence à écrire ses premières œuvres. D'une sensibilité extrême qui confine à la faiblesse de caractère, Séféris s'attache, à cette époque, à résister à cet aspect de sa personnalité. Ce n'est donc pas par hasard qu'il traduit en grec La soirée avec M. Teste de Paul Valéry. Sans aboutir cependant à la sécheresse et à l'insensibilité de Monsieur Teste, il parvient à maîtriser une sensibilité rentrée dans le rang et remise à sa juste place, dira-t-il. Ayant découvert le haïku à Paris, il le pratique abondamment entre 1926 et 1929. Il compose Fog, Lettre de Mathias Pascalis, et en 1930, Boulevard Syngrou. Mais c'est la publication du recueil Strophe, qu'il signe du nom de plume de Georges Séféris, en mai 1931, qui le fait vraiment connaître : en Grèce, Kostis Palamas, et en France Philéas Lebesgue par leurs articles, attirent l'attention de la critique sur ce recueil novateur. Ses fonctions de vice-consul de Grèce à Londres, de 1931 à 1934, ne sont pas encore trop accaparantes : il écrit plusieurs poèmes majeurs, entre autres La Citerne, Sur un vers étranger, et Mythologie, et découvre Marina, l'œuvre de T. S. Eliot.

En Grèce 1934-1940 Odysséas Elýtis.

Au moment où son père, professeur de droit international, est élu recteur de l'université d'Athènes et devient membre de l'Académie, Georges Seféris rentre à Athènes, et commence à fréquenter le cercle des jeunes écrivains de l'avant-garde grecque. C'est ainsi qu'il collabore à la revue des Lettres Nouvelles, côtoyant les critiques littéraires Georges Katsímbalis et Andréas Karantónis, mais aussi le jeune Odysséas Elýtis, auquel il prodigue ses conseils. Dans cette période de renouveau des lettres grecques, et au cœur de l'effervescence littéraire d’Athènes, sa production est abondante ; il traduit The Waste Land de T. S. Eliot et Je vous écris d'un pays lointain d'Henri Michaux, compose et publie Gymnopédie et Mythologie entre mars et octobre 1935, ainsi que plusieurs essais, sur Andreas Calvos, Sur une phrase de Pirandello et sur La langue grecque. Mais en Grèce la situation politique est en pleine déliquescence : une tentative de coup d'État ourdie le 1er mars 1935 par des officiers vénizélistes échoue, et entraîne une chasse aux vénizélistes dans l'armée mais aussi dans les administrations ; c'est ainsi que le père du poète, Stélio Séfériadès, est destitué de sa chaire de professeur à l'Université d'Athènes3. En novembre de la même année, Georges Séféris déplore la petitesse et la mesquinerie de Vénizélos qui vient de cautionner le retour sur le trône du roi Georges II ; ce climat d'avilissement politique retentit en tristesse, en angoisse ou en dérision grinçante dans les vers écrits à cette époque, en particulier dans les poèmes Boulevard Syngrou bis, Santorin et Mycènes où s'exprime un désir d'engloutissement ; l'histoire tragique de la Grèce ne va plus cesser de faire irruption dans les vers de Séféris :
Ce pays, ton pays — sang et ombre —
Qui sombre comme le vaisseau pour lequel l'heure du naufrage a sonné.

— G. Séféris, La Pierre aux loups.
« Où que me porte mon voyage, la Grèce me fait mal.
— À la manière de G.S.
La dictature de Ioannis Metaxas à partir du 4 août 1936 bouleverse tout, en instaurant une sévère censure ; à l'automne, Seféris est nommé consul à Koritsa, en Albanie, où il se sent en exil, mais il reste cependant en contact épistolaire avec Odysséas Elýtis. En 1938, il regagne Athènes avec la fonction de chef du Bureau de la presse étrangère. Continuant à explorer la poésie, il découvre et traduit Pierre-Jean Jouve, Ezra Pound et rencontre André Gide en avril 1939. L'année suivante sont publiés Cahier d'études 1928-1937, Journal de bord I et Poèmes I. À partir du 28 octobre 1940, c'est la guerre : l'Italie de Benito Mussolini envahit la Grèce. Devant la débâcle française en juin 1940, Seféris est profondément affligé ; le sort de la France l'emplit de tristesse, il note dans son Journal : Un pays qui m'a éduqué et que j'ai vraiment aimé.

La désagrégation de l'univers homérique

Par tempérament, Séféris était peu enclin aux impulsions et aux emportements ; la spontanéité romantique lui était étrangère ; le surréalisme, « poésie facile », ne semble pas un instant l'avoir fasciné. Rationaliste et « intellectuel » dès ses débuts, il n'aima que les mots qui se détachent de l'âme, comme un fruit mûr, « après avoir absorbé sentiment et pensée ». Ce n'est pas un hasard s'il découvrit de si bonne heure la poésie pure, dans l'œuvre de Valéry surtout. Avec ses premiers recueils de poèmes, Strophe 1931 et La Citerne 1932, il rompit avec le néo-romantisme pour trouver une issue dans l'avant-garde européenne. Quand, à Noël 1931, il connut la poésie de T. S. Eliot par Marina, il était déjà prêt à s'engager dans une voie nouvelle : Mythologie (1935) marque non seulement un renouvellement formel, mais aussi l'élargissement d'une conscience qui insère son cas particulier dans le sort collectif. C'est ainsi qu'Ulysse, absent de cette Odyssée moderne divisée, comme celle d'Homère, en 24 parties, donne la parole à ses compagnons :
Nous sommes revenus chez nous harassés,
les membres rompus, la bouche rongée
par le goût de la rouille et du sel.
Séféris, dirait-on, n'a fait par la suite que désagréger l'univers homérique. En vain chercha-t-il, pendant deux ans, le roi d'Asiné, « inconnu, oublié de tous, même d'Homère » : il ne trouva que le vide, « avec les monuments anciens et la tristesse du présent » (Le Roi d'Asiné, 1938-1940). Même en 1955 (Journal de bord III), lorsque il découvrit à Chypre que « le miracle fonctionne encore » ou que « ce monde n'est pas à nous, il est à Homère », son pessimisme ne voit pas moins
... des messagers venus dire
que tant de souffrances, tant de vie
furent englouties en pure perte
pour une tunique vide, pour une Hélène.
Pleine de symboles d'immobilité pierres, églises, statues, puits, citernes, etc. et de catastrophes bateaux coulés, rames cassées, etc., cette poésie, promenant son désespoir et sa fatigue à travers le monde contemporain, n'en est pas moins le signe d'un humanisme assoiffé de justice.

Le poète essayiste

La mission du critique littéraire n'est pas de juger, mais de compléter une certaine sensibilité. Cette formule de Séféris est, peut-être, assez éloquente pour rendre compte de sa « méthode critique : en réalité, on a toujours affaire à la même sensibilité poétique qui, transposée, ne perd rien de son essence créatrice. Connaisseur des secrets de la poésie, Séféris s'occupa, dans ses essais, des poètes qu'il admire ; il insista sur leurs difficultés, sur leur lutte avec l'expression. Aucun dogmatisme, aucune idée préconçue ne vient perturber la marche d'une pensée empirique qui, loin des généralisations théoriques, ne se sert que des mots concrets. L'essayiste Séféris ne veut ni prouver ni polémiquer ; il aime, il comprend et il explique.
Est-ce un hasard s'il influença la littérature grecque contemporaine aussi bien par sa poésie que par sa prose ? Autour des années 1930, le grec moderne littéraire souffrait déjà d'une sorte d'inflation, l'écriture devenant lourde sous le poids d'un vocabulaire enflé, inusité et emphatique. Séféris, lui, s'attacha à faire fonctionner les mots. En même temps qu'il renouvelait l'expression poétique, il ouvrait la voie à une prose claire, rationnelle et efficace. Complétant le poète, l'essayiste n'a presque rien à lui envier. Panayotis MOULLAS

L'exil et la diplomatie

Georges Seféris épouse Marie Zannos en 1941, et en avril de la même année, le couple s'exile avec le gouvernement grec libre pour échapper à l'occupation en 1941, en Crète d'abord et aussitôt après en Égypte. Seféris est envoyé dans divers pays pendant la Seconde Guerre mondiale, sert sa patrie en Crète, au Caire, en Afrique du Sud, en Turquie et au Moyen-Orient. Après avoir, six années durant, été ambassadeur à Londres, il prend sa retraite en 1962 pour retourner à Athènes et s'y consacrer entièrement à son œuvre littéraire. Un an plus tard, en 1963, il reçoit le Prix Nobel de littérature. Son épouse est décédée en 2000 à cent deux ans.
Séféris s'est livré à l'étude approfondie de l'œuvre critique et poétique de T.S.Eliot, en qui il a reconnu un esprit frère4, et il a par ailleurs été influencé aussi par Constantin Cavafy et Ezra Pound.

Son œuvre

À une époque où la langue grecque savante s'imposait encore en littérature, Seféris a choisi d'écrire dans la langue populaire, le grec démotique. Dans son œuvre qui se veut non pas divertissement isolé mais fusion avec les autres, en écho à la tragédie de son époque et aux drames vécus par la Grèce, il essaie de combiner ses propres expériences avec l’Histoire et la mythologie. Une de ses principales sources d’inspiration est l’Odyssée d’Homère, notamment pour montrer comment la personnalité humaine n’a pas changé à travers les siècles.

Œuvres de Séféris

Strophe — Στροφή 1931
La Citerne — Στέρνα 1932
Mythologie — Μυθιστόρημα 1935
Cahier d'études — Τετράδιο Γυμνασμάτων 1940
Journal de bord I — Ημερολόγιο Καταστρώματος A' 1940
Journal de bord II 1944
Journal 1945-1951, traduit du grec par Lorand Gaspar, Mercure de France 1973
La Grive — Κίχλη 1947
Trois jours dans les églises rupestres de Cappadoce 1953 Institut français d'Athènes.
Journal de bord III 1955
Poèmes, traduits du grec par Jacques Lacarrière et Égérie Mavraki, préface d'Yves Bonnefoy, postface de Gaëtan Picon, Mercure de France 1963
Trois poèmes secrets 1966 — Τρία κρυφά ποιήματα, traduction d'Yves Bonnefoy, édition bilingue, Mercure de France 1970
Essais, Hellénisme et création, traduit du grec par Denis Kohler, Mercure de France 1987
Poèmes, suivi de Trois poèmes secrets, préface d'Yves Bonnefoy, collection Poésie/Gallimard 1988
Six nuits sur l’Acropole, traduit du grec par Gilles Ortlieb, Le Bruit du temps 2013



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#47 Henry James
Loriane Posté le : 26/02/2016 17:26
Le 28 février 1916 meurt Henry James

à 72 ans, à Chelsea à New-York, écrivain américain né le 15 Avril 1843 à New York, naturalisé britannique le 26 juillet 1915. Il reçoit l' Ordre du Mérite au Royaume-Uni, mouvement, réalisme, réalisme psychologique, genre Roman, nouvelle, essai. Ses Œuvres principales sont Daisy Miller nouvelle, 1878, Portrait de femme roman, 1881, Les Bostoniennes roman, 1886 Le Motif dans le tapis, nouvelle 1896, Le Tour d'écrou nouvelle, 1898, La Coupe d'or roman, 1904, Les Ailes de la colombe roman, 1902

En bref

Américain de naissance, ayant choisi l'Angleterre comme patrie d'adoption, Henry James est un des écrivains qui a le mieux saisi la complexité de l'être ; complexité en partie explicable, ainsi que ses écartèlements, par l'héritage puritain et son manichéisme, par la croyance en un mal caché mais présent, imprécis mais diabolique, insidieusement contagieux. À ce fond maléfique se juxtaposa l'absence de racines uniques, la double appartenance à l'Amérique et à l'Europe. Mais la croyance de James en une personnalité compartimentée n'est pas seulement causée par l'influence puritaine ou l'exil. Elle propose une conception de l'être où la fragmentation est moins division que multiplication. Il en résulte une œuvre consacrée à la richesse insaisissable de la personne, à la peinture d'une personnalité mouvante, ouverte, qui se construit sans cesse devant le lecteur, avec le lecteur. Ce sont les interactions entre les êtres, les courants qui les lient ou les opposent qui sont les véritables protagonistes de cette magistrale analyse des consciences par laquelle James se montre un des plus grands romanciers de tous les temps. On ne sait le tout de rien, écrivait-il, si bien que son univers est régi par le non-dit, la suggestion, le suspens, et que l'incertitude demeure quant au sort des personnages et à la vision qu'en donne l'auteur. Voir, capter, deviner, épier, ne pas conclure, ne pas choisir entre la multiplicité des points de vue, telles sont les démarches décrites dans cet univers romanesque où le regard tient lieu de la possession.
Le regard; Dès l'abord, que ce soit dans ses vingt romans, dans ses nouvelles, qui dépassent la centaine, dans ses trois volumes autobiographiques ou même dans ses textes de réflexion critique, cette œuvre frappe par l'importance du regard. Pour James, en effet, voir c'est connaître, et connaître c'est posséder. Mais ce privilège est réservé à ceux de ses personnages qui acceptent de renoncer aux succès faciles de l'action pour les plaisirs de la contemplation, ou à ceux qui acceptent les épreuves que supposent la connaissance et sa lucidité. Le regard que James fixe sur ses héros, ou que ceux-ci jettent les uns sur les autres, n'est ni direct ni simple. C'est un regard qui épie et saisit l'être dans les moments où il se livre. Toutefois, ce qu'il perçoit est moins une personne, ou un personnage dans sa totalité, que des présences, et les reflets que ces présences infusent à la nature d'autrui. C'est que « chacun de nous est un faisceau de réciprocités ». Ce regard n'est pas éloigné de celui qu'on retrouve dans certains romans contemporains, chez Nathalie Sarraute, par exemple. Il exige une technique romanesque particulière, puisque les êtres sont baignés dans une lumière différente suivant ceux qui les contemplent. Portrait de femme Portrait of a Lady, 1881 est le premier grand roman de James où cette technique des points de vue est utilisée avec autant de perfection. Isabel Archer, jeune Américaine naïve, arrive en Europe. Elle évolue entre son cousin malade et exclu, son mari sombre et cruel, une intrigante qui la domine, et de nombreux prétendants refusés. Ce portrait qui se construit par touches est inoubliable, tout comme celui d'une autre puritaine, Hester Prynne de La Lettre écarlate : James a d'ailleurs plus d'une affinité avec Nathaniel Hawthorne, auquel il consacra un livre en 1879.
L'ambiguïté; À la fin du Portrait de femme, le sort d'Isabel reste incertain, c'est au lecteur de conclure. Cette participation sans cesse sollicitée est un des éléments essentiels d'un suspens admirablement ménagé qui maintient le lecteur toujours haletant, hésitant entre plusieurs interprétations. On retrouve cette présence du mystère dans maints récits qui touchent au fantastique, au surnaturel, à l'inexplicable. Ainsi Le Tour d'écrou (The Turn of the Screw, 1898), où l'on a longtemps vu une histoire de fantômes, est le récit hallucinant d'une gouvernante chargée d'élever deux enfants pervertis. Le lecteur s'interroge tout au long de sa lecture : ne serait-ce pas la gouvernante qui fabule et projette ses fantasmes sur des enfants innocents ? Les fantômes ne seraient alors qu'un prétexte pour une exploration hardie de l'inconscient. Cette ambiguïté essentielle se retrouve dans L'Image du tapis (The Figure in the Carpet, 1896), où le secret de l'écrivain demeure caché ; est-il de nature artistique ou sexuelle ? Cette obsession du flou, en même temps que du caché, répond à une conception d'un moi insaisissable, divers, dont on ne perçoit que les phases ou les facettes. Toute solution unique, toute définition close visant à enfermer le récit ou la personne sont refusées comme sacrifiant des solutions ou des aspects possibles et simplifiant la vérité à l'excès : « On ne sait jamais le dernier mot quand il s'agit du cœur humain. » Le possible a fasciné James autant qu'il a séduit Musil : c'est pourquoi, sans doute, les personnages masculins, et surtout les nombreux artistes décrits dans l'œuvre, répugnent à choisir, comme à se dévoiler.
Secret et mort. Très souvent, l'homme apparaît chargé d'un secret lourd à porter dont il cherche fiévreusement à se délivrer, mais les femmes confidentes ne peuvent le comprendre ou l'apaiser malgré l'amour qu'elles offrent. Cette opposition entre une quête passionnée et une offrande inutile est à l'origine d'un réseau d'associations (secret, vice, confidence, réceptacle) qui plonge nombre de romans et nouvelles dans une ombre inquiétante. Si la femme entre en possession du secret, elle paye souvent ce mystère de sa vie : femme et secret périssent ensemble comme dans La Bête dans la jungle (The Beast in the Jungle, 1903). De façon générale, la clef de l'énigme reste introuvable, qu'elle soit perdue, ensevelie sous les cendres, hors d'atteinte ou préservée par la mort. La mort est un des grands thèmes de cette œuvre élaborée en vue d'affirmer d'autres valeurs que celles de la vie. La possession charnelle, celle des objets et de l'argent, sont incompatibles avec celle des richesses intérieures. « Je dis que les gens sont riches quand ils peuvent satisfaire aux besoins de leur imagination », écrit James. Ceux qui prétendent confondre les plans, vivre à la fois par la chair et par l'esprit, sont cruellement punis comme dans Les Dépouilles de Poynton (The Spoils of Poynton, 1897), où deux mondes inconciliables s'entrecroisent : celui de la niaiserie du confort, celui des affinités secrètes fondées sur l'amour du beau. Un continuel renversement des valeurs attaque toujours l'action et les valeurs vitales tournées en dérision : ce sont les morts qui vivent, comme dans la nouvelle Maud-Evelyn (1900) ou dans Les Ailes de la colombe (The Wings of the Dove, 1902). Ce sont les exclus, les voyeurs, les malades, ceux qui ont su renoncer, faibles en apparence seulement, qui triomphent. Ce rétablissement du héros sert le besoin d'une vengeance secrète exercée contre ceux qui possèdent et dominent. Qui perd gagne, dans ce monde où le manque est signe de richesse, où le caché et l'absence sont les indices inquiétants d'une présence, où le renoncement est la voie qui mène à la connaissance, tout comme chez Emily Dickinson, dont la devise « Dire toute la vérité, mais la dire de biais » pourrait bien être celle de James.
Géométrie de l'absurde. Une savante géométrie préside souvent à la construction des romans et nouvelles : ce ne sont que plans parallèles grâce auxquels les êtres évitent de se rencontrer, ou mouvement contrastés, comme dans Les Amis des amis (The Way it Came, 1896). Dans L'Héritière (Washington Square, 1881), les uns avancent lorsque les autres reculent ; ou bien encore les êtres se nourrissent les uns des autres, ainsi dans La Source sacrée (The Sacred Fount, 1901), où une femme mûre vole la jeunesse de son mari. Cette cruelle symétrie se retrouve dans le remarquable Ce que savait Maisie (What Maisie Knew, 1897), où une petite fille issue d'un couple qui divorce voit croître autour d'elle les possibilités de tendresse quand ses parents remariés se l'arrachent : trompeuse abondance de présences destinées à faire ressortir sa solitude finale. De cette vaine multiplication, de ces va-et-vient contrastés naît un sentiment de l'absurde qui ne tire pas son angoisse du néant, mais au contraire de l'inutile richesse de la vie, richesse qui enfante le gâchis. Plongées freudiennes. Si les personnages masculins se retranchent derrière le regard, préférant voir que d'être vus, les femmes au contraire dominent, détruisent, fomentent et provoquent. Les unes apparaissent comme des vampires qui se nourrissent d'autrui ; les autres font preuve d'un cannibalisme plus subtil et règnent par leur mort comme la Milly Theale des Ailes de la colombe ou Maud-Evelyn. D'une façon générale, la figure masculine est ambiguë, faible, portée au renoncement ou à la lâcheté, à la dissimulation et à l'imposture, tandis que la figure féminine est possessive ou, au contraire, livrée au sacrifice et au dévouement. Les enfants sont admirablement décrits, et la psychologie moderne trouve dans l'œuvre de James l'intuition de bien des découvertes freudiennes : personne n'a mieux saisi la force de la sexualité infantile, l'organisation défensive de l'enfant en face des adultes, ses jeux symboliques, sa curiosité toujours prompte à saisir ce qu'on voudrait lui cacher ; ni la séduction que l'enfant exerce sur l'adulte par son alliage d'innocence et de savoir, ni les dissociations naturelles à l'enfant par où il rejoint l'amoralité de l'artiste. Quoique James observe une réserve victorienne, il ne cesse de frôler les vérités les plus osées. Les allusions voilées aux domaines du sexe, dont certaines paraissent concerner l'homosexualité, contribuent à l'atmosphère close des romans où les dialogues demeurent souvent en suspens, où les complots se trament dans l'ombre et où les aveux ne sauraient se faire. Le mal est ici continuellement suggéré, inquiétant et obscur, jamais défini, tapi dans l'ombre, comme dans certains récits de Joseph Conrad.
Le choix des thèmes de James s'éclaire singulièrement grâce à la lecture des Carnets, véritable laboratoire où l'œuvre s'élabore ; aux trois volumes autobiographiques ; à l'admirable biographie de James par Léon Edel, où tous les faits marquants de cette vie sont mis en relief : fils d'un homme rêveur et visionnaire qui dut être amputé d'une jambe, frère cadet du célèbre philosophe pragmatiste William James, Henry est, dès l'adolescence, frappé d'un « mal obscur » qui lui évite de participer à la guerre de Sécession. Nulle union dans cette vie remplie d'amitiés féminines tenues à distance et d'amitiés masculines plus passionnées. Marqué par la puissante personnalité de William et par les femmes de sa famille, il semble que quelque joug secret, dont la création littéraire pouvait seule le délivrer, ait pesé sur Henry.
Pour plus de clarté, la critique distingue trois phases dans sa carrière : la première, où James écrit nouvelles et critiques publiées dans The Atlantic Monthly et The Nation, période où James voyagea beaucoup en Italie et en France, où il connut Daudet, Maupassant, Tourgueniev, Flaubert, écrivant ses premiers romans dont L'Américain, Daisy Miller, Un portrait de femme. La deuxième entre 1881 et 1895, où il s'essaya sans succès au théâtre : après l'échec de Guy Domville 1896, sifflé alors que les pièces d'Oscar Wilde triomphaient, James revient au roman. Cette dernière période 1895-1916 marque la parution de ses œuvres les plus célèbres : Les Ailes de la colombe, Les Ambassadeurs, La Coupe d'or. Il meurt à Londres en 1916, ayant pris la nationalité anglaise à la veille de la guerre. Diane de Margerie

Un maître du réalisme littéraire

Figure majeure du réalisme littéraire du xixe siècle, Henry James est considéré comme un maître de la nouvelle et du roman pour le grand raffinement de son écriture. On le connaît surtout pour une série de romans importants dans lesquels il décrit la rencontre de l'Amérique avec l'Europe. Ses intrigues traitent de relations personnelles et de l'exercice du pouvoir qu'elles impliquent, ainsi que d'autres questions morales. En adoptant le point de vue d'un personnage central de l'histoire, il explore les phénomènes de conscience et de perception. Le style de ses œuvres tardives l'ont fait comparer à un peintre impressionniste.
Henry James voulait convaincre les écrivains britanniques et américains de présenter leur vision du monde avec la même liberté que les auteurs français. Son usage imaginatif du point de vue narratif, du monologue intérieur et du narrateur mensonger dans ses propres nouvelles et romans apporta une nouvelle profondeur et un regain d'intérêt à la fiction réaliste, et préfigure les œuvres modernes du XXe siècle. Outre son imposante œuvre de fiction, cet auteur prolifique produisit également de nombreux articles, des livres de voyage, de biographie, d'autobiographie et de critique littéraire, mais aussi des pièces de théâtre, dont certaines furent montées de son vivant avec un succès relatif. Son œuvre dramatique aurait profondément influencé ses dernières productions littéraires.

Sa vie

Fils de Henry James Sr., l'un des intellectuels les plus célèbres du pays au milieu du XIXe siècle et Mary Robertson Walsh, Henry est le second des cinq enfants
William, né en 1842, Garth Wilkinson, né en 1845, Robertson, né en 1846, et Alice née en 1848.
La fortune acquise par son grand-père, émigré irlandais arrivé aux États-Unis en 1789, a mis la famille à l'abri des servitudes de la vie quotidienne. Son frère aîné, William James, deviendra professeur à Harvard et se fera connaître pour sa philosophie pragmatiste. Malgré des liens solides, la rivalité entre les deux frères créa toujours des conflits latents.
Dans sa jeunesse, James voyage en permanence entre l'Europe et l'Amérique, éduqué par des tuteurs à Genève, Londres, Paris, Bologne et Bonn. Dès l'enfance, il lit les classiques des littératures anglaise, américaine, française et allemande mais aussi les traductions des classiques russes. Après un séjour de cinq ans en Europe, la famille s'établit, en 1860, en Nouvelle-Angleterre où elle demeura pendant la guerre civile.
À l'âge de 19 ans, il est brièvement inscrit à la faculté de droit de Harvard, rapidement abandonnée face au désir d'être tout simplement littéraire. En 1863, il publie anonymement sa première nouvelle, Une tragédie de l'erreur A Tragedy of Errors, ainsi que des comptes rendus critiques destinés à des revues. L'Histoire d'une année The Story of a Year, sa première nouvelle signée, paraît dans le numéro de mars 1865 de l'Atlantic Monthly.
De février 1869 au printemps 1870, Henry James voyage en Europe, d'abord en Angleterre, puis en France, en Suisse et en Italie. De retour à Cambridge, il publie son premier roman, Le Regard aux aguets, écrit entre Venise et Paris. De mai 1872 à mars 1874, il accompagne sa sœur Alice et sa tante en Europe où il écrit des comptes rendus de voyage pour The Nation. Il commence à Rome l'écriture de son deuxième roman Roderick Hudson, publié à partir de janvier 1875 dans l’Atlantic Monthly, qui inaugure le thème international de la confrontation des cultures d'une Europe raffinée et souvent amorale, et d'une Amérique plus fruste, mais plus droite. À cette époque, il aborde aussi le genre fantastique avec la nouvelle Le Dernier des Valerii 1874, inspirée de Mérimée, avant de trouver sa voie propre dans les histoires de fantômes Ghost Tales, où il excelle, comme le prouve notamment Le Tour d'écrou 1898.
Après quelques mois à New York, il s'embarque à nouveau pour l'Europe le 20 octobre 1875. Après un séjour à Paris, où il se lie d'amitié avec Tourgueniev et rencontre Flaubert, Zola, Maupassant et Alphonse Daudet, il s'installe, en juillet 1876, à Londres. Les cinq années qu'il y passe seront fécondes : outre de nombreuses nouvelles, il publie L'Américain, Les Européens, un essai sur les poètes et romanciers français French Poets and Novelists, etc. Daisy Miller lui vaut la renommée des deux côtés de l'Atlantique. Après Washington Square, Portrait de femme est souvent considéré comme une conclusion magistrale de la première manière de l'écrivain.
Sa mère meurt en janvier 1882, alors que James séjourne à Washington. Il revient à Londres en mai et effectue un voyage en France d'où naîtra, sous le titre A Little Tour in France, un petit guide qui servira à plusieurs générations de voyageurs dans les régions de la Loire et du Midi. Il rentre de façon précipitée aux États-Unis où son père meurt le 18 décembre, avant son arrivée. Il revient à Londres au printemps 1883. L'année suivante, sa sœur Alice, très névrosée, le rejoint à Londres où elle mourra le 6 mars 1892.
En 1886, il publie deux romans, Les Bostoniennes et La Princesse Casamassima, qui associent à des thèmes politiques et sociaux féminisme et anarchisme la recherche d'une identité personnelle. Suivent deux courts romans en 1887, Reverberator et Les Papiers d'Aspern, puis La Muse tragique en 1890.
Bien qu'il soit devenu un auteur au talent reconnu, les revenus de ses livres restent modestes. Dans l'espoir d'un succès plus important, il décide alors de se consacrer au théâtre. En 1891, une version dramatique de L'Américain rencontre un petit succès en province, mais reçoit un accueil plus mitigé à Londres. Il écrira ensuite plusieurs pièces qui ne seront pas montées.
En 1895, la première de Guy Domville finit dans la confusion et sous les huées. Après cet échec, il revient au roman, mais en y appliquant peu à peu les nouvelles compétences techniques acquises au cours de sa courte carrière dramatique.
En 1897, il publie Les Dépouilles de Poynton et Ce que savait Maisie. Puis, entre 1902 et 1904, viennent les derniers grands romans : Les Ailes de la colombe, Les Ambassadeurs et La Coupe d'or.
En 1903, James a soixante ans et un mal du pays passionné l'envahit. Le 30 août 1904, il débarque à New York, pour la première fois depuis vingt ans. Il quitte les États-Unis le 5 juillet 1905, après avoir donné de nombreuses conférences à travers tout le pays. Ses impressions seront réunies dans un essai intitulé La Scène américaine The American Scene.
Avant son retour en Angleterre, il met au point, avec les Éditions Scribner, le projet d'une édition définitive de ses écrits, The Novels and Tales of Henry James, New York Edition, qui comportera, à terme, vingt-six volumes. Entre 1906 et 1909, il travaille à l'établissement des textes, n'hésitant pas à apporter des corrections significatives à ses œuvres les plus anciennes, et rédige dix-huit préfaces qui donnent des vues pénétrantes sur la genèse de ses œuvres et ses théories littéraires. Le manque de succès de cette entreprise l'affecte durablement.
En 1915, déçu par la neutralité initiale des États-Unis face à la Première Guerre mondiale qui fait rage sur le continent, il demande et obtient la nationalité britannique2. Il a une attaque cérébrale le 2 décembre, suivie d'une seconde le 13. Il reçoit l'ordre du Mérite le jour de l'an 1916, et meurt le 28 février.

Carrière littéraire

Henry James nourrit très tôt l'ambition d'une carrière d'homme de lettres. Son premier écrit publié est la critique d'une interprétation3, qui reflète son intérêt de toujours pour l'art de l'acteur. Dès l'enfance, il lit, critique et apprend des classiques des littératures anglaise, américaine, française et allemande, mais aussi les traductions des classiques russes.
Jusqu'à ses 50 ans, James vit de son écriture, principalement par ses contributions dans des mensuels illustrés anglais et américains, mais après la mort de sa sœur, en 1892, ses royalties s'ajoutent à un modeste revenu provenant des propriétés familiales de Syracuse. Ses romans paraissent en épisodes avant l'édition en livre. Il écrit avec une régularité qui empêche les révisions ultérieures.
Pour augmenter ses revenus, il est aussi très souvent publié pour les journaux, écrivant jusqu'à sa mort dans des genres très variés sur différents supports. Dans ses critiques de fiction, de théâtre et de peinture, il développe l'idée de l'unité des arts. Il aura écrit deux longues biographies, deux volumes de mémoire sur son enfance et un long fragment d'autobiographie ; 22 romans, dont deux inachevés à sa mort, 112 contes et nouvelles de diverses longueurs, quinze pièces de théâtre, et des dizaines d'essais à thème ou autres récits de voyages.
Ses biographies et les critiques littéraires permettent de citer Henrik Ibsen, Nathaniel Hawthorne, Honoré de Balzac, et Ivan Tourgueniev comme ses influences majeures. Il révisa ses grands romans et de nombreux contes et nouvelles pour l'édition d'anthologie de son œuvre de fiction, dont les vingt-trois volumes constituent son autobiographie artistique qu'il appela The New York Edition pour réaffirmer les liens qui l'ont toujours uni à sa ville natale. Dans son essai The Art of Fiction, ainsi qu'en préface de chaque volume de The New York Edition, l'écrivain explique sa vision de l'art de la fiction, en insistant sur l'importance de personnages et descriptions réalistes à travers les yeux et la pensée d'un narrateur impliqué dans le récit.
À différents moments de sa carrière, Henry James écrivit des pièces de théâtre, en commençant par des pièces en un acte pour des magazines, entre 1869 et 1871, et l'adaptation dramatique de sa fameuse nouvelle Daisy Miller en 1882.
De 1890 à 1892, il se consacre à réussir sur la scène londonienne, écrivant six pièces, dont seule l'adaptation de son roman L'Américain sera produite. Celle-ci fut représentée plusieurs années de suite par une compagnie de répertoire et avec succès à Londres, sans toutefois s'avérer très lucrative pour son auteur. Ses autres pièces ne seront pas produites. Aussi cesse-t-il, après la mort de sa sœur Alice en 1892, de se consacrer au théâtre. Voulant améliorer ses revenus, il constate l'échec de son entreprise.
Pourtant, en 1893, il répond à la demande de l'acteur-impresario George Alexander qui lui commande une pièce sérieuse pour la réouverture après rénovation du St. James's Theatre. Henry James écrit alors le drame Guy Domville que produit donc George Alexander. Le soir de la première, le 5 janvier 1895, s'achève sous les sifflets du public. L'auteur s'en montre affecté, mais l'incident ne se répètera pas : les critiques sont bonnes et la pièce est jouée pendant cinq semaines avant d'être remplacée par L'Importance d'être Constant d'Oscar Wilde, pour laquelle George Alexander prévoit de meilleurs lendemains pour la saison à venir.
Henry James ne voulait plus écrire pour le théâtre. Mais les semaines suivantes, il accepte d'écrire un lever de rideau pour Ellen Terry. Ce sera la pièce en un acte Summersoft, qu'il adaptera ensuite en nouvelle, intitulée Covering End, avant d'en faire une version longue pour la scène, The High Bid, brièvement produit à Londres en 1907. Revenant à l'écriture dramatique, il écrit alors trois nouvelles pièces. Deux d'entre elles étaient en production au moment de la mort d'Édouard VII le 6 mai 1910 plongeant Londres dans le deuil, entraîna la fermeture des théâtres.
Découragé par une santé défaillante et le stress du travail théâtral, Henry James ne renouvela pas ses efforts, mais recycla ses pièces en romans à succès. Le Tollé fut un best-seller à sa publication américaine en 1911. À l'époque de son implication théâtrale, de 1890 à 1893, il exerça également la fonction de critique et aida Elizabeth Robins et d'autres à traduire et monter Henrik Ibsen pour la première fois sur une scène londonienne.

Portraits psychologiques

Henry James ne s'est jamais marié. Installé à Londres, il se présentait comme un célibataire endurci et rejetait régulièrement toute suggestion de mariage. Après sa mort, des critiques s’interrogèrent sur les raisons de son célibat. Dans ses écrits sur la famille James, F. W. Dupee émit l’hypothèse qu’il était amoureux de sa cousine Mary Minnie Temple, mais qu'une peur névrotique de la sexualité l’aurait empêché d'admettre ses sentiments : « Les problèmes de santé d'Henry James ... étaient les symptômes de la peur ou du dégoût que lui inspirait l'acte sexuel.
Dupee s’appuie sur un passage des mémoires de l'écrivain, A Small Boy and Others, dans lequel celui-ci rapporte un cauchemar qui avait suivi une visite au Louvre, où il avait pu voir des tableaux à la gloire de Napoléon. Il donne ce rêve en exemple de l’idée romantique que James se faisait de l’Europe, pur univers de fantaisie napoléonienne où il alla chercher refuge.
Une telle analyse semblait donner raison aux critiques littéraires, tels que Van Wyck Brooks et Vernon Parrington ; ils avaient à l’époque condamné la façon dont Henry James avait quitté les États-Unis, et critiqué son œuvre qu'ils jugeaient celle d’un déraciné efféminé. Leon Edel fit de cette névrose les prémisses d’une remarquable biographie qui fit longtemps autorité. Mais Dupee n’avait pas eu accès aux archives de la famille James, ayant consulté principalement les Mémoires de son frère aîné et l’édition d’une partie de sa correspondance due à Percy Lubbock, qui rassemblait en majorité des lettres datant de la fin de sa vie. C’est peut-être pour cette raison que le portrait de Dupee montre un Henry James passant directement de l’enfance auprès de son frère aîné aux problèmes de santé de l’âge mûr.
À mesure de la mise au jour des archives, dont les journaux intimes de contemporains et des centaines de lettres sentimentales et, parfois, érotiques écrites par James à des hommes plus jeunes que lui, la figure du célibataire névrosé laisse la place à celle de l'homosexuel honteux. Comme le déclara l'auteur Terry Eagleton : … les critiques homosexuels débattent pour savoir à quel point était réprimée sa probable homosexualité…
Les lettres de Henry James au sculpteur expatrié Hendrik Christian Andersen ont fait l'objet d'une attention particulière. James rencontre le jeune artiste de 27 ans à Rome en 1899, alors que lui-même a 56 ans, et il lui écrit des lettres particulièrement enflammées :
Je te tiens, très cher garçon, dans mon amour le plus profond et en espère autant pour moi ; dans chaque battement de ton âme.
Dans une lettre du 6 mai 1904 à son frère William, il se définit comme ton Henry toujours célibataire sans espoir bien que sexagénaire. La vérité de cette assertion a fait l'objet de controverses parmi les biographes de l'auteur, mais les lettres à Andersen sont parfois quasi érotiques : Laisse-moi placer, mon cher garçon, mon bras autour de toi, que tu ressentes la pulsation de notre brillant avenir et de ton admirable don.
James écrit à son ami homosexuel Howard Sturgis : Je répète, sans secret, que j'aurais pu vivre avec toi. Au lieu de quoi je ne peux qu'essayer de vivre sans toi, et ce n'est que dans les lettres à de jeunes hommes que James se déclare leur amant. Une grande partie de ses amis proches sont homosexuels ou bisexuels. Après une longue visite à Howard Sturgis, il évoque leur joyeux petit congrès de deux. Dans sa correspondance avec Hugh Walpole, il joue sur les mots à propos de leur relation, se voyant lui-même comme un éléphant qui te tripote, de tellement bonne grâce et enchaîne à propos de la vieille trompe expressive de son ami. Ses lettres, discrètement reproduites, à Walter Berry ont longtemps été appréciées pour leur érotisme légèrement voilé.
Cependant la reproduction de lettres ne prouve et ne modifie en rien la personnalité de l'auteur en quête de sentiments élevés et de justice ayant tout le long de ses romans un véritable sens de l'éthique ; on lui pardonnera ainsi la poésie voluptueuse de sa correspondance à ses amis de toutes origines. Il ne faut pas oublier qu'Henry James est, à l'origine, dépressif à l'image de Roderick Hudson, maladie qui peut provoquer, comme chez son protagoniste, le besoin incoercible de créer donc, chez lui, d'écrire des lettres et des romans à ses connaissances, et il semble bien qu'il n'a trahi personne, pas même les médiocres et les curieux qu'il a su si bien dépeindre.

Analyse de l'œuvre Style et sujets

Henry James est l'une des figures majeures de la littérature transatlantique. Son œuvre met le plus souvent en scène des personnages de l'Ancien Monde l'Europe, incarnant une civilisation féodale, raffinée et souvent corrompue, et du Nouveau Monde les États-Unis, où les gens sont plus impulsifs, ouverts et péremptoires et incarnent les vertus — de liberté et de moralité — de la nouvelle société américaine. C'est ce qu'il est convenu d'appeler le thème international. Henry James explore ainsi les conflits de cultures et de personnalités dans des récits où les relations personnelles sont entravées par un pouvoir plus ou moins bien exercé. Ses protagonistes sont souvent de jeunes femmes américaines confrontées à l'oppression ou au dénigrement. Comme l'a remarqué sa secrétaire Theodora Bosanquet dans sa monographie Henry James at Work :
« Lorsqu'il s'échappait du refuge de son travail pour voir le monde autour de lui, il ne voyait qu'un lieu de tourments, où des prédateurs plantent sans cesse leurs griffes dans la chair frémissante d'enfants de la lumière condamnés et sans défense… Ses romans ne sont qu'un exposé récurrent de cette faiblesse, un plaidoyer passionné et réitéré pour l'entière liberté du développement, à l'abri de la bêtise aveugle et barbare.

Les grands romans

Bien que toute sélection des romans de Henry James repose inévitablement sur une certaine subjectivité, les livres suivants ont fait l'objet d'une attention particulière dans de nombreuses critiques et études.
La première période de la fiction de Henry James, dont Portrait de femme est considérée comme le sommet, se concentre sur le contraste entre l'Europe et l'Amérique. Le style de ces romans est plutôt direct et, malgré son caractère propre, tout à fait dans les normes de la fiction du XIXe siècle. Roderick Hudson 1875 est un roman dans le monde de l'Art qui suit le parcours du personnage titre, un sculpteur très doué. Même si le livre montre quelques signes d'immaturité ; c'est le premier grand roman de James ; qui reçut un bon accueil grâce à la peinture pleine de vie des trois personnages principaux : Roderick Hudson, doté d'un grand talent mais instable et versatile ; Rowland Mallet, le patron mais aussi l'ami de Roderick, plus mature que lui ; et Christina Light, une femme fatale aussi ravissante qu'exaspérante. Le duo Hudson-Mallet fut interprété comme les deux faces de la personnalité de l'auteur : l'artiste à l'imagination fougueuse et le mentor incarnant sa conscience.
Bien que Roderick Hudson place déjà des personnages américains dans un décor européen, l'écrivain fait reposer son roman suivant sur un contraste Europe–Amérique encore plus explicite. C'est même le principal sujet de L'Américain 1877. Le livre mêle le mélodrame à la comédie sociale, dans les aventures et mésaventures de Christopher Newman, un homme d'affaires américain d'un heureux naturel, mais plutôt gauche dans son premier voyage en Europe. Newman est à la recherche d'un monde différent de son univers des affaires du XIXe siècle aux États-Unis. Tout en découvrant la beauté et la laideur de l'Europe, il apprend à se méfier des apparences.
Henry James écrit ensuite Washington Square 1880, une tragicomédie relativement simple qui rend compte du conflit entre une fille, douce, soumise et maladroite, et son père, un brillant manipulateur. Le roman est souvent comparé à l'œuvre de Jane Austen pour la grâce et la limpidité de sa prose, et la description centrée sur les relations familiales. Comme Henry James n'était pas particulièrement enthousiaste au sujet de Jane Austen, il n'a sans doute pas trouvé la comparaison flatteuse. En fait, il n'était pas non plus très satisfait de Washington Square. En tentant de le relire pour l'inclure dans la New York Edition de sa fiction 1907–09, il s'aperçut qu'il ne pouvait pas. Aussi l'exclut-il de cette anthologie. Mais suffisamment de lecteurs ont apprécié le roman pour en faire l'une de ses œuvres les plus populaires.
Avec Portrait de femme 1881 Henry James achève la première phase de sa carrière par une œuvre qui demeure son roman le plus connu. C'est l'histoire d'une jeune américaine très vivante, Isabel Archer, qui "affronte son destin" en le trouvant étouffant. Héritière d'une fortune, elle devient la victime d'un piège machiavélique tendu par deux expatriés américains. Le récit se déroule principalement en Europe, surtout en Angleterre et en Italie. Considéré souvent comme le chef-d'œuvre de la première période de l'œuvre d'Henry James, Portrait de femme n'est pas seulement une réflexion sur les différences entre le Nouveau Monde et l'Ancien, mais traite de thèmes comme la liberté personnelle, la responsabilité morale, la trahison et la sexualité.
Dans les années suivantes, Henry James écrit Les Bostoniennes 1886, une tragicomédie douce-amère qui met en scène : Basil Ransom, un homme politique conservateur du Mississippi; Olive Chancellor, la cousine de Ransom, féministe zélée de Boston ; et Verena Tarrant, la jolie protégé d'Olive au sein du mouvement féministe. L'intrigue s'établit autour de la lutte entre Ransom et Olive pour remporter l'intérêt et l'affection de Verena, même si le roman comprend aussi un large exposé sur les activistes politiques, les journalistes et les opportunistes excentriques.
Henry James publie ensuite La Princesse Casamassima 1886, l'histoire d'un jeune relieur londonien intelligent mais indécis, Hyacinth Robinson, qui se trouve impliqué dans la politique anarchiste et un complot terroriste. Ce roman est assez unique dans l'œuvre jamesienne, par le sujet traité ; mais il est souvent associé aux Bostoniennes, qui évoque aussi le milieu politique.
Au moment où Henry James tente une dernière fois de conquérir la scène, il écrit La Muse tragique 1890. Le roman offre un panorama vaste et réjouissant de la vie anglaise, en suivant les fortunes de deux aspirants artistes : Nick Dormer, tiraillé entre la carrière politique et ses efforts pour devenir peintre, et Miriam Rooth, une actrice cherchant à tout prix le succès commercial et artistique. De nombreux personnages secondaires les aident et les empêchent d'accéder à leurs rêves. Ce livre reflète l'intérêt dévorant de Henry James pour le théâtre, et est souvent considéré comme le dernier récit de la deuxième phase de sa carrière romanesque.
Après l'échec de ses tentatives de dramaturge, l'auteur retourne à la fiction et commence à explorer la conscience de ses personnages. Son style gagne en complexité afin d'approfondir ses analyses. Les Dépouilles de Poynton 1897, vu comme le premier exemple de cette dernière période, est un roman plus court que les précédents qui décrit l'affrontement entre Mrs. Gereth, veuve au goût impeccable et à la volonté de fer, et son fils Owen autour d'une demeure remplie de meubles anciens de grande valeur. L'histoire est racontée par Fleda Vetch, une jeune femme amoureuse d'Owen, mais également en empathie avec l'angoisse de sa mère craignant de perdre les biens qu'elle collecta patiemment.
Henry James poursuit son approche plus impliquée et plus psychologique de sa fiction avec Ce que savait Maisie, l'histoire de la fille raisonnable de parents divorcés irresponsables. Le roman trouve une résonance contemporaine avec ce récit déterminé d'une famille dysfonctionnelle ; mais il présente aussi un tour de force notable de l'auteur, qui nous fait suivre le personnage principal depuis sa prime enfance jusqu'à sa maturité précoce.
La troisième et dernière période de Henry James atteint sa plénitude dans trois romans publiés au début du XXe siècle. Le critique F. O. Matthiessen voit en cette trilogie la phase majeure de l'auteur, et ces romans ont fait l'objet de nombreuses études. Le premier publié fut écrit en second : Les Ailes de la colombe 1902 raconte l'histoire de Milly Theale, une riche héritière américaine en proie à une grave maladie qui la condamne, et l'impact que cela provoque autour d'elle. Certains proches l'entourent sans mauvaise pensée, tandis que d'autres agissent par intérêt personnel. Dans ses autobiographies, Henry James révèle que Milly lui fut inspirée par Minny Temple, sa bien-aimée cousine morte prématurément de la tuberculose. Il dit avoir essayé de lui rendre hommage dans la beauté et la dignité de l'art.
Le deuxième roman publié de cette trilogie, Les Ambassadeurs 1903, est une comédie sombre qui suit le voyage du protagoniste Lambert Strether en Europe à la poursuite du fils de sa fiancée qu'il doit ramener dans le giron familial. La narration à la troisième personne se déroule du seul point de vue de Strether qui doit faire face à des complications inattendues. Dans la préface à sa parution dans New York Edition, Henry James place ce livre au sommet de ses réussites, ce qui provoqua quelques remarques désapprobatrices. La Coupe d'or 1904 est une étude complexe et intense du mariage et de l'adultère qui termine cette phase majeure et essentielle de l'œuvre romanesque de James. Ce livre explore les tensions relationnelles entre un père et sa fille et leurs conjoints respectifs. Le roman s'attarde en profondeur et presque exclusivement sur la conscience des principaux personnages, avec un sens obsessif du détail et une forte vie intérieure.

Nouvelles

Pendant toute sa carrière, Henry James s'est tout particulièrement intéressé à ce qu'il appelait la belle et bénie nouvelle, ou les récits de taille intermédiaire. Il en écrivit 112. Parmi ces textes, on compte de nombreuses nouvelles très concises, dans lesquelles l'auteur parvient à traiter de sujets complexes en peu de mots. À d'autres moments, le récit s'approche d'un court roman, bien que le nombre de personnages demeure limité. Daisy Miller, Les Papiers d'Aspern, Le Motif dans le tapis et Le Tour d'écrou sont représentatifs de son talent dans le court format de la fiction.
Les nouvelles observent grosso modo les mêmes phases créatrices que les romans de James, toutefois plusieurs récits fantastiques en jalonnent le parcours. Jusqu'à Une liasse de lettres 1879, les nouvelles laissent d'abord paraître les diverses influences subies par le jeune Henry, puis voient s'établir son style plus personnel, notamment dans les textes qui abordent le thème international : Un pèlerin passionné, Daisy Miller, Un épisode international.
La deuxième période, qui s'amorce en 1882, alors que James n'a publié aucune nouvelle depuis plus de deux ans, voit la multiplication des expériences sur le point de vue narratif et l'approfondissement des thèmes psychologiques, comme en font foi Les Papiers d'Aspern et Le Menteur. À partir de 1891, année de parution de L'Élève, la nouvelle atteint chez James une densité narrative, une virtuosité technique et une diversité de tonalités qui annoncent la maturité. Pendant cette décennie des années 1890, où James est particulièrement prolifique dans la nouvelle, certains textes, tels La Chose authentique, La Vie privée ou L'Autel des morts, paraissent à bien des égards des exercices de style épurés tant le déroulement des péripéties se limite à un lent, subtil et unique retournement des situations et des personnages. D'autres récits, tout en usant de divers registres, ont pour objet l'écrivain La Leçon du maître, Greville Fane, La Mort du lion ou encore la littérature elle-même Le Motif dans le tapis), dont ils interrogent la « valeur sociale » ou « l'essence artistique ». James produit alors peu de textes fantastiques, mais ses histoires de fantômes se dégagent résolument des effets convenus du genre au profit des rapports affectifs et de la subjectivité, comme le prouvent Sir Edmund Orme et Owen Wingrave.
La dernière phase, qui s'installe progressivement dès 1891, et dont Les Amis des amis et Le Tour d'écrou constituent les porches effectifs, recèle des nouvelles aux univers souvent troubles et désenchantés, parfois éclairés de quelque mordante satire La Maison natale, par le recours à une technique de composition soigneusement élaborée. À des passages dialogués de facture très théâtrale succède une narration à la fois disserte dans le discours et très économe dans le déroulement des faits, où la fatalité et le regret forment le double thème récurrent, ainsi que l'illustrent La Bête dans la jungle et Le Coin plaisant.

Œuvre Romans

1871 : Le Regard aux aguets Watch and Ward
1876 : Roderick Hudson
1877 : L'Américain The American
1878 : Les Européens The Europeans
1879 : Confiance Confidence
1880 : Washington Square
1881 : Portrait de femme The Portrait of a Lady
1886 : Les Bostoniennes The Bostonians
1886 : La Princesse Casamassima The Princess Casamassima
1888 : Reverberator The Reverberator
1890 : La Muse tragique The Tragic Muse
1896 : L'Autre Maison The Other House
1897 : Les Dépouilles de Poynton The Spoils of Poynton
1897 : Ce que savait Maisie What Maisie Knew
1899 : L'Âge difficile The Awkward Age
1901 : La Source sacrée The Sacred Fount
1902 : Les Ailes de la Colombe The Wings of the Dove
1903 : Les Ambassadeurs The Ambassadors
1904 : La Coupe d'or The Golden Bowl
1908 : The Whole Family roman en collaboration avec onze autres auteurs
1911 : Le Tollé The Outcry
1917 : La Tour d'ivoire The Ivory Tower - inachevé, publié à titre posthume
1917 : Le Sens du passé The Sense of the Past - inachevé, publié à titre posthume

Nouvelles

1864 : Une tragédie de l'erreur A Tragedy of Error
1865 : L'Histoire d'une année The Story of a Year
1866 : Un paysagiste A Landscape Painter
1866 : Un jour béni A Day of Days
1867 : Mon ami Bingham My Friend Bingham
1867 : Pauvre Richard Poor Richard
1868 : L'Histoire d'un chef-d'œuvre The Story of a Masterpiece
1868 : Le Roman de quelques vieilles robes, aussi connue sous les titres Le Roman de certains vieux vêtements ou Histoire singulière de certains vieux habits The Romance of Certain Old Clothes
1868 : Un cas fort extraordinaire A Most Extraordinary Case
1868 : Un problème A Problem
1868 : De Grey: une romance, aussi connue sous le titre De Grey : histoire romantique De Grey: a romance
1868 : La Vengeance d'Osborne Osborne Revenge
1869 : Un homme léger A Light Man
1869 : Gabrielle de Bergerac Gabrielle De Bergerac
1870 : Compagnons de voyage Travelling Companions
1871 : Un pèlerin passionné A Passionate Pilgrim
1871 : Autour d'Isella At Isella
1871 : Maître Eustache Master Eustache
1872 : La Confession de Guest Guest's Confession
1873 : La Madone de l'avenir The Madonna of the Future
1873 : La Maîtresse de M. Briseux, aussi connue sous le titre La Petite Amie de M. Briseux (The Sweetheart of M. Briseux
1874 : Le Dernier des Valerii The Last of the Valerii
1874 : Madame de Mauves
1874 : Adina
1874 : Le Professeur Fargo Professor Fargo
1874 : Eugene Pickering
1875 : Benvolio
1876 : La Cohérence de Crawford Crawford's Consistency
1876 : La Redevance du fantôme, aussi connue sous les titres Le Loyer du fantôme ou Le Fantôme locataire The Ghostly Rental
1877 : Quatre rencontres Four Meetings
1878 : Rose-Agathe
1878 : Daisy Miller
1878 : Le Mariage de Longstaff Longstaff's Marriage
1879 : Un épisode international An International Episode
1879 : La Pension Beaurepas The Pension Beaurepas
1879 : Retour à Florence, aussi connue sous le titre Journal d'un homme de cinquante ans A Diary of a Man of Fifty
1879 : Une liasse de lettres (A Bundle of Letters
1882 : Le Point de vue The Point of View
1883 : Le Siège de Londres The Siege of London
1883 : Les Impressions d'une cousine The Impressions of a Cousin
1884 : Lady Barberina
1884 : L'Auteur de « Beltraffio » (The Author of "Beltraffio"
1884 : Pandora
1884 : Les Raisons de Georgina Georgina's Reasons
1884 : Un hiver en Nouvelle-Angleterre A New England Winter
1884 : Le Sentier du devoir The Path of Duty
1887 : Mrs Temperly Mrs Temperly, aussi connue sour le titre Cousin Maria
1888 : Louise Pallant
1888 : Les Papiers d'Aspern The Aspern Papers
1888 : Le Menteur The Liar
1888 : L'Avertissement moderne The Modern Warning
1888 : Une vie à Londres A London Life
1888 : La Leçon du maître The Lesson of the Master
1888 : Le «Patagonia» The Patagonia
1889 : La Solution The Solution
1891 : L'Élève The Pupil
1891 : Brooksmith
1891 : Les Mariages The Mariages
1891 : Le Chaperon The Chaperon
1891 : Sir Edmund Orme
1892 : Nona Vincent
1892 : La Chose authentique The Real Thing
1892 : La Vie privée The Private Life
1892 : Lord Beaupré
1892 : Les Visites The Visits
1892 : Sir Dominick Ferrand
1892 : Greville Fane
1892 : Collaboration Collaboration
1892 : Owen Wingrave
1893 : La Roue du temps The Wheel of Time
1893 : Entre deux âges, aussi connue sous le titre Les Années médianes The Middle Years
1894 : La Mort du lion The Death of the Lion
1894 : Le Fonds Coxon The Coxon Fund
1895 : L'Autel des morts The Altar of the Dead
1895 : La Prochaine Fois The Next Time
1896 : Le Motif dans le tapis, aussi connu sous le titre La Figure dans le tapis The Figure in the Carpet
1896 : Les Lunettes Glasses
1896 : Les Amis des amis The Friends of the Friends, nouvelle remaniée à partir de The Way it Came, traduit sous le titre L'Origine de la chose ou Comment tout arriva.
1898 : Jean Delavoy
1898 : Le Tour d'écrou The Turn of the Screw
1898 : Dans la cage In the Cage
1898 : Covering End
1899 : Le Cas donné The Given Case
1899 : La Grande Condition The Great Condition
1899 : L'« Europe » Europe
1899 : Les Fausses Perles Paste
1899 : La Vraie Bonne Attitude The Real Right Thing
1900 : L'Endroit parfait The Great Good Place
1900 : Maud-Evely
1900 : Miss Gunton de Poughkeepsie Miss Gunton of Poughkeepsie
1900 : L'Arbre de la connaissance The Tree of Knowledge
1900 : L'Humiliation des Northmore The Abasement of the Northmores
1900 : La Tierce Personne The Third Person
1900 : L'Espèce particulière The Special Type
1900 : La Marque du temps The Tone of Time
1900 : Les Ailes brisées Broken Wings
1900 : Les Deux Visages The Two Faces
1901 : Mrs. Medwin
1901 : Le Holbein de Lady Beldonald The Beldonald Holbein
1902 : L'Intrigue dans l'affaire The Story In It
1902 : Flickerbridge
1903 : La Bête dans la jungle The Beast in the Jungle
1903 : La Maison natale The Birthplace
1903 : Les Journaux The Papers
1904 : Le Château de Fordham Fordham Castle
1908 : Julia Bride
1909 : Le Coin plaisant, aussi connu sous les titres Le Coin du retour ou Le Coin charmant The Jolly Corner
1909 : Le Gant de velours The Velvet Glove
1909 : Mora Montravers
1909 : La Sombre Cornelia, aussi connu sous le titre Le Crêpe noir de Cornelia Crapy Cornelia
1910 : Le Banc de la désolation The Bench of Desolation
1910 : Une tournée de visites A Round of Visits
1937 : Hugh Merrow, nouvelle inachevée, découverte et publiée par Leon Edel en 1937.

Recueils de nouvelles originaux en anglais

1875 : A Passionate Pilgrim and Other Tales
1893 : Terminations
1893 : The Real Thing and Other Tales
1896 : Embarrassments
1900 : The Soft Side

Intégrales des nouvelles en français

Œuvres complètes I : Nouvelles 1864-1875, trad. Jean Pavans, Paris, Éditions de la Différence, 1990
Œuvres complètes II : Nouvelles 1876-1888, trad. Jean Pavans, Paris, La Différence, 1992
Œuvres complètes III : Nouvelles 1888-1896, trad. Jean Pavans, Paris, La Différence, 2008
Œuvres complètes IV : Nouvelles 1896-1910, trad. Jean Pavans, Paris, La Différence, 2009
L'intégrale thématique des 112 nouvelles en douze volumes, trad. Jean Pavans, Paris, La Différence, coll. « Minos » :
1. La Maîtresse de M. Briseux, et sept autres nouvelles. La France, 2010 ;
2. Les Papiers d'Aspern, et sept autres nouvelles. L'Italie, 2010;
3. Le Siège de Londres, et cinq autres nouvelles. L'Angleterre, 2011 ;
4. Une tournée de visite, et neuf autres nouvelles. L'Amérique, 2011 ;
5. Le Point de vue, et sept autres nouvelles. Affaires transatlantiques, 2012 ;
6. Le Motif dans le tapis, et onze autres nouvelles. La Vie littéraire, 2012.
Nouvelles complètes, Paris, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, tomes I et II, 2003 ; tomes III et IV, 2011.
Rêves Yankees, choisis, traduits et présentés par François Rivière, Éditions François Veyrier, 1978 ; recueil de quatre nouvelles de jeunesse : La Madone du futur 1873, Eugene Pickering 1874, Quatre rencontres 1877, Le Point de vue 1882.

Théâtre

1895 : Guy Domville

Récits de voyage

1884 : Voyage en France A Little Tour in France, Éd. Robert Laffont, 1987, traduction Philippe Blanchard. A Little Tour in France
1905 : English Hours
1907 : La Scène américaine The American Scene, Paris, La Différence, 1993, trad. Jean Pavans, rééd. coll. Minos, 2008. The American Scene
1909 : Heures italiennes Italian Hours, Paris, La Différence, 1985, trad. Jean Pavans, rééd. coll. Minos, 2006. Italian Hours
Esquisses parisiennes, Paris, La Différence, 1988, trad. Jean Pavans, rééd. coll. Minos, 2006.
Un Petit Tour en Languedoc, Éd. Pimientos/Lettres du Languedoc, 2010, traduction J.-P. Piniès, illustrations Joseph Pennell.

Essais

1875 : Transatlantic Sketches
1878 : French Poets and Novelists
1879 : Hawthorne
1888 : Partial Portraits
1893 : Essays in London and Elsewhere
1893 : Picture and Text
1903 : William Wetmore Story and His Friends
1908 : Views and Reviews
1914 : Notes on Novelists

Postérité adaptations cinématographiques

1933 : Berkeley Square, de Frank Lloyd, d'après le roman posthume The Sense of the Past
1947 : The Lost Moment réalisé par l'acteur Martin Gabel d'après la nouvelle Les Papiers d'Aspern, avec Susan Hayward et Robert Cummings.
1949 : L'Héritière, réalisé par William Wyler d'après le roman Washington Square remporta quatre Oscars, dont celui de la meilleure actrice pour Olivia de Havilland dans le rôle de Catherine Sloper.
1961 : Les Innocents, réalisé par Jack Clayton d'après la nouvelle Le Tour d'écrou.
1965 : La Redevance du fantôme, téléfilm de Robert Enrico et adapté de la nouvelle par Jean Gruault, avec Marie Laforêt et Darling Légitimus.
1971 : The Nightcomers Le Corrupteur, réalisé par Michael Winner, d'après Le Tour d'écrou; avec Marlon Brando.
1974 : Daisy Miller, réalisé par Peter Bogdanovich, avec Cybill Shepherd.
1974 : Le Tour d'écrou, téléfilm de Raymond Rouleau, avec Suzanne Flon, Robert Hossein et Marie-Christine Barrault
1976 : Le Banc de la désolation, téléfilm de Claude Chabrol
1976 : De Grey, téléfilm de Claude Chabrol, avec Daniel Lecourtois et Hélène Perdrière
1976 : L'Auteur de Beltraffio, téléfilm de Tony Scott
1976 : Les Raisons de Georgina, téléfilm de Volker Schlöndorff
1976 : Un jeune homme rebelle téléfilm réalisé par Paul Seban, avec Mathieu Carrière et Bernard Giraudeau
1978 : La Chambre verte, réalisé par François Truffaut d'après les nouvelles L'Autel des morts, La Bête dans la jungle et Les Amis des amis.
1981 : Les Ailes de la colombe de Benoît Jacquot.
1982 : Aspern, d'Eduardo de Gregorio, avec Jean Sorel, Bulle Ogier, Alida Valli
1996 : Portrait de femme, réalisé par Jane Campion, avec Nicole Kidman dans le rôle-titre.
1996 : L'Élève, de Olivier Schatzky, avec Vincent Cassel, Jean-Pierre Marielle et Caroline Cellier
1997 : Washington Square, nouvelle adaptation de Washington Square, réalisée par Agnieszka Holland, avec Jennifer Jason Leigh.
1997 : Les Ailes de la colombe, réalisé par Iain Softley avec Helena Bonham Carter, nominée à l'Oscar de la meilleure actrice pour son interprétation de Kate Croy.
2007 : Le Pendu, téléfilm de Claire Devers, avec Dominique Blanc, Dominique Reymond et Denis Podalydès, d'après The Third Person.
2012 : What Maisie Knew, réalisé par Scott McGehee et David Siegel, avec Alexander Skarsgård, Julianne Moore et Steve Coogan.
Trois de ses romans ont été adaptés par la compagnie Merchant-Ivory Productions de Ismail Merchant et James Ivory :
1978 : Les Européens, avec Lee Remick, Robin Ellis et Wesley Addy
1984 : Les Bostoniennes, avec Madeleine Potter, Vanessa Redgrave et Christopher Reeves
2000 : La Coupe d'or, avec Uma Thurman, Jeremy Northam et Kate Beckinsale

Adaptations théâtrales

1962 : The Aspern Papers Les Papiers d'Aspern est adapté pour la scène par Michael Redgrave et produite avec succès à Broadway. Wendy Hiller et Maurice Evans jouaient les rôles principaux. La pièce fut remontée de nombreuses fois depuis cette production originale.
1981 : La Bête dans la jungle d’après la nouvelle éponyme, adaptation Marguerite Duras, mise en scène Alfredo Arias, avec Sami Frey et Delphine Seyrig, Théâtre Gérard Philipe.
1985 : Retour à Florence, de Jean Pavans, d'après The Diary of a Man of Fifty, mise en scène de Simone Benmussa, au Théâtre du Rond-Point.
1992 : Héritage, coproduction avec le Centre national de création d'Orléans, mise en scène de Gildas Bourdet - création au CADO d’Orléans, représentations au Théâtre de Paris, Festival d’Angers et de Ramatuelle.
2002 : Les Papiers d'Aspern, d'après la nouvelle éponyme, adaptation de Jean Pavans, mise en scène de Jacques Lassalle, avec Françoise Seigner, Catherine Hiegel, Jean-Damien Barbin, théâtre Vidy-Lausanne, en coproduction avec la Comédie-Française, reprise en 2003 et 2004 au théâtre du Vieux-Colombier.
2004 : La Bête dans la jungle de James Lord, d’après la nouvelle éponyme, mise en scène Jacques Lassalle, avec Gérard Depardieu et Fanny Ardant, Théâtre de la Madeleine.
2005 : L'Auteur de Beltraffio, de Jean Pavans, d'après la nouvelle éponyme, mise en espace de Jacques Lassalle, au festival Nava de Limoux.
2006 : Le Tour d'écrou, d'après la nouvelle éponyme, adaptation et mise en scène de Jean-François Matignon, création au Pot Au Noir Saint-Paul-lès-Monestiers, Isère

Opéra

1954 : The Turn of the Screw est un opéra en anglais, en un prologue, deux actes et seize scènes, composé par Benjamin Britten. Le livret est de Myfanwy Piper, d'après la nouvelle éponyme. La première représentation fut jouée au Teatro La Fenice de Venise, le 14 septembre 1954, dans le cadre de la Biennale de Venise.
1971 : Owen Wingrave, opéra en deux actes composé en 1971 par Benjamin Britten. Livret de Myfanwy Piper. Commandé par la BBC en 1966. Création télévisuelle.
1998 : L'opéra de Dallas présente The Aspern Papers de Dominick Argento en première mondiale.
2011 : La Bête dans la jungle, musique d'Arnaud Petit, sur un livret de Jean Pavans, créé en concert le 30 mai 2011 au Forum du Blanc-Mesnil, avec Eléonore Lemaire, Arnaud Marzorati, Coralie Seyrig voix enregistrée, et l'orchestre Les Siècles, sous la direction de François-Xavier Roth.

Bibliographie Études

Nancy Blake, James, écriture et absence, Cistre, 1985
Revue L'ARC, no 89 dirigé par Marc Saporta, Henry James, Éditions Le Jas, 1983
Laurette Veza, Henry James, Le Champ du regard, Paris La Table ronde, 1989, 343 p.
Évelyne Labré, Écrits sur l'abîme : les derniers romans de Henry James, Presses Universitaires de Lyon, 1990
Philippe Chardin, L'amour dans la haine ou la jalousie dans la littérature moderne : Dostoïevski, James, Svevo, Proust, Musil, Genève, Droz, 1990
Babette Sayer-Adda, Henry James, Sublimer et Vivre, 254 p., 2007, PUF
Jean Pavans, Heures jamesiennes, Paris, La Différence, 2008
André Green, L'Aventure négative, Hermann, 2009

Biographies

Leon Edel, Henry James, une vie, Seuil, 1990

Biographies romanesques

David Lodge, L'auteur ! L'auteur ! Author, Author, 2004, éditions Rivages poche no 557 Payot traduit de l'anglais par Suzanne V. Mayoux. Ce roman met l'accent sur les rôles joués par ses échecs comme auteur de théâtre voir le titre et par la mort de Constance Fenimore Woolson dans l'évolution de l'art de James.
Colm Tóibín, Le Maître The Master, 2004, ce roman reconstitue la vie d'Henry James entre janvier 1895 et octobre 1899 en français, chez Robert




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#48 Sacha Guitry
Loriane Posté le : 20/02/2016 18:24
Le 21 février 1885 naît Sacha Guitry

à Saint-Pétersbourg Russie, dramaturge, acteur, metteur en scène, réalisateur et scénariste français, de son nom complet Alexandre Georges Pierre Guitry, mort le 24 juillet 1957 à Paris 7e, à 72 ans. De 1902 à 1957 Collabore avec Albert Willemetz, fils de Lucien Guitry il épouse successessivement Charlotte Lysès de 1907à 1918, Yvonne Printemps de 1919 à 1932, Jacqueline Delubac de 1935 à 1939, Geneviève de Séréville de 1939 à 1949 et enfin Lana Marconi de 1949 à 1957. Auteur dramatique prolifique, il a écrit 124 pièces de théâtre, dont beaucoup furent de grands succès. Il a également réalisé trente-six films dont dix-sept adaptations de ses pièces, jouant dans la quasi-totalité d'entre eux, notamment Le Roman d'un tricheur, Désiré, Mon père avait raison, Quadrille, Ils étaient neuf célibataires, Si Versailles m'était conté....

En bref

Comédien, dramaturge, journaliste, conférencier, caricaturiste, poète et cinéaste, Sacha Guitry a régné pendant plus de cinquante ans sur le monde des arts en mariant la contestation à l'absurde dans ses pièces de théâtre et ses films. Roi de la comédie, il a montré parfois une exquise sensibilité dans un registre plus grave. Aristocrate de l'anarchie, il a stigmatisé la bourgeoisie de son époque et raconté les faits historiques de la France par le petit bout de la lorgnette, dont il usait comme d'une loupe de précision plutôt que comme un miroir déformant.
Une jeunesse singulière. Alexandre (dit Sacha) Guitry est né le 21 février 1885 à Saint-Pétersbourg. Son enfance se passe sous le signe du divorce de ses parents et des voyages. Son père, le comédien Lucien Guitry, l'emmène à la cour du tsar de Russie où il joue régulièrement la comédie. L'enfant bénéficie aussi de la fréquentation d'écrivains tels qu'Alphonse Allais, Tristan Bernard, Alfred Jarry, Jules Renard. Leur compagnie lui permet d'être initié aux jeux de l'esprit.
Très mauvais élève, doté d'un sens peu commun de l'indiscipline, il est renvoyé d'école en école. Adolescent, il décide de suivre les traces de son père et devient comédien sous le pseudonyme de Jacques Lorcey. Mais ce sont ses pièces qui lui apportent la célébrité à vingt ans. Il y fait déjà preuve de beaucoup d'esprit et de virtuosité technique, libérant ainsi le vaudeville traditionnel des conventions de son époque et assurant la succession de Courteline et de Feydeau. Interprète de ses œuvres, il impose également son jeu d'acteur établi selon un mélange subtil de cadence mécanique et de décontraction. À vingt ans, Paris lui appartient déjà.
Le roi du théâtre. Les succès à la scène s'accumulent au fil des années. Infatigable, Sacha Guitry signera cent trente-neuf pièces au cours de son existence. Qu'elles soient courtes ou longues, qu'elles se présentent comme des comédies musicales ou comme des drames, des revues historiques ou des opéras-bouffes, elles s'assimilent généralement au théâtre de boulevard ; mais, derrière les apparences futiles de toutes ces histoires de cocus inconnus et célèbres, c'est une véritable modernité qui vient s'inscrire en force, même si le classicisme n'en est pas absent. D'ailleurs la Comédie-Française lui commande des pièces pour son répertoire.
Subtile, pétillante, acerbe, aigre ou douce, son écriture, qu'elle se mette au service de farces, de comédies ou de biographies sérieuses, abonde en jeux de langage au pessimisme ironique et nihiliste, qui restent néanmoins soumis à l'extrême rigueur des constructions dramatiques. Les réussites se succèdent : Nono 1905, Le Veilleur de nuit 1911, Faisons un rêve (1916), Debureau (1918), Mon père avait raison (1919), Pasteur 1919, Mozart 1925, avec une musique de Reynaldo Hahn, Désiré 1927, Le Nouveau Testament 1934. Guitry fait feu de tout bois et présente parfois ses pièces simultanément dans plusieurs théâtres de la capitale. Sa réussite lui vaut de nombreuses attaques. Ses ennemis lui reprochent d'être narcissique et le surnomment « Monsieur Moâ ». On le taxe de misogynie. On considère ses travaux comme superficiels. Écartelé entre la haine des uns et le mépris des autres, il conserve néanmoins l'amour du public qui fait un triomphe à ses pièces et se passionne pour ses mariages successifs (cinq en tout), sa verve intarissable et son sens acerbe de la répartie.
Les années noire. Patriote jusqu'à l'aveuglement, Sacha Guitry voue un culte absolu à la France et collectionne les objets, les œuvres et les écrits de tous ceux qui firent historiquement et culturellement la gloire de son pays.
Farouchement antiallemand pendant la Première Guerre mondiale, il interdit que ses pièces soient représentées de l'autre côté du Rhin après l'armistice. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il estime que la France doit rester une terre d'expression artistique et continue donc de travailler dans ce sens durant l'Occupation. Il fait rouvrir les théâtres, profite de l'admiration que lui témoignent les Allemands pour faire libérer des prisonniers de guerre ainsi que son ami Tristan Bernard, en partance pour un camp de concentration. Il n'en faut pas plus pour que ses contradicteurs l'accusent de collaboration avec l'ennemi. Incarcéré à la Libération, puis mis en examen de manière arbitraire, il bénéficie d'un non-lieu, mais devient amer et cynique. Il n'en reprend pas moins ses activités théâtrales après quatre années de silence forcé, retrouve son public et s'épuise à la tâche. Après Palsambleu (1953), il décide de ne plus monter sur les planches. Il meurt d'un cancer en 1957.
Guitry cinéaste. Là où Guitry reste un exceptionnel inventeur, c'est dans le septième art. Pourtant, il lui fut longtemps hostile, affirmant que le cinéma n'était bon que pour le documentaire, et réalisant d'ailleurs, en 1914, une suite de portraits filmés : Ceux de chez nous, qui nous restitue la présence d'André Antoine, Sarah Bernhardt, Edgar Degas, Anatole France, Lucien Guitry, Octave Mirbeau, Claude Monet, Auguste et Jean Renoir, Auguste Rodin, Edmond Rostand et Camille Saint-Saëns.
S'il écrit et interprète Un roman d'amour et d'aventures (1918) que réalisent René Hervil et Louis Mercanton, il faut attendre 1935 pour qu'il se décide à s'exprimer avec une caméra pour adapter ses propres pièces à l'écran ou créer des histoires originales. D'emblée, il s'oppose au « théâtre de conserve » qui gangrène le cinéma de l'entre-deux-guerres, et s'impose une économie de moyens qui transforme ses pièces filmées en documentaire sur le jeu et le texte. Il crée une distanciation par l'enregistrement frontal des actions et des génériques, désignant ainsi la mécanique cinématographique, casse les stéréotypes et s'impose comme l'un des grands cinéastes modernes de son époque.
Il adapte d'abord Pasteur 1935, puis tourne Bonne chance ! 1935 d'après un scénario original, qui lui permet de jouer d'une structure complexe en désignant la technique cinématographique pendant le cours du film et en la faisant analyser par les protagonistes. L'année suivante, il réalise une fiction commentée : Le Roman d'un tricheur, qui sert de modèle à Orson Welles pour Citizen Kane 1941.
À partir de là, Sacha Guitry se partage entre la scène et l'écran, passe de la transposition de ses pièces à l'élaboration de films originaux et surprenants, brise toutes les conventions du septième art et séduit ainsi un nouveau public.
De la superproduction historique Si Versailles m'était conté, 1954 à la farce noire (Assassins et voleurs, 1957), de la biographie (Le Diable boiteux, 1948) à la fiction documentaire sur l'Occupation Donne-moi tes yeux, 1943, Sacha Guitry a peut-être encore plus révolutionné le cinéma que le théâtre.
Longtemps sous-estimé dans ce domaine, s'il l'on fait l'exception du Roman d'un tricheur, aussitôt reconnu comme un chef-d'œuvre, il est réhabilité, juste avant sa mort, par les futurs cinéastes de la Nouvelle Vague, François Truffaut et Jean-Luc Godard, qui le considèrent comme un des auteurs les plus importants du cinéma français. Alain Resnais a toujours affirmé que le cinéaste Sacha Guitry avait eu une influence décisive sur lui, car il est le plus classique de nos modernes. Noël Simsolo

Sa vie

Alexandre dit Sacha1 Guitry est le fils du comédien Lucien Guitry 1860-1925 et de Renée Delmas 1858-1902, fille du journaliste René Delmas de Pont-Jest, qui s'est essayée elle aussi au théâtre. Il est le troisième d'une fratrie de quatre garçons. Deux mourront au berceau l'aîné en 1883, le benjamin en 1887. Le cadet, Jean, né en 1884 à Saint-Pétersbourg, deviendra comédien et journaliste avant de périr dans un accident d'automobile en 1920.
Comme ses deux aînés, Alexandre naît dans la capitale de l'Empire russe, où son père a signé un contrat de neuf ans avec le théâtre Michel pour la saison d'hiver. Il doit son prénom de baptême à son parrain le tsar Alexandre III qui appréciait le talent de Lucien Guitry.
Ses parents se séparent en 1885, Renée Delmas refusant les nombreuses liaisons de son mari, notamment avec Sarah Bernhardt. Le divorce est prononcé en février 1889 et Sacha est confié à sa mère, ce qui n'empêche pas Lucien d'enlever son fils en octobre 1889 pour le ramener à Saint-Pétersbourg où il le fait jouer devant le Tsar et la famille impériale à moins qu'il s'agisse d'une mise en scène concertée par les deux parents, l'enfant étant rendu après la saison de représentations.
Élève médiocre, il est expulsé de onze lycées différents comme il le rappelle dans son Discours de cent lignes, prononcé lors du banquet du cinquantenaire de Janson-de-Sailly en 1934. Il arrête ses études à 18 ans après avoir redoublé 10 fois sa 6e pour embrasser la carrière à laquelle il aspire : le théâtre.

Les débuts

Sur la recommandation de Francis de Croisset, Guitry soumet sa première pièce à Marguerite Deval, directrice du théâtre des Mathurins, qui l'accepte sous réserve qu'elle soit transformée en opérette5. Le Page est créé le 15 avril 1902 et totalise 35 représentations.
Mis devant le fait accompli, Lucien Guitry, qui dirige le théâtre de la Renaissance, lui fait faire ses débuts de comédien sous le pseudonyme de Lorcey dans L'Escalier de Maurice Donnay en 1904. Sacha fait à cette occasion la connaissance de Charlotte Lysès, jeune protégée de son père. La rivalité amoureuse entre les deux hommes, ainsi qu'une entrée ratée dans une pièce qu'il joue à la Renaissance, conduit l'année suivante à une brouille qui durera treize ans.
Sacha s'installe avec Charlotte Lysès et écrit pour elle sa troisième pièce, Le KWTZ, créée au théâtre des Capucines fin 1905. Mais c'est avec Nono huit mois plus tard au théâtre des Mathurins que Guitry remporte son premier grand succès6. Charlotte et Sacha se marient le 14 août 1907 à Honfleur.
Brillant comédien, Guitry va dès lors s'affirmer dans l'écriture. Faisant partie, comme Henri Bernstein, de la nouvelle génération de boulevardiers dans la lignée de Feydeau, Meilhac et Halévy ou Flers et Caillavet, il écrit lui-même ses propres pièces, parfois en moins de trois jours, et en assure la mise en scène et l'interprétation.
En 1907, l'échec de La Clef, écrite pour la comédienne Réjane, décourage un temps Guitry et c'est le soutien indéfectible de l'écrivain Octave Mirbeau qui lui donne le courage de continuer ; admiratif et reconnaissant, Sacha Guitry sollicite de lui une préface pour sa Petite Hollande en 1908 et, plus tard, lui consacre une pièce, Un sujet de roman, créée en 1924 par son père Lucien Guitry dans le rôle de Mirbeau Sarah Bernhardt doit être aussi de la création, dans le rôle d'Alice Regnault, mais la comédienne meurt avant la première.
Il écrit sur mesure pour sa deuxième épouse Yvonne Printemps plusieurs comédies musicales qui remportent un très grand succès Mozart, L'Amour masqué…et sept revues avec son ami Albert Willemetz. Il lance aussi Raimu dans Faisons un rêve en 1916.
Homme d'esprit à l'humour caustique, qui a la verve facile et le goût du bon mot, il fait les délices du public mais ne s'attire pas toujours la faveur des critiques. Guitry utilise déjà au théâtre la méthode qu'il utilisera plus tard au cinéma : s'approprier les règles, les codes d'un genre, les détourner et les plier à son propre style.

Du théâtre au cinéma

Avec le cinéma, les rapports de Guitry sont alors plutôt complexes. En 1912, il écrit J'estime que l'influence du cinématographe a été déplorable, ... qu'il a tenté de faire au théâtre une concurrence déloyale en truquant et en tronquant les œuvres dramatiques. Ce qui ne l'empêche pas de faire, en 1915, une première tentative en réalisant Ceux de chez nous, en réaction à un manifeste allemand exaltant la culture germanique. Il y filme, entre autres, des amis de son père, Auguste Rodin, Claude Monet, Anatole France, Auguste Renoir. Il note leurs paroles et les répète durant les diffusions publiques, inventant en quelque sorte, et avant l'heure, la voix off. Non mobilisé au cours de la Première Guerre mondiale car malade et perclus de rhumatismes, son antigermanisme se poursuit après la guerre, refusant de représenter ses pièces en Allemagne après l'armistice de 1918.
Comme Jouvet, il reproche au cinéma de ne pas avoir la même puissance que le théâtre et ne s'y intéresse réellement qu'en 1935, sous l'influence de sa jeune épouse Jacqueline Delubac. Comprenant que le cinéma permet une plus grande pérennité que le théâtre en fixant les images sur la pellicule, il décide d'adapter à l'écran certaines de ses pièces. D'abord Pasteur, écrite pour son père Lucien Guitry et créée par ce dernier, pièce qui donne libre cours à sa passion pour l'histoire et les personnages historiques. Dans une scène, Louis Pasteur, joué par Sacha Guitry, déclare à ses confrères : Messieurs, je sais que je n'utilise pas le style conventionnel auquel vous êtes habitués, phrase qui semble destinée aux critiques qui le dénigrent depuis qu'il fait du théâtre. La même année, il réalise Bonne chance ! d'après un scénario original et confie le premier rôle féminin à Jacqueline Delubac. Le style de Guitry s'y affirme déjà nettement.
En 1936, il tourne à partir de la pièce qu'il a écrite Le Nouveau Testament. Puis, toujours en 1936, il réalise Le Roman d'un tricheur, son chef-d'œuvre pour beaucoup de spécialistes. Dans ce film, presque sans dialogues à l'exception de quelques scènes, Guitry met en scène l'unique roman qu'il a écrit, Mémoires d'un tricheur. Tout Guitry est contenu déjà dans ses quatre premiers films : jeu avec les procédés filmiques, reconstitution d'évènements ou biographie de personnages historiques, adaptations théâtrales. De 1935 à 1937, Guitry réalise dix films, dont au moins trois « chefs-d'œuvre.
Son nom est proposé pour l'Académie française mais Guitry refuse la condition qu'on lui impose : abandonner son activité de comédien. En 1939, il est élu à l'Académie Goncourt et réalise Ils étaient neuf célibataires. Guitry y traite du thème, déjà abordé par d'autres, du mariage blanc. Le film est cependant en prise presque directe avec l'actualité car l'histoire part d'un décret qui oblige les étrangers à quitter la France. Le lendemain de la première de son film, la guerre éclate.

Sous l'Occupation

L'armistice survient alors que Sacha Guitry est en traitement à Dax. Il est forcé d'y prolonger son séjour, dans l'attente de deux sauf-conduits pour Paris. L'un lui est destiné, l'autre est remis au philosophe Henri Bergson, souhaitant comme le dramaturge retourner à Paris. C'est à Dax, qu'un officier allemand Biegel les reconnaissant, lui et Bergson, leur adresse un laisser-passer et un bon pour 100 litres d'essence renouvelable en chemin, ordonnant aux officiers qui les croiseraient de réagir eu égard à ce que représentent les deux grands hommes pour la culture française. C'est également cet officier qui dit à Guitry : Nous arrivons au bon moment, où la culture française décline et où nous venons la sauver. C'est cette phrase, dit Sacha Guitry, qui restera gravée de 1940 à 1944 et l'encouragera à défendre la culture française : Ils auront la France mais n'auront pas la Culture française.
Revenu à Paris, Guitry entend y maintenir l'art et l'esprit français face à l'occupant allemand en poursuivant ses activités d'auteur, d'acteur et de cinéaste. Il reprend notamment Pasteur, pièce qui glorifie la France en la personne de Louis Pasteur, et qui comporte des répliques clairement anti-allemandes. Pendant quatre ans, à l'écart de toute pensée politique, il continue sa vie d'homme de théâtre et de cinéma. Dominique Desanti évoque une réussite maintenue à travers l'horreur de l'Occupation, comme si de préserver les succès et le luxe de Guitry était nécessaire à la survie de la France. Il joue de son influence pour obtenir la libération de personnalités, notamment de l'écrivain Tristan Bernard et de son épouse. Il réalise également Le Destin fabuleux de Désirée Clary, film centré autour de la célèbre fiancée de Napoléon et qui oppose la figure de l'Empereur aux visées de l'impérialisme allemand, et Donne-moi tes yeux, réflexion originale sur le regard masculin .
Guitry dans son bureau de l'avenue Élisée-Reclus en 1942, par Léon Gard coll. André Bernard.
Son album 1429-1942 : De Jeanne d'Arc à Philippe Pétain, catalogue des gloires françaises, historiques et artistiques conçu en 1942 et publié en 1944, est selon ce qu'il écrit en 1947 un véritable monument à la gloire de la France... Un cri de foi, d'amour et d'espérance, et l'on ne saurait lui attribuer sans mentir une signification politique ... Je n'en connais pas qui soit plus beau. Je n'en connais pas qui montre mieux le vrai visage de la France – et son ardente volonté de se suffire à elle-même – et de rester, seule, chez elle. L'avoir réalisé sous l’œil de l'Occupant, cela représente un tour de force inégalé. Reproduisant dans cet album le fac-simile de la célèbre lettre ouverte d'Émile Zola en faveur d'Alfred Dreyfus, J'accuse…!, publiée dans L'Aurore le 13 janvier 1898, Guitry écrit : N'était-ce pas audacieux, provoquant même ? De même qu avoir fait reproduire un poème de Porto-Riche, une pensée de Bergson, avoir nommé Sarah Bernhardt et Pissarro, avoir cité Dukas, Rachel et Marcel Schwob.
Lors d'un gala à l'Opéra de Paris le 23 juin 1944, Guitry présente De Jeanne d'Arc à Philippe Pétain, accompagné d'un film de présentation, sans lier le débarquement à ce que le titre de son livre peut avoir de provocateur, comme l'écrit Dominique Desanti. Ce gala est l'occasion d'une vente aux enchères d'un des exemplaires, dont la recette, de 400 000 francs, est entièrement reversée à l'Union des arts. Geneviève Guitry, son épouse durant cette période, écrit Ce fut alors une période de manœuvres qu'il pensait habiles et qui nous effrayaient, car Sacha ne comprenait rien à la politique. Il avait un fond d'ingénuité, une confiance quelquefois excessive, qui l'amenaient à porter des jugements téméraires sur les gens qui gravitaient autour de lui. Dans cette période, il ne fut pas bon psychologue, ni suffisamment objectif. Philippe Arnaud estime que Guitry, on le sait, s'est trompé sur Pétain, et sur la nature de la Seconde Guerre mondiale. De cet aveuglement, Donne-moi tes yeux donne la métaphore facile.
Le 23 août 1944, lors de la Libération de Paris, quelques heures après avoir parlé au téléphone avec Arletty, il est arrêté par des FFI du Comité parisien de Libération, qui lui reprochent son attitude à l'égard de l'occupant allemand. Il est incarcéré 60 jours sans inculpation, passant deux mois au dépôt, au Vél d'Hiv, puis à Drancy, avant que ses avocats, Paul Delzons et Georges Chresteil ne le fassent transférer à Fresnes dirigé par des militaires et non les FFI. Il n'en est pas moins dénoncé dans la presse par des écrivains comme Pierre Descaves ou certains journalistes du Figaro, dirigé alors par Pierre Brisson, ennemi déclaré de Guitry. Ses détracteurs oublient qu'il s'est toujours opposé à ce que ses pièces soient jouées en Allemagne.
Le juge d'instruction l'inculpe pour intelligence avec l'ennemi, et Guitry commente : Je crois, en effet, n'en avoir pas manqué. Ne sachant que lui reprocher, le juge fait paraître dans les journaux, à deux reprises, des annonces demandant qu'on lui communique les accusations contre Guitry. Il n'obtient aucune réponse probante et classe le dossier. Guitry est libéré le 24 octobre 1945 et obtient en 1947 un non-lieu tardif il dira plus tard qu'il aurait préféré un procès. Il fera référence à cette expérience : dans le générique de La Poison 1951 lorsqu'il déclare à Pauline Carton que le décor de la cellule a été réalisé à partir de ses souvenirs, on sent poindre l'amertume dans sa voix. Tentant de prendre la chose avec humour, il déclare : « La Libération ? Je peux dire que j'en ai été le premier prévenu. Il publie en 1947 et 1949 les souvenirs de cette période sous forme de deux récits : Quatre ans d'occupations un pluriel significatif pour la période 1940 à août 1944 et 60 jours de prison pour les deux mois pénibles et humiliants qui suivirent. Il commente, en filigrane, son comportement dans Le Diable boiteux, biographie de Talleyrand qui poursuivit son travail avec toujours comme seul but de servir la grandeur de la France.

L'Après-guerre

Pour Guitry, les années 1950 vont être une synthèse des deux décennies écoulées. Il rédige le scénario d'Adhémar ou le Jouet de la fatalité mais, malade, il en confie la réalisation à Fernandel, qui a déjà réalisé un film. Devant le résultat, Guitry s'estime trahi et intente un procès à Fernandel, procès qu'il perd. Ce film annonce la suite de l'œuvre du cinéaste : le ton est plus mélancolique (Le Comédien, Deburau, Le Trésor de Cantenac, parfois caustique Je l'ai été trois fois, La Poison, La Vie d'un honnête homme, mais toujours comique Toâ, Aux deux colombes, Tu m'as sauvé la vie.
Ses amis le soutiennent et la reconnaissance vient avec la commande de grosses productions historiques : Si Versailles m'était conté, Napoléon, Si Paris nous était conté. Mots d'esprits et distribution prestigieuse font l'attrait de ces fresques. Il n'oublie cependant pas son arrestation et réalise le très caustique Assassins et Voleurs interprété par le duo Jean Poiret-Michel Serrault Darry Cowl y fait ses débuts dans une scène humoristique et pratiquement improvisée. Les trois font la paire est le dernier film qu'il réalise avec l'aide de l'acteur-producteur-réalisateur Clément Duhour, car la maladie l'a beaucoup affaibli. Film-somme sur le cinéma de Guitry où l'on retrouve tout ce qui fait l'essence. Son testament artistique est le scénario de La Vie à deux qu'il rédige et où il refond plusieurs de ses pièces ; c'est Clément Duhour qui le réalisera après la mort du cinéaste, avec une pléiade de vedettes venues rendre hommage au maître.
Sacha Guitry repose au cimetière de Montmartre, à Paris, auprès de son père Lucien Guitry 1860-1925, son frère Jean(1884-1920 et sa dernière épouse Lana Marconi 1917-1990.

Sacha Guitry et les acteurs

Sacha Guitry tient le rôle principal de presque tous ses films. Mais il sait parfois s'effacer comme dans le film à sketch Ils étaient neuf célibataires, réunissant de grands noms au générique : Saturnin Fabre, Elvire Popesco, Gaston Dubosc. Ami fidèle de Pauline Carton, il la fait jouer dans tous ses films, lui inventant parfois des rôles. Il confie à Michel Simon les rôles principaux de La Poison et de La Vie d'un honnête homme, ainsi que celui de son dernier film Les trois font la paire que Simon n'aime pas mais qu'il accepte de jouer par amitié pour Guitry, alors mourant.
Guitry sait aussi détecter les nouveaux talents : Jacqueline Delubac, Louis de Funès, Darry Cowl, Michel Serrault, entre autres, ont été lancés par Guitry. Raimu, reconnaissant envers celui qui lui a confié son premier grand rôle, accepte de jouer gratuitement dans Les Perles de la couronne, et Guitry écrit sur mesure pour Fernandel le scénario d'Adhémar ou le Jouet de la fatalité. Il sollicite aussi à plusieurs reprises Gaby Morlay pour ses pièces de théâtre et deux de ses films. Parmi les acteurs dirigés par Guitry, on peut également citer Erich von Stroheim, Orson Welles, Jean Cocteau, Jean Gabin, Gérard Philipe, Jean Marais, Danielle Darrieux, Michèle Morgan, Pierre Larquey, Jean-Louis Barrault, Arletty, Édith Piaf, Robert Lamoureux, Yves Montand, Jean-Pierre Aumont, Luis Mariano, Jacques Varennes, Suzanne Dantès, Brigitte Bardot…
Tout au long de son œuvre, Guitry se fait le chantre du comédien, de son père en particulier. Il lui dédie deux pièces Mon père avait raison (919 et Le Comédien 1921, toutes deux adaptées au cinéma. Pour lui, Lucien Guitry et Sarah Bernhardt sont les deux plus grands acteurs du monde et il ne manque pas de le rappeler dans les nombreux articles qu'il signe. Du reste, certains de ses films semblent être conçus pour les acteurs : Les Perles de la couronne, Ils étaient neuf célibataires, Le Trésor de Cantenac, ou encore sa trilogie historique.

Sacha Guitry et la critique

Avec la critique, Sacha Guitry a toujours entretenu des relations conflictuelles, et ce dès ses débuts au théâtre. Guitry invente un style qui lui est propre, basé sur des dialogues incisifs et percutants, souvent déclamés par lui. Son statut de comédien-auteur-metteur en scène, son apparente facilité et le succès constant qu'il obtient pendant plus de vingt ans le rendent insupportable aux yeux des critiques. Du reste, Guitry se venge tout au long de son œuvre et ne cesse de railler cette profession qui n'a jamais voulu faire l'effort de le comprendre. On reproche à ses films de n'être que du théâtre filmé. Mais Guitry, comme Marcel Pagnol, autre auteur dramatique de théâtre et de cinéma, impose son style, se construit un univers à part entière. Souvent, les critiques reprochent à Guitry de dévoiler les dessous du tournage. Le cinéaste, en montrant son style, appose sa griffe et empêche quiconque de le copier. Le summum est atteint avec Ils étaient neuf célibataires : à la fin du film, Guitry mélange réalité et fiction en faisant croire à l’amant sérieux d’Elvire Popesco que tous deux sont en train de tourner un film. La réalité va plus vite que la fiction. Et le film se fait descendre par la critique, malgré des réactions positives.
Parmi les critiques les plus virulentes, on retrouve régulièrement l'accusation de prétention et de mégalomanie. Lorsque Guitry met en scène Si Versailles m'était conté, racontant la vie du château de Versailles de sa naissance à nos jours, on lui reproche d'être passé à côté de son sujet et d'avoir réalisé une visite au musée Grévin. Orson Welles, qui apparaît dans Si Versailles m'était conté et Napoléon, considère, lui, Guitry comme son maître. Du reste, il existe plusieurs points communs entre les deux artistes : tous deux hommes de théâtre, de radio, férus de littérature, ayant le même sens de l'humour.
Une autre hypothèse peut être envisagée pour expliquer ses rapports tendus avec la critique : la virtuosité et l'évidente facilité avec laquelle Guitry s'approprie les codes du cinéma. Lorsqu'il réalise Le Destin fabuleux de Désirée Clary, il place le générique en plein milieu du film et s'offre le luxe de changer plusieurs interprètes. Du cinéma, Guitry a déclaré : C’est une lanterne magique. L'ironie et la grâce ne devraient pas en être exclues. Une autre anecdote résume le personnage : lors du tournage de Napoléon, un technicien, en visionnant les rushes, fait remarquer à Guitry que l'on voit une caméra dans le champ. Le cinéaste lui répond : Mon ami, le public se doute bien que nous avons utilisé des caméras pour réaliser ce film. Désinvolture, élégance, finesse et humour alliés à une solide maîtrise technique ont de quoi attirer les médisances et les jalousies. Il est réhabilité par la Nouvelle Vague et en particulier par François Truffaut, qui voit en lui un « auteur complet, comme Charlie Chaplin.

Vie privée

Malgré sa posture de misogyne, Sacha Guitry a été marié cinq fois, et uniquement avec des actrices encore que les deux dernières ne le soient devenues qu'à son contact:
Charlotte Lysès 1877-1956, qu'il épouse le 14 août 1907 à Honfleur, au grand dam de Lucien Guitry, ex-amant de Charlotte. Elle crée 19 pièces de son mari et reprend Nono en 1910. Le couple avait fait du manoir des Zoaques à Yainville nommé ainsi d'après le titre de l'un des premiers succès de Guitry, Chez les Zoaques leur résidence d'été de 1913 à 1916. Séparé en avril 1917, le couple divorce le 17 juillet 1918.
Yvonne Printemps 1894-1977, qu'il épouse à Paris le 10 avril 1919, avec comme témoins Sarah Bernhardt, Georges Feydeau, Lucien Guitry avec lequel il vient juste de se réconcilier et Tristan Bernard. Yvonne Printemps crée 34 pièces de Sacha Guitry, en reprend 6 autres et joue dans un de ses films, Un roman d'amour et d'aventures 1918. Si on prête de nombreuses liaisons à Printemps Jacques-Henri Lartigue, Maurice Escande, etc., c'est pour Pierre Fresnay qu'elle quitte Guitry le 15 juillet 1932 Fresnay quittant de son côté la comédienne Berthe Bovy. Le divorce entre Sacha et Yvonne est prononcé le 7 novembre 1934.
Jacqueline Delubac 1907-1997, de 22 ans sa cadette, épousée le 21 février 1935 à Paris. Son ami Robert Trébor lui avait présenté Jacqueline, en 1931, pour sa future pièce Villa à vendre. Guitry annonce leur mariage en déclarant : J'ai le double de son âge, il est donc juste qu'elle soit ma moitié, rajeunissant légèrement la mariée pour justifier le mot dès lors, celle-ci prétendra être née en 1910 et non en 1907. Elle joue dans 23 pièces de son mari, dont 10 créations et 13 reprises à Paris et en tournée, et 11 de ses films. Séparés le 15 décembre 1938, ils divorcent le 5 avril 1939.
Geneviève de Séréville 1914-1963, épousée le 4 juillet 1939 à Fontenay-le-Fleury. Geneviève crée 5 pièces de son mari, en reprend 4 autres, et joue dans 5 de ses films. Le couple se sépare en avril 1944 et leur divorce est prononcé le 25 juillet 1949. Elle est la seule de ses cinq épouses à porter le nom de Guitry.
Guitry épouse enfin Lana Marconi 1917-1990 le 25 novembre 1949 à Paris avec Alex Madis comme témoin. Elle crée 7 pièces de son mari, en reprend 2 autres et joue dans 13 de ses films.
On lui connaît parallèlement de nombreuses liaisons avec des comédiennes et artistes, parmi lesquelles la danseuse de la Belle Époque Jane Avril, la comédienne Arletty, qui refusa de l'épouser J'allais pas épouser Sacha Guitry, il s'était épousé lui-même !, les actrices Simone Paris qui consacre un chapitre de ses mémoires, Paris sur l'oreiller, au récit détaillé de leur romance, Mona Goya et Yvette Lebon, etc.
Si bien des répliques de ses pièces ont forgé sa réputation de misogyne, Guitry a souvent évoqué son amour pour les femmes La vie sans femme me paraît impossible ; je n'ai jamais été seul, la solitude c'est être loin des femmes. Ses épouses, qui lui ont adressé par ailleurs pas mal de reproches, évoquent également ce besoin de séduction. Dans Faut-il épouser Sacha Guitry ?, Jacqueline Delubac écrit : À la femme, il refuse la logique de l'esprit, pas celle du sexe ! Traduction : il ne suffit pas que la femme dispose, il faut qu'elle propose. C'est le caprice de Sacha de tout attendre du caprice des femmes ; et plus loin : Sacha, tu es un diable électrique ! Tu connais les escaliers cachotiers du cœur ! Les drôles de coin !. Geneviève de Séréville, dans Sacha Guitry mon mari, évoque les causeries de Sacha sur l'amour et les femmes et avance une hypothèse : Parler des femmes et de l'amour n'est-il pas devenu, pour lui, une sorte de jonglerie dans laquelle son cœur ne joue aucun rôle, mais seulement son aisance dans l'ironie, son goût excessif du paradoxe.
Dominique Desanti, dans la biographie qu'elle a consacrée à Sacha Guitry, remarque à propos de N'écoutez pas, mesdames !, pièce tissée de railleries contre les femmes : Sous les répliques spirituelles court l'angoisse de l'homme vieillissant face à une femme trop jeune qui lui échappe… ce qu'il trouve à la fois insupportable et naturel.
Selon Francis Huster, on dit souvent que Guitry est misogyne ; c'est n'importe quoi. Dans ses pièces, c'est l'homme qui trompe, pas la femme. Il était fou des femmes. Elles n'ont malheureusement jamais été folles de lui. Peut-être parce qu'il n'a jamais su les entendre, même s'il savait leur parler. Guitry, lui, se justifie en disant : Tout ce mal que je pense et que je dis des femmes, je le pense et je le dis, je ne le pense et je ne le dis que des personnes qui me plaisent ou qui m'ont plu. Ce n'est d'ailleurs pas tant avec les femmes qu'il a un problème, qu'avec le mariage : Le mariage, c'est résoudre à deux les problèmes que l'on n'aurait pas eus tout seul. La séduction a certainement pour lui plus de charme que le quotidien à deux. Il écrit cependant : Il faut courtiser sa femme comme si jamais on ne l'avait eue… il faut se la prendre à soi-même.

Œuvre Théâtre

Le Page, opéra-bouffe en un acte et en vers, musique de Ludo Ratz théâtre des Mathurins, 1902
Yves le fou, pastorale tragique » en un acte Pont-Aven, 1903
Le KWTZ, « drame passionnel » en un acte théâtre des Capucines, 1905
Nono, comédie en trois actes théâtre des Mathurins, 1905
Le Cocu qui faillit tout gâter, comédie en un acte et en vers théâtre Antoine, 1905
Un étrange point d'honneur, comédie en un acte et deux tableaux Tréteau-Royal, 4 rue de Caumartin, 1906
Chez les Zoaques, comédie en trois actes théâtre Antoine, 1906
Les Nuées, comédie en quatre actes d'après Aristophane théâtre des Arts, 1906
L'Escalier de service ou Dolly, comédie en deux actes casino de Monte-Carlo, 1907
La Clef, comédie en quatre actes théâtre Réjane, 1907
La Partie de dominos, comédie en deux actes Tréteau-Royal, 1907
Petite Hollande, comédie en trois actes théâtre de l'Odéon, 1908
Le Scandale de Monte-Carlo, comédie en trois actes théâtre du Gymnase, 1908
Le Mufle, comédie en deux actes théâtre Antoine, 1908
Après, revue en un acte (théâtre Michel, 1908
Tell père, Tell fils, opéra-bouffe en un acte, musique de Tiarko Richepin théâtre Mévisto, 1909
La 33e ou Pour épater ta mère, comédie en un acte casino de Trouville, 1909
C'te pucelle d'Adèle, comédie en un acte et deux tableaux concert de la Gaîté-Rochechouart, 1909
Tout est sauvé, fors l'honneur, comédie en un acte théâtre de Moscou, 1910
Le Veilleur de nuit, comédie en trois actes théâtre Michel, 1911
Mésaventure amoureuse ou l'Argent, comédie en un acte théâtre Femina, 1911
Un beau mariage, comédie en trois actes théâtre de la Renaissance, 1911
Un type dans le genre de Napoléon, comédie en un acte Automobile Club de France, 1911
Jean III ou l'Irrésistible Vocation du fils Mondoucet, comédie en trois actes Comédie-Royale, 1912
Pas complet, comédie-bouffe en deux actes théâtre Marigny, 1912
La Prise de Berg-Op-Zoom, comédie en quatre actes théâtre du Vaudeville, 1912
On passe dans trois jours, comédie en un acte 1913
La Pèlerine écossaise, comédie en trois actes théâtre des Bouffes-Parisiens, 1914
Deux couverts, comédie en un acte Comédie-Française, 1914
La Jalousie, comédie en trois actes théâtre des Bouffes-Parisiens, 1915
Il faut l'avoir !, revue en deux actes et un prologue théâtre du Palais-Royal, 1915
Une vilaine femme brune, comédie en un acte théâtre des Variétés, 1915
Faisons un rêve, comédie en quatre actes théâtre des Bouffes-Parisiens, 1916
Jean de La Fontaine, comédie en quatre actes théâtre des Bouffes-Parisiens, 1916
Un soir quand on est seul, comédie en un acte et en vers libres théâtre des Bouffes-Parisiens, 1917
Chez la reine Isabeau, comédie en un acte théâtre des Bouffes-Parisiens, 1917
L'Illusionniste, comédie en trois actes théâtre des Bouffes-Parisiens, 1917
Deburau, comédie en quatre actes et un prologue théâtre du Vaudeville, 1918
La Revue de Paris, revue en quatre actes théâtre du Vaudeville, 1918
Pasteur, pièce en cinq actes théâtre du Vaudeville, 1919
Le Mari, la Femme et l'Amant, comédie en trois actes théâtre du Vaudeville, 1919
Mon père avait raison, comédie en trois actes théâtre de la Porte-Saint-Martin, 1919
Béranger, comédie en trois actes et un prologue théâtre de la Porte-Saint-Martin, 1920
Je t'aime, comédie en cinq actes théâtre Édouard VII, 1920
Comment on écrit l'histoire, comédie en deux actes théâtre Sarah-Bernhardt, 1920
Le Comédien, comédie en quatre actes théâtre Édouard VII, 1921
Le Grand Duc, comédie en trois actes théâtre Édouard VII, 1921
Jacqueline, pièce en trois actes d'après Henri Duvernois théâtre Édouard VII, 1921
Chez Jean de La Fontaine, comédie en un acte et en vers Opéra de Paris, 1922
Une petite main qui se place, comédie en trois actes et un épilogue théâtre Édouard VII, 1922
Le Blanc et le Noir, comédie en quatre actes théâtre des Variétés, 1922
Un sujet de roman, pièce en quatre actes théâtre Édouard VII, 1923
L'Amour masqué, comédie musicale en trois actes, musique d'André Messager théâtre Édouard VII, 1923
Un phénomène, « parade » en un acte et en vers théâtre de l'Alhambra, 1923
Le Lion et la poule, comédie en trois actes théâtre Édouard VII, 1923
L'Accroche-cœur, comédie en trois actes théâtre de l'Étoile, 1923
Revue de Printemps, fantaisie-revue en trois actes et dix-neuf tableaux théâtre de l'Étoile, 1924
Une étoile nouvelle, comédie en trois actes théâtre Édouard VII, 1924
On ne joue pas pour s'amuser, comédie en cinq actes théâtre Édouard VII, 1925
Mozart, comédie musicale en trois actes, musique de Reynaldo Hahn théâtre Édouard VII, 1925
Vive la République !, revue en deux actes et vingt tableaux théâtre Marigny, 1926
À vol d'oiseau, revue en deux actes, cinq parties et trois cents tableaux33 théâtre Édouard VII, 1926
Était-ce un rêve ? ou Une comédie nouvelle, comédie en deux actes 1926
Désiré, comédie en trois actes théâtre Édouard VII, 1927
Un miracle, comédie en quatre actes théâtre des Variétés, 1927
Mariette ou Comment on écrit l'histoire, comédie musicale en quatre actes, musique d'Oscar Straus théâtre Édouard VII, 1928
Charles Lindbergh, féerie en trois actes et dix-huit tableaux théâtre du Châtelet, 1928
Histoires de France, pièce en quatorze tableaux, dessins, croquis et caricatures théâtre Pigalle, 1929
La Troisième Chambre, comédie en quatre actes d'Albert Willemetz théâtre de la Madeleine, 1929
Chez George Washington, à Mount Vernon, à-propos en un acte, musique de Henri Büsser théâtre des Champs-Élysées, 1930
Et vive le théâtre, revue en deux actes et quinze tableau théâtre de la Madeleine, 1930
Deauville sous Napoléon III, à-propos en un acte théâtre Pigalle, 1930
Frans Hals ou l'Admiration, comédie en trois actes théâtre de la Madeleine, 1931
Sa dernière volonté ou l'Optique du théâtre, comédie en deux actes théâtre de la Madeleine, 1931
Une revue (Exposition de Noirs) ou La Revue coloniale, revue en un acte théâtre de la Madeleine, 1931
Un chagrin ou Chagrin d'amour, prétexte musical en un acte 1931
Monsieur Prudhomme a-t-il vécu ?, pièce en deux actes théâtre de la Madeleine, 1931
Villa à vendre, comédie en un acte théâtre de la Madeleine, 1931
La SADMP, opéra-bouffe en un acte, musique de Louis Beydts théâtre de la Madeleine, 1931
Tout commence par des chansons, à-propos en un acte et en vers libres Moulin de la chanson, 1931
Mon double et ma moitié, comédie en trois actes théâtre de la Madeleine, 1931
Les Desseins de la providence, comédie en deux actes théâtre de la Madeleine, 1932
Le Voyage de Tchong-Li, « légende » en trois tableaux théâtre de la Madeleine, 1932
Françoise, pièce en trois actes théâtre de la Madeleine, 1932
La Nuit d'avril, à-propos en un acte et en vers théâtre de la Madeleine, 1932
Châteaux en Espagne, comédie en quatre actes théâtre des Variétés, 1933
Adam et Ève, pièce en deux tableaux Comédie-Française, 1933
Ô mon bel inconnu, comédie musicale en trois actes, musique de Reynaldo Hahn théâtre des Bouffes-Parisiens, 1933
Maîtresses de rois, fantaisie en cinq tableaux40 Casino de Paris, 1933
Un tour au paradis, comédie en quatre actes théâtre de la Michodière, 1933
Le Renard et la Grenouille, comédie en un acte théâtre de la Michodière, 1933
Florestan Ier, prince de Monaco, opérette en trois actes et six tableaux33, musique de Werner R. Heymann théâtre des Variétés, 1933
L’École des philosophes, à-propos en un acte Palais des beaux-arts de Bruxelles, 1933
Son père et lui, pièce en quatre tableaux Opéra de Lyon, 1934
Le Nouveau Testament, comédie en quatre actes théâtre de la Madeleine, 1934
Mon ami Pierrot, « légende musicale » en un acte et deux tableaux, musique de Sam Barlow Opéra-Comique, 1935
Quand jouons-nous la comédie ?, comédie en trois actes, un prologue et un épilogue théâtre de la Madeleine, 1935
La Fin du monde, comédie en cinq actes théâtre de la Madeleine, 1935
Le Saut périlleux, drame en un acte New York43, 1936
Geneviève, comédie en cinq actes théâtre de la Madeleine, 1936
Le Mot de Cambronne, comédie en un acte et en vers théâtre de la Madeleine, 1936
Crions-le sur les toits, revue publicitaire en deux actes et quinze tableaux, musique d'Arthur Honegger, Adolphe Borchard et Guy Lafarge théâtre des Champs-Élysées, 1937
Quadrille, comédie en six actes théâtre de la Madeleine, 1937
Dieu sauve le Roy, à-propos en un acte palais de l’Élysée, 1938
Un monde fou, comédie en quatre actes théâtre de la Madeleine, 1938
You're Telling Me ou Honni soit qui mal y pense, à-propos « franco-anglais » en un acte47 Londres, 1939
Une paire de gifles, comédie en un acte 1939
Une lettre bien tapée, comédie en un acte 1939
Fausse Alerte, à-propos en un acte 1939
Florence, comédie en trois actes et un prologue théâtre de la Madeleine, 1939
L’École du mensonge, comédie en un acte ABC de Genève, 1940
Cigales et Fourmis, à-propos en un acte Cercle interallié, 1940
Le Bien-Aimé, comédie en trois actes « mais en plusieurs tableaux » théâtre de la Madeleine, 1940
Mon auguste grand-père ou La Preuve par sept, comédie en cinq actes 1941
Vive l'Empereur ! ou le Soir d'Austerlitz, comédie en cinq actes théâtre de la Madeleine, 1941
N'écoutez pas, mesdames !, comédie en trois actes théâtre de la Madeleine, 1942
Courteline au travail, à-propos en un acte Comédie-Française, 1943
Je sais que tu es dans la salle, à-propos en un acte Comédie-Française, 1943
Dix mots d'anglais, comédie « en plusieurs actes » 1946
Talleyrand ou le Diable boiteux, pièce en trois actes et neuf tableaux théâtre Édouard VII, 1948
Aux deux colombes, comédie en trois actes théâtre des Variétés, 1948
Toâ, comédie en quatre actes théâtre du Gymnase, 1949
Tu m'as sauvé la vie, comédie en quatre actes théâtre des Variétés, 1949
Beaumarchais, comédie en deux actes et dix-neuf tableaux 1950
Constance 1950
Une folie théâtre des Variétés, 1951
Palsambleu, comédie en quatre actes théâtre des Variétés, 1953
Madame Bergeret, pièce en un acte et deux tableaux 1960, posth.
Source : Sacha Guitry, Œuvres 2 vol., Omnibus, 1996.

Filmographie Cinéma

Note : Tous les films sauf mention en tant que réalisateur, scénariste, dialoguiste et acteur.
1914 : Oscar rencontre Mlle Mamageot film de famille de 3 min 50
1915 : Ceux de chez nous, documentaire
1922 : Une petite main qui se place
1934 : Dîner de gala aux ambassadeurs court métrage
1935 : Pasteur
1935 : Bonne chance !
1936 : Le Nouveau Testament
1936 : Le Roman d'un tricheur
1936 : Mon père avait raison
1936 : Faisons un rêve
1937 : Le Mot de Cambronne moyen métrage
1937 : Désiré
1937 : Les Perles de la Couronne
1937 : Quadrille
1938 : Remontons les Champs-Élysées
1939 : Ils étaient neuf célibataires
1941 : Le Destin fabuleux de Désirée Clary
1942 : La Loi du 21 juin 1907
1943 : Donne-moi tes yeux
1943 : La Malibran
1944 : De Jeanne d'Arc à Philippe Pétain adaptation du livre éponyme
1947 : Le Comédien
1948 : Le Diable boiteux
1949 : Aux deux colombes
1949 : Toâ
1950 : Tu m'as sauvé la vie
1950 : Le Trésor de Cantenac
1951 : Deburau
1951 : La Poison
1952 : Je l'ai été trois fois
1953 : La Vie d'un honnête homme
1953 : Si Versailles m'était conté...
1955 : Napoléon
1955 : Si Paris nous était conté
1957 : Assassins et Voleurs
1957 : Les trois font la paire
En tant que scénariste
La Voyante 1924 de Leon Abrams64,65 sur une idée de Guitry
Le Blanc et le Noir 1931 de Robert Florey et Marc Allégret d'après sa pièce
L'Accroche-cœur 1938 de Pierre Caron d'après sa pièce
Adhémar ou le Jouet de la fatalité 195 de Fernandel
Autres participations
Sacha Guitry apparaît en tant qu'acteur au générique de deux films muets : Un roman d'amour et d'aventures 1917, dont il a également écrit le scénario, Une petite main qui se place 1922, épilogue filmé de sa pièce. Si l'on s'en réfère à la filmographie établie par Claude Gauteur et André Bernard dans Sacha Guitry, le Cinéma et moi rééd. 1984, il apparaît aussi aux côtés de sa future épouse Geneviève de Séréville dans La Huitième Femme de Barbe-Bleue 1938 d'Ernst Lubitsch. Néanmoins, dans la copie de la version américaine sous-titrée, le couple n'apparaît pas à l'image.

Télévision

1935 : Poste Parisien : Premier spectacle de télévision de Maurice Diamant-Berger (court-métrage)
1951 : Le Musée de Sacha Guitry de Stéphane Prince court-métrage

Écrits

1910 : La Correspondance de Paul Roulier-Davenel, recueillie par Sacha Guitry et illustrée par lui, Dorbon aîné
réédition éd. Bernard de Fallois, janvier 2009
1913 : Jusqu'à nouvel ordre..., éd. Maurice de Brunoff, Paris
1930 : Lucien Guitry raconté par son fils, éd. Raoul Solar
1931 : La Maison de Loti, éd. Paillart
1935 : Mémoires d'un tricheur, éd. Gallimard NRF
1940 : Si j'ai bonne mémoire, collection Nouvelle Bibliothèque Plon, éd. Plon,
1944 : De MCDXXIX à MCMXLII, c’est-à-dire de Jeanne d’Arc à Philippe Pétain, c’est-à-dire 500 ans de l’histoire de la France. éd. Sant’Andréa et Lafuma, rééd. par Raoul Solar en 1951
1946 : Elles et toi, réflexions illustrées par l'auteur, fac-simile du manuscrit original, Raoul Solar
réédition 1947 avec des gravures originales de Jacques Boullaire, éd. les Amis du livre moderne ; réédition 1951 chez Raoul Solar, avec un frontispice non signé de Suzanne Ballivet
1947 : Quatre ans d'occupations, éditions de l'Élan
1947 : Toutes réflexions faites, éditions de l'Élan
1949 : 60 jours de prison, fac-similé du manuscrit original, illustré par des dessins de l'auteur, éditions de l'Élan
1958 : Théâtre je t'adore, éd. Hachette
1958 : L'Esprit, éd. Le Livre contemporain
1977 : Le Cinéma et moi, textes réunis par Claude Gauteur et André Bernard, éditions Ramsay ; réédition 1990
1979 : Le Petit Carnet rouge et autres souvenirs inédits, éd. Perrin
1993 : Cinquante ans d'occupations, recueil de textes préfacé par Alain Decaux, éditions Presses de la Cité, collection Omnibus.

Citations

« Si ceux qui disent du mal de moi savaient exactement ce que je pense d'eux, ils en diraient bien davantage ! »
« Il y a des gens sur qui on peut compter. Ce sont généralement des gens dont on n'a pas besoin. »
« On n'est pas infaillible parce qu'on est sincère. »
« On parle beaucoup trop aux enfants du passé et pas assez de l'avenir – c'est-à-dire trop des autres et pas assez d'eux-mêmes. »
« Le jour où l’on vous traitera de parvenu, tenez pour certain le fait que vous serez arrivé. »
« Être riche, ce n'est pas avoir de l'argent, c'est en dépenser. »

Divers

Malgré le vif soutien de Tristan Bernard et de nombreuses personnalités de la Résistance, Sacha Guitry est soupçonné de collaboration à la Libération, arrêté Ils m'emmenèrent menotté à la mairie. J'ai cru qu'on allait me marier de force ! et incarcéré pendant 60 jours. Un non-lieu complet est prononcé. Il n'y avait donc pas lieu ! », commenta ironiquement Sacha Guitry, qui déclara par ailleurs : La Libération ? Je peux dire que j'en ai été le premier prévenu. C'est Alain Decaux qui évite le pillage de sa maison car il est à l'époque mobilisé et, admirant Guitry, il demande à surveiller sa maison. En souvenir de ce geste, Lana Guitry lui offre l'émeraude que Sacha portait et qui est désormais sertie sur la poignée de son épée d'académicien.
Le divorce par consentement mutuel n'étant pas reconnu à une époque, des lettres d'injures mutuelles étaient exigées de la part des deux parties pour en obtenir le prononcé. Dans les divorces concernant Sacha Guitry, notamment celui soldant son mariage avec Yvonne Printemps, on reconnaît nettement sa patte d'humoriste dans les lettres fournies par les « deux » parties.
Collectionneur avisé, il possédait dans son hôtel particulier du Champ de Mars, 18 avenue Élisée-Reclus une splendide collection d'œuvres d'art peintures, sculptures, lettres autographes...) dont il souhaitait faire, à sa mort, un musée. Malheureusement, les œuvres furent peu à peu dispersées à sa mort et son projet ne vit jamais le jour. Malgré les protestations de ses nombreux amis, l'hôtel fut démoli en 1963.
À l'occasion de son jubilé (sa première pièce ayant été jouée le 16 avril 1902 au théâtre des Mathurins, l'éditeur Raoul Solar réalisa gracieusement en 1952 un ouvrage intitulé simplement 18 avenue Élisée-Reclus, commenté par Sacha lui-même. Il peut être considéré comme le catalogue de l'exposition de ses collections, exposition faite au bénéfice des œuvres charitables de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques SACD.
Organisée les 17 et 18 novembre 2011 à l'hôtel Drouot à Paris, la dispersion de la collection d'André Bernard, cofondateur de l'Association des amis de Guitry, a été, avec plus de huit cents lots de tableaux, dessins, livres, autographes, photographies et objets divers, la vente la plus importante consacrée à Sacha Guitry depuis la disparition de l'artiste.
Éric-Emmanuel Schmitt a écrit une pièce en hommage à Sacha Guitry, The Guitrys, une comédie créée en 2012 au théâtre Rive Gauche avec Claire Keim Yvonne Printemps et Martin Lamotte Sacha Guitry.
Dans le téléfilm Arletty, une passion coupable 2015 d'Arnaud Sélignac, il est joué par Michel Fau.

Adaptations de son œuvre

Double Chance Lucky Partners, film américain réalisé par Lewis Milestone, avec Ginger Rogers sorti en 1940. Il s'agit d'une adaptation du film de Sacha Guitry, Bonne Chance 1935.
La Vie à deux 1958 de Clément Duhour, adapté de cinq pièces de Sacha Guitry Désiré, L'Illusionniste, Une paire de gifles, Le Blanc et le Noir et Françoise reliées entre elles par un scénario-prétexte
On ne sait quelle fut la part exacte de Guitry dans l'écriture des séquences de liaison. Elles sont plus probablement le fait de son secrétaire Stéphane Prince, lequel se cacherait derrière le mystérieux Jean Martin crédité par le générique comme coscénariste. Les affiches du film présentent La Vie à deux comme le dernier film de Sacha Guitry... lequel mourut près d'un an avant le début du tournage.
Au voleur ! (1960) de Ralph Habib, d'après un scénario original inédit, remanié et adapté par Jean-Bernard Luc.
Beaumarchais, l'insolent (1995), d'Édouard Molinaro, adapté de la pièce Beaumarchais et du scénario Franklin et Beaumarchais tous deux inédits
Désiré (1996), de Bernard Murat, d'après la pièce et le film éponymes
Quadrille (1997), de Valérie Lemercier, d'après la pièce et le film éponymes
Le Comédien (1996) de Christian de Chalonge, d'après la pièce et le film éponymes
Un crime au paradis (2000) de Jean Becker, remake du film La Poison dont l'action a été librement transposée du début des années 1950 à l'aube des années 1980.


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#49 Arthur Bazin
Loriane Posté le : 20/02/2016 18:11
Le 21 février 1849 naît Charles Arthur Bazin

à Compiègne Oise, mort à Colombes Hauts-de-Seine le 25 août 1913, écrivain français du XIXe siècle, qui a produit de nombreux ouvrages sur l’histoire de Compiègne.

Sa vie

Son père Charles Antoine Remy Bazin, 1816-1866 était receveur des Hospices et du bureau de Bienfaisance de la ville de Compiègne. Il avait épousé Eugénie Loire 1827-1900, originaire de Chevrières Oise. Ils demeuraient 2, rue Mounier actuelle rue du Dahomey et Arthur fut baptisé dans l’église Saint-Jacques, toute voisine.
Il fit ses classes primaires au pensionnat Saint-Jacques, sous la houlette de Mr Henri Billard. En octobre 1849, il entrait au collège de Compiègne, dont le principal était Monsieur Louis Emile Victor Paradis 1802-1867. En quatrième, il obtient sept prix et plusieurs accessits. En rhétorique, il composait des pièces de vers français, et rédigeait d’amusantes analyses littéraires qui faisaient la joie de son professeur.
La mort inattendue de son père, le 1er décembre 1866, lui fit interrompre ses études. Avant de mourir, Monsieur Bazin père, qui était lié de vieille amitié avec Eugène Floquet, ancien notaire et présentement maire de Compiègne, lui demanda de prendre ses deux fils sous sa protection et de le remplacer auprès d’eux. Il promit et tint aussitôt sa promesse.

Le service de l’Intendance militaire

A la conscription de 1869, il fut tiré au sort, mais se fit aussitôt remplacer par un homme qu’il avait acheté pour faire le service à sa place. Mais, le 15 août 1870, il était incorporé comme engagé volontaire, et il fut affecté au service de l’Intendance successivement à Vincennes puis à Dijon. Au début de 1871, il était en garnison à Alençon, sous les ordres du comte de Saint-Exupéry, sous-intendant de réserve, qui donna l’ordre d’évacuation pour se replier sur Flers Orne. Il a été finalement licencié des troupes d’intendance le 19 mars 18712 et revint à Compiègne.

Le percepteur de Carlepont

Au cours de ces campagnes, il avait surtout appris la comptabilité, activité importante des intendants. Eugène Floquet, lui fit faire des stages dans les services municipaux de Compiègne et il eut bientôt les compétences nécessaires pour acquérir un office de percepteur. Sa première place fut à Carlepont Oise. Au cours de ses activités, il fit la connaissance de maître Flahaux, notaire à Blérancourt Aisne. Celui-ci le présenta à un ancien percepteur retraité, Armand Thibouville, qui avait deux filles à marier.
Le contrat fut bientôt prêt et Arthur Bazin épousa Armande Camille Alphonsine Thibouville, le 14 avril 1880 à Trosly-Loire Aisne.
Une petite fille est née le 12 janvier 1883 à Carlepont, qu’ils prénommèrent Armande, comme sa mère.
En 1884, Arthur Bazin fut nommé percepteur à Guiscard Oise.

L’héritage

Armande Thibouville était la petite-nièce et la filleule de Louis Auguste Armand Baudouin 1811-1887, riche notaire de Nouvion-et-Catillon Aisne qui avait su habilement profiter de l’essor des sucreries. Son parrain était veuf et sans héritiers, et par testament il léguait à sa filleule, la moitié de tous ses biens.
Le 14 août 1887, jour du décès de son grand-oncle, pour Armande, c’était un trésor qui lui tombait du ciel. Aussitôt, elle fit l’acquisition d’une maison cossue 11 rue Hurtebise à Compiègne Oise et d’un immeuble de rapport sur la place du Palais, 24 rue d’Ulm. Elle se mit à vivre une vie bourgeoise dans la bonne société compiégnoise de la belle époque.

L’histoire de Compiègne

Le beau-père d’Arthur Bazin, Armand Thibouville lui avait donné le goût de l’histoire et en particulier de la période du premier Empire qui le passionnait. Le gendre se mit à fréquenter la bibliothèque et les archives de la Ville, et commença d’entasser des notes dans son bureau de la rue Hurtebise, enfumé par sa pipe.
Il s’inscrivit à la Société Historique de Compiègne, dès 1891. Ami d’Alexandre Sorel, président de la Société, il eut accès, après le décès de celui-ci 28 août 1901, à ses notes sur l’histoire des maisons anciennes de Compiègne, dont il allait faire la publication en les complétant par ses recherches personnelles.
Il écrivit dans son bureau 23 livres d’histoire, allant de Jeanne d’Arc à la période actuelle : quelques biographies : Marc-Antoine Hersan, les Abbesses de Royallieu, Oudart de Sabinet, Pierre-Lucien Pannelier, Jacques Delaporte, des monographies sur les corporations de Compiègne : boulangers, pâtissiers, bouchers, poissonniers, taverniers, bonnetiers, des chroniques de la vie municipale de Compiègne sous les règnes de Louis XI, Charles VIII, Louis XII, François Ier et des études sur les maisons anciennes de Compiègne. Beaucoup de ses livres parurent d’abord dans le Bulletin de la Société Historique de Compiègne. Comme dans la plupart des écrits historiques de son temps, Arthur Bazin ne cite pas toujours ses sources et reproduit quelquefois des erreurs qui avaient cours parmi ses confrères. Pour deux ouvrages, il écrivit en collaboration avec d’autres membres de la Société Historique de Compiègne : Eugène Mauprivez et Fernand Meuraine. Il écrivait de temps en temps des petits articles dans La Dépêche de l’Oise, sous le pseudonyme de O. de Rieux.
Sa production lui valut la distinction d’officier d’Académie en avril 1901.
Ses derniers écrits datent de 1907.

Le départ pour Paris

Sa fille Armande épousait le 19 décembre 1905 à Compiègne, le docteur Georges Raisonnier, et partit habiter Paris avec son mari. Ils eurent bientôt deux garçons. Arthur Bazin pour rester en contact avec ses enfants vint s’installer en 1907 auprès d’eux au 125 rue Lamarck à Paris 18e.
Lorsque son gendre fit l’acquisition d’un pavillon avec jardin à Colombes 1910, il déménagea encore pour s’installer enfin au 28 rue Humblot aujourd’hui rue des Vallées à Colombes.
Comme son père, Arthur Bazin était diabétique et la maladie le rendit aveugle. Il est mort le 25 août 1913 à Colombes Hauts-de-Seine à l’âge de 64 ans.
Il fut inhumé à Compiègne dans le caveau de famille.


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#50 Anaïs Nin
Loriane Posté le : 20/02/2016 14:23
Le 21 février 1903 à Neuilly-sur-Seine naît Anaïs Nin

de son vrai nom Angela Anaïs Juana Antolina Rosa Edelmira Nin y Culmell, morte le 14 janvier 1977 à Los Angeles en Californie, à 73 ans, écrivain diariste américaine d’origine franco-cubaine. Elle doit sa notoriété à la publication de journaux intimes qui s'étalent sur plusieurs décennies et offrant une vision profonde de sa vie privée et de ses relations. La version non censurée de ses journaux n'a pu être publiée qu'après sa mort et celle de son mari. Elle est aussi l'une des premières femmes à écrire des ouvrages érotiques.

En bref

Née à Neuilly-sur-Seine, Anaïs Nin, pendant toute son enfance, suit son père, le fameux pianiste et compositeur Joaquín Nin, dans ses tournées à travers le monde. Très jeune, elle est ainsi plongée dans l'univers artistique cosmopolite qui sera le sien toute sa vie. Il n'y a pas un écrivain, pas un artiste des deux côtés de l'Atlantique qu'elle n'ait fréquenté et sur lequel elle n'ait porté son jugement acéré. Elle était aussi très liée avec les psychanalystes Otto Rank et René Allendy. Après un essai sur Lawrence, D. H. Lawrence, an Unprofessional Study, dont elle et ses amis subissent alors l'influence, Anaïs Nin préface, en 1934, la première édition du Tropique du Cancer de Henry Miller, qui fut son ami. Elle publie un poème en prose, La Maison de l'inceste House of Incest, 1936, plusieurs romans, Un hiver d'artifice (Winter of Artifice, 1939), Les Miroirs dans le jardin Ladders to Fire, 1946, Les Enfants de l'albatros Children of the Albatross, 1947, Une espionne dans la maison de l'amour (A Spy in the House of Love, 1954), Le Roman du futur Novel of the Future, 1969, etc. Mais c'est surtout son Journal, dont la publication commence en 1966, qui constitue son œuvre essentielle. Œuvre monumentale, non seulement par sa qualité, mais aussi par son volume, ce journal compte plus de quinze mille pages, impossibles à publier dans leur ensemble, notamment parce qu'elles touchent de trop près à la vie privée de nombreux contemporains : seuls des extraits ont été publiés. Il n'est pas seulement une révélation sur la vie des « vagabonds de l'esprit » qui hantaient les deux rives de l'Atlantique pendant l'entre-deux-guerres. Comme Henry Miller, mais dans des teintes plus douces, plus nuancées, plus lyriques aussi, c'est à une recherche angoissée de son identité que se livre Anaïs Nin.
Son œuvre romanesque est largement autobiographique, et se démarque à peine de son Journal. « Mon discours dans mon journal est naturel, écrit-elle, ce que je produis ailleurs est un condensé, le mythe, le poème. » Chacun de ses romans est centré, comme le journal, sur un personnage féminin en quête de son identité. Marc Bloch

Sa vie

La mère d'Anaïs Nin, d'origine danoise, est abandonnée par son mari, le compositeur cubain Joaquín Nin et part pour New York avec sa fille et ses deux fils.
À quatorze ans, Anaïs Nin quitte l'école et commence à travailler comme mannequin. En 1923, elle épouse Hugh Parker Guiler dit Ian Hugo. L'année suivante, ils s'installent à Paris où Guiler poursuit une carrière bancaire. Sept ans plus tard, ils emménagent à Louveciennes, où Anaïs invitera Henry Miller. Nin se lance dans l'écriture, sa première œuvre est un livre sur D. H. Lawrence. Elle explore également le domaine de la psychanalyse, étudiant notamment avec Otto Rank, un disciple de Sigmund Freud. À son retour en France en 1936, elle entretient une relation amoureuse avec Gonzalo Moré et son épouse Helba Huara la danseuse inca et ne conservera comme amant que Gonzalo.
En 1955, elle épouse Rupert Pole en Californie après avoir divorcé de Guiler.
Nin est l'amie et la maîtresse de beaucoup d'écrivains de premier plan, dont Antonin Artaud, Henry Miller, Edmund Wilson, Gore Vidal, James Agee, et Lawrence Durrell. Son amitié et son amour passionnés pour Henry Miller et son épouse, June influencent fortement la femme et l'auteur.
En 1973, elle est nommée docteur honoris causa du Philadelphia College of Art. Elle est élue membre du National Institute of Arts and Letters en 1974. Elle meurt d'un cancer à Los Angeles en 1977. Son corps est incinéré et ses cendres dispersées dans la baie de Santa Monica.

Journaux

Anaïs Nin est devenue célèbre grâce à ses journaux intimes et secrets. Au départ, à l'âge de onze ans, cette pratique d'écriture intime prenait la forme d'une lettre adressée à son père qui avait abandonné la famille. Elle a par la suite tenu son journal de façon assidue, jusqu'à sa mort. La seconde publication se présente comme le Journal authentique, le plus proche de la véracité des faits. Ces écrits transcrivent avec brio ses rencontres amoureuses, artistiques ou analytiques, avec des personnalités comme Henry Miller, Antonin Artaud, Otto Rank, Edmund Wilson, Gore Vidal, James Agee.

Écrits érotiques

Anaïs Nin est également appréciée pour ses œuvres érotiques. Avant elle, très peu de femmes s'étaient lancées dans ce champ de la littérature. Nin, confrontée dans les années 1940 à d'importants problèmes financiers, rédige les nouvelles du Delta de Venus pour un dollar la page traduit également sous le titre de Vénus Erotica. Son écriture, scandaleusement explicite pour son époque, met un accent particulier sur la bisexualité féminine.

Autour de Anaïs Nin Littérature

Wendy Guerra, Poser nue à La Havane, Paris, Stock, 2010.

Cinéma

En 1990, Philip Kaufman réalise le film Henry et June, adapté de la nouvelle homonyme dans The Journal of Love - The unexpurgated Diary of Anaïs Nin 1931-1932 Journal amoureux - Le journal intime non censuré d'Anaïs Nin 1931-1932. Maria de Medeiros tient le rôle de Nin, Fred Ward celui d'Henry Miller, et Uma Thurman celui de June.

Théâtre

En 2005, Pascale Roger met en scène Henry Miller et Anaïs Nin, artistes de la vie (Paris), à partir de la correspondance des deux écrivains et du Journal d'Anaïs Nin, avec Florence Boog et Jacques Lallié.

Musique

En 2001, Steve Dumas dit Dumas écrit, compose et interprète la chanson « Comme rien », dans laquelle il fait référence à Anaïs Nin dans le troisième couplet.
En 2005, François Bernheim et Christian Bouclier écrivent et composent la chanson « Anaïs Nin », chantée par le duo Romane Serda et Renaud.
"I love only silence" d'Alyson Greenfield, dont les paroles sont exclusivement des citation de son Journal 1915.

Œuvres

1932 : D.H. Lawrence : une étude non professionnelle
1936 : La Maison de l'inceste
1939 : Un hiver d'artifice
1944 : La Cloche de verre
1959 : Les Cités intérieures, volume réunissant cinq romans parus précédemment :
1946 : Les Miroirs dans le jardin
1947 : Les Enfants de l'albatros
1950 : Les Chambres du cœur
1954 : Une espionne dans la maison de l'amour
1958 : La Séduction du minotaure
1964 : Collages
1968 : Le Roman de l'avenir
1977 : Vénus érotica
1979 : Les Petits Oiseaux
1966-1981 : Journal 7 tomes
1978-1982 : Journal d'enfance 4 tomes
1986 : Henry et June Cahiers secrets
2003 : Journal de l'amour, journal inédit et non expurgé des années 1932-1939, volume réunissant :
1992 : Inceste 1932-1934
1993 : Le Feu 1935-1936
1996 : Comme un arc-en-ciel 1937-1939
2010 : Journaux de jeunesse 1914 - 1931, réédition qui regroupe en un seul tome tous les écrits de cette période.

Iconographie

1936 Portrait d'elle assise sur une table par Émile Savitry en compagnie de son amie Helba Huara, assise à ses côtés sur une chaise.



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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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