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Elisabeth de Wied alias Carmen Sylva
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Le 2 mars 1916 à Bucarest, à 72 ans meurt Élisabeth Pauline Ottilie Louise de Wied

également connue sous le nom de plume de Carmen Sylva,

née le 29 décembre 1843 au château Monrepos près de Neuwied en Prusse par mariage princesse puis Reine consort de Roumanie du 26 mars 1881 au 10 octobre 1914, soit 33 ans, 6 mois et 14 jours.
Elle succède à Marie d’Édimbourg, Princesse consort de Roumanie, du 15 novembre 1869 au 26 mars 1881 soit11 ans, 4 mois et 11 jours. Fille de Herman de Wied et de Marie de Nassau, elle est l'épouse de Charles 1er de Roumanie avec qui elle a une fille, Marie de Roumanie, elle est enterreée dans la nécropole royale de Curtea de Arges.

Fille du prince Hermann de Wied et de la princesse Marie de Nassau, elle est la nièce de la reine Sophie de Suède et du grand-duc Adolphe de Luxembourg. Sa cousine, Hilda de Nassau, sera grande-duchesse de Bade.
C'est en 1861, lors d'un séjour à Berlin, que la jeune princesse rencontre son futur mari, Charles de Hohenzollern-Sigmaringen; Fils cadet de Charles-Antoine, prince de Hohenzollerbn-Sigmaringen, Premier ministre de Prusse, et de Joséphine de Bade, il est le petit-fils de Stéphanie de Beauharnais, grande duchesse de Bade et cousine de l'empereur des Français Napoléon III.
Charles est élu prince de Roumanie en 1866, les deux jeunes gens se marient le 15 novembre 1869. De leur union naît en 1870 une fille, Marie qui meurt quatre ans plus tard.
Durant la guerre russo-turque de 1877-1878, Élisabeth se consacre aux soins aux blessés et fonde l'ordre d'Élisabeth, dont la décoration consiste en une croix d'or sur un ruban bleu, destiné à honorer les personnes qui se sont distinguées dans une tâche comparable. Elle encourage l'enseignement secondaire et supérieur pour les femmes en Roumanie et crée diverses sociétés à but charitable. En 1882, elle est élue membre de l'Académie de Roumanie.
L'éducation reçue lors de son enfance et de sa jeunesse allemandes est très variée et lui permet de se distingue notamment par ses talents de pianiste, d'organiste ainsi que pour le chant, le jeune Georges Enesco a mis en musique nombre de ses poèmes ; elle montre en outre de grandes dispositions pour la peinture et l'art des enluminures. Toutefois, son imagination portée vers la rêverie et la poésie la conduit sur le chemin de la littérature, en particulier la poésie, les contes et les ballades, ainsi que dans un grand travail de collecte de légendes populaires roumaines auxquelles elle donne une forme littéraire.



Voici le discours de présentation prononcé par l’auteur Gabriel Badea-Päun lors de la présentation de son dernier livre consacré à la reine Elisabeth de Roumanie, de son nom d’artiste Carmen Sylva.

Née princesse de Wied en 1843, la princesse épouse en 1869 le prince Karl de Hohenzollern-Sigmaringen qui deviendra le roi Carol I de Roumanie. Un portrait d’une reine pas comme les autres

Il y a cent ans Carmen Sylva, alias Elisabeth, reine de la lointaine Roumanie, faisait fréquemment la une de la presse française. Même s’il est difficile de le croire aujourd’hui, ses actes, interviews, photos ou articles comblaient de bonheur les revues people de ces temps là pour lesquelles elle incarnait la reine artiste. Sa renommée était si grande, un vrai brand, comme on le dirait aujourd’hui. On donna son nom à plusieurs objets vendus dans le commerce, vêtements, tissus, ou plats culinaires, à une valse, à un large territoire de la Terre de Feu, grâce à l’explorateur roumain, Jules Popper, à des poupées habillées dans des costumes populaires roumains ayant ses traits. Des sociétés artistiques, orchestres folkloriques, dont une étonnante l’Orchestre Internationale de Tzigannes Carmen Sylva activant à Zwickau (dans l’Est de l’Allemagne) ou même une loge franc-maçonnique portaient son nom. Dans l’Angleterre victorienne les jeunes filles de bonne famille qui voulaient se rendre intéressantes étaient apostrophées avec un : « Don’t make your Carmen Sylva ! »

La reine Elisabeth de Roumanie ne se satisfit pas en effet d’un anonymat doré imposé par cette Europe monarchique qui comptait à l’époque pas moins de dix-sept reines et des cohortes de princesses dont seules la beauté et l’importance du trône étaient les principales qualités requises pour faire parler de soi. «Elle n’avait jamais passé pour une beauté », écrivait dans son journal la future reine Marie de Roumanie, « mais il se dégageait d’elle un charme ensorcelant dont il était impossible de ne pas subir la fascination, au premier abord du moins. Jeune encore, elle avait déjà les cheveux tout blancs, mais le regard de ses yeux intensément bleus vous pénétrait. Elle riait souvent et laissait voir des dents d’une blancheur éclatante ; mais son rire contrastait d’une manière frappante avec l’expression tragique de ses yeux. Ce pathétique, ce je ne sais quoi de tragique qui émanaient d’elle, donnaient à tous ceux qui l’approchaient le désir d’alléger le fardeau qu’elle portait. Elle n’inspira pas de passion, mais elle sut se faire admirer.»

Elle bâtit son personnage, aux nombreuses contradictions, avec une énergie tendue jusqu’au bout vers ce qu’elle croyait être le vrai bonheur : Celui d’une reine – écrivain à succès, protectrice des arts et des lettres. On reconnaît facilement dans cette image Aliénor d’Aquitaine, Elisabeth de Hongrie ou Marguerite de Valois, modèles romantiques mis au goût du jour par l’intérêt archéologique des historiens. Elle n’était pas la seule à emprunter ce chemin. Victoria d’Angleterre publia un volume de mémoires; Elisabeth d’Autriche-Hongrie écrivait elle aussi, en cachette toutefois. C’était une habitude fréquente chez les jeunes princesses allemandes de s’exercer à faire des rimes, mais Elisabeth de Roumanie passa outre ces limites. Elle prit un pseudonyme, bientôt cependant dévoilé : Carmen Sylva, (le chant de la forêt), dont les consonances latines évoquaient celles de ses sujets, et elle commença à publier avec une régularité bien allemande deux à trois volumes par an. Plus d’une cinquantaine de volumes parurent ainsi en même temps que des centaines d’articles dans toute la presse européenne.

Ses ouvrages – dont certains de vrais best-sellers – furent traduits en plus d’une dizaine de langues, y compris l’espéranto, et couronnés de prix par les académies du monde entier dont l’Académie française, pour ses Pensées d’une Reine, parus en 1888 chez Calman Lévy. Ils lui attirèrent l’amitié de personnages célèbres. Impressionné par ses œuvres, Pierre Loti en traduisit quelques unes et la rencontra à plusieurs reprises. Frédéric Mistral la nomma reine de ses Félibriges. Catulle Mendès, Octave Feuillet, Sully Prudhomme, Leconte de Lisle et Guy de Maupassant se déclaraient heureux de se voir traduits en allemand par elle. Charles Gounod lui proposa de mettre en musique les vers de son cantique, La Trinité, mais il mourut avant d’avoir réalisé son rêve. Camille Saint Saens lui dédia une fantaisie pour orgues. Emile Gallé créa pour elle de magnifiques vases et Aristide Maillol des étonnantes tapisseries Nabi.

La reine Elisabeth avait en outre un grand sens de la communication moderne. Elle adressait de nombreuses missives à des gens très connus qui furent souvent ses laudateurs. Mais l’hommage le plus touchant vint peut-être d’un peintre maudit par la société et qu’elle n’a pourtant jamais rencontré. Seul et loin de sa famille, enfermé dans une maison d’aliénés, Vincent van Gogh trouva quelque soulagement moral à ses atroces douleurs physiques dans ses Pensées royales qu’il évoqua souvent dans ses lettres à son frère Théo.

Le succès des premières œuvres de la reine fut rapidement suivi par une transformation quasi totale de son image. Ainsi écrivait-elle dans ses Pensées : «La toilette n’est pas une chose indifférente. Elle fait de vous un objet animé, à condition que vous soyez la parure de votre parure.» Ses costumes étaient souvent considérés par ses proches ou ses hôtes comme de vraies hardiesses de star. Des robes-tuniques blanches, inspirées par Sarah Bernhardt, étaient agrémentés de bijoux imposants et de peu de valeur, ainsi que de toutes sortes de dentelles ou broderies inattendues.

Pour ses apparitions publiques elle avait imaginé une scénographie digne d’un metteur en scène professionnel. Son public la «surprenait» souvent en train d’accomplir l’une de ses occupations favorites. Dans son journal, la future reine Marie raconta la visite qu’elle lui fit à la veille de son mariage avec le prince héritier Ferdinand : «La mise en scène avait été certainement étudiée. La lumière tombait du plafond, elle était enveloppée de blanc et adossée à ses coussins neigeux, sa voix musicale, ses gestes larges et accueillants, l’éclat de ses dents éclairées par un sourire lumineux, l’expression tragique de ses yeux d’un bleu intense, tout avait produit l’effet attendu…On eût dit que, par une tendance naturelle de son esprit fantaisiste, elle se croyait toujours en représentation…. elle prenait le monde pour un vaste théâtre. Elle voyait toute la vie comme une série de scènes de drame où elle jouait le personnage principal ». Un jour Réjane, en visite à Bucarest, a eu ce mot pour elle « Majesté, mais vous avez tout ce qu’il faut pour devenir sociétaire de la Comédie française. »

La voix était en effet un autre de ses points forts. Sa prononciation chantante et caressante, maîtrisant avec la même facilité quatre langues (allemand, français, roumain et anglais) ensorcelait son auditoire. Ses enregistrements pour la maison de disques His Master’s Voice en sont la preuve aujourd’hui.

Confite dans l’admiration de toute l’Europe, visitée comme un monument par tous ceux qui arrivaient dans cette lointaine contrée plus proche de l’Orient que de l’Occident, Carmen Sylva, dans son rôle de composition était fort éloignée du jeu protocolaire de la reine ou de celui, trop étouffé, de la femme. Ses contemporains ont pourtant préféré ses deux premiers rôles, même si la femme exprimait ouvertement sa véritable identité. Au reste la reine subit ses obligations sans se révolter, accomplissant un devoir qu’elle s’était engagée à respecter lors de son mariage; c’était, en quelque sorte son contrat d’embauche. Elle le négligea une seule fois quand, aveuglée peut-être par son romantisme mais aussi par certaines considérations nationales, elle voulut marier le prince héritier Ferdinand à sa protégée, Hélène Vacaresco.

Derrière l’écrivain à succès, la reine cachait une femme triste, souvent déprimée. Dans ses pensées intimes, Elisabeth se déclarait, tout comme Sissi, républicaine : «Je ne puis que sympathiser avec les sociaux-démocrates ». Etait-ce juste un pied de nez qu’elle adressait à la classe politique roumaine qui ne l’aimait pas ? Peut-être, mais pour la femme Elisabeth, les conventions n’étaient pas très importantes. Par exemple, si elle participait aux cérémonies religieuses orthodoxes, catholiques ou protestantes, comme son devoir de reine et d’épouse le réclamait, elle fut cependant la première à soutenir moralement et financièrement la Société théosophique lors de sa création.

En tant que femme, Elisabeth avait toujours rêvé, de jeter le masque avant sa mort et de relater une fois pour toute sa véritable existence, avec la plus effrayante sincérité : «On a tant écrit sur ma vie extérieure et on sait si peu de ma vie intime ! Mais qui peut raconter sa vie d’une façon qui semble fidèle à tous ? On n’apparaît pas la même à tel homme et à son voisin. Je suis autre pour ma femme de chambre que pour mes amis, autre pour les Roumains et autre pour les Américains. Si j’avais eu le temps de l’écrire, cette biographie, j’aurais surtout parlé de mon enfance, car les petits traits caractéristiques de nos débuts sur terre expliquent toujours toute la vie ultérieure, et j’estime qu’on ne change jamais. » En 1905 elle avait ainsi commencé des mémoires, mais après la parution en 1907 du premier volume intitulé Mein Penatenwinkel (Mes pénates), on a trouvé qu’il était inconvenant de les continuer : le manuscrit du deuxième tome disparut avant même que l’auteur s’en aperçût.

Ecrire une biographie de Carmen Sylva se révèle être une entreprise périlleuse. Sa vie fut, on le sait, abondamment commentée par ses contemporains : non loin d’une trentaine de biographies et des centaines d’articles la concernant parurent dans toute l’Europe, fourmillant d’anecdotes qui finissent par engloutir le personnage. La dernière en français écrite par le diplomate Georges Bengesco est parue à Bruxelles en 1905. Il y a la vie de l’auteur, telle qu’elle la rêve et la bâtit, il y a la narration de cette vie, faite par des spécialistes, des amis, des admirateurs ou des courtisans qui ont pour ambition d’en dégager le sens. Scruter les biographies revient donc à étudier le mythe, à se demander ce qu’il signifie et à s’interroger sur sa persistance. En 1939, une anglaise, Elisabeth Burgoyne, repartant à la découverte du mythe, fut fascinée par l’intelligence et la tristesse de cette femme attachante. Cependant sa biographie, une vraie réussite, fut vite oubliée la guerre venant d’éclater. Depuis rien ou presque rien…

Et pourtant la vie de Carmen Sylva intéresse toujours. Sur la toile plusieurs sites lui sont dédiés. Deux thèses de doctorat concernant son œuvre littéraire furent récemment soutenues. Les féministes américaines et allemandes n’ont cessé d’admirer la modernité et l’exemplarité de cette femme qui, à contre courant de la société de son temps, a fait souffler un vent de liberté dans les mœurs du XIXème siècle. La reine Elisabeth n’est pas seulement en avance sur son époque parce qu’elle s’est érigée en protectrice des artistes ou encore parce qu’elle a su utiliser son personnages pour mieux diffuser ses créations. Elle a revendiqué et démontré l’égalité des sexes dans la création artistique, mettant à profit sa position pour faire progresser cette idée dans la haute société, non seulement dans son propre pays mais encore dans l’ensemble de l’Europe. Elle a su gérer socialement, en permanence, sa situation paradoxale et son anti-conformisme, tout en respectant, quand cela lui semblait nécessaire, les rites d’une société qui lui reconnaissait sa qualité de reine. Mais cette modernité de comportement n’a curieusement été d’aucune influence sur son œuvre. Force est de constater que, face à la postérité, ce même caractère qui avait donné naissance à un personnage hors du commun a dévoré ses propres œuvres sur lesquelles elle avait cru pouvoir compter pour assurer sa mémoire.

Après sa disparition l’image de la reine Elisabeth s’estompa graduellement laissant la place à la construction d’une autre, celle de la nouvelle reine Marie, la reine guerrière, celle de l’épopée de la réalisation de la Grande Roumanie. Dans l’imaginaire roumain de l’entre- deux-guerres son souvenir fut surtout associé à son action culturelle et parfois à son romantisme qu’on trouvait alors ridicule dans ses excès. Le régime communiste installé en 1948 détruisit ses effigies, ses portraits peints et sculptés : s’ils ne furent pas anéantis, ils furent enfouis dans les réserves des musées d’où ils devaient ne jamais ressortir. Il interdit aussi toute références à son œuvre littéraire classée dans des fonds de bibliothèques spéciaux inaccessibles. Les rarissimes fois où son nom était mentionné étaient généralement en relation avec le généreux mécénat dont elle fit profiter le compositeur Georges Enesco. Cependant, lors des restitutions historiques qui suivirent les événements de 1989 sa figure resurgit. Plusieurs de ses volumes furent publiés, des expositions, des thèses lui furent consacrées. Une nouvelle image, peut-être plus sereine, plus proche du rôle qu’elle joua est en train de naître.

Oeuvre littéraire

Carmen Sylva avec Georges Enesco à gauche et Grigoraș Dinicu à droite.
Carmen Sylva écrit avec aisance en allemand, roumain, français et anglais. Parmi ses nombreuses œuvres, on peut signaler :
Sappho et Hammerstein, deux poèmes parus à Leipzig en 1880.
Les pensées d'une reine, un volume d'aphorismes en prose publié en 1882 à Paris, qui sera récompensé par le prix Botta, décerné tous les trois ans par l'Académie française, et sera publié en allemand en 1890 à Bonn sous le titre Vom Amboss ;
Cuvinte sufletești, méditations religieuses en roumain publiées en 1888 à Bucarest, et traduit en allemand en 1890 sous le titre de Seelen-Gespräche.
Plusieurs de ses œuvres sont écrites en collaboration avec Mite Kremnitz, une de ses dames d'honneur, née à Greifswald en 1857, mariée au docteur Kremnitz de Bucarest ; cette série d'œuvres est publiée entre 1881 et 1888, dans plusieurs cas sous les pseudonymes de Dito et Idem. Citons notamment :
Aus zwei Welten Leipzig, 1884, roman,
Anna Boleyn Bonn, 1886, tragédie,
In der Irre Bonn, 1888, recueil de contes,
Edleen Vaughan ou Paths of Peril, roman Londres, 1894,
Sweet Hours, poèmes écrits en anglais Londres, 1904.

Son œuvre signée Carmen Sylva inclut en outre :
une traduction en allemand de Pêcheur d'Islande de Pierre Loti,
la traduction en allemand des volumes du critique dramatique Paul de Saint-Victor, Les Deux Masques (Paris, 1881-1884),
la traduction en anglais, en 1891, avec la collaboration d'Alma Strettell, sous le titre The Bard of the Dimbovitza, d'un recueil de folklore roumain d'Elena Văcărescu publié antérieurement à Bonn, en 1889, sous le titre Lieder aus dem Dambovitzathal.

L'affaire Vacaresco

En 1881, afin d'assurer sa succession au trône de Roumanie, le roi Charles désigne son neveu, le prince Ferdinand de Hohenzollern-Sigmaringen, prince allemand, qui n'a jusque-là jamais foulé le sol roumain et n'en parle pas la langue. Le jeune homme tombe amoureux de la femme de lettres roumaine Hélène Vacaresco, qui est une des intimes de la reine. Celle-ci encourage cette relation, bien que la constitution de Roumanie stipule que l'héritier au trône ne peut pas épouser une Roumaine.
Le scandale finit par éclater, et la reine est contrainte à l'exil dans son château natal de Neuwied en Allemagne. Hélène Vacaresco est éloignée à Paris, tandis que le prince héritier est envoyé faire un tour des cours européennes pour y chercher une épouse.

Éditions récentes

Les pensées d'une reine / Carmen Sylva reine de Roumanie, préface par Louis Ulbach, postface par Nicolae Ionel; Éditions Fides,.
Les pensées d'une reine - Cugetările unei regine, ediţie bilingvă franceză-română, traducere din limba franceză de Dumitru Scorţanu
Gedanken einer Königin - Les pensées d'une reine, édition complète des pensées en allemand et français et des épigrammes de la reine Élisabeth de Roumanie, née princesse de Wied, pseudonyme

littéraire Carmen Sylva 1843-1916, édité par et avec une préface de Silvia Irina Zimmermann, avec des photographies des archives princières de Wied (Neuwied), Éditions Ibidem, Stuttgart,
Sagesse d'une reine, avec préface du prince Radu de Roumanie, postface de Gabriel Badea-Päun, et deux lettres de Pierre Loti à Carmen Sylva, Via Romana

Liens

http://youtu.be/mZp0tHafyYA Diaporama
http://youtu.be/dZGfyrLC0YU regard sur sa vie
http://youtu.be/mfXsdhJcpnI
Reines de Roumanie

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Posté le : 01/03/2014 14:12
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Louis de Rouvroy Duc de St Simon
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Le 2 mars 1755, à 80 ans, à Paris, meurt Louis de Rouvroy

2e duc de Saint-Simon,


né à Paris le 16 janvier 1675, membre de la noblesse française, célèbre pour ses Mémoires qui racontent par le menu la vie à la Cour aux temps du roi Louis XIV et de la Régence. Il est le fils de Claude de Rouvroy, duc de Saint-Simon et de sa seconde femme, Charlotte de L'Aubespine.
Il reçoit les distinctions de Duc et Pair de France, Ambassadeur extraordinaire en 1720, Chevalier de l'Ordre du Saint-Esprit, Grand d'Espagne
Il n'est ni le fondateur ni l'inspirateur du saint-simonisme, doctrine socio-économique et politique qui tient son nom de Claude Henri de Rouvroy de Saint-Simon, philosophe et industriel français, parent éloigné de l'auteur.

Mousquetaire à 16 ans, il prend part au siège de Namur et à la bataille de Neerwinden, puis il quitte l'armée en 1702 pour mener une vie de courtisan à Versailles.
Lié à l'entourage réformiste du duc d'Orléans et du duc de Bourgogne dont la mort ruinera ses espoirs, Saint-Simon ne jouera que des seconds rôles politiques.
À la mort du Régent, il se retire dans son château de la Ferté-Vidame, où il se consacre à la rédaction de ses Mémoires qui portent sur les années 1694-1723.
Visant à annoncer, au nom des valeurs révolues d'un passé mythique, la fin d'une monarchie absolue livrée à l'hypocrisie, ses Mémoires constituent un précieux témoignage sur la fin du règne de Louis XIV et sur la Régence : saisis par les Affaires étrangères à la mort de l'écrivain, ils ne seront publiés qu'en 1830.
Entièrement pénétré de sa conscience de classe, Saint-Simon met au jour le dessein constant de la monarchie absolue depuis Richelieu : la mise à l'écart de la grande aristocratie. Il rejoint les thèses des germanistes, tels Boulainvilliers et Montesquieu : l'absolutisme détruit l'ordre fondamental et naturel de la société, qui unit le roi et sa noblesse, et, privant la monarchie de son assise, et la liberté de ses garants, laisse face à face le peuple et le monarque. Car ce passéiste se bat aussi pour la liberté, la sienne, celle des ducs et pairs, c'est un ducomane , dira Stendhal, mais aussi, pense-t-il, celle du roi et des sujets. La lucidité et la hargne du mémorialiste à l'égard de la Cour et de son cérémonial ne se comprennent que par cette idéologie et la conscience de sa propre situation. Comme le fera bien plus tard Proust, Saint-Simon lit l'histoire dans les signes sociaux les plus imperceptibles de la mondanité. Le ressentiment, qui fait son génie, donne sa couleur à une immense fresque historique. L'écriture baroque bouscule tous les académismes, se débarrasse des conventions du goût et ne dédaigne pas d'emprunter des mots à un passé plus truculent. L'originalité du style est alors l'image de la solitude de l'homme – c'est là qu'apparaît, dans l'éloignement et la pudeur, un sujet d'autobiographie que cache la discrétion du mémorialiste. Saint-Simon se bat contre la mort qui l'a saisi tout vif avec son monde.
"Tout m'avoit préparé à me survivre à moi-même, et j'avois tâché d'en profiter".
Cette déclaration qui surgit vers la fin des célèbres Mémoires nous autorise à voir l'œuvre de Saint-Simon comme une immense opération de survie. Il s'agit d'abord d'un témoignage historique exceptionnel, qui se propose de dire la vérité – toute la vérité, fût-elle terrible – non sans céder allégrement aux tentations d'un subjectivisme de la pire espèce:" Je ne me pique donc pas d'impartialité, je le ferois vainement" . C'est ensuite et surtout une création littéraire prodigieuse et unique dans les annales de la littérature : la magie d'une écriture verte et indisciplinée l'énergie de mes expressions, même ordinaires, faisoit peur... " mais incroyablement expressive, fait revivre pour le meilleur et pour le pire deux règnes et deux régences siècle de Saint-Simon s'étend de la mort d'Henri IV à celle du Régent d'Orléans, préservant à tout jamais, sans les étouffer, plusieurs milliers de personnages dans un univers pessimiste mais haut en couleur. Des préjugés nobiliaires surannés la ducomanie tendent à communiquer à cet univers une noble ordonnance intemporelle. Que sont les Mémoires de Saint-Simon, sinon la chronique d'un monde condamné à disparaître, autour duquel une écriture où coule la lumière avec l'encre monte désespérément la garde ? Le rapprochement avec l'entreprise donquichottesque n'est permis que dans la mesure où l'on aura compris que celle-ci est plus dramatique que comique.
Fils d'un favori de Louis XIII qui ne fut pas trop délicat dans le choix des moyens de parvenir, le duc de Saint-Simon hérite d'une admiration aveugle pour le roi qui fit Claude de Rouvroy premier duc de Saint-Simon et pair de France. L'Inventaire des titres et papiers du trésor de Claude, duc de Saint-Simon en 1686, redécouvert, permet de mesurer l'ampleur des dignités et des biens qu'amassa le duc Claude. Son premier mariage avec Diane de Budos ne lui valut qu'une fille ; ce vieux titulaire d'un jeune duché se remaria donc en 1672 malgré son âge avancé, il avait soixante-cinq ans, dans la ferme intention de procréer coûte que coûte un deuxième duc de Saint-Simon. Il réussit au bout de trois ans, au milieu des applaudissements et des ricanements de ses contemporains. Le produit presque miraculeux de ces prouesses tardives était à proprement parler le fils d'un duché et se comportera toujours comme tel.
Saint-Simon n'avait que dix-neuf ans lorsqu'il se proposait d'écrire ses Mémoires. Quatre ans plus tard, il adressa à son "patriarche", Rancé, en guise d'échantillon, un extrait substantiel intitulé Relation du procès intenté pour la Préséance, par Mr le Mareschal Duc de Luxembourg. Il lui importait de savoir si le saint abbé de la Trappe approuvait son entreprise, car la question de savoir "s'il est permis d'écrire l'histoire, singulièrement celle de son temps", le préoccupait. Cet échantillon, découvert et publié par H. Himelfarb en 1969, confirme l'existence d'un avant-texte, de "pré-mémoires"si l'on veut. Le feu vert donné par Rancé nous a valu un monument unique, un château de Versailles fabriqué de phrases de feu et bourré de courtisans qui ne cessent de courir et d'intriguer.
L'écriture "à la diable" de Saint-Simon enchante et déconcerte à la fois. Stendhal, Balzac et Proust ont avoué tous trois le choc qu'ils ont ressenti à la lecture des Mémoires. Ce style touffu, sauvage, incroyablement vivant et expressif, où se chevauchent images et pensées, fait tourner la tête. Une société tout entière se matérialise dans un tumulte de phrases indisciplinées qui partent à l'assaut de l'ineffable et de l'innombrable. De son propre aveu, Saint-Simon cherche à "se montrer à soi-même, pied-à-pied, le néant de ce monde", mais ce néant a reçu, du fait de son écriture très concrète, une consistance qui n'était sans doute pas voulue. On voudrait citer par dizaines des exemples de ce langage dont on ne sait s'il faut souligner les archaïsmes ou les néologismes, "de cette syntaxe pour laquelle nous tremblons", comme disait Léon Daudet. En voici un seul, l'évocation cinématographique d'un duel : « Vardes, qui attendoit au coin d'une rue, joint le carrosse de mon père, le frôle, le coupe : coups de fouet de son cocher, riposte de celui de mon père ; têtes aux portières, arrêtent, et pied à terre. Ils mettent l'épée à la main... " Cette écriture nerveuse est très efficace lorsque le mémorialiste entend croquer ses personnages dont le conditionnement physique et moral explique le comportement : crayons rapides comme sans y toucher ou portraits élaborés qui épousent les particularités des corps et le mystère des âmes. Des coups de pinceau d'une précision qui coupe le souffle reconstituent en clair-obscur le paysage historique et la faune humaine qui l'anime.
Se demander par quel bout de la lorgnette et à travers quels filtres colorés Saint-Simon a observé l'histoire, est vain. Les Mémoires font coïncider une intention historique avec des dons littéraires sans doute inconscients ; le résultat est un chef-d'œuvre fulgurant, source à tout jamais de perplexité et d'enchantement.

Jeunesse

Fils unique tard venu de Claude de Rouvroy, duc de Saint-Simon et de sa seconde femme, Charlotte de L'Aubespine, il est né dans la nuit du 15 au 16 janvier 1675.
Cet enfant chétif venu tard et voué à la solitude, le jeune Saint-Simon titré vidame de Chartres grandit dans une ambiance calfeutrée, dominée par un père dont la mémoire sélective avait trié avec soin les fastes de la vieille cour de Louis XIII, et une mère inquiète de l'avenir de ce fils de vieillard, sans alliances avec la cour de Louis XIV.
Il est parrainé par le roi Louis XIV et la reine en la chapelle du château de Versailles. Titré dans sa jeunesse vidame de Chartres, Louis de Rouvroy reçoit de sa mère une éducation austère et soignée, il est notamment élevé dans le culte de la mémoire de Louis le Juste. Il devient à cette époque ami du duc de Chartres, le futur Régent. Un autre personnage qui joue un grand rôle dans sa vie est Rancé, l’abbé de La Trappe, voisin percheron proche de son père, et qui joue pour Saint-Simon le rôle de mentor en matière de religion. Le jeune homme s’intéresse surtout à l’histoire et aime la lecture, en particulier celles de mémoires, qui lui donnent l envie d’écrire aussi, les mémoires de ce qu’il verrait, dans le désir et l’espérance d’être de quelque chose, et de savoir le mieux qu’il pourrait les affaires de son temps.
Un respect pesant des dignités dont il allait bientôt hériter conditionnera à tout jamais son optique d'une société immuable dont les rangs et même les injustices sont voulus par Dieu et donc sacrés. Ses précepteurs lui donnèrent une formation intellectuelle et morale supérieure à celle que recevait habituellement un jeune seigneur. Il se sentait particulièrement attiré par l'histoire et ne manifestait que dédain pour la littérature et les poètes crottés. Il parlera dans ses Mémoires de ce goût qui est comme né avec moi pour l'histoire, et de sa froideur pour les lettres. Une telle disposition physique et intellectuelle le rendait peu apte au métier des armes, le seul qu'un jeune duc pût envisager sans déroger.
Il ne néglige pas pour autant les exercices physiques, équitation et escrime, et manifeste le désir de servir à l’armée.
En 1691, alors qu’il a 16 ans, son père, déjà âgé de 86 ans et qui s'est installé dans un modeste hôtel particulier de Versailles, intrigue à la Cour pour le faire entrer dans les mousquetaires gris : présenté à Louis XIV par l'entremise du chirurgien du roi Maréchal, ami de Claude de Rouvroy, le roi le " trouvant petit et l’air délicat, lui dit que j’étois encore bien jeune", accepte son entrée dans ce service.
Il participe ainsi comme chef de bataillon en 1692 au siège de Namur puis en 1693 à la bataille de Neerwinden. Peu de temps après, Louis XIV lui donne la troisième compagnie de cavalerie du Royal-Roussillon.
Il participa régulièrement aux campagnes louis-quatorziennes en Flandre et en Allemagne, de 1692 à 1701. Froissé de ne pas avoir été nommé brigadier dans l'ordre du tableau de janvier 1702, une invention de Louvois qui fit passer le mérite avant l'ancienneté, et l'ancienneté avant la naissance, il décida de quitter sans brusquer les choses un métier pour lequel il n'était pas fait. Trois mois plus tard, il remit au roi sa démission du service armé pour raisons de santé, et s'établit à la cour.

La majorité

Débuts à la cour

En avril 1693, son père Claude de Rouvroy de Saint-Simon meurt, et il devient duc et pair à dix-huit ans. Peu de temps après, Louis achète le régiment Royal-Carabiniers, et devient mestre de camp. Ses responsabilités militaires passent pourtant au second plan face aux responsabilités de la pairie. Saint-Simon prend son nouveau rang très à cœur, et s’engage rapidement dans un grand procès contre le maréchal-duc de Luxembourg, qui veut faire modifier son rang parmi les pairs. Il s’indigne aussi durang intermédiaire accordé aux bâtards de Louis XIV, le duc du Maine et le comte de Toulouse, qui les fait passer au-dessus des pairs immédiatement sous les princes du sang.
Il commence à écrire ses futurs Mémoires en juillet 1694 mais n'en fait la rédaction continue qu'à partir de 1739.
Il avait compris de bonne heure, dès la mort de son père en 1693, qu'on ne survit à une cour comme celle de Louis XIV qu'à condition d'être "bien appuyé", c'est-à-dire d'être allié par mariage, intérêts ou amitié à un grand nombre de familles influentes. Son mariage en 1695 avec Marie-Gabrielle de Durfort de Lorge, petite-nièce de Turenne et cousine du roi d'Angleterre Guillaume III d'Orange-Nassau, lui valut à la cour des appuis précieux.
Marie-Gabrielle de Durfort de Lorges, fille aînée du maréchal-duc de Lorges qui le commanda pendant les campagnes du Rhin et dont la mère, née Frémont, vient d’une famille roturière, mais fournit une dot importante. Le couple est très uni, et leur mariage, bien qu'arrangé comme le veut l’époque, particulièrement heureux.
Son amitié de longue date avec les ducs de Beauvillier et de Chevreuse, qui avaient épousé chacun une fille de Colbert et qui avaient l'oreille du roi, avec la princesse des Ursins, future Camarera mayor de la reine d'Espagne, et avec les puissants clans ministériels des Phélypeaux-Pontchartrain et des Chamillart consolidait sa position à la cour, cette jungle dorée.
Il put ainsi, malgré sa langue acérée et son intelligence insubordonnée, dissiper les soupçons de Louis XIV qui se méfiait instinctivement des gens trop spirituels qui parlaient trop et se mêlaient de choses qui ne les regardaient pas.
Saint-Simon avait le même âge que le futur Régent ; il sera, malgré les différences qui séparaient les deux hommes, toujours fidèle à son amitié pour le neveu du roi, même lorsque celui-ci sera tombé en disgrâce et qu'on ira jusqu'à l'accuser de haute trahison.

Sa haine viscérale des bâtards de Louis XIV, surtout le duc du Maine, de Mme de Maintenon, des ducs de Noailles et de Vendôme, des maréchaux de Villars et de Villeroi, de l'abbé-cardinal Dubois, de Jérôme Phélypeaux et de tant d'autres complète un paysage affectif complexe qui déterminera profondément l'œuvre immense du mémorialiste.
Il écrira dans ses Additions au Journal de Dangeau en parlant de lui-même à la troisième personne : Le duc de Saint-Simon passoit à la cour une vie extérieurement oisive, effectivement très-occupée. La cour offrait en effet à un esprit curieux et perspicace comme le sien le spectacle d'une comédie humaine d'une incroyable densité et variété. L'observation des ruses, des intrigues et des passions de cette faune humaine le plonge dans un ravissement perpétuel.
"Mes yeux travailloient avec autant d'application que mes oreilles", note-t-il. Chaque disgrâce importante, chaque décès dans la famille royale déséquilibre les factions et redistribue les cartes du pouvoir et des espérances. Observateur à la fois dégoûté et fasciné d'un système permanent de cabales, Saint-Simon s'en fera l'historien, sondant sans vertige les gouffres du mal et arrachant les masques du vice.

Le 8 septembre 1696 naît sa première fille Charlotte. L’enfant est contrefaite, et restera toute sa vie à la charge de ses parents.
Cette naissance est suivie de celles des deux fils de Saint-Simon, Jacques-Louis le 29 mai 1698 et Armand le 12 aoüt 1699.
Ces enfants, encore plus petits que leur père, à tel point que l’on les surnomme les bassets, sont une des grandes peines de Saint-Simon. Il semble que ses fils, aussi peu reluisants intellectuellement que physiquement, n’ont pas même hérité son honnêteté. Saint-Simon, qui en était douloureusement conscient, n’évoque qu’à peine ses enfants dans ses Mémoires, lorsqu'il obtient pour eux le collier de la Toison d'or et la grandesse d'Espagne, et lorsque sa fille devient princesse de Chimay.
En 1697, il mène une expédition en Alsace sous le commandement du maréchal de Choiseul . C’est son dernier séjour aux armées : il supporte de plus en plus mal l’obligation qui lui est faite de passer deux mois par an avec son régiment.
D’ailleurs, le sien est réformé. Il n’est plus que mestre de camp à la suite, sous les ordres d’un simple gentilhomme.
En 1699, préoccupé par l’ampleur que prennent ses Mémoires dont son premier projet avait été condamnés à ce qu’ils soient brûlés à sa mort, il consulte Rancé pour savoir quelle règle adopter. Ce dernier ne l’incite sans doute pas à continuer un journal, mais plutôt à collecter des documents sans donner libre cours à ses émotions sur le papier, signe d’orgueil envers Dieu. Il est alors possible qu’à partir de cette date Saint-Simon constitue des dossiers documentaires, complétés de notes personnelles. Ces dossiers auxquels il ajoute les anecdotes dont il se souvient sont la base des Mémoires rédigés quarante ans après.
En 1702, alors qu’il néglige son régiment pour la vie de Cour, Louis se voit dépassé pour une promotion par des officiers plus récents que lui dans leur grade. Parmi eux, le comte d’Ayen, futur duc de Noailles, qui est, sa vie durant, l’ennemi juré du duc "Le serpent qui tenta Ève, qui renversa Adam par elle, et qui perdit le genre humain, est l’original dont le duc de Noailles est la copie la plus exacte et la plus fidèle", déclare ce dernier dans les Mémoires. Devant ce qu’il considère comme une injustice flagrante, Saint-Simon quitte l’armée prétextant des raisons de santé. Louis XIV lui tient longtemps rigueur de cette défection alors que Saint-Simon devient un courtisan assidu à Versailles.

À Versailles

En 1702, toujours, il obtient un appartement pour lui et sa femme au château de Versailles : c’est l’ancien appartement du maréchal de Lorges, dans l’aile nord. Il l’occupe jusqu’en 1709. Désormais, il est en plein cœur de la société de cour, qu’il observe et consigne avec passion dans ses Mémoires.
En 1706, son nom est proposé pour le poste d'ambassadeur à Rome, en remplacement du cardinal de Janson. Mais au dernier moment, une promotion de cardinaux ayant été faite, Louis XIV décide d’envoyer plutôt le tout nouveau cardinal de La Trémoille.
En 1709, il perd son logement. Pontchartrain lui en prête un autre, situé au 2e étage de l’aile droite des ministres, puis en 1710, Saint-Simon — ou plutôt son épouse, nommée dame d’honneur de la duchesse de Berry — obtient un grand appartement, attribué auparavant à la duchesse Sforza et à la duchesse d'Antin. Le nouvel appartement possède en outre des cuisines, ce qui permet à Saint-Simon de donner fréquemment soupers et dîners, et d’enrichir encore ses Mémoires.
Sa vocation d'historien s'était manifestée très tôt, dès 1694 :

"Ce fut dans le loisir de ce long camp de Gau-Böckelheim que je commençai ces Mémoires, par le plaisir que je pris à la lecture de ceux du maréchal de Bassompierre, qui m'invita à écrire aussi ce que je verrois arriver de mon temps. La vie extérieurement oisive du duc-courtisan était en effet très-occupée : arpenter les corridors du pouvoir, compter les sourires et les sourcils froncés du roi, épier le va-et-vient des ministres, des maîtresses, des confesseurs, des favoris, recueillir les souvenirs des vieux courtisans et écouter au besoin aux portes, honorer de sa présence les temps forts de la liturgie royale, dresser l'oreille au moindre grincement des rouages de la machine dorée de l'administration louis-quatorzienne, veiller avec passion sur les privilèges des ducs, éplucher les généalogies d'un chacun, protester à la moindre entorse au cérémonial de cour, inscrire la nuit dans un cagibi les événements mémorables de la journée, et surtout avoir l'air parfaitement désœuvré et inoffensif, voilà de quoi occuper utilement un homme."

1711 : Une mort qui délivre

En 1711, Monseigneur, fils de Louis XIV, meurt. Saint-Simon était partisan et ami de son fils, le duc de Bourgogne, désormais premier dans la ligne de succession. L'annonce de la mort du Grand Dauphin et le spectacle de son palais de Meudon, la nuit de sa mort, donnent une page célèbre des Mémoires. L'attitude psychologique de Saint-Simon, en cette occasion, est remarquablement profonde :
" Mon premier mouvement fut de m'informer à plus d'une fois, de ne croire qu'à peine au spectacle et aux paroles, ensuite de craindre trop peu de cause pour tant d'alarme, enfin de retour sur moi-même par la considération de la misère commune à tous les hommes, et que moi-même je me trouverais un jour aux portes de la mort. La joie, néanmoins, perçait à travers les réflexions momentanées de religion et d'humanité par lesquelles j'essayais de me rappeler; ma délivrance particulière me semblait si grande et si inespérée, qu'il me semblait, avec une évidence encore plus parfaite que la vérité, que l'État gagnait tout en une telle perte. Parmi ces pensées, je sentais malgré moi un reste de crainte que le malade en réchappât, et j'en avais une extrême honte."

1712 : Une mort qui brise tout espoir

Le soutien public apporté par Saint-Simon envers le duc de Bourgogne l'avait mis jusqu'alors dans une situation difficile. Saint-Simon espère désormais accéder au pouvoir par son intermédiaire. Il accumule les projets de gouvernement, rédige de nombreux mémoires à l'intention du nouveau Dauphin. Il obtient de lui des audiences privées, où ils abordent tous les sujets. Si l'on en croit Saint-Simon, le futur roi approuve ses vues en tout.
Saint-Simon rêve d’une monarchie moins absolue, mais sans pour autant se faire le chantre de l’égalitarisme : il veut redonner à la noblesse, strictement hiérarchisée, un rôle politique majeur voire hégémonique. Ses écrits, signés ou non, se diffusent à la cour, et il y devient une sorte de personnage.
La réflexion politique de Saint-Simon est fondée sur le rôle qu’il accorde au groupe des pairs de France auquel il appartient. Pour lui, ce groupe, expression la plus haute de la noblesse et donc de la société française, a le rôle et la fonction naturelle de conseiller du roi. Le système ministériel, ébauché dès le règne de Henri IV mais mis en place avec force sous Louis XIV, est chargé de tous les maux, puisque substituant au gouvernement de conseil du roi et de ses nobles, d’ailleurs largement fantasmé par Saint-Simon, un gouvernement d’exécution où le roi décide seul et fait exécuter ses ordres par des ministres et secrétaires d’État, gens de peu, roturiers ou de fraîche noblesse.
Mais en 1712, le duc de Bourgogne meurt à son tour, en même temps que son épouse et leur fils aîné. Saint-Simon est brisé. À ce point des Mémoires, l'émotion lui fait seulement écrire :
"Ces Mémoires ne sont pas fait pour y rendre compte de mes sentiments : en les lisant, on ne les sentira que trop, si jamais, longtemps après moi, ils paraissent."
Son désespoir lui inspire cependant un mouvement de révolte envers le Roi, dont le règne " pour soi tout seul " dure depuis si longtemps.
Il se lance dans l’écriture d'une lettre anonyme d'une hauteur de vues si vertigineuse, et d'une puissance d'expression si forte et ininterrompue que la lecture en est édifiante. Il n'est pas certain que Louis XIV l'ait lu, mais la situation de Saint-Simon à Versailles devient précaire lui-même parle de son " peu de sécurité à la cour".
Il n'intègre pas cette lettre dans les Mémoires.
Parallèlement, il continue à se quereller pour des questions de préséances et enrage contre les bâtards, le duc du Maine au premier chef, qui est admis dans la ligne de succession après l’édit de 1714 comprenant les bâtards parmi les fils légitimés de France.

La Régence

Le conseil de régence et l'ambassade d'Espagne

En septembre 1715, Louis XIV s’éteint. La mort de Louis XIV modifia profondément l'existence de Saint-Simon. Ses préjugés nobiliaires, ou ce qu'il est convenu d'appeler son "fanatisme ducal" l'avaient fait rêver tout au long du Grand Règne des pairs de France qui partageaient avec saint Louis les responsabilités du pouvoir. Il est vrai qu'en 1706 le roi pensa un moment à lui pour l'ambassade de Rome, mais le projet n'eut pas de suite.
Le duc d’Orléans, ami d’enfance de Saint-Simon, devient régent. Pour Saint-Simon, c’est le moment de tenter d'imposer ses théories politiques. Membre du conseil de Régence, il est au sommet de l'État, et à l’origine du système de la polysynodie instituant, à la place des ministères, des conseils où domine l’aristocratie. À ses yeux, ce rôle est le seul digne d’un pair de France, conseiller né du roi mais non fonctionnaire, même de haut vol. Ainsi il refuse la présidence du conseil des Finances, qu’il confie même à un de ses ennemis jurés, le duc de Noailles.

Son intimité avec le duc de Beauvillier, gouverneur du duc de Bourgogne, fils aîné du Grand Dauphin, lui avait valu la confiance et l'estime du jeune prince, et il se voyait déjà, les poches bourrées de projets de gouvernement, appelé au ministère par ce nouveau saint Louis. Le rêve avait duré dix mois, de la mort du Dauphin à celle du duc de Bourgogne, avril 1711-février 1712. L'hécatombe des princes royaux, la disparition de Louis XIV et les cinq ans de son arrière-petit-fils et successeur Louis XV firent tomber la régence entre les mains du duc d'Orléans.
Il est difficile de s'imaginer deux hommes plus dissemblables que Saint-Simon et le Régent, mais l'amitié fidèle de ce dernier lui permit enfin de jouer un rôle politique réel. Mais la réalité du pouvoir le déçut et son influence au Conseil de la Régence diminuait rapidement.
En revanche, il obtient et accepte les honneurs les plus prestigieux de la cour : le justaucorps à brevet et les grandes entrées chez le roi. Il se fait également attribuer une croix de Saint-Louis, normalement réservée aux militaires, étape indispensable pour obtenir le cordon de l'ordre du Saint-Esprit. L’honnêteté de Saint-Simon l’empêche cependant de profiter de ce passage au pouvoir pour résoudre sa difficile situation financière.
Il répare son orgueil brisé en participant à l’éviction des bâtards de l'ordre de succession. Il fait retirer au duc du Maine la charge de l'éducation du roi, et le réduit au-dessous du rang de princes du sang qu'il avait acquis, lors du lit de justice du 26 août 1718.
Peu apte aux manœuvres politiques, il est de plus en plus supplanté par le cardinal Dubois, ancien précepteur du Régent et futur premier ministre. Philippe d’Orléans lui conserve son amitié et lui prête même en 1719 le château de Meudon, honneur considérable, suivi de plusieurs propositions de postes que Saint-Simon refuse sous des prétextes divers.
Une ambassade extraordinaire en Espagne en octobre 1721-avril 1722 lui apporta l'occasion de visiter en grande pompe la cour de Philippe V, non sans compromettre sa situation financière déjà précaire. Il part donc en Espagne, pays qu’il admire beaucoup, dans le but de marier Louis XV à une infante d’Espagne, mais cet épisode doré qui le voit revenir grand d’Espagne est son chant du cygne : quand il en rentre en 1722, Dubois est nommé premier ministre.
La mort du Régent en décembre 1723 mit fin à la vie publique de Saint-Simon.et lui fait perdre tout accès au pouvoir et, en le privant de son dernier ami, l’éloigne définitivement de la Cour. Fleury, bientôt cardinal, et le duc de Bourbon, le nouveau Premier ministre, lui firent poliment comprendre que sa présence à la cour n'était désormais plus indispensable.

La retraite

Saint-Simon se retire alors dans son château de La Ferté-Vidame, où il mène une vie de gentilhomme campagnard, véritablement soucieux des conditions de vie de ses paysans, et tentant de moderniser leurs techniques. Il se fait même maître de forges. Il se consacre également à la rédaction de traités historico-généalogiques. Il lit le Journal de Dangeau et, à partir de 1739, il rassemble ses notes et s’attelle à la rédaction proprement dite de ses Mémoires dans lesquels il évoque pas moins de 7 854 personnages.
En 1749, alors qu'il vit entre son château de La Ferté-Vidame et son hôtel n°218 boulevard Saint-Germain à Paris, il achève leur rédaction, les faisant s’arrêter en 1723, à la mort du Régent. Il reçoit encore des visiteurs importants, dont le philosophe Montesquieu, qui trouve la conversation de l'ancien duc et pair enchanteresse.
La mort de son épouse probablement de la grippe, en 1743, lui fait interrompre pendant six mois la rédaction de ses Mémoires. Il fait redécorer son appartement en son honneur, son cabinet de travail tendu de noir, son lit de gris, couleur de cendres. Par testament, il ordonnera que leurs deux cercueils soient scellés dans le caveau familial. Les morts successives de ses fils, Jacques-Louis en 1746, et Armand en 1754 le désolent encore, le laissant désemparé, sans descendance. Il écrit encore rédige des mémoires politiques et tient une correspondance admirable avec les membres du gouvernement et de la Cour. Epuisé, il meurt en 1755.

Les Mémoires, l’œuvre d’une vie, un océan d'écriture.

Saint-Simon alla bouder à Paris et dans son château percheron de La Ferté-Vidame. Il écrira plus tard dans le Préambule des Nottes sur les duchés-pairies : "Un grand loisir qui tout à coup succède à des occupations continuelles de tous les divers temps de la vie, forme un grand vuide qui n'est pas aisé ny à suporter ny à remplir."

C'est de cette horreur du "vuide" et de ce "goût qui est comme né avec moi pour l' histoire " qu'est née l'œuvre océanique du duc de Saint-Simon, témoin de son époque et historien de ce qui mérite d'être sauvé de l'oubli. D'impressionnantes lectures historiques ont préparé et nourri ses réflexions d'historien-moraliste. Nous connaissons, grâce à un catalogue de vente imprimé en 1755, la composition de sa bibliothèque riche de plus de 6 200 volumes. Les historiens et les mémorialistes constituent la section la plus importante de la bibliothèque ducale. L'étude des dates d'impression permet de conclure que Saint-Simon commença à acheter massivement de l'histoire à partir de 1723.
Pendant la trentaine d'années qui lui restent à vivre, plusieurs dizaines de milliers de pages sortiront de sa plume surchauffée. Faisant figure de survivant attardé d'un autre âge, il fera revivre, sous le règne de Louis XV dont il boude la cour, les règnes de Louis XIII et de Louis XIV dans un langage dont l'intensité et la puissance évocatrice sont restées inégalées.

L'œuvre immense de Saint-Simon fut publiée tard, du fait d'un ordre de Louis XV contresigné par Choiseul décrétant le transfert au dépôt des Affaires étrangères des " manuscrits trouvés chez M. le duc de Saint-Simon lors de son décès, en l'état où ils sont" décembre 1760. D'une forêt de collections généalogiques, de projets de gouvernement, de mélanges diplomatiques, émergent quatre textes majeurs : les Nottes sur les duchés-pairies, le Parallèle des trois premiers rois Bourbons, les Additions au Journal de Dangeau, et, bien entendu, les Mémoires.

"Les Nottes sur les duchés-pairies" furent probablement compilées entre 1730 et 1733. On dirait que Saint-Simon, avant de se livrer à la rédaction de ses œuvres majeures, a d'abord éprouvé le besoin d'amasser et de classer ses matériaux dans des travaux préliminaires, dont les Nottes sont le plus monumental. Les deux mille pages de cette histoire systématique de toutes les pairies et de tous les duchés éteints ou encore en activité vers 1730 ont de quoi déconcerter le lecteur moderne, mais elles ont permis au futur mémorialiste de se faire la main. L'écriture éclatante des Mémoires rayonne déjà dans les pages les plus réussies, les promesses du futur s'inscrivent en filigrane dans cette œuvre-fichier touffue à laquelle le duc aura constamment recours par la suite.

Le Parallèle des trois premiers rois Bourbons, achevé en mai 1746, a interrompu la rédaction des Mémoires. Ce texte de quatre cents pages propose un parallèle plutarquien des rois Henri IV, Louis XIII et Louis XIV. Quoi de plus exaltant pour le duc, si pénétré de la "juste reconnoissance" que les Saint-Simon devaient à "leur roi", que de faire ressortir par la vertu du contraste les vertus de ce grand oublié, replacé entre son père et son fils ? D'une composition plus rigoureuse que les autres œuvres saint-simonistes, le Parallèle compare systématiquement la vie et les mœurs des trois monarques.
En principe, il appartient au lecteur de juger, mais la "juste préférence" de l'auteur pour Louis XIII qui domine la triade royale ne fait pas de doute.
Les Additions au Journal de Dangeau peuvent être considérées comme le point de départ des Mémoires.

Le duc de Luynes, petit-fils du marquis de Dangeau, entra en 1729 en possession du fameux Journal de son grand-père et le communiqua à Saint-Simon. Celui-ci employa plusieurs copistes à faire une copie des trente-sept volumes in-folio du Journal en avril 1684-août 1720.
Dans cette copie une page sur deux restait blanche, prête à recevoir les annotations et corrections du duc qui n'appréciait guère la "fadeur à faire vomir "du marquis". Ainsi sont nées entre 1729 et 1738 les Additions au Journal de Dangeau.
On a compté 1 711 additions, suscitées par une phrase ou un mot de Dangeau ; elles représentent près de 1 200 pages de texte. Dans l'édition Soulié-Feuillet de Conches, chaque addition est imprimée à la suite du texte de Dangeau auquel elle se réfère. C'est la seule manière de faire ressortir la symbiose étroite entre les deux textes. Les éditions Boislisle et Coirault des Mémoires découpent à tort les Additions en tranches, les réduisant ainsi à une sorte de première mouture de la grande œuvre.
Le Journal servira d'aide-mémoire à Saint-Simon lorsque celui-ci entreprendra, sitôt après l'achèvement des Additions, la rédaction des Mémoires.
Ces Mémoires, qui embrassent la période 1691-1723, furent écrits entre 1739 et 1750. Trente-trois années, la seconde moitié du règne de Louis XIV et la régence du duc d'Orléans, revivent dans une somptueuse fresque de 8 000 pages où s'agitent 7 850 personnages.
Transféré avec tous les écrits de Saint-Simon aux Affaires étrangères, le manuscrit des Mémoires fut rendu en 1819-1828 au général-marquis de Saint-Simon.

Premières éditions

Œuvre majeure de Saint-Simon, les Mémoires ont longtemps attendu leur publication. Embastillés pendant soixante ans, ils ne furent pas le fait des héritiers directs, obérés par la succession.
Tous ses manuscrits, lettres, notes, Mémoires, en tout 162 portefeuilles en veau écaille, aux armes du Duc sont confiés par testament olographe à son cousin l'évêque de Metz puis en juillet 1755, suite aux difficultés de la liquidation de sa succession, après les procès de nombreux créanciers, placés en dépôt chez le notaire séquestre parisien Maître Delaleu jusqu'au 26 décembre 1760, date à laquelle ces manuscrits sont remis, par ordre du roi, à un commis aux Affaires Étrangères pour être transférés aux Archives de son ministère. Le secrétaire d’État à la Guerre le duc de Choiseul a en effet négocié avec la maréchale de Montmorency, sœur de l'évêque de Metz et héritière du fonds, la remise de ces archives pour leur valeur diplomatique, Saint-Simon fut ambassadeur en Espagne mais aussi littéraire.
Le duc de Choiseul fait lever une première copie des Mémoires à Chanteloup. Une première édition tronquée en est réalisée par l'éditeur Jean-Louis Giraud-Soulavie en 1788. Le petit-neveu du petit duc, le général et marquis de Saint-Simon, réclame au roi Louis XVIII en 1819 la "grâce d'un prisonnier de la Bastille "c'est-à-dire les écrits de son grand oncle, en obtient onze portefeuilles, correspondant aux 172 cahiers des 2854 pages manuscrites des Mémoires et commence le grand travail de publication : la première édition authentique a lieu chez Auguste Sautelet en 1829, la première grande édition des œuvres complètes est celle d'Adolphe Chéruel, à partir de 1858, suivie par celle de Boislisle, de 1879 à 1930. Ces éditions établissent la gloire de Saint-Simon, détrônant le cardinal de Retz au panthéon des mémorialistes, et le consacrant comme source historique majeure pour le règne de Louis XIV.
Le manuscrit autographe des Mémoires est vendu en 1860 par ce même général Saint-Simon à l'imprimeur Lahure qui le cède à la librairie Hachette, cette dernière en fait le don à la Bibliothèque Nationale en 1926.

La maison Hachette l'acquit et l'offrit en 1927, à l'occasion de son centenaire, à la Bibliothèque nationale. Quelques volumes d'extraits furent publiés à la fin du XVIIIe siècle. Dès 1829 paraissait une édition à peu près complète. C'est dans cette édition princeps, dite du marquis, que Stendhal, Michelet et Sainte-Beuve pratiquaient Saint-Simon. Deux éditions données par l'infatigable maison Hachette procurèrent d'abord un texte plus sûr, Chéruel, 1856-1858, 22 vol., et l'enrichirent ensuite d'un monumental apparat critique et historique.

Un modèle dans l'histoire des lettres

Mieux encore, Saint-Simon gagne le titre de véritable écrivain. Les admirateurs de sa prose sont nombreux parmi les auteurs francophones : c’est l’un des rares mémorialistes à être lu pour son style. Pourtant, Saint-Simon lui-même avoue : "Je ne me pique pas de bien écrire."
D’un point de vue académique, il dit vrai. Sa grammaire n’est pas toujours rigoureuse, et son vocabulaire est archaïque, figé à la première partie du règne de Louis XIV.
Cela même fait l’originalité du style de Saint-Simon : il ne se surveille pas. Chez lui la phrase se bouscule parfois, hachée et fiévreuse, toute en ellipses, ou bien elle semble, comme chez Proust, vouloir embrasser tous les aspects d’une question, et ne s’éteindre que lorsque le sujet a été épuisé. Saint-Simon supprime jusqu'au verbe, accumulant les notations rapides, comme prises sur le vif. Ainsi décrit-il le tsar Pierre le Grand lors de sa visite à Paris en 1717 :
" Ce monarque se fit admirer par son extrême curiosité, toujours tendante à ses vues de gouvernement, de commerce, d'instruction, de police, et cette curiosité atteignit à tout et ne dédaigna rien, dont les moindres traits avaient une utilité suivie, marquée, savante, qui n'estima que ce qui méritait l'être, en qui brilla l'intelligence, la justesse, la vive appréhension de son esprit. Tout montrait en lui la vaste étendue de ses lumières et quelque chose de continuellement conséquent. Il allia d'une manière tout à fait surprenante la majesté la plus haute, la plus fière, la plus délicate, la plus soutenue, en même temps la moins embarrassante quand il l'avait établie dans toute sa sûreté, avec une politesse qui la sentait, et toujours, et avec tous, et en maître partout, mais avait ses degrés suivant les personnes. Il avait une sorte de familiarité qui venait de liberté ; mais il n'était pas exempt d'une forte empreinte de cette ancienne barbarie de son pays qui rendait toutes ses manières promptes, même précipitées, ses volontés incertaines, sans vouloir être contraint ni contredit sur pas une ; sa table, souvent peu décente, beaucoup moins ce qui la suivait, souvent aussi avec un découvert d'audace, et d'un roi partout chez soi.
— Saint-Simon, Mémoires
C’est aussi un bon conteur, narrant avec clarté et minutie des histoires souvent embrouillées, sachant ménager ses effets et son suspense, transformant une anecdote mineure en véritable comédie. Enfin, Saint-Simon se distingue par la fougue de son discours. Il a l’indignation facile, l’insulte retorse et la plume formidablement aiguisée. Bien peu trouvent grâce à ses yeux. Saint-Simon détecte en chaque homme de la cour le fou qu'il refuse de voir en lui, explique à ce propos Claude Arnaud, dans un dossier du Magazine Littéraire consacré à Saint-Simon. Il offre ainsi au lecteur un panorama parfois injuste, mais souvent réjouissant, de la cour de Louis XIV.
L’œuvre n’est pas homogène. À des passages d’anthologie, portrait des personnalités disparues, révocation de l'édit de Nantes, veillée funèbre de Louis XIV s’opposent des tunnels auxquels le lecteur moderne est moins sensible : ainsi rédige-t-il de longues dissertations sur la hiérarchie relative des grands du royaume. Saint-Simon n’écrit en effet pas seulement pour raconter son époque, mais aussi pour promouvoir ses idées politiques. Les historiens considèrent en effet que, souvent, il exagère l'importance de son propre rôle dans les affaires politiques des années 1710-1723. Son œuvre elle-même ne fournit pas toujours ses sources. Saint-Simon puise abondamment dans le Journal de Dangeau pour les anecdotes de la cour, mais ne l'évoque guère que pour le critiquer lorsqu'il y trouve des erreurs. Il se fonde aussi sur le journal de Torcy pour les événements internationaux.

Postérité littéraire de Saint-Simon

De grands écrivains français sont profondément influencés par l’œuvre de Saint-Simon, dont Balzac, Stendhal et Proust.
Stendhal a pu connaître les Mémoires par les publications d’extraits réalisées entre 1781 et 1819, avant que les héritiers ne rentrent en possession des manuscrits à cette date et n’autorisent une première publication en 1829, complète mais très perfectible. Fasciné par les Mémoires, il leur emprunte de nombreux procédés littéraires " modernes " qu’utilise le duc en dépit de sa réputation d’archaïsme, en particulier la description subjective, qui consiste à décrire une scène uniquement à travers les détails qu’en perçoit un personnage. Dans La Chartreuse de Parme de Stendhal, les descriptions des intrigues de cour et les portraits de nombreux personnages secondaires sont ouvertement inspirés de Saint-Simon, qui est d’ailleurs cité parfois sans retouches.
Marcel Proust a été un admirateur fervent du mémorialiste, dont il a d’ailleurs fait un long et savoureux pastiche dans "Pastiches et mélanges en 1919".
L’évocation dans "À la recherche du temps perdu" des salons aristocratiques du début du XXe siècle doit autant aux souvenirs mondains de Proust lui-même qu’aux scènes de la cour de Louis XIV qu’il avait lues dans Saint-Simon, très souvent cité dans le roman, notamment lors des passages où apparaît le personnage haut en couleurs du baron de Charlus. Proust a aussi cherché à recréer dans ces passages une certaine manière de parler que Saint-Simon appelait, mais sans donner d’exemples, l’" esprit Mortemart" , du nom d’une grande famille noble à laquelle appartenait la marquise de Montespan :
"... une éloquence naturelle, une justesse d’expression, une singularité dans le choix des termes qui coulait de source et qui surprenait toujours, avec ce tour particulier à Mme de Montespan et à ses sœurs, et qui n’a passé qu’aux personnes de sa familiarité ou qu’elle avait élevées. caractère de Mme la duchesse d’Orléans". Proust chercha à illustrer cet esprit à travers son personnage de la duchesse de Guermantes, sans d’ailleurs être pleinement satisfait du résultat. Mais de manière plus profonde, Proust a été fasciné par la réussite du projet littéraire de Saint-Simon, qui ressuscite par l’écriture un monde disparu depuis trente ans : comme le duc-mémorialiste, le narrateur de la Recherche comprend sur le tard que les déceptions de la vie et la certitude de la mort peuvent être transcendées par la littérature.
Un prix littéraire Saint-Simon a été créé. Il fut fondé à l'occasion du tricentenaire de la naissance du duc de Saint Simon -1675-1755 sous les auspices de la Ville de La Ferté-Vidame, résidence d'élection de l'écrivain, du Conseil Général d'Eure et Loir et de l'Association des Amis de La Ferté-Vidame, avec la participation initiale de la Société Saint-Simon.

Aspects historiques, L’histoire selon Saint-Simon

C’est un dessein historique que poursuit Saint-Simon. Il s’en justifie dans un avant-propos qui n’est pas sans rappeler la préface de l'"Ab Urbe condita de Tite-Live". Il commence par rappeler que l’histoire est "étude recommandée", pratiquée par les saints et, mieux encore, par le Saint-Esprit.
Insistant sur le fait que la pertinence de lire et d’écrire l’histoire quand on est chrétien, Saint-Simon s’oppose vigoureusement à l’obscurantisme : il n’y a pas lieu de taire les défauts et les vices de ses prédécesseurs au nom de la charité.
"Ne mettons point le salut que le Rédempteur nous a acquis au prix indigne de l’abrutissement absolu."
Il conclut que l’histoire, loin d’être contraire à la charité, peut la servir.
Saint-Simon définit ensuite ce que doit être l’histoire, non pas la simple énumération des événements, mais aussi "leurs origines, leurs causes, leurs suites et leurs liaisons des uns aux autres ".
Et pour lui, cela ne peut se faire sans raconter aussi l’histoire des acteurs, leur personnalité, ce qui les meut, leurs relations entre eux. Enfin, qui peut mieux dépeindre l’histoire, sinon quelqu’un qui l’a lui-même vécue ?
« Écrire l’histoire de son pays et de son temps, c’est repasser dans son esprit avec beaucoup de réflexion tout ce qu’on a vu, manié, ou su d’original sans reproche, qui s’est passé sur le théâtre du monde, les diverses machines, souvent les riens apparents, qui ont mû les ressorts des événements qui ont eu le plus de suite et qui en ont enfanté d’autres.
— Saint-Simon, Préambule aux Mémoires, S'il est permis d'écrire l'histoire .

Tout cela montre, selon Saint-Simon, la vanité des existences et le néant des ambitions. L’histoire remplit donc un but moral, mieux que les livres de morale eux-mêmes, car l’histoire marque plus le lecteur :
"Ce sont des avis et des conseils que reçoivent les lecteurs de chaque coup de pinceau à l’égard des personnages, et de chaque événement par le récit des occasions et des mouvements qui l’ont produit."
Enfin, l’histoire parlant généralement de gens morts, elle peut se permettre d’être vraie tout en ne choquant personne.

Citations dans les extraits des Mémoires de Saint-Simon

Caractère du prince de Conti :
"Cet homme si aimable, si charmant, si délicieux, n’aimait rien. Il avait et voulait des amis comme on veut et qu’on a des meubles."
Portrait de la princesse d’Harcourt :
"Elle avait été fort belle et galante ; quoiqu’elle ne fût pas vieille, les grâces et la beauté s’étaient tournées en gratte-cul. C’était alors une grande et grosse créature fort allante, couleur de soupe au lait, avec de grosses et vilaines lippes et des cheveux en filasse toujours sortants et traînants comme tout son habillement sale, malpropre ; toujours intriguant, prétendant, entreprenant ; toujours querellant, et toujours basse comme l’herbe, ou sur l’arc-en-ciel, selon ceux à qui elle avait affaire. C’était une furie blonde, et de plus une harpie : elle en avait l’effronterie, la méchanceté, la fourbe, la violence ; elle en avait l’avarice et l’avidité ; elle en avait encore la gourmandise et la promptitude à s’en soulager, et mettait au désespoir ceux chez qui elle allait dîner parce qu’elle ne se faisait faute de ses commodités au sortir de table, qu’assez souvent elle n’avait pas loisir de gagner, et salissait le chemin d’une effroyable traînée, qui l’ont maintes fois fait donner au diable par les gens de Mme du Maine et de Monsieur le Grand.

Caractère de Louis XIV :

"Ce fut un prince à qui on ne peut refuser beaucoup de bon, même de grand, en qui on ne peut méconnaître plus de petit et de mauvais, duquel il n’est pas possible de discerner ce qui était de lui ou emprunté, et dans l’un et dans l’autre rien de plus rare que des écrivains qui en aient été bien informés, rien de plus difficile à rencontrer que des gens qui l’aient connu par eux-mêmes et par expérience, et capables d’en écrire, en même temps assez maîtres d’eux-mêmes pour en parler sans haine ou sans flatterie, de n’en rien dire que dicté par la vérité nue en bien et en mal."
Crayon de la cour de Versailles, à l’annonce du rang donné aux enfants du duc du Maine, bâtard du Roi :
"Pour tout le reste du monde c’était une cour anéantie, accoutumée à toute sorte de joug, et à se surpasser les uns les autres en flatteries et en bassesses."
Projets de gouvernements pour le duc de Bourgogne :
"J’en étais si rempli, qu’il y avait des années que je les avais jetés sur le papier, plutôt pour mon soulagement et pour me prouver à moi-même leur utilité et leur possibilité, que dans l’espérance qu’il en pût jamais rien réussir.
Un exemple de phrase sans verbe – la douleur du Roi à la mort de son fils :
"Pour le Roi, jamais homme si tendre aux larmes, si difficile à s'affliger, ni si promptement rétabli en sa situation parfaitement naturelle."
Un exemple de style bref – échange avec le duc de Beauvillier :
"Ce propos vrai et solide effraya étrangement le duc de Beauvillier : il me dit tout ce qu’il put ; moi, de me taire. Nous nous séparâmes de la sorte."

Textes divers

Saint-Simon accuse - le tiers état présenté au Roi 1712 :
"Le tiers état, infiniment relevé dans quelques particuliers qui ont fait leur fortune par le ministère ou par d'autres voies, est tombé en général dans le même néant que les deux premiers corps la noblesse et le clergé. Les divers tribunaux qui ont souvent paru avec quelque éclat dans les temps fâcheux, ne nourrissent plus de ces magistrats dignes de l'ancienne Rome par leur doctrine et par leur intégrité, de ces colonnes de l'État par leurs grandes actions, par leur application constante, par leur savoir profond, par leur génie. Ceux d'aujourd'hui, accoutumés aux mœurs présentes, contents de savoir juger les procès, s'en acquittent comme ils peuvent, entraînés souvent par le torrent des jeunes gens et des gens nouveaux qui emportent la pluralité des voix. La discipline, l'étude, la gravité, ne sont plus des talents d'usage ; et il n'est que trop vrai de dire que, les riches uniquement appliqués à conserver leur bien, et les pauvres à en acquérir ou à vivre, la magistrature est généralement tombée dans le même abîme qui enfouit le clergé et la noblesse. Pour ce qui est du reste du tiers état, sièges subalternes, corps de ville bourgeois, la misère, la mécanique, la grossièreté les a tous ensevelis sans éducation et sans étude que celle de vivre au jour la journée avec un pénible travail ; de là on peut inférer ce que sont les artisans et les paysans de la campagne.
L'esprit languissant de vide 1737 – vers les Mémoires... et la recherche du temps perdu :
"Un grand loisir qui tout à coup succède à des occupations continuelles de tous les divers temps de la vie, forme un grand vide qui n'est pas aisé ni à supporter ni à remplir. Dans cet état l'ennui irrite et l'application dégoûte. Les amusements, on les dédaigne. Cet état ne peut être durable ; à la fin on cherche malgré soi à en sortir. Ce qui rappelle le moins tout ce qu'on a quitté et qui mêle quelque application légère à de l'amusement, c'est ce qui convient le mieux. De médiocres recherches de dates et de faits pris par éclaircissement dans les livres, d'autres sortes de faits qu'on a vus ou qu'on a sus d'original sont de ce genre, quand ces autres faits qu'on trouve en soi-même ont quelque pointe, quelque singularité, quelque concordance fugitive et qui peut mériter d'être sauvée de l'oubli. L'esprit y voltige quelque temps sans pouvoir se poser encore, jusqu'à ce que le besoin de se nourrir de quelque chose, contracté par une si longue habitude, devienne supérieur au dégoût général ; et que, par l'affaiblissement des premiers objets à mesure qu'ils s'éloignent, il saisisse au hasard la première chose qui se présente à lui. Un malade repousse bien des plats sans vouloir y goûter, et plusieurs autres encore dont il n'a fait que tâter et encore avec peine. L'esprit, languissant de vide, effleure ainsi bien des objets qui se présentent, avant que d'essayer d'accrocher son ennui sur pas un."

Aspects littéraires

Regards sur ses contemporains

On aurait fort étonné le duc de Saint-Simon en lui déclarant qu'il était surtout un écrivain. Cependant, il n'a pas manqué de rencontrer quelques personnalités éminentes de la littérature française, et les Mémoires nous offrent d'intéressants portraits de la plupart d'entre eux.
Madame de Sévigné – dont le duc de Saint-Simon était fort des amis du jeune marquis de Grignan, son petit-fils :
"Cette femme, par son aisance, ses grâces naturelles, la douceur de son esprit, en donnait par sa conversation à qui n'en avaient pas, extrêmement bonne d'ailleurs, et savait extrêmement de toutes sortes de choses sans vouloir jamais paraître savoir rien."

Boileau regretté de Saint-Simon :

"En ce même temps 1711 mourut Boileau-Despréaux si connu par son esprit, ses ouvrages, et surtout par ses satires. Il se peut dire que c'est en ce dernier genre qu'il a excellé quoique ce fût un des meilleurs hommes du monde. Il avait été chargé d'écrire l'histoire du Roi : il ne se trouva pas qu'il y eût presque travaillé."

Racine – sa funeste distraction :
"Malheureusement pour lui, il était sujet à des distractions fort grandes. Il arriva qu'un soir qu'il était entre le Roi et Mme de Maintenon, chez elle, la conversation tomba sur les théâtres de Paris. Après avoir épuisé l'opéra, on tomba sur la comédie. Le Roi s'informa des pièces et des acteurs, et demanda à Racine pourquoi, à ce qu'il entendait dire, la comédie était si fort tombée de ce qu'il l'avait vue autrefois. Racine lui en donna plusieurs raisons, et conclut par celle qui, à son avis, y avait le plus de part, qui était que, faute d'auteurs et de bonnes pièces nouvelles, les comédiens en donnaient d'anciennes, et, entre autres, ces pièces de Scarron qui ne valaient rien et qui rebutaient tout le monde. À ce mot la pauvre veuve rougit -Paul Scarron- était le mari de Madame de Maintenon, non pas de la réputation du cul-de-jatte attaquée, mais d'entendre prononcer son nom, et devant le successeur. Le Roi s'embarrassa ; le silence qui se fit tout d'un coup réveilla le malheureux Racine, qui sentit le puits dans lequel sa funeste distraction le venait de précipiter. Il demeura le plus confondu des trois, sans plus oser lever les yeux ni ouvrir la bouche. Ce silence ne laissa pas de durer plus que quelques moments, tant la surprise fut dure et profonde. La fin fut que le Roi renvoya Racine, disant qu'il allait travailler."

Regards sur Saint-Simon

Madame du Deffand - première connaissance, partielle, des Mémoires 1770:
" Nous faisons une lecture l'après dîner, des Mémoires de M. de Saint-Simon, où il est impossible de ne pas vous regretter ; vous auriez des plaisirs indicibles... quoique le style soit abominable, les portraits mal faits, l'auteur n'étant point un homme d'esprit..."

Chateaubriand :
"Saint-Simon écrivait à la diable pour l'immortalité."
Stendhal :
" Mon seul plaisir était Shakespeare et les Mémoires de Saint-Simon, alors en sept volumes, que j'achetai plus tard en douze volumes, avec les caractères de Baskerville, passion qui a duré comme celle des épinards au physique…"
Michelet :
"Contre un Dangeau et autres, on se défend sans peine. Mais qu'il est difficile de marcher droit quand on a près de soi le maître impérieux qui vous tire à droite et à gauche, qui donne tout ensemble à l'histoire le secours et l'obstacle, son guide, son tyran, Saint-Simon... J'en sais le fort, le faible. S'il a écrit longtemps après, c'est sur des notes qu'il faisait le jour même. Il veut être vrai, il veut être juste. Et souvent, par un noble effort, il l'est contre sa passion.

Armoiries

Maison de Rouvroy de Saint Simon.
Blason de la Maison de Saint Simon
Description héraldique : Écartelé: aux 1 et 4, échiqueté d'or et d'azur, au chef d'azur, chargé de trois fleurs de lys d'or qui est Vermandois Saint Simon ; aux 2 et 3, de sable à la croix d'argent, chargé de cinq coquilles de gueules qui est Rouvroy.

Éditions

Mémoires. De nombreuses éditions existent. Celle de Boislisle, en 43 volumes parus de 1879 à 1930, est l’édition de référence des historiens. Celle d’Yves Coirault, en 8 volumes parus à partir de 1983 collection La Pléiade, Gallimard est la plus pratique et la plus utile à l’amateur. La première édition intégrale conforme au manuscrit original, l’édition Chéruel de 1856, est disponible ici en texte intégral cherchable. L'édition Carrefour du Net est la version papier la plus économique du texte intégral et est disponible ici.
Traités politiques et autres écrits, Gallimard, Pléiade, 1996. Papiers épars de Saint-Simon sur divers sujets, le plus souvent des questions de cérémonial ou de généalogie.
Les Siècles et les jours. Lettres, 1693-1754 et Note "Saint-Simon" des Duchés-pairies, etc. Textes établis, réunis et commentés par Yves Coirault. Préface d’Emmanuel Le Roy Ladurie, membre de l’Institut. Éditions Honoré Champion
Hiérarchie et mutations : Écrits sur le kaléidoscope social. Textes établis, réunis et commentés par Yves Coirault. Éditions Honoré Champion,

Hommages

Une rue de Saint-Simon, dans le VIIe arrondissement de Paris a été baptisée ainsi en hommage au duc.
Une statue du duc de Saint-Simon est présente dans la cour du Louvre et une autre se trouve sur la façade de l'Hôtel de ville de Paris
En 1955, la République française lui rend hommage par un timbre postal à son effigie à l'occasion du bicentenaire de sa mort. En 1975, c'est au tour de Monaco d'éditer un timbre à l'effigie du duc, commémorant cette fois le tricentenaire de sa naissance.


Extrait des mémoires de St Simon -> cliquez http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=4773#forumpost4773

Liens :

http://youtu.be/Q75EK00aJfo Le système de la cour
http://youtu.be/Ft30R7nK60w lecture de St Simon

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Posté le : 01/03/2014 13:36
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Extrait des mémoires de St Simon
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Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Restauré saisi en mode texte français actuel. Chapitre 1
Année 1691. Où et comment ces Mémoires commencés. — Ma première liaison avec M. le duc de Chartres. — Maupertuis, capitaine des mousquetaires gris ; sa fortune et son caractère. — Année 1692. Ma première campagne, mousquetaire gris. — Siège de Namur par le roi en personne. — Reddition de Namur. — Solitude de Marlaigne. — Poudre cachée par les jésuites. — Bataille navale de la Hogue. — Danger de badiner avec des armes. — Coetquen et sa mort.
Je suis né la nuit du 15 au 16 janvier 1675, de Claude, duc de Saint-Simon, pair de France, et de sa seconde femme Charlotte de L'Aubépine, unique de ce lit. De Diane de Budos, première femme de mon père, il avait eu une seule fille et point de garçon. Il l'avait mariée au duc de Brissac, pair de France, frère unique de la duchesse de Villeroy. Elle était morte en 1684, sans enfants, depuis longtemps séparée d'un mari qui ne la méritait pas, et par son testament m'avait fait son légataire universel.
Je portais le nom de vidame de Chartres, et je fus élevé avec un grand soin et une grande application. Ma mère, qui avait beaucoup de vertu et infiniment d'esprit de suite et de sens, se donna des soins continuels à me former le corps et l'esprit. Elle craignit pour moi le sort des jeunes gens qui se croient leur fortune faite et qui se trouvent leurs maîtres de bonne heure. Mon père, né en 1606, ne pouvait vivre assez pour me parer ce malheur, et ma mère me répétait sans cesse la nécessité pressante où se trouverait de valoir, quelque chose un jeune homme entrant seul dans le monde, de son chef, fils d'un favori de Louis XIII, dont tous les amis étaient morts ou hors d'état de l'aider, et d'une mère qui, dès sa jeunesse, élevée chez la vieille duchesse d'Angoulême, sa parente, grand'mère maternelle du duc de Guise, et mariée à un vieillard, n'avait jamais vu que leurs vieux amis et amies, et n'avait pu s'en faire de son âge. Elle ajoutait le défaut de tous proches, oncles, tantes, cousins germains, qui me laissaient comme dans l'abandon à moi-même, et augmentait le besoin de savoir en faire un bon usage, sans secours et sans appui; ses deux frères obscurs, et l'aîné ruiné et plaideur de sa famille, et le seul frère de mon père sans enfants et son aîné de huit ans.
En même temps, elle s'appliquait à m'élever le courage, et à m'exciter de me rendre tel que je pusse réparer par moi-même des vides aussi difficiles à surmonter. Elle réussit à m'en donner un grand désir. Mon goût pour l'étude et les sciences ne le seconda pas, mais celui qui est comme né avec moi pour la lecture et pour l'histoire, et conséquemment de faire et de devenir quelque chose par l'émulation et les exemples que j'y trouvais, suppléa à cette froideur pour les lettres; et j'ai toujours pensé que si on m'avait fait moins perdre de temps à celles-ci, et qu'on m'eût fait faire une étude sérieuse de celle-là, j'aurais pu y devenir quelque chose.
Cette lecture de l'histoire et surtout des Mémoires particuliers de la nôtre, des derniers temps depuis François Ier, que je faisais de moi-même, me firent naître l'envie d'écrire aussi ceux de ce que je verrais, dans le désir et dans l'espérance d'être de quelque chose et de savoir le mieux que je pourrais les affaires de mon temps. Les inconvénients ne laissèrent pas de se présenter à mon esprit; mais la résolution bien ferme d'en garder le secret à moi tout seul me lut remédier à tout. Je les commençai donc en juillet 1694, étant mestre de camp [5] d'un régiment de cavalerie de mon nom, dans le camp de Guinsheim sur le Vieux-Rhin, en l'armée commandée par le maréchal-duc de Lorges.
En 1691, j'étais en philosophie et commençais à monter à cheval à l'académie des sieurs de Mémon et Rochefort, et je commençais aussi à m'ennuyer beaucoup des maîtres et de l'étude, et à désirer fort d'entrer dans le service. Le siège de Mons, formé par le roi en personne, à la première pointe du printemps, y avait attiré presque tous les jeunes gens de mon âge pour leur première campagne; et ce qui me piquait le plus, M. le duc de Chartres y faisait la sienne. J'avais été comme élevé avec lui, plus jeune que lui de huit mois, et si l'âge permet cette expression entre jeunes gens si inégaux, l'amitié nous unissait ensemble. Je pris donc ma résolution de me tirer de l'enfance, et je supprime les ruses dont je ne servis pour y réussir. Je m'adressai à ma mère; je reconnus bientôt qu'elle m'amusait. J'eus recours à mon père à qui je fis accroire que le roi, ayant fait un grand siège cette année, se reposerait la prochaine. Je trompai ma mère qui ne découvrit ce que j'avais tramé que sur le point de l'exécution, et que j'avais monté mon père à ne se laisser point entamer.
Le roi s'était roidi à n'excepter aucun de ceux qui entraient dans le service, excepté les seuls princes du sang et ses bâtards, de la nécessité de passer une année dans une de ses deux compagnies des mousquetaires, à leur choix, et de là, à apprendre plus ou moins longtemps à obéir, ou à la tête d'une compagnie de cavalerie, ou subalterne dans son régiment d'infanterie qu'il distinguait et affectionnait sur tous autres, avant de donner l'agrément d'acheter un régiment de cavalerie ou d'infanterie, suivant que chacun s'y était destiné. Mon père me mena donc à Versailles où il n'avait encore pu aller depuis son retour de Blaye, où il avait pensé mourir. Ma mère l'y était allée trouver en poste et l'avait ramené encore fort mal, en sorte qu'il avait été jusqu'alors sans avoir pu voir le roi. En lui faisant sa révérence, il me présenta pour être mousquetaire, le jour de Saint-Simon Saint-Jude, à midi et demi, comme il sortait du conseil.
Sa Majesté lui fit l'honneur de l'embrasser par trois fois, et comme il fut question de moi, le roi, me trouvant petit et l'air délicat, lui dit que j'étais encore bien jeune, sur quoi mon père répondit que je l'en servirais plus longtemps. Là-dessus, le roi lui demanda en laquelle des deux compagnies il voulait me mettre, et mon père choisit la première, à cause de Maupertuis, son ami particulier, qui en était capitaine. Outre le soin qu'il s'en promettait pour moi, il n'ignorait pas l'attention avec laquelle le roi s'informait à ces deux capitaines des jeunes gens distingués qui étaient dans leurs compagnies, surtout à Maupertuis, et combien leurs témoignages influaient sur les premières opinions que le roi en prenait, et dont les conséquences avaient tant de suites. Mon père ne se trompa pas, et j'ai eu lieu d'attribuer aux bons offices de Maupertuis la première bonne opinion que le roi prit de moi.
Ce Maupertuis se disait de la maison de Melun et le disait de bonne foi; car il était la vérité et l'honneur et la probité même, et c'est ce qui lui avait acquis la confiance du roi. Cependant il n'était rien moins que Melun, ni reconnu par aucun de cette grande maison. Il était arrivé par les degrés, de maréchal des logis des mousquetaires jusqu'à les commander en chef et à devenir officier général; son équité, sa bonté, sa valeur lui en avaient acquis l'estime. Les vétilles, les pointilles de toute espèce d'exactitude et de précision, et une vivacité qui d'un rien faisait un crime, et de la meilleure foi du monde, l'y faisaient moins aimer. C'était par là qu'il avait su plaire au roi qui lui avait souvent donné des emplois de confiance. Il fut chargé, à la dernière disgrâce de M. de Lauzun, de le conduire à Pignerol, et, bien des années après, de l'en ramener à Bourbon deux fois de suite, lorsque l'intérêt de sa liberté et celui de M. du Maine y joignirent Mme de Montespan et cet illustre malheureux, qui y céda les dons immenses de Mademoiselle à M. du Maine pour changer seulement sa prison en exil. L'exactitude de Maupertuis dans tous ces divers temps qu'il fut sous sa garde le mit tellement au désespoir qu'il ne l'a oublié de sa vie. C'était d'ailleurs un très homme de bien, poli, modeste et respectueux.
Trois mois après que je fus mousquetaire, c'est-à-dire en mars de l'année suivante, le roi fut à Compiègne faire la revue de sa maison et de la gendarmerie, et je montai une fois la garde chez le roi. Ce petit voyage donna lieu de parler d'un plus grand. Ma joie en fut extrême; mais mon père, qui n'y avait pas compté, se repentit bien de m'avoir cru et me le fit sentir. Ma mère, après un peu de dépit et de bouderie de m'être ainsi enrôlé par mon père malgré elle, ne laissa pas de lui faire entendre raison et de me faire un équipage de trente-cinq chevaux ou mulets, et de quoi vivre honorablement chez moi soir et matin. Ce ne fut pas sans un fâcheux contretemps, précisément arrivé vingt jours avant mon départ. Un nommé Tessé, intendant de mon père, qui demeurait chez lui depuis plusieurs années, disparut tout à coup et lui emporta cinquante mille livres qui se trouvèrent dues à tous les marchands dont il avait produit de fausses quittances dans ses comptes. C'était un petit homme, doux, affable, entendu, qui avait montré du bien, qui avait des amis, avocat au parlement de Paris, et avocat du roi au bureau des finances de Poitiers.
Le roi partit le 10 mai 1692 avec les dames, et je fis le voyage à cheval avec la troupe et tout le service comme les autres mousquetaires pendant les mois qu'il dura. J'y fus accompagné de deux gentilshommes: l'un, ancien de la maison, avait été mon gouverneur, et d'un autre qui était écuyer de ma mère. L'armée du roi se forma ail camp de Gevry. Celle de M. de Luxembourg l'y joignait presque. Les dames étaient à Mons, à deux lieues de là. Le roi les fit venir en son camp où il les régala, puis leur fit voir la plus superbe revue qui ait peut-être jamais été faite, de ces deux armées rangées sur deux lignes, la droite de M. de Luxembourg touchant la gauche du roi et tenant trois lieues d'étendue.
Après dix jours de séjour à Gevry, les deux armées se séparèrent et marchèrent. Deux jours après le siège de Namur fut déclaré, où le roi arriva en cinq jours de marche. Monseigneur , Monsieur , M. le Prince et le maréchal d'Humières, tous quatre, l'un sous l'autre par degrés, commandaient l'armée sous le roi, et M. de Luxembourg, seul général de la sienne, couvrait le siège et faisait l'observation. Les dames étaient cependant allées à Dinant. Au troisième jour de marche, M. le Prince fut détaché pour aller investir la ville de Namur. Le célèbre Vauban, l'âme de tous les sièges que le roi a faits, emporta que la ville serait attaquée séparément du château contre le baron de Bressé, qui voulait qu'on fît le siège de tous les deux à là fois, et c'était lui qui avait fortifié la place. Un fort mécontentement lui avait fait quitter depuis peu le service d'Espagne, non sans laisser quelques nuages sur sa réputation de s'être aussitôt jeté en celui de France. Il s'était distingué par sa valeur et sa capacité; il était excellent ingénieur et très bon officier général. Il eut, en entrant au service du roi le grade de lieutenant général et un grand traitement pécuniaire. C'était un homme de basse mine, modeste, réservé, dont la physionomie ne promettait rien, mais qui acquit bientôt la confiance du roi et toute l'estime militaire.
M. le Prince, le maréchal d'Humières et le marquis de Boufflers eurent chacun une attaque. Il n'y eut rien de grande remarque pendant les dix jours que ce siège dura. Le onzième de tranchée ouverte, la chamade fut battue, et la capitulation telle, à peu près, que les assiégés la désirèrent. Ils se retirèrent au château, et il fut convenir de part et d'autre qu'il ne serait point attaqué par la ville, et que la ville serait en pleine sûreté du château qui ne tirerait pas un seul coup dessus. Pendant ce siège, le roi fut toujours campé, et le temps fut très chaud et d'une sérénité constante depuis le départ de Paris. On n'y perdit personne de remarque que Cramaillon, jeune ingénieur de grande espérance, et d'ailleurs bon officier, que Vauban regretta fort. Le comte de Toulouse reçut une légère contusion au bras tout proche du roi, qui, d'un lieu éminent et pourtant assez éloigné, voyait attaquer en plein jour une demi-lune qui fut emportée par un détachement des plus anciens des deux compagnies de mousquetaires.
Jonvelle, gentilhomme, mais d'ailleurs soldat de fortune, d'honneur et de valeur, mourut de maladie pendant ce siège. Il était lieutenant général et capitaine de la deuxième compagnie des mousquetaires; il avait plus de quatre-vingts ans, et fut fort regretté du roi et de sa compagnie. Toutes les deux se joignirent pour lui rendre les derniers devoirs militaires. Sa compagnie fut à l'instant donnée à M. de Vins qui la commandait sous lui, beau-frère de M. de Pomponne, et qui, maréchal de camp en l'armée d'Italie, commandait lors un gros corps pour couvrir la Provence, où il servit très utilement, et fut l'année suivante lieutenant général.
L'armée changea de camp pour le siège du château. En arrivant chacun dans le lieu qui lui était marqué, le régiment d'infanterie du roi trouva son terrain occupé par un petit corps des ennemis qui s'y retranchaient, d'où il résulta à l'instant un petit combat particulier assez rude. M. de Soubise, lieutenant général de jour, y courut et s'y distingua. Le régiment du roi acquit beaucoup d'honneur avec peu de perte, et les ennemis furent bientôt chassés. Le roi en fut très aise par son affection pour ce régiment qu'il a toujours particulièrement tenu pour sien entre toutes ses troupes.
Ses tentes et celles de toute la cour furent dressées dans un beau pré à cinq cents pas du monastère de Marlaigne. Le beau temps se tourna en pluies, de l'abondance et de la continuité desquelles personne de l'armée n'avait vu d'exemple, et qui donnèrent une grande réputation à saint Médard, dont la fête est au 8 juin. Il plut tout ce jour-là à verse, et on prétend que le temps qu'il fait ce jour-là dure quarante jours de suite. Le hasard fit que cela arriva cette année. Les soldats, au désespoir de ce déluge, firent des imprécations contre ce saint, en recherchèrent des images et les rompirent et brûlèrent tant qu'ils en trouvèrent. Ces pluies devinrent une plaie pour le siège. Les tentes du roi n'étaient communicables que par des chaussées de fascines qu'il fallait renouveler tous les jours, à mesure qu'elles s'enfonçaient; les camps et les quartiers n'étaient pas plus accessibles; les tranchées pleines d'eau et de boue, il fallait souvent trois jours pour remuer le canon d'une batterie à une autre. Les chariots devinrent inutiles, en sorte que les transports des bombes, boulets, etc., ne purent se faire qu'à dos de mulets et de chevaux tirés de tous les équipages de l'armée et de la cour, sans le secours desquels il aurait été impossible. Ce même inconvénient des chemins priva l'armée de M. de Luxembourg de l'usage des voitures. Elle périssait faute de grains, et cet extrême inconvénient ne put trouver de remède que par l'ordre que le roi donna à sa maison de prendre tous les jours par détachement des sacs de grains en croupe, et de les porter en un village où ils étaient reçus et comptés par des officiers de l'armée de M. de Luxembourg. Quoique la maison du roi n'eût presque aucun repos pendant ce siège pour porter les fascines, fournir les diverses gardes et les autres services journaliers, ce surcroît lui fut donné, parce que la cavalerie servait continuellement aussi, et en était aux feuilles d'arbres presque pour tout fourrage.
Cette considération ne satisfit point la maison du roi, accoutumée à toutes sortes de distinction. Elle se plaignit avec amertume. Le roi se roidit et voulut être obéi. Il fallut donc le faire. Le premier jour, le détachement des gens d'armes et des chevau-légers de la garde, arrivé de grand matin au dépôt des sacs, se mit à murmurer et, s'échauffant de propos les uns les autres, vinrent jusqu'à jeter les sacs et à refuser tout net d'en porter. Crenay, dans la brigade duquel j'étais, m'avait demandé poliment si je voulais bien être du détachement pour les sacs, sinon qu'il me commanderait pour quelque autre; j'acceptai les sacs, parce que je sentis que cela ferait ma cour par tout le bruit qui s'était déjà fait là-dessus. En effet j'arrivai avec le détachement des mousquetaires au moment du refus des troupes rouges, et je chargeai mon sac à leur vue. Marin, brigadier de cavalerie et lieutenant des gardes du corps, qui était là pour faire charger les sacs par ordre, m'aperçut en même temps, et, plein de colère du refus qu'il venait d'essuyer, s'écria, me touchant en me montrant et me nommant: « que puisque je ne trouvais pas ce service au-dessous de moi, les gens d'armes et les chevau-légers ne seraient ni déshonorés ni gâtés de m'imiter. » Ce propos, joint à l'air sévère de Marin, fit un effet si prompt qu'à l'instant ce fut sans un mot de réplique à qui de ces troupes rouges se chargerait le plus tôt de sacs. Et oncques depuis il n'y eut plus là-dessus la plus légère difficulté. Marin vit partir le détachement chargé, et alla aussitôt rendre compte au roi de ce qui s'y était passé et de l'effet de mon exemple. Ce fut un service qui m'attira plusieurs discours obligeants du roi, qui chercha toujours pendait e reste du siège à me dire quelque chose avec bonté toutes es fois qu'il me voyait, ce dont je fus d'autant plus obligé à Marin que je ne le connaissais en façon du monde.
Le vingt-septième jour de tranchée ouverte, qui était le mardi 1er juillet 1692, le prince de Barbançon, gouverneur de la place, battit la chamade, et certes il était temps pour les assiégeants à bout de fatigues et de moyens par l'excès du mauvais temps qui ne cessait point, et qui avait rendu tout fondrière. Jusqu'aux chevaux du roi vivaient de feuilles, et aucun de cette nombreuse cavalerie de troupes et d'équipages ne s'en est jamais bien remis. Il est certain que sans la présence du roi dont la vigilance était l'âme du siège, et qui, sans l'exiger, faisait faire l'impossible (tant le désir de lui plaire et de se distinguer était extrême), on n'en serait jamais venu à bout; et encore demeura-t-il fort incertain de ce qui en serait arrivé si la place eût encore tenu dix jours, comme il n'y eut pas deux avis qu'elle le pouvait. Les fatigues de corps et d'esprit que le roi essuya en ce siège lui causèrent la plus douloureuse goutte qu'il eût encore ressentie, mais qui de son lit ne l'empêcha pas de pourvoir à tout, et de tenir pour le dedans et le dehors ses conseils comme à Versailles, ainsi qu'il avait fait pendant tout le siège.
M. d'Elboeuf, lieutenant général, et M. le Duc, maréchal de camp, étaient de tranchée lors de la chamade, M. d'Elboeuf mena les otages au roi, qui eut bientôt réglé une capitulation honorable. Le jour que la garnison sortit, le plus pluvieux qu'il eût fait encore, le roi, accompagné de Monseigneur et de Monsieur, fut à mi-chemin de l'armée de M. de Luxembourg, où ce général vint recevoir ses ordres pour le reste de la campagne. Le prince d'Orange avait mis toute sa science et ses ruses pour le déposter pendant le siège sur lequel il brûlait de tomber; mais il eut affaire à un homme qui lui avait déjà montré qu'en matière de guerre il en savait plus que lui, et qui continua à le lui montrer le reste de sa vie.
Pendant cette légère course du roi, le prince de Barbançon sortit par la brèche à la tête de sa garnison qui était encore de deux mille hommes, qui défila devant M. le Prince et le maréchal d'Humières, entre deux haies des régiments des gardes françaises et suisses et du régiment d'infanterie du roi. Barbançon fit un assez mauvais compliment à M. le Prince, et parut au désespoir de la perte de son gouvernement. Il en était aussi grand bailli, et il en tirait cent mille livres de rente. Il ne les regretta pas longtemps, et il fut tué l'été d'après à la bataille de Neerwinden.
La place, une des plus fortes des Pays-Bas, avait la gloire de n'avoir jamais changé de maître. Aussi eut-elle grand regret au sien, et les habitants ne pouvaient contenir leurs larmes. Jusqu'aux solitaires de Marlaigne en furent profondément touchés, jusque-là qu'ils ne purent déguiser leur douleur, encore que le roi, touché de la perte de leur blé qu'ils avaient retiré dans Namur, leur en eût fait donner le double et de plus une abondante aumône. Ses égards à ne les point troubler furent pareils. Ils ne logèrent que le cardinal de Bouillon, le comte de Grammont, le P. de La Chaise, confesseur du roi, et son frère, capitaine de la porte; et le roi ne permit le passage du canon à travers leur parc qu'à la dernière extrémité, et quand il ne fut plus possible de le pouvoir conduire par ailleurs. Malgré tant de bontés, ils ne pouvaient regarder un Français après la prise de la place, et un d'eux refusa une bouteille de bière à un huissier de l'antichambre du roi, qui se renomma de sa charge et qui offrit inutilement de l'échanger contre une de vin de Champagne.
Marlaigne est un monastère sur une petite et agréable éminence, dans une belle forêt tout environnée de haute futaie, avec un grand parc, fondé par les archiducs Albert et Isabelle pour une solitude de carmes déchaussés, telle que ces religieux en ont dans chacune de leurs provinces, où ceux de leur ordre se retirent de temps en temps, pour un an ou deux et jamais plus de trois, par permission de leurs supérieurs. Ils y vivent en perpétuel silence dans des cellules plus pauvres, mais telles à peu près que celles des chartreux, mais en commun pour le réfectoire qui est très frugal, dans un jeûne presque continuel, assidus à l'office, et partageant d'ailleurs leur temps entre le travail des mains et la contemplation. Ils ont quatre chambrettes, un petit jardin et une petite chapelle chacun, avec la plus grande abondance des plus belles et des meilleures eaux de source que j'aie jamais bues, dans leur maison, autour et dans leur parc, et la plupart jaillissantes. Ce parc est tout haut et bas avec beaucoup de futaies et clos de murs. Il est extrêmement vaste. Là dedans sont répandues huit ou dix maisonnettes loin l'une de l'autre, partagées comme celles du cloître, avec un jardin un peu plus grand et une petite cuisine. Dans chacune habite, un mois, et rarement plus, un religieux de la maison qui s'y retire par permission du supérieur qui seul le visite de fois à autre. La vie y est plus austère que dans la maison et dans une séparation entière. Ils viennent tous à l'office le dimanche, emportent leur provision du couvent, préparent seuls leur manger durant la semaine, ne sortent jamais de leur petite demeure, y disent leur messe qu'ils sonnent et que le voisin qui entend la cloche vient répondre, et s'en retournent sans se dire un mot. La prière, la contemplation, le travail de leur petit ménage, et à faire des paniers, partagent leur temps, à l'imitation des anciennes laures .
Il arriva une chose à Namur, après sa prise, qui fit du bruit, et qui aurait pu avoir de fâcheuses suites avec un autre prince que le roi. Avant qu'il entrât dans la ville, où pendant le siège du château il n'aurait pas été convenable qu'il eût été, on visita tout avec exactitude, quoique par la capitulation les mines, les magasins, et tout en un mot eût été montré. Lorsque, dans une dernière visite après la prise du château, on la voulut faire chez les jésuites, ils ouvrirent tout, en marquant toutefois leur surprise, et quelque chose de plus, de ce qu'on ne s'en fiait pas à leur témoignage. Mais en fouillant partout où ils ne s'attendaient pas, on trouva leurs souterrains pleins de poudre dont ils s'étaient bien gardés de parler: ce qu'ils en prétendaient faire est demeuré incertain. On enleva leur poudre, et, comme c'étaient des jésuites, il n'en fut rien.
Le roi essuya, pendant le cours de ce siège, un cruel tire-lesse. Il avait en mer une armée navale commandée par le célèbre Tourville, vice-amiral; et les Anglais une autre jointe aux Hollandais, presque du double supérieure. Elles étaient dans la planche, et le roi d'Angleterre sur les côtes de Normandie, prêt à passer en Angleterre suivant le succès. Il compta si parfaitement sur ses intelligences avec la plupart des chefs Anglais, qu'il persuada au roi de faire donner bataille, qu'il ne crut pouvoir être douteuse par la défection certaine de plus de la moitié des vaisseaux Anglais pendant le combat. Tourville, si renommé par sa valeur et sa capacité, représenta par deux courriers au roi l'extrême danger de se fier aux intelligences du roi d'Angleterre, si souvent trompées, la prodigieuse supériorité des ennemis, et le défaut des ports et de tout lieu de retraite si la victoire demeurait aux Anglais, qui brûleraient sa flotte et perdraient le reste de la marine du roi. Ses représentations furent inutiles, il eut ordre de combattre, fort ou faible, où que ce fût. Il obéit, il fit des prodiges que ses seconds et ses subalternes imitèrent, mais pas un vaisseau ennemi ne mollit et ne tourna. Tourville fut accablé du nombre, et quoiqu'il sauvât plus de navires qu'on ne pouvait espérer, tous presque furent perdus ou brûlés après le combat dans la Hogue. Le roi d'Angleterre, de dessus le bord de la mer, voyait le combat, et il fut accusé d'avoir laissé échapper de la partialité en faveur de sa nation, quoique aucun d'elle ne lui eût tenu les paroles sur lesquelles il avait emporté de faire donner le combat.
Pontchartrain était lors secrétaire d'État, ayant le département de la marine, ministre d'État, et en même temps contrôleur général des finances. Ce dernier emploi l'avait fait demeurer à Paris, et il adressait ses courriers et ses lettres pour le roi à Châteauneuf son cousin, Phélypeaux comme lui et aussi secrétaire d'État, qui en rendait compte au roi. Pontchartrain dépêcha un courrier avec la triste nouvelle, mais tenue en ces premiers moments dans le dernier secret. Un courrier de retour à Barbezieux, secrétaire d'État ayant le département de la guerre, l'allait de hasard retrouver en ce même moment devant Namur. Il joignit bientôt celui de Pontchartrain, moins bon courrier et moins bien servi sur la route. Ils lièrent conversation, et celui de terre fit tout ce qu'il put pour tirer des nouvelles de celui de la mer. Pour en venir à bout il courut quelques heures avec lui. Ce dernier, fatigué de tant de questions, et se doutant bien qu'il en serait gagné de vitesse, lui dit enfin qu'il contenterait sa curiosité, s'il lui voulait donner parole d'aller de conserve, et de ne le point devancer, parce qu'il avait un grand intérêt de porter le premier une si bonne nouvelle; et tout de suite, lui dit que Tourville a battu la flotte ennemie, et lui raconte je ne sais combien de vaisseaux pris ou coulés à fond. L'autre, ravi d'avoir su tirer ce secret, redouble de questions pour se mettre bien au fait du détail qu'il voulait se bien mettre dans la tête; et dès la première poste donne des deux, s'échappe et arrive le premier, d'autant plus aisément que l'autre avait peu de hâte et lui voulait donner le loisir de triompher.
Le premier courrier arrive, raconte son aventure à Barbezieux qui sur-le-champ le mène au roi. Voilà une grande joie, mais une grande surprise de la recevoir ainsi de traverse. Le roi envoie chercher Châteauneuf, qui dit n'avoir ni lettres ni courrier, et qui ne sait ce que cela veut dire. Quatre ou cinq heures après arrive l'autre courrier chez Châteauneuf, qui s'empresse de lui demander des nouvelles de la victoire qu'il apporte; l'autre lui dit modestement d'ouvrir ses lettres; il les ouvre et trouve la défaite. L'embarras fut de l'aller apprendre au roi, qui manda Barbezieux et lui lava la tête. Ce contraste l'affligea fort, et la cour parut consternée. Toutefois le roi sut se posséder, et je vis, pour la première fois, que les cours ne sont pas longtemps dans l'affliction ni occupées de tristesse.
Le gouvernement de Namur et son comté fut donné à Guiscard. Il était maréchal de camp, mais fort oublié et fort attaché à ses plaisirs. Il avait le gouvernement de Sedan qu'il conserva, et qu'il avait eu de La Bourlie, son père, sous-gouverneur du roi, et il était encore gouverneur de Dinant qui lui fut aussi laissé. La surprise du choix fut grande, ainsi que la douleur de ceux de Namur, accoutumés à n'avoir pour gouverneurs que les plus grands seigneurs des Pays-Bas. Guiscard eut le bon esprit de réparer ce qui lui manquait par tant d'affabilité et de magnificence, par une si grande aisance dans toute la régularité du service d'un gouvernement si jaloux, qu'il se gagna pour toujours le coeur et la confiance de tout son gouvernement et des troupes qui s'y succédèrent à ses ordres.
Deux jours après la sortie de la garnison ennemie, le roi s'en alla à Dinant où étaient les dames, avec qui il retourna à Versailles. J'avais espéré que Monseigneur achèverait la campagne, et être du détachement des mousquetaires qui demeurerait avec lui; et ce ne fut pas sans regret que je repris avec toute la compagnie le chemin de Paris. Une des couchées de la cour fut à Marienbourg, et les mousquetaires campèrent autour. J'avais lié une amitié intime avec le comte de Coetquen qui était dans la même compagnie. Il savait infiniment et agréablement, et avait beaucoup d'esprit et de douceur, qui rendait son commerce très aimable. Avec cela assez particulier et encore plus paresseux, extrêmement riche par sa mère, qui était une fille de Saint-Malo, et point de père. Ce soir-là de Marienbourg, il nous devait donner à souper à plusieurs. J'allai de bonne heure à sa tente où je le trouvai sur son lit, d'où je le chassai en folâtrant, et me couchai dessus en sa place, en présence de plusieurs de nous autres et de quelques officiers. Coetquen en badinant prit son fusil qu'il comptait déchargé, et me couche en joue. Mais la surprise fut grande lorsqu'on entendit le coup partir. Heureusement pour moi, j'étais, en ce moment, couché tout à plat. Trois balles passèrent à trois doigts par-dessus ma tête, et comme le fusil était en joue un peu en montant, ces mêmes balles passèrent sur la tête, mais fort près, à nos deux gouverneurs qui se promenaient derrière la tente. Coetquen se trouva mal du malheur qu'il avait pensé causer; nous eûmes toutes les peines du monde à le remettre, et il n'en put bien revenir de plusieurs jours. Je rapporte ceci pour une leçon qui doit apprendre à ne badiner jamais avec les armes.
Le pauvre garçon, pour achever de suite ce qui le regarde, ne survécut pas longtemps. Il entra bientôt dans le régiment du roi, et sur le point de l'aller joindre au printemps suivant, il me vint conter qu'il s'était fait dire sa bonne aventure par une femme nommée la du Perchoir, qui en faisait secrètement métier à Paris; qu'elle lui avait dit qu'il serait noyé et bientôt. Je le grondai d'une curiosité si dangereuse et si folle, et je me flattai de l'ignorance de ces sortes de personnes, et que celle-là en avait jugé de la sorte sur la physionomie effectivement triste et sinistre de mon ami, qui était très désagréablement laid. Il partit peu de jours après et trouva un autre homme de ce métier à Amiens, qui lui fit la même prédiction; et, en marchant avec le régiment du roi pour joindre l'armée, il voulut abreuver son cheval dans l'Escaut et s'y noya, en présence de tout le régiment, sans avoir pu être secouru. J'y eus un extrême regret, et ce fut pour ses amis et pour sa famille une perte irréparable. Il n'avait que deux soeurs, dont l'une épousa le fils aîné de M. de Montchevreuil et l'autre s'était faite religieuse au Calvaire.
Les mousquetaires m'ont entraîné trop loin : avant de continuer, il faut rétrograder et n'oublier pas deux mariages faits à la cour au commencement de cette année, le premier prodigieux, le 18 février; l'autre, un mois après.

CHAPITRE II 1962

Mariage de M. le duc de Chartres. — Cause de la préséance des princes lorrains sur les ducs à la promotion de 1688. — Premiers commencements de l'abbé Dubois, depuis cardinal et premier ministre. — Appartement. — Fortune de Villars père. — Maréchale de Rochefort. — Comte et comtesse de Mailly. — Marquis d'Arcy, et comte de Fontaine-Martel et sa femme.
Le roi, occupé de l'établissement de ses bâtards, qu'il agrandissait de jour en jour, avait marié deux de ses filles à deux princes du sang. Mme la princesse de Conti, seule fille du roi et de Mme de La Vallière, était veuve sans enfants; l'autre, fille aînée du roi et de Mme de Montespan, avait épousé M. le Duc . Il y avait longtemps que Mme de Maintenon, encore plus que le roi, ne songeait qu'à les élever de plus en plus; et que tous deux voulaient marier Mlle de Blois, seconde fille du roi et de Mme de Montespan, à M. le duc de Chartres. C'était le propre et l'unique neveu du roi, et fort au-dessus des princes du sang par son rang de petit-fils de France et par la cour que tenait Monsieur. Le mariage des deux princes du sang, dont je viens de parler, avait scandalisé tout le monde. Le roi ne l'ignorait pas, et il jugeait par là de l'effet d'un mariage sans proportion plus éclatant. Il y avait déjà quatre ans qu'il le roulait dans son esprit, et qu'il en avait pris les premières mesures. Elles étaient d'autant plus difficiles que Monsieur était infiniment attaché à tout ce qui était de sa grandeur, et que Madame était d'une nation qui abhorrait la bâtardise et les mésalliances, et d'un caractère à n'oser se promettre de lui faire jamais goûter ce mariage.
Pour vaincre tant d'obstacles, le roi s'adressa à M. le Grand , qui était de tout temps dans sa familiarité, pour gagner le chevalier de Lorraine, son frère, qui de tout temps aussi gouvernait Monsieur. Sa figure avait été charmante. Le goût de Monsieur n'était pas celui des femmes, et il ne s'en cachait même pas; ce même goût lui avait donné le chevalier de Lorraine pour maître, et il le demeura toute sa vie. Les deux frères ne demandèrent pas mieux que de faire leur cour au roi par un endroit si sensible, et d'en profiter pour eux-mêmes en habiles gens. Cette ouverture se faisait dans l'été 1688. Il ne restait pas au plus une douzaine de chevaliers de l'ordre; chacun voyait que la promotion ne se pouvait plus guère reculer. Les deux frères demandèrent d'en être, et d'y précéder les ducs. Le roi, qui pour cette prétention n'avait encore donné l'ordre à aucun Lorrain, eut peine à s'y résoudre; mais les deux frères surent tenir ferme; ils l'emportèrent, et le chevalier de Lorraine, ainsi payé d'avance, répondit du consentement de Monsieur au mariage, et des moyens d'y faire venir Madame et M. le duc de Chartres.
Ce jeune prince avait été mis entre les mains de Saint-Laurent au sortir de celles des femmes. Saint-Laurent était un homme de peu, sous-introducteur des ambassadeurs chez Monsieur et de basse mine, mais, pour tout dire en un mot, l'homme de son siècle le plus propre à élever un prince et à former un grand roi. Sa bassesse l'empêcha d'avoir un titre pour cette éducation; son extrême mérite l'en fit laisser seul maître; et quand la bienséance exigea que le prince eût un gouverneur, ce gouverneur ne le fut qu'en apparence, et Saint-Laurent toujours dans la même confiance et dans la même autorité.
Il était ami du curé de Saint-Eustache et lui-même grand homme de bien. Ce curé avait un valet qui s'appelait Dubois, et qui l'ayant été du sieur.... qui avait été docteur de l'archevêque de Reims Le Tellier, lui avait trouvé de l'esprit, l'avait fait étudier, et ce valet savait infiniment de belles-lettres et même d'histoire; mais c'était un valet qui n'avait rien, et qui après la mort de ce premier maître était entré chez le curé de Saint-Eustache. Ce curé, content de ce valet pour qui il ne pouvait rien faire, le donna à Saint-Laurent, dans l'espérance qu'il pourrait mieux pour lui. Saint-Laurent s'en accommoda, et peu à peu s'en servit pour l'écritoire d'étude de M. le duc de Chartres; de là, voulant s'en servir à mieux, il lui fit prendre le petit collet pour le décrasser, et de cette sorte l'introduisit à l'étude du prince pour lui aider à préparer ses leçons, à écrire ses thèmes, à le soulager lui-même, à chercher les mots dans le dictionnaire. Je l'ai vu mille fois dans ces commencements, lorsque j'allais jouer avec M. de Chartres. Dans les suites Saint-Laurent devenant infirme, Dubois faisait la leçon, et la faisait fort bien, et néanmoins plaisant au jeune prince.
Cependant Saint-Laurent mourut et très brusquement. Dubois, par intérim, continua à faire la leçon; mais depuis qu'il fut devenu presque abbé, il avait trouvé moyen de faire sa cour au chevalier de Lorraine et au marquis d'Effiat, premier écuyer de Monsieur, amis intimes, et ce dernier ayant aussi beaucoup de crédit sur son maître. De faire Dubois précepteur, cela ne se pouvait proposer de plein saut; mais ses protecteurs, auxquels il eut recours, éloignèrent le choix d'un précepteur, puis se servirent des progrès du jeune prince pour ne le point changer de main, et laisser faire Dubois; enfin ils le bombardèrent précepteur. Je ne vis jamais homme si aise ni avec plus de raison. Cette extrême obligation, et plus encore le besoin de se soutenir, l'attacha de plus en plus à ses protecteurs, et ce fut de lui que le chevalier de Lorraine se servit pour gagner le consentement de M. de Chartres à son mariage.
Dubois avait gagné sa confiance; il lui fut aisé en cet âge, et avec ce peu de connaissance et d'expérience, de lui faire peur du roi et de Monsieur, et, d'un autre côté, de lui faire voir les cieux ouverts. Tout ce qu'il put mettre en oeuvre n'alla pourtant qu'à rompre un refus; mais cela suffisait au succès de l'entreprise. L'abbé Dubois ne parla à M. de Chartres que vers le temps de l'exécution; Monsieur était déjà gagné, et dès que le roi eut réponse de l'abbé Dubois, il se hâta de brusquer l'affaire. Un jour ou deux auparavant, Madame en eut le vent. Elle parla à M. son fils de l'indignité de ce mariage avec toute la force dont elle ne manquait pas, et elle en tira parole qu'il n'y consentirait point. Ainsi faiblesse envers son précepteur, faiblesse envers sa mère, aversion d'une part, crainte de l'autre, et grand embarras de tous côtés.
Une après-dînée de fort bonne heure que je passais dans la galerie haute, je vis sortir M. le duc de Chartres d'une porte de derrière de son appartement, l'air fort empêtré, triste, suivi d'un seul exempt des gardes de Monsieur; et, comme je me trouvais là, je lui demandai où il allait ainsi si vite et à cette heure-là. Il me répondit d'un air brusque et chagrin qu'il allait chez le roi qui l'avait envoyé quérir. Je ne jugeai pas à propos de l'accompagner, et, me tournant à mon gouverneur, je lui dis que je conjecturais quelque chose du mariage, et qu'il allait éclater. Il m'en avait depuis quelques jours transpiré quelque chose, et comme je jugeai bien que les scènes seraient fortes, la curiosité me rendit fort attentif et assidu.
M. de Chartres trouva le roi seul avec Monsieur dans son cabinet, où le jeune prince ne savait pas devoir trouver M. son père. Le roi fit des amitiés à M. de Chartres, lui dit qu'il voulait prendre soin de son établissement, que la guerre allumée de tous côtés lui ôtait des princesses qui auraient pu lui convenir; que, de princesses du sang, il n'y en avait point de son âge; qu'il ne lui pouvait mieux témoigner sa tendresse qu'en lui offrant sa fille dont les deux soeurs avaient épousé deux princes du sang, que cela joindrait en lui la qualité de gendre à celle de neveu, mais que, quelque passion qu'il eût de ce mariage, il ne le voulait point contraindre et lui laissait là-dessus toute liberté. Ce propos, prononcé avec cette majesté effrayante si naturelle au roi, à un prince timide et dépourvu de réponse, le mit hors de mesure. Il crut se tirer d'un pas si glissant en se rejetant sur Monsieur et Madame, et répondit en balbutiant que le roi était le maître, mais que sa volonté dépendait de la leur. « Cela est bien à vous, répondit le roi, mais dès que vous y consentez, votre père et votre mère ne s'y opposeront pas; » et se tournant à Monsieur: « Est-il pas vrai, mon frère? » Monsieur consentit comme il l'avait déjà fait seul avec le roi, qui tout de suite dit qu'il n'était donc plus question que de Madame, et qui sur-le-champ l'envoya chercher; et cependant se mit à causer avec Monsieur, qui tous deux ne firent pas semblant de s'apercevoir du trouble et de l'abattement de M. de Chartres.
Madame arriva, à qui d'entrée le roi dit qu'il comptait bien qu'elle ne voudrait pas s'opposer à une affaire que Monsieur désirait, et que M. de Chartres y consentait: que c'était son mariage avec Mlle de Blois, qu'il avouait qu'il désirait avec passion, et ajouta courtement les mêmes choses qu'il venait de dire à M. le duc de Chartres, le tout d'un air imposant, mais comme hors de doute que Madame pût n'en pas être ravie, quoique plus que certain du contraire. Madame, qui avait compté sur le refus dont M. son fils lui avait donné parole, qu'il lui avait même tenue autant qu'il avait pu par sa réponse si embarrassée et si conditionnelle, se trouva prise et muette. Elle lança deux regards furieux à Monsieur et à M. de Chartres, dit que, puisqu'ils le voulaient bien, elle n'avait rien à y dire, fit une courte révérence et s'en alla chez elle. M. son fils l'y suivit incontinent, auquel, sans donner le moment de lui dire comment la chose s'était passée, elle chanta pouille avec un torrent de larmes, et le chassa de chez elle.Un peu après, Monsieur, sortant de chez le roi, entra chez elle, et excepté qu'elle ne l'en chassa pas comme son fils, elle ne le ménagea pas davantage; tellement qu'il sortit de chez elle très confus, sans avoir eu loisir de lui dire un seul mot. Toute cette scène était finie sur les quatre heures de l'après-dînée, et le soir il y avait appartement, ce qui arrivait l'hiver trois fois la semaine, les trois autres jours comédie, et le dimanche rien.
Ce qu'on appelait appartement était le concours de toute la cour, depuis sept heures du soir jusqu'à dix que le roi se mettait à table, dans le grand appartement, depuis un des salons du bout de la grande galerie jusque vers la tribune de la chapelle. D'abord, il y avait une musique; puis des tables par toutes les pièces toutes prêtes pour toutes sortes de jeux; un lansquenet où Monseigneur et Monsieur jouaient toujours; un billard: en un mot, liberté entière de faire des parties avec qui on voulait, et de demander des tables si elles se trouvaient toutes remplies; au delà du billard, il y avait une pièce destinée aux rafraîchissements, et tout parfaitement éclairé. Au commencement que cela fut établi, le roi y allait et y jouait quelque temps, mais dès lors il y avait longtemps qu'il n'y allait plus, mais il voulait qu'on y fût assidu, et chacun s'empressait à lui plaire. Lui cependant passait les soirées chez Mme de Maintenon à travailler avec différents ministres les uns après les autres.
Fort peu après la musique finie, le roi envoya chercher à l'appartement Monseigneur et Monsieur, qui jouaient déjà au lansquenet; Madame qui à peine regardait une partie d'hombre auprès de laquelle elle s'était mise; M. de Chartres qui jouait fort tristement aux échecs, et Mlle de Blois qui à peine avait commencé à paraître dans le monde, qui ce soir-là était extraordinairement parée et qui pourtant ne savait et ne se doutait même de rien, si bien que, naturellement fort timide et craignant horriblement le roi, elle se crut mandée pour essuyer quelque réprimande, et était si tremblante que Mme de Maintenon la prit sur ses genoux où elle la tint toujours la pouvant à peine rassurer. À ce bruit de ces personnes royales mandées chez Mme de Maintenon et Mlle de Blois avec elle, le bruit du mariage éclata à l'appartement, en même temps que le roi le déclara dans ce particulier. Il ne dura que quelques moments, et les mêmes personnes revinrent à l'appartement, où cette déclaration fut rendue publique. J'arrivai dans ces premiers instants. Je trouvai le monde par pelotons, et un grand étonnement régner sur tous les visages. J'en appris bientôt la cause qui ne me surprit pas, par la rencontre que j'avais faite au commencement de l'après-dînée.
Madame se promenait dans la galerie avec Châteauthiers, sa favorite et digne de l'être; elle marchait à grands pas, son mouchoir à la main, pleurant sans contrainte, parlant assez haut, gesticulant et représentant bien Cérès après l'enlèvement de sa fille Proserpine, la cherchant en fureur et la redemandant à Jupiter. Chacun, par respect, lui laissait le champ libre et ne faisait que passer pour entrer dans l'appartement. Monseigneur et Monsieur s'étaient remis au lansquenet. Le premier me parut tout à son ordinaire. Jamais rien de si honteux que le visage de Monsieur, ni de si déconcerté que toute sa personne, et ce premier état lui dura plus d'un mois. M. son fils paraissait désolé, et sa future dans un embarras et une tristesse extrême. Quelque jeune qu'elle fût, quelque prodigieux que fût ce mariage, elle en voyait et en sentait toute la scène, et en appréhendait toutes les suites. La consternation parut générale, à un très petit nombre de gens près. Pour les Lorrains ils triomphaient. La sodomie et le double adultère les avaient bien servis en les servant bien eux-mêmes. Ils jouissaient de leurs succès, comme ils en avaient toute honte bue; ils avaient raison de s'applaudir.
La politique rendit donc cet appartement languissant en apparence, mais en effet vif et curieux. Je le trouvai court dans sa durée ordinaire; il finit par le souper du roi, duquel je ne voulus rien perdre. Le roi y parut tout comme à son ordinaire. M. de Chartres était auprès de Madame qui ne le regarda jamais, ni Monsieur. Elle avait les yeux pleins de larmes qui tombaient de temps en temps, et qu'elle essuyait de même, regardant tout le monde comme si elle eût cherché à voir quelle mine chacun faisait. M. son fils avait aussi les yeux bien rouges, et tous deux ne mangèrent presque rien. Je remarquai que le roi offrit à Madame presque de tous les plats qui étaient devant lui, et qu'elle les refusa tous d'un air de brusquerie qui jusqu'au bout ne rebuta point l'air d'attention et de politesse du roi pour elle.
Il fut encore fort remarqué qu'au sortir de table et à la fin de ce cercle debout d'un moment dans la chambre du roi, il fit à Madame une révérence très marquée et basse, pendant laquelle elle fit une pirouette si juste, que le roi en se relevant ne trouva plus que son dos, et [elle] avancée d'un pas vers la porte.
Le lendemain toute la cour fut chez Monsieur, chez Madame et chez M. le duc de Chartres, mais sans dire une parole; on se contentait de faire la révérence, et tout s'y passa en parfait silence. On alla ensuite attendre à l'ordinaire la levée du conseil dans la galerie et la messe du roi. Madame y vint. M. son fils s'approcha d'elle comme il faisait tous les jours pour lui baiser la main. En ce moment Madame lui appliqua un soufflet si sonore qu'il fut entendu de quelques pas, et qui, en présence de toute la cour, couvrit de confusion ce pauvre prince, et combla les infinis spectateurs, dont j'étais, d'un prodigieux étonnement. Ce même jour l'immense dot fut déclarée, et le jour suivant le roi alla rendre visite à Monsieur et à Madame, qui se passa fort tristement, et depuis on ne songea plus qu'aux préparatifs de la noce.
Le dimanche gras, il y eut grand bal réglé chez le roi, c'est-à-dire ouvert par un branle, suivant lequel chacun dansa après. J'allai ce matin-là chez Madame qui ne put se tenir de me dire, d'un ton aigre et chagrin, que j'étais apparemment bien aise des bals qu'on allait avoir, et que cela était de mon âge, mais qu'elle qui était vieille voudrait déjà les voir bien loin. Mgr le duc de Bourgogne y dansa pour la première fois, et mena le branle avec Mademoiselle. Ce fut aussi la première fois que je dansai chez le roi, et je menai Mlle de Sourches, fille du grand prévôt, qui dansait très bien. Tout le monde y fut fort magnifique.
Ce fut, un peu après, les fiançailles et la signature du contrat de mariage, dans le cabinet du roi, en présence de toute la cour. Ce même jour la maison de la future duchesse de Chartres fui déclarée; le roi lui donna un chevalier d'honneur et une dame d'atours, jusqu'alors réservés aux filles de France, et une dame d'honneur qui répondit à une si étrange nouveauté. M. de Villars fut chevalier d'honneur, la maréchale de Rochefort dame d'honneur, la comtesse de Mailly dame d'atours, et le comte de Fontaine-Martel, premier écuyer.
Villars était petit-fils d'un greffier de Coindrieu, l'homme de France le mieux fait et de la meilleure mine. On se battait fort de son temps; il était brave et adroit aux armes, et avait acquis de la réputation fort jeune en des combats singuliers. Cela couvrit sa naissance aux yeux de M. de Nemours, qui aimait à s'attacher des braves, et qui le prit comme gentilhomme. Il l'estima même assez pour le prendre pour second au duel qu'il eut contre M. de Beaufort, son beau-frère, qui le tua, tandis que Villars avait tout l'avantage sur son adversaire.
Cette mort renvoya Villars chez lui; il n'y fut pas longtemps que M. le prince de Conti se l'attacha aussi comme un gentilhomme à lui. Il venait de quitter le petit collet. Il était faible et contrefait, et souvent en butte aux trop fortes railleries de M. le Prince son frère; il projeta de s'en tirer par un combat, et ne sachant avec qui, il imagina d'appeler le duc d'York, maintenant le roi Jacques d'Angleterre, qui est à Saint-Germain et qui pour lors était en France. Cette belle idée et le souvenir du combat de M. de Nemours lui fit prendre Villars. Il ne put tenir son projet si caché qu'il ne fût découvert, et aussitôt rompu par la honte qui lui en fut faite, n'ayant jamais eu la plus petite chose à démêler avec le duc d'York. Dans les suites il prit confiance en Villars, alors que le cardinal Mazarin songea à lui donner sa nièce. Ce fut de Villars dont il se servit, et par qui il fit ce mariage. On sait combien il fut heureux et sage ensuite. Villars devint le confident des deux époux et leur lien avec le cardinal, et tout cela avec toute la sagacité et la probité possible.
Une telle situation le mit fort dans le monde, et dans un monde fort au-dessus de lui, parmi lequel quelque fortune qu'il ait faite depuis, il ne s'est jamais méconnu. Sa figure lui donna entrée chez les dames; il était galant et discret, et cette voie ne lui fut pas inutile. Il plut à Mme Scarron qui, sur le trône où elle sut régner longtemps depuis, n'a jamais oublié ces sortes d'amitiés si librement intimes. Villa fut employé auprès des princes d'Allemagne et d'Italie, et fut après ambassadeur en Savoie, en Danemark et en Espagne, et réussit et se fit estimer et aimer partout. Il eut ensuite une place de conseiller d'État d'épée, et, au scandale de l'ordre du Saint-Esprit, il fut de la promotion de 1698. Sa femme était soeur du père du maréchal de Bellefonds, qui avait de l'esprit infiniment, plaisante, salée, ordinairement méchante: tous deux fort pauvres, toujours à la cour, où ils avaient beaucoup d'amis et d'amies considérables.
La maréchale de Rochefort était d'une autre étoffe et de la maison de Montmorency, de la branche de Laval. Son père, second fils du maréchal de Boisdauphin, avec très peu de bien, épousa pour sa bonne mine la marquise de Coislin, veuve du colonel général des Suisses et mère du duc et du chevalier de Coislin, et de l'évêque d'Orléans, premier aumônier du roi. Elle était fille aînée du chancelier Séguier et soeur aînée de la duchesse de Verneuil, mère en premières noces du duc de Sully et de la duchesse du Lude. La maréchale de Rochefort naquit posthume, seule de son lit, en 1646, et M. de Boisdauphin, frère aîné de son père, n'eut point de postérité. Elle épousa en 1662 le marquis, depuis maréchal, de Rochefort-Alloigny, peu de mois après que l'héritière de Souvré, sa cousine issue de germaine, eut épousé M. de Louvois.
Cette héritière était fille du fils de M. de Courtenvaux, lequel était fils du maréchal de Souvré et frère de la célèbre Mme de Sablé, mère de M. de Laval, père de la maréchale de Rochefort. M. de Rochefort, qu'elle épousa, était ami intime de M. Le Tellier et de M. de Louvois qui lui firent rapidement sa fortune. Il mourut capitaine des gardes du corps, gouverneur de Lorraine, et désigné général d'armée, en allant en prendre le commandement au printemps de 1676. Il n'y avait pas un an qu'il était maréchal de France de la promotion qui suivit la mort de M. de Turenne. Cette même protection avait fait sa femme dame du palais de la reine.
Elle était belle, encore plus piquante, toute faite pour la cour, pour les galanteries, pour les intrigues, l'esprit du monde à force d'en être, peu ou point d'ailleurs, et toute la bassesse nécessaire pour être de tout et en quelque sorte que ce fût. M. de Louvois la trouva fort à son gré, et elle s'accommoda fort de sa bourse et de figurer par cette intimité. Lorsque le roi eut et changea de maîtresses, elle fut toujours leur meilleure amie; et quand il lia avec Mme de Soubise, c'était chez la maréchale qu'elle allait, et chez qui elle attendait Bontems à porte fermée, qui la menait par des détours chez le roi. La maréchale elle-même me l'a conté, et comme quoi elle fut un jour embarrassée à se défaire du monde que Mme de Soubise trouva chez elle, qui n'avait pas eu le temps de l'avertir; et comme elle mourait de peur que Bontems ne s'en retournât, et que le rendez-vous ne manquât, s'il arrivait avant qu'elle se fût défaite de sa compagnie.
Elle fut donc amie de Mmes de La Vallière, de Montespan et de Soubise, et surtout de la dernière, jusqu'au temps où j'ai connu la maréchale, et le sont toujours demeurées intimement. Elle le devint après de Mme de Maintenon, qu'elle avait connue chez Mme de Montespan, et à qui elle s'attacha à mesure qu'elle vit arriver et croître sa faveur. Elle était telle au mariage de Monseigneur que le roi n'eut pas honte de la faire dame d'atours de la nouvelle Dauphine; mais n'osant aussi l'y mettre en plein, il ne put trouver mieux que la maréchale de Rochefort pour y être en premier, et pour s'accommoder d'une compagne si étrangement inégale, et avoir cependant pour elle toutes les déférences que sa faveur exigeait. Elle y remplit parfaitement les espérances qu'on en avait conçues, et sut néanmoins avec cela se concilier l'amitié et la confiance de Mme la Dauphine jusqu'à sa mort, quoiqu'elle ne pût souffrir Mme de Maintenon, ni Mme de Maintenon cette pauvre princesse.
Une femme si connue du roi, et si fort à toutes mains, était son vrai fait pour mettre auprès de Mme la duchesse de Chartres qui entrait si fort de traverse dans une famille tellement au-dessus d'elle, et avec une belle-mère outrée, et qui n'était pas femme à contraindre ses mépris. Si une maréchale de France, et de cette qualité, avait surpris le monde dans la place de dame d'atours de Mme la Dauphine, ce fut bien un autre étonnement de la voir dame d'honneur d'une bâtarde, petite-fille de France. Aussi se fit-elle prier avec cette pointe de gloire qui lui prenait quelquefois, mais qui pliait le moment d'après. Elle était fort tombée par la mort de M. de Louvois, quoique M. de Barbezieux eût pour elle les mêmes égards qu'avait eus son père. Tout ce qu'elle gagna à ce premier refus fut une promesse d'être dame d'atours lorsqu'on marierait Mgr le duc de Bourgogne.
Mme de Mailly était une demoiselle de Poitou qui n'avait pas de chausses, fille de Saint-Hermine, cousin issu de germain de Mme de Maintenon. Elle l'avait fait venir de sa province demeurer chez elle à Versailles, et l'avait mariée, moitié gré, moitié force, au comte de Mailly, second fils du marquis et de la marquise de Mailly, héritiers de Montcavrel qui, mariés avec peu de biens, étaient venus à bout avec l'âge, à force d'héritages et de procès, d'avoir ce beau marquisat de Nesle, de bâtir l'hôtel de Mailly, vis-à-vis le pont Royal, et de faire une très puissante maison. Le marquis de Nesle, leur fils aîné, avait épousé malgré eux la dernière de l'illustre maison de Coligny. Il était mort devant Philippsbourg en 1688, maréchal de camp, et n'avait laissé qu'un fils et fine fille. C'était à ce fils que les marquis et marquise de Mailly voulaient laisser leurs grands biens. Ils avaient troqué un fils et une fille, et fait prêtre malgré lui un autre fils; une autre fille avait épousé malgré eux l'acné de la maison de Mailly.
Le comte de Mailly qui leur avait échappé, ils ne voulaient lui rien donner ni le marier. C'était un homme de beaucoup d'ambition, qui se présentait à tout, aimable s'il n'avait pas été si audacieux, et qui avait le nez tourne la fortune. C'était une manière de favori de Monseigneur. Avec ces avances il se voulut appuyer de Mme de Maintenon pour sa fortune et pour obtenir un patrimoine de son père: c'est ce qui fit le mariage en faisant espérer monts et merveilles aux vieux Mailly qui voulaient du présent, et sentaient en gens d'esprit que le mariage fait, on les laisserait là, comme il arriva. Mais quand on a compté sur un mariage de cette autorité, il ne se trouve plus de porte de derrière, et il leur fallut sauter le bâton d'assez mauvaise grâce. La nouvelle comtesse de Mailly avait apporté tout le gauche de sa province dont, faute d'esprit, elle ne sut se défaire; et enta dessus toute la gloire de la toute-puissante faveur de Mme de Maintenon: bonne femme et sûre amie d'ailleurs, quand elle l'était noble, magnifique, mais glorieuse à l'excès et désagréable avec le gros du monde, avec peu de conduite et fort particulière. Les Mailly trouvèrent cette place avec raison bien mauvaise, mais il la fallut avaler.
M. de Fontaine-Martel, de bonne et ancienne maison des Martel et des Claire de Normandie, était un homme perdu de goutte et pauvre. Il était frère unique du marquis d'Arcy, dernier gouverneur de M. le duc de Chartres, qui avait acquis une grande estime par la conduite qu'il lui avait fait tenir à la guerre et dans le monde, qui y était lui-même fort estimé, et qui s'était fait auparavant ce dernier emploi une grande réputation dans ses ambassades. Il était chevalier de l'ordre et conseiller d'État d'épée, et mourut des fatigues de l'armée et de son emploi sans avoir été marié, au printemps de 1694, à Valenciennes. Ce fut à cette qualité de frère de M. d'Arcy que la charge fut donnée. Sa femme était fille posthume de M. de Bordeaux, mort ambassadeur de France en Angleterre, et de Mme de Bordeaux, qui, pour une bourgeoise, était extrêmement du monde et amie intime de beaucoup d'hommes et de femmes distingués. Elle avait été belle et galante; elle en avait conservé le goût dans sa vieillesse, qui lui avait conservé aussi des amies considérables. Elle avait élevé sa fille unique dans les mêmes moeurs: l'une et l'autre avaient de l'esprit et du manège. Mme de Fontaine-Martel s'était ainsi trouvée naturellement du grand monde; elle était fort de la cour de Monsieur. La place de confiance que M. d'Arcy, son beau-frère, y remplit si dignement lui donna de la considération, et tout cela ensemble leur valut cette lucrative charge.
Le lundi gras, toute la royale noce et les époux superbement parés se rendirent un peu avant midi dans le cabinet du roi, et de là à la chapelle. Elle était rangée à l'ordinaire comme pour la messe du roi, excepté qu'entre son prie-Dieu et l'autel étaient deux carreaux pour les mariés, qui tournaient le dos au roi. Le cardinal de Bouillon tout revêtu y arriva en même temps de la sacristie, les maria et dit la messe. Le poêle fut tenu par le grand maître et par le maître des cérémonies, Blainville et Sainctot. De la chapelle on alla tout de suite se mettre à table. Elle était en fer à cheval. Les princes et les princesses du sang y étaient placés à droite et à gauche, suivant leur rang, terminés par les deux bâtards du roi, et pour la première fois, après eux la duchesse de Verneuil; tellement que M. de Verneuil, bâtard d'Henri IV, devint ainsi prince du sang, tant d'années après sa mort sans s'être jamais douté de l'être. Le duc d'Uzès le trouva si plaisant, qu'il se mit à marcher devant elle, criant tant qu'il pouvait: « Place, place à Mme Charlotte Séguier! » Aucune duchesse ne fit sa cour à ce dîner que la duchesse de Sully et la duchesse du Lude, fille et belle-fille de Mme de Verneuil, ce que toutes les autres trouvèrent si mauvais qu'elles n'osèrent plus y retourner. L'après-dînée, le roi et la reine d'Angleterre vinrent à Versailles avec leur cour. Il y eut grande musique, grand jeu, où le roi fut presque toujours fort paré et fort aise, son cordon bleu par-dessus comme la veille. Le souper fut pareil au dîner. Le roi d'Angleterre ayant la reine sa femme à sa droite et le roi à sa gauche ayant chacun leur cadenas . Ensuite on mena les mariés dans l'appartement de la nouvelle duchesse de Chartres, à qui la reine d'Angleterre donna la chemise, et le roi d'Angleterre à M. de Chartres, après s'en être défendu, disant qu'il était trop malheureux. La bénédiction du lit se fit par le cardinal de Bouillon, qui se fit attendre un quart d'heure, ce qui fit dire que ces airs-là ne valaient rien à prendre pour qui revenait comme lui d'un long exil, où la folie qu'il avait eue de ne pas donner la bénédiction nuptiale à Mme la duchesse s'il n'était admis au festin royal, l'avait fait envoyer.
Le mardi gras grande toilette de Mme de Chartres, où le roi et la reine d'Angleterre vinrent, et où le roi se trouva avec toute la cour; la messe du roi ensuite; puis le dîner comme la veille. On avait dès le matin renvoyé Mme de Verneuil à Paris, trouvant qu'elle en avait eu sa suffisance. L'après-dînée, le roi s'enferma avec le roi et la reine d'Angleterre; et puis grand bal comme le précédent, excepté que la nouvelle duchesse de Chartres y fut menée par Mgr le duc de Bourgogne. Chacun eut le même habit et la même danseuse qu'au précédent.
Je ne puis passer sous silence une aventure fort ridicule qui arriva au même homme à tous les deux. C'était le fils de Montbron, qui n'était pas fait pour danser chez le roi, non plus que son père pour être chevalier de l'ordre, qui le fut pourtant en 1688, et qui était gouverneur de Cambrai, lieutenant général, et seul lieutenant général de Flandre, sous un nom qu'il ne put jamais prouver être le sien. Ce jeune homme, qui n'avait encore que peu ou point paru à la cour, menait Mlle de Mareuil, fille de la dame d'honneur de Mme la Duchesse (les bâtards de cette grande maison des Mareuil) et qui, non plus que lui, ne devait pas être admise à cet honneur. On lui avait demandé s'il dansait bien, et il avait répondu avec une confiance qui donna envie de trouver qu'il dansait mal: on eut contentement. Dès la première révérence il se déconcerta. Plus de cadence dès les premiers pas. Il crut la rattraper et couvrit son défaut par des airs penchés et un haut port de bras; ce ne fut qu'un ridicule de plus qui excita une risée qui en vint aux éclats, et qui, malgré le respect de la présence du roi qui avait peine à s'empêcher de rire, dégénéra enfin en véritable huée. Le lendemain, au lieu de s'enfuir ou de se taire, il s'excusa sur la présence du roi qui l'avait étourdi, et promit merveilles pour le bal qui devait suivre. Il était de mes amis, et j'en souffrais. Je l'aurais même averti si le sort tout différent que j'avais eu ne m'eût fait craindre que mon avis n'eût pas de grâce. Dès qu'au second bal on le vit pris à danser, voilà les uns en pied, les plus reculés à l'escalade, et la huée si forte qu'elle fut poussée aux battements de mains. Chacun, et le roi même, riait de tout son coeur, et la plupart en éclats, en telle sorte, que je ne crois pas que personne ait jamais rien essuyé de semblable.Aussi disparut-il incontinent après, et ne se remontra-t-il de longtemps. Il eut depuis le régiment Dauphin infanterie,et mourut tôt après ...

Posté le : 01/03/2014 13:33
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Louis Desnoyers
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Le 23 février 1805 à Replonges naît Louis Claude Joseph Florence Desnoyers

mort le 12 décembre 1868 à Paris, journaliste et écrivain français, auteur de romans pour la jeunesse, fondateur, en 1837, de la Société des gens de lettres.

Journaliste et homme de lettres lié au parti libéral, Desnoyers fut, avec Balzac, le fondateur de la Société des gens de lettres en 1838. Il fonda également, avec Philipon, le journal satirique Le Charivari. C'est avec un grand succès qu'il fit paraître en feuilleton, dans le Journal des enfants, Les Mésaventures de Jean-Paul Choppart en 1834, tribulations d'un jeune garçon qui a de nombreux défauts mais pas un seul vice, et qui s'attire, de ce fait, toutes sortes d'aventures moralisatrices. Cet ouvrage est resté l'un des classiques de la littérature enfantine. Dès sa création en 1840, Desnoyers collabora au journal Le Siècle et donna, en outre, plusieurs vaudevilles aujourd'hui tout à fait oubliés.


Après des études à Autun et à Mâcon, Louis Desnoyers enseigne brièvement les humanités dans le collège que dirige son frère aîné à Autun. Il est un temps clerc d’avoué, étudie le droit, s’occupe de musique.
En 1828, il arrive à Paris, s’inscrit en droit, puis se lance dans le journalisme, sa véritable vocation. Ses premiers articles présentés au Globe et au Figaro ne sont pas retenus, car trop subversifs. À une époque où chaque jour voyait naître une feuille nouvelle Eugène de Mirecourt, il décide de fonder, en 1829, son propre journal, le Journal rose, qu’il fait paraître tour à tour sous plusieurs titres, le Sylphe, le Lutin, le Trilby, le Follet afin d’échapper au cautionnement.
Il commence à se faire une réputation par son esprit et sa verve satirique.
Avec les autres rédacteurs, il signe la protestation des journalistes parisiens contre les ordonnances du 25 juillet 1830 supprimant la liberté de la presse.
Au lendemain de la révolution de 1830, pour des raisons pécuniaires, il cesse d’écrire et retourne dans son village.
L’année suivante, il revient à Paris et collabore au Figaro, au Corsaire 1831, puis La Caricature ; on le retrouve avec la même équipe de rédacteurs au Charivari, fondé en 1832, quotidien satirique illustré opposé au gouvernement de Louis-Philippe. Parallèlement, il signe des chroniques musicales et de variétés pour Le National. Il doit se cacher provisoirement après l’attentat de Fieschi en 1835.
En 1836, il est engagé comme directeur littéraire du journal le Siècle nouvellement créé et auquel il ne cessera de collaborer.

Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise 55e division.

L’œuvre littéraire

Outre son activité de publiciste, Louis Desnoyers s’est illustré par la publication de deux romans pour la jeunesse parus d’abord dans le Journal des enfants sous forme de feuilleton : les Aventures de Jean-Paul Choppart en 1834, première édition en 2 volumes. et Aventures de Robert-Robert et de son ami Toussaint Lavenette en 1839, première édition en 2 vol. Ces deux ouvrages à succès furent régulièrement réédités au fil des ans et connurent de nombreuses adaptations.
Le premier, considéré à l’époque comme un chef-d’œuvre du genre, fut refondu et augmenté en 1857 sous le titre définitif les Mésaventures de Jean-Paul Choppart.
Quant à Robert-Robert, l’auteur lui ajouta un appendice intitulé Un songe creux de Robert-Robert en 1832 : Paris civilisé, qu’il présente comme le pendant à l’épisode lunaire du roman.
Dans ce tableau de Paris à la fois prémonitoire et utopique, Louis Desnoyers témoigne de sa vision réformatrice et progressiste de la société.
Il fut également, sous le pseudonyme de Derville, auteur de vaudevilles, dont le Juste Milieu, 1831, Vive le divorce ou ma femme m’adore, 1833, d’essais, De l’opéra en 1847, 1847, Des femmes, 1856, d’un roman intitulé "Une femme dangereuse", écrit avec Victor Perceval, 1864, de nouvelles, Comment la gaieté revient aux dames, dans le livre des conteurs en 1833 ainsi que d’une étude décrivant les mœurs de la vie parisienne intitulée les Béotiens de Paris, la première partie était parue dans le livre des Cent-et-un, Paris, Ladvocat, 1831.
Louis Desnoyers a joué un rôle important dans la fondation de la Société des gens de lettres, qui visait à la protection de la propriété littéraire et artistique et la création d’un fonds de solidarité.
C’est lors d’une réunion à son domicile, le 10 décembre 1837, que ses statuts furent approuvés par la cinquantaine d’écrivains présents dont Victor Hugo, Alexandre Dumas, Lamennais.
Le 16 avril 1838, se tenait la première assemblée. Desnoyers en fut le vice-président, avant d’être élu président par la suite.

Quelques citations

L’homme de lettres :
Comme écrivain, Louis Desnoyers avait conservé le culte de la forme ; toujours il prenait la peine et surtout le temps de soigner son style.
Le seul reproche qu’on pouvait lui adresser, c’était d’abuser un peu de l’esprit dont la nature l’avait doué à profusion. Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, article Louis Desnoyers.

Le penseur :
Les principes de la morale ne changent pas, non, sans doute, car le fond de l’humanité ne change pas non plus ; mais ce qui change, ce qui se modifie incessamment, ce sont les formes de l’humanité, et par conséquent, les applications diverses des grands principes qui la régissent.
Préface aux Aventures de Robert-Robert et de son fidèle compagnon Toussaint Lavenette, Garnier Frères, Libraires-Éditeurs, Paris 1957.

L’homme d’esprit :
AUTOCRATE : Mari : Mesdames, quand vous le voulez, vous trompez admirablement vos autocrates. (Grand dictionnaire universel du XIXe siècle.
DIEU : Les femmes aiment Dieu du même amour dont elles aiment leur amant.
REGARDER : Les femmes voient sans regarder, à la différence de leurs maris, qui regardent souvent sans voir.
REPOS : Il y en a qui demandent le droit au travail ; moi je demande le droit au repos.

Liens

http://www.ina.fr/video/CPF86640162/l ... rt-1ere-partie-video.html les mésanventures de JP Choppart 1
http://www.ina.fr/video/CPF86640163/l ... erniere-partie-video.html Les mésaventure de JP Choppart 2



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Posté le : 21/02/2014 20:14

Edité par Loriane sur 23-02-2014 00:06:22
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Paul Claudel
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Le 23 février 1955 à 86 ans, à Paris, meurt Paul Claudel

dramaturge, poète, essayiste et diplomate français, né le 6 août 1868 à Villeneuve-sur-Fère dans l'Aisne. Il fut membre de l'Académie française et Grand-croix de la Légion d'honneur.

Sa vie

Son père, Louis Prosper Claudel, était originaire de La Bresse, dans les Vosges avait été nommé en 1860 receveur de l'enregistrement à Villeneuve et y avait épousé en 1862 Louise Cerveaux, elle-même née à Villeneuve, où son père, Athanase Cerveaux, était médecin. Les Cerveaux sont tous originaires du Tardenois ou du Soissonnais. En août 1870, Louis Prosper Claudel est nommé à Bar-le-Duc, et, l'année suivante, Paul Claudel entre à l'école des sœurs de la Doctrine chrétienne de cette ville.
En 1875, il sera élève du lycée de Bar-le-Duc. En 1876, Louis Prosper Claudel est nommé conservateur des hypothèques à Nogent-sur-Seine. Paul y poursuit ses études sous la direction d'un précepteur nommé Colin. En 1879, son père ayant été nommé à Wassy-sur-Blaise, il entre au collège de cette ville.
C'est là qu'il fait en 1880 sa première communion, qui fut à la fois, écrit-il, le couronnement et le terme de mes pratiques religieuses. En 1881, il assiste à l'agonie et à la mort très douloureuses de son grand-père Athanase Cerveaux. En 1882, la famille s'installe à Paris, boulevard du Montparnasse. La sœur de Paul, Camille, son aînée, est l'élève de Rodin.
De 1882 à 1886, il vit à Paris avec sa mère et ses sœurs au 135bis, boulevard du Montparnasse, puis de 1886 à 1892 au 31, boulevard de Port-Royal.

Paul Claudel est très dépaysé par cette installation à Paris. Il poursuit ses études au lycée Louis-le-Grand, où il a pour condisciples Marcel Schwob, Léon Daudet, Romain Rolland. La distribution des prix de 1883 est présidée par Ernest Renan. En 1884-1885, Claudel est l'élève de Burdeau en philosophie : il gardera de cet enseignement, bien qu'il ne l'ait pas convaincu, un excellent souvenir.
Il fait ses études au lycée Louis-le-Grand où il obtient son baccalauréat de philosophie en 1885 et s’inscrit à l’École libre des sciences politiques pour y préparer une licence de droit
En 1885, il assiste aux funérailles nationales de Victor Hugo, qu'il devait comparer plus tard à une descente de la Courtille. En 1886, les Claudel s'installent boulevard du Port-Royal. C'est à cette date que le jeune homme lit les Illuminations et, un peu plus tard, Une saison en enfer. Claudel, selon ses dires, baignait, comme tous les jeunes gens de son âge, dans le bagne matérialiste du scientisme de l'époque.
Il se convertit au catholicisme, religion de son enfance, en assistant en curieux aux vêpres à Notre-Dame de Paris le 25 décembre 1886, jour de Noël." J’étais debout, près du deuxième pilier, à droite, du côté de la sacristie. Les enfants de la maîtrise étaient en train de chanter ce que je sus plus tard être le Magnificat. En un instant mon cœur fut touché et je crus".
Toutefois, ce n'est que quatre ans plus tard, le 25 décembre 1890, qu'il rentrera sacramentellement dans l'Église.
Ces quatre années sont remplies d'immenses lectures, entre autres la Bible et Dante. En 1887, Claudel écrit sa première œuvre dramatique, l'Endormie. En 1888, il en écrit une seconde, Une mort prématurée, qu'il détruira plus tard et dont il ne subsiste que deux scènes, connues sous le titre de Fragment d'un drame.
À la même époque, il découvre les Illuminations, le recueil de poèmes d'Arthur Rimbaud, dont la lecture sera pour lui déterminante. L'influence de celui qu'il appelait le " mystique à l'état sauvage" est manifeste, notamment, dans Tête d'or, une de ses premières pièces de théâtre.
Mais c'est là que Claudel donne, pour la première fois, toute sa mesure et, comme il devait le dire plus tard à Jean Amrouche dans les Mémoires improvisés, qu'il se rend compte qu'il a "les moyens…, on peut bien appeler ça le génie, dont j'ai pris conscience à ce moment-là, et qui, plus tard, alors, a pris forme dans Tête d'or" une de ses premières pièces de théâtre.

Claudel fait partie à ce moment d'un groupe littéraire qui comprend Marcel Schwob, Léon Daudet, Maurice Pottecher, Jules Renard, Camille Mauclair et Bijvanck. C'est aussi l'époque où il fréquente les mardis de Mallarmé, rue de Rome. En 1892, il s'installe quai Bourbon, dans l'île Saint-Louis, et il écrit la première version de la Jeune Fille Violaine, qui demeurera longtemps inédite.
En mars 1893, nommé vice-consul à New York, Paul Claudel s'embarque pour les États-Unis. Il débarque le 2 avril. Commence pour lui un long exil qui ne s'achèvera, avec des interruptions plus ou moins longues, qu'en juin 1935, lorsque prendra fin sa carrière diplomatique.

Il entre dans la carrière diplomatique en 1893. Tout d'abord premier vice-consul à New York puis à Boston, c'est là et à New York qu'il écrit l'Échange, la deuxième version de Tête d'or et qu'il traduit l'Agamemnon d'Eschyle. Il commence même à reprendre la Ville. En novembre 1894,, il est nommé consul à Shanghai en 1895.
Pour rejoindre son poste, il passe par la France, où il séjourne de février à mai 1895.
Pendant l'été, il accomplit la longue traversée vers la Chine et commence à écrire les poèmes qui composeront Connaissance de l'Est. À Shanghai, il écrit les Vers d'exil, sa seule œuvre importante en alexandrins.
Le voici en Chine pour fort longtemps. En 1896, il est nommé à Fuzhou, d'où il devait encore revenir à Shanghai, puis faire un séjour à Hankou et même un voyage au Japon. Il finira cependant par se fixer à Fuzhou, certainement la résidence chinoise qu'il a le plus aimée et le mieux connue.
Pour En 1896, il écrit le Repos du septième jour et, en 1898, termine la deuxième version de la Ville. En 1898-1899, il compose la deuxième version de la Jeune Fille Violaine.
Le 22 octobre 1899, il part en congé pour la France. En décembre, passant par Suez, il fait un pèlerinage chez les Bénédictins.
A l'age de 32 ans, en 1900, il veut mettre fin à sa carrière diplomatique pour devenir moine bénédictin et postule à l'Abbaye Saint-Martin de Ligugé. Les supérieurs du monastère ne l'admettront pas comme moine mais, en 1905, il deviendra oblat de cette même abbaye.
De retour en Chine, il y poursuit sa carrière diplomatique et, après avoir été consul à Shanghai 1895, il devient vice-consul à Fou-Tchéou, Fuzhou, 1900 puis consul à Tientsin Tianjin, 1906-09. Il est ensuite consul à Prague 1909 Francfort 1911 et Hambourg 1913 avant d'être nommé ministre plénipotentiaire à Rio de Janeiro 1916, et à Copenhague 1920. Il est ambassadeur à Tokyo 1922, à Washington 1928 puis à Bruxelles 1933, où se termine sa carrière diplomatique en 1936.
En 1896, il écrit le Repos du septième jour et, en 1898, termine la deuxième version de la Ville. En 1898-1899, il compose la deuxième version de la Jeune Fille Violaine.
En septembre-octobre 1900, il accomplit une retraite à Solesmes et à Ligugé, mais se décide finalement à repartir pour la Chine. Il a été refusé dans la tentative qu'il a faite pour se donner entièrement à Dieu.
C'est pendant ce séjour en France que Claudel a écrit la première partie de la première des Cinq Grandes Odes, "les Muses ", et aussi " le Développement de l'Église", qui formera la troisième partie de l'Art poétique. À la fin de 1900 ou au début de 1901, il est reparti pour la Chine à bord de l'Ernest-Simons.
C'est sur ce bateau qu'il devait faire la connaissance d'Ysé, comme il est écrit au premier acte de Partage de midi. Ainsi commencèrent les années brûlantes de Fuzhou, où le poète a repris son poste de consul.
Il traduit le poète anglais Coventry Patmore ; il écrit encore quelques poèmes de Connaissance de l'Est ; en 1903 et en 1904, il compose les deux premiers traités de l'Art poétique, "Connaissance du temps" et "Traité de la co-naissance au monde et de soi-même" ; en 1904, il achève "les Muses"; Ysé le quitte au mois d'août ; en septembre, Claudel commence à tenir son Journal, qui n'est guère fait d'abord que de citations de l'Écriture et des Pères ; le 9 octobre meurt le confesseur de Claudel, l'abbé Villaume.
En avril 1905, Claudel est rentré en France, où il se déplace énormément, saisi par une fièvre d'agitation. C'est à Villeneuve-sur-Fère, en automne, qu'il écrit Partage de midi. Le 28 décembre, il se fiance à Lyon avec Reine Sainte-Marie-Perrin, fille de l'architecte de Fourvière.
Le mariage aura lieu le 15 mars 1906, et, trois jours après, Claudel repart pour la Chine avec sa femme. Il résidera désormais dans le Nord, à Pékin et surtout à Tianjin.
C'est à Pékin qu'il écrit la deuxième ode, " l'Esprit et l'eau". Le 20 janvier 1907, naît à Tianjin Marie Claudel, et c'est là que Claudel écrit les trois dernières odes : "Magnificat", "la Muse qui est la grâce" et "la Maison fermée". En mars 1908, naît, toujours à Tianjin, Pierre Claudel.
Le poète écrit dans une manière nouvelle les poèmes qui formeront Corona benignitatis anni Dei ; il ébauche le premier projet de l'Otage et retourne en France avec sa famille par le Transsibérien en août-septembre 1909.
En octobre, il est nommé à Prague, où il s'installe en décembre.
Le voici donc au centre de l'Europe après de très lointains voyages. En février 1910 naît Reine Claudel, et, au mois de juin, l'Otage est achevé. Presque aussitôt, Claudel se met à refaire la Jeune Fille Violaine, qui devient l'Annonce faite à Marie.
La première version est achevée en 1911.
C'est aussi à cette époque, exactement en février 1913 que Claudel prend contact avec le théâtre d'Hellerau. Depuis la fin de 1911, il est consul à Francfort, où il rencontre beaucoup de Juifs et où se prépare le Pain dur, qui sera commencé à Hambourg à la fin de 1913, après que Claudel eut écrit la première version de Protée.
Cette même année 1913, en mars, Louis Prosper Claudel meurt, et Camille, soi-disant devenue folle, est internée. Au cours de cette période extrêmement féconde pour lui, Claudel a écrit en 1911-1912 "la Cantate à trois voix".
Ces années qui précèdent immédiatement la Première Guerre mondiale sont aussi celles où la gloire commence à toucher le front de Claudel.
En 1911, il rejoint la Nouvelle Revue française ; le 24 novembre 1912, l'Annonce est représentée au théâtre de l'Œuvre ; un an après, elle l'est à Hellerau ; Georges Duhamel publie au Mercure de France le premier ouvrage consacré à Claudel ; en 1914, enfin, paraissent coup sur coup Deux Poèmes d'été, Protée et la Cantate à trois voix ; l'Otage, enfin, est représenté par les soins de Lugné-Poe à la salle Malakoff et à l'Odéon en juin.
La guerre a chassé Claudel de Hambourg à Bordeaux, où est réfugié le gouvernement français, près de son ami Gabriel Frizeau et non loin de Francis Jammes. C'est là qu'il achève, en octobre 1914, le Pain dur, commencé à Hambourg. Peu auparavant, il a traduit les Choéphores, comme si la trilogie d'Eschyle avait en quelque sorte poussé la sienne. En octobre 1915, il est envoyé en mission économique en Italie.
À Rome, il traduit les Euménides et compose le Père humilié, terminé en 1916.
Mais le séjour en Europe, qui dure depuis 1909, est terminé.
Le 16 janvier 1917, Claudel embarque à Lisbonne sur l'Amazone, qui le conduit à Rio de Janeiro, où il est ministre plénipotentiaire.
Il est accompagné par Darius Milhaud comme secrétaire, mais non par sa famille, qui demeure en France. Nulle part, il n'éprouvera autant qu'au Brésil la déréliction de l'exil. Il va y écrire la Messe là-bas et la plupart des grands poèmes qui formeront le recueil de Feuilles de saints. Nous sommes entrés par la grande porte de Belém dans ce monde atlantique qui est celui du Soulier de satin.
C'est encore à Rio que Claudel écrit l'Ours et la lune, cette fantaisie qui prélude à toutes celles qui marqueront ses dernières années et qui est aussi un poignant poème d'exil. Le poète revient de Rio en 1919 en passant par la Guadeloupe et les États-Unis.
Il a entrevu, par une nuit d'orage, ce qui aurait pu être la suite de la Trilogie ; mais c'est surtout pendant la période de vacances qui précède la mission au Danemark que Claudel a la première idée du Soulier de satin.
De 1919 à 1921, le poète est donc ministre au Danemark et, à ce titre, membre de la Commission du Slesvig, qui fixe la frontière définitive entre le Danemark et l'Allemagne. Mais l'Extrême-Orient le sollicite une nouvelle fois, et le voici ambassadeur au Japon. Comme il se rend à son nouveau poste, en octobre-novembre 1921, Claudel visite l'Indochine et notamment Angkor. En septembre 1923, il est témoin du tremblement de terre qui ravage Tokyo et Yokohama.

L'ambassade de France est détruite, et le poète perd dans la catastrophe la troisième journée du Soulier de satin, qu'il lui faudra refaire. L'œuvre immense est enfin achevée en octobre 1924. En 1925, Claudel retourne en France pour un congé. Il passe quelques semaines de vacances au château de Lutaines, en Loir-et-Cher.
C'est de là que sont issues les Conversations dans le Loir-et-Cher. En janvier 1926, dernier départ pour l'Extrême-Orient. Les souvenirs d'autrefois assaillent le poète lorsqu'il passe au large de Fuzhou. Le 17 février 1927, Claudel, nommé ambassadeur aux États-Unis, quitte le Japon pour l'Amérique et gagne son poste en bateau à travers le Pacifique.
À Washington, il négocie le pacte Briand-Kellogg, traité d'arbitrage et de conciliation qui est signé en février 1928. Retourné en France pour quelques mois en 1927, il achète le château de Brangues, dans l'Isère. Le Dauphiné deviendra ainsi, en quelque manière, sa seconde patrie, et ce grand errant a enfin trouvé une demeure.
En cette même année 1927, il écrit le Livre de Christophe Colomb.
Mais, à partir de 1928 ou de 1929, l'œuvre de Paul Claudel consiste essentiellement en commentaires de l'Écriture, dont le premier en date est Au milieu des vitraux de l'Apocalypse, terminé en 1932, bien que ce texte n'ait été publié que longtemps après la mort de l'auteur, en 1966.
L'ambassade aux États-Unis s'achève en 1933 au milieu des remous provoqués par la répudiation des dettes. Claudel termine paisiblement sa carrière diplomatique à Bruxelles, où il représente la France de 1933 à 1935. C'est là qu'il achève Un poète regarde la Croix et qu'il écrit Jeanne au bûcher.

En mars 1935, candidat à l'Académie française, il se voit préférer Claude Farrère. Désormais, sa vie se partagera entre Brangues, où il passe l'été, et Paris. Claudel est de plus en plus absorbé par ses commentaires bibliques, entre autres L'Épée et le miroir. C'est à la même inspiration qu'il faut rattacher l'Histoire de Tobie et de Sara, écrite en 1938.

Claudel s'installe alors définitivement dans le château de Brangues en Isère, qu'il avait acquis en 1927 pour y passer ses étés. Le travail littéraire, mené jusqu'alors parallèlement à sa carrière diplomatique, occupe désormais la plus grande part de son existence. Il reçoit à Brangues diverses notoriétés : des hommes politiques comme le président Édouard Herriot, ou des écrivains comme François Mauriac.
Georges Clemenceau, amateur de littérature et lui-même écrivain, a laissé cette sévère appréciation de la prose claudélienne :
"J'ai d'abord cru que c'était un carburateur et puis j'en ai lu quelques pages - et non, ça n'a pas carburé. C'est des espèces de loufoqueries consciencieuses comme en ferait un Méridional qui voudrait avoir l'air profond…"

En 1938, Claudel entre au conseil d'administration de la Société des Moteurs Gnome et Rhône, grâce à la bienveillance de son directeur, Paul-Louis Weiller, mécène et protecteur de nombreux artistes Jean Cocteau, Paul Valéry, André Malraux. Ce poste, richement doté, lui vaudra des critiques, à la fois par le statut social et le montant des émoluments qu'il en retire mais aussi par le fait qu'au cours de la Seconde Guerre mondiale, cette entreprise de mécanique participe à l'effort de guerre allemand pendant l'Occupation. Selon l'hebdomadaire royaliste L'Indépendance française, cité par Le Dictionnaire des girouettes, sans aucune nécessité et sans aucun travail, simplement pour avoir assisté six fois au Conseil d'administration, il a touché 675 000 francs. Bénéfices de guerre, bénéfices de la guerre allemande. À partir de 1940, Paul-Louis Weiller, juif, est déchu de la nationalité française.

En 1940, pendant "la drôle de guerre", le poète entreprend un second commentaire de l'Apocalypse, qu'il intitule Paul Claudel interroge l'Apocalypse.
Il n'accepte pas l'armistice et, en juin 1940, fait un bref séjour à Alger pour tenter de maintenir l'Afrique du Nord dans la guerre. Néanmoins, Pétain lui fait un moment illusion, ce qui nous vaut l'"Ode au Maréchal". Mais Claudel ne tarde pas à se rendre compte de la véritable nature du régime de Vichy.
Tandis qu'il est en butte aux tracasseries de la police, il stigmatise l'attitude du cardinal Baudrillart, et écrit au Grand Rabbin de France pour protester contre le traitement dont les Juifs sont l'objet.

Il compose en 1942 Seigneur, apprenez-nous à prier et commence en 1943 son grand commentaire du Cantique des cantiques, qu'il termine en 1945 et qu'il considère comme l'une de ses œuvres les plus importantes. Presque aussitôt après vient la Rose et le rosaire.
Le poète est élu à l'Académie française sans avoir posé sa candidature en 1946. Depuis les représentations triomphales du Soulier de satin à la Comédie-Française en novembre 1943, c'est la gloire, et personne ne discute plus le génie de Paul Claudel.

En 1947, le poète termine la première partie d'Emmaüs. En 1948, il retouche l'Annonce et entreprend l'Évangile d'Isaïe, qu'il termine en 1950 pour s'atteler presque aussitôt à un commentaire de Jérémie. En 1951, il écrit une deuxième version de l'Échange.
Il a aussi profondément remanié Partage de midi et même tenté d'écrire une nouvelle version de Tête d'or. Le 23 février 1955, entre le mardi gras et le mercredi des cendres, Claudel meurt à Paris. Il repose à Brangues, dans le fond du parc, auprès de son petit-fils Charles Henri Paris.
L'art et la foi

Attristé par les débuts de la guerre, et notamment l'invasion de la Pologne, au cours d'un mois de septembre 1939 qu'il juge par ailleurs merveilleux, Claudel est initialement peu convaincu par le danger que représente l'Allemagne nazie. Il s'inquiète davantage de la puissante Russie qui représente selon lui une infâme canaille communiste.
En 1940, il est ulcéré par la défaite de la France, mais voit d'abord une délivrance dans les pleins pouvoirs conférés par les députés à Pétain.
Dressant dans son Journal un état de la France au 6 juillet 1940, il met au passif la sujétion de la France à l'Allemagne, la brouille avec l'Angleterre en qui seule est notre espérance éventuelle et la présence au gouvernement de Pierre Laval, qui n'inspire pas confiance.

À l'actif, il met l'épuisement de l'Allemagne et de l'Italie, le gain de forces de l'Angleterre et un changement idéologique qu'il décrit comme suit : La France est délivrée après soixante ans de joug du parti radical et anticatholique, professeurs, avocats, juifs, francs-maçons. Le nouveau gouvernement invoque Dieu et rend la Grande-Chartreuse aux religieux.
Espérance d'être délivré du suffrage universel et du parlementarisme ; ainsi que de la domination méchante et imbécile des instituteurs qui lors de la dernière guerre se sont couverts de honte. Restauration de l'autorité. Ce qui concerne les instituteurs est un écho d'une conversation de Claudel avec le général Édouard Corniglion-Molinier et Antoine de Saint-Exupéry, qui, selon Claudel, lui avaient parlé de la pagaille des troupes françaises, les officiers, les réservistes instituteurs "lâchant pied" les premiers.

Toutefois, le spectacle de la collaboration avec l'Allemagne l'écœure bientôt. En novembre 1940, il note dans le même Journal : "Article monstrueux du cardinal Baudrillart dans La Croix nous invitant à collaborer " avec la grande et puissante Allemagne" et faisant miroiter à nos yeux les profits économiques que nous sommes appelés à en retirer !... Fernand Laurent dans Le Jour déclare que le devoir des catholiques est de se serrer autour de Laval et de Hitler. — Les catholiques de l'espèce bien-pensante sont décidément écœurants de bêtise et de lâcheté".
Dans le Figaro du 10 mai 1941, il publie encore des Paroles au Maréchal, désignées couramment comme l’Ode à Pétain qui lui sont souvent reprochées. La péroraison en est : France, écoute ce vieil homme sur toi qui se penche et qui te parle comme un père./ Fille de saint Louis, écoute-le ! et dis, en as-tu assez maintenant de la politique ?
Écoute cette voix raisonnable sur toi qui propose et qui explique. Henri Guillemin, critique catholique et grand admirateur de Claudel, mais non suspect de sympathie pour les pétainistes a raconté que, dans un entretien de 1942, Claudel lui expliqua ses flatteries à Pétain par l'approbation d'une partie de sa politique lutte contre l'alcoolisme, appui aux écoles libres, la naïveté envers des assurances que Pétain lui aurait données de balayer Laval et enfin l'espoir d'obtenir une protection en faveur de son ami Paul-Louis Weiller et des subventions aux représentations de l'Annonce faite à Marie.
À partir d'août 1941, le Journal ne parle plus de Pétain qu'avec mépris.
Dans le Figaro du 23 décembre 1944, il publie Un poème au général de Gaulle qu'il avait récité au cours d'une matinée du Théâtre-Français consacrée aux Poètes de la Résistance .

Cette existence tout ensemble vagabonde et rangée, sauf entre 1901 et 1905, est dominée par la religion et par l'art. Si l'on veut savoir comment Paul Claudel l'envisageait lui-même, il faut lire les Mémoires improvisés, série d'entretiens radiophoniques que le poète eut avec Jean Amrouche en 1951-1952, et le Journal, qu'il a tenu depuis 1904 jusqu'à sa mort. Mais peu d'hommes se sont moins regardés eux-mêmes que Claudel. C'est nous plutôt qui contemplons d'un œil rétrospectif cette prodigieuse carrière, ouverte par le coup d'éclat de Tête d'or, qui ne fut perçu que de bien peu.
Les œuvres, ensuite, se succèdent avec une lente régularité. Le premier massif du théâtre, de Tête d'or au Repos du septième jour, est bâti en 1900, et Claudel considère qu'il a terminé sa tâche profane. La passion ouvre un nouveau cycle, de Partage de midi au Soulier de satin, tandis que la Jeune Fille Violaine et l'Annonce établissent un lien entre les deux périodes. Entre-temps, le lyrisme s'est décanté. À partir de 1912, les drames de Claudel sont représentés. Il a désormais l'expérience de la scène, les œuvres de la maturité le démontrent avec éclat.
Mais, après le Soulier de satin, il se détourne du théâtre, où il a dit ce qu'il avait à dire. Les œuvres dramatiques qui suivent sont toutes des œuvres de circonstance ou les passe-temps d'un vieillard qui joue avec son génie.
Avant tout, Claudel est un poète, et ses œuvres lyriques ne sont pas moins importantes que ses œuvres dramatiques, bien qu'elles aient moins de volume. Mais ce génie d'une puissance et d'une fécondité prodigieuses, qui n'est comparable en France qu'à Victor Hugo- qu'il n'aimait guère-, ne pouvait être contenu par le lyrisme seul.
Il lui fallait l'affrontement et le drame jusqu'au jour où les vieilles passions seraient purgées, ce qui se produisit avec le Soulier de satin. C'est alors que Claudel s'engagea dans une nouvelle carrière où le public ne l'a, jusqu'à présent, guère suivi : le commentaire de l'Écriture dans l'esprit des Pères de l'Église.
Cette partie de l'œuvre peut paraître périmée avant même que l'on en ait vraiment fait l'inventaire.
Il faut pourtant reconnaître que Claudel n'est pas un moins grand prosateur qu'il n'est un grand poète. Quand ce ne serait que pour la richesse incomparable de cette prose, où l'on ne sait si l'on doit admirer davantage le choix et l'agencement des mots ou la construction de la phrase, ces œuvres méconnues mériteraient un sort meilleur. Du reste, s'il y a une prose religieuse de Claudel, il y a aussi une prose profane qui ne lui cède en rien.
En témoignent Positions et propositions, Conversations dans le Loir-et-Cher et L'œil écoute.
Pourtant, on lit assez peu la prose de Claudel, même profane.
On ne lit pas beaucoup plus ses poèmes, mais on applaudit toujours son théâtre. L'Annonce est une des œuvres les plus populaires du théâtre contemporain, et l'on ne reprend jamais sans succès l'Otage, le Pain dur, l'Échange et surtout le Soulier de satin, qui est sans doute l'une des créations les plus extraordinaires de notre époque. Quelque chose d'essentiel à l'Occident s'est exprimé là pour toujours.
L'ambition de Péguy, qui était de couvrir dans le chrétien autant d'espace que Goethe dans le païen, c'est Claudel qui l'a réalisée. Son œuvre énorme touche à tout, et la correspondance, dont une faible partie seulement est publiée, en est une partie capitale.
Il est malaisé d'embrasser d'un regard ce gigantesque édifice qui surgit avec un brusque éclat dans l'atmosphère des cénacles fin du siècle, salué par Maeterlinck et Camille Mauclair, puis qui se bâtit obscurément dans les lointains étouffés de l'exil. Le bruit d'un grand poète inconnu se répand dans la première décennie du siècle.
André Gide, qui est lui-même mal dégagé de la pénombre, le sait, ainsi que quelques autres. La fondation de la Nouvelle Revue française en 1911, qui remplace le Mercure de France comme organe de la jeune littérature, manifeste au grand jour la prodigieuse génération d'écrivains nés aux environs de 1870.
Ceux-ci ont atteint ou dépassé la quarantaine, mais le public lettré les découvre seulement.
Et l'on s'aperçoit que l'un d'entre eux, Paul Claudel, est un classique.
Non seulement parce qu'il s'inspire directement du classicisme le plus antique, mais parce que l'autorité naturelle de son langage s'impose aux siècles à venir plus encore qu'à son temps même. De là sa gloire, sans égale après la dernière guerre, au cours de ses dix dernières années, mais dont les rayons le dérobent, pour ainsi dire, à l'attention de ses contemporains, qui ne peuvent et ne veulent le saisir que sur la scène, par le truchement de personnages inventés et du décor de théâtre, comme ils saisissent Racine et Shakespeare. Chaque siècle recréera ainsi l'Annonce, l'Otage et le Soulier de satin, comme nous recréons Hamlet ou le Roi Lear. On cherchera et on trouvera dans Claudel le regard sur lui-même de l'Occident parvenu au terme de sa puissance universelle et déjà sur le déclin.
C'est le moment que choisissent les poètes pour chanter la grandeur de ce qui n'est déjà plus qu'un souvenir. Paul Claudel a connu la Chine au temps de la politique des canonnières. Au centre de l'œuvre brûlent l'amour et l'absence comme Didon au cœur de l'Énéide.
Mais l'homme continue sa marche imperturbable, sous l'œil de Dieu, vers la richesse, les honneurs et la gloire, symbolisés par l'énorme château de Brangues.
Il est conformiste et préfère croire aux paroles officielles qu'à d'autres, peut-être plus vraies.
Il est lui-même un officiel, du moins dans l'Église et sous le pape Pie XII, dont tout l'effort est de maintenir. Tout cela s'arrange fort bien ensemble, et nous sommes loin du déchirement de Tête d'or. Comment la jeunesse serait-elle attirée par ce poète classique et dévot, sauf quand il se déguise sur les planches ?
La suprême grandeur de Claudel, pourtant, c'est d'être authentique.
Les oripeaux dont il est affublé ne l'aveuglent pas, même s'il y tient plus qu'on ne voudrait. Claudel contemple le temps révolu avec une profonde nostalgie, comme firent avant lui Dante, Virgile et Homère. Il est un homme du XIXe s. qui s'est longtemps survécu dans le nôtre. Jamais, néanmoins, son regard de chrétien et de poète ne s'est détaché du futur. Il sait que nous n'avons pas ici-bas de demeure permanente et que la figure de ce monde passe. Il nous appelle à une unité et à une communion qui sont loin d'être encore réalisées. Mais, en attendant, il fallait que le poète accomplît sa tâche, qui était de réunir pour l'offrande et peut-être pour l'holocauste ce que, dans "les Muses", il appelle "la Troie du monde réel".

Claudel a mené une constante méditation sur la parole, qui commence avec son théâtre et se poursuit dans une prose poétique très personnelle, s'épanouit au terme de sa vie dans une exégèse biblique originale. Cette exégèse s'inspire fortement de l'œuvre de l'Abbé Tardif de Moidrey (dont il a réédité le commentaire du Livre de Ruth22), mais aussi d'Ernest Hello.
Claudel s'inscrit ainsi dans la tradition patristique du commentaire scripturaire, qui s'était peu à peu perdue avec la scolastique, et qui a été reprise au xixe siècle par ces deux auteurs, avant de revenir sur le devant de la scène théologique avec le cardinal Jean Daniélou et Henri de Lubac. Sa foi catholique est essentielle dans son œuvre qui chantera la création : « De même que Dieu a dit des choses qu'elles soient, le poète redit qu'elles sont. » Cette communion de Claudel avec Dieu a donné ainsi naissance à près de quatre mille pages de textes. Il y professe un véritable partenariat entre Dieu et ses créatures, dans son mystère et dans sa dramaturgie, comme par exemple dans Le Soulier de satin et L'Annonce faite à Marie.
Avec Maurice Garçon, Charles de Chambrun, Marcel Pagnol, Jules Romains et Henri Mondor, il est une des six personnes élues le 4 avril 1946 à l'Académie française lors de la deuxième élection groupée de cette année, visant à combler les très nombreuses places vacantes laissées par la période de l'Occupation...

Distinctions et fin de vie

Il est reçu le 13 mars 1947 par François Mauriac au fauteuil de Louis Gillet.
Il fut membre du Comité d'honneur du Centre culturel international de Royaumont.

Il est enterré dans le parc du château de Brangues ; sa tombe porte l'épitaphe : « Ici reposent les restes et la semence de Paul Claudel. » (Il faut probablement lire le mot semence à la lumière de la doctrine de la résurrection de la chair : à la fin des temps, lors du retour glorieux du Christ, les morts ressusciteront ; les restes humains sont ainsi la semence de la chair transfigurée qui sera celle de la résurrection. D'où l'importance de la sépulture dans la religion chrétienne, et les réticences face à l'incinération par exemple

Amours de Paul Claudel

Rosalie Scibor-Rylska, d'origine polonaise, épouse de Francis Vetch, entrepreneur et affairiste, rencontrée en 1900 sur le bateau qui l’emmenait avec son mari en Chine, et dont il eut une fille naturelle.
Rosalie Vetch a inspiré le personnage d'Ysé dans Partage de midi et celui de Prouhèze dans Le Soulier de satin; elle est enterrée à Vézelay, où sa tombe porte ce vers du poète : Seule la rose est assez fragile pour exprimer l'éternité, vers extrait des Cent phrases pour éventails.

Famille

Paul Claudel épouse le 15 mars 1906 à Lyon Reine Sainte-Marie-Perrin, fille de Louis Sainte-Marie-Perrin, architecte de la basilique Notre-Dame de Fourvière; ils embarquent trois jours plus tard pour la Chine, où Claudel est consul à Tientsin.
Ils auront cinq enfants : Marie, née à Tientsin en 1907, Pierre, né à Tientsin en 1908, Reine, née à Prague en 1910, Henri, né à Francfort en 1912, et Renée, née à Paris en 1917.

Ses œuvres

Théâtre

1887 : L'Endormie première version
1888 : Fragment d'un drame
1890 : Tête d'or première version
1892 : La Jeune Fille Violaine première version
1893 : La Ville première version
1894 : Tête d'or deuxième version ; L'Échange première version
1899 : La Jeune Fille Violaine deuxième version
1901 : La Ville deuxième version
1901 : Le Repos du septième jour
1906 : Partage de midi, drame première version
1911 : L'Otage, drame en trois actes
1912 : L'Annonce faite à Marie première version
1913 : Protée, drame satirique en deux actes, première version
1917 : L'Ours et la Lune
1918 : Le Pain dur, drame en trois actes
1919 : Les Choéphores d'Eschyle
1920 : Le Père humilié, drame en quatre actes
1920 : Les Euménides d'Eschyle
1926 : Protée, drame satirique en deux actes deuxième version
1927 : Sous le Rempart d'Athènes
1929 : Le Soulier de satin ou Le pire n'est pas toujours sûr, action espagnole en quatre journées, créé partiellement en 1943 par Jean-Louis Barrault, en version intégrale au théâtre d'Orsay en 1980; la version intégrale a été reprise en 1987 par Antoine Vitez
1933 : Le Livre de Christophe Colomb, drame lyrique en deux parties
1939 : Jeanne d'Arc au bûcher
1939 : La Sagesse ou la Parabole du destin
1942 : L'Histoire de Tobie et de Sara, moralité en trois actes
1947 : L'Endormie deuxième version
1948 : L'Annonce faite à Marie deuxième version
1949 : Protée, drame satirique en deux actes deuxième version
1954 : L'Échange deuxième version

Poésie

1900, puis 1907 2e éd.: Connaissance de l'Est
1905 : Poèmes de la Sexagésime
1907 : Processionnal pour saluer le siècle nouveau
1911 : Cinq grandes Odes
1911 : Le Chemin de la Croix
1911–1912 : La Cantate à trois voix26
1915 : Corona benignitatis anni dei
1919 : La Messe là-bas
1922 : Poèmes de guerre 1914-1916
1925 : Feuilles de saints
1942 : Cent phrases pour éventails
1945 : Visages radieux
1945 : Dodoitzu, illustrations de Rihakou Harada.
1949 : Accompagnements
Essais
1928 : Positions et propositions, tome I
1929 : L'Oiseau noir dans le soleil levant
1934 : Positions et propositions, tome II
1935 : Conversations dans le Loir-et-Cher
1936 : Figures et paraboles
1940 : Contacts et circonstances
1942 : Seigneur, apprenez-nous à prier
1946 : L'œil écoute
1949 : Emmaüs
1950 : Une voix sur Israël
1951 : L'Évangile d'Isaïe
1952 : Paul Claudel interroge l'Apocalypse
1954 : Paul Claudel interroge le Cantique des Cantiques
1955 : J'aime la Bible, Fayard
1956 : Conversation sur Jean Racine
1957 : Sous le signe du dragon
1958 : Qui ne souffre pas… Réflexions sur le problème social
1958 : Présence et prophétie
1959 : La Rose et le rosaire
1959 : Trois figures saintes pour le temps actuel

Mémoires, journal

1954 : Mémoires improvisés. Quarante et un entretiens avec Jean Amrouche
1968 : Journal. Tome I : 1904-1932
1969 : Journal. Tome II : 1933-1955

Correspondance

1949 : Correspondance de Paul Claudel et André Gide 1899-1926
1951 : Correspondance de Paul Claudel et André Suarès 1904-1938
1952 : Correspondance de Paul Claudel avec Gabriel Frizeau et Francis Jammes 1897-1938, accompagnée de lettres de Jacques Rivière
1961 : Correspondance Paul Claudel et Darius Milhaud 1912-1953
1964 : Correspondance de Paul Claudel et Lugné-Poe 1910-1928. Claudel homme de théâtre
1966 : Correspondances avec Copeau, Dullin, Jouvet. Claudel homme de théâtre
1974 : Correspondance de Jean-Louis Barrault et Paul Claudel
1984 : Correspondance de Paul Claudel et Jacques Rivière 1907-1924
1990 : Lettres de Paul Claudel à Élisabeth Sainte-Marie Perrin et à Audrey Parr
1995 : Correspondance diplomatique. Tokyo 1921-1927
1995 : Correspondance de Paul Claudel et Gaston Gallimard 1911-1954
1996 : Paul Claudel, Jacques Madaule Connaissance et reconnaissance : Correspondance 1929-1954, DDB
1998 : Le Poète et la Bible, volume 1, 1910-1946, Gallimard, coll. Blanche
2002 : Le Poète et la Bible, volume 2, 1945-1955, Gallimard, coll. Blanche
2004 : Lettres de Paul Claudel à Jean Paulhan 1925-1954, Correspondance présentée et annotée par Catherine Mayaux, Berne : Paul Lang, 2004 ISBN 3-03910-452-7
2005 : Correspondance de Paul Claudel avec les ecclésiastiques de son temps. Volume I, Le sacrement du monde et l'intention de gloire, éditée par Dominique Millet-Gérard, Paris : Champion, coll. Bibliothèque des correspondances, mémoires et journaux n° 19, 2005, 655 p.ISBN 2-7453-1214-6.
2005 : Une Amitié perdue et retrouvée. Correspondance de Paul Claudel et Romain Rolland, édition établie, annotée et présentée par Gérald Antoine et Bernard Duchatelet, Paris : Gallimard, coll. « Les cahiers de la NRF », 2005, 479 p.

Décoration

Grand-croix de la Légion d'honneur

Divers

En 1942, Paul Claudel proteste auprès de l'archevêque de Paris contre la solennité des obsèques d'Alfred Baudrillart, données à Notre-Dame à l'émule de Cauchon.
Le directeur de l'École des Beaux-arts lui ayant demandé un sujet de concours de peinture, il a proposé "Hippolyte étendu sans forme et sans couleur." de Racine, Phèdre, acte V
Sollicité dans une réception par une femme du monde pour dire ce que signifient les caractères écrits sur la broche en émail chinois qu'elle porte, il fait semblant de traduire: "Fille publique immatriculée à la municipalité de Tien-Tsin".
Il meurt le 23 février 1955, le même jour que son confrère de l'Académie française André Chaumeix.
Claudel n'a pas eu que des admirateurs, mais aussi des détracteurs. Après la mort de Claudel, André-Paul Antoine, journaliste à L'Information, à publié cet épitaphe littéraire dans son journal : Si M. Paul Claudel mérite quelque admiration, ce n'est ni comme poète, ni comme diplomate, ni comme Français, c'est comme maître-nageur.

Lien
http://youtu.be/HmXELeC9IZo un voyage permanent Claudel
http://youtu.be/Zxi78R1mdEI Discussion autour de la biographie de Paul Claudel
http://youtu.be/5Gu7-ajS5Q4 La nuit de pâques
http://youtu.be/GqyeN0YAvi4 entre Paul Clauddel et louis Massignon


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Posté le : 21/02/2014 15:43

Edité par Loriane sur 22-02-2014 23:08:44
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Jean et Joachim Du Bellay
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Le 16 février 1560 à Rome, meurt Jean du Bellay, écclésiastique

et diplomate français, oncle de Joachm Du Bellay,
il naît en 1498 à Souday.

Cardinal de l'église catholique nommé le 21 Mai 1535 par le papae Paul III, êvêque d'Ostie du 29 mai 1555 au 16 février 1560, il assurera aussi les Fonctions religieuses Abbé de Pontigny, Abbé de Fontaine-Daniel, Doyen du Collège des cardinaux, et occupera la fonction laïque, d'ambassadeur auprès du Roi d'Angleterre René du Bellay, lui, sera Archevêque de Bordeaux
Prélat et diplomate français, Glatigny, Loir-et-Cher, 1492 ou 1498-Rome 1560, frère de Guillaume Du Bellay et de Martin Du Bellay, et cousin du poète Joachim Du Bellay.
Évêque de Paris en 1532, cardinal en 1535, archevêque de Bordeaux en 1544, il œuvra avec son frère Guillaume pour la conciliation entre catholiques et protestants.

Chargé de missions diplomatiques en Angleterre et à Rome, il ne put empêcher l'excommunication d'Henri VIII en 1534. Lieutenant général en Champagne et en Picardie en 1536, il mit Paris en état de défense contre les Impériaux lors du siège de Péronne.
Il protégea Rabelais et fut l'ami de Guillaume Budé et de Philibert Delorme.


Sa vie,

Il est le troisième enfant de Louis du Bellay et de Marguerite de La Tour-Landry, frère de Guillaume du Bellay, l’aîné de cinq enfants et de Martin du Bellay.
Il jouit de la faveur de François Ier qui l’éleva aux plus hautes dignités, et lui confia ses plus grandes affaires. Il fut d’abord évêque de Bayonne en 1526, puis évêque de Paris en 1532. Il fut aussi abbé commendataire de Pontigny à partir de 1545 et de Fontaine-Daniel à partir de 1552, et ce jusqu'à sa mort.
Il avait été, en 1527, ambassadeur auprès d'Henri VIII, et il y retourna en 1533. Ce prince alors menaçait d’un schisme ; il promit cependant à du Bellay de ne pas rompre avec la cour de Rome, pourvu qu’elle lui donnât le temps de se défendre par procureur. Du Bellay se rendit sur-le-champ à Rome pour demander un délai au pape Clément VII ; il l’obtint, et envoya au roi d'Angleterre un courrier pour avoir la procuration qu’il avait promise ; mais le courrier n’ayant pu être de retour auprès du pape le jour qu’on lui avait fixé, les agents de l’empereur Charles Quint firent tant de bruit, qu’on fulmina l’excommunication contre Henri VIII, et l’interdit sur ses États, malgré les protestations de l’évêque de Paris. Le courrier arriva en effet deux jours après ; mais la bulle avait été lancée ; ce qui décida le schisme de l’Angleterre.
Du Bellay continua d’être chargé des affaires de France auprès de Paul III, successeur de Clément, et qui le fit cardinal, le 21 mai 1535. L’année suivante, il assista à un consistoire, où l’empereur Charles-Quint s’emporta tellement contre François Ier, que du Bellay crut devoir se rendre immédiatement auprès de ce monarque pour l’en prévenir.
Charles-Quint ayant bientôt après débarqué en Provence avec une armée nombreuse, François Ier marcha à sa rencontre, laissant à Paris le cardinal du Bellay, avec le titre de lieutenant général, et le commandement de la Picardie et de la Champagne. Les impériaux ayant, au mois d’août, assiégé Péronne, dont le maréchal de Fleuranges était commandant, pour calmer la fermentation des habitants de Paris, du Bellay leur persuada d’abord de défendre leur ville par l’élévation d’un rempart, puis d’envoyer des secours aux assiégés.
Ses services lui méritèrent de nouveaux bienfaits de François Ier, qui le nomma, en 1541, évêque de Limoges; en 1544 archevêque de Bordeaux ; en 1546, évêque du Mans. Il se servit de sa faveur pour l’avancement des lettres, et se joignit au savant Guillaume Budé pour décider le roi à fonder le Collège de France ; mais après la mort du père des lettres, en 1547, le cardinal du Bellay fut privé de son rang et de son crédit, par les intrigues du cardinal de Lorraine.
Il se retira à Rome, où, par le privilège de son âge, il fut fait évêque d'Ostie, et tint rang de doyen du Collège des cardinaux, pendant l’absence de ceux de Tournon et de Bourbon, ses anciens. Il s’était démis de l’évêché de Paris en faveur d’Eustache du Bellay, son cousin, et de l’archevêché de Bordeaux.
Il fit construire un superbe palais à Rome, où il était si estimé, qu’on parla de le faire pape, après la mort de Marcel II. À la mort de ce pape, il recueillit huit voix du conclave lors de l’élection du nouveau pape Jules III. Il mourut dans cette ville, le 16 février 1560. Il fut inhumé dans l’église de la Trinité du Mont, au couvent des Minimes, auquel il léguait 30 000 écus d’or et la moitié de sa riche vaisselle.
Le cardinal du Bellay protégea et cultiva les lettres : c’est sur sa proposition que fut fondé le Collège de France. Brantôme a dit :
que le cardinal du Bellay fut un des plus savants, éloquents, sages et avisés de son temps ; qu’il était pour tout, et un des plus grands personnages en tout et de lettres et d’armes qui fût.
C’est au cardinal du Bellay que François Rabelais fut attaché, suivant les uns, comme domestique nom qu’on donnait alors à tous ceux qui faisaient partie de la maison d’un grand, suivant d’autres en qualité de médecin.

Rabelais accueillit également le neveu de celui-ci, Joachim du Bellay, en 1553, dans son palais romain comme intendant.

Publications

Nous avons de du Bellay :
trois livres de poésies latines, imprimées à la suite de trois livres d’odes de Salmon Macrin, Paris, Robert Estienne, 1546, in-8°.
Francisci (primi) Francorum régis Epistola apologetica, imprimée avec d’autres pièces, en 1542, in-8° ; traduit en français, 1545, in-8°.
Joannis cardinalis Bellaii, Francisci Olivarii et Africani Mallcii, Francisci I legatorum, Orationes duce, nec non pro eodem rege Defensio adversus Jacobi Omphalii maledicta, imprimés en latin et en français, Paris, Robert Estienne, 1544, in-4°. La traduction française de la Défense du roi, imprimée à part la même année, est de Pierre Bunel.
Un grand nombre de lettres, dont l’édition est en cours par Rémy Scheurer et Petris Loris pour la Société de l’Histoire de France. Deux volumes avaient été publiés en 1969 et 1973, et cinq autres commencent à paraître en 2008. Une base de données avec les références de toutes les lettres est accessible depuis 2007 sur le site de l’université de Neuchâtel.
une Apologie de François Ier, publiée en 1546.


Joachim Du Bellay


Joachim Du Bellay est un poète français né vers 1522 au château de la Turmelière, Liré, Anjou, Royaume de France, et mort à 37 ans le 1er janvier 1560 à Paris. Sa rencontre avec Pierre de Ronsard fut à l'origine de la formation de la Pléiade, groupe de poètes pour lequel du Bellay rédigea un manifeste, la Défense et illustration de la langue française. Son œuvre la plus célèbre, Les Regrets, est un recueil de sonnets d'inspiration élégiaque et satirique, écrit à l'occasion de son voyage à Rome de 1553 à 1557.Ses Œuvres principales sont : Défense et illustration de la langue française en 1549 ; L'Olive en 1549-1550 ; Les Regrets en 1558 ; Les Antiquités de Rome en 1559.
Du Bellay, qui appartient à la branche aînée d'une grande famille, naît au château de la Turmelière, paroisse de Liré, non loin d'Angers. "Combien que j'aie passé l'âge de mon enfance et la meilleure part de mon adolescence assez inutilement…", il faut l'en croire sur parole, car nous ne savons rien de son enfance, sinon qu'à dix ans, orphelin de père et de mère, élevé par son frère René, évêque du Mans, il est toujours au château familial".
De ses premiers contacts avec la poésie de son temps, les Grands Rhétoriqueurs et leurs successeurs, nous ignorons tout. Du Bellay commence à vivre, biographiquement parlant, lorsqu'il entame des études de droit à Poitiers, sans doute par nécessité : grande famille ne signifie pas forcément aisance, et ses cousins les plus célèbres, Guillaume Du Bellay , seigneur de Langey et le cardinal Jean Du Bellay, évêque de Paris, sont tous deux diplomates professionnels, ne pouvant vivre de leurs rente
Voilà donc Du Bellay à Poitiers dans un milieu soudain lettré, autour de Marc-Antoine Muret et Macrin. La langue d'enseignement est le latin, mais il semble bien, par ses références ultérieures, que Du Bellay se plonge plus volontiers dans Virgile, Lucain, Horace, Quintilien ou Martial que dans Cicéron. Dès 1543, il rencontre Jacques Peletier du Mans et Ronsard. Ensemble, ils partent pour Paris en 1547, René Du Bellay vient de mourir, affranchissant son frère de sa tutelle suivre les cours de Dorat au collège Coqueret.
Dorat est le maître commun à tous ces jeunes gens qui vont former le noyau dur de la Pléiade. Il les initie à l'humanisme et aux humanités, au latin et surtout au grec, inconnu de la plupart, leur fait lire les textes dans les originaux, et les encourage en même temps à traduire, à imiter, et à s'affranchir des modèles. Toute la vie poétique de Du Bellay tient dans ces trois points : souvent il a traduit, longtemps il a imité, s'est imprégné, dégageant finalement une voix personnelle.

Le gentil-homme angevin.

En 1522 Joachim du Bellay naît à Liré, en Anjou, dans l'actuel département du Maine-et-Loire. Fils de Jean du Bellay, seigneur de Gonnord, et de Renée Chabot originaire de Liré, il appartient à la branche aînée des du Bellay. Ses parents meurent en 1532 quand il a 10 ans. De santé fragile, il est élevé par son frère aîné qui le néglige. Vers 1546, il part faire ses études de droit à l'université de Poitiers où il rencontre Salmon Macrin. En 1547 il fait la connaissance de Jacques Peletier du Mans et de Pierre de Ronsard. Il rejoint ce-dernier au collège de Coqueret à Paris.
Dans cet établissement, sous l'influence du professeur de grec Jean Dorat, les deux hommes décident de former un groupe de poètes appelé d'abord la Brigade. Leur objectif est de créer des chefs-d'œuvre en français d'aussi bonne facture que ceux des Latins et des Grecs. Ce but s'accorde à la perfection avec celui de François 1er qui souhaite donner des lettres de noblesse au français. Jacques Peletier du Mans approuve leur projet et les accompagne dans leur entreprise. Du Bellay signe en 1549 un manifeste collectif, la Défense et illustration de la langue française. La Brigade se transforme en Pléiade avec l'arrivée de quatre nouveaux membres : Rémi Belleau, Etienne Jodelle, Pontus de Tyard et Jean-Antoine de Baïf. Joachim du Bellay publie dès l'année suivante, en 1550, son premier recueil de sonnets, L'Olive, imitant le style de l'italien Pétrarque.
Bien pourvu du côté des relations de famille, Joachim ne l'est guère sur le plan personnel. Chétif, orphelin très jeune, surveillé de loin par un frère plus âgé et indifférent, il traînera toujours avec lui un poids de frustrations trop lourd pour son hypersensibilité d'écorché vif et se montrera aussi capable de tendresse que de causticité et d'insolences de timide. Ajoutons à cela son statut de cadet sans patrimoine dans la branche la moins fortunée du clan Du Bellay. Auprès de ses brillants cousins, il fait figure de parent pauvre, il en souffre, et pourtant il ne cesse de s'accrocher à eux. Depuis son départ pour l'Italie jusqu'à sa mort, il sera au service de Jean du Bellay. Il débutera dans la carrière des lettres en lui dédiant en 1549 son premier livre, la Deffence et illustration de la langue françoyse, au moment où le cardinal, entre deux missions à Rome, tient une petite cour culturelle très bien fréquentée dans le superbe palais abbatial de Saint-Maur, œuvre de Philibert de L'Orme.
Signé par Joachim, ce texte très marqué par un style personnel n'en était pas moins le manifeste collectif d'un groupe d'anciens étudiants de l'helléniste Daurat au collège Coqueret, décidés à faire du français leur langue d'expression, dix ans après l'édit de Villers-Cotterêts qui avait substitué le français au latin comme langue administrative et juridique. Ils n'avaient certes pas fait les premiers pas, et Marot n'était mort que depuis cinq ans. Mais ces jeunes gens veulent voler plus haut. Ils caressent l'ambition d'une langue poétique élevée, à l'image de celle des Anciens, loin des badinages marotiques et du folklore. Pour cela, il leur faut se nourrir des Anciens et de Pétrarque, non pour les singer mais pour les dépasser
Joachim du Bellay n'a jamais eu à subir, comme Ronsard et Villon, un purgatoire de trois siècles avant d'être réhabilité en grande pompe. Il n'a jamais tout à fait cessé d'avoir des lecteurs, même à l'époque où tout ce qui était antérieur à Malherbe paraissait a priori suspect aux gens de goût. Mais on peut se demander s'il a été servi ou desservi par ce privilège insolite. Car l'absence de contestation a eu un résultat prévisible : l'image de Du Bellay n'a pas varié au cours des siècles. Faute de remise en question, elle s'est cristallisée autour d'une sorte de canon établi dès la fin du XVIe siècle, et qui implique une hiérarchie de valeurs pour le moins contestable. Les Regrets ont été mis en pleine lumière, et à l'intérieur des Regrets tout ce qui relève du descriptif, du pittoresque. Les Antiquites de Rome ont été reléguées au second plan, réduites au rôle de corridor ou de voie d'accès à un édifice plus noble – et là encore la critique du XIXe et de la première moitié du XXe siècle a opéré une sélection au profit des sonnets descriptifs ou rhétoriques et au détriment de ceux qui ont une beauté moins voyante. Quant à l'admirable séquence du Songe, avec son arrière-plan d'Apocalypse, elle a été mise entre parenthèses. Dans sa thèse classique de 545 pages, Henri Chamard lui consacre exactement seize lignes, et trois pages aux Sonnets de l'honnête amour jugés incompréhensibles. En sorte que Du Bellay, amputé de tout ce qui évoque le néo-platonisme, la poésie métaphysique, la Bible, l'hermétisme, réduit à un format scolaire, est devenu un auteur sans problèmes, un prototype de la clarté française, admiré pour ses qualités d'élégance et la simplicité linéaire de ses contours, dans un siècle de poésie obscure.

Du Bellay et ses contemporains

Situer Du Bellay parmi les contemporains pose aussi des problèmes, car on ne saurait le limiter au statut de brillant second. Et, pourtant, ce n'est pas sans raison que l'ordre des armées distingue habituellement le chef et le porte-drapeau. Au milieu de la Brigade que Ronsard a mise sur orbite, il n'y a qu'un seul chef, Ronsard lui-même, qui s'impose par sa puissance créatrice, l'abondance de ses dons, sa confiance en lui, son habileté de carriériste. Mais il y a aussi consensus, chez les contemporains, sur l'attribution du rôle de porte-drapeau au rédacteur du manifeste que fut la Deffence et illustration de la langue françoyse. Parmi tous ces jeunes gens en pleine effervescence mais pas encore confirmés, Joachim était le seul à avoir une solide formation juridique ; il était aussi le meilleur manipulateur d'idées et le polémiste le plus efficace. Surtout, il était le seul à porter un grand nom, au moment où ses cousins, illustres, les frères Du Bellay, jouissaient de la plus grande faveur. Aucun d'eux n'était indifférent : le cardinal Jean, diplomate de première importance et lieutenant général préposé à la défense du Nord en 1536 ; René, évêque du Mans, mécène lui aussi, bien que sur un moindre train, protecteur de Peletier du Mans et, par là même, intermédiaire entre Joachim, Peletier et Ronsard ; Martin, le plus jeune, continuateur des Mémoires commencées par son illustre aîné, Guillaume seigneur de Langey, qui a été peut-être le plus grand homme d'État français du XVIe siècle, le plus efficace et le plus intègre.

L'Olive

Suprême habileté : la publication simultanée de la Deffence et du recueil de sonnets de L'Olive permettait d'offrir au public la doctrine avec la mise en œuvre, et quelques mois plus tard les Odes de Ronsard portaient au comble cette démonstration du mouvement par la marche. On ne pourra plus, désormais, refuser à la langue française l'aptitude à se prêter aux grands sujets et au grand style. Avec L'Olive, Joachim du Bellay dote la littérature française de son premier recueil de sonnets, un recueil dont l'inspiration n'est pas seulement amoureuse mais aussi métaphysique, et parfois mystique. À tout moment, le jeu des métaphores et des analogies met en branle les mythes d'Hésiode, plus particulièrement celui de la création du monde par l'Amour, le premier-né des dieux, fécondant le Chaos. L'accouplement d'Éros et du Chaos est invoqué successivement pour figurer la genèse de l'Univers, le modelage de la personnalité adulte que l'amour fait sortir de l'enfance, la naissance de l'ordre et de la paix après la guerre, ou la création de l'artiste. À ce mouvement descendant de l'esprit vers la matière correspondent, en sens inverse, les tropismes de l'âme incarnée, nostalgique de son lieu d'origine, toujours à la recherche d'une issue hors de soi, et d'une quête de l'Idée platonicienne dont la beauté des créatures terrestres n'est que l'ombre portée :
Là, ô mon âme, au plus haut ciel guidée
Tu y pourras reconnaître l'Idée
De la beauté qu'en ce monde j'adore
Olive, 113.

Ici, comme dans tout le recueil, Du Bellay suit le sillage de Marsile Ficin, le néo-platonicien italien dont les traités et les traductions de Platon – fortement interprétées – faisaient autorité. Les amants, écrivait le Florentin, ignorent ce qu'ils désirent ou ce qu'ils cherchent, car ils ne savent pas ce qu'est Dieu, dont la saveur cachée a répandu dans ses œuvres un parfum très doux. Nous sentons l'odeur mais nous ignorons absolument la saveur. Les XIII Sonnets de l'honnête amour, publiés en 1553, pousseront le néo-platonisme jusqu'à l'incandescence, mais même dans le dernier tiers de L'Olive on peut voir le discours amoureux insensiblement glisser vers le mysticisme. Le sonnet 108 aurait pu être écrit par un carme :
Viens éveiller ce mien esprit dormant
D'un nouveau feu brûle moi jusqu'à l'âme.
Quant aux sonnets 109 et 111, ils tirent leur inspiration pour moitié d'une source italienne et pour l'autre moitié d'un psaume.
Le parfum d'Italie qui flottait sur le livre s'évapore à mesure qu'on approche de la fin, quand Platon et saint Jean se font davantage sentir que Pétrarque. Mais même les sonnets qu'on pourrait croire italianisants jusqu'au pastiche, à en croire les notes des éditions critiques, ont une touche personnelle qui ne tient pas à l'enchaînement des énoncés mais à la création de nouveaux champs de forces qui gouvernent la répartition des images et des phonèmes, orientant le désir et les craintes vers des circuits inattendus. Ainsi la trame du sonnet sur "l'âme de l'Univers" dans Olive, est-elle bien empruntée à Zancaruolo – mais à l'exception de l'essentiel, de l'admirable image du "temple aux yeux ouverts "courbé sur la planète, et de celle de l'âme cosmique "sondant le creux des abîmes couverts". Ce sont précisément de telles images qui donnent au sonnet sa phosphorescence poétique.

Du Bellay à Rome

En 1553 du Bellay quitte la France pour accompagner le cardinal Jean du Bellay, un cousin de son père, à la cour pontificale de Rome. Il doit pourvoir aux dépenses de la maison du cardinal malgré son peu de moyens financiers. Il attend avec impatience de découvrir Rome et la culture antique mais il est déçu. En charge de l'intendance de son parent, du Bellay s'ennuie. Loin de jouir d'une liberté qu'il désirait, les intrigues de la cour du pape l'accaparent. Il compose alors Les Regrets, œuvre dans laquelle il critique la vie romaine et exprime son envie de rejoindre son Anjou natal. Suivent Les Antiquités de Rome.

Le séjour en Italie va bouleverser la vie de Joachim en lui offrant des responsabilités, des facilités de vie, des contacts internationaux, ainsi qu'une autre vue de l'histoire, du monde et du destin. Il ne faut surtout pas se fier aux propos de ce perpétuel anxieux qu'est l'auteur des Regrets, toujours prêt à se croire frustré, rabaissé. Il a réussi à faire croire à ses biographes qu'il n'avait été à Rome qu'un malheureux secrétaire accablé de travaux, avant de revenir aussi pauvre qu'il était parti, alors que ses bénéfices ecclésiastiques, reçus grâce au cardinal Du Bellay lui permettront de vivre très honorablement à Paris les dernières années de sa courte vie. Et à Rome même, dans la maison du cardinal, il y a bien des secrétaires, mais sous ses ordres. Quant à Joachim, il est une manière de chef de cabinet du personnage le plus important de Rome après le pape, puisque Jean du Bellay est doyen du Sacré Collège, et que les actes notariés intitulent le poète "procureur et vicaire général tant en spirituel qu'en temporel" du doyen du Sacré Collège. Il a la haute main sur une maison de cent huit personnes et trente-sept chevaux, sur la gestion des finances du cardinal, sur les rentrées de ses revenus français, sur la préparation des dossiers de consistoires. Il s'est plaint de tout ce travail, mais le régime ne lui a pas mal réussi puisqu'il n'a jamais autant ni mieux écrit que pendant ces quatre années d'exil.
Bien que Du Bellay soit toujours resté pour ses contemporains le poète de L'Olive, les Regrets doivent à leur facilité de lecture et à leur style décontracté d'avoir conservé une popularité plus longue et plus étendue. Ils ont donné à Joachim l'exutoire qui manquait à ses dons de polémiste décapant, que la Deffence et la préface goguenarde de L'Olive n'avaient pas épuisés. Il pourra disposer désormais d'un champ d'opérations plus vaste et de cibles plus pittoresques. L'antipapisme gallican attend toujours une occasion de faire surface, et ce milieu de siècle fut une pépinière d'occasions, avec une cour romaine plus corrompue encore que celle des Borgia, et ses trois papes inoubliables : l'infâme Jules III auprès duquel Henri III eût fait figure de saint ; un authentique saint et réformiste, Marcel II, élu par surprise et empoisonné au bout de quelques semaines par les partisans du statu quo ; Paul IV, enfin, irréprochable mais intégriste, paranoïaque, chambré par d'abominables neveux, et qui laissera derrière lui un État pontifical à feu et à sang. Huit sonnets particulièrement corrosifs dans "Regrets, 105 à 112" furent auto-censurés et imprimés sur un encart que les privilégiés pouvaient glisser dans leur exemplaire de librairie.

Mais il y a bien d'autres choses dans les Regrets que la ville pontificale. Par le jeu des dédicaces se construit un ensemble succulent de dialogues avec les amis de Paris, Daurat, Ronsard, Morel, Baïf, Peletier, Jodelle ; le livre se présente aussi comme un journal intime de poète, avec quelques-uns des plus beaux sonnets de nostalgie de la littérature française Regrets, 6, 17, 41 et les tonalités baudelairiennes de l'étonnant sonnet à la princesse Marguerite Regrets, 166 :
Dans l'enfer de mon corps mon esprit attaché
Et cet enfer, Madame, a été mon absence...

N'oublions pas, sur le chemin du retour, le véritable journal de voyage qui nous conduit de Rome à Urbino, de Venise aux Grisons, de Genève à Lyon et Paris, et cette annexe que représentent les "Sonnets au quidam", témoignages d'une répulsion encore plus forte pour la théocratie genevoise que celle que lui avait inspirée la ville des papes.
D'un bout à l'autre de ce livre court un mythe sous-jacent et qui périodiquement fait surface : le mythe d'Ulysse et du voyage en mer, avec ses écueils, ses sirènes, ses espoirs déçus et, malgré les tornades, l'espoir tenace d'arriver un jour au port. Rappelons que depuis plus d'un millénaire le voyage marin avait été utilisé par les auteurs spirituels et les prédicateurs comme l'image par excellence du destin individuel. C'est dans cet esprit que Daurat, au collège Coqueret, interprétait l'Odyssée comme une parabole de la quête du salut.
À côté du mythe du destin individuel, celui du destin collectif des peuples et des civilisations fait son apparition dans les Regrets, mais pour prendre son développement le plus ample dans "Les Antiquitez de Rome" et dans l'extraordinaire Songe. Pour le jeune provincial frotté de parisianisme qu'était le Joachim de 1553, Rome fut la révélation d'une dimension internationale qu'on ne pouvait trouver que là, la révélation d'une ville qui, au cours de l'histoire, avait fait éclater les contraintes de l'espace et du temps, qui avait étendu son pouvoir jusqu'aux extrémités du monde connu, et qui conservait après des millénaires une sorte de survie hagarde.
Du Bellay ne se contente pas de se promener parmi les ruines en versant des larmes, comme l'avaient fait avant lui des poètes néo-latins dont, parfois, il s'inspire. Il nous oriente constamment vers une méditation sur le destin qui plonge ses racines jusque dans le Moyen Âge et la Bible. Sa méditation revêt un double aspect, politique et religieux. Elle est politique dans la mesure où Joachim ne cesse de battre en brèche la croyance italienne dans la survie de l'Empire romain en Italie, survie en hibernation qui pourrait bien précéder un réveil. Paul IV l'espérait, comme avant lui Pétrarque, l'un et l'autre impliquant dans le jeu une Providence qu'on n'imaginait pas neutre.
Du Bellay croit encore moins à la survie de Rome grâce au Saint Empire romain germanique, et il ne manque pas une occasion de railler la « corneille germaine » qui s'acharne à singer l'aigle romain "Antiquitez", 17. Ni l'Italie, ni l'Allemagne de Charles Quint, et pas même la France, comme l'avaient cru Lemaire de Belges et Guillaume Des Autels, ne prendront la relève. L'imperium est mort avec l'Empire romain, et grâce à Dieu les ruines romaines sont là pour marquer le point final du cycle des quatre empires évoqué par le prophète Daniel.
... Ainsi parmi le monde
Erra la Monarchie, et croissant tout ainsi
Qu'un flot, qu'un vent, qu'un feu, sa course vagabonde
Par un arrêt fatal s'est venu perdre ici

Antiquitez, 16.

Du Bellay redit après Marguerite de Navarre et saint Augustin que le cycle des empires païens est clos. La chrétienté ne peut qu'être étrangère à la motion d'imperium, et maudire, après la Bible, la domination d'une ville fondée sur le meurtre rituel de Remus, Antiquitez, 24 dont le sang est retombé sur ses arrière-neveux, avec les guerres civiles, les conquêtes ruineuses en hommes, et pour finir le hallali et la mise à mort de la louve du Songe assaillie par les piqueurs, Songe, 6. Le mythe de Caïn meurtrier d'Abel et celui de Babylone se réincarnent ainsi dans l'histoire de Rome, cependant qu'une thèse théologique se fait dramatisation poétique au rythme obstinément répété, dans Le Songe, de la croissance et de la chute des monuments de l'orgueil et de la force, qui s'effondrent pour devenir de "poudreuses ruines".
Avec l'épisode des géants foudroyés des Antiquitez de Rome et l'Apocalypse visible en transparence dans Le Songe, Du Bellay a retenu d'Hésiode et de la Bible les deux moments où les forces du bien et du mal se trouvent presque à égalité, l'histoire du monde, dans l'intervalle, étant une sorte d'entre-deux-chaos. Cette méditation sur le destin n'est pas livrée à claire-voie : elle passe par le prisme d'un objet poétique derrière lequel Joachim se retranche et qui est sa Rome de visionnaire. Ce que saint Augustin avait interprété, Du Bellay le rend ainsi présent à nos yeux et à nos oreilles. Sous sa plume, les mythes deviennent théologie et l'histoire se fait parabole.

Derniers temps

On est stupéfait de la fécondité de Joachim pendant les dix-huit mois qui séparent son retour à Paris de sa mort. Il trouve le temps d'achever la séquence finale des Regrets, de faire paraître ce recueil, les Antiquitez de Rome, ainsi que les Poemata et les Divers Jeux rustiques, divertissement de l'exil romain. Il réunit aussi les sonnets des Amours où l'on trouve des compositions très récentes qui révèlent un Joachim à la fin de sa vie anéanti par la maladie à moins de trente-sept ans, isolé du monde par la surdité, et qui se compare à un cadavre, une statue, un glaçon, un roc, à :
... une froide image
Errant au fond des éternelles nuits.

Son hypocondrie naturelle s'aigrit. Ses relations, déjà difficiles, avec son cousin ennemi qu'il est chargé de contrôler, l'évêque de Paris Eustache du Bellay, deviennent exécrables. La surdité totale qui s'abat sur lui le condamne à ne plus communiquer que par écrit, le privant ainsi de ce qui avait été sa consolation à son retour de Rome, l'intimité de son grand ami Jean de Morel, et autour de lui celle de sa famille, de son cénacle de lettrés. Reclu dans la maison du cloître Notre-Dame, Du Bellay écrit son « Deuxième Hymne chrétien », paraphrase de l'Oratio deprecatoria de Pic de la Mirandole ; les Xenia, badinages étymologiques sur les noms de famille de ses amis. Et, surtout, il s'avance dans l'arène politique. Au moment où la mort de Henri II remet tout en cause, il va paraphraser en alexandrins les manifestes politiques latins de Michel de L'Hospital sous les titres de "Discours sur le Sacré" et de " Ample Discours au roy". À l'heure où les candidats au pouvoir cherchent à se placer, Joachim a opté pour le candidat du parti gallican modéré, qui est d'ailleurs le parti du clan Du Bellay unanime.
C'est l'année même de la mort de Du Bellay que parut la première édition des Œuvres complètes de Ronsard. Celles de Du Bellay durent attendre encore huit ans, mais elles reçurent un tel accueil qu'il fallut les réimprimer en 1573 et 1574. De tous les recueils, c'est celui des Antiquitez de Rome qui a le mieux passé les frontières. Il a été amoureusement traduit vers par vers par Edmund Spenser, poète admiré de Shakespeare, et par la suite par les Italiens et les Allemands. Tous ont contribué à faire de ce livre un classique européen.
Il fallait avoir sous les yeux les Œuvres complètes pour trouver les clés non seulement de l'ensemble mais des parties, pour percevoir l'omniprésence de pulsions contraires à la recherche d'un impossible accord parfait. C'est l'ambiguïté du désir qui polarise les thèmes de L'Olive ; c'est l'amour-haine de la Rome éternelle qui nourrit les recueils romains ; c'est un mélange de fascination et d'effroi devant le cauchemar de l'histoire qui inspire le Songe ; c'est la dialectique de l'être et du paraître qui sous-tend l'ironie dévastatrice des Regrets et de la Réponse au quidam, face aux publicains luxurieux de Rome et aux pharisiens de Genève. L'écriture est là pour médiatiser les angoisses et les obsessions du poète et, comme il le dit lui-même, les enchanter :
... en pleurant je les chante,
Si bien qu'en les chantant souvent je les enchante.
L'enchantement n'a jamais cessé.

En août 1557 Joachim tombe malade et le cardinal Jean du Bellay le renvoie en France. Le poète loge au cloître Notre-Dame chez son ami Claude de Bize.
En janvier 1558 il fait publier par Fédéric Morel l'Ancien son recueil Les Regrets ainsi que Les Antiquités de Rome.

Du Bellay meurt d'une apoplexie le 1er janvier 1560, à l'âge de 37 ans. Il est inhumé à Paris en la chapelle de Saint-Crépin.
Plaque commémorative posée à l'endroit où se trouvait la maison dans laquelle est mort le poète

Œuvres principales

Défense et illustration de la langue française

Défense et illustration de la langue française, "La Deffence, et Illustration de la Langue Francoyse dans l'orthographe originale est un manifeste littéraire", écrit en 1549 par le poète français Joachim du Bellay, qui expose les idées des poètes de la Pléiade.
Le texte, plaidoyer en faveur de la langue française, paraît dix ans après l'ordonnance de Villers-Cotterêts qui imposa le français comme langue du droit et de l'administration dans le royaume de France. Du Bellay montre sa reconnaissance envers François Ier, " notre feu bon Roi et père" , pour son rôle dans le fleurissement des arts et la culture. Le roi a en effet créé le Collège des lecteurs royaux. Il a en outre pérennisé une bibliothèque du roi alimentée par le dépôt légal et des achats. Du Bellay souhaite transformer la langue française, barbare et vulgaire, en une langue élégante et digne. Avec ses camarades de la Pléiade il envisage donc de l'enrichir afin d'en faire une langue de référence et d’enseignement.

L'Olive

L'Olive est un recueil de poèmes publié par Joachim du Bellay entre 1549 et 1550. Dans cet ouvrage il célèbre une maîtresse imaginaire en s'inspirant de Pétrarque.
Le livre comporte d'abord 50 sonnets écrits en 1549. Mais il en comptera 1154 lors de sa publication en 1550 chez Corrozet et L'Angelier.

Les Regrets

Les Regrets est un recueil de poèmes écrit pendant le voyage de du Bellay à Rome de 1553 à 1557 et publié à son retour en 1558 par l'imprimeur Fédéric Morel, l'Ancien sis rue Jean-de-Beauvais à Paris.
Cet ouvrage comprend 191 sonnets, tous en alexandrins. Le choix de ce mètre, plutôt que du décasyllabe, constitue une nouveauté. Contrairement au modèle pétrarquiste, le thème principal n'est pas l'amour d'une femme mais celui du pays natal.
Le lecteur distingue trois tonalités principales, l'élégie sonnets 6 à 49, la satire sonnets 50 à 156 et l'éloge sonnets 156 à 191. Le mythe d'Ulysse en quête du retour dans sa patrie inspire aussi le poète. Revenu en France, du Bellay y retrouve les travers observés à Rome.
Ce recueil contient le sonnet le plus célèbre de son œuvre :
Heureux qui, comme Vlyſſe, a fait un beau uoyage,
Ou comme ceſtuy là qui conquit la toiſon,
Et puis eſt retourné, plein d’uſage et raiſon,
Viure entre ſes parents le reſte de son aage !

Quand reuoiray-ie, helas, de mon petit uillage
Fumer la cheminee, et en quelle ſaiſon,
Reuoiray-ie le clos de ma pauure maiſon,
Qui m’eſt une province, et beaucoup d’auantage ?

Plus me plaiſt le ſeiour qu’ont baſty mes ayeux,
Que des palais Romains le front audacieux:
Plus que le marbre dur me plaiſt l’ardoiſe fine,

Plus mon Loyre Gaulois, que le Tybre Latin,
Plus mon petit Lyré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la doulceur Angeuine.
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme celui-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison,
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup d’avantage ?

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine,

Plus mon Loire Gaulois, que le Tibre Latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la douceur Angevine.

Note : l'orthographe et la graphie employées à gauche sont celles de l'auteur au xvie siècle, celles de droite sont les actuelles.

Les Antiquités de Rome

Les Antiquités de Rome est un recueil de 32 sonnets édité en 1558, alternant sonnets en décasyllabes et en alexandrins. Ce recueil est une méditation sur la grandeur de Rome et sur sa chute. Il se nourrit du mythe de la Gigantomachie.

Postérité et culture populaire

En 1578, une partie de ses odes est mise en musique par le compositeur Antoine de Bertrand.
En 1894 la ville d'Ancenis fait ériger une statue réalisée par le sculpteur Adolphe Léonfanti. Elle représente le poète en costume du XVIe siècle, tenant à la main un exemplaire de son recueil Les Regrets. Dans les années 1960 elle est installée sur la rive gauche de la Loire, face à Liré. En 1934 son nom est donné au Collège des jeunes filles d'Angers qui devient le Collège Joachim du Bellay puis l'actuel Lycée Joachim-du-Bellay.
La ville de Liré inaugure en 1947 une statue représentant le poète assis, méditant, œuvre du sculpteur Alfred Benon. Les Archives Nationales commémorent en 1949 le quatre centième anniversaire de son ouvrage Défense et illustration de la langue française. En 1958 un timbre postal de 12 f. surtaxé f., vert est émis dans la série Célébrités. Il porte le n° YT 11666. En 1960, à l'occasion du quatre centième anniversaire de sa mort, une commémoration avec conférence et récitations de ses textes alieu devant les ruines du château de la Turmelière. Une école de la ville du Lude, dans la Sarthe, porte également son nom.
En 2007 le chanteur Ridan reprend un extrait des Regrets de Joachim du Bellay. L'artiste le travaille à sa façon dans sa chanson Ulysse.
En 2009, la compositrice Michèle Reverdy a mis en musique le sonnet XII des Regrets qui constitue la première pièce du cycle De l'ironie contre l'absurdité du monde8.

Musée Joachim du Bellay

En 1957 l'Association des Amis du Petit Lyré acquiert à Liré une demeure de 1521 ayant appartenu à la famille du Bellay et y fonde un musée inauguré le 8 juin 1958. Le musée devient propriété communale vers 1990. Depuis 1998 il présente cinq salles dédiées à la vie et à l’œuvre de l'écrivain de la Pléiade ainsi qu'à la poésie et à la Renaissance. Le musée organise également des manifestations sur les thèmes de l'écriture, de la poésie et de la langue française.

Œuvres

Il a créé de nombreuses œuvres et voici les plus connues :
Défense et illustration de la langue française (1549)
L'Olive 1549
Vers lyriques 1549
Recueil de poesie, presente à tres illustre princesse Madame Marguerite, seur unique du Roy …1549
Le Quatriesme livre de l'Eneide, traduict en vers françoys 1552
La Complainte de Didon à Enée, prince d'Ovide 1552
Œuvres de l'invention de l'Auteur 1552
Divers Jeux Rustiques 1558
Les Regrets 1558
Les Antiquités de Rome 1558
Poésies latines, 1558
Le Poète courtisan 1559

Liste de ses oeuvres

de Joachim Du Bellay
A l'ambitieux et avare ennemi des bonnes lettres
A Madame Marguerite, d'écrire en sa langue
A monsieur d'Avanson
A son livre
A Vénus
Après avoir longtemps erré sur le rivage
Astres cruels, et vous dieux inhumains
Au fleuve de Loire
Au Roi
Autant comme l'on peut en un autre langage
Ayant tant de malheurs gémi profondément
Baif, qui, comme moi, prouves l'adversité
Brusquet à son retour vous racontera, Sire
C'est ores, mon Vineus, mon cher Vineus, c'est ore
C'était alors que le présent des dieux
C'était ores, c'était qu'à moi je devais vivre
Ce n'est l'ambition, ni le soin d'acquérir
Ce n'est le fleuve tusque au superbe rivage
Ce n'est pas sans propos qu'en vous le ciel a mis
Celle que Pyrrhe et le Mars de Libye
Celle qui de son chef les étoiles passait
Cent fois plus qu'à louer on se plaît à médire
Cependant qu'au palais de procès tu devises
Cependant que la Cour mes ouvrages lisait
Cependant que Magny ...
Cependant que tu dis ta Cassandre divine
Cependant que tu suis le lièvre par la plaine
Ces grands monceaux pierreux, ces vieux murs que tu vois
Ceux qui sont amoureux, leurs amours chanteront
Chant du désespéré
Combien que ton Magny ait la plume si bonne
Comme jadis l'ame de l'univers
Comme l'on voit de loin sur la mer courroucée
Comme le champ semé en verdure foisonne
Comme le marinier, que le cruel orage
Comme on passe en été le torrent sans danger
Comme un qui veut curer quelque cloaque immonde
Comte, qui ne fis onc compte de la grandeur
Cousin, parle toujours des vices en commun
D'un vanneur de blé aux vents
Dans l'enfer de son corps mon esprit attaché
De ce qu'on ne voit plus qu'une vague campagne
De ce royal palais que bâtiront mes doigts
De quelque autre sujet que j'écrive, Jodelle
De voir mignon du roi un courtisan honnête
De votre Dianet (de votre nom j'appelle
Dedans le ventre obscur, où jadis fut enclos
Déjà la nuit en son parc amassait
Depuis que j'ai laissé mon naturel séjour
Dessous ce grand François, dont le bel astre luit
Dessus un mont une flamme allumée
Digne fils de Henri, notre Hercule gaulois
Divins esprits, dont la poudreuse cendre
Doulcin, quand quelquefois je vois ces pauvres filles
En mille crespillons les cheveux se friser
Encore que l'on eût heureusement compris
Espérez-vous que la postérité
Esprit royal, qui prends de lumière éternelle
Et je pensais aussi ce que pensait Ulysse
Et puis je vis l'arbre dodonien
Finalement sur le point que Morphée
Flatter un créditeur, pour son terme allonger
France, mère des arts, des armes et des lois
Fuyons, Dilliers, fuyons cette cruelle terre
Gordes, à m'est avis que je suis éveillé
Gordes, j'ai en horreur un vieillard vicieux
Gordes, que Du Bellay aime plus que ses yeux
Heureux celui qui peut longtemps suivre la guerre
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage
Heureux, de qui la mort de sa gloire est suivie
Ici de mille fards la traïson se déguise
Il fait bon voir, Paschal, un conclave serré
J'aime la liberté, et languis en service
Je fus jadis Hercule, or Pasquin je me nomme
Je hais du Florentin l'usurière avarice
Je hais plus que la mort un jeune casanier
Je me ferai savant en la philosophie
Je n'ai jamais pensé que cette voûte ronde
Je n'escris point d'amour, n'estant point amoureux
Je ne commis jamais fraude ni maléfice
Je ne découvre ici les mystères sacrés
Je ne suis pas de ceux qui robent la louange
Je ne te conterai de Bologne et Venise
Je ne veux feuilleter les exemplaires Grecs
Je ne veux point fouiller au sein de la nature
Je vis haut élevé sur colonnes d'ivoire
Je vis l'oiseau qui le soleil contemple
Je vis sourdre d'un roc une vive fontaine
Je vis un fier torrent, dont les flots écumeux
L'olive
La Complaînte du désespéré
La grecque poésie orgueilleuse se vante
La jeunesse, Du Val, jadis me fit écrire
La nef qui longuement a voyagé, Dillier
La terre y est fertile, amples les édifices
Las où est maintenant ce mespris de Fortune
Le Babylonien ses hauts murs vantera
Le Breton est savant et sait fort bien écrire
Le grand flambeau gouverneur de l'année
Les Boys fueilluz, et les herbeuses Ryves
Loyre fameux, qui ta petite Source
Magny, je ne puis voir un prodigue d'honneur
Maintenant je pardonne à la douce fureur
Malheureux l'an, le mois, le jour, l'heure et le point
Maraud, qui n'es maraud que de nom seulement
Marcher d'un grave pas, et d'un grave sourcil
Mars, vergogneux d'avoir donné tant d'heur
Maudit soit mille fois le Borgne de Libye
Morel, quand quelquefois je perds le temps à lire
Muse, qui autrefois chantas la verte Olive
N'étant de mes ennuis la fortune assouvie
N'étant, comme je suis, encore exercité
Ne lira-t-on jamais que ce dieu rigoureux
Ne pense pas, Bouju, que les nymphes latines
Ne t'ébahis, Ronsard, la moitié de mon âme
Ni la fureur de la flamme enragée
Non autrement qu'on voit la pluvieuse nue
Non pour ce qu'un grand roi ait été votre père
Nous ne faisons la cour aux filles de Mémoire
Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
Ny par les bois les Driades courantes
Ô beaux cheveux d'argent mignonnement retors
Ô combien est heureux qui n'est contraint de feindre
Ô marâtre nature (et marâtre es-tu bien
Ô qu'heureux est celui qui peut passer son âge
Ô que celui était cautement sage
Ô que tu es heureux, si tu connais ton heur
Ô trois et quatre fois malheureuse la terre
On donne les degrés au savant écolier
Ores, plus que jamais, me plaît d'aimer la Muse
Où que je tourne l'oeil, soit vers le Capitole
Pâles esprits, et vous ombres poudreuses
Panjas, veux-tu savoir quels sont mes passe-temps
Par armes et vaisseaux Rome dompta le monde
Plus qu'aux bords Aetëans le brave fils d'Eson
Plus riche assez que ne se montrait celle
Prélat, à qui les cieux ce bonheur ont donné
Puis m'apparut une pointe aiguisée
Qu'heureux tu es, Baïf, heureux, et plus qu'heureux
Quand ce brave séjour, honneur du nom Latin
Quand cette belle fleur premièrement je vis
Quand je te dis adieu, pour m'en venir ici
Quand je vois ces messieurs, desquels l'autorité
Quand je voudrai sonner de mon grand Avanson
Quand le Soleil lave sa tête blonde
Que dirons-nous, Melin, de cette cour romaine
Que ferai-je, Morel ? Dis-moi, si tu l'entends
Que n'ai-je encor la harpe thracienne
Quel est celui qui veut faire croire de soi
Qui a vu quelquefois un grand chêne asséché
Qui est ami du coeur est ami de la bourse
Qui niera, Gillebert, s'il ne veut résister
Qui voudra voir tout ce qu'ont pu nature
Qui voudrait figurer la romaine grandeur
Quiconque, mon Bailleul, fait longuement séjour
Ronsard, j'ai vu l'orgueil des colosses antiques
Sacrés coteaux, et vous saintes ruines
Scève, je me trouvai comme le fils dAnchise
Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon oeil
Si après quarante ans de fidèle service
Si celui qui s'apprête à faire un long voyage
Si fruits, raisins et blés, et autres telles choses
Si je monte au Palais, je n'y trouve qu'orgueil
Si l'aveugle fureur, qui cause les batailles
Si la perte des tiens, si les pleurs de ta mère
Si la vertu, qui est de nature immortelle
Si les larmes servaient de remède au malheur
Si mes écrits, Ronsard, sont semés de ton los
Si nostre vie est moins qu'une journée...
Si onques de pitié ton âme fut atteinte
Si par peine et sueur et par fidélité
Si pour avoir passé sans crime sa jeunesse
Si tu m'en crois, Baïf, tu changeras Parnasse
Si tu ne sais, Morel, ce que je fais ici
Si tu veux sûrement en cour te maintenir
Sire, celui qui est a formé toute essence
Sur la croupe d'un mont je vis une fabrique
Sur la rive d'un fleuve une nymphe éplorée
Sur un chapelet de roses du Bembe
Tant que l'oiseau de Jupiter vola
Telle que dans son char la Bérécynthienne
Tels que l'on vit jadis les enfants de la Terre
Toi qui de Rome émerveillé contemples
Tout ce qu'Egypte en pointe façonna
Tout effrayé de ce monstre nocturne
Tout le parfait dont le ciel nous honore
Tu dis que Du Bellay tient réputation
Tu ne crains la fureur de ma plume animée
Tu ne me vois jamais, Pierre, que tu ne die
Tu sois la bienvenue, ô bienheureuse trêve !
Tu t'abuses, Belleau, si pour être savant
Un plus savant que moi, Paschal, ira songer
Une louve je vis sous l'antre d'un rocher
Veux-tu savoir, Duthier, quelle chose c'est Rome
Villanelle
Vivons, Gordes, vivons, vivons, et pour le bruit
Voyant l'ambition, l'envie, et l'avarice
Vu le soin ménager dont travaillé je suis

Liens
http://youtu.be/efCGXbSdq-k Heureux qui comme Ulysse dit par Gérard Philipe
http://youtu.be/9vT8Qoi_PD8 La vie de Joachim Du Bellay
http://youtu.be/Ry4qI59vB4s Sonnet L'infidèle
http://youtu.be/9kdZSVYlmBs La belle Sonnet
http://youtu.be/G1RCxfaKlFA Les regrets
http://youtu.be/9GPP87ib0CY Nuit froide et sombre (chant)
http://youtu.be/89gNkOjZ8Dg La nuit froide et sombre par une chorale



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Posté le : 15/02/2014 19:32
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Octave Mirbeau
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Le 16 février 1848 à Trévières dans le Calvados naît Octave Mirbeau,

écrivain, critique d'art et journaliste français, mort le 16 février 1917 à Paris.
Il a connu une célébrité européenne et de grands succès populaires, tout en étant également apprécié et reconnu par les avant-gardes littéraires et artistiques, ce qui n'est pas commun.
Auteur de romans et de pièces de théâtre, Mirbeau dressa un réquisitoire impitoyable contre le clergé ainsi que contre les inégalités sociales de son époque. Il fut l'un des dix premiers membres de l'Académie Goncourt, fondée en 1903. Ayant commencé sa carrière comme journaliste dans la presse bonapartiste et royaliste, il établit sa réputation de conteur avec des histoires de paysans normands :

Lettres de ma chaumière en 1885 ; Le Calvaire en 1886. Dans ce dernier ouvrage, un chapitre sur la défaite de 1870 souleva contre lui une forte hostilité. Il écrivit en 1888 l'histoire d'un prêtre fou, L'Abbé Jules, et, en 1890, Sébastien Roch, une description sans pitié de l'école des Jésuites qu'il avait fréquentée. Tous ses romans, depuis Le Jardin des supplices en 1898 et Le Journal d'une femme de chambre en 1900 jusqu'à La 628-E8 en 1907 et Dingo en 1912, sont d'âpres satires de la société. Sa production dramatique était d'une belle qualité, et on a comparé Les Mauvais Bergers en 1897 à l'œuvre d'Henry Becque. Il a obtenu son plus grand succès avec Les affaires sont les affaires en1903
Journaliste influent et fort bien rémunéré, critique d’art défenseur des avant-gardes, pamphlétaire redouté, Octave Mirbeau a été aussi un romancier novateur, qui a contribué à l'évolution du genre romanesque, et un dramaturge, à la fois classique et moderne, qui a triomphé sur toutes les grandes scènes du monde. Mais, après sa mort, il a traversé pendant un demi-siècle une période de purgatoire : il était visiblement trop dérangeant pour la classe dirigeante, tant sur le plan littéraire et esthétique que sur le plan politique et social.
Littérairement incorrect, il était inclassable, il faisait fi des étiquettes, des théories et des écoles, et il étendait à tous les genres littéraires sa contestation radicale des institutions culturelles ; également politiquement incorrect, farouchement individualiste et libertaire, il incarnait une figure d'intellectuel critique, potentiellement subversif et irrécupérable, selon l'expression de Jean-Paul Sartre dans Les Mains sales.

Les débuts, Jeunesse

Petit-fils de notaires normands, fils d’un médecin ou, plus précisément, d'un officier de santé de Rémalard, dans le Perche, le jeune Octave Mirbeau fait des études médiocres au collège des jésuites de Vannes, d'où il est chassé dans des conditions plus que suspectes, qu'il évoquera en 1890 dans son roman Sébastien Roch.
Après son baccalauréat, il entame sans la moindre conviction des études de Droit, qu'il n'achève pas, et rentre à Rémalard, où il travaille chez le notaire du village. Mobilisé, il subit la guerre de 1870 dans l'armée de la Loire, et l'expérience traumatisante de la débâcle lui inspirera plusieurs contes et des chapitres démystificateurs du Calvaire et de Sébastien Roch.
Pendant toutes ses années d'enfance, dont il a conservé des souvenirs de morne tristesse et d'ennui, son seul confident est son ami Alfred Bansard des Bois, à qui il adresse des lettres qui constituent à la fois un défouloir et un apprentissage littéraire.

En 1872 il monte à Paris et fait ses débuts journalistiques dans le quotidien de l'Appel au peuple, nouveau nom du parti bonapartiste, L'Ordre de Paris, dirigé par un client et voisin de son père, l'ancien député de l'Orne Henri-Joseph Dugué de La Fauconnerie, qui lui a offert l'occasion de fuir le destin notarial où il se sentait enfermé comme dans un cercueil. Il devient le secrétaire particulier de Dugué et se trouve donc, à ce titre, chargé d’écrire tout ce qui s'écrit chez lui, notamment les brochures de propagande bonapartiste : épisode douloureux, dont il se souviendra amèrement dans son roman inachevé, publié après sa mort, "Un gentilhomme".

Entrée en journalisme

Pendant une douzaine d’années, Octave Mirbeau va donc faire le domestique, en tant que secrétaire particulier, et le trottoir, comme il l’écrit des journalistes en général, en tant que collaborateur à gages de divers organes de presse : selon lui, en effet, un journaliste se vend à qui le paie.

"les Grimaces"

Ses chroniques ont paru successivement dans L'Ordre de Paris, organe officiel de l’Appel au Peuple, bonapartiste, jusqu’en 1877 ; puis dans L'Ariégeois, au service du baron de Saint-Paul, député de l’Ariège, en 1877-1878 ; puis dans Le Gaulois, devenu monarchiste sous la direction d'Arthur Meyer 1880-1882.
En 1883, pendant trois mois, il dirige et rédige presque seul un biquotidien d'informations rapides, Paris-Midi Paris-Minuit. Puis, pendant six mois, il devient le rédacteur en chef pour le compte du banquier Edmond Joubert, vice-président de la Banque de Paris et des Pays-Bas des Grimaces, hebdomadaire attrape-tout, anti-opportuniste et antisémite sur ce point, il a fait son auto-critique dès le 14 janvier 1885 dans La France.
Il entend y faire grimacer les puissants, démasquer leurs turpitudes et dévoiler les scandales de la pseudo-République, où, selon lui, une bande de joyeux escarpes crochètent impunément les caisses de l’État. Paul Hervieu, qui, ainsi qu’Alfred Capus, collabore aux Grimaces sous le pseudonyme de Liris, devient son ami et son confident.
Au début des années 1880 Mirbeau fait aussi le nègre et ainsi produit une dizaine de volumes, publiés sous au moins deux pseudonymes : Alain Bauquenne et Forsan.
Cela lui permet, non seulement de gagner convenablement sa vie, à une époque où il entretient une maîtresse dispendieuse, mais aussi et surtout de faire ses gammes et ses preuves, en attendant de pouvoir voler de ses propres ailes, signer sa copie et la vendre avantageusement. En 1882, sous le pseudonyme de Gardéniac, il fait également paraître dans Le Gaulois une série de Petits poèmes parisiens, où il cite pour la première fois un poème souvent attribué à Rimbaud, Poison perdu.

Le grand tournant

En 1884, pour se remettre et se "purger" d’une passion dévastatrice pour une femme galante, Judith Vinmer – expérience qui lui inspirera son premier roman officiel, Le Calvaire –, Mirbeau fait retraite pendant sept mois à Audierne, dans le Finistère, et se ressource au contact des marins et paysans bretons.
C’est le grand tournant de 1884-1885 : de retour dans la presse parisienne, il commence, tardivement et difficilement, à écrire pour son propre compte et entame sa rédemption par le verbe : ce n’est pas un hasard si la suite projetée du Calvaire, jamais écrite, devait précisément s'intituler La Rédemption.
Dès lors il met sa plume au service de ses valeurs éthiques et esthétiques et engage les grands combats éthiques, politiques, artistiques et littéraires qui donneront de lui l’image durable d’un justicier et d'un imprécateur. C’est à la fin de 1884 que commence sa longue amitié pour les deux grands dieux de son cœur, Claude Monet et Auguste Rodin.

La consécration. Entrée en littérature

Mirbeau poursuit désormais une double carrière de journaliste et d’écrivain. Chroniqueur, conteur et critique d’art influent, redouté et de mieux en mieux rémunéré, il collabore, successivement ou parallèlement, à La France, au Gaulois, au Matin, au Gil Blas, au Figaro, à L'Écho de Paris, puis, pendant dix ans, à partir de l’automne 1892, au Journal, où il touche 350 francs par article, environ 1 100 euros, ce qui est tout à fait considérable pour l’époque.
Outre ses chroniques, il y fait paraître de nombreux contes, dont il ne publie en volume qu’une petite partie : Lettres de ma chaumière en 1885 – dont l’exergue est significatif de son engagement éthique : Ne hais personne, pas même le méchant. Plains-le, car il ne connaîtra jamais la seule jouissance qui console de vivre : faire le bien – et Contes de la chaumière en 1894. La plupart de ces contes ne seront publiés qu’après sa mort, en plusieurs volumes, et seront recueillis en 1990 dans ses Contes cruels, rééditions en 2000 et 2009.
Parallèlement il entame tardivement, sous son propre nom, une carrière de romancier. Le Calvaire, qui paraît en novembre 1886, lui vaut un succès de scandale, notamment à cause du deuxième chapitre démystificateur sur la débâcle de l’armée de la Loire pendant la guerre de 1870 qui fait hurler les nationalistes et que Juliette Adam a refusé de publier dans la Nouvelle revue, ce roman inspirera certains écrivains comme Paul Bourget. Puis est publié L'Abbé Jules en avril 1888, roman dostoïevskien dont le héros, Jules Dervelle, est un prêtre révolté, déchiré par ses contradictions et fauteur de scandales. Sébastien Roch en mars 1890 porte sur un sujet tabou, le viol d’adolescents par des prêtres, ce qui lui vaut une véritable conspiration du silence. Ces œuvres novatrices, en rupture avec les conventions du naturalisme, sont vivement appréciées des connaisseurs et de l’avant-garde littéraire, mais sont négligées par une critique conformiste, effrayée par leurs audaces.
C’est au cours de cette période qu’il entame une vie de couple avec Alice Regnault, une ancienne actrice de théâtre, qu’il épouse, honteusement et en catimini, à Londres, le 25 mai 1887, après deux ans et demi de vie commune. Mais Mirbeau ne se fait aucune illusion sur ses chances de jouir du bonheur conjugal, comme en témoigne une nouvelle au titre amèrement ironique, publiée au lendemain de son mariage : Vers le bonheur. "L’abîme" qui, selon lui, sépare à tout jamais les deux sexes, les condamne irrémédiablement à de douloureux malentendus, à l’incompréhension et à la solitude. Cette expérience le poussera, vingt ans plus tard, à interpréter à sa façon les relations entre Balzac et Évelyne Hanska dans La Mort de Balzac 1907, sous-chapitres de La 628-E, où il ne cherchera pas à établir une impossible vérité historique et qui lui servira avant tout d’exutoire pour exhaler son amertume et ses frustrations.

Crise

Pendant les sept années qui suivent, Mirbeau traverse une interminable crise morale, où le sentiment de son impuissance à se renouveler, sa remise en cause des formes littéraires, notamment du genre romanesque, jugé par trop vulgaire, et son pessimisme existentiel, qui confine au nihilisme, sont aggravés par une douloureuse crise conjugale qui perdure – et dont témoigne une longue nouvelle, Mémoire pour un avocat en 1894. C’est au cours de cette période difficile qu’il s'engage dans le combat anarchiste et qu’il découvre Vincent van Gogh, Paul Gauguin et Camille Claudel, dont il proclame à trois reprises le génie. Il publie également son roman Dans le ciel en feuilleton dans L'Écho de Paris, mais non en volume, et il rédige sa première grande pièce, Les Mauvais bergers, tragédie prolétarienne profondément pessimiste, qui sera créée en décembre 1897 par les deux plus grandes stars, de la scène de l’époque, Sarah Bernhardt et Lucien Guitry.

Au tournant du siècle, après l'Affaire Dreyfus, dans laquelle il s'engage passionnément, Mirbeau remporte de grands succès de ventes et de scandales avec Le Jardin des supplices en juin 1899 et Le Journal d'une femme de chambre en juillet 1900, et, à degré moindre, avec Les Vingt et un Jours d'un neurasthénique en août 1901; puis il connaît un triomphe mondial au théâtre avec Les affaires sont les affaires en 1903, puis avec Le Foyer en 1908, deux comédies de mœurs au vitriol qu’il parvient, non sans mal, à faire représenter à la Comédie-Française, au terme de deux longues batailles. La 628-E8 connaît également un succès de scandale en novembre 1907, à cause, surtout, des sous-chapitres sur La Mort de Balzac. Ses œuvres sont alors traduites en de nombreuses langues, et sa réputation et son audience ne font que croître dans toute l’Europe, tout particulièrement en Russie, où, bien avant la France, paraissent deux éditions de ses œuvres complètes entre 1908 et 1912.
Personnalité de premier plan, craint autant qu'admiré, à la fois marginal – par ses orientations esthétiques et par ses prises de position politiques radicales –, et au cœur du système culturel dominant qu’il contribue à dynamiter de l’intérieur, il est reconnu par ses pairs comme un maître : ainsi Léon Tolstoï voit-il en lui, le plus grand écrivain français contemporain, et celui qui représente le mieux le génie séculaire de la France ; Stéphane Mallarmé écrit-il qu’il sauvegarde certainement l’honneur de la presse en faisant que toujours y ait été parlé, ne fût-ce qu’une fois, par lui, avec quel feu, de chaque œuvre d’exception; Georges Rodenbach voit-il en lui Le Don Juan de l’Idéal et Remy de Gourmont le chef des Justes par qui sera sauvée la presse maudite, cependant qu’Émile Zola salue, chez l’auteur du Journal d’une femme de chambre, Le justicier qui a donné son cœur aux misérables et aux souffrants de ce monde.

Demeures

Après son mariage avec Alice Regnault, Mirbeau préféra quitter Paris et s'installa en Bretagne, à Kérisper, près d'Auray; il a aussi passé plusieurs hivers sur la Côte d'Azur, ainsi, son roman Sébastien Roch fut commencé à Menton en novembre 1888.
Puis, de 1889 à 1892, il a habité Les Damps, près de Pont-de-l'Arche, dans l’Eure, où Camille Pissarro a laissé quatre toiles de son jardin. Mais, se sentant trop éloigné de Paris, il déménagea à Carrières-sous-Poissy, Yvelines, où il a fait de son jardin une source d’émerveillement pour ses visiteurs. Devenu riche il s’installa boulevard Delessert à Paris, près du Trocadéro, puis se partagea un temps entre son luxueux appartement de l’avenue du Bois, actuelle avenue Foch, où il a emménagé en novembre 1901, et le château de Cormeilles-en-Vexin, acheté en 1904 par sa femme Alice.
En 1909 il se fit construire la villa de "Cheverchemont" à Triel-sur-Seine, où il écrivit ses derniers livres, avant de revenir à Paris pour se rapprocher de son médecin, le professeur Albert Robin.
Dans toutes ses demeures il a cultivé passionnément son jardin, rivalisant avec Claude Monet, a reçu abondamment ses nombreux amis – notamment Paul Hervieu, son ancien complice des Grimaces, les peintres Claude Monet et Camille Pissarro, le sculpteur Auguste Rodin, et le journaliste Jules Huret – et il a collectionné amoureusement les œuvres d’art des artistes novateurs qu’il a contribué à promouvoir.

Crépuscule

Les dernières années de la vie d’Octave Mirbeau sont désolantes : presque constamment malade, à partir de 1908, il est désormais incapable d’écrire : c’est son jeune ami et successeur Léon Werth qui doit achever Dingo, qui paraît en juin 1913.
La terrifiante boucherie de la Première Guerre mondiale achève de désespérer un homme qui, malgré un pessimisme confinant souvent au nihilisme, n’a pourtant jamais cessé de parier sur la raison de l’homme ni de miser sur l’amitié franco-allemande pour garantir la paix en Europe voir notamment La 628-E, en 1907.

Il meurt le jour de son 69e anniversaire.

Œuvres

Ses engagements, Combats politiques

Sur le plan politique, Mirbeau s’est rallié officiellement à l'anarchisme en 1890. Mais, bien avant cette date, il était déjà révolté et réfractaire à toutes les idéologies aliénantes, radicalement libertaire, farouchement individualiste, irréductiblement pacifiste, résolument athée depuis son adolescence, anticlérical, antireligieux et antimilitariste.
Il s’est battu avec constance contre toutes les forces d’oppression, d’exploitation et d’aliénation : la famille et l’école éducastratrices; l'Église catholique et les croyances religieuses, tout juste bonnes, selon lui, pour les pensionnaires de l’asile de Charenton; l’armée, les « âmes de guerre et le bellicisme ; la presse vénale et anesthésiante ; le capitalisme industriel et financier, qui permet aux gangsters et prédateurs des affaires de se partager les richesses du monde ; les conquêtes coloniales, qui transforment des continents entiers en jardins des supplices; et le système politique bourgeois, qui se prétend abusivement républicain, alors qu’il ne fait qu’assurer la mainmise d'une minorité sur tout le pays, avec la bénédiction des électeurs moutonniers, plus bêtes que les bêtes : aussi appelle-t-il ses lecteurs à faire la grève des électeurs : Surtout, souviens-toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est d’ailleurs pas en son pouvoir de te donner. ... Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne disent rien, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit.
Pamphlétaire efficace et d’autant plus redouté, Mirbeau met en œuvre une ironie démystificatrice, un humour noir dérangeant et une rhétorique de l'absurde, dans l'espoir d’obliger certains de ses lecteurs à réagir et à se poser des questions, même s’il ne se fait guère d’illusions sur la majorité de son lectorat. Il recourt volontiers à l’interview imaginaire des puissants de ce monde, afin de mieux dévoiler leur médiocrité et leurs turpitudes. Une anthologie de ses articles a paru sous le titre de Combats politiques.

Combats éthiques

Ardent dreyfusard, il s’engage avec passion dans le grand combat pour les valeurs cardinales du dreyfusisme, la Vérité et la Justice en 1898-1899. Il rédige le texte de la pétition des intellectuels, qui paraît le 16 janvier 1898 ; il collabore à L'Aurore d’août 1898 à juin 1899 ; il participe à de multiples réunions publiques à Paris et en province, au risque, parfois, de se faire tabasser par les nationalistes et antisémites, comme à Toulouse, en décembre 1898, et à Rouen, en février 1899 ; et, le 8 août 1898, il paye de sa poche la grosse amende d’un montant de 7 555,25 francs avec les frais du procès, à laquelle a été condamné Émile Zola pour son J'accuse, paru le 13 janvier dans L'Aurore. En août 1898 également, dans L'Aurore, il tente de mobiliser les deux groupes sociaux dont l’union est la condition du succès : d’une part, les intellectuels, qui ont un grand devoir... celui de défendre le patrimoine d’idées, de science, de découvertes glorieuses, de beauté, dont ils ont enrichi le pays, dont ils ont la garde et dont ils savent pourtant bien ce qu’il en reste quand les hordes barbares ont passé quelque part !... ; d’autre part, les prolétaires, qui se sentent peu concernés par le sort d’un officier appartenant à la classe dominante : L'injustice qui frappe un être vivant — fût-il ton ennemi — te frappe du même coup. Par elle, l'Humanité est lésée en vous deux. Tu dois en poursuivre la réparation, sans relâche, l’imposer par ta volonté, et, si on te la refuse, l’arracher par la force, au besoin.
Mirbeau incarne l'intellectuel à qui rien de ce qui est humain n’est étranger. Conscient de sa responsabilité de journaliste écouté et d’écrivain prestigieux, il mène avant tout un combat éthique et, s'il s'engage dans les affaires de la cité, c’est en toute indépendance à l’égard des partis, en qui il n'a aucune confiance, et tout simplement parce qu’il ne peut supporter l’idée d’être complice, par son silence, comme tant d’autres par leur passivité, de tous les crimes qui sont perpétrés à travers le monde : Je n’ai pas pris mon parti de la méchanceté et de la laideur des hommes. J’enrage de les voir persister dans leurs erreurs monstrueuses, de se complaire à leurs cruautés raffinées... Et je le dis, confie-t-il en 1910, alors que son état de santé le condamne à une semi-retraite. Son devoir est avant tout d’être lucide et de nous forcer à voir, en nous inquiétant, ce que, aveugles volontaires, nous préférons généralement éviter de regarder en face, histoire de préserver notre confort moral. Telle est donc la mission humaniste de la littérature : Aujourd’hui l’action doit se réfugier dans le livre. C’est dans le livre seul que, dégagée des contingences malsaines et multiples qui l’annihilent et l’étouffent, elle peut trouver le terrain propre à la germination des idées qu’elle sème. … Les idées demeurent et pullulent : semées, elles germent ; germées, elles fleurissent. Et l’humanité vient les cueillir, ces fleurs, pour en faire les gerbes de joie de son futur affranchissement.

Combats esthétiques

Parallèlement, en tant que critique d’art influent et doté d’une espèce de prescience, il pourfend l’art académique des Édouard Detaille, Jean-Louis-Ernest Meissonier, Alexandre Cabanel et William Bouguereau, il tourne en ridicule le système des Salons, ces bazars à treize sous, ces grandes foires aux médiocrités grouillantes et décorées, et il bataille pour les grands artistes novateurs, longtemps moqués et méconnus, parce que les sociétés, selon lui, ne sauraient tolérer le génie : Tout l'effort des collectivités tend à faire disparaître de l’humanité l'homme de génie, parce qu’elles ne permettent pas qu’un homme puisse dépasser de la tête un autre homme, et qu’elles ont décidé que toute supériorité, dans n’importe quel ordre, est, sinon un crime, du moins une monstruosité, quelque chose d’absolument anti-social, un ferment d’anarchie. Honte et mort à celui dont la taille est trop haute !
Mirbeau se fait donc le chantre attitré d’Auguste Rodin, de Claude Monet et de Camille Pissarro ; il est l’admirateur de Paul Cézanne, d’Edgar Degas et d’Auguste Renoir, le défenseur d’Eugène Carrière, de Paul Gauguin — qui, grâce à ses articles élogieux, en février 1891, peut payer son voyage à Tahiti —, de Félix Vallotton, d’Édouard Vuillard et de Pierre Bonnard, le découvreur de Maxime Maufra, de Constantin Meunier, de Vincent van Gogh, de Camille Claudel, dont il proclame à trois reprises le énie, d’Aristide Maillol et de Maurice Utrillo. Ses articles sur l'art ont été recueillis dans les deux gros volumes de ses Combats esthétiques, parus à la Librairie Séguier en 1993.

Ardent défenseur et collectionneur de l'art de son temps

... comme il sut choisir toujours les pièces les plus franches, les plus aiguës, les plus révélatrices, nul ensemble réuni par aucun amateur n'a encore offert une image aussi caractéristique de l'effort contemporain. préface anonyme du catalogue de la vente de sa collection.
Afin de pouvoir transformer la villa de Triel-sur-Seine en un lieu de villégiature pour les littérateurs et artistes maltraités par le sort, sa veuve dut vendre cette importante collection de Tableaux, aquarelles, pastels et dessins, par Paul Cézanne, 13 œuvres, dont deux autoportraits, Bonnard, Cross, Daumier, Paul Gauguin, Vincent van Gogh, 2 œuvres, dont Le Père Tanguy, 1887, Claude Monet, Berthe Morisot, Camille Pissarro, Renoir, Rodin, 23 dessins, K.-V. Roussel, Seurat, Signac, Utrillo, Félix Vallotton, M. Thadée Natanson, 1897, Valtat, Vuillard, et des sculptures par Camille Claudel, un plâtre, Aristide Maillol, 10 plâtres, terres cuites, bois et bronzes et Rodin (11 plâtres, marbres et bronzes, dont le buste de Victor Hugo et celui de l'écrivain, qui peut être celui reproduit plus bas, fut mise aux enchères publiques, le 24 février 1919, à la galerie Durand-Ruel, 16, rue Laffitte, à Paris.
Si aucune de ses toiles de l'écrivain, peintre-amateur au talent reconnu par Monet, n'y figura, la note-préface du catalogue est illustrée de ses Hortensias et de La mer à Menton-Garavan, réalisés lors d'un de ses séjours à Menton.

Combats littéraires

Il mène aussi le bon combat pour des écrivains également novateurs : il lance notamment Maurice Maeterlinck en août 1890, par un article retentissant du Figaro, et Marguerite Audoux en 1910 ; il défend et promeut Remy de Gourmont, Marcel Schwob, Léon Bloy et Jules Renard, qu’il fait élire à l’Académie Goncourt en 1907, en menaçant de démissionner ; il vient en aide à Alfred Jarry et à Paul Léautaud ; il admire inconditionnellement Léon Tolstoï et Dostoïevski, qui lui ont révélé les limites de l’art latin, fait de clarté et de mesure ; il prend à deux reprises la défense d’Oscar Wilde condamné aux travaux forcés ; et il contribue à la réception en France de Knut Hamsun et d’Ibsen.
Nommé membre de l’Académie Goncourt par la volonté testamentaire d’Edmond de Goncourt, qu’il a plusieurs fois défendu dans la presse, Mirbeau fait entendre sa voix et se bat avec ferveur, à partir de 1903, pour de jeunes écrivains originaux qu’il contribue à promouvoir, même s’ils n’obtiennent pas le prix Goncourt : Paul Léautaud, Charles-Louis Philippe, Émile Guillaumin, Valery Larbaud, Marguerite Audoux, Neel Doff, Charles Vildrac et Léon Werth.
Ses chroniques sur la littérature et le journalisme ont été recueillies en 2006 dans ses Combats littéraires, L’Âge d’Homme, Lausanne.

Mirbeau romancier

"Beaucoup de pose. C'est le monsieur qui a trouvé un ton et qui s'y maintient. On sent qu'il parlerait de la même façon d'un saladier de fraises et de l'assassinat de toute une famille ... mais une fameuse plume. Et puis, du sang, du nerf, de la générosité."
Georges Clemenceau à Jean Martet, M.Clemenceau peint par lui-même, 1929 .

De la négritude au roman autobiographique

Mirbeau s’est d’abord avancé masqué et a publié, sous au moins deux pseudonymes, pour plusieurs commanditaires, une dizaine de romans écrits comme nègre, notamment L'Écuyère, La Maréchale, La Belle Madame Le Vassart, Dans la vieille rue et La Duchesse Ghislaine. Il y fait brillamment ses gammes, varie les modèles dont il s’inspire et inscrit ses récits dans le cadre de romans-tragédies, où le fatum prend la forme du déterminisme psychologique et socioculturel. Et, déjà, il trace un tableau au vitriol de ce loup dévorant qu’est le monde, et de la bonne société qu’il abomine et dont il connaît les dessous peu ragoûtants pour l’avoir fréquentée pendant une douzaine d’années.
Il fait, dans le genre romanesque, des débuts officiels fracassants, sous son propre nom, avec un roman qui, publié chez Ollendorff, obtient un succès de scandale, Le Calvaire en 1886. Il s'y libère par l’écriture des traumatismes de sa destructrice passion pour Judith Vinmer, rebaptisée Juliette Roux, et maîtresse du narrateur et antihéros Jean Mintié . De surcroît, dans le chapitre II, non publié par Juliette Adam, il dresse un tableau impitoyable de l’armée française pendant la guerre de 1870, qu’il a vécue, comme moblot mobile, dans l’armée de la Loire.
En 1888 il publie, chez Ollendorff, L'Abbé Jules, premier roman dostoïevskien et pré-freudien de notre littérature, vivement admiré par Léon Tolstoï, Georges Rodenbach, Guy de Maupassant et Théodore de Banville, où, dans le cadre percheron de son enfance, apparaissent deux personnages fascinants : l'abbé Jules et le père Pamphile. Dans un troisième roman autobiographique, Sébastien Roch en 1890, il évacue un autre traumatisme : celui de son séjour chez les jésuites de Vannes – un enfer, écrivait-il en 1862 à son confident Alfred Bansard – et des violences sexuelles qu’il pourrait bien y avoir subies, à l’instar du personnage éponyme. Il transgresse ainsi un tabou qui a duré encore plus d’un siècle : le viol d’adolescents par des prêtres.

La crise du roman

Il traverse alors une grave crise existentielle et littéraire, au cours de laquelle il remet radicalement en cause le genre romanesque. Il publie néanmoins en feuilleton un extraordinaire roman, très noir, expressionniste et pré-existentialiste avant la lettre, sur la souffrance de l'humaine condition et la tragédie de l’artiste, Dans le ciel. Il y met en scène un peintre, Lucien directement inspiré de Van Gogh, dont, à l’insu de sa pingre épouse, il vient d’acheter au père Tanguy, pour 600 francs, deux toiles qui, revendues en 1987, seront alors les plus chères au monde : Les Iris et Les Tournesols…
Au lendemain de l’affaire Dreyfus, son pessimisme est encore renforcé, et il publie deux romans fin-de-siècle qui en témoignent. Jugés scandaleux par les Tartuffes et les bien-pensants de tout poil, ils n’en connaissent pas moins un énorme succès à travers le monde, ils sont traduits dans plus d'une trentaine de langues et sont constamment réédités dans tous les pays : d'abord, Le Jardin des supplices en 1899, où la distanciation géographique et l’exotisme facilitent sa dénonciation, par le truchement de la fictive Clara, d’une prétendue civilisation reposant sur la culture du meurtre; ensuite, le Journal d'une femme de chambre en 1900, où, à travers le regard d’une soubrette lucide, Célestine, il s’emploie à démasquer les honnêtes gens, pires à ses yeux que les canailles. Il y met déjà à mal le genre romanesque, en pratiquant la technique du collage, et en transgressant les codes de la vraisemblance, de la crédibilité romanesque et des hypocrites bienséances. Les 21 jours d'un neurasthénique 1901 systématise le recours au collage et nous donne une vision grinçante des hommes et de la société, à travers le regard d’un neurasthénique qui projette son mal-être sur un univers et une société bourgeoise prise de folie, où rien ne rime à rien et où tout marche à rebours de la justice et du bon sens, comme l'illustre notamment la mésaventure de Jean Guenille.

La mise à mort du roman.

Octave Mirbeau achève de mettre à mort le vieux roman prétendument réaliste dans ses deux dernières œuvres narratives : La 628-E8 een 1907, amputée in extremis de La Mort de Balzac, qui se présente comme un récit de voyage en automobile à travers la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne ; et Dingo en 1913, achevé par Léon Werth, parce que Mirbeau, malade, n’était plus capable d’écrire. Les héros de ces deux récits ne sont autres que sa propre automobile, la fameuse Charron immatriculée 628-E8 et son propre chien tendrement aimé, Dingo, effectivement mort à Veneux-Nadon en octobre 1901. Mirbeau renonce aux subterfuges des personnages romanesques et se met lui-même en scène en tant qu’écrivain, inaugurant ainsi une forme d’autofiction avant la lettre. Il renonce à toute trame romanesque et à toute composition, et obéit seulement à sa fantaisie.
Enfin, sans le moindre souci de réalisme, il multiplie les caricatures, les effets de grossissement et les hénaurmités pour mieux nous ouvrir les yeux. C’est ainsi qu’on peut comprendre le chapitre de La 628-E8 sur La Mort de Balzac, qui a fait scandale, et où certains critiques, notamment Marcel Bouteron, ont voulu voir une vulgaire calomnie à l’encontre de Mme Hanska, alors qu’il ne s’agit, pour le romancier, que d’exprimer sa propre gynécophobie et d’exorciser ses propres frustrations.
Par-dessus le roman codifié du xixe siècle à prétentions réalistes, Mirbeau renoue avec la totale liberté des romanciers du passé, de Rabelais à Sterne, de Cervantès à Diderot, et il annonce ceux du vingtième siècle.

Mirbeau dramaturge, Une tragédie prolétarienne


Au théâtre, Mirbeau a fait ses débuts avec une tragédie prolétarienne, Les Mauvais bergers, sur un sujet proche de celui du Germinal d’Émile Zola : l’éclosion d’une grève ouvrière et son écrasement dans le sang. Elle a été créée au théâtre de la Renaissance, le 15 décembre 1897, par deux monstres sacrés de la scène, Sarah Bernhardt, qui incarne la jeune pasionaria Madeleine, et Lucien Guitry, qui interprète l'anarchiste Jean Roule. Mirbeau y proclame notamment le droit à la beauté pour tous53. Mais le pessimisme domine, confinant même au nihilisme : au dénouement, ne subsiste aucun espoir de germinations futures. Mirbeau jugera sa pièce beaucoup trop déclamatoire et songera même à l’effacer de la liste de ses œuvres. Mais des groupes anarchistes la traduiront et la représenteront à travers l’Europe.

Deux grandes comédies

En 1903, il connaît un triomphe mondial, notamment en Allemagne et en Russie, avec une grande comédie classique de mœurs et de caractères dans la tradition de Molière, qu’il a fait représenter à la Comédie-Française au terme d’une longue bataille, marquée par la suppression du comité de lecture, en octobre 1901 : Les affaires sont les affaires, créée le 20 avril 1903. C’est là qu’apparaît le personnage d’Isidore Lechat, archétype du brasseur d’affaires moderne, produit d’un monde nouveau : il fait argent de tout, intervient sur tous les terrains, caresse de vastes projets et étend sans scrupules ses tentacules sur le monde. Mais la révolte de sa fille Germaine et la mort accidentelle de son fils révèlent ses failles et les limites de sa puissance.
En 1908, au terme d’une nouvelle bataille judiciaire et médiatique, qu’il remporte de haute lutte contre Jules Claretie, l'administrateur de la Maison de Molière, il fait de nouveau représenter à la Comédie-Française une pièce à scandale, cosignée par son ami Thadée Natanson, Le Foyer. À travers le cas du Foyer géré par le baron J. G. Courtin, il y pourfend une nouvelle fois la prétendue charité, qui n’est qu’un juteux business, et transgresse un nouveau tabou : l’exploitation économique et sexuelle d’adolescentes dans un foyer prétendument charitable, avec la complicité du gouvernement républicain, qui préfère étouffer le scandale.

Farces et moralités

Mirbeau a aussi fait jouer six petites pièces en un acte, recueillies sous le titre de Farces et moralités en 1904 : tout en se situant dans la continuité des moralités médiévales à intentions pédagogiques et moralisatrices, il anticipe le théâtre de Bertolt Brecht, de Marcel Aymé, de Harold Pinter et d’Eugène Ionesco Il y subvertit les normes sociales, il démystifie la loi et il porte la contestation au niveau du langage, qui contribue notamment à assurer la domination de la bourgeoisie, il tourne notamment en dérision le discours des politiciens et le langage de l’amour.

Contradictions

Octave Mirbeau était un homme, un écrivain et un intellectuel engagé pétri de contradictions58, qui lui ont valu bien des critiques, mais qui sont constitutives de son humanité en même temps que le produit de la diversité de ses exigences.

Sensibilité et détachement

Doté d’une extrême sensibilité, qui lui vaut d’éprouver d’intenses satisfactions d’ordre esthétique, par exemple, il est du même coup exposé de plein fouet aux souffrances et déceptions en tous genres que réserve la vie. Aussi passe-t-il par des périodes contemplatives, devant des parterres de fleurs ou des œuvres d’art où il trouve un refuge loin du monde des hommes et aspire-t-il à une philosophie du détachement, qui rappelle l'ataraxie des stages stoïciens et où certains commentateurs ont voulu voir une forme d'élan mystique, ce qui l’amène aussi à s’intéresser au Nirvana des bouddhistes ce n’est évidemment pas un hasard s’il signe du pseudonyme de Nirvana les sept premières Lettres de l'Inde de 1885. Mais, à l’instar de l’abbé Jules, du roman homonyme, il est fort en peine de juguler les élans de son cœur.

Désespoir et engagement

Mirbeau a toujours fait preuve d’une lucidité impitoyable, et radicalement matérialiste, et il n’a cessé de dénoncer tous les opiums du peuple et toutes les illusions qui interdisent aux hommes de regarder Méduse en face et de se voir tels qu’ils sont, dans toute leur horreur.
Et pourtant ce désespéré n’a jamais cessé d’espérer et de lutter pour se rapprocher de l’idéal entrevu, comme si les hommes étaient amendables, comme si l’organisation sociale pouvait être réellement améliorée. Le pessimisme radical de sa raison est toujours contrebalancé par l’optimisme de sa volonté.

Idéalisme et réalisme

Farouchement libertaire, et foncièrement hostile à toutes les formes de pouvoir, Mirbeau a toujours refusé la forme partidaire et ne s’est rallié à aucun groupe anarchiste. Mais l’affaire Dreyfus lui a fait comprendre la nécessité de faire des compromis et de passer des alliances, fût-ce avec des politiciens bourgeois naguère vilipendés et des socialistes honnis, pour avoir quelques chances de remporter des victoires, fussent-elles provisoires. D’autre part, son anarchisme est problématique, puisque l’absence d’État et la totale liberté laissée aux individus ne pourraient qu’assurer le triomphe des prédateurs sans scrupules, tels qu’Isidore Lechat, dans Les affaires sont les affaires. Aussi a-t-il fini par faire un bout de route avec Jaurès et par accepter de collaborer à L’Humanité à ses débuts, dans l'espoir de réduire l'État à son minimum de malfaisance.

Un écrivain réfractaire à la littérature

Enfin, Mirbeau est un écrivain paradoxal, qui a écrit énormément, tout en se prétendant frappé d’impuissance, et qui a contesté le principe même de la littérature, faite de mots et véhicule de mensonges, en même temps que tous les genres littéraires. Journaliste, il n’a cessé de vilipender la presse vénale, accusée de désinformation, de crétinisation des masses, voire de chantage. Critique d’art, il s’est toujours moqué des professionnels de la critique, ratés misonéistes, aussi inutiles que des ramasseurs de crottin de chevaux de bois, et il a martelé qu’une œuvre d’art ne s’explique pas, mais doit s’admirer en silence. Romancier, il a dénoncé la vulgarité et les conventions d’un genre qui avait fait son temps. Dramaturge, il a proclamé la mort du théâtre. Et pourtant, professionnel de la plume et intellectuel engagé, il n’a cessé d’écrire pour clamer sa colère ou ses enthousiasmes.

Postérité

Mirbeau n’a jamais été oublié et n’a jamais cessé d’être publié, mais on l’a souvent mal lu, à travers de trompeuses grilles de lecture, par exemple, nombre de critiques et d’historiens de la littérature l’ont embrigadé bien malgré lui parmi les naturalistes, ou bien on a voulu voir dans plusieurs de ses romans des œuvres érotiques, comme en témoignent nombre de couvertures de ses innombrables traductions. On a aussi eu fâcheusement tendance à réduire son immense production aux trois titres les plus emblématiques de son œuvre littéraire.
Politiquement incorrect, socialement irrécupérable et littérairement inclassable, il a traversé, après sa mort, une longue période d’incompréhension de la part des auteurs de manuels et d’histoires littéraires ; et le faux Testament politique, rédigé par Gustave Hervé et publié cinq jours après sa mort par sa veuve abusive, Alice Regnault, a contribué à brouiller durablement son image.
Heureusement, depuis vingt ans, grâce au développement des études mirbelliennes, parution de sa biographie, nombreuses découvertes de textes insoupçonnés, publication de très nombreux inédits, fondation de la Société Octave Mirbeau, création des Cahiers Octave Mirbeau, organisation de nombreux colloques internationaux et interdisciplinaires, sept entre 1991 et 2007, constitution d’un Fonds Octave Mirbeau à la Bibliothèque Universitaire d’Angers, ouverture de deux sites web consacrés à Mirbeau, mise en ligne de la plus grande partie de ses écrits, on le découvre sous un jour nouveau, on le lit sans idées préconçues ni étiquettes réductrices, on publie la totalité de son œuvre, dont des pans entiers étaient méconnus ou ignorés, voire totalement insoupçonnés, ses romans écrits comme nègre, par exemple, et on commence tardivement à prendre la mesure de son tempérament d’exception, de son originalité d’écrivain et du rôle éminent qu’il a joué sur la scène politique, littéraire et artistique de la Belle Époque, ainsi que dans l’évolution des genres littéraires.

Société Octave Mirbeau.

En novembre 1993 a été créée la Société Octave Mirbeau, présidée par Pierre Michel, qui a son siège à Angers. Elle publie tous les ans de copieux Cahiers Octave Mirbeau 20 numéros parus. Elle a constitué un Fonds Mirbeau à la Bibliothèque Universitaire d'Angers, organisé trois colloques internationaux, créé un site Internet et un portail Internet multilingue, coédité plusieurs volumes de textes et œuvres de Mirbeau, notamment son Œuvre romanesque et sa Correspondance générale, et édité ou mis en ligne elle-même plusieurs études sur Mirbeau. Elle a également mis en ligne, à l'automne 2010, un monumental Dictionnaire Octave Mirbeau, qui est paru en volume à l'Âge d'Homme, en coédition avec la Société Octave Mirbeau, en février 2011. Un bilan des activités de la Société Octave Mirbeau a été tiré par son président, à l'occasion du vingtième anniversaire de sa création.
La Société Octave Mirbeau a commencé à préparer la commémoration du centième anniversaire de la mort de Mirbeau, en 2017. Elle devrait donner lieu, en France et à l'étranger, à toutes sortes d'initiatives les plus diverses. À cette fin, elle a contacté de nombreuses institutions et collectivités ; elle a constitué et mis en ligne un dossier présentant l'écrivain et la Société Mirbeau; elle a obtenu le haut patronage de l'Académie Goncourt et sollicité celui du Ministère de la Culture et de l'Académie des sciences ; et elle a appelé de nombreuses personnalités internationales de l'université, de la littérature, du théâtre et des beaux-arts à apporter leur soutien.

Prix Octave Mirbeau

Il existe deux "Prix Octave Mirbeau" :
L'un est un prix scientifique, de biologie végétale, décerné tous les quatre ans par l'Académie des Sciences, légataire des archives de Mirbeau par sa veuve Alice Regnault; son montant est de 1 500 €.
L’autre est un prix littéraire créé en 2004 et décerné chaque année par la commune de Trévières, ville natale de l’écrivain; il récompense un roman désigné parmi des ouvrages proposés par des auteurs participant au festival et traitant peu ou prou de la Normandie.

Œuvres

Romans

Un gentilhomme, Flammarion, 1920
Le Calvaire, Ollendorff (1886);
L'Abbé Jules, Ollendorff (1888);
Sébastien Roch, Charpentier (1890);
Dans le ciel (1892-1893, en feuilleton dans L'Écho de Paris, première édition en volume en 1989, à L'Échoppe);
Le Jardin des supplices, Fasquelle (1899);
Le Journal d'une femme de chambre, Fasquelle (1900);
Les 21 jours d'un neurasthénique, Fasquelle (1901);
La 628-E8, Fasquelle (1907);
Dingo, Fasquelle (1913);
Un gentilhomme, Flammarion (1920);
Les Mémoires de mon ami, Flammarion (1920 ; nouvelle édition en octobre 2007, à L'Arbre vengeur);
Œuvre romanesque, Buchet/Chastel - Société Octave Mirbeau, 3 volumes, 4000 pages, dont 800 pages d’appareil critique (2000-2001). Pierre Michel y a réalisé l’édition critique de l’ensemble des romans d’Octave Mirbeau. Cinq romans écrits comme nègre y sont reproduits en annexe : L’Écuyère, La Maréchale, La Belle Madame Le Vassart, Dans la vieille rue et La Duchesse Ghislaine. Ces quinze romans sont également accessibles en ligne sur le site Internet des éditions du Boucher, avec de nouvelles préfaces de Pierre Michel (2003-2004).

Théâtre

Les Mauvais Bergers, Charpentier-Fasquelle (1897).
Les affaires sont les affaires, Fasquelle (1903).
Farces et moralités, Fasquelle (1904).
Le Foyer, Fasquelle (1908).
Théâtre complet, Eurédit, 4 volumes, 2003.
Les Dialogues tristes, Eurédit, 2006.

Récits, contes et nouvelles

La Pipe de cidre, Flammarion, 1919
Lettres de ma chaumière, Laurent (1885).
Cocher de maître (1889 ; réédition en 1990, À l'écart ; mise en ligne en 2008).
Contes de la chaumière, Charpentier (1894).
Mémoire pour un avocat (1894 en feuilleton dans Le Journal ; mise en ligne par les Éditions du Boucher ; réédition par Flammarion en 2012).
Dans l’antichambre (Histoire d’une Minute) (1905). Illustré par Edgar Chahine. Librairie de la Collection des Dix. A. Romagnol, Éditeur. Collection de l'Académie des Goncourt.
La Vache tachetée, Flammarion (1918).
Un homme sensible, Flammarion (1919).
La Pipe de cidre, Flammarion (1919).
Les Souvenirs d'un pauvre diable, Flammarion (1921).
Le Petit gardeur de vaches, Flammarion (1922).
La Mort de Balzac L'Échoppe (1989, avec une postface de Pierre Michel et Jean-François Nivet ; nouvelles éditions en 1999, chez Arte Éditions - Éditions du Félin, avec la même postface ; en 2011, aux Éditions Sillage ; et en 2012, aux Éditions de l'Herne, avec un avant-propos de François L'Yvonnet).
Contes cruels, Librairie Séguier, 2 volumes (1990 ; réédition chez le même éditeur à l'identique, mais en un seul volume, en 2000). Recueil de 150 contes.
Contes drôles, Séguier (1995). Recueil de 21 contes.
Amours cocasses et Noces parisiennes, Librairie Nizet (1995). Deux recueils parus sous le pseudonyme d'Alain Bauquenne en 1885 et 1883.
Bruxelles, Magellan 2011

Textes de critique

Un homme sensible, 1919, et Le petit gardeur de vaches, 1922
Chez l'Illustre écrivain, Flammarion (1919).
Des artistes, Flammarion, 2 volumes (1922-1924).
Gens de théâtre, Flammarion (1924).
Les Écrivains, Flammarion, 2 volumes (1925-1926).
Notes sur l’art, L'Échoppe (1989).
Sur la statue de Zola, L'Échoppe (1989).
Combats esthétiques, Séguier, 2 volumes (1993).
Premières chroniques esthétiques, Presses de l'Université d'Angers - Société Octave Mirbeau (1996).
Chroniques musicales, Séguier-Archimbaud (2001).
Combats littéraires, L'Âge d’Homme (2006)

Textes politiques et sociaux

La Grève des électeurs (1902 ; rééditions récentes en 1995, 2002, 2007, 2009 et 2011).
Les Grimaces et quelques autres chroniques, Flammarion (1928).
Combats politiques, Séguier (1990).
Combats pour l’enfant, Ivan Davy (1990).
L'Affaire Dreyfus, Séguier (1991).
Lettres de l'Inde, L'Échoppe (1991).
Paris déshabillé, L'Échoppe (1991).
Petits poèmes parisiens, À l'écart (1994).
L’Amour de la femme vénale, Indigo-Côté femmes (1994).
Chroniques du Diable, Presses Universitaires de Besançon (1995).
Chroniques ariégeoises, L'Agasse (1998).
Dreyfusard !, André Versaille (2009).
Interpellations, Le Passager clandestin, (2011).

Correspondance

Correspondance avec Auguste Rodin, Le Lérot (1988).
Lettres à Alfred Bansard des Bois, 1862-1874, Le Limon (1989).
Correspondance avec Claude Monet, Le Lérot (1990).
Correspondance avec Camille Pissarro, Le Lérot (1990).
Correspondance avec Jean-François Raffaëlli, Le Lérot (1993).
Correspondance avec Jean Grave, Au Fourneau (1994).
Correspondance avec Jules Huret, Le Lérot (2009).
Correspondance générale, 3 volumes parus, éd. L’Âge d’Homme, (2003-2009), réalisée par Pierre Michel.

Études, Livres

Reginald Carr, Anarchism in France - The Case Octave Mirbeau, Manchester, 1977, 190 pages.
Pierre Michel et Jean-François Nivet, Octave Mirbeau, l'imprécateur au cœur fidèle, biographie, Librairie Séguier, Paris, 1990, 1020 pages.
Claude Herzfeld, La Figure de Méduse dans l’œuvre d’Octave Mirbeau, Librairie Nizet, Paris, 1992, 107 pages.
Pierre Michel (sous la direction de), Octave Mirbeau, Actes du colloque d’Angers, Presses Universitaires d’Angers, 1992, 500 pages.
Pierre Michel (sous la direction de) : Colloque Octave Mirbeau, Éditions du Demi-Cercle, Paris, 1994, 132 pages grand format.
Pierre Michel, Les Combats d’Octave Mirbeau, Annales littéraires de l'Université de Besançon, 1995, 387 pages.
Christopher Lloyd, Mirbeau’s fictions, Durham University Press, 1996, 114 pages.
Laurence Tartreau-Zeller, Octave Mirbeau, une critique du cœur, Presses du Septentrion, 1999, 759 pages.
Pierre Michel, Lucidité, désespoir et écriture, Presses de l’université d’Angers – Société Octave Mirbeau, 2001, 87 pages.
Claude Herzfeld, Le Monde imaginaire d’Octave Mirbeau, Société Octave Mirbeau, Angers, 2001, 99 pages.
Samuel Lair, Mirbeau et le mythe de la nature, Presses Universitaires de Rennes, 2004, 361 pages.
Pierre Michel (sous la direction de), Un moderne : Octave Mirbeau, Eurédit, Cazaubon, 2004, 294 pages.
Max Coiffait, Le Perche vu par Mirbeau et réciproquement, L’Étrave, 2006, 224 pages.
Robert Ziegler, The Nothing Machine : The Fiction of Octave Mirbeau, Rodopi, Amsterdam – New York, septembre 2007, 250 pages.
Kinda Mubaideen et Lolo, Un aller simple pour l'Octavie, Société Octave Mirbeau, Angers, septembre 2007, 62 pages.
Pierre Michel, Octave Mirbeau, Les Acharnistes, 2007, 32 pages.
Gérard Poulouin et Laure Himy (sous la direction de), Octave Mirbeau, passions et anathèmes, Actes du colloque de Cerisy, Presses universitaires de Caen, janvier 2008.
Samuel Lair, Octave Mirbeau l'iconoclaste, L'Harmattan, 2008, 334 pages.
Claude Herzfeld, Octave Mirbeau – Aspects de la vie et de l’œuvre, L’Harmattan, 2008, 346 pages.
Éléonore Reverzy et Guy Ducrey (sous la direction de), L'Europe en automobile. Octave Mirbeau écrivain voyageur, Presses Universitaires de Strasbourg, 2009, 320 pages.
Yannick Lemarié et Pierre Michel

Revues

Les Cahiers d'aujourd'hui, numéro spécial Octave Mirbeau, no 9, 1922, 78 pages.
Cahiers naturalistes, numéro spécial Octave Mirbeau, sous la direction de Pierre Michel et Jean-François Nivet, 1990, 100 pages.
L’Orne littéraire, numéro spécial Octave Mirbeau, sous la direction de Pierre Michel, 1992, 105 pages.
Comment devenir un homme, Cahiers du Nouveau Théâtre d'Angers, no 34, Angers, octobre 1995, 48 pages.
Europe, numéro Octave Mirbeau, sous la direction de Pierre Michel, mars 1999, 100 pages.
Autour de Vallès, numéro spécial Vallès - Mirbeau, journalisme et littérature, sous la direction de Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, 2001, 317 pages.
Cahiers Octave Mirbeau, 1994-2013, 20 numéros parus, environ 7 400 p

Liens

http://youtu.be/ySCNwsDkFg0 théatre : les affaires sont les affaires
http://youtu.be/Yj-Gm2GN2WQ Contes cruels de Octave Mirbeau
http://youtu.be/S3IpNioIDOw Octave Mirbeau par Sacha Guitry
http://youtu.be/UcpdJVZe_dE La grève des électeurs, (lecture)

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Jose Moreno Villa
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Le 16 février 1887 à Malaga, Espagne naît José Moreno Villa,

archiviste, bibliothécaire, poète, écrivain, journaliste, critique d'art, critique littéraire, historien de l'art, documentaliste, dessinateur et peintre espagnol du muvement Génération de 27, Surréalisme, Cubisme. Il fut une personnalité importante et engagée de l'Institution libre d'enseignement et de la Résidence d'étudiants de Madrid, où il fut l'un des précurseurs, exerçant de pont avec la Génération de 27 et qu'il fréquenta pendant vingt ans 1917-1937. Lors de la seconde République espagnole, il fut directeur de la bibliothèque royale.
Quand la guerre civile espagnole éclata, il s'exila d'abord aux États-Unis, puis au Mexique, où il continua puis termina sa carrière, et où il mourut.

Son œuvre multiple de poète, narrateur, essayiste révèle une gamme thématique variée ainsi qu'une grande capacité pour l'investigation.
Son œuvre, cependant, ne commença à être étudiée avec un réel intérêt qu'à partir de 1977 ; pour cela de nombreux critiques et historiens regrettent que son œuvre fut ignorée et soulignent la nécessité de l'examiner.
José Moreno Villa eut un rôle prépondérant dans l'histoire de l'art en Espagne, car il permit à son pays de rapprocher la modernité aux arts plastiques.
Sa peinture allait de pair avec sa poésie — le terme peinture poétique est très souvent employé pour définir son style — et il se chargea d'être l'instigateur des styles d'avant-garde tout en adoptant et diffusant les styles picturaux les plus représentatifs de son temps, comme celui des Espagnols installés à Paris ou le cubisme.

sa vie

Débuts, influences et premiers engagements

José Moreno Villa naquit dans une famille malageña exerçant le métier du commerce de vignobles. Il passait ses étés dans une propriété que possédait sa famille à Churriana. Il n'oublia jamais les bons moments qu'il y vécut : un beau jour je perds les pédales et vous vous rendez compte que je suis de nouveau à Churriana. Si je me perds, cherchez-moi là-bas.
Il eut son premier contact avec la poésie au travers des livres que lui offraient ses parents : au lyrisme que sa mère lui transmettait avec la poésie de Gustavo Adolfo Bécquer et qui prit possession de sa sensibilité enfantine, son père lui opposait la poésie rhétorique de Gaspar Núñez de Arce.
Son père l'envoya étudier la chimie à l'Université de Fribourg-en-Brisgau en Allemagne de 1904-1908 afin de moderniser la production viticole familiale.
Il fut d'abord logé dans une famille de Bâle, qui accueillait également d'autres étudiants. L'éloignement des siens, de sa terre et ses difficultés à s'intégrer alors qu'il n'avait que 17 ans, lui firent se sentir seul, abandonné dans la forêt, et pénétrer dans un monde confus et sylvestre; il refléta d'ailleurs ce sentiment dans son premier poème important, La selva fervorosa, dédié à Ramón Pérez de Ayala et qui sera inclus dans son deuxième livre, El pasajero.
Ce livre contient par ailleurs un prologue-essai sur la métaphore écrit par José Ortega y Gasset, de qui il fut très proche une fois installé à Madrid, et depuis que ce dernier reçut des mains de Alberto Jiménez Fraud, lui aussi ami intime de Moreno Villa, le premier poème que celui-ci voulait publier dans Los lunes del Imparcial ; poème que José Ortega y Gasset apporta lui-même au journal, et qui fut, selon Moreno le premier déclic dans sa carrière.
Son séjour en Allemagne fut important pour le développement de la sensibilité poétique de Moreno Villa, car c'est là-bas qu'il se rendit compte qu'il ne pourrait satisfaire les espoirs et les investissements que son père avait placés en sa carrière de chimiste et qu'il commença à écrire.
Il lut beaucoup de poésie allemande dont l'influence se fit sentir dans ses écrits, en particulier Goethe, Heine, Schiller, Uhland, Stefan Zweig, Rilke, Hofmannsthal qu'il traduisit plus tard, ainsi que la poésie d'autres auteurs étrangers comme Baudelaire, Verlaine, Poe, Novalis, le théâtre de Hauptmann, et les romans de Tolstoï, Stendhal et Flaubert, ainsi que Don Quichotte et Nouvelles exemplaires pour la première fois.
À son retour dans sa ville natale, il fonda, avec la collaboration de Miguel de Unamuno et d'Alberto Jiménez Fraud, la revue Gibralfaro, unique animateur du panorama culturel de la ville pendant longtemps et jusqu'à l'arrivée de Litoral, éditée par Manuel Altolaguirre.
Quand il arriva à Madrid, en 1910, il étudia l'histoire de l'art à l'Université centrale de Madrid et se spécialisa pour l'archéologie.
Un an plus tard, il commença à travailler au Centre d'études historiques, créé un an plus tôt, en étudiant, cataloguant et reproduisant des miniatures mozarabes, et wisigothes. Il fit de nombreuses excursions avec Manuel Gómez-Moreno de qui il était l'élève aux côtés de Ricardo de Orueta, lors desquelles il dessinait des chapiteaux ou des taquets, faisait des photographies et prenait de nombreuses notes.
Après quelques années de grandes difficultés financières et personnelles de 1912 à 1916, son ami Jiménez Fraud vint à lui et lui proposa d'intégrer la Résidence d'étudiants de Madrid dont il était le directeur, pour sa droiture morale, son goût du travail, et pour l'aide précieuse qu'il apporterait à cette institution qui venait de naître.
José Moreno Villa fut ainsi l'un des précurseurs de la Résidence, exerçant de pont avec la Génération de 27 et en y résidant du début, en 1917, à la fin, 1937. Il y enseigna l'architecture dans le cadre des Écoles Techniques ; il fit intervenir dans ses cours des figures de l'architecture telles que Walter Gropius, Erich Mendelsohn, Le Corbusier ou encore Sir Edwin Lutyens.
En plus d'y enseigner l'architecture, il participait activement à l’œuvre résidentielle en amenant les étudiants au musée du Prado, à faire des excursions avec eux et en collaborant avec la revue historique de la Résidence, Revista Residencia, pour ainsi faire partie de ceux qu'il appelait lui-même les 500, et se lia d'amitié avec Alberto Sánchez Pérez et Benjamín Palencia, avec qui il participa, en 1925, à l'Exposition de la Société d'Artistes Ibériques21 dans le Parc du Retiro, et qu'il accompagne dans l'expérience connue comme la première Escuela de Vallecas.
Quand il commença à écrire, ses principaux modèles furent Antonio Machado, Juan Ramón Jiménez et Rubén Darío. Ces deux premiers ainsi que Eugenio d'Ors et Pedro Henríquez Ureña eurent dès le début et tout le long de sa carrière des mots d'encouragements : Eugenio d'Ors lui écrivaient régulièrement et pour chacune de ses publications pour le féliciter, Antonio Machado lui rendait visite dans sa chambre de la Résidence pour écouter ses poésies, et Juan Ramón fut un appui moral de tous les instants. Par ailleurs, Pedro Henríquez Ureña, qui apprenait certains des poèmes de Moreno Villa par cœur, lui offrit la possibilité de publier sa poésie au Costa Rica et il en ressortit la publication de Florilegio. Ureña écrivit d'ailleurs le prologue de ce livre, qui incluait également un article dithyrambique qu'Eugenio d'Ors avait publié dans la revue España en janvier 1915.

Son œuvre poétique

Il traversa ainsi plusieurs générations : celle de 98, celle de 27 et celle de 36. Lui-même déclara dans son autobiographie Vida en Claro que l'instinct lui disait clairement qu'il devenait plus obscur, entre deux génération lumineuses : celle des poètes de 98 et celle des Federico García Lorca, Rafael Alberti, Pedro Salinas, Luis Cernuda, etc.
Ses contemporains, loin de l'exclure de chacune de ces générations, l'intégraient d'un mode qu'ils pensaient légitimes en l'invitant à des hommages des générations antérieures, ou en l'incluant dans les revues et les anthologies.
Il se caractérisa pour son style sobre et intellectuel. Ses premiers recueils de poésie, Garba 1913, El Pasajero 1914, Luchas de Pena y Alegría y su transfiguración 1916 et Evoluciones 1918, marqués par ses inquiétudes idéologiques et une tendance au symbolisme, annonçaient d'une certaine manière Lorca pour son emploi du néo-popularisme andalousiste.
Garba voyait prédominer comme thèmes l'influence du criticisme ambiant et de ses hommes : ceux de la génération 98 ; les problèmes espagnols et hispaniques, le lyrisme philosophique, hérité des lyriques allemands, des Machados, Unamuno, Darío et des inquiétudes amoureuses et philosophiques. Manuel Machado dit qu'il y avait déjà dans ce premier livre le José Moreno Villa de demain. Avec El Pasajero, la contemplation du passé signale la continuité de la pensée de Moreno Villa dans les thèmes historiques. Juan Ramón Jiménez met en avant le dynamisme de José Moreno Villa et de sa poésie dans un poème qu'il lui dédie, tandis que Moreno Villa définit lui-même sa poésie comme barroque, pleine de mouvement et de violence, montée sur des métaphores.
Moreno Villa qualifia de jouet au ressort cassé, une allégorie naïve et faible son livre suivant, Luchas de Pena y Alegría y su transfiguración, qu'il écrivit en réponse au critiques reçues pour son livre précédant. Trois ans plus tard, il reprend avec Evoluciones ses thèmes des circonstances extérieures, de l'Histoire de l'art et des voyages archéologiques, il y inclut une intimité non subjective, destinée à l'objet, en pensant à cet incessant passage de l'homme, cette chaîne d'êtres qui viennent et vont pour ne plus jamais revenir, parfois si complets, si bienfaisants, si brillants Garba.
En 1924 José Moreno Villa publia Colección.
L'auteur voulut rassembler ce qu'il avait publié lors des trois dernières années dans les journaux et autres revues, afin de montrer ses différentes approches artistiques, faisant ainsi de ce livre une forme de transition entre ce qu'il avait déjà fait et la nouvelle voie qu'il commençait à prendre. Il recherche dans ce livre la paix et la pondération, l'isolement et l'élévation, la foi, la maturité ; mais c'est celle de la sérénité qui prédomine, tout en laissant des pistes montrant que l'auteur n'est nullement serein. Il faut en effet connaître le contexte historique dans lequel il écrit ces vers, à savoir qu'il s'agit de ses années les plus turbulentes et erratiques à la Résidence.
Le livre suscita beaucoup d'intérêt à sa sortie pour son approche d'une poétique depuis la perspective d'un peintre, tout en gardant le langage populaire de ses racines :
...
Déjame tu caña verde.
Toma mi vara de granado.
¿ No ves que el cielo está rojo
y amarillo el prado
que las naranjas saben a rosas
y las rosas a cuerpo humano
¡ Déjame tu caña verde !
¡ Toma mi vara de granado !
...
— José Moreno villa, Colección

« ...
Laisse-moi ta canne verte
Prends mon bâton de grenadier
Ne vois-tu pas que le ciel est rouge
et jaune est le pré ;
que les oranges ont un goût de roses
et les roses du corps humain
Laisse-moi ta canne verte !
Prends mon bâton de grenadier !
... »
— Colección

Il cherchait également à exprimer que la liberté absolue est également la solitude absolue en usant d'un processus très fréquent dans sa poésie, l'antithèse :
...
Es ser para sí, para nadie.
Es vivir para librarse de sí mismo
...
— José Moreno villa, Salón sin muros

«...
C'est vivre pour soi, pour personne.
C'est vivre pour se libérer de soi-même.
... »
— Salón sin muros

Pour beaucoup le chef-d’œuvre de José Moreno Villa fut Jacinta la pelirroja en 1929, qu'il publia d'abord dans le 11e supplément de la revue Litoral de Malaga, accompagnant les poèmes de dessins, fait unique jusque là. C'est un livre audacieux et lucide, marqué par la plénitude avant-gardiste et anti-romantique.
Il y fit se marier les techniques de la poésie et de la peinture avec la musique syncopée du jazz pour se remettre de manière humoristique d'une déception amoureuse avec une jeune juive new-yorkaise.
Il poussa plus loin le surréalisme qu'il n'usait qu'avec parcimonie dans ses œuvres antérieures ; comme le dit Vittorio Bodini, important poète, traducteur et spécialiste de la littérature espagnole, peut-être que l'espace de ses poésies est le net et le splendide des premiers livres d'Alberti, mais elles sont bien à lui, ces choses qu'il y place, en accord avec un critère plus figuratif que de chant, et en les organisant sémantiquement en un jeu de relations toujours variées entre l'abstrait et le concret ; ces choses, ces concepts, ces coutumes qui proviennent des zones les plus extravagantes de la prose et du quotidien, avec une prédilection pour les néologismes et les termes qui indiquent de nouveaux mythes et coutumes du siècles: taxi, dollars, John Gilbert, films, usines, Ford, aimant, apache, photogénie, jazz, sport, garage rejettent toute systématisation logique ou mélodique pour se planter selon la pure nécessité de composition qui donne à l'ensemble une dure unité documentaire et cubiste.
Il s'agissait en tous cas d'un travail d'une intimité profonde et légitime, où Moreno Villa voulut rentrer dans le monde mystérieux qu'il avait partagé avec Jacinta, son amour frustré à New York, quelque année auparavant. Moreno Villa s'inscrit ensuite à la fièvre surréaliste et à l'écriture automatique — il l'évoqua ainsi: Je les ai écrits en me laissant emmener para la fugue des idées, sans contrôle, fasciné par le côté arbitraire et explosif, par la douceur et l'irresponsabilité. — avec Carambas 1931, puis s'adonne à la méditation existentielle de Salón sin muros en 1936, où le poète exprime avec la plus grande clarté ses préoccupations intimes : la métaphore du salon pour représenter son intimité est particulière en ceci qu'il s'agit d'un lieu intime familial — a contrario d'une chambre, par exemple. Qu'il n'ait pas de mur indique qu'il ne connaît pas lui-même ses limites. Le personnage poétique de Salón sin muros va jusqu'à ne pas se sentir », ou au moins à constater les
...
rastros de un ser cuya existencia no alcanzo
de un ser ingrávido, invisible,
soplo de sombra en la noche cerrada
...
— José Moreno villa, Salón sin muros

«...
traits d'un être dont il n'atteint pas l'existence
d'un être aérien
souffle d'une ombre dans la nuit fermée
... »
— Salón sin muros

Il cherchait également à exprimer que la liberté absolue est également la solitude absolue en usant d'un processus très fréquent dans sa poésie, l'antithèse :
...
Es ser para sí, para nadie.
Es vivir para librarse de sí mismo
...
— José Moreno villa, Salón sin muros

...
C'est vivre pour soi, pour personne.
C'est vivre pour se libérer de soi-même.
...
— Salón sin muros

Il demeurera l'un de ses meilleurs livres
.
Son œuvre picturale

En 1924, Moreno Villa s'inscrivit aux cours de dessin de Julio Moisés, auxquels assistaient d'autres jeunes peintres comme Salvador Dalí ou Maruja Mallo. Il abandonna cependant assez rapidement pour commencer à peindre et à expérimenter librement. Il se rappellera cette époque picturale ainsi : Mon sens de la couleur se complémentait avec celui de Juan Gris ou avec celui de Georges Braque.
Les couleurs sépia et vert profond de certains tableaux m'enthousiasmaient, jouaient avec les blancs et les ocres. Je trouvais que manier les couleurs ainsi, de la façons cubiste, offrait un plaisir plus frais et pur que les manier de la manière traditionnelle.
J'arrivais, dans mon fanatisme, à ne pas être capable de contempler un seul tableau du Musée du Prado.
Moreno Villa commençait à intégrer le monde pictural espagnol du moment et il fut inclut dans la Première Exposition des Artistes Ibériques qui eut lieu en mai 1925 dans les Palais du parc Retiro à Madrid. Cette exposition, un moment clé dans l'histoire de l'art moderne espagnol — cette exposition, appelée Salón de Artistas Ibéricos, réunit des peintres qui voulaient rompre avec l'académisme en vigueur et qui constitueraient l'avant-garde espagnole : José Luis Gutiérrez Solana, Alberto Sánchez Pérez, Salvador Dalí, Francisco Bores, Joaquín Peinado, Maruja Mallo, José Caballero, etc. —, révéla le peintre Moreno Villa à la profession en Espagne, notamment grâce à un article de la Revista de Occidente, qui fit état de cette exposition et présenta Moreno Villa comme l'un de ses grands participants.
Il y présenta trois peintures à l'huile et plusieurs dessins.
C'est à cette époque-là qu'il commença sa série de dessins appelée dibujos alámbricos, traduisible par dessins en fil de fer. Avec cette recherche de la ligne, José Moreno Villa montre déjà un esprit libre dans la création où le jeu intellectuel se traduit en arabesques à l'accent lyrique marqué.
D'ailleurs, dans son œuvre cubiste, il s'éloigne aussi des cubistes traditionnels en changeant certains codes esthétiques : son tableau Composición cubista est le parfait exemple de la volonté de Moreno Villa de donner plus d'importance au chromatisme et à la pâte picturale afin de créer une emphase esthétique qui remet en question la priorité constructive du cubisme.
L'année 1927 fut particulièrement productive dans la création plastique de Moreno Villa. Il repartit à Paris, où il rendit visite à Robert Delaunay, et pour raffermir sa relation avec les jeunes peintres espagnols établis là-bas.
Sa peinture en fut clairement influencée par Francisco Bores, Joaquín Peinado et Hernando Viñes, de qui il était particulièrement proche. Les Bodegones et les compositions réalisées cette année par Moreno Villa étaient en harmonie complète avec la nouvelle mouvance picturale — particulièrement le cubisme — qui commençait alors à surgir de la deuxième École de Paris ; les peintres qui résidaient en Espagne le considérèrent même comme l'un des plus légitimes représentants de cette tendance.
Pourtant peu de temps après, il abandonna le cubisme pour s'immerger un peu plus dans une figuration lyrique, libre et ouverte, et l'œuvre qui caractérise le mieux cette tendance est la série de gravures qu'il fit sur le Polifemo de Luis de Góngora, qui apparurent pour la première fois à l'occasion d'une exposition à Madrid, dans un lieu quelque peu insolite, puisqu'il s'agissait du salon automobile Chrysler; ou bien celles, plus lyriques et poétiques encore, comme les gravures représentant une femme et la nature.
À propos des gravures de José Moreno Villa, seulement cinq sont connues : Le Musée Reina Sofía en possède deux, Radioagicionado, Interior, les deux sont de 1927; la Bibliothèque Nationale en possède un autre, et la Résidence d'étudiants, les deux autres — ils ne sont pas datés, mais il semble probable qu'ils soient de 1927 également.
Cette peinture poétique pourrait être connectée avec certaines œuvres de Picasso de Dinard et Boisgeloup, d'Alberto Sánchez, Maruja Mallo et Benjamín Palencia. Puis il alla approfondir l'aspect surréaliste de son travail, où il s'intéressa, comme dans sa poésie, à l'automatisme, à l'onirisme, donna plus d'importance et d'essence au geste immédiat comme acte directeur et spontané.
Il réalisa une synthèse très personnelle et hybride, en fusionnant les éléments figuratifs et abstraits et en ayant recours aux techniques innovantes de son temps, tels que le dripping ou les effets de transparence. Les correspondances entre sa poésie et sa peinture semblent évidentes, comme entre son poème Cuadro cubista de Jacinta la pelirroja et ses Bodegones.
En décembre 1928, il célèbre sa deuxième exposition individuelle dans les salles de l'Athénée de Madrid, institution qui deviendrait, à partir de cette année, la salle d'expositions la plus engagée avec les nouveaux courants de l'avant-garde picturale espagnole. José Moreno Villa y dévoila son monde par le biais d'une vingtaine d'huiles sur toile et de six sur papier. D'infinies et variées tendances et essais le composaient, et ne manquait pas de surprendre le public.
Il s'affirma de cette manière dans sa nouvelle figuration ancrée dans un univers poétique, qu'il décripta plusieurs années plus tard : Un art lyrique ne peut être fait que par un peintre poète.
En 1929 il participa à l'Exposition régionale d'Art de Grenade, au Salón Permanente de Arte41 où il reçut, conjointement à son ami Joaquín Peinado, lui aussi de Malaga, le prix de peinture pour son Bodegón de las uvas.
Il y exposa toute une série de tableaux qui reflétaient son parcours pictural : en plus de ses bodegones, grâce auxquels il s'inscrivait dans la ligne des peintres espagnols installés à Paris, il y avait notamment Cisnes, qui permettait déjà de s'apercevoir de la direction que prenaient ses expérimentations d'alors, au travers de ces transparences et autres superpositions.
Dans les années trente, il s'essaya au style de son ami Salvador Dalí en reprenant certains concepts comme l'équilibre et le temps dans des œuvres comme Con la piedra a cuestas ou Viéndolo pasar.
José Moreno Villa fut également l'unique artiste à avoir exploité le grafumo, dessin sur papier fumé, entre 1931 et 1937. L'idée lui vint dans le laboratoire de physiologie de Juan Negrín, où plusieurs membres de la Résidence d'étudiants se réunissaient. Le blanc très net qui ressortait des papiers fumés utilisés pour réaliser des cardiographies attira son attention et il voulut expérimenter avec ce matériel. Le processus de préparation était particulièrement compliqué, ce qui explique le peu de grafumos réalisés.
Il en produisit deux groupes : ceux qu'il fit à Madrid, sur lesquels il imprima de la couleur — comme Pareja en la playa en 1931 et Mujeres y cabeza de toro en la playa en 1932 — ; et ceux qu'il fit à Mexico — comme Catarsis —, en noir et blanc.
Il continua ensuite à travailler principalement à l'huile — comme Curitas y piedrasou Pájaros —, en s'attachant toujours à conserver cette volonté de rapprocher le modernisme aux arts plastiques espagnols. Il eut tantôt un rôle d'avant-gardiste, tantôt un rôle de relayeur des styles picturaux les plus importants de son temps.

Activités extra-artistiques

José Moreno Villa travailla au Centre d'études historiques de 1912 à 1916, où il se spécialisa dans l'archéologie, l'architecture et l'Histoire de l'art sous la direction de Manuel Gómez-Moreno et Elías Tormo.
Il mettait un point d'honneur à ne pas mélanger la littérature et l'Histoire, mais il sut tirer profit de ses investigations historiques en appliquant leur nature évocatrice à sa littérature. Il s'enrichit de son expérience au Centre en étant aux côtés des gens de la philologie, de l'histoire du droit, de l'arabe, des mathématiques, de Ramón Menéndez Pidal, José María Hinojosa, Alfonso Reyes, Luis Bello, Miguel Asín Palacios, Julio Rey Pastor, etc. Mais ces années furent précaires pour Moreno Villa, et il abandonna ce travail pour intégrer la nouvelle Résidence d'étudiants grâce à Jiménez Fraud.
Entre 1916 et 1921 il travailla pour la maison d'édition Calleja ; il publia de nombreux articles et ouvrages sur l'Histoire de l'Art, dont un qui fut très remarqué : VelázquezB 11 en 1920.
À la suite de cela il intégra le corps des Archivistes mais fut destiné à Gijón pendant un an, comme bibliothécaire et archiviste pour Jovellanos et Ceán Bermúdez ; il avait beaucoup de temps libre et s'adonnait au tennis, consultait l'Encyclopédie française, se promenait avec le peintre Piñole, et entreprit de traduire, sous la recommandation d'Ortega y Gasset, un livre capital de Heinrich Wölfflin, Principes fondamentaux de l'histoire de l'art, le problème de l'évolution du style dans l'art moderne qu'il termina en 1924.
Au travers de sa profession comme historien spécialisé dans l'art et comme responsable des archives, il fut directeur des archives du Palais, c'est-à-dire ce qui deviendrait la Real biblioteca, la bibliothèque royale, de 1931 à 1936, il contribua à l'investigation du patrimoine artistique espagnol et à la divulgation de l'architecture moderne qui commençait à se réaliser en Espagne à partir des années 1920.
À partir de 1927 et pendant une dizaine d'années, il occupait ainsi ses journées : quatre heures consacrées à ses activités d'archiviste fonctionnaire, puis le reste de son temps il le divisait en heures de peinture, d'écriture, il organisait les numéros de la revue Arquitectura il faisait visiter le Musée du Prado aux étudiants de la Résidence d'étudiants, voyait ses amis et lisait.
Il fut le premier critique et analyste d'architecture depuis sa section hebdomadaire dans le journal El Sol en 1935, où il fit un diagnostic passionné de la difficile et douloureuse situation espagnole de l'époque. Ses articles hebdomadaires se convertirent en collaborations quotidiennes et eurent une grande influence et répercussion au point d'être censurés, d'abord partiellement, puis complètement.
Dix ans plus tard fut publiée au Mexique la compilation de ces articles dans le livre Pobretería y locura en 1945 ; Juan Pérez de Ayala considéra ce livre comme l'un des meilleurs portraits de la décomposition de l'Espagne de 1935 et Azorín lui dit, à l'époque où il écrivait ses articles : Vous êtes arrivé au summum : la simplicité.
Ce livre fut publié dans un contexte de forte activité politique, à laquelle prenait part Moreno Villa en se positionnant clairement et publiquement à faveur des socialistes et de la république ; ce livre fut censuré de deux articles.
José Moreno Villa publia beaucoup de textes dans la revue España, bien qu'il ne sentît pas ses textes à leur place au milieu de textes philosophiques, politiques, sociologiques ou encore scientifiques, et peu dans la revue Revista de Occidente, où il partageait le travail d'écriture avec Ortega y Gasset, Manuel García Morente, Vela, Sacristán, Blas Cabrera et Gustavo Pittaluga, notamment.
Là où il collabora de façon très régulière et diversifiée fut à El Sol.
En effet, il publia de nombreuses études sur l'Histoire de l'Art, sur l'art d'avant-garde, puis plus tard sur l'art colonial mexicain15 ; et fut l'auteur d'articles intitulés Estudios superficiales études superficielles, entre 1926 et 1931, où il proposait des réflexions sur de nombreux problèmes de la modernité en relation avec l'urbanisme, les nouvelles constructions, les changements dans les mœurs ou sur la nouvelles peinture et ses protagonistes.
Il y écrivit ses premiers articles sur des Temas de Arte des sujets d'art, à propos des peintres baroques José de Ribera, Diego Vélasquez, Francisco de Zurbarán et Bartolomé Esteban Murillo ou modernes comme l'art noir et les peintres français Henri Rousseau, Paul Cézanne et Georges Seurat. Parmi ses articles de presse, se distinguait Una lección de museo.
Tras la morfología de Rubens Une leçon de musée. À propos de la morphologie de Rubens, publié dans Revista de Occidente.
Il accomplit par ailleurs un grand travail pour la revue officielle de l'École technique supérieure d'architecture de Madrid et comme organisateur de la première visite en Espagne de Le Corbusier.
Sachant parler allemand, il traduisit, en plus des Principes fondamentaux de l'histoire de l'art, le problème de l'évolution du style dans l'art moderne de nombreux textes sur l'architecture provenant d'Allemagne et d'Autriche, contribuant ainsi de manière décisive à l'historiographie de l'art.

Exil

José Moreno Villa n'a jamais vraiment su se consacrer de façon stable à une activité ou à un métier. C'est dans la continuité de cette forme d'éternel intérimaire et son engagement pour la République qu'il fut amené à s'exiler, d'abord aux États-Unis, puis au Mexique, où il passera un certain temps, à partir de 1937.
Au Mexique — lieu où me menèrent les vagues à un moment inespéré — il fut l'un des premiers membres d'El Colegio de México es, d'abord appelé Casa de España.
Il intégra là-bas un groupe d'intellectuels qu'il fréquentait déjà à Montparnasse : Federico Cantú es, Alfonso Reyes, Luis Cardoza y Aragón, Renato Leduc es.
Cette étape eut une importance capitale dans sa vie et dans son œuvre, car comme lui-même l'admit, son style s'est mexicanisé.
Sur ce pays il écrit Cornucopia de México en 1940, dans lequel il déclara être capable de conserver un style de peinture mexicain, même en étant dans des lieux très éloignés, tels que la Norvège : Pour évoquer rapidement une grande série de signes mexicains, c'est-à-dire d'éléments plastiques comme des maisons, des chemins, des villages, des profils et visages, des fêtes traditionnelles, des chansons, des vêtements, ainsi que le langage, les idiotismes, la phonétique et toute la grammaire.
Il échangea, hors de l'Espagne, son jeu avant-gardiste pour la nostalgie dans une poésie ré-humanisée qui s'exprimait dans les formes classiques ou néo-popularistes et dans la retenue verbale.
Ces poèmes de l'exil révélèrent aussi la découverte de cette nouvelle réalité depuis la perspective d'un poète qui approfondit la mémoire mais observe également le présent avec la mesure et la dignité du banni :
...
Sentémonos aquí bajo la noche,
frente al volcán, en este pedacito
de tierra que se mueve en el espacio.
...
— José Moreno villa, Cornucopia de México

« ...
Asseyons-nous ici sous la nuit,
face au volcan, sur ce petit morceau
de terre qui se meut dans l'espace
... »
— Cornucopia de México

Legs, mort et reconnaissance

José Moreno Villa commença sa réflexion sur son moi profond comme il l'appelait lui-même avec Salon sin muros, Son œuvre poétique, en 1936, puis il publia trois ans plus tard dans la revue mexicaine Taller le texte intitulé Topografía de la casa paterna : Visión supersticiosa, Topographie de la maison paternelle, Vision superstitieuse, titre qui devint par la suite celui du premier chapitre de son autobiographie Vida en claro, et qui marquera le ton et le développement du livre.
C'est en 1944 qu'il fut publié avec une édition mexicaine a été conjointe entre le Colegio de México, es et le Fondo de Cultura Económica, avant d'être rééditée en 1976 en Espagne avec l'aide du Mexique par le même fond, puis finalement en 2006 par le biais de la maison d'édition espagnole Visor Libros, seule.
Il y explique son legs en ces mots : Ce que j'ai fait bénéficiera les autres : quelque livre, qui, même les plus mal écrits, serviront à ne pas répéter mes fautes ; et une part d'articles, de peintures, de dessins, de leçons et de conférences.
En 1949, il publia le livre La música que llevaba, dans lequel il réunit, alors en exil au Mexique, une anthologie personnelle de son œuvre entre 1913 et 1947. En plus d'offrir une large introduction sur sa trajectoire vitale et artistique, dans cette double condition de poète et peintre, elle permet de mieux suivre - grâce surtout à la nouvelle édition de 1998, où les textes sont ordonnés chronologiquement et où quatorze poèmes écrits entre 1947 et 1955 ont été ajoutés - l'évolution naturelle de sa poésie depuis ses premiers livres dans lesquels le poète cherchait une voix personnelle entre une génération de 98 définie par certains comme épigonale et l'influence du cubisme, jusqu'aux poèmes de l'exil, de la ré-humanisation et de la nostalgie.
José Moreno Villa mourut en 1955, au Mexique. Il laissa derrière lui l'œuvre d'un poète non professionnel qui avait rejeté, les objets de luxe, les perles, les rubis, les aurores roses, et le seul mérite pour lequel il souhaitait être reconnu, était celui d'avoir été le premier à avoir adopté, dans la poésie espagnole, les mots, et particulièrement les adverbes, prosaïques.
En général, il est considéré comme un « poète de transition », étant donné qu'il peut être considéré d'une certaine manière comme un précurseur de la génération de 27. Mais le principal de son œuvre appartient clairement à la poétique du groupe. Le musée de Malaga conserve quarante-neuf des œuvres de José Moreno Villa, qui ont été réalisées suivant des techniques et des styles différents.
Juan Ramón Jiménez fit deux portraits ironiques de lui, dans Españoles de tres mundo en 1960 : Je ne sais pas ce qu'il a cet ami, qui, chaque fois qu'il vient, nous va bien ou encore il est fait de bois choisi, nu, naturel par moments, ou rarement étouffée ici et là-bas avec sobriété et rigueur.
En 1989, La Résidence d'Étudiants de Madrid installa la bibliothèque de José Molina Villa entre ses murs.
Il est reconnu Hijo de la Provincia de Málaga, traduisible par enfant chéri de la région de Málaga le 15 juin 1998.
L'écrivain Antonio Muñoz Molina l'inclut dans son roman La noche de los tiempos en 2010, en créant un personnage basé sur lui, et étant l'un des amis du protagoniste principal, Ignacio Abel. Il revendiqua ainsi sa figure de précurseur des idées qu'il ne sut ou ne put rentabiliser et que d'autres s'approprièrent.
En 2012, la Journée nationale du livre de Málaga fut dédiée à José Moreno Villa, comme Auteur de l'année 2012 ; ainsi fut préparée une exposition dans le Centro Andaluz de las Letras es, qui en plus édita 100,000 exemplaire d'une anthologie du poète réalisée par Rafael de Cózar.
À cette occasion, Julio Neira, le directeur général du Libros, Archivos y Bibliotecas du Conseil régional voulut ainsi célébrer celui qui fut le plus important intellectuel du xxe siècle, selon lui
À l'occasion de sa mort, Manuel Altolaguirre écrivit le poème José Moreno Villa, en hommage a son ami :
...
poeta desterrado nunca fuiste
porque la luz y el fuego
traspasaron los cielos
...
Pero al verte y no verte,
José Moreno Villa
siento el mundo pequeño
y quisiera pensar que lo tuviste
desde niño al alcance de tu mano.
— Manuel Altolaguirre, José Moreno Villa

«...
poète exilé jamais tu ne fus
parce que la lumière et le feu
traversèrent les cieux
...
Mais de te voir et de ne pas te voir
José Moreno Villa
je sens que le monde est petit
et j'aimerais penser que tu l'as eu
dès l'enfance à portée de la main.
— José Moreno Villa

Octavio Paz y alla lui aussi de son hommage, à sa manière, en faisant le portrait de la vivacité de Moreno Villa qu'il dépeignit comme un oiseau :
Visages de Moreno Villa, jamais sculptés ni dessinés, toujours mobiles, changeants, sautant de la surprise à la lassitude : vivacité, lyrisme, mélancolie, élégance sans l'hombre d'un dommage. Jamais lourd ni insistant. Moreno Villa, oiseau. Mais, quel type d'oiseau? … Un oiseau fantastique. Un oiseau rare. Et pourtant, familier de notre ciel et notre terre. … Oiseau solitaire, bien que ne rejetant pas ses relations avec ses semblables.
…Geste d'un oiseau dans son arbre, de poète dans son nuage … Et d'ailes. Il ne savait ni ne pouvait marcher au milieu de la foule : des ailes pour voler.
De la liste des prodiges desquels nous nous rappelons, celui de l'oiseau qui parle et de l'arbre qui chante, il ne faut pas oublier celui du poète qui peint dira de .lui Xavier Villaurrutia.

Œuvre

Poésie

Garba 1913
El pasajero, prologue de José Ortega y Gasset 1914
Luchas de Pena y Alegría y su transfiguración 1916
Bestiario 1917
Evoluciones. Cuentos, Caprichos, Bestiario, Epitafios y Obras paralelas 1918
Florilegio 1920
Patrañas 1921
Colección. Poesía 1924
Jacinta la Pelirroja. Poema en poemas y dibujos 1929
Carambas 1931
Puentes que no acaban 1933
Salón sin muros 1936
Puerta severa 1941
La noche del Verbo 1942
La música que llevaba. Antología poética 1913-1947, Editorial Losada 1949
Voz en vuelo a su cuna Avance de ese libro inédito. Posthume 1961
Voz en vuelo a su cuna prologue de León Felipe, épilogue de Juan Rejano es. Posthume 1961


Lien
http://youtu.be/8PxG9HbcKGA Despues de todo ... poème en espagnol



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Posté le : 14/02/2014 19:51

Edité par Loriane sur 16-02-2014 00:14:40
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La comtesse de Ségur
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Le 9 février 1874 à Paris meurt à 74 ans, Sophie Rostopchine comtesse

de Ségur,

selon l'onomastique russe Sofia Fiodorovna Rostoptchina, cyrillique : Софья Фёдоровна Ростопчина, née le 1er août 1799 à Saint-Pétersbourg empire russe, femme de lettres française d'origine russe. Ses Œuvres principales sont : Les Malheurs de Sophie en 1858, Les Petites Filles modèles en 1857, Les Vacances en 1858, Comédies et proverbes en 1865, Un bon petit diable en 1865, L'Auberge de l'Ange gardien en 1863, Le Général Dourakine en 1863
La comtesse de Ségur partage avec Jules Verne un étrange privilège : celui d'avoir été un célèbre écrivain pour enfants et d'être considérée de plus en plus comme un classique pour adultes ou, en tout cas, comme un témoin privilégié de son époque.
Ses premiers livres, visiblement destinés aux plus jeunes, se bornent à une juxtaposition de brèves saynètes : les petits et les grands événements de la vie de quelques enfants de bonne famille, dans le style de Berquin, Les Petites Filles modèles, Les Vacances, Les Malheurs de Sophie, Les Mémoires d'un âne. Les suivants, destinés à un public moins tendre, racontent une histoire plus complexe et même, sur la fin, ils entreprennent d'évoquer l'ensemble d'un destin : ainsi les grands romans balzaciens des dernières années : Le Mauvais Génie, Après la pluie, le beau temps et surtout La Fortune de Gaspard en 1871.
Écrivant pour moraliser, la divine comtesse prêche la morale de sa caste : respect de l'ordre établi qui est manifestement voulu par Dieu, patience pour les uns, générosité et bon vouloir pour les autres, antisémitisme et horreur des parvenus, respect pour l'argent, etc. Son sens de l'observation et ses dons de conteuse la sauvent toutefois des inconvénients du moralisme et aussi d'une morale dont les principes ont rapidement vieilli. Ses récits, qui ne correspondent guère aux orientations pédagogiques de notre temps, retrouvent toutes leurs vertus quand on les replace dans leur époque, ainsi dans les adaptations qu'a données Claude Santelli à la Télévision de L'Auberge de l'Ange Gardien et du Général Dourakine. Le public, jeune ou moins jeune, apprécie toujours le naturel de ses dialogues, qualité très rare dans la littérature pour la jeunesse ainsi que le don de faire vivre ses personnages. Autre donnée de base de son œuvre : une solide aversion pour les hommes. Les héros qui appartiennent au sexe fort sont en général faibles, lâches, veules ou franchement odieux. Les femmes au contraire portent la culotte et, le plus souvent généreuses ou saintes, elle sauvent la situation. Ce goût piquant de féminisme explique aussi le succès persistant de ses livres auprès des petites filles.
Quelques éditeurs pour enfants s'obstinent à offrir ses livres au jeune public dans leur version intégrale. Sur cet exemple, on mesure mieux à quelles absurdités peut mener dans la pratique l'application de certaines positions théoriques qui paraissent parfaitement respectables : ici le respect que mérite le texte original d'un artiste. Mme de Ségur s'adresse à un public enfantin qui, par définition, ne dispose pas encore d'esprit critique. Si l'on veut à toute force conserver à l'enfance cette œuvre, il faut au moins la débarrasser de ses couplets racistes, de ses professions de foi ultramontaines et conservatrices, de son sentiment aigu des distances sociales, parfaitement exprimé dans ce passage d'une lettre qu'elle écrit à l'une de ses filles : Chère petite, j'ai fini et je n'ai pas fini. C'est à dire qu'ayant lu à Gaston Jean qui grogne, nous avons trouvé, indépendamment des incorrections de langage, une réforme à faire sur le ton trop familier des domestiques et trop amical des maîtres. Ils sont trop camarades. C'est tout à revoir. Peu de pages à réécrire, mais une foule de mots, d'expressions à changer.
Jean-Jacques Pauvert a eu l'idée en 1972 de présenter La Fortune de Gaspard dans une collection de classiques pour adultes. Des sociologues, des historiens de la littérature, des psychanalystes ont commencé à explorer ces romans finalement encore mal décryptés ; ils y recherchent tour à tour le reflet d'une époque ou celui d'une histoire personnelle : une aristocrate russe fourvoyée dans une société en proie à la révolution industrielle. Perspectives fécondes et qui, semble-t-il, vont assurer une longue et nouvelle survie à cette œuvre palpitante de vie et de contradictions.

Sa vie

Elle est issue d’une grande famille noble dont la généalogie remonte aux khans mongols de la Horde d'Or et à la famille de Genghis Khan.
Son père est le comte Fédor Rostoptchine 1763-1826, qui a été lieutenant-général d'infanterie, ministre des Affaires étrangères du tsar Paul Ier parrain de Sophie, puis gouverneur général de Moscou. Sa mère est la comtesse Catherine Protassova, ancienne demoiselle d'honneur de Catherine II. Sophie est la troisième enfant du couple.
D'origine russe, élevée par une mère mystique et par un père fantasque et autoritaire le comte Rostopchine, qui se vante d'avoir incendié Moscou au moment où vont y entrer les troupes de Napoléon Ier,

Jeunesse en Russie

Elle passe son enfance dans le domaine de Voronovo près de Moscou, propriété de 45 000 ha où travaillent 4 000 serfs, où Fédor Rostoptchine fait venir des agronomes écossais. Elle reçoit l'éducation des enfants de l'aristocratie russe, qui privilégie l'apprentissage des langues étrangères, du français en premier lieu. Adulte, elle sera une polyglotte, maîtrisant cinq langues.
C'est aussi une petite fille turbulente, souvent punie par ses parents. Sa mère la maltraite et l'oblige à se convertir de l’orthodoxie au catholicisme à treize ans
En 1812, lors de l'invasion de la Russie par la Grande Armée, son père est gouverneur de Moscou. Il lance des pamphlets contre Napoléon, fait évacuer les pompes à incendie et libère des prisonniers avec la mission de mettre le feu chacun à un quartier. L'incendie de Moscou qui en résulte, qui fera dire à Sophie J'ai vu comme une aurore boréale sur la ville, contraint Napoléon à une retraite désastreuse. La réussite de ce plan entraîne cependant l'hostilité de ceux qui ont perdu leur habitation, aristocrates comme commerçants, si bien que Fédor Rostoptchine est disgracié par le tsar et préfère s’exiler, seul avec simplement un domestique, en Pologne en 1814, puis en Allemagne, en Italie et, enfin, en France en 1817. Dans tous ces pays, il est accueilli en héros, sauveur de la monarchie.

Départ en France et mariage

Il fait venir sa famille à Paris et c'est là que Sophie est transplantée en France et épouse, ironie du sort un page de l'Empereur. Elle rencontre Eugène de Ségur, né en 1798 et mort en 1869, petit-fils du maréchal de Ségur, ambassadeur de France en Russie et neveu du général Philippe de Ségur, aide de camp de Napoléon qui avait failli mourir dans l'incendie de Moscou. Le mariage, arrangé par Sophie Swetchine, une Russe elle aussi convertie au catholicisme, a lieu le 14 juillet 1819. L'année suivante, ses parents repartent pour la Russie.
Ce mariage d'amour est d'abord heureux, mais elle est par la suite délaissée par un époux volage qui la trompe notamment avec leur bonne. Sophie est transplantée en France et épouse, ironie du sort un page de l'Empereur. Déçue par son mari, affaiblie par de nombreuses maternités, elle traîne une existence amère et maladive jusqu'au moment où son fils aîné, Gaston, devient prêtre et la convertit au catholicisme militant.La situation d'Eugène, désargenté et désœuvré, ne s'améliore qu'en 1830, lorsqu’il est nommé pair de France. Il ne rend visite à sa femme qu'en de rares occasions, dans le château des Nouettes offert par Fédor Rostoptchine à sa fille en 1822. Ils ont huit enfants, et Eugène aurait surnommé son épouse la mère Gigogne. Préférant son château aux mondanités parisiennes, elle reporte toute son affection sur ses enfants et, plus tard, ses petits-enfants.
Polyglotte, parlant cinq langues, Sophie Rostopchine présente souvent un comportement hystérique, partiellement hérité de sa mère, mais peut-être dû à une maladie vénérienne transmise par son mari volage avec des crises de nerfs et de longues périodes de mutisme, l’obligeant à correspondre avec son entourage à l’aide de sa célèbre ardoise.

Une vocation tardive d’écrivain

Le cas de la comtesse de Ségur montre qu’une vocation très tardive d’écrivain peut être particulièrement réussie : elle a en effet écrit son premier livre à plus de cinquante ans.
En effet à cinquante-cinq ans, elle découvre alors sa vocation d'écrivain et d'idéale grand'mère. C'est l'époque où Louis Hachette vient d'obtenir le monopole de vente des livres et des journaux dans les gares ; il charge son gendre, Émile Templier, de créer et de diriger une collection destinée à l'enfance : la Bibliothèque rose. Louis Veuillot, chef de file des ultramontains, s'entremet et les récits que la comtesse destinait seulement à ses petites-filles sont publiés en 1856. Le succès de ces Nouveaux Contes de fées, illustrés par Gustave Doré, est considérable et engage complètement la comtesse dans la nouvelle carrière qui s'ouvre à elle.
La comtesse de Ségur a commencé à se consacrer à la littérature en notant les contes qu’elle racontait à ses petits-enfants et en les regroupant pour former ce qui s’appelle aujourd’hui Les Nouveaux Contes de fées. On raconte que lors d’une réception, elle aurait lu quelques passages à son ami Louis Veuillot pour calmer l’atmosphère qui était devenue tendue. C’est ce dernier qui aurait fait publier l’œuvre chez Hachette.
D'autres historiens racontent qu'Eugène de Ségur, président de la Compagnie des Chemins de fer de l’Est, rencontrant Louis Hachette qui cherche alors de la littérature pour distraire les enfants, en vue d'une nouvelle collection de la Bibliothèque des Chemins de Fer, lui aurait alors parlé des dons de sa femme et la lui aurait présenté quelque temps plus tard.
Elle signe son premier contrat en octobre 1855 pour seulement 1 000 francs. Le succès des Nouveaux Contes de fées l’encourage à composer un ouvrage pour chacun de ses autres petits-enfants.
Eugène de Ségur accorde à Louis Hachette le monopole de la vente dans les gares de livres pour enfants. En 1860, Louis Hachette institue la collection de la Bibliothèque rose où sont désormais publiés les ouvrages de la comtesse de Ségur.
Par la suite, elle obtient que les droits d'auteur lui soient directement versés et discute plus fermement de ses droits d'auteur lorsque son mari lui coupe les fonds
.En seize ans, jusqu'à sa mort, elle écrit une vingtaine de romans pour enfants, trois copieux volumes d'instruction religieuse, sans oublier La Santé des enfants, un recueil de remèdes de bonne femme sur l'hygiène de l'enfant et sur l'alimentation du premier âge.

Fin de vie

En 1866, elle devient tertiaire franciscaine, sous le nom de sœur Marie-Françoise, mais continue à écrire. Son veuvage et l'effondrement consécutif des ventes de ses livres l’oblige à vendre Les Nouettes en 1872 et à se retirer à Paris, au 27, rue Casimir-Perier, à partir de 1873.

Elle meurt à cette adresse à soixante-quinze ans, entourée de ses enfants et petits-enfants.

Elle est inhumée à Pluneret dans lee Morbihan, près de son avant-dernière fille Henriette, épouse du sénateur Fresneau habitant le château de Kermadio. Au chevet de sa tombe, une croix en granit, où est inscrit : Dieu et mes enfants. Son cœur, embaumé, est déposé dans l'avant-chœur du couvent de la Visitation où était morte sa fille Sabine de Ségur, elle aussi entrée en religion.

Romans de la comtesse de Ségur

Présentation
Le thème récurrent des châtiments corporels, Un bon petit diable, Le Général Dourakine, Les Malheurs de Sophie, Les Petites Filles modèles…, qui fait peut-être écho à sa propre enfance malheureuse avec sa mère Catherine Protassova, marque une rupture avec les modèles antérieurs de la littérature enfantine, notamment le modèle des contes merveilleux des contes de Perrault ou des contes de Madame d'Aulnoy. Chez la comtesse de Ségur, la punition est d’autant plus crûment représentée, que le réalisme des descriptions est sans complaisance.
Plusieurs autres aspects de son œuvre décrivent des particularités qui ne concernent plus qu'une infime minorité des Français d’aujourd’hui : par exemple, le vouvoiement des parents, la présence et le statut des domestiques. D’autres sont obsolètes : les traitements médicaux tels que l’usage abusif des saignées, les cataplasmes saupoudrés de camphre,voir Les Petites Filles modèles, l’eau de gomme fraîche, l’eau salée contre la rage, et ainsi de suite. Le réalisme dans la représentation du quotidien et de ses détails valut à la comtesse de Ségur d’être appelée le Balzac des enfants par Marcelle Tinayre.
Ses œuvres présentent, par certains personnages, des caractéristiques caricaturales et stéréotypées des mœurs de divers peuples, tels que l’aristocratie française se les figurait : Écossais avares et sordides, Arabes méchants et sabreurs, Polonais buveurs et crasseux, Valaques et Tziganes voleurs et fourbes, Russes violents knoutant leurs femmes, serfs et bonnes, et ainsi de suite.
En 2010, 29 millions d'exemplaires de ses ouvrages ont été vendus.

Sources d’inspiration

La comtesse de Ségur a donné à plusieurs de ses personnages des noms appartenant à des personnes de son entourage, exprimant ainsi son adage : N'écris que ce que tu as vu. Voici quelques exemples :
Sophie : son propre prénom. C'est un personnage espiègle, avide d'expériences allant à l'encontre des directives des adultes, marcher dans de la chaux vive ; se raser les sourcils ; utiliser un fer à friser chaud sur les cheveux de sa poupée et sur ses propres cheveux ; libérer un bouvreuil qui se fera dévorer.... Les histoires traitant de la vie de Sophie à partir du voyage en Amérique sont beaucoup plus douloureuses pour elle, perte de sa mère puis de son père, remarié à une mégère tyrannique adepte des sévices corporels, retour en France où Sophie est désabusée, à la fois très craintive et courageuse. La Comtesse a mis beaucoup de ses propres souvenirs d'enfance dans son personnage.
Camille et Madeleine : les prénoms de deux de ses petites-filles, Camille et Madeleine de Malaret.
Paul : celui de son gendre, le père des petites filles modèles, le baron Paul de Malaret.
Élisabeth Chéneau correspond à Élisabeth Fresneau, une autre de ses petites-filles.
Jacques de Traypi : Jacques de Pitray, un des petits-fils de la Comtesse.
C’est la cécité contractée par son fils aîné Louis-Gaston de Ségur, ecclésiastique, qui lui inspire l’aveugle Juliette dans Un bon petit diable.
Les noms ou prénoms des personnages permettent de savoir rapidement quel sera le comportement qu’adopteront ces derniers :
noms propres ou nobles pour les gentils : de Réan dans Les Malheurs de Sophie, Bonard dans Le Mauvais Génie, d’Orvillet dans Diloy le chemineau, de Fleurville et de Rosebourg dans Les Petites Filles modèles et Les Vacances etc.
noms ridicules pour les personnages sans-éducation ou tangents : Tourne-boule dans Les Vacances, Innocent et Simplicie ainsi que Courte-miche dans Les Deux Nigauds, Dourakine, personnage inspiré par son père dans L'Auberge de l'Ange gardien et Le Général Dourakine en russe : дурак, dourak signifie imbécile etc.
noms à connotations négatives pour les méchants : le groupe Gredinet, Fourbillon, Gueusard et Renardot dans Le Mauvais Génie, MacMiche dans Un bon petit diable, Fichini dans Les Petites Filles modèles, etc.

Leçons de morale

Les romans de la comtesse de Ségur, fortement moralisateurs, ont été influencés par la relecture et les corrections faites par son fils aîné, le prélat Louis-Gaston de Ségur. Le juste et l’injuste s’opposent pour bien faire comprendre ce qu’est le droit chemin et combien il est dans l’intérêt de tous d’être courageux, doux et sans mauvaises intentions.
Dans les romans de la comtesse de Ségur, l’éducation est un facteur déterminant dans l’évolution de l’individu. Les mauvaises influences et un environnement répressif peuvent pousser les enfants à être méchants. Trop de laxisme et d’indulgence les rendent égoïstes et vicieux.
Les romans opposent des exemples de ce qu’il faut faire et de ce qu’il ne faut pas faire. Les titres expriment d’ailleurs cette dualité : par exemple, Jean qui grogne et Jean qui rit. L’auteur oppose souvent un personnage exemplaire à un enfant qui se cherche : les petites filles exemplaires que sont Camille et Madeleine à la malheureuse Sophie dans Les Petites Filles modèles, Blaise à Jules dans Pauvre Blaise et Juliette à Charles dans Un bon petit diable.
Dans certains cas, le jeune héros commet des fautes qui résultent d’une éducation répressive et brutale, la violence et l’injustice que vit Charles avec Mac’Miche, ou Sophie, dans Les Petites Filles modèles qui se fait maltraiter par sa marâtre, Mme Fichini. Dans d’autres cas, ce sont les parents qui gâtent et ne punissent jamais leurs enfants, ou qui prennent systématiquement leur défense, quel que soit leur comportement, comme les parents de Jules dans Pauvre Blaise ou de Gisèle dans Quel amour d’enfant !
Chez les enfants, rien n’est joué définitivement. Charles, Un bon petit Diable et Sophie, Les Petites Filles modèles, une fois soustraits à la brutalité de leur environnement, pourront s’appuyer sur les modèles de leur entourage pour s’améliorer de même que Félicie dans Diloy le chemineau qui peut, elle, compter sur sa cousine Gertrude, qui est au dire de tous la douceur incarnée.
En revanche il est parfois trop tard pour certains, qui deviennent alors ces adultes méchants et puérils qui feront à leur tour le malheur de leurs enfants, les parents de Christine dans François le bossu. Mme Fichini, dans Les Vacances et les Petites Filles modèles, bat Sophie sans pitié, mais, même en présence d'adultes, se ridiculise par un excès de coquetterie, par sa gourmandise et par tous les défauts dont elle aurait dû se débarrasser étant enfant.
Plus que de simples romans à influence autobiographique, les ouvrages de la Comtesse de Ségur ont fortement influencé une nouvelle idée de la pédagogie.

Éditions

Les romans de la comtesse de Ségur ont d'abord été publiés illustrée chez Hachette entre 1857 et 1872, dans la Bibliothèque rose à partir de 1860.
La dernière grande édition est celle de 1990, dans la collection Bouquins chez Robert Laffont.

Œuvres didactiques

1855 : La Santé des enfants, un livre de pédiatrie de conseils médicaux, édité à compte d’auteur, réédité dès 1857
1857 : Livre de messe des petits enfants, chez Douniol éd., réédité en 2012 par St JUDE éd.
1865 : Évangile d'une grand'mère
1867 : Les Actes des apôtres du nom d’un chapitre de la Bible : Actes des Apôtres, ouvrage présenté par l'auteur comme faisant suite à Évangile d'une grand'mère.
1869 : Bible d’une grand-mère

Romans

François le bossu : Vous voudrez bien m'embrasser ?
Tous les livres suivants ont été publiés chez Hachette, avec dans certains cas, prépublication dans les colonnes de la Semaine des enfants, indiquée par le sigle : LSDE :
1856 : Les Nouveaux Contes de fées décembre : recueil de contes dont Histoire de Blondine, de Bonne-Biche et de Beau-Minon , Le Bon Petit Henri, La Petite Souris grise et Ourson.
1858 : Les Malheurs de Sophie.
1858 : Les Petites Filles modèles 12 octobre. Ce livre est présenté par l'auteur comme la suite des Malheurs de Sophie.
1859 : Les Vacances. Ce livre est également présenté par l'auteur comme la suite des Malheurs de Sophie.
1860 : Mémoires d'un âne (LSDE, à partir du 17 décembre 1859)
1861 : Pauvre Blaise (LSDE, à partir du 13 juillet 1861)
1862 : La Sœur de Gribouille (LSDE, à partir du 22 mars 1862)
1862 : Les Bons Enfants (LSDE, à partir du 13 août 1862)
1863 : Les Deux Nigauds (LSDE, à partir du 4 octobre 1862).
1863 : L'Auberge de l'Ange gardien (LSDE, à partir du 8 avril 1863).
1863 : Le Général Dourakine (LSDE, à partir du 14 novembre 1863).
1864 : François le bossu (LSDE, à partir du 4 mai 1864)
1865 : Un bon petit diable (LSDE, à partir du 14 décembre 1864).
1866 : Comédies et proverbes : recueil de nouvelles dont Les Caprices de Gizelle, Le Dîner de Mademoiselle Justine, On ne prend pas les mouches avec du vinaigre, Le Forçat, ou à tout péché miséricorde et Le Petit De Crac.
1865 : Jean qui grogne et Jean qui rit
1866 : La Fortune de Gaspard, un roman avec des accents balzaciens, contrairement aux autres romans de la comtesse de Ségur
1867 : Quel amour d’enfant !
1867 : Le Mauvais Génie
1868 : Le Chemineau, ultérieurement retitré Diloy le chemineau, 11 avril
1871 : Après la pluie, le beau temps

Correspondance

Couverture des Lettres d'une Grand'mère.
La correspondance de la comtesse de Ségur a fait l’objet d’éditions fragmentaires :
Lettres au vicomte et à la vicomtesse de Pitray, gendre et fille de la comtesse, publiées en 1891 chez Hachette.
Lettres d’une grand’mère à son petit-fils Jacques de Pitray, en 1898
Lettres de la comtesse de Ségur à son éditeur 1855 à 1872, en 1990 dans le volume 1 des Œuvres chez Robert Laffont
Correspondance avec des correspondants divers, en 1993 aux éditions Scala, avec une préface de Michel Tournier,

Rééditions

En 1990

les Éditions Robert Laffont ont réuni en trois volumes d'Œuvres, publiées dans la collection Bouquins, une grande partie des œuvres de la comtesse de Ségur,édition établie et annotée par Claudine Beaussant :

Nouveaux contes de fées
Les Petites Filles modèles
Les Malheurs de Sophie
Les Vacances
Mémoires d’un âne
La Cabane enchantée
Pauvre Blaise
La Sœur de Gribouille
Les Bons Enfants
Les Deux Nigauds
L’Auberge de l’Ange gardien
Le Général Dourakine
François le bossu
Comédies et Proverbes
Un bon petit diable
Jean qui grogne et Jean qui rit
La Fortune de Gaspard
Quel amour d’enfant !
Le Mauvais Génie
Diloy le chemineau
Après la pluie le beau temps
La Santé des enfants
suppléments : suppléments : suppléments :
Préface, de Jacques Laurent de l’Académie française,
Chronologie, étable par Claudine Beaussant,
Lettres de la comtesse de Ségur à son éditeur (1855 à 1872), présentées par Claudine Beaussant,
Notes, Dictionnaire, Répertoire des principaux personnages des œuvres et Bibliographie, par Claudine Beaussant,
32 pages de hors-texte réunissant 73 illustrations ;
Notes, établies par Claudine Beaussant,
16 pages de hors-texte réunissant 30 illustrations
Notes, établies par Claudine Beaussant.
16 pages de hors-texte, réunissant 32 illustrations.

En 1997

les éditions Dominique Martin Morin ont réédité, sous le titre « la Bible d’une grand-mère », les trois ouvrages L’Évangile d’une grand-mère (1865), les Actes des Apôtres 1867 et la Bible d’une grand-mère 1868

En 2012

artiellement le Livre de messe des petits enfants publié en 1858. L'édition de 1858 était précédé de 12 prières et suivi des évangiles des fêtes majeures qui ne sont pas reproduits dans la réédition de 2012.

Postérité

Adaptations cinématographiques et télévisuelles
Cinéma
1946 : Les Malheurs de Sophie, film de Jacqueline Audry avec Madeleine Rousset, Marguerite Moreno et Michel Auclair
1952 : Les Petites Filles modèles, court métrage d'Éric Rohmer
1971 : Les Petites Filles modèles, film de Jean-Claude Roy avec Marie-Georges Pascal, Michèle Girardon et François Guérin
1980 : Les Malheurs de Sophie, film de Jean-Claude Brialy avec Paprika Bommenel, Sandra Gula, Carine Richard et Annie Savarin
1983 : Un bon petit diable, film de Jean-Claude Brialy avec Paul Courtois, Alice Sapritch et Bernadette Lafont
1993 : La Fortune de Gaspard, film de Gérard Blain avec Vincent de Bouard, Gamil Ratib, Anne Kreis et Jean-Paul Wenzel
Télévision
1962 : L'Auberge de l'Ange gardien, téléfilm de Marcel Cravenne Le Théâtre de la jeunesse avec Hervé Sand et Jacques Dufilho
1963 : Le Général Dourakine, téléfilm d'Yves-André Hubert Le Théâtre de la jeunesse avec Michel Galabru et Claude Winter
1964 : La Sœur de Gribouille, téléfilm d'Yves-André Hubert Le Théâtre de la jeunesse avec Dominique Maurin et René Dary
1966 : Les Deux Nigauds, téléfilm de René Lucot Le Théâtre de la jeunesse avec Denise Gence et Monique Tarbès
1998 : Les Malheurs de Sophie, série de dessins animés de Bernard Deyriés

Hommages

Rue de la Comtesse de Ségur : à Ronchin (Nord), à Brest, à Lagord (Charente-Maritime), Pierrelatte (Drôme), Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales), Cuers (Var)
Allée de la Comtesse de Ségur : à Paris (8ème)
École maternelle Comtesse de Ségur : à Versailles
La rose Comtesse de Ségur (obtenteur Meilland)

Musée

Musée de la Comtesse de Ségur à Aube Orne

Liens

http://youtu.be/NQqyARpV0ZU le Grand Lucé chez la comtesse de Ségur
http://www.youtube.com/watch?v=avO6kH ... bxroXntLwAULqgtxMpVOUhOQw Cadichon
http://youtu.be/F-agZ1v8-1g Les malheurs de Sophie
http://youtu.be/EsMFsRRtxW0 La comtesse de Ségur INA


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Posté le : 08/02/2014 15:08
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Valéry Larbaud
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Hors Ligne
Le 2 février 1957 à Vichy, à 75 ans meurt Valery Larbaud écrivain français,

poète, romancier, essayiste et traducteur,


né le 29 août 1881 à Vichy. Il a écrit également sous les pseudonymes A.-O. Barnabooth, L. Hagiosy, X. M. Tourmier de Zamble. ses Œuvres principales sont :Fermina Márquez et Enfantines
La formule selon laquelle on présente épisodiquement Valery Larbaud dans les anthologies, manuels et histoires de la littérature est celle du riche amateur du début du siècle, dilettante, bon vivant, angoissé et chercheur d'âme, la sienne surtout, incessant voyageur transeuropéen : Barnabooth, en somme. Donc, Larbaud serait l'auteur d'un seul livre comportant, au nom d'un personnage fictif, des poésies, un journal et un conte satirique.

La part de vrai en tout cela suffit pour situer Larbaud à l'intérieur d'une chaîne historique : influences de la fin de la période symboliste, Rimbaud, Laforgue, Whitman, école de style intime à la Nouvelle Revue française d'après Rousseau, Constant, Stendhal ; aspects contemporains et précurseurs d'une littérature célébrant le cosmopolitisme et la mobilité lyrique du monde moderne, Claudel, Saint-John Perse, Fargue, Apollinaire, Michaux, Giraudoux, Morand, Cendrars, Queneau, Butor.
Unique enfant du pharmacien Nicolas Larbaud cinquante-neuf ans à la naissance de son fils et d’Isabelle Bureau des Etivaux trente-huit ans, il n’a que huit ans lorsque son père décède en 1889. Élevé par sa mère et sa tante, il obtient sa licence ès-lettres en 1908. En décembre 1908, pour le prix Goncourt, Octave Mirbeau vote pour Poèmes par un riche amateur que Larbaud a publiés sans faire connaître sa véritable identité.
La fortune familiale son père était propriétaire de la source Vichy Saint-Yorre lui assure une vie aisée qui lui permet de parcourir l’Europe à grands frais.
Paquebots de luxe, Orient-Express, Valery Larbaud mène la vie d'un dandy, fréquente Montpellier l'hiver et se rend dans les multiples stations thermales pour soigner une santé fragile.
Larbaud parle anglais, allemand, italien et espagnol. Il fait connaître les grandes œuvres étrangères : Samuel Butler, dont il fut le traducteur, ainsi que James Joyce dont il fut correcteur-superviseur pour la traduction d'Ulysse, laquelle, réalisée principalement par Auguste Morel à partir de 1924, continue jusqu'en 1929.
Quand il revient à Vichy, il reçoit ses amis, Charles-Louis Philippe, André Gide, Léon-Paul Fargue et Georges Jean-Aubry qui fut son biographe. Atteint d’hémiplégie et d’aphasie en novembre 1935, il passe les vingt-deux dernières années de sa vie cloué dans un fauteuil. Il sera durant ces années soigné avec dévouement par le professeur Théophile Alajouanine, spécialiste des aphasies, qui deviendra son ami et écrira sa biographie. Ayant dépensé toute sa fortune, il doit revendre ses propriétés et sa bibliothèque de quinze mille volumes en 1948, en viager, à la ville de Vichy.

Le voyageur immobile : un cosmopolitisme d'intérieur

La vérité va plus profond, même si ce n'est pas tout à fait dans un autre sens. Elle soulève plutôt à chaque pas des paradoxes.
Né dans la ville cosmopolite de Vichy, mais en plein Bourbonnais, province bucolique selon l'image que Larbaud porte en lui dans Allen, 1929, par exemple, ou certaines des Enfantines, 1918, Larbaud s'enfuit surtout, passant une bonne partie de sa vie en voyages, projets et souvenirs de voyage, de préférence en Angleterre, Espagne, Italie et Suisse, ainsi que dans Paris de France .
Et cependant, en même temps, il offre des proses ressemblant à des cartes postales comme celles de Henry Levet qui font rêver non pas d'exotisme, mais d'une installation réconfortante, d'une espèce de retour. Ainsi des foyers qu'il crée dans les banlieues de Londres aux premières années de sa carrière, à Alicante pendant la Grande Guerre, à Paris, rue du Cardinal-Lemoine, et pendant toute sa vie à Valbois, dans sa propriété en Bourbonnais, cette Sérénissime République des lettres. Comme un urbaniste spirituel, il suivait un itinéraire qui entraînait un long et constant approfondissement de la vie ainsi que de l'œuvre écrite, pour arriver à l'élaboration de sa Cité heureuse.

Le génie du lieu littéraire

Il en va de même pour les langues et les auteurs étrangers qu'il traduit ou aide à traduire, Walt Whitman, Samuel Taylor Coleridge ; Ramón Gómez de La Serna, Gabriel Miró, Ricardo Guraldes ; James Joyce, Italo Svevo, Samuel Butler. L'anglais, l'espagnol, l'italien, comme en l'occurrence le français : autant de prétextes à l'érudition et à l'étude des moyens d'expression et des mœurs des pays ; c'est aussi une exploration de soi. Il reconnaît sa propre enfance dans celle de Stendhal, Dickens, Leopardi, Butler. La pratique du journal intime même qu'il tient en une langue étrangère à celle de son lieu de passage constitue une fuite non pas vers un pays imaginaire, mais à la recherche d'une liberté de réflexions, de mondes sensibles qu'il peut étudier librement, recréer à volonté par la perfection du style, la magie de la parole, la sienne et celle d'autrui.

Portrait de l'artiste comme père enfantin

Paradoxe de l'enfance également, car, fils de vieux, le père, propriétaire de la source Saint-Yorre, meurt tôt et de santé fragile, suffoqué par une mère couveuse et cabotine, au lieu de s'évader vers le conte de fées un peu à l'instar d'un Alain-Fournier, ou même vers ce plus haut domaine de fantaisie qu'est la féerie romanesque, Larbaud profite de tous les éléments et de tous les moments de sa vie d'enfant déchu et y revient constamment. Mais ce n'est ni pour soupirer ni pour s'en plaindre précisément. Chez lui, déjà au moment de l'action ou de la pensée, on est placé sur les bords du passé, le regret s'encadrant avec l'évocation. Ainsi, dans les meilleures des Enfantines – son chef-d'œuvre sans doute, avec Beauté, mon beau souci 1923 et certaines pages de son roman Fermina Márquez 1911 et d'autres recueils Aux couleurs de Rome, 1938, Jaune, bleu, blanc, 1927, par exemple –, le point de vue sur l'enfance n'est pas purement nostalgique et donc d'un déterminisme facile ; la tristesse fait partie du bonheur et celui-ci ne peut pas s'en séparer.

La pratique des jeux

L'application patiente qu'on remarque chez Larbaud, il l'exerce aussi dans tous les jeux qu'il entretient, ceux qui sont légendaires comme ses collections de soldats de plomb, de fanions, de livres, et le culte qu'il voue aux femmes, à la bonne chère, à l'élégance vestimentaire, ceux qu'il a tenu plutôt à pratiquer discrètement sa conversion en 1910 au catholicisme dont il gardait le secret, et pas seulement à cause de sa mère, protestante. Le paradoxe des jeux, c'est le maintien d'un équilibre entre le sérieux et le côté festin, entre la passion et la disponibilité, la ferveur spirituelle et un certain amoralisme, une générosité sans borne et un égoïsme foncier. Par contre, l'entrée au mariage, comme à la vraie guerre – celle d'Europe ou celle des classes –, c'est la frontière d'un pays qu'il refuse de franchir.

[size=SIZE]Surtout, pas d'histoire ! [/size]

Son domaine de prédilection, c'est ce jeu plus précaire qu'est la grâce entrevue et ressentie à l'éveil de la fille à cet instant où elle devient femme Portrait d'Éliane à quatorze ans, de l'adolescent éprouvant son premier malheur sentimental, Fermina Márquez, du jeune amant hésitant tendrement au bord de la rupture afin de préserver, à contrecœur, sa liberté, Amants, heureux amants. Car, pour Larbaud, la littérature, jamais un ²métier, est avant tout le plus haut lieu pour jouer. En effet, l'écrit qui lui réussit et qui le caractérise le mieux n'est pas Barnabooth, plein d'un jeune mysticisme dostoïevskien un peu trop étoffé et traînant, c'est le genre court : nouvelle, pages détachées de journal, monologue intime, essai à l'anglaise, genre carrément hybride mêlant la fiction à la vie personnelle, le récit à la formulation d'un moi narratif. Très exactement, c'est un effort pour créer ce rapport avec son lecteur qui mime l'intimité d'une rencontre secrète et profonde. Et la durée est essentielle : Larbaud doit pouvoir récrire son œuvre d'un seul trait et nous, la lire de même.

Découvrir des anges

D'où sa préoccupation de style et de technique. Car l'élément le plus paradoxal chez Larbaud est sans doute cette ouverture sur la jeune littérature, une assurance quant à la direction de son évolution, un doigté infaillible pour en tirer le plus grand profit sans excès et pour veiller à son assimilation. D'un côté, c'est à Larbaud qu'on doit la découverte de Joyce et le premier essai sur Ulysse, Svevo, et dans une certaine mesure Faulkner, ainsi que la redécouverte de toute une série de poètes français des périodes antérieures. Mais, surtout, certains aspects de ses propres ouvrages sont en eux-mêmes innovateurs.
Puisque c'est l'ambiance d'un lieu, d'un état de composition qu'il veut communiquer et non pas une intrigue, des personnages, ou une description psychologique proprement dite, Larbaud a créé un style qui lui permet, par le moyen d'un monologue intérieur infiniment modulé, divers, nuancé, de suggérer l'érotisme innocent chez les enfants, cette arabesque ambiguë qui caractérise la période de l'adolescence, comme tous les moments de modification et d'indécision. Ce n'est pas seulement décrit ; on en ressent l'état un peu frémissant dans la lecture, tout en apercevant en même temps en filigrane le fond de modèles anciens.
Réunissant l'analyse et le lyrisme, la vie contemplative et un moment antérieur de participation et d'inconscience, une nostalgie désabusée et une naïveté trompeuse, Larbaud, écrivain, critique, traducteur, s'achemine sous le signe de saint Jérôme comme sur un vaisseau de Thésée, moins préoccupé par l'originalité que par la justesse de la forme, de la parole et du ton : " ... belle et noble image de... l'Homme dont toute la substance se renouvelle en sept ans. On l'avait si souvent réparé au cours des siècles, qu'il n'y avait en lui plus un clou, plus une planche, qui n'eussent été plusieurs fois remplacés. Mais c'était encore le vaisseau de Thésée, sa forme, son histoire, l'idée qui y demeurait attachée. "

L'œuvre de Larbaud est d'une seule pièce, comme un petit jardin public d'un vieux quartier et bien entretenu quoique d'aspect désuet, où l'on peut entrer pour se promener dans tous les sens. Larbaud, lui, est situé, par rapport à ce jardin, derrière la fenêtre d'une chambre d'hôtel avoisinant ou dans le compartiment d'un train qui passe. Cette configuration lui permet de voir le reflet de sa propre image en même temps que le dehors.
Et, par une complicité subtile, il parvient à faire partager à son lecteur cette perspective.

La pudeur d'un homme de lettres exemplaire

Il a toujours existé un peu à l'ombre de Gide et d'autres auteurs, vedettes de la scène littéraire ou, comme Jean Paulhan, jouissant d'un prestige certain. Servant Gallimard comme expert en littératures étrangères, Larbaud s'est contenté d'un rôle de second plan. Atteint d'aphasie, dès 1935 il a dû cesser d'écrire ; il avait déjà presque pressenti l'état de passivité muette par lequel il achèverait cette carrière sur le mode mineur.
Et cependant, c'est en nombre constant que certains happy few apprécient et font valoir les qualités de la sensibilité unique de cette œuvre, ce qui semble assurer sa survie et sa curieuse importance. C'est finalement une juste mesure de lui-même et de la nature de ses préoccupations, plus que sa seule modestie personnelle, qui a amené Larbaud à concevoir ainsi ses écrits et à les réaliser avec tant de perfection.

Il meurt à Vichy en 1957, sans descendance.
Grand lecteur, grand traducteur, Larbaud s'était entouré de livres qu'il avait fait relier selon leurs langues : les romans anglais en bleu, les espagnols en rouge, etc.
Son roman Fermina Márquez, consacré aux amours de l'adolescence et souvent comparé au Grand Meaulnes d'Alain-Fournier et obtient quelques voix au Goncourt en 1911.

Œuvres


Poèmes par un riche amateur (1908).
Fermina Márquez (1911)
A.O. Barnabooth (1913)
Ode (1913)
Enfantines (1918)
Beauté, mon beau souci... (1920)
Amants, heureux amants (1921)
Mon plus secret conseil... (1923)
Ce vice impuni, la lecture. Domaine anglais (1925)
Allen (1927)
Jaune bleu blanc (1927)
Caderno (1927), illustré par Mily Possoz
200 chambres, 200 salles de bains, illustré de 10 gravures au burin par Jean Émile Laboureur, La Haye, J. Gondrexon éditeur, 1927 ; réédition Éditions du sonneur (2008)
Notes sur Racan (1928)
Aux couleurs de Rome (1938)
Ce vice impuni, la lecture. Domaine français (1941)
Sous l’invocation de saint Jérôme (1944)
Une Nonnain, (1946), frontispices et bandeaux de Maurice Brianchon
Le Vaisseau de Thésée, (1946), frontispices et bandeaux de Maurice Brianchon.
Lettres à André Gide (1948)
Chez Chesterton (1949)
Ode à une blanchisseuse (1949)
Journal inédit (tome I, 1954 ; tome II, 1955) Édition définitive, (2009)
Du navire d'argent, (2003)
Les principaux textes de Valery Larbaud ont été rassemblés dans la collection « La Pléiade » des éditions Gallimard (un tome, 1957, réédition 1984).

Hommages

Le prix Valery-Larbaud, créé en 1967, est décerné en mai ou en juin à Vichy ; il est attribué à l'auteur d'un livre que Larbaud aurait aimé lire, par l'Association internationale des Amis de Valery Larbaud.
La médiathèque Valery-Larbaud de Vichy a été ouverte en 1985. Elle conserve son mobilier et sa riche bibliothèque personnelle Valéry-Larbaud dans le 13e arrondissement de Paris.
Le lycée professionnel Valery-Larbaud, situé à Cusset, a été inauguré en janvier 2000




ODE

Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce,
Ton glissement nocturne à travers l'Europe illuminée,
O train de luxe! et l'angoissante musique
Qui bruit le long de tes couloirs de cuir doré,
Tandis que derrière les portes laquées, aux loquets de cuivre lourd,
Dorment les millionnaires.
Je parcours en chantonnant tes couloirs
Et je suis ta course vers Vienne et Budapesth,
Mêlant ma voix à tes cent mille voix,
O Harmonica-Zug!

J'ai senti pour la première fois toute la douceur de vivre,
Dans une cabine du Nord-Express, entre Wirballen et Pskow.
On glissait à travers des prairies où des bergers,
Au pied de groupes de grands arbres pareils à des collines,
Étaient vêtus de peaux de moutons crues et sales...
(Huit heures du matin en automne, et la belle cantatrice
Aux yeux violets chantait dans la cabine à côté.)
Et vous, grandes places à travers lesquelles j'ai vu passer la Sibérie et les monts du Samnium,
La Castille âpre et sans fleurs, et la mer de Marmara sous une pluie tiède!

Prêtez-moi, ô Orient-Express, Sud-Brenner-Bahn, prêtez-moi
Vos miraculeux bruits sourdset
Vos vibrantes voix de chanterelle;
Prêtez-moi la respiration légère et facile
Des locomotives hautes et minces, aux mouvements
Si aisés, les locomotives des rapides,
Précédant sans effort quatre wagons jaunes à lettres d'or
Dans les solitudes montagnardes de la Serbie,
Et, plus loin, à travers la Bulgarie pleine de roses...

Ah! il faut que ces bruits et que ce mouvement
Entrent dans mes poèmes et disent
Pour moi ma vie invincible, ma vie
D'enfant qui ne veut rien savoir, sinon
Espérer éternellement des choses vagues.

Valéry LARBAUD (1881-1957)
A.O Barnabooth, ses oeuvres complètes, 1913.


Liens
http://youtu.be/gZXG8PKOIf4 Ina sa vie
http://youtu.be/5gKWJ8wWmv0 L'herne
http://youtu.be/NFhsKgHzCu0 Amants heureux amants
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Posté le : 01/02/2014 15:26
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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